République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 19 septembre 2002 à 20h40
55e législature - 1re année - 11e session - 58e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 20 h 40, sous la présidence de M. Bernard Annen, président.
Assistent à la séance: Mmes et M. Micheline Calmy-Rey, présidente du Conseil d'Etat, Martine Brunschwig Graf et Pierre-François Unger, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. Laurent Moutinot, Carlo Lamprecht, Robert Cramer et Micheline Spoerri, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et M. Caroline Bartl, Erica Deuber Ziegler, André Hediger et Véronique Pürro, députés.
Discussion et approbation de l'ordre du jour
Le président. Comme je vous l'annonçais tout à l'heure, les rapports de la commission de contrôle de la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe sur les projets de lois 8714-A, 8763-A, 8766-A, 8769-A et 8797-A, seront traités vendredi après les interpellations urgentes.
Annonces et dépôts
Mme Martine Brunschwig Graf,conseillère d'Etat. Le Conseil d'Etat annonce le retrait du projet de loi suivant:
Projet de loi du Conseil d'Etat autorisant l'aliénation d'un immeuble propriété de l'Université. ( PL-7783-A)
Mme Brigitte Montiest assermentée. (Applaudissements.)
Mme Lucia Fidecaro Mazzoneest assermentée. (Applaudissements.)
Préconsultation
M. Pierre Kunz (R). Les scandales qui ont frappé récemment de très grandes entreprises multinationales - en Europe et dans le monde - ne doivent pas nous laisser croire que les collectivités publiques helvétiques, par contraste, constituent des modèles de clarté, d'intégralité et de sincérité comptable, ni qu'elles sont des exemples en matière de gestion. S'il est vrai qu'à Genève la situation s'est considérablement améliorée depuis l'arrivée de Mme Calmy-Rey au département des finances, la manière dont sont traitées - au plan financier et comptable - les relations triangulaires entre l'Etat, la BCGe et la Fondation de valorisation reste sujette à caution. La loi du 19 mai 2000 - on s'en aperçoit maintenant - nécessite une réévaluation. C'est ce qu'ambitionnent de faire les projets de lois 8754 et 8796.
Je m'intéresserai plus particulièrement au projet 8754, projet de loi avec lequel les radicaux entendent soumettre au Grand Conseil un problème qui concerne directement les relations entre l'Etat, la BCGe et la fondation, mais qu'on retrouve aussi dans d'autres sphères de l'Etat: il s'agit de l'habitude prise par l'Etat de faire emprunter - par des établissements autonomes ou des fondations accomplissant, pour le compte de cet Etat, les missions qui lui sont confiées par le parlement ou le peuple - l'argent dont il a besoin pour fonctionner.
Cette manière de fonctionner, Mesdames et Messieurs les députés, présente un double inconvénient. Premièrement, l'Etat fait ainsi figurer hors bilan une partie de sa dette - contrairement aux règles de la transparence comptable, aux règles IAS en particulier.
Deuxièmement, ce qu'il faut bien appeler des sociétés écrans de l'Etat - comme chez Enron - en arrivent à emprunter sur le marché des capitaux à un taux d'intérêt supérieur à celui que l'Etat pourrait obtenir en intervenant lui-même plutôt qu'en donnant sa caution - ceci évidemment aux frais du contribuable, appelé en dernière analyse à régler la facture.
Par contre, cette façon de procéder n'offre aucun avantage pour l'Etat si ce n'est de réduire «optiquement» - et avantageusement pour certains - l'ampleur réelle de son endettement. Une ampleur qui n'échappe pas, bien sûr, aux sociétés de cotation qui notent Genève sur les marchés financiers. On comprend ainsi que la notation sur les marchés ne baissera pas lorsque les principes de transparence et d'intégralité de la dette publiée seront respectés: bien au contraire !
Mesdames et Messieurs, s'agissant du cas précis de l'article 9 de la loi fondant la Fondation de valorisation, les radicaux vous proposent d'enlever à la fondation la prérogative - au demeurant fictive: Mme Calmy-Rey décide déjà maintenant de tout - d'emprunter directement sur le marché. Les Genevois y verront plus clair et la facture BCGe sera un petit peu moins salée. Merci de votre attention.
M. Albert Rodrik (S). Je parlerai dans l'ordre des deux projets.
Le projet de M. Kunz, tout d'abord, m'apparaît péremptoire et simpliste. A l'évidence, M. Kunz connaît tous les mécanismes des marchés financiers. Mesdames et Messieurs, permettez-moi de rappeler quelques notions élémentaires: les taux que l'on peut obtenir sur un marché des capitaux sont fonction d'un certain nombre de facteurs. Notamment, les taux dépendent du moment où l'on intervient sur le marché et de la sollicitation du marché à ce moment-là - c'est-à-dire de l'abondance ou de la rareté des capitaux. Ensuite - M. Kunz en a parlé - la qualité de l'emprunteur, c'est-à-dire celle du débiteur futur, entre en jeu. Sur ce point, il est vrai que, depuis quelques années et grâce à la gestion de qui vous savez, l'Etat de Genève est un bon emprunteur, bien coté. Mais la médaille a un revers: on peut estimer qu'un bon emprunteur bien coté occupe une position lourde, alourdie par ses emprunts... Durant des décennies et contrairement à d'autres cantons, on a eu tendance à faire de l'Etat de Genève une espèce d'emprunteur public unique, au détriment des taux d'intérêt obtenus pour la collectivité genevoise. On a depuis allégé quelque peu cela, parce qu'il faut une délicate balance, Monsieur Kunz, entre le fait d'être sur le marché en tant qu'Etat bien coté et le fait de ne pas trop alourdir l'ardoise de l'Etat emprunteur. Il s'agit d'un équilibre fin et délicat, pour lequel on ne peut pas administrer les remèdes de cheval que vous préconisez, mais qui requiert de la confiance. On trouve, plus rarement, d'autres emprunteurs publics sur le marché et pour des sommes moindres, mais il n'y a aucun intérêt pour le contribuable genevois à ligoter de cette manière la capacité d'emprunt de la collectivité genevoise.
En ce qui concerne votre deuxième projet, je voulais vous dire encore, Monsieur, qu'en inventant - avec d'autres - une espèce de corset à baleines comme ceux qu'affectionnaient nos compagnes à la fin du XIXe siècle, vous voulez que la fondation n'achète rien, qu'elle vende au meilleur prix et rapidement, mais vous alourdissez en même temps l'article 80A de la constitution. De quoi parlez-vous donc, Monsieur ? Je vais vous le dire: un troisième projet n'est pas discuté aujourd'hui, qui consiste à «refiler» 2,7 milliards à la Banque cantonale pour qu'elle soit absoute de toute responsabilité dans cette affaire. Quel beau cadeau ! Ce projet n'est pas parvenu jusqu'ici, heureusement, mais on y avait consacré du temps en commission.
En réalité, Mesdames et Messieurs, derrière ces deux projets se cache la volonté d'instruire à terme le procès d'une mauvaise gestion des finances, d'une augmentation de la dette et d'un remboursement insuffisant, alors même que cette conseillère d'Etat est la première de l'histoire de Genève à avoir parlé de remboursement, à avoir remboursé la dette et à avoir apporté cette moralité dans notre vie publique, qui consiste à dire que les collectivités publiques - comme les particuliers et les entreprises - doivent rembourser - comme elles peuvent - ce qu'elles empruntent. Et face à cette gestion, vous préparez un procès d'intention en vue des élections 2005 ! C'est bien de cela qu'il s'agit... (Protestations.)...Je ne vois pas d'autre justification à ces projets de lois, qui ne font que ligoter l'Etat, la BCGe et la fondation. Vous voulez pouvoir dire que ces affaires sont mal gérées, parce que sinon vous ne voyez pas comment vous en prendre à une gestion de qualité. Mesdames et Messieurs, à moins qu'on nous apporte des éléments chiffrés et expliqués, nous ne tolérerons aucune modification de la loi du 19 mai 2000, qui a fait ses preuves... (L'orateur est interpellé.)On verra bien, et si c'est cette majorité qui abuse, nous saurons le dire publiquement !
Le président. Monsieur Rodrik, ne vous laissez pas interpeller comme cela !
Mme Michèle Künzler (Ve). Nous nous en tiendrons à quelques principes.
C'est vrai, le premier projet est assez simpliste. Selon nous, l'Etat ne doit pas jouer un rôle de banquier auprès des fondations - qu'il s'agisse des fondations immobilières de droit public, de l'Hospice général ou d'autres fondations. Ces fondations sont autonomes, c'est un principe fondamental. Dans l'absolu, on pourrait imaginer que l'emprunt d'une grande masse d'argent soit obtenu à meilleur marché. En réalité, la dette augmenterait tellement que le taux serait finalement défavorable. Ce type de proposition est donc assez inutile. En outre, nous pensons que la BCGe doit participer au rétablissement de sa santé financière. Et il est simplement incorrect de penser que tout remboursement est impossible. Nous ne savons pas comment la banque va évoluer. Le marché immobilier peut très bien évoluer dans un sens d'abord favorable et il y aura peut-être lieu alors de diminuer la provision de 2,7 milliards. N'allons donc pas offrir un cadeau avant de savoir s'il est nécessaire de le faire - à plus forte raison dans la mesure où il s'agit d'une possibilité et non d'une obligation de remboursement. Quant à nous, nous pensons qu'il normal que la BCGe participe à son propre assainissement. De toute façon, soyons réalistes: replacer une telle somme sur le marché actuel est une utopie. (Brouhaha.)
Concernant le deuxième projet, force est de constater qu'il est beaucoup plus complexe. Mais pour nous, il n'y a aucune raison d'augmenter les frais pour la collectivité. Voyons d'abord comment cela peut évoluer. Pour le reste, le principe de partage des frais a été établi par la loi. Et, je le répète, il est normal que la BCGe participe à son assainissement. Quant au volet immobilier, le projet de loi 8796 nous prédit une étatisation des sols. Franchement, après avoir siégé à la commission de contrôle pendant une année, je ne vois toujours pas où se cache cette étatisation. La Fondation de valorisation veut vendre au mieux, l'Etat veut acheter au mieux, et ces deux volontés ne se rencontrent jamais ou quasiment jamais - ce que personnellement je regrette. Ainsi, les projets proposés visent surtout à mettre les bâtons dans des roues de la fondation. Il est d'ailleurs assez curieux de voir comment ils traitent le problème immobilier. Dire que chaque fois que la fondation achète quelque chose, elle doit vendre quelque chose, pour les tenants du libre marché que vous êtes, correspond quasiment à une soviétisation du marché ! Il est clair que le marché n'est pas si simple: il n'y a pas un acheteur qui s'annonce et un vendeur qui arrive quelques semaines plus tard ! Cette proposition est complètement ridicule ! De toute façon, puisque ces deux projets iront en commission, je reprendrai la conclusion de M. Kunz, mais pour l'appliquer à ces deux projets: arrêtons donc avec ces propositions «coûteuses et malsaines», et je crois que c'est le but que nous poursuivrons en commission !
M. Souhail Mouhanna (AdG). Le projet de loi 8796 apporte un éclairage puissant aux contradictions de leurs auteurs - et notamment du groupe radical - et je vous proposerai ici quelques éléments de démonstration.
Par de tels projets de lois, on tâche de nous faire oublier la catastrophe que représente, pour l'Etat et les contribuables, la gestion calamiteuse et désastreuse de la BCGe. On a demandé à l'Etat de contribuer à l'assainissement de la BCGe et l'Etat a fourni 2,7 milliards de provision, précisément en prévision des pertes. Ces pertes-là, qui sont couvertes par l'Etat, seront en fait couvertes par les contribuables genevois. Dès lors, sachant que la BCGe - rappelons-le - n'est pas l'Etat de Genève - puisque l'Etat n'en est pas l'actionnaire unique - il est tout à fait normal que les autres actionnaires de la BCGe puissent contribuer à l'amortissement de ces pertes.
Je suis donc étonné de lire dans ce deuxième projet de loi - je pars de l'hypothèse que le deuxième projet remplace le premier... (L'orateur est interpellé.)Oui, peut-être, mais il faut mieux formuler, Monsieur Kunz. Vous avez l'habitude des formules à l'emporte-pièce, de telle sorte que personne ne vous comprend plus, et vous ne craignez pas les contradictions. Laissez-moi vous en citer une ou deux. Vous dites par exemple que les pertes qui seront enregistrées par la fondation doivent être couvertes par l'Etat. Mais, en même temps, vous voulez abroger l'article 11 et supprimer la réserve de l'article 12, alinéa 1, selon laquelle «les pertes sur la réalisation des actifs transférés sont prises en charge par l'Etat sous réserve des contributions de la BCGe, en fonction de sa situation financière». Ainsi, vous voulez que l'Etat participe aux pertes, voire à la totalité des pertes, mais, dès qu'une meilleure situation s'offre à la BCGe, que des bénéfices se profilent - même après les dividendes - vous ne voulez pas que la BCGe participe à son tour à l'amortissement des pertes occasionnées par la gestion de qui vous savez.
