République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 8768-A
Rapport de la commission de contrôle de la Fondation de valorisation des actifs de la Banque cantonale de Genève chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat autorisant la Fondation de valorisation des actifs de la Banque cantonale de Genève à aliéner les parcelles 1927, 1928 et 2304 A (dépendance des parcelles 1927 et 1928 pour 1/2), plan 20, de la commune de Vernier, pour 5'250'000F

Premier débat

Mme Michèle Künzler (Ve), rapporteuse. En fait, ce projet va vous être distribué. Il s'agit d'un projet beaucoup plus difficile, puisqu'il n'a été accepté qu'à la majorité. Personnellement, je suis opposée à cette vente, en tout cas en l'état, et je me retrouve rapporteur par le fait des circonstances. Nous avons reçu à l'instant une note de M. Moutinot et du département de l'aménagement disant que cet immeuble se trouve dans un endroit difficile, puisque l'immeuble est situé dans le prolongement de la route du Pont-Butin et que les conditions d'habitat sont déplorables. C'est une des vraies casseroles de la BCG...

On a déjà perdu plus de 20 millions sur cet objet et maintenant on veut le vendre à 5 millions ! A mon avis - et plusieurs membres de la commission partagent cet avis - il est plus judicieux de récupérer au moins quelque chose pour la collectivité, en faisant un aménagement cohérent dans ce secteur.

C'est pour cela que, personnellement, je vous propose de renvoyer ce projet en commission pour qu'on puisse l'étudier plus attentivement. En effet, dans ce secteur, la moitié des immeubles sont aux mains de fondations immobilières de droit public et, en l'occurrence, il y a une parcelle au milieu qu'il faudrait vraiment pouvoir intégrer, parce qu'à mon avis il est immoral de laisser du logement à un endroit où quarante mille voitures par jour passent devant les fenêtres !

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes en procédure de demande de renvoi en commission. Une personne par groupe peut intervenir, mais uniquement sur le renvoi en commission.

Monsieur Sommaruga, vous avez la parole pour le parti socialiste.

M. Carlo Sommaruga (S). L'objet qui va être soumis au vote actuellement et dont on vient de proposer le renvoi en commission, pose un certain nombre de problèmes. Il s'agit d'un objet sis à la rue Jean-Simonin, en bordure de l'avenue de l'Ain, un périmètre problématique pour l'habitat, car il y a effectivement beaucoup de nuisances.

Ce bâtiment est décrit comme étant en mauvais état. Il devrait subir d'importants travaux pour pouvoir être dans un état acceptable pour l'habitat.

Il faut savoir en outre que le quartier compte beaucoup d'immeubles HBM et que la plupart des gens qui y habitent ont peu de moyens. Il nous apparaît donc opportun d'examiner avec attention, dans la mesure où, comme je le disais, le périmètre est de mauvaise qualité en raison de la pollution et du bruit, le réaménagement complet du périmètre. Et nous pensons que l'Etat de Genève peut effectivement jouer un rôle dynamique à court terme mais aussi à moyen et long terme en devenant lui-même acquéreur des parcelles dans ce périmètre qui, aujourd'hui, sont propriété de la Fondation de valorisation.

Nous pensons qu'il est nécessaire d'avoir une discussion approfondie et qu'il faut examiner l'ensemble du problème avec les responsables de l'aménagement du territoire, afin de trouver des solutions concrètes: à court terme pour rendre les appartements vivables; à plus long terme, pour réaliser une rocade entre une zone d'activité et une partie de cette zone de logement.

Le parti socialiste vous invite donc également à renvoyer ce projet de loi en commission.

Mme Stéphanie Ruegsegger (PDC). Au nom de la majorité de la commission - si je peux m'exprimer pour mes collègues et notamment aussi pour le parti socialiste, parce que je vous rappelle que celui-ci a accepté la vente de cet objet... (Exclamations.)- je vous invite à ne pas renvoyer cet objet en commission et à voter ce projet de loi.

Nous avions déjà eu quelques éléments de réponse de la part du département de M. Moutinot quant à ses intentions sur un éventuel déclassement. Il n'y a pas de déclassement de cette zone prévu pour l'instant. Quant à un rachat de l'immeuble, le département a l'air de dire qu'il serait éventuellement intéressé, mais sans donner de date... Nous n'avons donc absolument aucun engagement de sa part.

