République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 13 décembre 2002 à 8h
55e législature - 2e année - 3e session - 11e séance -autres séances de la session
Le président. La séance est ouverte à 8h, sous la présidence de M. Bernard Lescaze, président.
Assistent à la séance : Mmes et MM. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat, Robert Cramer, Martine Brunschwig Graf, Carlo Lamprecht, Micheline Calmy-Rey, Micheline Spoerri et Pierre-François Unger, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance : Mmes et MM. Caroline Bartl, Christian Brunier, Erica Deuber Ziegler, John Dupraz, Christian Grobet, Dominique Hausser, André Hediger, René Koechlin, Nicole Lavanchy, Christian Luscher, Blaise Matthey, Pierre Schifferli, Jean Spielmann, Alberto Velasco, députés.
Procès-verbal des précédentes séances
Le président. Le procès-verbal de la session des 28 et 29 novembre 2002 est adopté.
Discussion et approbation de l'ordre du jour
Le président. Vous avez sur vos tables le texte de la procédure de débat sur le budget 2003. Je vous informe que le point 16, projet de loi 8602-A, crédit d'investissement pour le système d'information de la santé, sera traité à la fin du chapitre «Département de l'action sociale et de la santé».
Par ailleurs, contrairement à ce qui figure dans le tiré à part, l'auteur du rapport sur le projet de loi 8838-A est bien de Mme Mariane Grobet-Wellner et non de votre serviteur.
Le Conseil d'Etat nous a demandé de traiter en urgence, après le budget et l'initiative 119, le projet de loi 8841, contrat de prestation des TPG. Je vous rappelle que les urgences ne font l'objet d'aucun débat, je mets donc cette proposition au voix immédiatement. Madame Ruegsegger, vous voulez prendre la parole ? Je vous prie de ne pas ouvrir un débat sur cette demande de traitement en urgence.
Mme Stéphanie Ruegsegger(PDC). Je demande simplement que si ce traitement en urgence est accepté, nous traitions en même temps le point 82, PL 8884.
M. Rémy Pagani(AdG). J'aimerais pouvoir m'exprimer sur la demande de Mme Ruegsegger, mais si vous le souhaitez, je le ferai tout de suite après le vote, Monsieur le président.
M. Jean Rémy Roulet(L). A l'instar de Mme Ruegsegger, j'aimerais demander que les point 82, 83 et 88 soient traités avec le contrat de prestation des TPG. Ces objets font partie d'un même débat et le groupe libéral estime qu'il faut les joindre à la demande de traitement en urgence.
Le président. Nous prenons note que le groupe PDC et le groupe libéral souhaitent ajouter au point 16, traité en urgence, les points 82, 83 et 88. Je mets aux voix cette proposition.
Mise aux voix, cette proposition est adoptée par 25 oui, 23 non et 1 abstention.
M. Jean Rémy Roulet(L). J'aimerais m'exprimer sur la demande de M. Roulet visant à joindre au traitement du contrat de prestation des TPG, celui des points 82, 83 et 88. Nous débattrons du contrat de prestation des TPG pour l'an prochain, or les motions que M. Roulet entend ajouter relèvent du plan quadriennal des TPG. Je vous propose donc de refuser cet ajout afin que nous ne traitions que le contrat de prestation. (Brouhaha.)
Le président. Nous aurons encore l'occasion de nous exprimer sur ce sujet. (Brouhaha.)Monsieur Pagani vous n'avez pas demandé un vote séparé sur la jonction des points 82, 83 et 88. Cependant, si vous le souhaitez, je mets aux voix cet ajout. Nous votons donc pour savoir si les points 82, 83 et 88 doivent être joints au traitement du contrat de prestation.
Mise aux voix, cette proposition est adoptée par 31 oui, 16 non et 4 abstentions.
Le président. Je signale que le point 10, rapports de la commission des grâces sera traité à 17h. ou du moins immédiatement après le budget. Il n'y a qu'un seul rapport. J'annonce également que le point 68, projet de loi 8866, construction et équipement d'un pavillon provisoire au cycle d'orientation de Bois-Caran, est renvoyé à la commission des travaux.
J'annonce enfin que le point 61, le projet de loi 8787-A, construction de la troisième étape de la maternité et pré-étude de l'aile ouest doit figurer dans l'ordre du jour sous le département de l'aménagement, de l'équipement et du logement, et non pas sous celui de l'action sociale et de la santé.
Communications de la présidence
Le président. Je tiens tout d'abord à féliciter M. Laurent Moutinot qui a été désigné président du Conseil d'Etat. (Applaudissements.)
Par ailleurs, au nom de ce Grand Conseil, nous tenons à présenter nos très vives félicitations à Mme Micheline Calmy-Rey, conseillère d'Etat, élue conseillère fédérale et qui reprend le département des affaires étrangères. (Applaudissements.)Il s'agit d'une chance pour Genève, chance qui suscite, vu les qualités de Mme Calmy-Rey, une espérance. Puisse la nouvelle conseillère fédérale accomplir son mandat avec autant de détermination, voire d'obstination qu'elle en a mis dans l'accomplissement de sa tâche de conseillère d'Etat. Députée durant 20 ans dans ce Parlement. Présidente des commissions des finances, de l'énergie. Présidente du Grand Conseil en 1993, elle a su éviter à son parti de nombreux écueils au cours d'années difficiles. Grand-mère, mais surtout femme de tête, Mme Calmy-Rey apparaît bien comme la forte femme de l'Evangile. Il vous échoit, Madame, ce département des affaires étrangères, nul doute que votre entregent, votre habileté politique et votre fermeté y seront des atouts, comme votre esprit d'ouverture à ce qui est nouveau et à ce qui bouge. Représentant la Confédération, vous serez aussi l'incarnation de l'esprit de Genève, vous y comptez de nombreux et glorieux prédécesseurs. Charles Pictet de Rochemont ou Gustave Ador qui pourraient vous servir d'exemple. Vous saurez en retenir le meilleur. Au nom de ce Grand Conseil que vous avez présidé, je forme mes meilleurs voeux pour la suite de votre carrière fédérale. Bon vent, Madame la conseillère fédérale, face aux tempêtes extérieures qui s'annoncent. (Les députés et le Conseil d'Etat applaudissent debout.)
Correspondance
Le président. Vous avez trouvé sur vos places l'énoncé de la correspondance reçue par le Grand Conseil. Cet énoncé figurera au Mémorial.
Courrier de la Conférence des directeurs de foyers pour étudiants, apprentis et jeunes travailleurs concernant le projet de loi 8885 "en faveur du logement des personnes en formation" (voir pt 70) ( C 1583)
Courrier de la Conférence universitaire des associations d'étudiants concernant le projet de loi 8885 "en faveur du logement des personnes en formation" (voir pt 70) ( C 1584)
Courrier du Rectorat de l'Université de Genève concernant le projet de loi 8885 "en faveur du logement des personnes en formation" (voir pt 70) ( C 1585)
Annonces et dépôts
Le président. La commission d'aménagement du canton nous informe qu'elle désire renvoyer le projet de loi suivant à la commission des affaires communales, régionales et internationales :
Projet de loi du Conseil d'Etat rectifiant les limites territoriales entre les communes de Meinier et de Gy ( PL-8794)
Il en est pris acte.
Mme Esther Alder(Ve). J'aimerais annoncer le retrait du projet de loi suivant:
Projet de loi de Mme et M. Antonio Hodgers, Esther Alder modifiant la loi sur l'exercice des professions ou industries permanentes, ambulantes et temporaires (I 2 03) ( PL-8452)
Il en est pris acte.
M. Rémy Pagani(AdG). Une motion concernant l'augmentation des impôts pour les personnes agées. Mon collègue Ecuyer a procédé à un sondage à l'Avivo et il s'avère qu'un certain nombre de personnes âgées dont le revenu n'a pas augmenté ont vu leurs impôts augmenter. Nous demandons que le Grand Conseil prenne en compte cette problématique aujourd'hui même et mette en place, comme nous l'avions fait cet été, une commission qui examine ce problème et propose des remèdes.
Le président. Monsieur le député, si vous vouliez inscrire ce point à l'ordre du jour de cette séance il aurait fallu le demander au point 4. Nous verrons ce que nous pourrons faire durant le débat sur le chapitre «département des finances».
Je vous indique par ailleurs que les pétitions suivantes sont renvoyées à la commission des pétitions :
Pétition concernant la politique de transfert de technologie du rectorat de l'Université ( P-1420)
Pétition concernant le devenir des HES ( P-1421)
Enfin, la commission des pétitions souhaite renvoyer la pétition suivante à la commission d'aménagement du canton :
Pétition concernant le PL 8836 (limites de zones commune de Versoix) ( P-1418)
Le président. Est parvenue à la présidence la candidature de Mme Anita Frei, présentée par le parti Les Verts en remplacement de notre ancienne collègue Fabienne Bugnon.
Etant seule candidate, Mme Anita Freiest élue tacitement.
Premier débat
M. David Hiler (Ve), rapporteur. Vous avez sur vos tables les derniers chiffres concernant le budget. Les impacts de la modification de la LACI, qui ont été calculés par le département après le dépôt de mon rapport, s'intégreront dans le budget.
Le budget se solde au total par un excédent au fonctionnement de 87 millions: cela est, dirais-je, absolument inespéré dans les circonstances actuelles. Compte tenu des difficultés économiques actuelles tant au niveau mondial qu'en Suisse, compte tenu de l'incertitude pour l'avenir, compte tenu également des difficultés que rencontrent la Confédération ainsi que certains cantons, nous pouvons légitimement être satisfaits de ce résultat. Le taux d'autofinancement passe par ailleurs à 60 %, ce qui, ici encore, est tout à fait remarquable. Nous sommes donc en mesure de voter un budget qui satisfait aux lois - car un budget n'est finalement que la répercussion financière d'un certain nombre de décisions politiques qui figurent dans des lois, les lois étant des lois et non des indications éventuelles - sans pour autant péjorer l'avenir.
Nous devons pour beaucoup cette situation à la méthode utilisée depuis quelques années par le Conseil d'Etat, méthode que l'on pourrait qualifier de «méthode de Calmy-Rey» et qui a consisté à constituer un certain nombre de provisions pendant les périodes de vaches grasses et à doter généreusement - pour ne pas dire plus - ces provisions d'un certain nombre de réserves latentes. Nous nous trouvons donc aujourd'hui devant un bon résultat au niveau de notre budget, alors même qu'un certain nombre de paramètres économiques sont en train de virer au rouge. Il faudra, je crois, s'en rappeler. Pendant quelques bonnes années, il a été mis de l'argent de côté, et nous sommes aujourd'hui bien contents de pouvoir en disposer.