Votre position est tout de même curieuse ! D'un côté vous voulez que l'Etat prenne en charge les pertes, de l'autre vous voulez priver l'Etat de ressources: on a entendu tout à l'heure des interventions concernant la Halle 6 - les 35 millions en question. Vous voulez donc priver l'Etat des ressources financières qui lui permettent précisément de répondre à ses obligations. Vous avez déposé un projet de loi concernant l'établissement du budget de l'Etat, par exemple, où l'Etat est censé se retrouver coincé dans une espèce de corset en acier à rétrécissement automatique, et en même temps vous continuez à exiger de l'Etat qu'il prenne sur lui la totalité des pertes de la BCGe.
Et puis je vous rappelle tout de même que la fondation est une Fondation de «valorisation des actifs», ce qui signifie qu'elle tâche de vendre au meilleur prix, de façon à ce que les contribuables genevois aient à assumer un minimum de pertes. Du moins, c'est ainsi que je le comprends. Or, vous essayez d'aboutir à un bradage des objets immobiliers ! Parce que, évidemment, les 2,7 milliards de pertes ne sont pas suffisants: il faut perdre davantage, pour encore faire des cadeaux supplémentaires à un certain nombre de milieux immobiliers ! Ceci est totalement inacceptable ! Il faut tout de même mettre les points sur les i: vous voulez brader le patrimoine et les objets aux mains de la fondation, infliger des charges supplémentaires à l'Etat et en même temps priver celui-ci des ressources dont il a besoin. Autrement dit, vous essayez d'arriver à une situation dans laquelle vous allez pouvoir vous attaquer au rôle social de l'Etat. C'est ce que j'appelle le démantèlement de l'Etat social. Comptez sur nous pour nous y opposer. Il n'est pas question d'accepter que les contribuables genevois supportent la totalité des pertes occasionnées par la gestion calamiteuses de personnes qui sont proches de vos milieux. Et ne vous étonnez pas d'un éventuel référendum !
M. Mark Muller (L). Vous pourrez lancer un référendum, Mesdames et Messieurs, contrairement à nous, il y a deux ans, lorsque vous avez voté une clause d'urgence qui nous a empêchés - au mépris de toute règle démocratique - de lancer un référendum contre une loi qui engageait l'Etat pour 5 milliards de francs. Ne venez donc pas nous donner des leçons de démocratie ce soir, s'il vous plaît ! (Brouhaha.)
M. Rodrik nous informe que, pour la première fois dans l'histoire, Mme Calmy-Rey aurait réduit la dette de l'Etat de Genève. Eh bien, Mme Calmy-Rey a augmenté cette dette en «planquant» - permettez-moi l'expression - plus de 2,5 milliards de dettes dans une fondation de droit public - c'est-à-dire en externalisant une dette qui doit, en réalité, faire partie du giron de l'Etat. Les instituts de cotation ne s'y sont d'ailleurs pas trompés: ils évaluent la valeur de l'Etat sur le marché financier en tenant compte de cette dette. Ne venez donc pas nous dire que la dette de l'Etat de Genève a diminué ces dernières années: là encore, c'est une contrevérité.
Quelques mots maintenant sur les deux projets de lois qui nous sont soumis. S'agissant du projet de loi radical, nous l'examinerons avec beaucoup de bienveillance en commission. Il est vrai qu'il y a quelques contradictions entre les deux projets de lois, raison pour laquelle nous avons demandé qu'ils soient joints et renvoyés en même temps en commission, de façon à les examiner en une seule et même fois. Le volet le plus intéressant - car le moins technique - de ces projets de lois concerne l'aspect financier, signé par les groupes libéral, radical et UDC. Il ne s'agit pas ici de brader quoi que ce soit. Au contraire, il s'agit d'éviter deux choses que nous voulions déjà éviter à l'époque de l'adoption de la loi: l'étatisation du sol ainsi que l'utilisation à des fins politiques ou sociales des immeubles transférés à la fondation.
Malheureusement, dans ces premiers mois de législature, nous avons constaté que l'on risque une certaine étatisation du sol à moyen terme. Admettons que la fondation devienne propriétaire de 200 ou 250 immeubles, d'ici un an environ, et que le marché immobilier s'effondre: que va faire la fondation ? Elle n'aura aucun moyen de les revendre à des conditions acceptables, et nous craignons que, puisque ces immeubles et les pertes qui y sont liées ont été financés par le contribuable, lesdits immeubles se voient effectivement étatisés et confiés à l'Etat. C'est exactement ce que nous voulons éviter en proposant qu'à mesure que la fondation achète des immeubles, elle en cède d'autres. Pas le jour même, mais dans un délai d'un à deux ans, évidemment: on ne va pas demander à la fondation de vendre aveuglément des immeubles.
Quant à l'utilisation à des fins politiques de cette fondation, je citerai un exemple tout à fait concret. Le cas de la parcelle du Foyer, à l'avenue Blanc, dans le quartier de Sécheron illustre parfaitement ce que nous craignions déjà à l'époque. L'Etat, la Ville de Genève et la fondation s'entendent comme larrons en foire pour que seule la Ville puisse acheter cet immeuble, à des conditions financières très en dessous de la valeur vénale effective de cette parcelle. Si un PLQ prévoit qu'environ 20% des immeubles qui pourront être construits doivent être affectés à des crèches, à des locaux d'activités sociales diverses et variées, il est évident que seule une collectivité publique s'y intéressera. C'est donc la collectivité publique qui fixe son prix. Et nous, à la commission de contrôle de la fondation, on ne peut qu'accepter ce qui est proposé, dans la mesure où on ne peut pas intervenir. Nous proposons donc un contrôle accru du Grand Conseil sur les opérations qui visent à vendre des immeubles à des collectivités publiques, toujours dans l'optique de poursuivre les buts de cette fondation, qui est une Fondation de valorisation, et rien d'autre.
Enfin, d'un point de vue purement formel, nous demandons que ces deux projets soient renvoyés à la commission de contrôle de la fondation, et non pas à la commission des finances.
Mme Stéphanie Ruegsegger (PDC). Ces deux projets soulèvent certainement des questions pertinentes. Du reste, dans les deux cas, ces questions ont déjà été posées au sein de la commission de contrôle de la Fondation de valorisation. C'est notamment le cas du projet de loi déposé par M. Kunz. Une explication détaillée nous a été fournie en commission. Apparemment, cette explication n'est pas parvenue aux oreilles de tous les députés et elle n'a en tout cas pas convaincu M. Kunz puisqu'il nous saisit aujourd'hui de ce projet de loi. Sur ce point, je me rallie aux propos de M. Rodrik. Lorsque les auteurs du projet nous disent que cette pratique est inutilement coûteuse pour le contribuable, c'est totalement faux. Ainsi qu'il a été expliqué en commission, si l'Etat devait emprunter, cela dégraderait certainement la cote qu'il a sur le marché, ce qui entraînerait une augmentation des taux d'intérêt proposés à l'Etat. La solution est donc apparemment la bonne, et s'il faut fournir encore une explication devant une autre commission, on le fera. En tout cas, le groupe démocrate-chrétien n'est absolument pas convaincu par la pertinence de ce projet.
Concernant le second projet - projet de loi radical, libéral et UDC - certaines questions pertinentes sont également posées. Notamment, le volet financier de ce projet nous a troublés. Il semble en effet qu'un certain nombre de dossiers ont été transférés à la fondation après coup, sans l'aval de la commission et sans que la commission puisse intervenir. Nous avons effectivement voté devant ce Grand Conseil une limite à 5 milliards, nous avons voté un cadre et nous avons pu avoir l'impression - au vu des transferts qui ont été faits à la fondation - qu'on débordait de ce cadre et que les compétences et droits octroyés par le Grand Conseil étaient outrepassés. Cet élément pourra être étudié attentivement en commission.
Quant aux coûts de fonctionnement de la Fondation de valorisation - en théorie assumés par la BCGe - il me semble par contre que le projet entame un mauvais procès. D'une part, ces coûts ne sont assumés qu'en théorie par la BCGe - je vous rappelle que jusqu'ici l'Etat a assumé les coûts, non pas la BCGe. Pour l'heure, la Banque cantonale ne voit donc pas sa compétitivité freinée par ces coûts de fonctionnement. D'autre part, je vous rappelle que nous avons délesté la BCGe d'un certain nombre de dossiers à risques, et qu'il semble qu'on a plutôt contribué à sauver la BCGe... (L'oratrice est interpellée.)Monsieur Barrillier, vous pourrez prendre la parole tout à l'heure - votre groupe l'a déjà fait - mais je vous prie de me laisser parler.
Une certaine incohérence se manifeste dans ce projet de loi - ainsi que l'a relevé M. Mouhanna. Dans un sens, on refuse que la BCGe ait à assumer les coûts de fonctionnement de la fondation - cela freinerait sa compétitivité - mais dans un autre sens il paraît tout à fait normal de bloquer entièrement tout transfert: si l'on découvre certains dossiers à risque, susceptibles de mettre en péril la BCGe, il n'est bien sûr plus question de transférer ces dossiers, et ce genre de cas de figure doit pouvoir être étudié avec l'aval du Grand Conseil.
Quant au volet immobilier, il est bien clair que la vocation de la Fondation de valorisation n'est pas d'être le premier agent immobilier ou propriétaire du canton. Néanmoins, la mission de la fondation est délicate: la loi lui demande d'aliéner au mieux des intérêts de l'Etat. La fondation dispose d'environ 1 400 objets à aliéner et elle ne doit ni les brader ni proposer des prix trop élevés qui l'empêchent de vendre - ce qui lui coûterait trop cher à l'entretien. Or, en un an et demi de fonctionnement, la fondation ne s'en est pas mal tirée. Elle a effectivement acquis en son nom propre un certain nombre d'objets, mais l'histoire a montré qu'elle avait eu plutôt raison de le faire. On ne peut donc lui en faire le reproche. De fait, la solution proposée par le projet de loi 8796 est un corset qui empêchera la fondation de s'adapter à la réalité du marché, et à notre avis cette disposition est dangereuse.
Je conclurai enfin sur les propos de M. Mark Muller, propos qui m'ont un peu interloquée. M. Muller a fait allusion au référendum qui n'a pu être lancé à l'époque contre la loi instituant la Fondation de valorisation: pour ma part, je sens dans les projets proposés actuellement un arrière-goût revanchard qui ne me plaît pas du tout. (Applaudissements.)
Mme Micheline Calmy-Rey, présidente du Conseil d'Etat. Concernant le volet immobilier, Mme Ruegsegger a résumé très clairement les enjeux pour la Fondation de valorisation. J'ajouterai une chose, Monsieur Muller: à force de tout vouloir contrôler, vous finissez par avoir le nez sur le guidon, ce qui vous empêche de voir l'essentiel de la politique immobilière menée par la Fondation de valorisation.
Concernant maintenant le volet financier, les relations triangulaires sont traitées à travers une convention qui lie l'Etat de Genève, la Fondation de valorisation et la BCGe. Le montage financier a été évalué par l'institut de notation. Celui-ci a estimé que le montage était bien fait et le recommande à d'autres collectivités publiques dans la même situation. Par conséquent, on ne peut accuser notre montage financier d'un manque de transparence ou de lisibilité pour les contribuables.
A ce propos, laissez-moi apporter quelques précisions: les créances douteuses ont été transférées de la BCGe à la Fondation de valorisation et un prêt a été contracté par la BCGe pour financer le transfert de ces créances douteuses. Les dispositions sont les suivantes: les pertes occasionnées par ces créances douteuses sont à la charge de l'Etat de Genève, qui a provisionné - vous le savez - 2,7 milliards dans les comptes 2000 et qui, au fur et à mesure, passe les pertes. En outre, l'Etat de Genève avance les montants nécessaires au fonctionnement de la Fondation de valorisation - y compris le différentiel entre les intérêts passifs et les états locatifs. Cela signifie que ces charges relèvent théoriquement de la BCGe, et non de l'Etat de Genève. Sur ce plan, l'opération est censée être - passez-moi l'expression - «autoportée».
Les projets de lois aujourd'hui déposés entraînent la conséquence suivante: les intérêts passifs et les frais de fonctionnement de la Fondation de valorisation seraient directement supportés par l'Etat de Genève et non plus par la BCGe, c'est-à-dire par le contribuable. Permettez-moi de trouver cela véritablement inacceptable. Ce d'autant que la capacité de la banque n'est pas remise en cause puisque, évidemment, l'Etat de Genève n'a pas pour objectif de tuer la banque qu'il a sauvée. Par conséquent, nous sommes très larges sur les modalités de remboursement de ces avances. A l'heure actuelle, la banque n'a payé que très partiellement les avances que l'Etat de Genève lui a concédées. Or, mettre ces intérêts passifs à la charge du contribuable ferait réapparaître dans le compte de fonctionnement de l'Etat ces charges - qui peuvent être très élevées. Excusez-moi de le dire, mais il me paraît encore une fois inacceptable de faire supporter au contribuable - en plus des pertes - les avances que l'Etat a fournies à la banque.
Enfin, la proposition qui est faite n'accélère en rien le paiement de la dette. Aucune disposition dans les projets de lois ne concerne ce point. L'Etat de Genève, vous le savez, n'emprunte pas pour financer les pertes: il le fait aujourd'hui à partir de ses excédents de liquidités. Et rien, dans le projet, ne dit que l'Etat devrait accélérer le paiement des pertes. De ce point de vue, la situation resterait strictement la même. Nous n'augmenterions pas la dette de l'Etat - en plus ce n'en est pas une, puisque la Fondation de valorisation est bien une fondation distincte de l'Etat. Ceci est clair pour tout le monde.
