République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 29 novembre 2002 à 14h
55e législature - 2e année - 2e session - 8e séance
PL 8568-A
Premier débat
M. Alain-Dominique Mauris (L), rapporteur de majorité. Je voudrais ajouter quelques brefs commentaires à mon rapport. Vous aurez compris, Mesdames et Messieurs les députés, que ce projet de loi est un projet conjoncturel qui s'inscrivait dans une période un peu difficile pour notre canton. Le sujet traité n'est en fait plus d'actualité.
Deux remarques tout de même concernant le rapport de minorité. Le rapporteur dit qu'il aurait souhaité ouvrir une réflexion en commission autour des questions posées par le projet de loi. Je vous rappelle, Monsieur Vanek, que la réflexion a eu lieu puisque nous avons procédé à deux auditions et qu'il y a eu une discussion en commission. Par ailleurs, la proposition d'amendement, telle qu'elle est mentionnée à la fin du rapport de minorité, n'a jamais été discutée en commission. Comme elle modifie complètement ce projet de loi, nous ne pouvons pas entrer en matière sur cette proposition.
M. Pierre Vanek (AdG), rapporteur de minorité ad interim. Comme l'a dit le rapporteur de majorité, ce projet de loi est conjoncturel, du moins fait-il référence à un contexte bien précis : celui de la débâcle de la compagnie d'aviation Swissair. Ce projet de loi visait à assurer la pérennité des activités de la société de handlingSwissport en indiquant que cette société serait reprise par l'aéroport international de Genève au cas où Swissair aurait dû l'abandonner suite aux événements que l'on sait.
Depuis le dépôt de ce projet, les choses se sont transformées et Swissport a été rachetée par une multinationale financière anglaise, Candover. Les choses semblaient réglées. En fait, l'actualité nous le montre fréquemment, les choses ne sont pas forcément réglées de manière définitive et pérenne, et c'est un euphémisme.
Certes, mon amendement n'a pas été proposé durant les travaux en commission - qui ont duré une séance, ce qui n'est peut-être pas suffisant pour élaborer un amendement - mais, cette proposition conserve parfaitement l'esprit du projet de loi initial. En effet, cet amendement concerne toujours la reprise des activités de l'entreprise Swissport. Il est ainsi formulé : «Au cas où la société Candover décidait de revendre l'entreprise Swissport Genève soit par le transfert des activités ou par la cession d'actions à une autre société, ces tâches seront reprises par l'aéroport qui devra proposer à cette fin le réengagement du personnel qui leur est affecté.»
Alors de deux choses l'une : soit, comme le prétend le rapporteur de majorité, la situation est pérennisée et alors cet article ne sert à rien, à la manière d'un filet de sécurité qui ne sert à rien tant que le trapéziste ne tombe pas; soit - et on ne peut pas l'exclure dans ce secteur et vu le pedigree de la société financière Candover - Swissport n'est pas sorti des turbulences que l'on connaît dans le domaine de l'aviation, auquel cas cet article est utile et déploiera un effet. C'est pourquoi je ne peux pas vraiment accepter la remarque du rapporteur de majorité selon laquelle cet amendement serait une pièce rapportée qui n'aurait rien à voir avec l'esprit du projet de loi. C'est bien de la même chose qu'il s'agit : il est question de la reprise par l'aéroport de Genève, avec les garanties que cela représente, de l'activité ou d'une partie de l'activité de handling .Voilà pourquoi je vous invite à voter l'amendement proposé dans le rapport de M. Pagani.
Le président. Même s'il figure dans le rapport, je vous demande de remettre un exemplaire de cet amendement signé au Bureau.
M. Jacques Jeannerat (R). Je vous rappelle, Mesdames et Messieurs les députés, que l'intention des auteurs de ce projet de loi était de maintenir les emplois de la société Swissport dans le contexte de la déconfiture du groupe Swissair. Comme l'a dit le rapporteur de minorité, Swissport a été racheté par le groupe Candover et quelques mois après ce rachat, le nombre de collaborateurs a augmenté. Par conséquent ce projet de loi n'a aucune raison d'être et je demande que nous procédions immédiatement au vote comme nous le permet l'article 79 du règlement.