J'aimerais, Mesdames et Messieurs les députés, ajouter deux choses à ce stade du débat. La première est un complément à mon rapport: nous avons, suite à un travail de M. Gautier relativement intéressant sur le plan académique, étudié la question des subventions. Je rendrai hommage à M. Gautier sur ce point au moins, car nos rapports risquent d'être plus tendus aujourd'hui: il est vrai que la question des subventions pose le problème important du consolidé de l'Etat, soit le fait d'avoir une vue d'ensemble incluant notamment l'ensembles des chiffres pour les grandes régies publiques. Pour le moment, nous faisons apparaître les subventions adressées à l'hôpital, aux TPG, à l'hospice, mais nous ne faisons apparaître sous aucune forme l'ensemble de ces chiffres. Vous pouvez tous - ou du moins ceux d'entre vous qui souhaitent réfléchir et proférer un peu moins de sottises - recalculer vous-mêmes ces chiffres; il serait cependant souhaitable de disposer de ces chiffres à moyen terme, je pense que M. Gautier est d'accord sur ce point, soit d'ici deux ans.
Il s'agit donc d'une avance, avance que nous devons également à notre ministre des finances, qui a d'emblée montré l'intérêt de cette démarche.
Pour le reste, Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais rappeler que derrière le livre bleu, derrière les chiffres se trouvent des hommes et des femmes: ceux qui se font soigner à l'hôpital et ceux qui les soignent, des enfants et ceux qui les instruisent, des bâtiments, des gens qu'il faut aider. Il y a également l'argent perçu auprès des contribuables de notre canton, qui souhaiteraient peut-être l'affecter à d'autres voies. Il nous faut donc toujours trancher entre ces besoins, entre ce qui doit être fait et ce qui doit être pris. Dans l'ensemble, ce budget nous paraît répondre de façon équilibrée aux besoins. C'est le budget, je l'ai écrit, du Conseil d'Etat, et non celui de l'Alternative ou de l'Entente, et si certains souhaitent marquer le prochain budget de leur empreinte, ils devront se décider à changer les lois, car c'est par ce biais que l'on intervient en démocratie et c'est par ce biais également que le peuple peut s'exprimer sur d'éventuels changements. Il me semble donc totalement irresponsable aujourd'hui, dans des conditions aussi favorables et pour le dernier budget de Mme Calmy-Rey, de rejeter ce budget, car il nous faudrait alors expliquer qui a mieux à proposer. La majorité, je l'ai écrit, est fragile. J'espère qu'elle s'élargira considérablement au cours de ce débat. Ce budget, Mesdames et Messieurs, était un bon budget avant le passage en commission des finances. C'est maintenant un très bon budget. (Applaudissements.)
Le président. J'ouvre le premier débat sur le projet de loi budgétaire et sur les lois annexes. Chaque groupe dispose de dix minutes pouvant être réparties en deux ou trois interventions.
M. Robert Iselin (UDC). Monsieur le président, vous me donnerez quarante-cinq secondes supplémentaires, car j'ai une petite introduction à faire qui n'a qu'une connexion éloignée avec le budget lui-même.
C'est une situation assez extraordinaire que celle de ce matin, car à ma connaissance jamais depuis la création de l'Etat suisse moderne en 1848 n'avait-on vu un citoyen, et encore moins une citoyenne, déjà assermentée comme membre du gouvernement central, venir défendre un budget cantonal. Aussi bien me plaît-il, en demi-romantique des traditions sur lesquelles ce pays a été construit - et avec quelle solidité! - de voir dans cette démarche l'expression, de la part de la jeune fille de Chermignon, des fidélités qu'a suscitées au cours des âges la cité de Genève. Ceux pour qui les coutumes et usages de notre communauté construite sur le respect de l'autre signifient beaucoup vous savent gré, Madame, du témoignage que vous rendez ainsi à cette République. Monsieur le président, vous pouvez mettre en marche votre satané chronomètre !
Ce préambule ne touche qu'indirectement le sujet principal de notre session, soit le budget de notre communauté. Indirectement car, dans la même veine dont cette introduction est empreinte, l'Union démocratique du centre ne peut que faire part ouvertement de sa déception devant ce qui nous a été proposé. Permettez-moi de le dire à haute et intelligible voix: ce budget est le fruit d'esprits dispendieux, pour ne pas parler de gaspilleurs et de prodigues, prodigues qui, croyez-moi, lors de leur retour ne seront pas traités comme dans une parabole célèbre, avec la même compassion par le Maître, entendez par-là le peuple de ce canton.
Nous avions en effet, depuis quelques années, grâce au sens de l'occasion et à quelques autres qualités qui vous ont permis, Madame la conseillère d'Etat, d'utiliser à bon escient les faveurs de la conjoncture, ce dont il faut vous savoir infiniment gré, nous avions dis-je repris l'habitude de finances menées avec fermeté et, semble-t-il, marquées au sceau d'une certaine parcimonie, ce qui a permis un début de commencement de réduction d'une dette qui est une gigantesque pierre à notre cou.
Et voilà que le budget 2003, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, renferme la perspective de nouveaux emprunts sur le marché, c'est-à-dire d'une réaugmentation de la dette publique.
Certes, l'Union démocratique du centre n'est pas assez sotte pour ne pas réaliser qu'au cours de l'exercice 2003, des efforts particuliers devront être déployés dans divers secteurs, à commencer par celui de la sécurité des citoyens, entendez par-là le renforcement indispensable de la police, par la réorganisation des OPF et par un étoffement de certains services hospitaliers, dans le cadre desquels il convenait notamment d'équilibrer le temps de travail des médecins et assistants, soumis dangereusement à des horaires quasi-démentiels, et de réévaluer les salaires des infirmières, à défaut de quoi on risquait fort de ne plus trouver de collaborateur dans ce secteur, ce qui, soit-dit en passant, démontre de manière éclatante la sclérose qui entache le système de rémunérations des fonctionnaires et employés de l'Etat. Mais on aurait aimé, parallèlement, quelques indices, quelques manifestations même timides, rendues encore plus nécessaires par une conjoncture extrêmement maussade - les recettes fiscales de la Confédération sont en chute libre, le Conseil fédéral propose des coupes sombres dans son budget, et les déclarations d'exportations, autre indice, subissent une forte baisse - d'une volonté de procéder à des économies. A part les efforts déployés par la présidente du département des finances, dont le désir d'introduire le cash-poolingest une belle illustration, le député moyen que je suis cherche en vain les signes d'une telle volonté.
Et sur ce chapitre, je dois m'inscrire en faux contre l'opinion reflétée dans le rapport général de notre collègue David Hiler, au demeurant splendidement rédigé, comme on pouvait s'y attendre d'un membre du corps professoral de notre Alma Mater, qu'il incomberait aux députés qui réclament des économies de faire des propositions concrètes dans ce sens. Au risque de me répéter - mais bis repetita placetdisaient déjà les Romains - il faut rappeler que le Grand Conseil est ici pour exprimer par sa majorité des désirs, une volonté politique, et qu'il incombe au gouvernement de les traduire dans la réalité. Et ceci est encore plus vrai quand le peuple, grâce à la démocratie directe, transmet un message clair et net, ce qu'il a fait l'an dernier en matière d'économies et ce que ne fait d'ailleurs par toujours ce parlement, par exemple en octroyant un crédit substantiel - 1 million de francs ! - à ce machin qu'est le conseil économique et social, présentement en état de liquéfaction ! Or, force est de constater que rien n'est fait dans ce sens.
Aussi bien les députés, lesquels sont par rapport à l'appareil étatique des gens du dehors, n'ont-ils plus d'autre possibilité, lorsqu'ils entendent que les finances de l'Etat soient convenablement menées, que celle de s'attaquer au menu qu'on leur sert, c'est-à-dire à la littérature volumineuse et à la débauche de chiffres qu'on leur fournit, je veux dire par là le projet de budget dans lequel, excusez-moi, ils pataugent allègrement. Vain exercice, car lorsqu'ils croient avoir trouvé une subvention qui pourrait être supprimée, le député de service reçoit une lettre - oh fort polie - du conseiller d'Etat concerné qui lui expose sans autre forme de procès que «cela n'est pas possible». Point.
La situation était bloquée à ce point que la majorité de la commission des finances s'est finalement décidée à demander l'envoi de la lettre que vous savez, laquelle a été partiellement entendue.
Du point de vue de l'Union démocratique du centre, il reste qu'une véritable volonté de réformer le système semble faire totalement défaut, ce qu'il faut vivement regretter, car si nous considérons que des efforts financiers et d'étoffement de l'armature doivent être déployés dans certains secteurs - sécurité, efficacité du système judiciaire OPF comprises, protection des anciens et des handicapés, qualité de nos services de santé, éducation scolaire et universitaire de haut niveau - nous considérons également que l'accent doit être mis sur l'efficacité de l'appareil administratif et de toute la hiérarchie étatique et que, pour l'instant, tel ne semble pas être le cas, ce qui pose ouvertement la question d'une cour des comptes au sens large du terme.
Au vu de cette analyse qui est la sienne, l'Union démocratique du centre n'est pas à même d'approuver le présent budget, vis-à-vis duquel elle s'abstiendra, ou qu'elle refusera le cas échéant. (Applaudissements.)
Le président. Vous avez pratiquement épuisé le temps de parole de l'UDC.
M. Jean-Marc Odier (R). Permettez-moi tout d'abord, au nom du groupe radical, d'apporter à Madame la conseillère fédérale nos vives félicitations pour cette brillante élection. Nous sommes convaincus que vous saurez défendre les intérêts de Genève comme vous avez su mener le département des finances de Genève et redresser les finances publiques.
Malgré les modifications apportées au cours des travaux de la commission des finances, le budget qui nous est soumis aujourd'hui est encore bien trop lourd pour rejoindre l'ensemble des paramètres d'un budget tel que nous pourrions le concevoir idéalement. Pour être fort, l'Etat ne doit pas nécessairement, comme cela est le cas aujourd'hui, être gigantesque, tentaculaire, excessivement coûteux et financièrement immaîtrisable. De 1982 à 2003, l'inflation a augmenté de 51 %, la population de 17 %. En appliquant ces augmentations de taux au budget 1982, le budget 2003 devrait atteindre 4,2 milliards, et non pas 6,5 milliards.