Mesdames et Messieurs, je voudrais pointer encore un défaut dans le projet de loi de M. Kunz - défaut qui n'apparaît pas, d'ailleurs, dans le second projet. Vous dites, Monsieur Kunz, que le financement de la fondation est assuré par l'Etat de Genève ou par les emprunts de la BCGe, et vous excluez tout financement par une autre institution. Cela signifie que vous nous interdisez tous les efforts faits actuellement pour sortir le financement de la Fondation de valorisation hors de la BCGe - ce qui permet d'alléger les engagements de la BCGe vis-à-vis de la fondation et lui permet de financer des PME dans le canton. Ceci est une très grave erreur ! Vous avez clairement supprimé ce passage-là de l'article 9 et il s'agit là d'un gros défaut.
Mesdames et Messieurs, je crois sincèrement que le montage financier que nous avons mis en place est un bon montage financier. Si vous voulez, Standard & Poors viendra témoigner ici de la construction que nous avons mise en place - puisqu'il la propose en exemple à d'autres collectivités. Je suis également prête à vous en expliquer les détails mais, de grâce, ne faites pas supporter encore au contribuable genevois le poids des avances que nous faisons à la BCGe. Quand celle-ci pourra rembourser, quand elle fera des millions de cash-flow, vous serez tout contents de lui demander de rembourser un peu. Je trouve inacceptable cette prise de position a priori qui charge le contribuable. (Applaudissements.)
Le président. Mesdames et Messieurs, nous allons voter sur la proposition de renvoi de ces deux projets à la commission de contrôle de la Fondation de valorisation.
Mis aux voix, le renvoi des PL 8754 et 8796 à la commission de contrôle de la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe est adopté.
Premier débat
M. Jean-Michel Gros (L), rapporteur de majorité. J'apporterai tout d'abord une petite correction matérielle à mon rapport: à la page 5, au chapitre «Décisions finales de la commission», il faut lire que la commission a refusé le projet de loi 8532 par sept voix contre trois - et non pas dix voix contre trois. Je devais être fâché avec l'arithmétique le jour où j'ai rédigé ce rapport.
Sur le fond, certains d'entre vous auront peut-être été surpris qu'une commission, après être entrée en matière sur un projet - lors de la précédente législature, il est vrai - décide finalement de le refuser et propose en outre une motion allant dans un sens diamétralement opposé. On serait tenté de conclure que le changement de majorité issu des élections a influencé la commission, mais il n'en est rien. Une analyse attentive des déclarations des dirigeants de la banque a convaincu une très large majorité de la commission que la voie proposée par l'AdG n'était pas propice à assurer l'efficacité qu'on est en droit d'attendre d'un conseil d'administration tel que celui-là. C'est d'ailleurs un représentant de l'Alternative qui, le premier, a proposé la rédaction d'une motion allant dans le sens de celle qui vous est soumise ce soir. Et la mise au point de cette motion a été rendue possible grâce à une heureuse collaboration entre l'Alternative et l'Entente. Encore amendée en commission, notre motion est maintenant le fruit d'un très large consensus. Certes, elle ne compte que six signataires, mais cela est essentiellement dû au hasard des présences à la commission au moment du vote. Je peux vous assurer cependant qu'à une heure plus favorable cette motion aurait été acceptée par tous les socialistes, les Verts, les PDC, les radicaux et les libéraux. Cette motion répond véritablement aux voeux du conseil d'administration et nous souhaitons vraiment que, si la motion est renvoyée, le Conseil d'Etat prenne rapidement contact avec le conseil d'administration pour finaliser ce projet.
Si nous avons préféré la solution d'une motion à celle d'un projet de loi, c'est uniquement afin de ne pas mélanger les compétences. Il s'agit d'une affaire qui nous regarde, certes, mais qui concerne avant tout les actionnaires - Etat, communes et privés. Ainsi, nous laissons le soin au Conseil d'Etat de consulter tous ces milieux pour agir au mieux des intérêts de la BCGe.
Quant au rapport de minorité de M. Vanek, je n'en dirai rien pour le moment. Je sais que toute parole de ma part ne ferait que prolonger inutilement les débats.
M. Pierre Vanek (AdG), rapporteur de minorité. Ce projet de loi propose de modifier la loi sur la BCGe, de façon à ce que le conseil d'administration de la banque comporte six membres - le cas échéant, il faudra passer ce chiffre à sept - désignés pour le canton par le Conseil d'Etat, sur proposition de chacun des partis politiques représentés au Grand Conseil - ceci de manière à représenter l'actionnariat nominatif de la banque. Par ailleurs, la loi sur la BCGe est encore modifiée par la précision des qualités et des compétences nécessaires aux membres du conseil d'administration de la BCGe: ce conseil «est formé de membres justifiant de compétences dans les domaines bancaire, juridique, économique ou financier et représentatifs des milieux politiques, économiques et sociaux du canton».
Il n'y a là rien de très révolutionnaire. Ce sont des propositions qui avaient été élaborées au cours de la dernière législature, certes, mais non sur la base de positions de l'Alternative, de la gauche ou de l'AdG... (Brouhaha.)...mais sur la base d'un travail assez consensuel, fait en commission, et qui avait adouci un projet de loi initial de l'AdG prévoyant la désignation d'un membre par parti, élu directement par le Grand Conseil. Les travaux de la commission des droits politiques de l'époque avaient maintenu la prérogative de nomination des membres du conseil d'administration représentant l'Etat de Genève entre les mains du Conseil d'Etat, et avaient d'ailleurs précisé le projet de loi initial de l'AdG en indiquant les compétences nécessaires pour appartenir à ce conseil d'administration. Ce projet de loi avait donc fait l'objet de longs travaux, lors de la dernière législature, et une très large majorité de la commission des droits politiques l'avait alors voté. A ce moment-là, l'AdG - un peu piquée peut-être du fait que son projet de loi initial n'ait pas été accepté - s'était d'ailleurs abstenue, et le projet de loi définitif avait fait l'objet d'un rapport - que vous trouverez intégralement intégré au mien - du député radical M. Thomas Büchi. Celui-ci indiquait les excellentes raisons d'adopter un projet dans lequel la majorité de la commission s'était retrouvée à l'époque.
Vous trouverez dans mon rapport la reproduction des arguments de M. Büchi, radical, à l'appui du projet qui vous est représenté ce soir. Ces arguments sont : l'énumération des compétences minimales exigées des administrateurs de la banque, la précision que les administrateurs de la banque doivent être représentatifs non seulement des milieux politiques et économiques du canton, mais également des milieux sociaux, ainsi que la désignation des représentants du canton par le Conseil d'Etat sur proposition de tous les partis politiques du Grand Conseil - pour permettre la «dépolitisation» de la représentation de l'Etat au sein du conseil d'administration de la BCGe. Ces arguments sont invoqués à nouveau à l'appui du projet tel qu'il vous a été soumis ce soir - et il ne s'agit pas des arguments de l'AdG, mais de ceux du rapporteur radical M. Büchi.
Le président. Il vous reste une minute, Monsieur...
M. Pierre Vanek. Je termine, Monsieur le président. A l'époque, ce projet avait donc trouvé dans cette enceinte une large majorité - indépendante de la configuration alternative. Nous nous y étions d'ailleurs ralliés. Ce projet était empreint de modération et de sagesse. Il n'est pas entré en vigueur. Pourquoi ? C'est une bonne question, n'est-ce pas, Monsieur Gros? Ce projet n'est pas entré en vigueur parce que la direction de la BCGe à l'époque - il s'agit d'un certain nombre de messieurs que vous connaissez et qui ont conduit la banque au désastre que l'on connaît - ne voulait pas que la loi soit modifiée dans ce sens. La direction voulait continuer à cacher la merde au chat - pour employer une expression populaire...
Le président. Dépêchez-vous, vous devez conclure...
M. Pierre Vanek. Je conclus... Le référendum avait été lancé par la banque, à tel point que les signatures étaient récoltées aux guichets - je me rappelle M. Ramseyer justifiant un tel procédé au nom d'une défense intransigeante et en tous lieux des droits démocratiques - et nous avions effectivement perdu cette votation populaire. L'AdG avait fait campagne en soutenant un contrôle renforcé de la BCGe - vous avez la reproduction de l'affiche de l'ADG dans mon rapport - et en évoquant un milliard de pertes en spéculations immobilières. Cela n'a pas convaincu, me dit M. Gros... Certes, la Banque cantonale avait à l'époque gagné son référendum; elle avait pu empêcher les citoyens et leurs représentants de s'immiscer dans ses affaires, en prétendant que l'affiche de l'AdG était fausse, pernicieuse, calomnieuse, qu'elle portait atteinte à l'honneur de la banque et de ses dirigeants, etc. Mesdames et Messieurs, je vous laisse juger si ce référendum n'a pas été gagné avec des arguments qui, depuis, se sont révélés «à côté de la plaque» et même mensongers. C'est pour cela que l'AdG a jugé nécessaire...
Le président. Non, cette fois ça suffit. Vous avez déjà eu une minute supplémentaire. Vous me redemanderez la parole..
M. Pierre Vanek. D'accord ! ...de déposer ce projet de loi...
Le président. Non, mais tout de même, c'est la troisième fois ! Si vous pensez m'impressionner...
M. Pierre Vanek. Mais pas du tout ! Je pensais finir ma phrase !
Le président. S'il vous plaît ! Vous n'écoutez pas ce qu'on vous dit, ça fait trois fois et vous êtes à plus de deux minutes supplémentaires. La parole est à Mme von Arx.
Mme Anne-Marie Von Arx-Vernon (PDC). Le projet de loi 8532 a pour but de renier le choix populaire du 27 septembre 1998 en réintroduisant les propositions qu'un référendum purement politicien avait eu la sagesse de rejeter. L'étude en commission a démontré que les règlements de comptes devaient laisser la place à des propositions constructives. La motion 1450 en est une: rationnelle, respectueuse des sensibilités économiques et politiques, et surtout attentive à une plus grande efficacité de la BCGe, ceci dans l'intérêt général. C'est pourquoi le PDC vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à rejeter le projet de loi 8532 et à accepter la motion 1450, afin de l'envoyer au Conseil d'Etat.
M. Antonio Hodgers (Ve). Quand l'AdG a déposé son texte, ce nouveau projet de loi a laissé notre groupe un peu perplexe. Nous étions d'accord sur le fond - nous l'étions déjà en 1998 - mais pas sur l'opportunité de le déposer si peu de temps après une votation populaire - et même si celle-ci s'est déroulée dans les circonstances que M. Vanek a décrites. Cela nous semblait peu respectueux de la démocratie de revenir à la charge avec exactement la même loi. Malgré notre perplexité, nous avons voté l'entrée en matière du projet - ce qui nous a permis de procéder à quelques auditions, notamment celles de deux membres du comité de banque. De ces auditions, il est ressorti - et la commission l'a bien entendu - que le comité de banque considérait positivement aussi bien la présence de critères de représentativité politique que l'introduction d'une notion de compétences des administrateurs. Cela dit, le comité de banque a aussi ajouté que certains dysfonctionnements pourraient apparaître en relation avec la structure actuelle du conseil d'administration. Cette problématique est abordée dans la lettre jointe au rapport de majorité et elle concerne notamment la faible différence entre le conseil d'administration et le bureau du conseil d'administration. C'est pourquoi il nous a paru in fineplus opportun de demander au Conseil d'Etat de revoir les critères qui mènent à la composition du conseil d'administration, ainsi que sa forme, et, dans le cadre de cette révision, d'introduire les notions de représentativité et de compétences à l'origine du projet de loi. Ainsi, je ne partage pas l'avis de M. Gros, lorsqu'il affirme que cette motion est diamétralement opposée au projet de loi: en fait, il s'agit simplement d'un moyen moins contraignant pour le Conseil d'Etat de parvenir aux mêmes buts et, sur le fond, nous nous y retrouvons.
J'en viens maintenant à l'argument principal de l'AdG en faveur de ce projet de loi. Si je lis votre rapport, Monsieur Vanek, l'idée était de mettre au conseil d'administration des personnalités à même de révéler une mauvaise gestion de la banque. Pour vous, donc, représentativité égale compétences. Je ne crois pas révéler un secret en disant que l'AdG est présente depuis le début au conseil d'administration de la BCGe et que tous les déboires qui se sont produits ont eu lieu alors que des membres de l'AdG siégeaient au conseil d'administration. Donc, oui, il faut de la représentativité, mais il faut surtout aujourd'hui de la compétence au sein de ce conseil. Sur ce point, le conseil actuel a toute notre confiance. C'est pour cela, Mesdames et Messieurs, que je vous demande de refuser le projet de loi et d'accepter la motion.
M. Robert Iselin (UDC). Il convient en premier lieu de rendre à César ce qui est à César, et à l'AdG ce qui est à l'AdG. Je veux dire par là qu'en déposant le projet de loi 8532-A, l'Alliance de gauche a bien perçu - semble-t-il avec plus d'acuité que bien d'autres (sa présence au sein du conseil d'administration de l'époque soulève néanmoins quelques questions !) - l'énormité du scandale de la BCGe et, partant, la nécessité de remédier à ces dérives. Pour avoir siégé quelques mois durant dans cette commission que les Genevois de souche, avec leur humour inimitable, ont surnommée «la commission des casseroles», j'ai pu réaliser - ô bien timidement encore - à quelles opérations invraisemblables notre banque d'Etat et ses deux prédécesseurs, mais pas seulement ses prédécesseurs, comme certains cherchent à le faire croire, se sont livrés au cours de nombreuses années. Il est évidemment nécessaire que les responsables d'une situation véritablement inouïe soient appelés à rendre des comptes. Mais à dire vrai, cet aspect-là du complexe de questions soulevées par la situation plus que désastreuse de la BCGe n'est pas le plus important. Ce qui importe avant tout est que pareille catastrophe ne se reproduise plus.
