République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 8096-A
Rapport de la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil chargée d'étudier le projet de loi constitutionnelle de M. Roger Beer modifiant la constitution de la République et canton de Genève (A 2 00) (visant à introduire un Conseil administratif dans les communes de plus de 800 habitants)
Rapport de M. Alain Charbonnier (S)
Projet: Mémorial 1999, p. 7279.
PL 8097-A
Rapport de la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil chargée d'étudier le projet de loi de M. Roger Beer modifiant la loi sur l'administration des communes (B 6 05) (visant à introduire un Conseil administratif dans les communes de plus de 800 habitants)
Rapport de M. Alain Charbonnier (S)
Projet: Mémorial 1999, p. 7279.

Premier débat

M. Alain Charbonnier (S), rapporteur. Je ferai quelques commentaires. Tout d'abord, l'auteur de ces deux projets de lois est un ancien député radical. Dans son exposé des motifs, il précise que la loi actuelle qui instaure un conseil administratif dans les communes de plus de trois mille habitants date de 1917. Il estime qu'aujourd'hui l'activité d'un conseiller administratif est davantage conciliable avec une vie professionnelle active, que le système où le maire travaille à 70 ou 80% et les adjoints nettement moins.

Selon notre ancien collègue et la majorité de la commission de l'ancienne législature - je tiens à le préciser - la répartition de la charge de maire à tour de rôle dans un conseil administratif présente l'avantage de mieux répartir le travail qui est lié à cette charge. L'élection d'un conseil administratif comptant trois magistrats égaux permet aussi de mieux respecter la représentation politique du conseil municipal élu selon le système proportionnel - je le rappelle - à partir de huit cents habitants.

Un autre problème se présente aussi aujourd'hui au moment des élections, problème qui n'a pas tellement été étudié au cours des travaux de la commission: il se trouve qu'un candidat au poste de maire ne peut pas se présenter à l'élection au poste d'adjoint et vice-versa, ce qui est profondément injuste par rapport à l'engagement que ces personnes sont prêtes à donner à la collectivité publique. Sur les vingt-huit communes gérées par le régime maire et adjoints d'aujourd'hui, dix-neuf d'entre elles seraient directement concernées par la modification constitutionnelle et législative. Les magistrats communaux des conseils administratifs seraient alors renforcés dans leur autorité et leurs responsabilités. Et, finalement, avec une représentation accrue des forces politiques en présence, notre démocratie directe aurait tout à gagner.

Mme Janine Hagmann (L). Hier, notre collègue Bernard Annen, dans son discours de départ, nous disait qu'il y avait eu sept cent cinquante-trois actes législatifs en une année. Et, avec une certaine amertume, il a dit qu'il se demandait s'ils étaient tous vraiment utiles...

Eh bien, Mesdames et Messieurs les députés, en voilà un qui n'est vraiment pas utile ! Depuis quand, se mêle-t-on de ce qui ne nous regarde pas ? Et puis, doit-on changer un système qui fonctionne bien ?

Il nous est proposé là un projet de loi constitutionnelle, ce qui signifie une modification de la constitution. Cela implique une votation populaire pour que la population accepte qu'il n'y ait plus de maire dans les communes de moins de trois mille habitants, mais un conseil administratif... Vous rendez-vous compte de la réalité ? Dans une commune de moins de trois mille habitants, le maire représente quelque chose de très important, et la population y tient beaucoup. Et la population n'est absolument pas prête à changer les choses. Qui s'est plaint ? M. Plojoux a apporté des statistiques faites sur la base de questionnaires envoyés dans toutes les communes... Personne ne se plaint de la situation, à part un seul épiphénomène: je veux parler de la personne qui a rédigé le projet de loi et qui a simplement réagi à un évènement unique. On peut comprendre sa réaction, mais son projet ne répond pas du tout aux attentes de la population.

J'aimerais dire aux membres de la commission qui ont étudié ce projet de loi qu'ils ne l'ont pas examiné vraiment à fond. On ne va pas remettre en question le système de conseillers administratifs qui peut être intéressant pour les communes de plus de trois mille habitants... Mais de nouveau, c'est une Genferei ! En effet, quels sont les cantons qui ont un système semblable ? Le canton du Valais a un président de commune, qui a pas mal de pouvoir; le canton de Vaud a un syndic, et ces postes ne sont pas changés toutes les années ! Aucun autre canton n'applique le système genevois.