M. Claude Blanc (PDC). Non seulement l'Alliance de gauche retarde d'une guerre, car Swissport n'est plus à vendre, mais en outre le projet de l'Alliance de gauche est contraire à une directive européenne dont la teneur est transcrite dans le rapport de M. Mauris : «L'aéroport délivre des concessions aux prestataires de services qui exercent une activité de manutention des bagages et d'assistance aux passagers. Une directive européenne stipule qu'il faut deux prestataires de services indépendants l'un de l'autre et indépendants de l'exploitant de l'aéroport pour que la concurrence puisse jouer.» Ainsi s'est exprimé M. Jobin, le directeur de l'aéroport lorsque nous l'avons entendu. Actuellement, l'aéroport de Cointrin répond à cette condition. Swissport est certes le prestataire le plus important, mais certaines compagnies assurent elles-mêmes la manutention des bagages.
C'est dire que si nous votions ce projet de loi, nous serions en contradiction avec les directives européennes que nous nous sommes engagés à respecter en signant les accords bilatéraux.
Par conséquent, ce projet de loi doit être refusé sans autre forme de procès.
M. Christian Grobet (AdG). L'Alliance de gauche ne partage évidemment pas les avis de MM. Jeannerat et Blanc. Nous pensons que la force de l'aéroport, c'est précisément de contrôler lui-même les infrastructures que je qualifierais de vitales pour son fonctionnement. Nous ne demandons pas que l'aéroport gère lui-même tous les magasins qui se trouvent dans la galerie marchande. En revanche, les activités qui sont déployées par Swissport concernent directement l'exploitation de l'aéroport et son bon fonctionnement. M. Pagani l'a rappelé dans son rapport, les bandes roulantes pour le transport des bagages étaient en mains privées parce que Swissair en avait financé l'installation. On a pu voir les inconvénients que cela représente.
Nous constatons une chose, c'est que rien, hélas, n'est définitif. Les situations peuvent évoluer à une vitesse phénoménale. Qui aurait imaginé, il y a deux ans que Swissair, un des fleurons de notre économie, allait tout d'un coup tomber en faillite? C'est pourquoi il faut prendre les devants. Swissport a été rachetée par une société financière internationale qui, dans d'autres cas, a acquis des sociétés dans le but de les revendre ensuite. Cette possibilité peut présenter des inconvénients majeurs pour l'aéroport et c'est pourquoi nous avons proposé cet amendement.
Monsieur Blanc, je dois vous dire que je ne suis pas du tout convaincu que cette solution soit contraire au droit européen. Un exemple m'est venu à l'esprit en vous parlant : en 1968, le Conseil municipal avait voulu prendre des précautions en ce qui concerne le casino... (Rires.)Oui, ça vous fait rigoler, Monsieur Blanc, mais c'est comme je vous le dis ! Le contrat passé à l'époque avec le prétendu futur exploitant de l'hôtel - une société contrôlée par les frères Weissen - était parfaitement désastreux. La société en question n'a évidemment jamais construit l'hôtel et il a fallu ensuite des négociations extrêmement dures avec M. Gaon pour que la Ville récupère une partie de cet actif qu'elle a effectivement perdu par la suite. Ce que je veux dire c'est qu'à l'époque tout le monde était convaincu que la mise resterait limitée à 5 francs et que nous n'aurions jamais un casino comme on les connaît aujourd'hui. Je me souviens d'être intervenu alors au Conseil municipal en disant que l'on ne peut pas jurer de l'avenir. Il en va de même dans l'affaire qui nous occupe : on ne peut pas savoir comment la situation évoluera. Nous estimons en conséquence que la disposition proposée par le rapporteur de minorité est utile à l'aéroport.
M. Claude Blanc (PDC). Je m'amuse beaucoup cet après-midi parce que je viens d'entendre M. Grobet faire une démonstration extraordinaire. Il vient de nous dire que la Ville de Genève avait dû se battre contre une société privée pour reprendre le contrôle du casino. Eh bien, Mesdames et Messieurs les députés, on peut voir ce qui arrive quand les pouvoirs publics se mêlent de faire ce qu'ils ne savent pas faire. La démonstration de M. Grobet est brillante comme toujours, mais elle fait l'effet d'un boomerang.
Je reviens maintenant à ce que je disais tout à l'heure. M. Grobet semble le mettre en doute. Il sait très bien qu'il a tort parce qu'il connaît les dispositions européennes, mais il feint de ne pas les connaître. L'aéroport de Genève délivre des concessions aux prestataires de service et c'est précisément pourquoi il ne peut pas être lui-même concessionnaire, ne pouvant pas être juge et partie. C'est l'évidence et M. Grobet pourra tourner les choses comme il voudra, cette loi est inopérante parce que contraire aux directives européennes.