Plusieurs actions doivent être entreprises dans ce but. Or, la première est sans conteste la rédaction d'une loi complètement révisée, portant sur la BCGe. Il ne suffira pas, en effet, de modifier les critères de sélection des administrateurs et de s'assurer simplement que soient envoyés dans ce qui, pour l'instant, est une galère, des banquiers expérimentés, des industriels chevronnés et des commerçants connus pour leur habileté en lieu et place des politiciens, pour que notre établissement bancaire cantonal se mette à fonctionner de manière adéquate.
Non, il s'agit de réfléchir sérieusement sur le fonctionnement de la banque, sur son organisation et sur la manière d'assurer - au niveau de sa loi fondamentale - sa bonne conduite. Cela signifie entre autres examiner la question de la présidence (doit-elle être à plein temps ou au minimum à mi-temps ?); examiner le problème clé de la composition du conseil d'administration (nombre: neuf à dix administrateurs devraient être suffisants - voyez la nouvelle composition du conseil de la Banque cantonale vaudoise), la sélection de ses membres, le nombre des séances ainsi que les compétences du conseil d'administration; s'interroger sur l'utilité du comité de banque (et je salue ici la clairvoyance de M. David Hiler, qui a déjà soulevé ce point en commission), sur le rôle du comité de contrôle et sur sa justification: le comité de contrôle semble, il est vrai, dans sa spécialité, faire double emploi avec le conseil d'administration.
Cette liste n'est de loin pas exhaustive. Elle n'illustre que quelques-uns des points à traiter et n'éclaire que partiellement le problème aux multiples facettes qu'est la BCGe. Car la BCGe est une institution dont le peuple de Genève aura de plus en plus besoin, étant donné les orientations prises par les grandes banques de ce pays, qui semblent se détourner de plus en plus de la petite et moyenne clientèle, celle-ci demeurant pourtant, dans son secteur industriel et commercial, et de quelque manière qu'on attaque la question, le tissu économique le plus important de ce canton.
Par conséquent, je propose - en vertu de l'article 78 - le renvoi en commission des droits politiques de tout le complexe de questions touchant à l'organisation et à la bonne marche de la BCGe - c'est-à-dire le renvoi du projet de loi 8532-A et de la motion 1450. Au cas où le Grand Conseil hésiterait à suivre cette demande et lorgnerait plutôt du côté de la motion proposée par la majorité de la commission, je me réserve de présenter ultérieurement un amendement substantiel à cette motion.
Le président. Mesdames et Messieurs, à la demande de l'UDC nous sommes en procédure de renvoi en commission: ont droit à la parole un intervenant par groupe, plus les rapporteurs...
M. Alain Charbonnier (S). Sur le renvoi en commission, si j'ai bien compris, M. Iselin est finalement d'accord avec la proposition de motion faite par la commission: il demande de revoir de façon beaucoup plus large le fonctionnement du conseil d'administration, sa composition, etc. Je ne vois donc pas la raison de renvoyer tout cela en commission. Ce travail a déjà été fait, nous avons auditionné le conseil d'administration de la BCGe... Pour nous il n'est donc pas question d'un renvoi.
M. Patrice Plojoux (L). Ce projet de loi déposé lors de l'ancienne législature nous semble déjà dépassé. En effet, pour faire siéger au conseil d'administration de la BCGe un membre par parti représenté dans ce Grand Conseil, ainsi que le désire l'AdG, il faudrait déjà amender ce projet - c'est chose faite, sauf erreur - et faire passer le nombre de nos représentants de six à sept. Pour être tout à fait correct, il faudrait garantir la proportionnalité des sièges aux autres propriétaires: dès lors, il faudrait ajouter un représentant pour les communes et un représentant pour l'actionnariat privé. Cela porterait le conseil d'administration à vingt et un membres - contre quinze à dix-huit actuellement.
Lors des auditions effectuées par la commission des droits politiques, nous avons acquis la conviction qu'il fallait avant tout nommer des personnes qui possèdent des compétences dans les domaines bancaires, juridiques, économiques ou financiers et ceci n'est contesté par personne. Par contre, nous avons également retenu de ces auditions que, pour bien connaître le domaine bancaire, il est nécessaire de suivre de manière quasi-permanente l'évolution des marchés et la gestion de l'établissement.
Actuellement, seuls les membres du bureau ont une approche suffisante des problèmes et sont à même de prendre les décisions qui s'imposent. Une réunion mensuelle du conseil d'administration n'est pas suffisante. Comment voulez-vous, dans de telles conditions, que les administrateurs, qui sont les véritables représentants des propriétaires, puissent assumer pleinement leurs responsabilités et répondre en toute connaissance de cause des décisions qui les engagent ? Ceci n'est pas possible. Une réflexion sur l'adaptation des structures décisionnelles doit être entreprise.
Forts de ces constatations, il ne nous semble, dès lors, pas crédible d'accepter un projet de loi dépassé, qui ne fait qu'allonger une liste d'administrateurs et ce essentiellement pour des raisons politiques, n'ayant rien à voir avec une saine gestion de la banque. Il nous paraît bien plus raisonnable d'accepter une motion qui ne remet pas en cause l'obligation de posséder les capacités requises pour siéger, mais qui demande une étude permettant de statuer sur une réforme moderne, efficace et pragmatique de notre établissement bancaire. C'est pourquoi les libéraux refuseront le projet de loi mais soutiendront la motion proposée... (L'orateur est interpellé.)Pardon ? Nous refuserons le renvoi en commission.
M. Pierre Vanek (AdG), rapporteur de minorité. Evidemment, ce renvoi en commission présente un gros avantage. Cela permettrait aux uns et aux autres de se ressaisir... (Rires.)Cela permettrait aux uns et aux autres de se ressaisir sur la base d'éléments nouveaux.
M. Gros, je lui rends hommage, a été d'une rare franchise - rare dans cette enceinte, je ne dis pas forcément de votre part: trop rare, disons - en exhibant, avec toute la fraîcheur d'un député récemment élu, les ficelles de la manoeuvre à laquelle il était en train de se livrer. Il a donc indiqué clairement que la proposition de motion allait exactement en sens contraire du projet - non pas du projet de loi de l'AdG, mais de celui qui, à l'époque, avait bénéficié d'une large majorité au Grand Conseil - y compris de la voix et du talent du député radical Thomas Büchi, que je me suis permis de citer dans mon rapport.
Mesdames et Messieurs, chers collègues - je m'adresse aux Verts et aux socialistes - après que M. Gros vous a expliqué que sa motion poursuivait des fins contraires à celles du projet de loi - projet dont vous aviez pourtant voté l'entrée en matière et qui correspond, vous nous l'avez dit, Monsieur Hodgers à votre philosophie - il n'est peut-être pas inutile de voter un renvoi, de manière à pouvoir revenir sur votre surprenant reniement. Par la bouche de M. Hodgers, les Verts ont justifié ce reniement par le respect des règles démocratiques: il serait, selon lui, peu respectueux de la démocratie de soumettre à nouveau la question de ce projet de loi au peuple, de revenir sur quelque chose qui aurait déjà fait l'objet d'une votation populaire. Tout de même, Mesdames et Messieurs, il faut compter avec un élément majeur - et ce ne sont pas des broutilles - qui se compte en milliards de francs; nous en avons débattu tout à l'heure: je veux parler de la gestion de la Banque cantonale. Je vous rappelle que le vote populaire a eu lieu à un moment où la direction de la banque disait encore à ce peuple qu'on nous accuse de vouloir consulter à nouveau et abusivement: «Non, l'AdG ment en nous accusant d'un milliard de francs de pertes.» Certes, ce n'était pas vrai puisqu'il s'agissait d'un montant deux fois et demi...
M. Albert Rodrik. Cinq fois !
M. Pierre Vanek. Cinq fois supérieur au milliard, en effet ! Merci de préciser, Monsieur Rodrik.
Le fait est que la motion propose - très clairement et contrairement à ce que dit M. Plojoux - non pas d'entrer en matière sur des compétences supérieures des membres du conseil d'administration - et nous sommes d'accord que les compétences ont sans doute manqué à certains représentants - mais de réduire la représentativité politique, sociale et économique du conseil et, en dernière instance, la représentation des citoyens, en réduisant le conseil d'administration à un très petit comité.
Un ou deux points encore justifient le renvoi en commission et que la question soit remise sur le métier. M. Plojoux invoque un argument technique, en disant qu'il faudrait revoir le nombre de représentants - parce qu'il y a un parti de plus - du canton et des communes.
Concernant la question de la représentativité (un membre par parti présent dans cette enceinte), je voudrais signaler que - contrairement à ce que disait M. Blanc dans un débat tout à l'heure - nous n'avons pas voulu, durant la dernière législature, «abuser de notre position dominante», mais que nous avons plutôt voulu assurer dans un certain nombre de conseils une représentation équilibrée de toutes les tendances politiques. Il ne s'agit donc pas d'avoir un point de vue politicien sur la BCGe, mais de poursuivre une réforme initiée par l'AdG, qui a été proposée à toutes les régies publiques et à tous les conseils - des TPG aux SIG - et qui a été adoptée partout sauf, pour les raisons que j'ai indiquées, à la BCGe. Vous le savez bien, Monsieur Plojoux, il y a eu - à l'arrivée dans cette enceinte d'un parti qui est objectivement en général votre allié : l'UDC - un représentant de plus au conseil d'administration des SI, M. Marcet. Et les communes n'ont pas tapé du poing sur la table en criant au scandale ou à la sous-représentation communale, parce qu'effectivement ces conseils ne fonctionnent pas comme ça: on ne fonctionne pas avec des intérêts antagoniques - d'un côté l'Etat, de l'autre les communes - où chacun tirerait la couverture à soi. Vous savez bien que cela ne marche pas ainsi, Monsieur Plojoux: vous êtes un des acteurs du fonctionnement largement consensuel au conseil des SI. Cette objection-là n'est donc guère recevable.
De ce point de vue, je souhaite donc que ce projet de loi soit renvoyé en commission. Et, s'il m'est permis d'émettre encore un souhait, je voudrais entendre le parti radical - si possible M. Büchi - pour savoir si vraiment...
Le président. Il vous reste une minute, Monsieur le député.
M. Pierre Vanek. ...il maintient ce boniment auquel j'ai peine à croire quand je repense à la position sensée qu'il avait développée à l'époque où il appuyait ce projet de loi.
M. Rémy Pagani (AdG). Je m'exprimerai évidemment en faveur du renvoi en commission, mais je suis - comme à chaque fois - interpellé par l'aveuglement de certains face à la réalité du capitalisme aujourd'hui. Hier encore, une émission sur M. Messier de Vivendi révélait - journalistes et hommes politiques et compétents à l'appui - que ces messieurs s'entouraient plutôt d'une cour et qu'ils avaient manqué de gens à l'esprit oppositionnel, à même de leur dire que les choses n'allaient plus et que ces chars que sont les grandes multinationales devaient être orientés différemment. Prenons l'exemple de Swissair: durant les dernières années, plus personne n'osait dire quoi que ce soit à M. Brugisser, plus personne n'avait le courage politique de lui expliquer qu'il faisait fausse route et les dettes se sont accumulées. La même chose s'est produite avec le directeur de la BCGe, M. Marc Fues: il nous a traînés dans la boue lors d'une votation populaire, prétendant que nous mentions, alors que nous étions cinq fois en dessous des pertes de la BCGe. Nous mentions parce que nous dénoncions un milliard de pertes alors que les pertes s'élevaient à 5 milliards ! Si vous voulez continuer à laisser de grandes multinationales - qu'il s'agisse de Telecom en France, de Swissair ici ou d'autres grandes institutions - se casser la figure, continuez à cultiver les cénacles ! Continuez à cultiver la petite cour qui est forcément d'accord - j'ai le regret de le dire aux Verts - avec tout le monde, avec la direction, et qui ne tire plus les sonnettes d'alarme !
J'en veux pour preuve - et il faut lui rendre hommage - l'exemple de M. Denis Menoud, qui était un des représentants des écologistes il y a six ou sept ans. Durant son mandat, M. Menoud a eu le courage politique de dénoncer les errements de la Banque hypothécaire à ce moment-là: c'était donc avant la fusion même qu'il dénonçait les problèmes de la banque.
Je trouve donc assez aberrante votre position aujourd'hui, alors que des pans entiers de l'économie vacillent - voyez la Rentenanstalt. Des gens comme Lukas Mühlemann, pour ne pas le citer - qui aujourd'hui a été débarqué - sont des omnipotents qui décident sans rencontrer d'opposition. Si vous voulez continuer dans ce style de gestion des grandes institutions, nous allons droit dans le mur. Malheureusement, je constate que vous continuez - en votant contre ce projet comme en ne le renvoyant pas en commission - à ne pas cultiver l'aspect essentiel de notre démocratie: l'opposition. Et je parle de l'opposition de droite comme de gauche. C'est pourtant là que nous trouverons les ressources nécessaires pour tirer les sonnettes d'alarme au bon moment, et non quand il est trop tard. Si nous avions agi il y a cinq ans avec la BCGe, nous aurions sans doute eu moins à payer que les 5 milliards que nous devrons rembourser aujourd'hui, quoi qu'il advienne.