L'actuel processus budgétaire n'est plus adéquat. Il demande aux politiciens de milice de contrôler la justification et l'évolution de 6,5 milliards de dépenses d'un Etat employant trente mille collaborateurs. Plus la commission des finances examine dans le détail le budget, moins il lui est possible de maîtriser efficacement les dépenses. Le projet de loi radical de frein aux dépenses, imposant au Conseil d'Etat un objectif budgétaire, n'a rencontré d'écho favorable pour l'instant que de l'UDC et d'une partie des libéraux. Mais l'idée a fait son chemin: en effet, sur une proposition excellente du député Pierre Weiss, la commission des finances a demandé expressément au Conseil d'Etat une réduction des charges de 1 %. Au-delà du chiffre, c'est le mécanisme par lequel le Grand Conseil fixe un objectif à atteindre par le Conseil d'Etat qui mérite d'être relevé et qui représente à nos yeux un début dans la manière de gérer raisonnablement les finances du canton.
Quant à l'exercice 2003 en lui-même, Mme Calmy-Rey a relevé sa satisfaction de revenir à des recettes qui augmentent plus que les charges. Ce principe nous semble être un principe élémentaire que nous traduirions un peu différemment: l'Etat ne doit tout simplement pas dépenser plus que ce qu'il reçoit. Or, l'économie n'est pas en phase de croissance et un doute sérieux plane sur les rentrées fiscales 2003, qui nous inquiètent d'ailleurs fortement. De plus, le différentiel positif du taux d'augmentation des charges et des recettes que relevait Mme Calmy-Rey n'est obtenu qu'en prenant en considération une diminution de 60 millions de la charge de l'intérêt passif. Une partie seulement de la dette profite d'un taux fixe. Une augmentation des taux pourrait péjorer nos charges en 2003 déjà. Ces 60 millions ne représentent à nos yeux qu'une réduction artificielle dont l'avantage financier momentané n'aurait pas dû servir à augmenter les charges que l'on sait pertinemment être inscrites pour le long terme. Les provisions sont,elles aussi, utilisées à tort pour financer des augmentations de charges à long terme, alors que les dissolutions de provisions ne devraient par définition intervenir que lorsque survient une difficulté momentanée.
Au-delà de cet avis critique sur l'évolution globale de l'Etat, nous estimons justifiés les efforts consentis dans des domaines très précis de l'enseignement, de la justice et de la santé. Nous constatons avec satisfaction que la méthode de travail employée par la commission des finances va dans le sens de ce que nous avions proposé.
Après une discussion très ouverte au sein du groupe radical et après avoir sérié les priorités dans les différents critères d'appréciation, c'est une volonté unanime qui nous a ralliés, celle que notre canton avance, qu'il puisse développer sa politique pour la Genève de demain. En conséquence, nous entrerons en matière sur le budget 2003, mais réserverons notre acceptation en dernier lieu au statu quodes dépenses ainsi qu'au report de toute éventuelle nouvelle recette au résultat de l'exercice.
Mme Morgane Gauthier (Ve). Le groupe des Verts votera ce projet de budget 2003 tel qu'amendé en commission par le Conseil d'Etat. La première raison pour laquelle nous appuyons ce budget est qu'il s'oriente vers le futur à moyen, voire à long terme: les prestations sociales restent intactes et les actions dans le domaine de la protection de l'environnement sont en très nette augmentation. L'avenir n'est donc pas compromis avec un tel équilibre. Les charges augmentent par ailleurs moins vite que les recettes.
Concernant vos déclarations, je tiens à vous rappeler, Monsieur Iselin, vous qui parlez de désirs et de souhaits, que le Grand Conseil vote des lois, lois dans lesquelles s'inscrit le budget. A partir de là, si vous souhaitez toujours mener une politique du plaisir ou du désir - nous ne partageons pas du tout le même avis sur ce qu'est le désir, je vous rassure ! - il vous faut changer la loi ! Vous ne nous avez proposé aucune amélioration de ce budget en commission, aucune proposition d'économie. Je suis donc très étonnée par la déclaration que vous venez de formuler, la seule proposition que vous aviez faite étant de déposer une motion demandant une réduction de 200 millions, motion qui a été refusée par notre Grand Conseil.
Poursuivons: le volume d'investissements est certes élevé, mais il est nécessaire, car la population - et par conséquent les besoins - augmentent. Quant à la construction d'EMS, elle est, au vu du vieillissement de la population, plus que nécessaire et clair.
Les amendements du Conseil d'Etat ne sont pas vraiment à notre goût. Je citerai par exemple le report de l'engagement dans la classe de fonction à six mois ou encore la baisse d'un million sur le fonds de solidarité. Ce budget est cependant un budget de consensus, et nous le voterons tel quel.
Pourquoi les Verts continuent-ils à voter un budget tel quel ? Parce qu'il commence à regarder vers l'avenir, c'est-à-dire vers le développement durable. Nous en sommes toutefois bien loin, et il reste encore quelques pas à franchir pour aller dans la direction que nous souhaitons: nous désirons notamment une politique plus claire concernant l'intégration des personnes à mobilité réduite et l'augmentation de la qualité de vie des citoyens - par exemple par la diminution de la pollution sonore dramatique dans notre ville en luttant à la source. Je tenais à conclure en mentionnant quelques sujets à creuser pour que nous appuyions de manière unanime ce budget, que nous voterons en tous les cas.
Je tiens pour finir à formuler, au nom du groupe des Verts, tous mes voeux de bonheur à Mme Calmy-Rey dans ses nouvelles fonctions.
Mme Mariane Grobet-Wellner (S). Je tiens tout d'abord à féliciter, à rendre hommage et à remercier Mme Calmy-Rey pour le travail acharné qu'elle a fourni durant ces cinq dernières années au département des finances. Nous disposons aujourd'hui d'instruments efficaces de projections budgétaires et nous sommes en mesure d'établir un budget sur des bases infiniment plus solides que par le passé. Ces efforts, je le rappelle, ont permis non seulement de mettre fin à ce que l'on appelait les budgets «cosmétiques», mais également de ne plus avoir l'impression de voter un budget la tête dans le sac.
Ce budget 2003, que nous sommes appelés à voter aujourd'hui, est le résultat d'un nombre d'heures impressionnant de séances de travail à la commission des finances. Il concrétise une volonté de la majorité de la commission de contenir, dans la mesure du possible, l'augmentation des dépenses de fonctionnement à celle des recettes, ce qui n'était pas le cas dans le projet initial tel que présenté par le Conseil d'Etat. Au départ, ce sont surtout les radicaux, les libéraux et l'UDC qui ont exprimé leur vive désapprobation face à l'augmentation des charges et leurs forts doutes quant à la justesse de l'estimation des recettes fiscales 2003. Celle-ci leur paraissait trop optimiste. Suite à ceci, nous avons eu droit à quelques déclarations musclées des députés de l'Entente sur le thème avec variations «Coupons les dépenses quasiment partout». Nous avons parfois eu l'impression d'assister à une danse de sioux autour de ce budget de la part des députés de l'Entente. (Brouhaha.)Puis nous avons pu passer aux choses plus sérieuses, soit l'examen du budget 2003 département par département.
Les socialistes se sont déclarés disposés à voter un budget 2003 avec une augmentation de charges dépassant légèrement - soit de 1 % - celle des recettes dans la mesure où l'augmentation de ces dépenses de fonctionnement s'avérait correspondre à des besoins réels, accrus et justifiés de la population comme dans les domaines de l'enseignement, des soins hospitaliers et des transports. De plus, l'augmentation des charges était en partie consécutive au respect des accords passés avec le personnel de l'Etat et l'application des mécanismes salariaux.
C'est d'ailleurs en examinant le budget 2003 département par département que les députés de l'Entente se sont rendues compte de leurs difficultés à proposer des coupes concrètes et importantes sans mettre en péril les prestations dues à la population et, partant, la cohésion sociale de notre canton. Ce constat a abouti à la fin du mois d'octobre, après six semaines de travail, à une demande de la part de la majorité de la commission au Conseil d'Etat de ré-examiner les besoins 2003 de la population, l'exercice ayant pour objet de tenter d'aboutir à un budget qui, tout en assurant les prestations attendues par la population, limite la progression des dépenses de fonctionnement à celle des recettes et améliore le taux d'autofinancement d'investissements à un minimum de 60 % afin de contenir l'augmentation de la dette consécutive au manque d'autofinancement.
Le Conseil d'Etat a fini par répondre favorablement à cette demande, en présentant des amendements ramenant la croissance des charges de fonctionnement à 2,86 % et celle des recettes à 3 %. Depuis, il y a eu les amendements dont le rapporteur vous a parlé au début de la séance suite à la LACI, amendements qui provoquent une amélioration supplémentaire de 13 millions - 6,5 millions diminution au débit et 6,5 millions supplémentaires de recettes. Quant à l'autofinancement des investissements, il a été amélioré pour atteindre 57 %, soit près de la cible de 60 %; il atteint d'ailleurs aujourd'hui les 60 %, avec la dernière modification que je viens d'évoquer.
Après avoir examiné ces amendements, les socialistes les ont estimés acceptables, à l'exception de celui apportant une diminution d'un million de l'attribution au fonds de solidarité «Coopération et aide au développement». Il convient de rappeler que les dix millions restants - après la coupe de 1 million - ne correspond même pas au quart du pourcentage de 0,7 % figurant pourtant dans la loi. Les socialistes ayant manifesté leur désaccord sur ce point, ils tiennent néanmoins à signaler la volonté exprimée par la majorité de la commission des finances lors de la dernière séance budgétaire d'arriver rapidement à une attribution de 0,7 % à ce fonds.
Tout en regrettant l'attitude pingre de la majorité de la commission des finances d'un canton aussi important que le nôtre par rapport à sa contribution à l'aide au développement, nous voterons ce budget, qui assure les prestations à la population et par là la cohésion sociale pour le bien-être et dans l'intérêt de toute la population. Les socialistes sont, en conclusion, satisfaits de doter notre canton d'un budget qui tient compte des attentes de la population, avec des dépenses de fonctionnement qui augmentent moins que les recettes et un autofinancement important des investissements. Je vous invite à faire de même et vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie, Madame la députée. Nous continuons le tour des groupes, mais personne ne demande plus la parole. Je pense que ni le parti libéral, ni le parti démocrate-chrétien, ni l'Alliance de gauche ne souhaite intervenir ? (Brouhaha.)
