République et canton de Genève

Grand Conseil

Discours de M. Bernard Lescaze, nouveau président

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, vous venez de me porter à la présidence de ce Grand Conseil. Permettez-moi de vous en remercier d'autant plus sincèrement que vous me placez à la tête d'une institution qui fêtera bientôt son demi-millénaire, puisqu'elle a été créée en 1526, et qu'à l'exception d'une brève période - entre 1798 et 1814 - elle a toujours existé sous des vocables divers: Grand Conseil ou Conseil des Deux Cents, Assemblée nationale, Conseil représentatif, Grand Conseil, et qu'elle dispose depuis plus de quatre siècles du droit régalien de faire grâce. Il est vrai qu'elle ne possède son propre président que depuis 1846, à la suite de la dernière révolution genevoise.

La chaîne des générations forme la trame du temps. Les radicaux de 1846 étaient les héritiers des Genevois du XVIIIe siècle et des Lumières. Ceux du XXIe siècle doivent aussi assumer cette part d'héritage.

En ce temps où les droits semblent l'emporter sur les obligations, où l'on met en avant le droit d'inventaire pour mieux se défausser, j'assume pleinement l'agréable devoir de remercier notre président sortant, Bernard Annen, pour le dévouement dont il a fait preuve dans l'exercice de sa charge. Rarement j'ai vu président aussi conscient de son rôle et de son rang, aussi soucieux de défendre toutes les prérogatives du Grand Conseil, que ce soit sur le fond, veillant au respect des missions essentielles du parlement, ou sur la forme pour maintenir des règles protocolaires souvent bafouées, à tel point que le pouvoir législatif en paraissait un nain par rapport au pouvoir exécutif ou au pouvoir judiciaire. De même, en tant que président, Bernard Annen a voulu s'engager sans relâche pour défendre tant le sautier que le service du Grand Conseil sans lesquels l'activité parlementaire serait comme rabougrie, en raison de la modicité des moyens mis à disposition des parlementaires. Qu'il en soit remercié.

Sur le plan personnel, je crois être l'interprète du Bureau tout entier pour affirmer avoir découvert un homme chaleureux, affable, proche des gens, un libéral de la tendance humaniste, car profondément humain. Mû par un sentiment filial, mais non dénué de pertinence, l'un de ses fils a dépeint son père «comme un homme sérieux qui ne se prend pas au sérieux», ce qui, vous en conviendrez aisément, vaut mieux que l'inverse !

Pour tout, encore merci, cher Bernard Annen.

Mesdames et Messieurs les députés, la situation internationale ne laisse pas d'inquiéter. Les chiens de la guerre aboient trop fort à notre goût. Comment ne pas rappeler ici, à Genève, qui s'en est fait vocation et spécialité, que la résolution pacifique des différends par la négociation, la médiation ou l'arbitrage demeure le moyen le plus acceptable, le plus humain, le plus civilisé, de maintenir la paix qui ne se conçoit, bien entendu, que dans le respect et non l'écrasement de l'autre. Comment ne pas ici songer aux pages de Thucydide dénonçant dans sa «Guerre du Péloponèse», l'impérialisme athénien face à la petite île de Mélos, dans la mer Egée?

Face aux problèmes de la planète, l'attitude de ce Grand Conseil fait parfois penser à la grenouille qui s'enfle. Le bon fonctionnement du parlement n'est pas un sujet mineur. Le rôle du président est de faire avancer les débats en séance plénière, de parvenir à faire voter, conformément aux solutions adoptées en commission, si possible, les parlementaires, après qu'ils se sont exprimés. Sans bâillonner ni museler quiconque, car le rôle d'un parlement est aussi de débattre, nous devrions sans doute renoncer à nous prévaloir d'une compétence universelle, parfois suscitée par l'universelle sottise.

A propos du règlement de ce Grand Conseil, de nombreux projets de modification fleurissent comme champignons sous la pluie. Il me paraît nécessaire de conserver et de conforter une vision totale avant d'entamer une réforme globale sans aucun tabou: siéger un matin par semaine, semi-professionnalisation, appui logistique, modification de certaines procédures, etc., tout doit être évalué pour aboutir aux réformes nécessaires qui renforceront l'efficacité du Grand Conseil.

On ne saurait cependant oublier qu'un parlement est fait pour parler, dans la courtoisie et dans le respect de l'opinion d'autrui. J'y veillerai, en tant que président. Car il faut parler puis décider. Les règlements ne font pas tout, puisque les institutions valent surtout par les hommes et les femmes qui les animent.

Les chantiers qui nous attendent sont nombreux. Ce soir encore, nous devrions procéder à la mise en place législative d'une nouvelle juridiction: le Tribunal cantonal des assurances sociales. Donc, au travail, pour le bien de la République !

Vive Genève ! (Applaudissements.)