M. Christian Grobet (AdG). Monsieur Blanc, vous connaissez mal, évidemment, le dossier du casino de Genève : je n'ai pas dit que la Ville avait repris le casino pour la simple raison qu'elle était l'actionnaire quasiment unique de la société d'exploitation. Ce que la Ville a réussi à reprendre, c'étaient les locaux nécessaires à l'exploitation de ce casino. Elle n'y est pas arrivée entièrement puisque, comme vous le savez, le problème de la salle de spectacle n'a pas été réglé et que nous risquons de perdre le bénéfice de cette salle.
Je n'entrerai pas ici dans le détail de cette opération, mais je voulais simplement souligner le fait qu'à l'époque, des dispositions avaient été prises en considérant que la mise serait toujours limitée à 5 francs. Vingt-cinq ans plus tard, la situation a changé ce que personne ne pouvait prévoir.
Ce que nous voulons, c'est prévenir un éventuel changement dans la situation actuelle de la société Swissport. En ce qui concerne la concurrence, il y a d'autres sociétés de handlingà l'aéroport; je ne pense donc pas que vous puissiez prétendre que la reprise éventuelle par l'aéroport de l'activité déployée par Candover supprimera la situation de concurrence.
M. Pierre Vanek (AdG), rapporteur de minorité ad interim. Sans vouloir relancer le débat, j'aimerais faire deux remarques suite à l'intervention de notre collègue Claude Blanc. Il a rebondi sur les propos de M. Grobet pour prétendre que quand l'Etat se mêle de quelque chose la gestion est désastreuse. Je ne sais pas si votre intention, Monsieur Blanc, était de comparer la gestion de l'aéroport de Genève en tant qu'établissement public autonome à celle du casino. Je veux préciser cependant que le but de notre amendement est d'encourager, au cas où Candover décide de vendre ou de céder les actions de l'entreprise Swissport, la reprise des activités de Swissport par l'aéroport international de Genève pour assurer une tâche essentielle à son fonctionnement. Il ne s'agit donc pas de confier cette activité à l'Etat.
Sur la question de la directive européenne, je n'ai pas les grandes compétences de M. Blanc en matière de droit européen, ni celles de mon collègue Christian Grobet. Je sais que le droit n'est pas une science exacte. Ce que je sais aussi, c'est que depuis cinq ou six ans on m'assène dans les commissions de ce Parlement l'inéluctabilité de la libéralisation du marché de l'électricité, exigée semblait-il par une directive européenne. Or, les électeurs qui ont participé à la consultation populaire du 22 septembre en ont décidé autrement. On s'aperçoit alors qu'il est parfaitement possible de vivre en ayant pris une décision politique dont on nous disait qu'elle était parfaitement exclue au nom aussi, Monsieur Blanc, d'une directive européenne. Qui peut le plus peut le moins; en l'occurrence, la libéralisation du marché de l'électricité était une entreprise bien plus vaste que la reprise de Swissport par l'aéroport de Genève. Par conséquent, je ne pense pas que cette directive européenne doive nous empêcher de prendre une décision.
M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Je n'ai aucune compétence en droit européen, je ne m'étendrai donc pas sur la portée de la directive dont il est question. En revanche, ce dont je me souviens, c'est que l'aéroport est devenu un établissement public autonome suite à une votation populaire. Le peuple a donc montré son attachement à l'autonomie de cet aéroport.
Par ailleurs, et je suis surpris que cela n'ait pas été évoqué dans vos débats, une société de handlings'occupe d'intendance et voit par conséquent son activité dépendre non pas de qui la possède, mais du nombre d'avions qui se posent et qui décollent. En conséquence de quoi, il n'y a qu'une chose à encourager, c'est le dynamisme de notre aéroport pour que Swissport ait suffisamment de travail. C'est ainsi, Mesdames et Messieurs les députés, que vous assurerez les emplois, qu'ils soient ceux de Swissport ou de ses concurrents. J'espère dès lors que votre Parlement soutiendra toute initiative visant à dynamiser notre aéroport dont on sait l'importance pour la Genève internationale et pour la Genève économique.
Mis aux voix, ce projet est rejeté en premier débat par 47 non contre 24 oui et 1 abstention.