M. Philippe Glatz (PDC). Je le dirai d'emblée, le groupe démocrate-chrétien votera ce budget. Beaucoup de choses ont déjà été dites à son propos. Je tiens pour ma part à souligner qu'il est aujourd'hui l'oeuvre du Conseil d'Etat dans son ensemble, qu'il consiste en un acte politique essentiel et qu'il traduit un certain nombre d'intentions, dont la marque de la continuité et de la stabilité de notre Etat, et ceci grâce à la politique que j'ai pu qualifier au mois de septembre de «politique sage de l'écureuil», et dont M. Hiler s'est à son tour fait l'écho aujourd'hui.
Ce budget doit donner les moyens à l'exécutif de bien mener ses tâches et d'affirmer le rôle de l'Etat, dont je rappelle qu'il est pour l'essentiel de maintenir les conditions nécessaires à une vie communautaire harmonieuse - cette dernière ne pouvant être garantie que par les équilibres entre le fort et le faible, le riche et le pauvre. Il s'agit donc d'une tâche essentielle de notre Etat.
Vous l'aurez compris, Mesdames et Messieurs les députés, le PDC reste attaché au maintien de la politique sociale de notre Etat. Il votera donc ce budget qui est la marque de la continuité avec tout ce qui s'est produit ces dernières années.
Au terme de ces quelques remarques sur ce budget, je voudrais saisir la dernière occasion qui m'est faite de pouvoir m'adresser à vous dans le cadre de ce parlement, Madame la présidente, pour vous dire combien nous-mêmes, députés de base, vous sommes reconnaissants de tout ce que vous nous avez apporté dans l'exercice de vos fonctions du Conseil d'Etat au service de notre canton. Nous sommes en effet ici nombreux, certains vous connaissant de très longue date, d'autres depuis moins longtemps, à avoir en commun le privilège d'avoir pu collaborer avec vous dans le cadre, un peu plus intime il est vrai, de nos travaux de commissions. Là mieux qu'ailleurs, nous avons pu apprendre, au fil des séances, à apprécier et à reconnaître toutes les qualités de coeur, de conviction et de rigueur qui vous animent, qui sont les sources de vos actions, qui légitiment tous vos succès, et dont chacun il est vrai s'est déjà largement fait l'écho. Je ne répète pas cela parce que vous êtes appelée maintenant à de très hautes fonctions et qu'il est aujourd'hui naturel de vous rendre hommage, tout mérité qu'il soit. Non, si je me permets de m'adresser à vous en ces termes aujourd'hui, Madame la présidente, c'est parce qu'à l'heure du départ l'on éprouve souvent une certaine nostalgie. La nostalgie a cependant une vertu: elle nous accorde de revenir souvent bien plus sincèrement sur les valeurs essentielles;elle nous permet de mieux les reconnaître et de les dire ouvertement. J'ai bien noté hier soir que votre collègue, Mme la conseillère fédérale Ruth Metzler, disait que vous avez mis de l'amour dans votre action, celui-ci étant à la source de tout votre engagement politique. Au-delà de toutes qualités et succès, c'est principalement ceci que nous souhaitons retenir aujourd'hui. C'est aussi ce dont nous voulons nous inspirer afin de tenter de mieux agir encore au service de notre communauté cantonale. Soyez donc assurée, Madame la conseillère fédérale, que nous saurons nous en souvenir, que nous garderons trace du et des modèles que vous nous laissez. Demain vous partirez, appelée aux plus hautes fonctions et responsabilités. Viendra le temps des travaux et des combats. Nous vous souhaitons sincèrement autant d'amour, de courage et de force que ceux dont vous avez fait preuve avec nous. (Applaudissements.)
Le président. Il reste l'Alliance de gauche ou le parti libéral... (Rires.)Vos tergiversations n'accélère pas le débat! La parole est à M. Mouhanna, puis à M. Weiss.
M. Souhail Mouhanna (AdG). C'était simplement par courtoisie: je pensais qu'un parti gouvernemental avait la priorité pour prendre la parole et pour soutenir un gouvernement auquel il participe avec deux conseillers d'Etat.
Une voix. C'est l'UDC qui a commencé. (Le président agite la cloche.)
M. Souhail Mouhanna. En tous cas, j'ai été courtois à votre égard, mais vous n'avez pas voulu saisir l'occasion.
Je voudrais tout d'abord dire à Mme Calmy-Rey que le travail qui a été fait à la tête du département des finances depuis qu'elle a occupé ce poste est un travail que tout le monde considère aujourd'hui comme extrêmement positif et pour lequel tous lui rendent hommage. Certains ont prétendu que les résultats positifs de votre département, de votre travail, de votre action étaient essentiellement dus à la conjoncture. Je suis persuadé, Madame la présidente, que si la conjoncture avait été mauvaise et les résultats négatifs, l'on aurait imputé ces résultats à votre incompétence, et non à la conjoncture. Je considère quant à moi que votre travail tranche singulièrement avec le passé: nous avons connu pendant les années 90 des budgets déficitaires de 300, 400 voire 500 millions, et tous ces budgets ont été votés comme un seul homme par la majorité de droite de l'époque. Or, aujourd'hui, certains considèrent qu'un budget bénéficiaire de quelque 90 millions est un mauvais budget, sur lequel il convient de s'abstenir ou qu'il faudrait refuser ! Pour ma part, Madame la présidente, quel que soit ce que les uns et les autres disent, je considère que vous avez été compétente et que vous avez eu la baraka. De ce point de vue, il me semble que nous avons tous intérêt, tant au niveau national qu'au niveau cantonal, à avoir des personnes qui ont la baraka. J'espère donc qu'elle vous accompagnera à Berne dans vos nouvelles fonctions, pour le bien de la Suisse et pour celui de Genève. Bonne route!
Je voudrais maintenant revenir au projet de budget. J'ai dit tout à l'heure que les budgets déficitaires des années 90 ont tous été votés par une majorité de droite. Cette fois-ci, nous avons, comme je l'ai dit, un budget excédentaire de 90 millions. Or, j'aurais aimé qu'une partie de ces 90 millions soit affectée à un certain nombre de besoins que les uns et les autres connaissent. Nous avons discuté en commission des finances des besoins des différents services et nous avons auditionné de nombreuses personnes. Beaucoup de députés, aussi bien à gauche qu'à droite, ont constaté le manque de personnel dont souffrent de nombreux services et l'importance de certains besoins. Cela m'amène à souligner qu'un budget n'est pas simplement un ensemble de chiffres ou un relevé comptable, mais qu'il s'agit d'un choix politique répondant aux besoins de la population que ledit budget est censé servir. Or, nous constatons que les besoins de la population sont en nette augmentation. Peut-être certains députés de droite n'ont-ils pas les mêmes besoins que l'immense majorité de la population: la précarité, la pauvreté et le chômage s'étendent à Genève, alors que des richesses s'étendent également, et beaucoup plus vite. Il se trouve qu'il y a effectivement à Genève des besoins sociaux, des besoins dans les domaines de l'éducation et de la santé ainsi qu'au niveau du cadre de vie. Or, ce budget n'a pris que partiellement en considération ces besoins. L'on aurait souhaité que les effectifs nécessaires puissent assurer le bon fonctionnement des différents services dans les domaines de la santé, de l'éducation, du service social, de l'hospice général ou encore de le service de la protection de la jeunesse.
Je voudrais également préciser que ce budget n'est pas antisocial et qu'il s'agit de l'un des meilleurs budgets que nous avons connus ces dernières années. Certains députés de droite imaginent qu'un Etat fort est un Etat squelettique, qu'un Etat doit être le plus faible possible et qu'il est dépensier s'il répond aux besoins de la population. Cela n'est pas notre avis ! Certains voudraient s'attaquer une nouvelle fois à la fonction publique. Eh bien, on les attend de pied ferme ! D'autres disent encore qu'il faudra peut-être s'attaquer au social, réduire les effectifs là où l'on en a besoin, restructurer, etc. Là encore, ils n'ont rien appris et veulent jouer aux apprentis sorciers: nous les attendons également.
Je tiens pour conclure à féliciter le Conseil d'Etat pour avoir résisté à une certaine droite honteusement antisociale. Vous avez effectivement préservé un certain nombre de prestations à la population. Nous veillerons - et nous ferons tout à l'heure un certain nombre d'amendements - à ce que l'Etat social soit constamment renforcé, car cela a toujours été la position de l'Alliance de gauche, qui continuera à défendre les plus faibles et à lutter pour un Etat social au service de l'immense majorité de la population. Nous réservons par conséquent notre position entre l'abstention et le soutien au budget, en fonction de ce qui pourrait venir de la droite et qui pourrait éventuellement péjorer. Nous espérons que les choses iront dans le bons sens et qu'un certain nombre d'amendements allant vers l'Etat social seront adoptés par le Grand Conseil. Nous voterons dès lors le budget avec enthousiasme.
M. Pierre Weiss (L). L'an passé, lorsque nous avons voté le budget, nous avons évoqué plusieurs questions, à commencer par le sens de la volonté populaire. Nous avions rappelé que cette volonté populaire voulait moins de dette, moins d'impôts et une optimisation des prestations versées à la population. Nous avons également tenté de voir, à cette occasion, quelles étaient les limites de l'action du parlement, qui était parvenu à améliorer le budget de 25 millions, avec quelques sucres ajoutés en plénière pour l'équivalent d'un centième - à savoir 250 000F. Nous verrons ce que nous ferons aujourd'hui.
Nous avions par ailleurs essayé de mettre en lumière l'influence du parti libéral sur ces actions. Cette influence, j'en suis heureux, a été réelle l'année passée. Elle est - et je remercie pour cela M. Odier de l'avoir rappelé - beaucoup plus forte aujourd'hui puisque, grâce à l'action déterminée que nous avons menée depuis la présentation du budget à la commission des finances, nous avons réussi à améliorer ce budget d'environ 80 millions, et ceci par la présentation d'une demande au Conseil d'Etat afin qu'il termine la préparation de son budget qui nous était arrivé impréparé! Je crois pour ma part que nous devons nous réjouir de la collaboration qui a eu lieu entre la commission des finances et le Conseil d'Etat. Nous devons également nous réjouir tout particulièrement de la volonté populaire qui s'est manifestée par l'acceptation de la nouvelle LACI qui a, comme l'a relevé l'un des préopinants, amélioré de quelque 13 millions les futurs comptes de l'Etat - pour autant évidemment qu'aucune modification ne soit apportée à ce budget. Je tiens à dire à cet égard qu'il s'agit de raison garder par rapport aux projets d'amendement qui sont arrivés sur nos tables aujourd'hui et d'éviter, dans un sens comme dans l'autre - et je dirais dans un sens et encore plus dans l'autre - de modifier ce budget. (Brouhaha.)
