République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 27 février 2003 à 17h
55e législature - 2e année - 5e session - 21e séance
IU 1371 et objet(s) lié(s)
M. Souhail Mouhanna (AdG). Mesdames et Messieurs les députés, j'ai deux interpellations urgentes; elles s'adressent toutes deux à Mme Martine Brunschwig Graf, la première en sa qualité de responsable du département des finances.
Cette interpellation concerne les informations qui sont diffusées actuellement et dont notre parlement a fait état tout à l'heure, concernant les finances de la République et canton de Genève. On nous dit que les comptes vont être mauvais par rapport aux prévisions, et certains ici ont d'ailleurs proposé ou imaginent qu'il va falloir revoir le budget 2003, dans le sens - évidemment ! - d'une diminution des dépenses. Et quand on entend «diminution des dépenses», on imagine bien ce qu'ils profilent comme mesures anti-sociales... (Protestations.)...au niveau de notre Etat. Cela ressemble en réalité à une espèce de préparation psychologique, pour essayer de faire accepter par la population et notre parlement un certain nombre de mesures anti-sociales dans un certain nombre de domaines, et pour s'attaquer à l'Etat social et aux services publics.
Je pense que ce qui a été dit tout à l'heure par rapport aux comptes mérite tout de même qu'on interroge le Conseil d'Etat. Ma question est la suivante: à supposer que les comptes soient déficitaires de quelques dizaines de millions - admettons que le chiffre de 50 millions qui avait été articulé tout à l'heure et dont une certaine presse a fait état soit exact - cela signifierait-il qu'il faille absolument revoir le budget 2003 ? N'y a-t-il pas, Madame la conseillère d'Etat, suffisamment de provisions ? D'ailleurs, les comptes très largement bénéficiaires sous la conduite de Mme Micheline Calmy-Rey ont permis de mettre de côté plusieurs centaines de millions. Nous le savons, il a été dit que ces provisions offriraient une réponse au cas où la conjoncture serait modifiée. Y a-t-il donc vraiment une nécessité de revoir le budget 2003 ?
Dans la situation économique décrite tout à l'heure, on veut nous faire pleurer sur les millionnaires, alors qu'on sait très bien que ceux qui souffrent le plus de cette situation, ce ne sont pas les millionnaires, mais ceux qu'on met au chômage, ceux dont on réduit les salaires, tous les cas sociaux dont on entend parler aujourd'hui et que le département de M. Unger doit prendre en charge. C'est, de manière générale, l'Etat qui doit réparer les dégâts causés par ceux qui ont pratiqué une politique imprévoyante et irresponsable sur le plan économique, ceux qui voudraient que l'Etat soit géré comme une entreprise cotée en bourse. Je pense qu'au contraire le Conseil d'Etat doit utiliser tous les moyens qui permettent à l'Etat d'assumer ces tâches. Ma deuxième question est la suivante: concernant les bordereaux qui ne sont pas encore envoyés. Est-ce que, lorsqu'elles auront été récoltées, ces taxes vont-t-elle figurer dans les comptes 2002 ?
Ma deuxième interpellation s'adresse à Mme Brunschwig Graf en sa qualité de cheffe du département de l'instruction publique. (L'orateur est interpellé.)En effet, Mme Brunschwig Graf a beaucoup de qualités.
Le président. Il vous reste deux minutes, Monsieur le député, ne perdez pas de temps !
M. Souhail Mouhanna. Madame la conseillère d'Etat, il y a quelques mois, dans le cadre d'une interpellation urgente, je vous ai posé une question concernant la suppression de la formation en emploi à l'école d'ingénieurs HES. Vous aviez répondu que non, ce n'était pas supprimé, que vous alliez faire en sorte que cette formation continue, à quelques conditions, dont la principale était une douzaine d'inscriptions au minimum. J'apprends aujourd'hui, Madame la conseillère d'Etat, que le directeur de cette école a donné des directives à l'administration pour refuser toute inscription pour la formation en emploi, et que celle-ci pourrait reprendre plus tard, lorsque la formation modulaire sera introduite. Or, Madame la conseillère d'Etat, vous savez très bien que même dans la Déclaration de Bologne - que je désapprouve au plus haut point, comme vous le savez - on va introduire les formations modulaires. On veut les introduire un peu partout, dans les HES et ailleurs. Allez-vous aussi interrompre la formation dans les universités, en attendant que les formations modulaires soient introduites ? Je trouve que derrière cette décision se cache une volonté très nette de ne pas appliquer les principes de la démocratisation des études, qui permettent aux gens qui travaillent de suivre une formation. Ces formations sont utiles à notre société, je trouve donc votre décision inadmissible et attends de votre part que vous respectiez l'engagement que vous aviez formulé il y a quelques mois. (Applaudissements à la tribune.)
Le président. La parole est à Mme la conseillère d'Etat Brunschwig Graf, qui va répondre à la première interpellation urgente de M. Mouhanna concernant les finances. Je rappelle à la tribune qu'elle ne doit pas manifester. (Protestations de M. Pagani.)Parfaitement, Monsieur Pagani, vous le savez fort bien. Madame la conseillère d'Etat, vous avez la parole.
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Monsieur le député, je vais répondre à la première question, puis à la deuxième sur le fond, puisque vous avez cité le directeur de l'école et les décisions qu'il a prises, or je rappelle que les directeurs prennent des décisions et que je dois les vérifier.