Le seul engagement que nous ayons pour l'heure, c'est un acheteur, et je crois que nous devons saisir cette chance et vendre cet immeuble. Il ne faut donc pas accepter le renvoi en commission.

Mme Anita Frei (Ve). Les Verts soutiennent le renvoi en commission. En effet, avec cette parcelle et ces deux immeubles, une réelle occasion se présente de réfléchir de manière plus globale à l'aménagement d'un secteur en pleine transformation. Ce périmètre a un potentiel de mise en valeur considérable et son réaménagement permettrait de remédier à une situation plus que difficile du point de vue du trafic le long de l'avenue de l'Ain.

Vendre les immeubles en l'état, c'est pérenniser une situation très difficile pour les locataires qui y habitent, sans perspective d'amélioration significative dans le futur.

En outre, on parle toujours de la difficulté de trouver des terrains constructibles et des terrains densifiables à Genève: ici, la densité est relativement basse. Les conditions de vie ne sont pas idéales, mais un bon projet permettrait de les améliorer considérablement et d'offrir des logements supplémentaires.

Je vous invite donc à reprendre le débat en commission, pour examiner à fond les possibilités qu'offre ce périmètre avant de prendre une décision.

M. Souhail Mouhanna (AdG). On a parlé des explications données par M. Moutinot ce matin... Moi-même, je suis membre de la commission de contrôle de la fondation et je ne suis pas en possession de ces éléments ! Lors de la réunion, à 10 h ce matin, nous n'avions pas la lettre en question. Je signale en passant que j'ai voté contre la vente de cet objet dans les circonstances actuelles. En effet, même s'il y a un acheteur potentiel, je pense qu'il est nécessaire d'examiner d'autres solutions et de ne pas se contenter de «saisir une occasion». Il faudrait voir s'il n'y a pas moyen d'aménager ce secteur dans une perspective d'utilité publique. Je crois que cet objet mérite un peu plus de réflexion, et le travail en commission permettrait d'éclaircir un certain nombre de points.

C'est la raison pour laquelle l'Alliance de gauche est favorable au renvoi de ce projet en commission.

M. Pierre Kunz (R). J'aimerais tout d'abord rappeler que la Fondation de valorisation a été mandatée par une bonne partie d'entre vous, lors de la dernière législature, pour réaliser des objets au meilleur prix possible.

J'aimerais rappeler aussi que, très récemment, nous avons eu un grand débat au sein de la commission de contrôle de cette fondation pour, précisément, empêcher les interventions de dernière minute, notamment auprès du Grand Conseil, lorsque des projets de lois lui sont présentés.

Eh bien, je constate aujourd'hui que nous faisons déjà des exceptions à ces deux volontés !

A la première, en prétendant que le Conseil d'Etat aurait subitement un prix à offrir pour le rachat de cette parcelle. Probablement qu'il offrira un prix plus élevé, autrement ce n'est même pas la peine d'en parler, mais le fait même qu'il en offre un prix plus élevé est inquiétant, car cela remettrait en cause un principe de fonctionnement.

Et puis, surtout, nous ne pouvons tout simplement pas laisser les choses aller à ce point ! La commission a donné son accord à la majorité pour effectuer cette vente: Mesdames et Messieurs les députés, vous devez - je crois - suivre votre commission et aller de l'avant et ne pas considérer les offres de dernière minute !

Par ailleurs, ceux d'entre vous qui ont des projets de réaménagement de cette zone, au profit des locataires ou de je ne sais qui, ont une certaine prétention... En effet, le promoteur qui veut acheter cet immeuble, lui, sait ce qu'il va en faire: il ne va pas demander un déclassement ! Et il sait qu'il pourra louer ces appartements à un prix raisonnable à des gens qui sont prêts à les louer, quitte à faire éventuellement - ça c'est son affaire - des travaux pour améliorer la qualité de cet immeuble. Ce n'est pas à ce Grand Conseil de décider de ce genre de choses. Il y a là une prétention à laquelle les radicaux ne peuvent pas adhérer !

C'est pour cela qu'ils vous recommandent, comme la présidente de la commission, de refuser le renvoi en commission.