Nous verrons bien lors du vote des amendements, Madame Grobet-Wellner. J'aimerais toutefois dire que l'action déterminée qui a été menée est encore insatisfaisante. En effet, la progression des dépenses, telle que résultant du budget amendé à deux reprises qui vous est présenté aujourd'hui est encore trop forte. Je ne mets pas obligatoirement en cause les mécanismes salariaux, mais j'y verrais plutôt une incidence de l'augmentation forte dans le petit Etat, et encore plus dans le grand Etat, du nombre de fonctionnaires, et ceci en réponse à certains besoins et à d'autres que l'on imagine. Il faut également mentionner les subventions, sujet sur lequel mon collègue Renaud Gautier reviendra avec conviction.
J'aimerais enfin aborder un point qui n'est pas mentionné dans l'exposé des motifs, soit la justification des nouveaux projets répondant aux demandes formulées par la population, et notamment la mise en regard de ces demandes avec la qualité des prestations fournies par l'Etat. Nous savons à ce sujet encore bien peu de choses sur la qualité des prestations, et lorsque nous en apprenons, il y a parfois de quoi rester pantois - le dernier exemple ayant été présenté par la commission d'évaluation des politiques publiques.
Ce budget marque certes un autofinancement que nous jugeons trop faible, mais il fait en même temps preuve d'une certaine action anticyclique. A ce titre, compte tenu de l'amélioration du degré d'autofinancement, notre sentiment est mitigé. Au fond, et j'aimerais me borner à ces quelques remarques pour conclure, nous constatons que d'autres critères devraient être introduits dans le budget pour diriger l'action de ce parlement et celle du Conseil d'Etat dans les années à venir, et notamment la prise en considération du revenu cantonal brut, voire de l'inflation cantonale, lorsque l'on propose une augmentation des dépenses budgétaires. Si nous avons évité aujourd'hui d'avoir des dépenses qui augmentent plus que les recettes, nous n'avons en revanche pas évité d'avoir des dépenses qui augmentent nettement plus que l'inflation: il y a là un certain manque de sagesse. De même, l'on nous prétend qu'un plan quadriennal ne serait pas possible. Pourtant je crois que des objectifs à moyen terme doivent être introduits afin de préciser le sens dans lequel les projets annuels du Conseil d'Etat doivent être compris. Il nous manque en outre des informations concernant les réelles priorités annuelles du Conseil d'Etat, et lorsque nous avons interrogé avec insistance ce dernier à ce sujet, les réponses qui nous ont été données étaient loin d'être satisfaisantes. Ainsi, lorsque vingt nouveaux projets sont présentés, nous ignorons si le vingtième est aussi prioritaire que le premier, ce qui pourrait inciter les députés à un rejet global plutôt qu'à se prêter, avec le Conseil d'Etat, à un intelligent exercice dialectique.
Voilà, Mesdames et Messieurs les députés, les quelques remarques que je voulais faire. Elles vous démontreront, je l'espère, que le groupe libéral a été moins endormi que certains le craignaient. Et si certains se sont endormis en commission, peut-être était-ce parce qu'ils étaient insuffisamment réveillés, ou parce qu'ils étaient trop fatigués d'avoir été insuffisamment actifs. (Commentaires.)
Je terminerai mon intervention en souhaitant à Mme la présidente du Conseil d'Etat de réhabiliter le politique, comme elle l'a déclaré à un hebdomadaire récemment, montrant par-là l'intérêt qu'elle apportait à la masculinisation des noms!
Le président. La parole est à M. le député Gautier, qui dispose de quatre minutes et demi.
M. Renaud Gautier (L). Avec Pierre Weiss, je suis toujours dans la minorité en termes de temps de parole ! (Rires.)
Mesdames et Messieurs, la quadrature du cercle ou la transmutation du plomb en or, voilà bien les deux choses que l'on demande à la commission des finances! Or, comme tout grand oeuvre, elle suppose quelques limites. Je voudrais, comme on l'a dit tout à l'heure, m'arrêter quelques instants sur la problématique des subventions, au sujet de laquelle M. le rapporteur nous a dit que nous avions commencé un travail nécessaire. Il apparaît en effet que la croissance de celles-ci est, comme j'ai déjà eu l'occasion de vous le dire, inquiétante par rapport à la croissance du budget de ce que l'on appelle le «petit Etat». Elle est d'autant plus inquiétante qu'elle me donne la forte impression que le petit Etat travaille actuellement en flux tendus, pour ne pas dire très tendus, alors que les manières que nous avons de percevoir le travail - absolument nécessaire - effectué par les subventionnés, peuvent vraisemblablement, du fait de son mode de présentation, susciter encore quelques économies.
C'est pourquoi il m'apparaît absolument nécessaire que les contrats de prestations, tels qu'annoncés dans le discours de Saint-Pierre, soient rapidement mis en place. Ces contrats devraient effectivement permettre, d'une part de mieux se rendre compte de la qualité des rapports pouvant exister entre les subventionnés et l'Etat, d'autre part de mieux définir le champ d'intervention de ceux à qui l'Etat délègue une partie de ses tâches. Il faudra également prendre conscience que, si la croissance des subventionnés paraît logique et cohérente dans certains cas - l'on peut penser au social ou encore à l'hospitalier - il nous faudra, dans d'autres cas, nous interroger sur le sens de la priorité que l'Etat entend accorder à ses subventionnés.
Voilà un travail qui nous occupera ces prochaines années, et je suis convaincu qu'à terme, tant les subventionnés que l'Etat se trouveront heureux d'être passés par ce que certains perçoivent actuellement comme des fourches caudines: celles du contrat de prestation.
C'est un budget, nous l'avons dit, que nous accepterons. Je voudrais dire tout mon ahurissement lorsqu'un parti de ce parlement, dont la xénophobie est le pilier principal de son raisonnement; s'avise de dire ici qu'il entend supprimer la totalité de l'aide internationale, alors que des débats nourris en commissions ont permis à chacun d'entre nous de prendre conscience de la nécessité de celle-ci, même si nous n'étions pas tout à fait d'accord quant aux moyens à y apporter. Supprimer cette ligne-là, Mesdames et Messieurs, est révélateur d'une pensée somme toute extrêmement nuisible. J'attends, et j'espère, que chacun d'entre nous soit conscient de ses responsabilités. (Vifs applaudissements.)
Je ne saurai terminer, Madame la présidente, puisque chacun y est allé de son couplet, sans vous dédier un poème de François Villon, dont je m'excuse des adaptations toutes personnelles que j'ai faites, et dont je demande par avance aux gentes dames de ce conseil de bien vouloir excuser le côté légèrement masculin. Il s'agit bien évidemment de l'épitaphe de François Villon que j'ai transformée en La ballade des cocus:
Frères humains, qui après nous votez,
N'ayez les coeurs contre nous endurcis,
Car, si pitié de nous pauvres avez,
Dieu en aura plus tôt de vous merci,
Vous nous voyez ci attachés, douze, quinze:
Quant aux dépenses, que trop avons nourries,
Elles sont galopantes et excessives,
Et nous, malgré arguments et poudre,
De nôtre mal personne ne s'en soucie;
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre!
Si frères vous clamons, pas n'en devez
Avoir dédain, quoique fûmes occis
Par l'Administration... Toutefois vous savez
Que tous hommes n'ont pas bon sens rassis.
Excusez-nous, puisque nous sommes transis,
Et que de tout ça nous voilà fort Mari,
Que de la dette nous étions parti,
Tant de subventions nous pensions moudre.
Nous sommes morts, des finances la source est tarie,
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre!
La crise nous a débués et lavés,
Et de l'Etat les arguments nous ont desséchés et noircis
Subventionnés et associations nous oncles yeux crevés,
Et arraché la raison et donné soucis
Jamais nul temps nous ne sommes assis,
Puis ça, puis là, comme le budget varie,
A son plaisir sans cesse nous charrie,
Plus augmentation vorace que dés à coudre.
Ne soyez donc de nôtre confrérie;
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre!
Princes Elus, qui sur nous avez toute maitrise,
Gardez qu'Enfer et Déficit n'ait de nous seigneurie;
D'eux n'ayons que faire ni que soudre.
Hommes, ici n'a point de moquerie,
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre.
(Applaudissements.)
Le président. La parole est à M. le député Blanc, qui dispose de six minutes.
M. Claude Blanc (PDC). Je ne les utiliserai pas, soyez tranquille! Il est difficile de reprendre la parole après l'intervention de M. Gautier, intervention dont je le remercie.
Mesdames et Messieurs les députés, en entendant l'ensemble des préopinants, j'avais le sentiment que les uns se réjouissaient d'avoir une verre à moitié plein et que les autres se lamentaient d'avoir un verre à moitié vide. Nous avons un verre que je qualifierais, pour ma part, d'à moitié plein: d'autres se trouvent en effet dans une situation plus difficile que nous, et nous devons nous réjouir de la nôtre. Ce qui nous réjouit particulièrement dans ce budget, Mesdames et Messieurs les députés, c'est qu'il a réussi, peut-être pas à satisfaire complètement - je m'adresse ici à M. Mouhanna -car personne ne pourra jamais être complètement satisfait; mais à satisfaire néanmoins l'essentiel des besoins de notre population, tant en matière d'éducation publique que d'insécurité ou d'action sociale. Le budget me semble refléter un certain équilibre entre les possibilités de l'Etat et la volonté d'accomplir les tâches de celui-ci conformément aux lois qui nous régissent et à notre volonté d'améliorer, dans la mesure du possible, le sort de notre population.