Les personnes qui vivent dans les communes où il y a un conseil administratif nous disent toujours qu'elles ne savent pas qui est le maire. Dans une commune de moins de trois mille habitants, un maire connaît pratiquement toute sa population, ce qui ne veut pas du tout dire qu'il ne travaille pas en équipe avec ses adjoints... Cela va de soi ! Le maire et les adjoints forment une équipe, les adjoints ayant des pouvoirs de délégation. A Genève, le maire - vous le savez bien - a peu de pouvoir. A cet égard, la différence est grande par rapport à la France ! L'autre jour, à l'inauguration de la Foire de Genève, j'ai été frappée par la venue de la maire adjointe à M. Delanoë... Y a-t-il un conseil administratif à Paris ? Jamais de la vie !

Il serait complètement ridicule d'appliquer ce projet de loi pour les communes de moins de trois mille habitants ! Tout va bien, personne ne souhaite de modification, sauf... (L'oratrice est interpellée.)Mais, oui, ridicule, c'est le bon terme pour qualifier ce projet de loi ! J'aimerais encore dire que le maire, à l'heure actuelle, est le primus inter pares.Cette solution convient très bien, et il faut la garder.

Le groupe libéral n'entrera pas en matière sur ce projet de loi.

M. Patrice Plojoux (L). Je ne vais pas vous restituer l'ensemble des statistiques basées sur les questionnaires qui ont été envoyés dans les communes, mais je précise que ces questionnaires ont été envoyés aux magistrats des communes concernées.

J'aimerais mettre en relief deux ou trois réponses.

La première question était: avez-vous un problème de surcharge de travail ? Dans 41% des cas, la réponse a été affirmative. Mais à la question: cette surcharge de travail pourrait-elle être résolue par ce projet de loi ? La réponse a été négative dans 41% des cas... Tout cela pour vous dire que ce projet de loi n'est pas une solution pour ce problème de surcharge.

Autre question: estimez-vous le degré de délégation du maire aux adjoints suffisant ? 96% estiment que oui.

Enfin: êtes-vous satisfait de la situation actuelle ? 96% répondent, oui.

D'autre part, la plupart des adjoints ont répondu ne pas désirer briguer un mandat de conseiller administratif, voire de maire, parce que cela leur occasionnerait une surcharge de travail. Voilà !

Je vous invite donc à ne pas céder au syndrome de Bardonnex et à rejoindre la solution libérale qui est de refuser ce projet de loi.

M. Luc Barthassat (PDC). Il y a deux ans déjà que M. Beer, alors député dans ce parlement, nous présenta ces deux projets de lois à la veille des élections nationales. Ce qui devait être un coup d'éclat, voire même un coup de pub, se mit vite à ressembler à une mauvaise blague... D'ailleurs, on en rit encore dans certaines communes !

Dans ces communes, en tout cas celles qui comptent moins de trois mille habitants, le maire est et reste une référence, et doit le rester. Il est connu de tous ses communiers, il est quelqu'un d'accessible à tous et cela - je me permets de vous le rappeler - a toute son importance.

Les adjoints sont là pour le seconder et lui rendre la tâche plus facile. Cela fonctionne très bien comme cela - cela a été dit tout à l'heure par mes préopinants - et, dans tous les cas, la grande majorité d'entre eux ne tient pas du tout à ce que cela change, tout en respectant les différences politiques des personnes en place dans les mairies.

A l'époque, lors de l'élaboration de ces deux projets de lois, le signataire n'avait même pas jugé utile de consulter les communes... Ce qui - vous me permettrez de le dire - aurait été la moindre des choses !

S'il est dit dans le rapport que cette modification ne concernerait que dix-neuf communes, M. Plojoux, ici présent, président de l'Association des communes genevoises, répond dans ce même rapport que soixante-cinq d'entre elles se sont montrées défavorables à ces deux projets de lois et que beaucoup d'adjoints ne seraient pas du tout intéressés à devenir maire.

C'est entre autres à cause de cela que je serai tenté de vous dire que ceux qui rêvent de devenir calife à la place du calife, plus facilement, n'ont qu'à prendre leurs responsabilités, comme cela s'est toujours fait, à la loyale, avec le courage de se déclarer et de se présenter devant les urnes et leurs communiers.