M. Pierre Kunz (R). Permettez-moi d'abord de régler un problème. Il est vrai que les radicaux se trompent. Eh oui ! Ils se sont même trompés souvent ces dernières années. Mais, au moins, ils savent tirer les leçons de leurs erreurs. Je ne suis pas sûr que vous, vous ayez tiré les leçons de l'écroulement de votre système de références marxiste. (Rires.)
Mesdames et Messieurs les députés, peu nombreux étaient ceux qui - jusqu'à récemment - étaient préoccupés par les responsabilités et les missions essentielles des administrateurs de société, à savoir: garantir une gestion efficace et la pérennité des sociétés. Fort heureusement, les exigences de la loi concernant les administrateurs dans ce pays ont été renforcées. Etre administrateur, désormais, revient à s'exposer à un lourd potentiel de responsabilités. Qu'à cela ne tienne ! M. Vanek et ses amis continuent, sans états d'âme, à vouloir envoyer au charbon le plus de camarades possible, officiellement au nom du contrôle démocratique que le Grand Conseil a pour mission d'exercer.
Mais, Mesdames et Messieurs, au fond, de quel contrôle s'agit-il ? La mission du parlement est-elle vraiment d'endosser un rôle qui revient légalement, fonctionnellement, à l'exécutif ? La logique de la séparation des pouvoirs commande que ce soit le Conseil d'Etat lui-même qui assume la responsabilité - en sa qualité d'actionnaire, de bailleur de fonds - de préserver les biens de l'Etat. En l'occurrence, en désignant en toute liberté les représentants qu'il juge les plus aptes à mener cette tâche. Et si le Conseil d'Etat peut procéder à cette désignation en tenant compte des diverses tendances politiques ou économiques du canton, tant mieux ! Mais, ce savant dosage ne devrait passer qu'après, bien après, la question des compétences juridiques, financières, économiques et de gestion des personnes concernées. Quand des milliards sont en jeu, les citoyens exigent de les confier aux plus compétents, et non pas aux plus rouges ou aux plus noirs. Voilà pourquoi il faut refuser l'envoi en commission, voilà pourquoi il faut rejeter le projet de loi, et voilà pourquoi il faut voter la motion 1450 - en demandant au Conseil d'Etat une mise en oeuvre urgente car, faut-il le rappeler, l'assemblée générale des actionnaires de la BCGe aura lieu en mai prochain.
M. Jean-Michel Gros (L), rapporteur de majorité. Je voulais apporter un correctif à ce qui a été dit tout à l'heure. Je ne veux pas défendre ici M. Büchi. Celui-ci a fait un rapport en 1998 qui reflétait un consensus de l'époque - puisque ce projet avait été accepté à une assez large majorité. Mais, Monsieur Vanek, il faut savoir aussi tirer les leçons d'un vote populaire. Lorsque, suite à une décision du Grand Conseil, le peuple rejette une loi à 59%, il n'est certes pas complètement antidémocratique de revenir sur le même sujet, mais il est tout de même logique que le Grand Conseil en tienne compte: le rapport de M. Büchi n'a plus sa raison d'être aujourd'hui. Vous avez, je pense, eu tort de le reprendre in extensodans votre propre rapport.
Monsieur Pagani, vous nous dites que les conseils d'administration, dans notre système capitaliste, sont une espèce de cour qui révère le président du conseil - voire le directeur. Je vous demande alors de faire ce reproche aux représentants de l'AdG au conseil d'administration de la BCGe. Que cela soit bien clair ! Même si la règle n'existe pas dans la loi, l'AdG a toujours été présente au conseil d'administration de la BCGe. Elle l'a été de 1994 à 1998 - en la personne de Mme Michèle Lyon et, depuis 1998, en celle de Mme Anne-Marie Bisetti. Ainsi, Monsieur Pagani, si vous estimez que les députés de l'AdG constituent une cour autour des présidents et directeurs de la BCGe, allez le leur dire ! Mais ce n'est pas au Grand Conseil qu'il faut s'adresser.
J'en viens maintenant à la proposition de M. Iselin, visant le renvoi en commission. Je crois être le porte-parole de la majorité en vous disant de refuser le renvoi de ce projet de loi en commission. Monsieur Iselin, vous n'avez pas assisté aux travaux de la commission, mais M. Pagan pourrait vous renseigner sur le fait que nous avons travaillé de manière assez approfondie. Nous avons consacré cinq séances à un projet qui ne comprend en fait qu'un article, qui n'est pas très compliqué à comprendre. En outre, il faut savoir qu'en 1998 ce projet avait déjà fait l'objet de plusieurs autres séances, puis d'un rapport - celui de M. Büchi - d'une campagne de votation ensuite, et d'un refus par le peuple, finalement. Je crois que tout le monde a compris la problématique: voulons-nous sept représentants du Grand Conseil au conseil d'administration de la BCGe ? Je crois que la commission a tranché et il n'est nul besoin de le renvoyer pour que nous comprenions mieux les ressorts de ce projet.
Pourquoi n'avons-nous pas alors étudié de fond en comble le nouveau rôle du conseil d'administration que nous souhaitions, et pourquoi n'avons-nous pas modifié la loi en conséquence ? Nous avons voulu respecter le juste partage des compétences et nous avons préféré la voie de la motion. Monsieur Iselin, vous aurez pu voir, en annexe à mon rapport, un rapport préliminaire de trois éminents banquiers, relatif à l'organisation et au fonctionnement du conseil d'administration. Je crois que ce rapport donne des pistes intéressantes, mais la commission a jugé qu'il relevait de la compétence du Conseil d'Etat de prendre contact avec le conseil d'administration de la BCGe pour mettre en oeuvre, ou encourager le conseil d'administration à mettre en oeuvre ces réformes, mais qu'il ne convenait pas au Grand Conseil de modifier la loi de son propre chef. Une concertation à ce sujet doit exister entre le département des finances et la BCGe.
C'est pourquoi je vous propose, au nom de la majorité de la commission, de refuser la proposition de M. Iselin.
Mme Micheline Calmy-Rey, présidente du Conseil d'Etat. J'approuve les conclusions de la commission parlementaire, à savoir la réduction du nombre des administrateurs. Je pense que cette réduction peut se faire sans dommage pour la représentation des sensibilités politiques et qu'elle profitera à un travail efficace de la BCGe. A l'heure actuelle, il y a deux régimes d'administrateurs. Il y a ceux qui font partie du comité de banque et qui siègent toutes les semaines, et les autres, qui siègent une fois par mois. Ce dispositif n'est pas source de transparence et ne permet pas un exercice correct de la fonction d'administrateur. Il serait de loin préférable que ces fonctions soient exercées par un comité plus restreint. Je n'ai pas déposé de projet de loi jusqu'ici, parce que j'estimais que la phase d'assainissement de la banque devait être terminée avant de recommencer une discussion sur la manière de gérer la banque. A l'heure actuelle, cette phase d'assainissement est terminée et le Conseil d'Etat pourrait envisager de répondre à cette motion dans des délais relativement courts.
Le président. Mesdames et Messieurs, nous allons voter sur la proposition de M. Iselin de renvoyer ce projet en commission.
Mise aux voix, cette proposition est rejetée.
Le président. Nous continuons nos débats. La parole est à M. Grobet.
M. Christian Grobet (AdG). Comme à son habitude, M. Kunz s'est cru autorisé à caricaturer les gens. Voyez-vous, j'ai beaucoup de respect pour toutes sortes de théories économiques, dont les théories de Marx, mais ce n'est pas de cela dont on parle ce soir. Vous essayez une fois de plus de dévier le débat. Nous voulons simplement en revenir aux fondements de notre démocratie.
La démocratie suisse est fondée à l'origine sur le fait que toutes les décisions concernant la gestion de l'Etat - au sens large du terme, que ce soit au niveau communal ou cantonal - sont prises par des assemblées de citoyens. A un moment donné, il a fallu déléguer la représentation: ce fut la création du Grand Conseil. Jusqu'il y a encore quarante ans, quasiment toute l'activité de l'Etat était débattue dans ce Conseil. Depuis quarante ans, le développement des activités de l'Etat a nécessité - et je crois que c'est une bonne chose - la création de collectivités publiques, de fondations, de sociétés anonymes de droit public, auxquelles on a confié des tâches spécifiques et un certain degré d'autonomie. Dès lors, notre Grand Conseil ne contrôle plus certaines activités importantes de l'Etat, mais se borne à approuver les comptes de certaines de ces fondations ou sociétés anonymes. Par conséquent, il est parfaitement justifié que les organes de ces fondations et autres régies publiques soient composés d'un représentant par parti siégeant au Grand Conseil, de manière à ce que la délégation du peuple soit assurée correctement et à tous les niveaux de l'activité de l'Etat. Je suis frappé aujourd'hui de voir qu'on continue à refuser ce droit élémentaire à un certain nombre de formations politiques.
Je fais partie de celles et ceux qui, depuis trente ans, se battent pour que les fondations de droit public aient des conseils composés d'un représentant par parti, c'est-à-dire pour que le principe de la représentation populaire soit garanti. Du reste, j'avoue ne même pas comprendre pourquoi les quatre partis gouvernementaux refusent à tout prix de partager le gâteau. Il est pourtant dans l'intérêt de tous - et dans votre intérêt, pour éviter certaines bêtises que vous avez faites - de disposer de conseils aussi larges que possible. Il est bien évident que, même lorsque nous aurons des représentants de tous les partis dans tous les conseils, des erreurs continueront à être commises: c'est humain... (L'orateur est interpellé.)Ecoutez, Monsieur Blanc, vous n'étiez pas au conseil d'administration de la banque et vous ne savez pas ce que Mmes Lyon ou Bisetti ont pu déclarer dans ce conseil. Taisez-vous donc, vous ne savez pas ce qu'elles ont dit. Elles ont peut-être dit certaines choses qui ne plairaient pas à votre parti... (L'orateur est interpellé. Brouhaha. )
Mais reprenons le débat. On nous assène toujours cet argument selon lequel il est essentiel d'avoir des gens compétents - les meilleurs - dans les conseils d'administration... (L'orateur est interpellé.)Eh bien, laissez-moi vous dire une chose: nous n'avons peut-être pas vos capacités, Monsieur Blanc...
Le président. Monsieur Blanc, s'il vous plaît ! Ne vous laissez pas perturber, Monsieur Grobet.
M. Christian Grobet. ...c'est possible. Mais à force de dire qu'on pouvait avoir les meilleurs, on a eu les conseils d'administration qu'on méritait à Swissair, à la Rentenanstalt... (L'orateur est interpellé.)Taisez-vous ! Faites-le taire ! (Rires.)Cela suffit, Monsieur le président ! Vous savez bien intervenir pour demander que l'on se taise, mais lui ne fait que nous interrompre !
Le président. Monsieur Grobet, continuez. Monsieur Blanc, je vous prie de vous taire, sinon je serai contraint de vous avertir.
M. Christian Grobet. Je vous remercie, Monsieur le président !
Une voix. Je vous ferai remarquer que ce n'est pas M. Dupraz qui cause. (Rires.)
M. Christian Grobet. Oui, pour une fois, pour une fois... Mais cela risque encore d'arriver ! Je voudrais dire que l'on a eu des génies dans tous ces conseils d'administration... (Commentaires de M. Claude Blanc.)
Une voix. Il faut l'avertir, ça suffit maintenant !
Le président. Monsieur Blanc, cela suffit, je ne le répéterai pas deux fois ! Monsieur Grobet, continuez, s'il vous plaît... (Commentaires.)Monsieur Dupraz, s'il vous plaît !
M. Christian Grobet. Je relève simplement que pour avoir répondu à vos critères - prendre les personnages émérites de l'économie pour diriger les grandes sociétés de notre pays - nous avons aujourd'hui des sociétés qui croulent sous les dettes, au détriment de l'économie générale. Concernant la Banque cantonale, que n'avons-nous entendu sur les qualités du conseil d'administration et surtout, bien entendu, sur celles du comité de direction ! Et voyez comment cela s'est terminé. Alors, Monsieur Blanc, peut-être n'avons-nous pas chez nous de génies - c'est possible - puisque vous semblez détenir ce monopole. Mais nous avons des gens qui sont indépendants, voyez-vous...
Une voix. Ah oui ?
M. Christian Grobet. Exactement ! Et je pense que, dans un conseil comme celui de la BCGe, il est effectivement très important de disposer de personnes indépendantes, qui ne sont pas prises dans toutes les combines... (Brouhaha.)...dans toutes les combines qui ont été effectuées par la BCGe. Aujourd'hui je ne comprends pas que vous refusiez - et ce que je ne comprends pas, surtout, c'est le discours des Verts et des socialistes...
M. John Dupraz. Ah, débrouillez-vous entre vous ! Allez laver votre linge sale en famille !
Le président. Monsieur Dupraz, si vous continuez, je vous avertis également. Vous n'avez pas écouté le débat. Cela fait deux heures que vous êtes en dehors de cette enceinte et vous osez la ramener, je trouve ça totalement inadmissible. S'il vous plaît, Monsieur Grobet, continuez !