Bien que tout le monde l'ait déjà fait, je voudrais remercier à mon tour Mme Calmy-Rey d'avoir été ce qu'elle a été dans cet Etat et pour le travail qu'elle a accompli. Je souhaite également associer l'ensemble du gouvernement à cette action et à mes félicitations. En effet, en ma qualité d'ancien député, j'ai vu défiler un certain nombre de gouvernements et de conseillers d'Etat, qui avaient les qualités et les défauts que nous avons tous. Je voudrais profiter de l'occasion du départ de Mme Calmy-Rey pour dire à quel point j'ai apprécié la qualité de l'ensemble du gouvernement qui est le nôtre aujourd'hui. L'expérience m'a appris que nous avons actuellement - ne rougissez pas, Madame Brunschwig Graf ! - un gouvernement homogène et solidaire, ce qui s'est magnifiquement vu dans la manière dont le gouvernement a répondu aux attentes de la commission des finances quant à l'adaptation du budget aux désirs de ladite commission. Il est arrivé par le passé que les conseillers d'Etat se renvoient la balle en se reprochant mutuellement de dépenser trop. Or, nous avons aujourd'hui eu le sentiment que le Conseil d'Etat s'est montré solidaire, qu'il a souhaité un budget global pour l'Etat et que ses membres ont fourni tous les efforts nécessaires pour aboutir à un budget solidaire et homogène. Voilà donc ce que je souhaitais dire, Mesdames et Messieurs les députés. Merci à Mme Calmy-Rey, merci au Conseil d'Etat.
J'émettrai pour conclure un désir, à savoir que celui ou celle qui succédera à Mme Calmy-Rey apporte à ce Conseil d'Etat le même état d'esprit, de solidarité et de subsidiarité entre ses membres. Ceci est le souhait que nous pouvons faire, car c'est à ce prix que l'avenir de Genève sera garanti. (Applaudissements.)
M. David Hiler (Ve), rapporteur. Je souhaite aborder deux points. Je rappellerai tout d'abord que, lorsqu'on se trouve dans un processus budgétaire, il existe deux attitudes possibles: l'une est de l'accepter car l'on estime que le résultat est globalement bon, même si l'on aurait souhaité un budget un peu plus comme ci ou un peu plus comme ça; l'autre attitude est celle du refus, car la politique reflétée par le budget n'est pas acceptable. J'aimerais en revanche répéter que je trouve quelque peu creux et factices les discours sur les économies en général. Si l'on souhaite diminuer les coûts et les charges, il faut avoir la correction, à l'égard de la population - et là encore, la remarque s'adresse à l'UDC - de désigner ces fameuses «dépenses inutiles», et non de se contenter de trouver un bouc émissaire dans la coopération internationale, dont le montant est évidemment symbolique et, jusqu'à un certain point, ridicule par rapport à notre budget.
Je dirai en deuxième lieu, suite à l'intervention de M. Gautier, qu'il s'agit de rester prudent en matière de généralisations. Je ne suis pas certain que le petit Etat travaille plus à flux tendus que l'hôpital cantonal, qui est un subventionné d'après notre système. Je ne suis pas certain non plus qu'il y ait plus d'associations rencontrant des problèmes d'optimisation des ressources que de services de l'Etat - en tout cas d'après ce que je lis dans la presse sur les services du petit Etat, qui connaissent des soucis depuis cinq ans. Cela ne me paraît pas clair. Je souhaite également rappeler à M. Gautier que de nombreux petits subventionnés travaillent avec des conditions salariales et des moyens matériels beaucoup plus faibles que les services du petit Etat. Je le rejoindrai par contre sur la nécessité de mettre en place des contrats de prestation, en rappelant toutefois que l'inspection cantonale des finances propose pour chaque service de l'Etat un système relativement comparable à celui des contrats de prestation que le successeur de Mme Calmy-Rey et l'ensemble du Conseil d'Etat devront mettre en oeuvre.
Si vous avez une minute de patience, Mesdames et Messieurs les députés, je me lancerai également dans un petit couplet à Mme Calmy-Rey pour lui dire ceci: j'ai travaillé à la commission des finances et, pour l'essentiel, à la commission fiscale pendant les cinq ans de votre «règne», disons-le ainsi. Or, je peux, je crois sans me tromper, dire au nom de tous ceux qui ont participé, du moins à la commission des finances, que cela a été un plaisir de travailler avec vous, tant pour vos adversaires que pour vos alliés. J'aimerais aussi essayer de varier quelque peu les hommages qui vous ont été rendus, car j'ai souvenir, pour être monté sur le bateau du capitaine Calmy-Rey, qu'à ses débuts du moins, cela a secoué ! Il me semble important de rappeler cela, car il ne s'agit pas simplement de chance ou de conjoncture, mais de méthode: méthode qui consiste à empoigner les problèmes lorsqu'ils se posent et à s'efforcer de les résoudre. Bien entendu, en certains cas, la solution n'est pas forcément adéquate; bien sûr, en faisant ceci, l'on risque l'impopularité. J'aimerais simplement vous dire, Madame la présidente, mon admiration pour les épisodes dont l'on ne parle plus: le fameux paquet ficelé, qu'à vrai dire seule avec le Conseil d'Etat et quelques personnes susceptibles d'affronter la foule - Madame Brunschwig Graf, j'ai vraiment dit «le Conseil d'Etat et quelques personnes d'accord de se mouiller à ce sujet» - vous avez défendu. Or, si vous avez certes perdu, vous avez énormément fait avancer la conscience quant à la nécessité d'un équilibre budgétaire dans la perspective du maintien d'un Etat social. Lorsque je vous ai par ailleurs vue agir sur la Banque cantonale, j'ai été sincèrement impressionné par la détermination qui a été la vôtre et par la manière dont vous avez su faire des propositions qui permettaient de résoudre les problèmes. C'est donc, au-delà de tout ce que vous avez apporté à notre canton, une leçon de politique que vous nous avez tous donnée. Je suis personnellement heureux d'avoir été au premier rang pour la recevoir. Merci, Madame Calmy-Rey! (Applaudissements.)
Mme Micheline Calmy-Rey, conseillère d'Etat. Permettez-moi tout d'abord de vous remercier pour vos gentilles paroles, qui me touchent beaucoup. Je suis très émue.
Ceci est le dernier budget que je défends aujourd'hui. Le 13 décembre 2002, le Conseil d'Etat présentait publiquement le projet de budget 2003 de l'Etat de Genève. Ce budget affichait un déficit de 9,4 millions, résultat qui s'inscrivait dans l'ordre de grandeur des excédents que nous avions présentés les années précédentes. Il n'en différait pas moins sur deux points: premièrement, la croissance des charges dépassait celle des revenus par rapport au budget 2002; deuxièmement, les investissements n'étaient plus complètement autofinancés, mais n'étaient autofinancés qu'à environ 38 %. Le projet de budget présenté par le Conseil d'Etat ne respectait pas complètement les principes de la stricte orthodoxie financière. L'objectif poursuivi par le Conseil d'Etat était en effet différent: en cette période d'incertitude, il choisissait de présenter un budget dont les charges de fonctionnements croissaient en termes réels et dont le doublement des investissements devait aider à passer en douceur la période de difficultés conjoncturelles. La commission des finances a réagi le 4 novembre dernier en demandant au Conseil d'Etat, d'une part de rétablir le budget de fonctionnement de façon à ce que la croissance des charges passe en-deça de la croissance des revenus, d'autre part d'améliorer le taux d'autofinancement des investissements pour atteindre un pourcentage de l'ordre de 60 %. Le Conseil d'Etat a donc réexaminé son budget, et ceci, comme vous avez raison de le souligner Monsieur Blanc, dans un esprit de solidarité et d'équipe qui nous a toujours animé, depuis le paquet ficelé jusqu'à aujourd'hui - je dirais d'ailleurs que si le paquet ficelé possède une vertu, Monsieur Hiler, c'est celle d'avoir soudé le gouvernement à un tel point qu'il a été, je le rappelle avec plaisir, jusqu'à faire un stand dans les rues basses pour défendre ce paquet ficelé en payant de ses propres deniers le vin chaud. C'est vous dire quelle solidarité nous animait !
Suite à cet examen, le Conseil d'Etat a présenté à la commission des finances un certain nombre d'amendements: diminution du taux d'indexation, qui passe de 0,8 à 0,5 %; report de six mois de l'engagement dans la classe de fonction; diminution des recettes de l'impôt fédéral direct; dissolution des provisions NPM et du SCARPA, ces provisions étant apparues inutiles ou surdimensionnées. Des corrections ont également été apportées suite au vote de la LACI, les amendements liés à ce vote ne font cependant pas partie des amendements qui ont été examinés par la commission des finances; ils devront être soumis au vote de votre Conseil aujourd'hui. Le résultat total porte l'excédent à près de 90 millions de francs.
Au total, nous avons maintenant atteint les objectifs fixés par la commission des finances, à savoir une croissance des charges de 2,7, une croissance des revenus de 3,1 et un taux d'autofinancement de l'ordre de 60 %. Le projet de budget qui vous est proposé aujourd'hui répond donc à vos attentes. L'on peut sans réticence dire qu'il est marqué du sceau de la prudence. Je précise à l'attention de l'UDC, et notamment à l'attention de M. Iselin, que le poste «amortissements, provisions, réserves, irrecouvrables» diminue de 160 millions de francs il est vrai, et que cette variation ne m'inquiète pas, car elle est uniquement due à la non-constitution de provisions dans le cadre de ce budget pour la BCGe - la provision de la BCGe ayant été jugée surdimensionnée par l'inspection cantonale des finances - ainsi qu'à une non-augmentation de la provision pour débiteurs douteux de l'administration fiscale cantonale, qui est due à la diminution du reliquat des débiteurs de l'administration fiscale.
Je dirai au sujet des impôts, puisqu'un certain nombre d'inquiétudes ont été avancées, que nous avons corrigé la part cantonale à l'impôt fédéral direct, puisque nous avions dans un premier temps pris les chiffres de la Confédération, chiffres qui ont été, dans un deuxième temps, revus à la baisse. En ce qui concerne les estimations liées aux impôts cantonaux, la projection des comptes 2002 a été présentée à la commission des finances. Cette projection fait apparaître, malgré l'effet rétroactif et les allégements accordés aux familles, une croissance par rapport au budget 2002. Je peux aujourd'hui vous dire que c'est une croissance zéro qui apparaît entre la projection des comptes 2002 et le budget 2003. Cela signifie que les chiffres des recettes qui sont mis dans le budget 2003 pour les impôts cantonaux ne sont pas supérieurs à ce que nous projetons aujourd'hui pour les comptes 2002. Comme vous pouvez le constater, cela est prudent et ne nécessitait pas d'amendement supplémentaire.