J'ai, pour la première question, quelques informations complémentaires à donner. S'agissant des provisions, je rappelle que, pour les comptes de l'Etat de Genève, les provisions sont pour la plupart destinées à des risques bien précis. Je parle ici de la provision pour débiteurs douteux et créances irrécouvrables, par exemple, et de celle concernant les pertes de la Fondation de valorisation. Il s'agit là d'exemples qui constituent en matière de provisions pour l'Etat de Genève des montants extrêmement importants. Il nous reste en fait deux provisions dont on peut parler et dont vous parlerez certainement. L'une se monte à 50 millions environ, c'est la provision postnumerando, c'est-à-dire celle qui a été faite dès lors qu'il y avait une difficulté à évaluer convenablement ce qu'il en était par rapport aux estimations de la première année ou postnumerando 2001; l'autre est la réserve dite réserve conjoncturelle, qui a été faite et, de mémoire, doit s'élever à 30 ou 40 millions - je rappelle que nous n'avons guère vécu que deux années durant lesquelles nous avons alimenté la réserve conjoncturelle. Cela implique de savoir que nous ne pouvons pas, au fil des années, dissoudre des provisions pour autre chose que ce à quoi elles doivent être affectées. Nous pouvons décider en revanche de ne pas reconstituer certaines provisions, de ne pas verser davantage dans certaines provisions - et j'ai d'ores et déjà examiné cette possibilité - pour ne pas aggraver davantage les comptes 2002.
Au-delà de cela se pose la question du budget 2003. L'analyse qui a été faite doit être complétée, pour la raison suivante: il y a une différence entre constater que ce sont des débordements de nature conjoncturelle qui entraînent un déficit, et remarquer des signes de nature plus structurelle comme, par exemple, si l'on retrouve dans les dépenses faites en 2002 des différences qu'il faudra intégrer ensuite dans le budget 2003 et les années suivantes. Cela n'est pas la même chose et mérite une analyse. De la même façon, il s'agit d'isoler, dans le manque à gagner des recettes 2002, ce qui est du domaine de 2002 et du domaine de 2001. Et je rappelle à cet égard que vous avez tous voté gaillardement un allégement des familles, pris en charge de façon complète sur 2002, pour plus de 90 millions. Cela a été voté à ma connaissance à l'unanimité de ce Grand Conseil et du peuple enthousiaste. Cela signifie que l'analyse qui doit être faite doit être assez fine pour déterminer ce qui est du domaine conjoncturel et ce qui est du domaine structurel. Et j'aimerais vous rappeler qu'il s'agit aussi de faire le plan financier quadriennal, puisque nous devrons le fournir à l'institut chargé du rating de l'Etat. C'est donc dans ce cadre-là qu'il s'agit de savoir ce qu'il faut faire et ce qu'il ne faut pas faire.
Monsieur le député, je dois en vérité dire une chose qui n'est pas plaisante mais qui est une réalité: si dans la durée, il devait y avoir une grande différence dans l'accélération des dépenses des rubriques 30, dépenses de personnel, et 36, subventions, par rapport à la rubrique 40, celle des impôts, et si ces deux courbes devaient s'écarter et pour une longue durée de façon dangereuse, nous ne discuterions pas d'un problème conjoncturel à régler par une réserve qui va vite se vider. C'est ça, notre problème. Et je rappelle que les dépenses 2002 produiront en dépenses de personnel une augmentation de 7%. S'agissant des recettes, vous ne verrez pas le même pourcentage. La question est de déterminer, sur les années suivantes, comment la courbe va se comporter. C'est pour cela que je réponds avec prudence, en sachant pertinemment qu'il faut faire grande attention, mais que nous ne pourrons pas tolérer - ni vous ni nous - qu'il y ait dans la durée une discrépance importante. La croissance des recettes qui a été obtenue par le gain de productivité de l'administration fiscale ne réapparaîtra pas une deuxième fois.
J'aimerais dire aussi que je ne supporterai pas pendant mes mois d'intérim le soupçon qui a pu circuler dans cette enceinte de façon indirecte. Ce n'est pas ma couleur politique qui va déterminer le résultat des comptes. Je l'ai dit clairement tout à l'heure, et c'est mettre en doute l'honnêteté des personnes que de penser qu'il puisse en être autrement. Nous avons besoin d'objectivité, nous avons besoin de compétences, l'administration les fournit, et moi je cherche à les respecter.
L'interpellation urgente 1371 est close.
Le président. Merci, Madame Brunschwig Graf. Voulez-vous répondre brièvement à la seconde interpellation de M. le député Mouhanna ? Le Conseil d'Etat a droit, comme les députés, à trois minutes, or vous en avez déjà utilisé plus de six...
Mme Martine Brunschwig Graf,conseillère d'Etat. Monsieur le président, je vais devoir m'en aller dans trois minutes, mais je sais que les personnes présentes à la tribune attendent de ma part un engagement que va prendre à ma place mon collègue Pierre-François Unger. Mais comme vous parlez, Monsieur Mouhanna, d'engagement et de promesse, ce que j'ai dit, je le redis aujourd'hui: il s'agit effectivement de mettre en place une formation modulaire - nous l'avons déjà dit - et la question est de savoir quand elle sera prête et quand elle débutera. La reconnaissance pour l'école d'ingénieurs est soumise - vous le savez - à un certain nombre de réserves, ou plutôt de recommandations. Dans ces recommandations figure le fait que la formation en emploi soit complètement revue, pour qu'elle puisse être intégrée et puisse fonctionner correctement. Le deuxième problème est de définir le nombre d'étudiants qui pourront y participer. J'ai dit deux choses très claires: la première, c'est que pour l'ouverture, il fallait un certain nombre d'étudiants - et nous parlions de la dernière rentrée, pas de celle qui vient; la deuxième, c'est qu'il s'agissait de mettre en place rapidement une formation modulaire. Sur ces deux points, en 2002, à ma connaissance, on a fait l'effort nécessaire. Il s'agit maintenant de terminer le travail sur la formation modulaire.
L'interpellation urgente 1372 est close.
Le président. Il sera répondu demain à ces interpellations urgentes.