M. Christian Grobet. Je constate effectivement que certains partis savent se répartir le gâteau. Et, s'il n'y avait pas, pour toute une série de conseils, des lois qui prévoient un représentant par parti siégeant au Grand Conseil, je sais pertinemment bien que les représentants de l'UDC et ceux de l'AdG n'obtiendraient que des miettes. C'est l'évidence même. Vous continuez à vous accrocher à vos privilèges indus, Mesdames et Messieurs les détenteurs du gâteau ! (Exclamations.)Et vous avez de fort mauvais arguments. Lorsque vous dites, par exemple - et cela m'attriste d'entendre M. Hodgers reprendre cet argument éculé - qu'un refus en votation empêche la reprise d'un projet, je vous rappelle que c'est pourtant ainsi que fonctionne la politique en Suisse...
Le président. Monsieur Grobet, vous avez dépassé votre temps de parole. Je vous accorde encore...
M. Christian Grobet. La liste est longue des objets qui ont été présentés et représentés au peuple...
Le président. Il est difficile de se faire entendre...
M. Christian Grobet. Je ne parlerai même pas du suffrage féminin...
Le président. Monsieur Grobet...
M. Christian Grobet. J'ai été coupé plusieurs fois... Je finis ma phrase, Monsieur le président.
Le président. Non, mais laissez-moi finir, Monsieur Grobet: vous avez dépassé votre temps et je vous accorde encore une minute parce que vous avez été interrompu.
M. Christian Grobet. Vous êtes bien aimable, Monsieur le président. Il y a toute une série d'objets qui ont été refusés en votation populaire, qui ont été repris très peu de temps après - avec de légères modifications, pour tenir compte de faits nouveaux ou des arguments invoqués lors de la campagne populaire - et qui ont finalement été adoptés. Et vous verrez, dans trois jours, après les résultats des votations de dimanche concernant l'utilisation de l'or de la Banque cantonale... (Exclamations.)...Pardon ! Fâcheux lapsus ! C'est vrai que l'or de la Banque cantonale - fâcheux lapsus - a malheureusement totalement fondu ! Mais il reste l'or de la Banque nationale, et vous verrez en fonction du résultat de dimanche que certains partis - dont vous faites partie - seront les premiers à demander que l'ouvrage soit remis sur le métier. Ainsi, le refus en votation populaire n'empêche pas de chercher une solution. Et nous demandons aujourd'hui de trouver une solution équitable: que toutes les grandes institutions publiques importantes disposent dans leur conseil d'un représentant par parti siégeant au Grand Conseil.
M. Alain Charbonnier (S). Mesdames et Messieurs, je peux enfin donner la position du groupe socialiste. Soit dit en passant, nous avons eu tout à l'heure un débat concernant le renvoi en commission et je m'étonne uu peu que chacun ait utilisé complètement son temps de parole, alors qu'il s'agissait uniquement du renvoi en commission...
Le groupe socialiste - comme les Verts - est perplexe devant le dépôt de ce projet de loi, à une date si proche du refus en votation, même dans les conditions nouvelles intervenues entre temps. Après le vote d'entrée en matière en commission - que nous avons accepté et que nous assumons pleinement - les élections cantonales ont fait surgir un septième parti au sein du parlement. A ce moment, notre groupe a constitué un groupe de travail de façon à débattre, avec nos représentants au sein du conseil d'administration, sur le projet de loi ainsi que sur le fonctionnement du conseil. Le rôle de député consiste également à se renseigner le mieux possible avant de prendre une décision, et c'est ce que nous avons fait - n'en déplaise au rapporteur de minorité. La commission des droits politiques a auditionné le conseil d'administration de la BCGe et nous avons mené nos propres débats avec nos représentants à la Banque cantonale. Ces discussions nous ont clairement montré la nécessité d'une réforme à moyen terme du conseil d'administration, afin que celui-ci soit plus efficace, mais aussi dans le contexte plus large d'une volonté de transparence et du respect des normes éthiques et sociales. Or, le projet proposé n'apporte pas la réponse adéquate à ces questions. Je préciserai tout de même - M. Gros l'a déjà fait - que l'AdG siège déjà au conseil d'administration depuis de longues années. L'AdG ne fait-elle pas confiance à ses représentants ? Je suis un peu étonné d'une réaction si forte ce soir, surtout que la motion que nous proposons laisse toujours le soin au Conseil d'Etat de nommer des personnes représentatives de la vie économique et politique du canton.
Ce projet de loi n'apportait donc pas de réponse adéquate et c'est pourquoi nous avons choisi de participer à la rédaction de la motion qui accompagne le rapport. Cette motion va dans le bon sens et je ne pense pas - M. Hodgers l'a déjà dit - qu'elle soit diamétralement opposée à la notion de représentativité politique, sur laquelle nous avons vraiment insisté. Nous ne voulions pas trop entrer dans les détails et c'est pourquoi nous regrettons peut-être la deuxième invite - relative à la suppression du comité de banque - trop réductrice à notre avis.
M. Pierre Vanek (AdG), rapporteur de minorité. M. Charbonnier, pour le parti socialiste, vient d'exposer sa «perplexité» devant le dépôt de ce projet de loi si rapidement après une votation populaire. Je vous ai écouté avec attention, Monsieur Charbonnier: si je ne m'abuse, la votation populaire a eu lieu en septembre 98 et le dépôt de ce projet a eu lieu en... Je cherche, je l'avais à l'instant...
Le président. Le 4 avril 2002...
M. Pierre Vanek. Le 4 avril 2002, me souffle le président. Bref, le dépôt de ce projet a eu lieu un certain temps après la votation - ce qui a permis à une certaine quantité d'eau de couler sous les ponts - et certains faits sont apparus au grand jour. De ce point de vue là, la possibilité est donnée, le cas échéant, de redéposer un projet, voire, en dernière instance, de lancer un référendum - aux citoyens alors de se prononcer. Ceci n'est pas de nature à vous rendre perplexe. Votre perplexité est d'ailleurs peut-être surévaluée aujourd'hui, car je vous rappelle qu'au moment du dépôt vous avez voté l'entrée en matière sur ce projet de loi et vous avez commencé à débattre de la teneur exacte du projet. Des amendements ont même été proposés. Effectivement, à un moment donné, il y a eu reniement du parti socialiste et des Verts - dont l'Entente se félicite, évidemment. Tout d'un coup, ces groupes se sont mis au diapason de l'Entente. M. Blanc me souffle - il ne devrait pas m'interrompre, parce que le président va se fâcher, mais merci tout de même - que les Verts et les socialistes ont retourné leur veste...
Une voix. Ce n'est pas vrai !
M. Pierre Vanek. Ce ne sont pas les seuls, évidemment, puisque M. Kunz nous a expliqué aussi que le parti radical avait... (L'orateur est interpellé.)Non, il avait apparemment encore une veste, puisqu'il l'a retournée. Et M. Kunz justifie sa position en disant - avec une franchise rare - que le parti radical est susceptible de se tromper. Bien sûr, tout le monde peut changer de position. Le problème, Monsieur Kunz - et vous le savez - est que l'aile du parti radical que vous représentez ici - vous l'avez dit en commission - estime que de toute façon - écoutez-moi bien, Monsieur Dupraz - la BCGe n'a pas lieu d'être en tant que telle, qu'elle devrait être privatisée. Hein ? (Brouhaha.)Il dit oui... Donc M. Pierre Kunz est convaincu que la Banque cantonale devrait être privatisée. Il le répète, il est aussi franc que M. Gros: puisque la Banque cantonale doit être privatisée, il faut évidemment, d'abord, que le canton éponge ce qu'il y a à éponger; on doit mettre sur pied les structures de gestion d'une société privée et l'on doit maintenir, pour le conseil d'administration et les modes de direction, des formes analogues à celles des sociétés privées dont mes collègues Rémy Pagani et Christian Grobet ont rappelé les hauts faits - Swissair, la Rentenanstalt et d'autres exemples. Il s'agit donc de déterminer, dans ce débat, si la BCGe est autre chose qu'une société privée, si elle est une société de droit public, dont les objectifs sont différents de ceux des banques privées et qui demandent alors des méthodes de gestion et de contrôle démocratique transparent spécifiques, ou bien s'il faut au contraire rapprocher le plus possible cette société des sociétés privées puisque, de toute façon, il y a une volonté de privatiser à terme cette banque cantonale. M. Kunz hochait tout à l'heure la tête dans cette enceinte - je le répète pour le Mémorial, parce qu'il l'a dit sotto voceet in partibus- en disant: «Oui, c'est ma conviction, il faut privatiser la Banque cantonale.» C'est de cela que nous discutons aussi ce soir.
J'attire votre attention sur l'annexe que contient le rapport de M. Gros, sur laquelle se fonde la motion un peu sommaire - improvisée après la clôture des débats en commission - qui sert ici de cache-sexe au refus de notre projet de loi... (Brouhaha.)Pour amener un peu d'eau au moulin de sa motion, M. Gros a annexé un document de la direction de la Banque cantonale - datant de novembre 2001 - qui propose une réduction du conseil d'administration à sept ou neuf membres - cela figure dans le rapport que vous avez sous les yeux. C'est vers cela que l'on tend: vous imaginez le degré de représentativité des milieux économiques, sociaux et politiques qu'on va obtenir en concentrant de la sorte tous les pouvoirs ainsi que tout le contrôle de l'activité opérationnelle de la société dans un petit comité de sept ou huit membres. En votant la motion proposée comme alternative - en opposition, disons - au projet de loi, vous accorderiez vos voix à ce type d'orientation. Je vous invite donc, Mesdames et Messieurs, à n'en rien faire, à renier vos reniements et à soutenir à nouveau la position de l'AdG - seule position dans ce débat qui me semble raisonnable et démocratique.
M. Robert Iselin (UDC). J'aimerais liminairement corriger deux ou trois points. On nous attribue certaines intentions qui ne sont pas les nôtres. Avec M. Grobet, le débat dans ce parlement s'est orienté sur la question du nombre des membres du conseil d'administration... (M. Claude Blanc s'assied sur les bancs de l'Alliance de gauche. Brouhaha.)
Le président. Mais ne l'invitez pas !
M. Christian Grobet. On ne l'a pas invité ! On essaie d'écouter M. Iselin, et M. Blanc vient faire des plaisanteries sur nos bancs... (Rires, brouhaha.)
Le président. Monsieur Grobet, je sais ce que je dois faire, vous n'avez pas besoin de me le dire. Monsieur Blanc, veuillez s'il vous plaît retourner à votre place, sinon...
Une voix. Au coin, Claude ! (Rires.)
Le président. Monsieur Blanc, je vous suggère d'aller à la buvette, je vous offre volontiers un verre, qu'on puisse continuer à travailler correctement...
Des voix. Ah non ! pas ça!
M. Robert Iselin. Voilà, je continue si j'en ai la possibilité. L'UDC est elle-même en faveur d'un nombre réduit d'administrateurs, non pour des raisons de basse politique interne mais parce qu'un établissement bancaire moderne comprenant une vingtaine d'administrateurs ne fonctionne tout simplement pas. Et je puis faire cette déclaration solennelle - j'y suis autorisé par le chef de ma délégation...
Des voix. Ah, tout de même !
M. Robert Iselin. ...il est tout à fait indifférent à l'UDC de ne pas appartenir au conseil d'administration de la Banque cantonale. Si l'on en vient à discuter ces questions de manière approfondie en commission - ce que j'espère - l'UDC défendra l'idée que le Grand Conseil - en général divisé à raison de «fifty-fifty» entre gauche et droite - désigne deux administrateurs de la droite ainsi que deux administrateurs de la gauche dans un conseil d'administration restreint.
C'était ma première remarque. Voici ma deuxième remarque. Il y a un parti en Suisse allemande qui s'est opposé à ce que les conseils d'administration soient truffés de politiciens et de copains, et c'est l'UDC. L'UDC a lutté contre cela jusqu'au bout.
Ceci posé, il a plu à ce Grand Conseil de ne pas adopter la proposition de renvoi pur et simple, à la commission des droits politiques, de la question de la révision approfondie de la loi sur la BCGe. Ses préférences vont visiblement à la motion 1450, prérédigée à l'époque par le rapporteur et par M. Antonio Hodgers.
Celle-ci part d'une excellente intention et ses auteurs ont visiblement été sensibles au rapport préliminaire et professionnel établi par ce qu'on appelerait, dans la City de Londres, trois «seasoned bankers», ce qui ne veut pas dire trois banquiers assaisonnés mais simplement fort expérimentés. Les trois banquiers en question se trouvent au surplus être des personnalités fort connues dans le monde bancaire suisse, ce qui donne à leurs considérations un poids particulier.
La motion qui nous est présentée ne va malheureusement pas jusqu'au bout du raisonnement, en ce sens qu'elle fourgue le bébé - si je peux m'exprimer ainsi - au gouvernement de ce canton, dont l'administration, car nous nous plaisons à penser que c'est elle qui serait chargée de cette tâche, n'a pas à disposition dans sa hiérarchie les spécialistes chevronnés qui puissent valablement procéder aux examens requis et effectuer le travail de reconstruction qui s'impose. Celui-ci demande en effet des praticiens avertis et des professionnels de grande expérience.
Il convient donc à mon sens de charger de cette mission délicate une commission d'experts choisis sur le volet et il s'impose également de donner au mandat confié à cette commission plus de largeur et plus d'étendue.