Quant aux craintes évoquées à propos des intérêts passifs, laissez-moi vous dire que seul un tiers de la dette est aujourd'hui à taux variable, et donc susceptible de bouger en fonction des évolutions de taux d'intérêt. Par ailleurs, ce tiers de la dette est couvert par des swapset des caps, qui nous coûtent plus de 10 millions de francs dans le budget 2003 et qui sont inscrits à ce budget. Il n'est donc pas besoin de faire de provisions pour couvrir la hausse des taux, puisque ces hausses de taux sont quasiment pratiquement assurées par les swapset les caps, dont le coût figure dans le projet de budget 2003.
Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de budget peut être approuvé sans aucune réticence de votre part. Il est plus qu'équilibré; il est, à mon avis, trop équilibré, puisqu'il montre un excédent de près de 90 millions de francs).
Il s'est adapté à une situation conjoncturelle plus difficile, ce qui montre bien que les instruments dont nous disposons aujourd'hui, des provisions et des réserves peuvent nous permettre des adaptations du côté de l'évolution des charges, qui passent à des situations conjoncturelles différentes. Nous répondons aux besoins prioritaires de la population; nous répondons également aux besoins d'infrastructure. Je vous demande donc, Mesdames et Messieurs, de bien vouloir adopter ce projet de budget, sinon avec enthousiasme, du moins avec satisfaction. (Applaudissements.)
Le président. Le tour de préconsultation est terminé. Je mets en premier débat le vote sur la prise en considération du projet de loi budgétaire 8808-A.
Mis aux voix, le projet de loi 8808-A est adopté en premier débat à l'unanimité.
Le président. Pour le premier débat, le Bureau vous propose de voter en bloc les 23 projets de lois qui figurent en annexe du budget, à moins que l'un des groupes ne souhaite un vote séparé sur l'un ou l'autre d'entre eux. Monsieur Unger, le projet de loi 8602-A que vous nous avez soumis sera traité durant l'examen du budget de votre département. S'il n'y a pas d'opposition, je mets aux voix la prise en considération de ces 23 projets de lois.
Mis aux voix, les projets de lois PL 8809-A, PL 8810-A, PL 8827-A, PL 8743-A, PL 8744-A, PL 8755-A, PL 8789-A, PL 8811-A, PL 8812-A, PL 8813-A, PL 8837-A, PL 8838-A, PL 8839-A, PL 8840-A, PL 8540-A, PL 8814-A, PL 8815-A, PL 8816-A, PL 8817-A, PL 8818-A, PL 8819-A, PL 8820-A, PL 8860-A sont adoptés en premier débat.
Le président. Nous entamons le deuxième débat sur le budget en passant en revue chaque département. Nous examinerons d'abord tous les budgets de fonctionnement, puis tous les budgets d'investissements. Je procéderai à un vote à la fin de chaque département.
Deuxième débat
M. Rémy Pagani (AdG). Il se pose une question préalable au deuxième débat, soit la question de la motion que nous avons déposée par rapport à l'augmentation des impôts pour les retraités. J'aimerais savoir à quel moment nous discuterons de cette motion.
Le président. Monsieur le député, nous discuterons de cette motion dans peu de temps, soit lorsque nous aborderons le département des finances: il s'agit là en effet d'un problème de recettes. Nous commencerons cependant par la Chancellerie.
M. David Hiler (Ve), rapporteur. Je vous prie de m'excuser, Monsieur le président, mais j'ai une remarque à faire concernant la méthode: pour la commission des finances, il est clair, puisqu'elle a voté à ce sujet, que l'ensemble des amendements du Conseil d'Etat, soit ceux figurant dans mon rapport ainsi que ceux qui se trouvent sur notre table, sont intégrés à ce budget. Dès lors, sauf à revenir dessus, il n'y a pas lieu de les soumettre au vote au fur et à mesure du deuxième débat. Ils font partie intégrante du rapport de la commission, même si, pour des raisons que vous comprendrez bien, ils ont été votés après la date de dépôt du rapport.
Le président. Monsieur le député, je suis d'autant plus d'accord avec vous que cela correspond à ce que j'ai dit en début de débat. De ce point de vue, je pense que le premier amendement sur Aigues-Vertes et les trois amendements sur la LACI sont adoptés et que nous n'avons pas à y revenir, à moins qu'il n'y ait d'autres amendements sur la LACI.
CHAPITRE 1: CHANCELLERIE D'ETAT
Service du Grand Conseil ( Rub. 12.03.00)
M. Rémy Pagani (AdG). J'ai eu l'honneur d'assister à un repas (auquel nous étions invités par le Conseil d'Etat) au cours duquel nous avons eu une discussion fort intéressante sur la question du fonctionnement de notre Grand Conseil. Certains d'entre nous ont mis le doigt sur le fait que nous devrions avoir un juriste à notre disposition, non pour corriger nos projets de lois, mais pour améliorer les projets de lois que nous présentons, soit en dépôt immédiat, soit aux sorties des commissions. Il s'agit là d'une ancienne proposition du Grand Conseil: il est en effet ressorti de débats que le projet d'inscrire à notre budget le poste d'un juriste qui soit à disposition de tous les députés avait déjà été fait.
Je me permets donc d'interpeller le bureau du Grand Conseil et le Conseil d'Etat pour savoir ce qu'ils entendent entreprendre pour mettre en place cette mesure me semble-t-il tout à fait nécessaire.
Le président. Merci Monsieur le député. Monsieur le président du Conseil d'Etat veut-il répondre ? Puisque cela n'est pas le cas, je cède la parole à Mme Calmy-Rey.
Mme Micheline Calmy-Rey, conseillère d'Etat. Il s'agit en effet, Monsieur Pagani, d'une discussion qui a cours depuis plusieurs d'années au sujet des collaborateurs au service de la commission des finances et de la commission de contrôle de gestion ou d'autres commissions du Grand Conseil. Je vous rappelle cependant que des postes ont été inscrits sous la rubrique «service du Grand Conseil» dans le budget de l'année précédente déjà, et que le tableau des postes vacants montre que 5,77 postes sont vacants pour le service du Grand Conseil. Libre à vous d'engager autant de juristes que vous le souhaitez !
Le président. Nous examinerons attentivement les préoccupations de M. le député Pagani. Je pense d'ailleurs qu'une vérification juridique de certains projets de lois serait parfois utile, ne serait-ce que pour que ces derniers soient conformes à la Constitution et à la loi portant règlement du Grand Conseil, notamment en ce qui concerne la couverture financière.
Le budget de fonctionnement de la Chancellerie d'Etat est adopté.
CHAPITRE 2: DEPARTEMENT DES FINANCES
Impôts Etat (Rub. 24.00.00)
Débat
M. Rémy Pagani (AdG). Nous avons déposé en urgence la motion qui est distribuée sur la table des députés (Brouhaha.)et sur laquelle mon ami Ecuyer reviendra. Suite à un certain nombre de sondages, nous avons été amenés à faire des constats d'ordre général concernant la perception des impôts qui est arrivée et qui arrive encore ces jours dans les foyers genevois, constats portant sur une certaine inégalité de traitement: si les personnes dont les revenus ont augmenté ont logiquement vu une augmentation de leurs impôts et celles dont les revenus ont diminué ont logiquement vu une diminution de leurs impôts, un certain nombre de problèmes ont toutefois surgi, notamment concernant des augmentations d'impôts non négligeables pour des personnes dont l'augmentation de revenu était peu importante. Bien que cela demande vérification, il semble y avoir plus particulièrement un problème concernant les personnes âgées, dont les revenus n'ont à l'évidence pas augmenté ces deux dernières années, mais dont les impôts ont eux augmenté. Ce nouveau problème s'ajoute à celui relatif aux familles, qui était apparu avant l'été et auquel nous avions remédié par une votation ayant recueilli un nombre considérable de suffrages. Toujours est-il que nous demandons... (L'orateur est interpellé par M. Blanc.)Oui, du genre que vous connaissez dans certains pays ! Ah non, moi je n'ai pas connu cela, je vous prie de m'excuser, Monsieur Blanc ! Toujours est-il que nous demandons par l'adoption de cette motion que le Conseil d'Etat, et plus particulièrement Mme Micheline Calmy-Rey, utilise ses derniers jours de mandat en notre canton pour essayer d'éclaircir la situation et nous faire rapport assez rapidement sur cette question. M. Ecuyer donnera des exemples plus concrets à ce sujet.
M. Pierre Froidevaux (R). Je souhaiterais revenir sur l'évaluation des revenus fiscaux de l'Etat. Madame la présidente du département, vous nous avez habitués cette année à un sujet qui me préoccupe:vous avez en effet fait des prévisions pour la fiscalité de cette année, prévisions au sujet desquelles l'on a parlé d'un «couac». Or, lorsque nous avons étudié ce «couac», nous n'avons pas obtenu les valeurs que l'on a pu juger comme étant correctes.
Madame la présidente, vous nous annoncez une augmentation des revenus d'environ 3 %. Je m'interroge cependant, lorsque j'examine le budget, sur la manière d'obtenir un tel chiffre. Nous savons que l'imposition de 1999 est arrivée dans les caisses de l'Etat; elle est calculée de façon certaine. L'année 2000 était une brèche fiscale: un certain nombre de ressources étant réapparues, certains citoyens ont profité de cette brèche fiscale, ce qui généré une amélioration alors bien réelle des revenus. Quant à l'année 2001, nous n'avons pas pu avoir des chiffres corrects, le budget étant encore en cours d'établissement durant l'été. Or, vous nous expliquez que vous avez fait une moyenne générale sur ces dernières années en tenant compte, naturellement, de l'année 2000, qui a été une année particulièrement favorable.
Nous voulons bien partager votre optimisme en disant qu'il y aura réellement une augmentation des revenus de l'Etat. Je crains toutefois que cela ne soit davantage une augmentation de la charge fiscale. En effet, j'ai examiné le document que nous avons tous reçu dans notre boîte aux lettres pas plus tard que hier soir, mettant en évidence la marche de l'Etat - et je rappellerai que l'on doit tenir compte de ce document réalisé par l'OCSTAT, car la statistique constitue la base de l'Etat, le terme «statistique» comprenant le mot «Etat». Or, ce document met en évidence le fait que la marche des affaires dans l'industrie est de 5 points - il s'agit du dernier chiffre proposé - et que l'indice avancé de l'économie genevoise, qui était de 100 en décembre 1983, est estimé à 98,9 en septembre de cette année. Ces indices montrent très clairement que nous avançons vers une potentielle régression. Se pose dès lors la question de savoir comment vous avez pu obtenir une augmentation de 3 % des revenus pour l'Etat. Je souhaiterais donc avoir toutes ces précisions.