M. Robert Iselin (UDC). Je constate que nous avons été orientés, au point de vue interne, oralement et relativement brièvement, il y a une dizaine de jours au sujet de cet immeuble et que nous recevons aujourd'hui seulement le projet de loi 8768-A.

Je voudrais simplement dire que, conformément à une attitude traditionnelle qui fait rire une bonne partie de ce Grand Conseil, je partage l'opinion de M. Mouhanna et je demande qu'on renvoie cette affaire en commission. (Exclamations.)

Mme Michèle Künzler (Ve), rapporteuse. Si on veut faire du formalisme, on peut aussi dire qu'il est très curieux que le Conseil d'Etat ne dépose pas les projets en temps voulu, mais en urgence - hier seulement - et qu'il faille examiner les rapports aujourd'hui. Honnêtement, rien que cela justifie qu'on renvoie cet objet en commission !

Il y a une chose que je n'ai pas notée dans mon rapport, mais qui a quand même son importance, c'est que le seul avantage de cet immeuble est d'avoir un jardin à l'arrière et que si on le vend on va séparer cette parcelle pour la densifier ! On renoncerait ainsi à faire quelque chose de mieux pour le bien public !

On a trouvé un acheteur, d'accord, mais on a déjà perdu plus de 80% de la créance ! En payant le même prix - 5 millions - on aurait enfin la possibilité d'aménager le quartier ! J'aimerais bien, quand vous passerez sur le pont Butin, que vous fassiez attention à ces immeubles et que vous vous sentiez responsables de la situation qui perdure depuis des années ! C'est scandaleux !

M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Il s'est passé une chose un peu particulière dans le traitement de ce dossier, dans le sens où la commission de contrôle de la Fondation de valorisation m'avait imparti un délai au 3 juillet pour lui faire part de ma position sur un éventuel aménagement du périmètre et sur l'achat de cet immeuble. Respectueux de ce délai, j'ai écrit ce matin à Mme Ruegsegger - elle n'a évidemment pas encore reçu la lettre - et je me la suis fait faxer ici pour lui en faire prendre connaissance.

Mais, dans l'intervalle, votre commission avait déjà pris une décision. C'est évidemment une situation un peu saugrenue. Dans cette lettre et la note qui l'accompagne, je relevais l'extrême complexité de ce périmètre qui est malheureusement sinistré, tout en indiquant que nous étions incapables, dans les délais qui nous étaient impartis - la lettre de la commission date d'une dizaine de jours - de formuler une proposition complète d'aménagement et, de surcroît, de proposer un prix. En effet, l'acquéreur aujourd'hui prend un certain risque dans un périmètre dont personne ne connaît l'avenir. Alors, de ce point de vue là, il y a évidemment fort à faire si vous entendez creuser ce dossier.

A l'inverse, il y a deux arguments en faveur de la vente. Le premier, c'est que, de manière totalement inespérée, il y a un acquéreur. Le deuxième, c'est que, malgré les difficultés à maintenir du logement dans ce secteur, je vois mal, en tant que responsable du logement, que l'on commence à déclasser des parcelles destinées au logement pour y faire autre chose, avec la pénurie qui sévit aujourd'hui, sauf à raison de créer un dangereux précédent, parce qu'il y a malheureusement d'autres périmètres exposés au bruit...

Ceci pour vous dire, Mesdames et Messieurs les députés, que ce n'est pas un dossier facile: personne ne peut se vanter de détenir la vérité absolue et une solution toute faite à ce sujet !

J'ai tenté, avec l'accord de mes collègues, de vous décrire ce qui s'est passé et de vous dire ce que l'on peut aujourd'hui raisonnablement vous exposer. A partir de là, soit vous décidez de vendre tout de suite pour saisir l'occasion qui se présente, soit vous renvoyez ce projet en commission pour examiner les pistes que je vous ai indiquées par écrit, par courrier de ce jour.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons procéder au vote électronique, eu égard aux prises de position divergentes des uns et des autres. Celles et ceux qui acceptent de renvoyer ce projet en commission votent oui, les autres le contraire. Le vote est lancé.

Mise aux voix, la proposition de renvoyer le PL 8768-A à la commission de contrôle de la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe est adoptée par 35 oui contre 32 non.