Aussi bien ai-je l'honneur de soumettre à votre bienveillant examen ainsi qu'à votre approbation l'amendement qui vous a été distribué, en espérant que vous pourrez lui donner votre agrément.
Le président. Mesdames et Messieurs, le Bureau vous propose de clore la liste des intervenants.
Mise aux voix, cette proposition est adoptée.
Le président. Navré, Monsieur Vanek, c'est trop tard...
Une voix. Oh, mais il est rapporteur !
Le président. Non, en principe... mais je vais laisser votre nom... Je vous signale tout de même que, pour votre groupe, il reste M. Grobet, M. Mouhanna et vous. J'espère qu'on pourra finir à 23 h !
M. Albert Rodrik (S). J'ai constaté, depuis le début de ce débat, une réécriture ad hocpar la gauche et par la droite de ce qui s'est passé en 1998. J'ai assisté à beaucoup de gesticulations. Or celles-ci, pour habiles et bruyantes qu'elles soient, ne remplacent pas la vérité.
Mesdames et Messieurs, que s'est-il passé en 1998 ? Nous avons reçu en rafale une dizaine de projets de lois destinés à imposer à tous les établissements de droit public la formule «un représentant par parti politique». Nous avons accepté neuf projets sur dix pour la raison que, dans 90% des cas, il est adéquat d'avoir dans des conseils d'administration ou autres organismes de ce genre, sept représentations. Cependant, il faut le dire une fois pour toutes, cette formule ne peut pas être adoptée dans 100% des cas ni dans tous les types d'établissements. Ce fut la réflexion à laquelle nous nous sommes livrés en 98, concernant le dixième de ces projets de lois.
J'ai eu l'honneur de contribuer à l'écriture de l'article reproduit aujourd'hui dans le rapport de M. Vanek. Une majorité avait été construite, qui comprenait les libéraux, les radicaux, les Verts et les socialistes. Le PDC et l'AdG nous avaient alors dit que se référer à la compétence était élitiste et antidémocratique. De ce fait, les membres des deux groupes n'ont pas voté en commission.
Que s'est-il passé ensuite en plénum ? Il est devenu tout à coup impossible de savoir si l'Entente votait pour ou contre - je vois le sourire de M. Halpérin qui s'en souvient. Et pourquoi donc ? On l'a compris seulement après: l'Entente préparait déjà le référendum, en connivence avec la direction de la banque. Ce ne fut pas une belle campagne, c'est le moins que l'on puisse dire, ce ne fut pas une belle campagne.
Ce texte a été refusé par le peuple et - M. Vanek a raison - il n'est pas abominable de revenir quatre ans après sur le sujet. Mais ressortir du grenier le même texte comme si de rien n'était et comme si on pouvait tout simplement reproduire l'exercice, voilà ce que nous ne pouvons pas faire. Aujourd'hui, j'ai l'impression que nous n'avons besoin ni de la motion de la commission, ni de ce réchauffé de 1998. Nous avons plutôt besoin que le Conseil d'Etat s'engage à proposer un texte à discuter.
Mesdames et Messieurs, si, dans huit ou neuf cas sur dix, des députés peuvent rédiger à tire-larigot des projets de lois, il y a à l'évidence des sujets - on vient de sortir du sujet de l'Université - qui ne supportent pas un tel traitement. Il vaut mieux alors imiter nos amis vaudois, qui demandent par motion à leur gouvernement de présenter un texte dont la fiabilité a été vérifiée. Et il me paraît aujourd'hui nécessaire que ce parlement ait la modestie de confier au gouvernement la rédaction d'un projet qui nous permette à la fois d'aller de l'avant et de tenir compte des réalités.
Quant à moi, Mesdames et Messieurs, je ne souhaite voter ni pour la motion, ni pour le projet de loi - mais je voudrais attendre qu'un projet de loi émane du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs, il n'est pas utile de faire un tel cirque pour se rallier à cette idée élémentaire: ayons un projet de loi du Conseil d'Etat, ayons nos débats sur ce projet-là et cessons de nous lancer les bassines à la tête: cela n'a aucun sens !
M. Christian Brunier (S). Je crois qu'au cours de ce débat le monde politique se tire une balle dans le pied. Si j'étais à la place des citoyennes et citoyens genevois qui regardent actuellement les débats sur Léman Bleu, je me dirais que les politiques sont incapables de gérer une entreprise publique. Or ceci n'est pas vrai.
Il y a eu des dysfonctionnements majeurs - on les connaît - à la BCGe, qui coûtent très cher à la collectivité. Néanmoins, il faut aussi dire que, au cours de ces dernières années, sous l'effet de la crise et des scandales, le monde politique, de droite comme de gauche, a fait un effort pour améliorer le niveau des conseils d'administration. On doit constater aujourd'hui que des conseils d'administration importants, comme celui des TPG, sont en amélioration. J'y siège actuellement et je peux vous dire que l'amélioration est sensible, même si beaucoup de choses doivent encore être améliorées. Au cours des trois dernières années, j'ai siégé en tant que syndicaliste au conseil des SIG et j'ai constaté également une évolution importante. On peut encore optimiser le fonctionnement de ce conseil d'administration, mais il y a une amélioration. Et je crois que ceux qui siègent au conseil d'administration de la BCGe constatent vraiment une avancée, une modernisation du fonctionnement. Il faut donc aussi souligner ce qui fonctionne bien - ce qui fonctionne mieux - et je crois que nous sommes sur la bonne piste. Cela ne signifie pas que l'on doive stagner, mais il ne faut pas non plus cracher dans la soupe. Un bon travail se fait, des gens offrent beaucoup de leur temps et de leur énergie pour que les entreprises publiques fonctionnent bien, et cela mérite d'être souligné.
On parle beaucoup de pluralisme politique et je crois que l'AdG a raison: la gauche est historiquement sous-représentée dans ces conseils, ainsi que les petits partis ou les nouveaux partis. Le fait d'avoir un membre par parti représenté au Grand Conseil - idée que j'ai défendue à l'époque - a été un bon moyen de correction, mais ce moyen n'est pas durable. Pourquoi ? A force d'avoir sept partis représentés dans les conseils d'administration on finit par s'essouffler. Le bassin de population et de compétences, à Genève, est relativement restreint, et on sait que les partis politiques ne ratissent pas très large - 150 membres pour un petit parti, un millier pour un grand parti. Il n'est donc pas évident de trouver, pour tous les conseils, des représentants compétents de tous les partis. D'ailleurs, beaucoup de désignations pour des petits partis ou des partis nouveaux ont été repoussées au sein du Grand Conseil, car on ne trouvait personne susceptible de remplacer ou d'occuper un siège dans ces conseils d'administration.
On a évoqué aussi la sacro-sainte représentativité des communes, du canton, du Grand Conseil. Je crois que cela peut également être mis entre parenthèses. J'en veux pour preuve que souvent, dans un conseil d'administration, on ne sait plus vraiment qui représente les communes, qui le Grand Conseil, qui le Conseil d'Etat. Ce sont simplement des moyens pour faire élire des gens. Or je crois qu'une représentativité complète de tous ces niveaux ne fait qu'alourdir les conseils et amène finalement peu de choses.
Si nous voulons améliorer les conseils d'administration - je crois que le débat d'aujourd'hui ne va guère dans ce sens - il existe de vrais problèmes à résoudre. Par exemple, le problème de la participation pléthorique aux conseils d'administration: il y a trop de monde dans ces conseils. M. Vanek crie au scandale et refuse des conseils d'administration à sept ou huit membres. Je suis d'accord avec lui, mais cela ne signifie pas qu'on doive avoir des conseils à vingt-trois ou vingt-cinq membres - comme c'est le cas actuellement. Il y a un juste milieu à trouver, de façon à ce que le fonctionnement soit correct.
Il y a aussi des problèmes de compétences. J'ai mentionné le problème du bassin de population: trouver vingt-cinq personnes compétentes représentatives des différents niveaux (canton, communes, Grand Conseil), et ceci pour toutes les entreprises publiques, toutes les fondations, est tout simplement impossible. Il faut être humble: on n'arrive pas à trouver les compétences voulues. Or, si on avait des conseils d'administration à douze ou quinze membres, on aurait déjà beaucoup plus de chances d'en améliorer la qualité.
On constate également un manque certain d'engagement et d'implication: on exige des administrateurs de société - en plus d'être des membres actifs d'un conseil d'administration - qu'ils aient une profession - puisqu'ils ne peuvent pas vivre, bien entendu, de leur présence à des conseils - qu'ils aient des fonctions politiques, qu'ils soient représentatifs de milieux, d'associations, de syndicats différents, etc. Je crois qu'on en demande trop aux gens et qu'on ne leur donne pas assez de moyens.
Le manque de moyens est certain: quasiment aucune logistique n'est offerte aux conseils d'administration des entreprises publiques et ceci n'est pas acceptable.
Enfin, il y a le problème du cumul des mandats, puisque l'on prévoit tellement de représentations.
Il faut travailler sur ces pistes-là, pour le bien des entreprises publiques. Arrêtons ces guerres partisanes qui n'amènent pas grand-chose. D'ailleurs, dans les conseils d'administration où le fonctionnement est correct, il y a finalement peu de différence entre de bons administrateurs de gauche et de bons administrateurs de droite.
Le président. M. Pierre Kunz renonce. La parole est à M. Christian Grobet.
M. Christian Grobet (AdG). Je demeure confondu devant les propos de M. Brunier.
Suivons votre thèse, Monsieur Brunier, réduisons le nombre des membres des conseils d'administration de dix-huit à quinze. Je vous dis que, dans tous ces conseils, il y aura toujours un libéral, un radical, un PDC, un socialiste. La réduction du nombre de membres n'aura aucune espèce d'incidence sur votre pseudo-difficulté à trouver des personnes pour siéger dans les conseils d'administration. La réduction du nombre de membres - et vous le savez - n'aura qu'une seule conséquence: exclure certains partis qui sont pour vous des gêneurs. Voilà ! (Applaudissements.)
J'aimerais maintenant revenir sur les deux arguments plus sérieux de M. Iselin. Le conseil d'administration de la BCGe - vous ne le savez peut-être pas, Monsieur Iselin - ne dirige pas la banque. Il y a une double structure: un comité de banque qui, de fait, dirige la banque, et un conseil d'administration - sorte d'organe de contrôle qui ne se réunit qu'une fois par mois. Notez qu'à la suite des efforts entrepris par l'AdG, la situation a changé à la suite des propositions que nous avons faites pour renforcer les compétences du conseil d'administration, propositions que tous les partis ici ont refusé d'examiner il y a trois ans; il a fallu que la BCGe se trouve dans la situation où elle est pour que la loi soit modifiée à partir de certaines de nos propositions, et pour donner plus de compétences et de contrôle au conseil d'administration.
Mais le conseil d'administration, tel qu'il fonctionne aujourd'hui à la BCGe, demeure un organe de contrôle, séparé de l'exécutif - de la même manière que le Grand Conseil est l'organe de contrôle du Conseil d'Etat. Par conséquent - et vous savez pertinemment bien que vous racontez des fariboles, Messieurs les socialistes. Avoir deux personnes de plus dans le conseil d'administration ne changera rien du tout, si ce n'est qu'on aura l'espoir qu'une ou deux personnes indépendantes sauront poser les questions pertinentes et exiger certaines informations. Ces informations, à l'époque du précédent conseil d'administration, n'étaient pas divulguées. Il faut savoir qu'avant la modification de la loi, il y a deux ans, le conseil d'administration siégeait au maximum une fois toutes les six semaines et disposait de deux petites heures pour connaître les pièces du dossier avant l'assemblée de la commission. Lorsqu'un administrateur osait poser une question, il se faisait rabrouer. Le conseil d'administration était une simple chambre d'enregistrement qui ne faisait pas son travail.
Monsieur Iselin, vous dites qu'il faudrait moins de politiciens dans les conseils d'administration: j'ose espérer que vous parlez essentiellement des conseils d'administration privés. Sur ce point-là, je vous rejoindrais totalement. Mieux, je pense que cette chasse gardée des partis radical et démocrate-chrétien en ce qui concerne les conseils d'administration des grandes sociétés économiques suisses a été une erreur fondamentale, lourde de conséquences pour la gestion de ces sociétés.
Par contre, dans les fondations de droit public, il est clair qu'il faut des gens de l'extérieur. Mais il est nécessaire d'avoir également des représentants des partis, parce qu'il s'agit d'entreprises publiques, pour lesquelles les citoyennes et citoyens, les contribuables, ont le droit de demander des comptes. On ne veut pas aboutir à une situation comme celle de Swissair, où tout le monde se tire des flûtes en disant: «Ce n'est pas moi !» (Brouhaha. L'orateur est interpellé.)Le personnel politique qui siège dans les fondations assume ses responsabilités devant le peuple, à travers son parti.