Le président. Je rappelle que nous discutons actuellement de la motion. Cette dernière n'ayant cependant pas été inscrite au point 4 de l'ordre du jour, elle ne sera pas mise aux voix, mais elle sera remise dans l'ordre du jour normal. Monsieur Pagani, je vous rappelle que vous ne pourrez intervenir que trois fois dans tout ce chapitre. La parole est à M. Ecuyer.
M. René Ecuyer (AdG). Je ne peux pas vous donner des exemples précis, car il en existe un grand nombre. Je peux cependant vous affirmer qu'il s'agit d'un tour de passe-passe, auquel l'on pourrait croire. Le terme de «rabais» d'impôts prend ici tout son sens, car l'impôt de base est calculé sur le revenu imposable: vous soustrayez donc à votre revenu brut les déductions autorisées sur ce revenu pour calculer l'impôt de base avant les déductions sociales. Vous prenez ensuite le rabais, qui se monte pour un couple à 27 000F, à quoi s'ajoutent les déductions AVS pour les retraités ou les déductions pour les couples sans enfant, puis vous calculez l'impôt sur ce rabais, mais à un taux évidemment inférieur à l'impôt de base - l'impôt étant progressif. C'est en fait la différence d'utilisation des taux qui provoque cette augmentation pour des revenus égaux. Il faut donc corriger cela, car elle crée une différence importante.
Certaines personnes dont le revenu est identique connaissent une différence d'imposition de 2 000F! (Brouhaha.)L'augmentation est donc réelle. (Le président agite la cloche.)Lors des journées d'explication organisées à l'Avivo, les gens sont venus par dizaines demander pourquoi ils avaient une augmentation d'impôts. Les correctifs apportés n'ont donc malheureusement pas été suffisants, puisque les gens se voient pénalisés.
M. Gilbert Catelain (UDC). Le projet de motion qui nous est présenté par M. Pagani mérite certes un certain intérêt. Je me demande cependant s'il n'arrive pas comme la grêle après les vendanges dans la mesure où, lors de la révision de ce que l'on avait appelé le «couac» de cette réforme fiscale liée au rabais d'impôts, je me souviens que mon collègue député M. Iselin avait rendu attentif ce parlement aux effets pervers de ladite révision pour les personnes âgées, car l'on savait déjà à cette époque qu'il y aurait de fortes hausses d'impôts pour les personnes âgées. Il s'agit donc d'un phénomène connu depuis de nombreux mois, phénomène dont nous avons déjà discuté, et qui recèle peut-être encore des effets pervers. Il ne faut pas, selon moi, restreindre notre analyse aux seules personnes âgées, car des couples mariés avec un ou deux enfants semblent être dans une situation analogue: ils connaissent également une forte augmentation d'impôts sans augmentation de revenus. Il me semble que le Conseil d'Etat, notamment le département des finances, avait proposé que l'on fasse le point après six mois. Je suggère donc que l'on attende le rapport d'experts indépendants et que nous tirions les conclusions de la réforme fiscale dans six mois.
M. Rémy Pagani (AdG). J'aimerais tout d'abord rappeler l'accord minimum sur lequel tout le monde s'entendait, à savoir que cette réforme des impôts devait être une opération blanche. Je précise ensuite que nous ne remettons pas en cause le rabais d'impôts, car nous sommes conscients que cette manière de faire préserve justement la politique d'opérations blanches. Toujours est-il qu'aujourd'hui, comme l'été dernier, certaines catégories de la population, comme les familles, voient leurs impôts augmenter, alors que les revenus n'augmentent pas. Il y aura en outre une nouvelle augmentation pour les retraités, qui ne seront plus exonérés des quelque 10 % sur la LPP. Cela constitue un problème supplémentaire.
Nous demandons pour notre part - et je lis l'invite - que l'on nous présente «au plus vite un rapport sur l'application de la LIPP V et les catégories de contribuables qui subissent une augmentation de leur impôt sur le revenu en vertu de ladite loi malgré l'adaptation apportée à cette loi en septembre 2002, ainsi que sur les remèdes qu'il y aurait lieu d'apporter à cette situation». Nous estimons par ailleurs que ceci doit être fait rapidement, afin que les retraités - et ils sont nombreux dans notre collectivité - ne connaissent pas l'année prochaine une augmentation de leurs impôts du fait de cette réduction de 10 % et du fait de cette distorsion malheureuse, que nous n'avons pas voulue, en ce qui concerne le rabais d'impôts.
Ceci étant, Monsieur le président, je vous propose de mettre au vote cette motion et de l'inscrire à l'ordre du jour, car je conçois mal qu'elle soit votée dans six mois au rythme où va notre travail de parlementaires. Je propose donc que vous la mettiez aux voix, comme il se doit, car l'on peut modifier en tous temps notre ordre du jour. Et, si la présidente du département le veut bien, il serait souhaitable que nous traitions rapidement ce problème.
Nous ne sommes cependant pas sûrs que le problème évoqué touche l'ensemble des retraités; seule une certaine catégorie pourrait être touchée. Il serait bon de le savoir avant la grande réforme qui va les toucher l'année prochaine.
Le président. La parole est à M. Iselin. Nous attendrons ensuite la réponse de Mme Calmy-Rey et, si le rapport ne venait pas rapidement, je mettrai aux voix votre proposition. Je rappelle que la majorité des deux tiers est nécessaire pour l'acceptation de ladite motion.
M. Robert Iselin (UDC). Je renonce à mon intervention, mon collègue Catelain ayant déjà fort habilement mentionné ce que je souhaitais relever.
Mme Micheline Calmy-Rey, conseillère d'Etat. Je tiens à dire, concernant les problèmes évoqués par rapport à la LIPP V, qu'il n'y a pas eu de problèmes avec cette LIPP V, ni concernant les familles, ni concernant les retraités, comme vous le savez aujourd'hui.
Je rappellerai, concernant les retraités, que la LIPP V a été une opération d'harmonisation avec la loi fédérale. Cette dernière n'autorisait en effet plus la déduction cantonale des rentrées AVS-AI, qui pouvait aller jusqu'à 50 % en fonction des autres revenus. Si nous n'avions pas trouvé la solution du rabais d'impôts, l'augmentation d'impôts pour les retraités aurait été extrêmement importante. Or, ni moi ni la commission fiscale n'avons souhaité cela. Nous avons donc introduit l'instrument du rabais d'impôts pour corriger cette distorsion. Je vous rappelle que des simulations avaient été faites à l'époque, simulations qui portaient jusqu'à 18 000F une déduction sociale pour les retraités classiques sur leurs revenus bruts. Nous avions vu que cette déduction classique corrigeait très faiblement l'augmentation d'impôts pour les retraités. Avec le rabais d'impôts, la correction était beaucoup plus importante, bien que pas totale. Dans le cadre de la LIPP V, cette correction est globalement neutre: deux tiers des gens y trouvent un avantage, un tiers un inconvénient. Un certain nombre de retraités connaîtront donc effectivement une augmentation d'impôts. Vous connaissez les résultats de ces simulations, qui vous ont été donnés. Je ne vois dès lors pas ce qui pourrait être rajouté.
Ceci étant, comme une motion avait d'ores et déjà été renvoyée au Conseil d'Etat au moment de la discussion sur les familles, je m'étais montrée d'accord de vous faire rapport sur la correspondance entre la simulation qui avait été faite et la réalité des choses une fois que tous les bordereaux 2001 auront été envoyés: cela reste valable, et je prends la motion, si vous êtes d'accord, dans le cadre de ce rapport plus général qui vous sera remis. Mais je vous en supplie, Mesdames et Messieurs,soyez conscients que le rabais d'impôts protège les retraités autant que faire se peut ! Cela ne les pénalise pas !
Je souhaite dire en deuxième lieu à M. Froidevaux qu'il a entièrement raison: il y a effectivement une augmentation de 3,7 % des revenus de l'Etat par rapport au budget 2002, augmentation qui est portée au budget 2003. Ceci étant, le budget 2002 avait été estimé, comme d'habitude, de façon extrêmement prudente par le Conseil d'Etat, voire de façon trop prudente. Je suis dès lors en mesure de vous dire aujourd'hui, puisque nous avons fait une projection des comptes 2002 à la fin de l'année, que nous obtenons un résultat largement supérieur aux chiffres qui ont été mis dans le budget 2002. Par conséquent, comme je vous l'ai dit tout à l'heure, la croissance du budget 2003 par rapport aux comptes 2002 est de 0 %. L'on ne peut donc guère dire que le Conseil d'Etat fait preuve d'inconséquence dans l'inscription des recettes. Ainsi, si j'étais à votre place, Monsieur Froidevaux, je ne me ferai pas de souci. Je n'ai d'ailleurs jamais eu pour habitude de surestimer les recettes; l'on m'a plutôt reproché de les sous-estimer systématiquement! (Applaudissements.)
Le président. Madame la présidente ayant souhaité que cette motion lui soit renvoyée, je la considère comme renvoyée au Conseil d'Etat sans vote.
M. Ecuyer, vous tenez vraiment à prendre une nouvelle fois la parole? Bien, mais très brièvement, après quoi nous ferons la pause.
La motion 1508 est adoptée.
M. René Ecuyer (AdG). Je m'interroge simplement sur le point suivant: pourquoi n'avez-vous pas pu utiliser le même taux pour la défalcation du rabais d'impôts ? Il s'agit effectivement simplement de la différence de taux. Il était certes tout à fait juste d'essayer de trouver un moyen de ne pas faire payer les retraités d'une façon incroyable, car les augmentations auraient été spectaculaires. Mais pourquoi ne pas avoir utilisé le même taux pour la défalcation ?
Mme Micheline Calmy-Rey, conseillère d'Etat. Sans rentrer dans des argumentations techniques, il faut savoir que ces instruments sont différents. Il n'est donc pas possible de faire avec le rabais d'impôts exactement la même chose qu'avec une déduction sur le revenu brut. L'on a vraiment poussé le raisonnement jusqu'au bout. Je suis prête à demander à l'administration fiscale de venir à l'Avivo pour vous expliquer ces problèmes ainsi qu'aux personnes concernées.
Ce projet est renvoyé à la commission des travaux sans débat de préconsultation.
La séance est levée à 10h10.