Pour terminer et pour la petite histoire, notre ancien collègue et signataire de ces deux projets de lois a quitté depuis sa petite commune de Bardonnex pour rejoindre des cieux un peu moins campagnards, pour aller gambader sur les plates-bandes d'un autre de ses anciens collègues, celui-ci encore bien présent sur les hauteurs de notre parlement ! (Rires et applaudissements.)Mais cela est une autre histoire !

Mesdames et Messieurs, le parti démocrate-chrétien vous demande - vous l'avez bien compris - de refuser ces deux projets de lois et de les envoyer se perdre dans les brouillards campagnards de notre mois de novembre, bien loin des lumières et des rumeurs de la ville. (Applaudissements.)

M. Claude Blanc (PDC). Je voudrais juste faire quelques remarques.

Si l'on considère la Confédération suisse dans son ensemble, le canton de Genève fait exception. C'est en effet le seul canton qui n'ait pas de maire élu pour quatre ans. C'est le seul canton qui fait alterner les magistrats communaux à la mairie, c'est-à-dire un exécutif collégial - ou prétendu tel... Au début, cela s'appliquait seulement pour la Ville de Genève, ensuite pour les grandes communes - quatre ou cinq pendant des années, puis une quinzaine actuellement - et, maintenant, ce projet vise à étendre ce système à la presque totalité des communes du canton... C'est totalement contraire à ce qui est pratiqué dans toute la Suisse et, aussi, me semble-t-il, à certaines idées radicales qui avaient cours au début des années 90 !

En effet, les radicaux avaient alors imaginé que le Conseil d'Etat devrait être présidé par ce qu'ils appelaient un «gouverneur», comme aux Etats-Unis. Ce super magistrat aurait été le maître de la République pendant quatre ans. C'est une idée radicale qui n'a pas été plus loin que les radicaux d'ailleurs, et, maintenant, les radicaux nous présentent une idée totalement contraire, soit un système collégial appliqué jusqu'aux toutes petites communes de campagne...

Une voix. Un radical !

M. Claude Blanc. Un radical ou des radicaux, c'est pareil pour moi ! Vous savez comme je les considère... (Exclamations.)

Mesdames et Messieurs les députés, nous n'allons pas nous prêter aux fantaisies successives d'un certain radical ! Nous allons être conséquents avec nous-mêmes et conserver le système actuel s'agissant de l'administration des communes.

M. Thomas Büchi (R). Je vais être bref au sujet de ce projet de loi, parce que, comme je l'ai déjà dit, ici et en commission, ce projet n'est pas véritablement un projet radical, puisque le groupe radical dans son ensemble était opposé à ce projet. Il a été déposé à la seule initiative de son auteur, et c'est sa seule responsabilité... Ce n'est peut-être pas le meilleur projet de loi que Roger Beer ait déposé dans sa carrière politique: il est en effet à l'origine de projets qui ont été très utiles à la République, mais nous n'étions pas favorables à celui-ci.

En revanche, Monsieur Blanc, cela fait des années que vous essayez de «manger du radical»... Vous avez dit seize fois le mot «radical» en deux minutes... Votre discours commence à être un peu dépassé !

Ce qui encore moins acceptable, c'est que M. Barthassat se permette de tenir des propos qui sont à la limite de l'indécence envers un ancien collègue qui n'est pas présent, qui ne peut donc pas se défendre, et qui touchent quasiment à sa vie privée. M. Beer a quitté la commune de Bardonnex, mais la façon dont vous l'avez relaté n'est pas très sympa, c'est le moins que l'on puisse dire !

C'est tout ce que j'ai à dire sur ce sujet.

Le groupe radical ne va pas accepter ce projet de loi, comme cela a déjà été dit. Nous le refuserons ce soir.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons passer au vote sur l'entrée en matière sur ces projets de lois. Pour que les choses soient claires, nous procèderons au vote électronique, puisqu'il y a visiblement divergence avec la commission.

Une voix. On a sonné ?

Le président. Oui, on a sonné, vous voyez bien tous ces gens qui arrivent ! Simplement le vote électronique implique que chaque député vote de sa place. Nous commençons par le projet de loi 8096-A.

Mis aux voix, ce projet est rejeté en premier débat par 34 non contre 26 oui.

Le président. Vous conviendrez avec moi, Mesdames et Messieurs les députés, qu'il n'est pas nécessaire de procéder au vote du projet de loi 8097-A, qui tombe automatiquement... (Exclamations.)Bon, si vous voulez le voter. Nous allons procéder au vote à main levée.

Mis aux voix, ce projet est rejeté en premier débat.