Il est tout de même stupéfiant d'entendre le discours de M. Brunier... (L'orateur est interpellé.)Mais je ne suis pas d'accord avec lui ! Qu'on nous dise qu'il est inutile d'avoir un représentant dans chaque conseil d'administration, passe encore - certains sont peut-être moins importants que d'autres. Mais que vous souteniez cette thèse concernant la BCGe, c'est un comble ! Je comprends que vous soyez mal à l'aise avec la gestion de la BCGe et certains de vos administrateurs. Mais tout de même ! Tout de même ! Que vous n'ayez pas tiré les conclusions de ce qui s'est passé ! Je voudrais rappeler que les représentants de l'AdG dans cette enceinte - depuis la création de la BCGe en 1994 - sont intervenus régulièrement pour dénoncer certaines affaires, et nous sommes restés bien en deçà de la réalité. Lorsque nous avons dénoncé les affaires de M. Gaon, nous nous sommes fait diffamer dans le Journal de Genèvepar une journaliste membre du parti libéral, qui trouvait honteux que l'on mette en cause le bienfaiteur de la République et canton de Genève, qui a fait perdre 200 ou 300 millions à la Banque cantonale ! Nous sommes intervenus sur la succursale créée à Lyon: vous savez combien cela coûterait aujourd'hui de liquider cette succursale ? Mieux vaut ne pas évoquer de chiffres, n'est-ce pas ?
Le président. Il vous reste une minute, Monsieur Grobet.
M. Christian Grobet. Il y a la banque Anker, dont on a parlé et qui se révèle aujourd'hui être une coquille vide. Toutes ces erreurs, nous les avons évoquées. Nous avons par exemple demandé que ce soit le Grand Conseil qui se prononce sur l'acquisition ou l'ouverture des succursales de la BCGe. Si nous avons proposé cela, c'est que nous savions de quoi nous parlions ! Nous savions quel était l'état de délabrement de ces sociétés souvent fictives que la BCGe a créées. Il est vrai - M. Pagani et M. Vanek ont eu raison de le rappeler - que l'on croyait naïvement, Mesdames et Messieurs les députés...
Le président. Veuillez conclure, Monsieur le député.
M. Christian Grobet. ...lorsque la banque affirmait avoir des provisions de 900 millions à 1 milliard, qu'elle était couverte, alors que j'avais dit dans cette salle - deux ans avant que la banque ne soit sur les genoux - que le bilan de la banque était truqué. Nous nous sommes fait traiter de menteurs, de personnes qui voulaient dénigrer la banque et la détruire - alors que nous voulions au contraire corriger les erreurs et la sauver. Et nous nous sommes trompés, effectivement, en parlant de 1 milliard de découvert. Les dettes s'élevaient en fait à 4 milliards ! Et vous venez dire aujourd'hui, Mesdames et Messieurs les députés, que...
Le président. Cela suffit, Monsieur Grobet, vous devez conclure... Je vais devoir vous interrompre.
M. Christian Grobet. ...tous les partis du Grand Conseil n'ont pas le droit de siéger - et l'UDC, parce que M. Marcet est aussi intervenu, ne devrait pas siéger dans ce conseil. Mais c'est une honte ! Après toutes les erreurs commises ! Vous devriez avoir honte, aujourd'hui, de refuser cela pour cet établissement-là - je ne parle pas d'une modeste fondation HBM ou de quelque chose comme ça...
Une voix. Il faut qu'il se calme !
M. Christian Grobet. ...de refuser cela pour cet établissement-là ! Vous parlez de gens compétents ! Mais mettez-y M. Messier ! C'était le génie français ! (Exclamations, brouhaha.)
Le président. S'il vous plaît, je vais devoir vous interrompre...
M. Christian Grobet. Mettez donc des gens comme ça au conseil de la Banque cantonale et laissez de côté ceux qui savent poser les questions, qui ont un brin de bon sens, et qui savaient que la banque faisait fausse route ! Aujourd'hui, parce que je prévois la décision que vous allez prendre - et je terminerai là-dessus, Monsieur le président - je demande l'appel nominal, pour que toutes celles et ceux qui sont ici, qui ont refusé - tenez-vous bien ! - la création d'une commission d'enquête sur la BCGe...
Le président. Cela suffit maintenant, Monsieur Grobet, on vous a compris...
M. Christian Grobet. ...assument leurs responsabilités ce soir ! (Applaudissements.)
M. Souhail Mouhanna (AdG). Je crois que M. Grobet a dit l'essentiel... (Exclamations, brouhaha.)Mais voilà la démocratie ! Les gens compétents en face qui savent tout, qui s'approprient la compétence et bien d'autres choses, et qui refusent d'entendre certaines choses qui leur déplaisent ! Mesdames et Messieurs, je suis ici à égalité avec vous. J'ai été choisi par la population, comme vous, pour siéger et je prendrai la parole qui me revient, que cela vous plaise ou non !
Je voudrais donc dire ceci. Je trouve absolument extraordinaire qu'on vienne nous dire, dans cette enceinte, que les gens compétents doivent diriger. Qui va les désigner ? Les gens compétents eux-mêmes ! Il y a appropriation des compétences: les petits copains se désignent mutuellement comme compétents. Par conséquent, on décide que dès lors les choses sont bien en mains et qu'elles marchent très bien. On a vu ce qui s'est passé dans beaucoup d'entreprises, d'institutions, de banques, de compagnies d'assurances, etc. Je ne reviendrai pas là-dessus.
On prétend aussi que, s'il y a beaucoup de monde dans un conseil d'administration, l'efficacité est moindre et qu'il faut plus d'efficacité... (Brouhaha.)On trouve par exemple que la présence de vingt ou vingt-cinq personnes dans un conseil d'administration freine l'efficacité, mais on trouve extrêmement efficace qu'une même personne siège dans vingt ou vingt-cinq conseils d'administration différents ! Cela, vous le trouvez normal ! Vive la compétence !
Je serai bref: je préfère mille fois des gens honnêtes qui représentent la population à des fripouilles «compétentes» ! (Applaudissements.)
Le président. Monsieur Vanek, pour conclure. Sans vous énerver, s'il vous plaît !
M. Pierre Vanek (AdG), rapporteur de minorité. J'ai bien écouté les dernières interventions. Celles de mes collègues, bien sûr, mais, surtout, celles des préopinants socialistes, qui appellent de ma part un ou deux commentaires.
J'ai tout d'abord entendu M. Rodrik refaire l'histoire de ce projet de loi indiquant que l'Alliance de gauche ne l'avait pas soutenu parce que les dispositions concernant les compétences étaient élitaires et antidémocratiques... Ce n'est pas le souvenir que j'ai de cette discussion !
Nos réserves par rapport à ce projet de loi portaient effectivement sur la nomination. Nous avons fait une concession finalement, en appuyant ce projet de loi, puisque la nomination des représentants reste en dernière instance la décision du Conseil d'Etat, plutôt que de faire une élection directe par le parlement - à la différence des neuf autres conseils d'administration, où nous avons bien fait, dit-il, de proposer un membre par parti. Effectivement, dans ce projet de loi, c'est le Conseil d'Etat qui conserve en dernière instance la prérogative de nommer les représentants proposés par les partis. Il peut en refuser, charge aux partis à ce moment-là de proposer quelqu'un d'autre.
Bref, ce projet de loi a été très longuement réfléchi et pesé, et M. Rodrik avait participé à cette élaboration; il y avait mis tout son talent et, de ce point de vue là, je trouve triste, ce soir, de le voir renier ce qui est un peu son enfant... (L'orateur est interpellé par M. Rodrik.)Oui, oui, Monsieur Rodrik ! Vous dites que les temps ont changé... D'un côté, les socialistes nous disent que c'est scandaleux de reproposer si tôt un projet sur lequel on vient de se prononcer, et puis, de l'autre, les mêmes nous disent que beaucoup d'eau a coulé sous les ponts et que les temps ont changé... Ce sont deux discours un peu contradictoires !
Mais, Monsieur Rodrik, je tiens tout de même à dire que j'ai retenu une chose positive dans votre intervention, c'est que vous avez eu la pudeur d'appeler à ne pas voter la motion de l'Entente qui a été signée par vos collègues Charbonnier et Pürro... C'est bien: vous avez fait un petit pas, après la volte-face de votre parti sur cette question !
J'en viens maintenant à votre intervention Monsieur Brunier. Monsieur Brunier, je vous rends attentif au danger réel que représente aujourd'hui votre position. Pour l'essentiel, l'argumentaire qui a été employé en commission pour refuser ce projet de loi était l'argumentaire traditionnel évoqué à l'époque par les opposants: c'est-à-dire que la représentation d'une personne par parti politiserait les conseils d'administration... C'est l'argument qui nous a été donné en commission, et ceux qui y étaient peuvent le confirmer. Et c'est cet argument qui avait été utilisé - la ficelle est un peu grosse - dans le débat sur le référendum qui avait été lancé par la direction de la banque.
Mais c'est un argument, si vous l'acceptez pour la Banque cantonale de Genève - au même titre que si on accepte celui de l'efficacité prétendue, de la modernité des petits conseils d'administration - qui nous sera resservi demain pour tous les autres conseils de toutes les autres sociétés publiques ! Cela figure évidemment dans le programme du parti libéral, qui veut «dépolitiser» tous ces conseils, programme électoral - je vois M. Gautier opiner du chef - que vous avez présenté aux dernières élections. Et nous allons nous retrouver, au nom des mêmes arguments d'efficacité, de modernité, de dépolitisation, demain, avec une entreprise de démontage de la représentation des citoyens par la médiation de ce Conseil dans les instances dirigeantes des TPG, des Services industriels de Genève et de toutes les fondations et sociétés publiques où nous avons institué ce principe démocratique.
Monsieur Brunier, c'est à cela que vous prêtez la main ! Vous dites qu'un conseil d'administration ne devrait pas compter plus de vingt personnes. Pourtant, nous avons effectivement augmenté le nombre de représentants dans certains conseils. Souvenez-vous ! Par exemple, le conseil d'administration des Services industriels de Genève a vu le nombre de ses membres croître. Pourquoi ? Il a crû récemment...
Une voix. Hélas !
M. Pierre Vanek. Hélas, oui, de votre point de vue, vous avez raison de dire «hélas» ! Il a crû parce que nous avons, lors de la dernière législature, augmenté - ô bien modestement - de trois à quatre le nombre de représentants des travailleurs des Services industriels, du personnel de cette entreprise.
Nous avons bien fait, parce que la démocratie, c'est cela ! C'est que les personnes qui travaillent dans une entreprise, les gens qui sont sur le terrain, les gens qui savent de quoi ils parlent, aient leur mot à dire dans les conseils. Cette logique de représentativité du personnel et des travailleurs, que nous avons mise en oeuvre lors de la dernière législature, eh bien, demain, Monsieur Brunier, pour la combattre, on vous resservira les mêmes arguments que ceux que vous soutenez à travers cette motion ! La motion défend une réduction du conseil d'administration de la Banque cantonale à un petit comité de sept ou huit personnes...
Le président. Il vous reste une minute, Monsieur le député !
M. Pierre Vanek. Merci, Monsieur le président !
C'est aux antipodes de l'idée qui a été défendue par mes collègues: que des gens qui ne sont pas directement impliqués dans la gestion au quotidien d'une société puissent avoir un regard critique, puissent s'exprimer pour mettre le holà, avant d'en arriver à des situations dramatiques, avant de tomber dans un précipice, comme cela a été le cas pour la Banque cantonale !
Je vous rends donc attentifs, Mesdames et Messieurs les Verts et les socialistes - pour la droite c'est évidemment peine perdue, c'est prêcher dans le désert - à la responsabilité qui est la vôtre dans ce vote, parce qu'il y aura probablement des conséquences qui s'étendront à d'autres sociétés publiques.
De ce point de vue, j'appuie bien évidemment la demande qui a été faite par mon collègue Christian Grobet de procéder à un vote nominal sur cette question.
Le président. Cette demande est-elle soutenue? Elle l'est, nous allons donc procéder au vote nominal.
Mis aux voix à l'appel nominal, le projet de loi 8532-A est rejeté en premier débat par 54 non contre 19 oui et 3 abstentions.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons maintenant au vote sur la motion 1450.
Je soumets tout d'abord à votre approbation l'amendement proposé par M. Iselin qui vous a été distribué Je pense, Monsieur Iselin, que vos nouvelles invites remplacent celles de la motion. Je vous en lis le texte:
«à constituer une commission d'experts bancaires expérimentés et indépendants chargés:
- d'étudier, avec les instances supérieures de la BCGe, de manière exhaustive la réforme et la réorganisation de la banque (Conseil d'administration, Comité de banque, Direction générale et Comité de contrôle) dans le sens d'une plus grande efficacité et indépendance;
- d'examiner notamment, dans ce cadre, les voies et moyens pour que les courants de la vie économique et les tendances politiques générales du canton soient représentées au sein d'un Conseil d'administration plus efficace par des personnes choisies en vertu de leurs compétences en matière juridique, économique, bancaire et financière;
- de prévoir les procédures nécessaires pour que l'autorité exécutive et l'autorité législative soient orientées annuellement et sans délai par les membres désignés par l'autorité cantonale sur la marche des affaires de la banque;
- de rédiger, pour parvenir à ces fins, à l'intention de la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil, un projet complet révisant la loi sur la Banque cantonale de Genève (D 2 05).»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté.
Mise aux voix, la motion 1450 est adoptée.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous avons terminé nos travaux.
Je vous signale, avant de nous quitter, que vous pouvez vous rendre, ce soir encore, à la rotonde du Mont-Blanc pour participer à la marche en faveur de la fondation qui lutte contre les mines antipersonnel. Vous pouvez donc aller faire quelques kilomètres, ce qui vous détendra...
Je vous donne rendez-vous demain à 14 h.
La séance est levée à 23 h 10.