République et canton de Genève

Grand Conseil

IN 119
Initiative populaire pour une caisse d'assurance-maladie publique à but social et pour la défense du service public
IN 119-A
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la validité et la prise en considération de l'initiative populaire 119 "pour une caisse d'assurance-maladie publique à but social et pour la défense du service public"

Préconsultation

M. Christian Grobet (AdG). De plus en plus de personnes s'accordent à reconnaître que notre système fédéral d'assurance-maladie a fait fiasco, que l'on arrive de plus en plus dans une impasse et qu'il s'avère indispensable de réformer en profondeur cette assurance-maladie, qui, à l'heure de l'Europe, est quasiment unique en son genre sur notre continent. Tous les autres pays ont un système pratiquement équivalent de primes proportionnelles aux revenus, de caisse plus ou moins unique, bref un système moderne. Nous traînons un système totalement désuet, aux conséquences invraisemblables, dont surtout des augmentations de primes beaucoup trop importantes pour la majorité de la population et qui dépassent nettement la hausse des coûts, même s'il s'agit de limiter cette hausse des coûts. A ce sujet, j'aimerais rendre hommage au courage politique de M. Unger, qui détonne par rapport à son parti, lorsqu'il déclare qu'il faut maintenant limiter les coûts.

J'aimerais simplement rappeler que l'Alliance de gauche a déposé voici deux ou trois ans un projet de loi portant précisément sur la clause du besoin, projet qui n'a malheureusement pas reçu la grâce de ce parlement, puisqu'il se trouve que ce projet de loi, que vous soutenez implicitement aujourd'hui, Monsieur Unger, n'a pas été retenu, malgré une majorité de gauche, par les partis de l'Entente et certaines voix défaillantes de l'Alternative. Je tiens à dire que nous reprendrons ce projet de loi sur le plan cantonal et j'espère, Monsieur Unger, que vous soutiendrez à ce moment-là la clause du besoin et que les propos que vous avez tenus se concrétiseront par des actes ! Il faut effectivement dépasser aujourd'hui les paroles et prendre des décisions pour modifier fondamentalement la situation. Que l'on s'entende bien: nous savons que nos pouvoirs sont limités sur le plan cantonal et que c'est essentiellement sur le plan fédéral que de nouvelles solutions devront être trouvées.

A ce sujet, je dois dire, et je regrette d'employer ce terme à l'égard d'un gouvernement auquel on doit respect, mais le Conseil fédéral a été en dessous de tout. Lamentable ! Il s'est retiré un week-end à la campagne. Je crois même que c'était dans un monastère, ce qui aurait dû être de nature à susciter une réflexion sereine et qui aurait beaucoup plu à M. Blanc ! Mais la page fut blanche au terme de ses longs débats, si ce n'est qu'une conseillère fédérale, qui a eu à mon avis le tort de soutenir une loi plutôt que l'initiative de son parti, a reconnu que cette loi ne marchait plus. Reste à savoir à quel moment nous allons passer à un système - soyons modestes - comparable à celui de l'AVS, qui marche tellement bien dans notre pays, un système de cotisations proportionnelles aux revenus, avec une part patronale et une part de l'Etat.

Je dirai un sacrilège: on peut peut-être même prévoir 1% de TVA afin de faciliter cette caisse, une caisse unique, qui ne nécessite pas des réserves inutiles. Ces réserves des caisses-maladie sont un comble. Elles ont été constituées avec les primes des assurés et ont servi à spéculer en bourse, avec des centaines de millions de pertes comme résultat. C'est là où l'on en est dans ce pays. Il faut donc mettre un terme à ce système. Il y a eu de bonnes propositions de la part de différents partis, du reste de votre parti, Monsieur Unger, qui proposait la caisse unique sous la forme de la CNA. Mais tout cela est resté des propos en l'air.

En ce qui concerne l'Alliance de gauche, nous pensons qu'il est possible, dans l'attente d'un système fédéral digne de ce nom, d'améliorer la situation, comme nous l'avons proposé avec notre initiative en matière d'assurance-maternité.

J'aimerais rappeler que Genève a innové de manière exemplaire en matière d'assurance-maternité. Notre assurance cantonale sera très certainement bientôt remplacée par une assurance fédérale digne de ce nom, parce qu'il semble qu'un consensus soit en train de se dessiner. En attendant, face à la lenteur bernoise, que je connais bien puisque je siège depuis de nombreuses années aux Chambres fédérales, il est temps que l'on innove à Genève. L'Alliance de gauche a proposé une solution toute simple, qui est une copie conforme de ce qui a été mis en place à Bâle. Il s'agit d'une caisse publique à laquelle plus de la moitié des citoyens et des citoyennes bâlois sont affiliés, qui donne entière satisfaction et qui propose des primes 10% en dessous de la moyenne des primes. Vous pouvez toujours secouer la main, Monsieur Froidevaux, je ne vais pas ouvrir la polémique ce soir avec vous ! Vous êtes très intéressé par ce problème des coûts des soins maladie. Je ne veux pas ouvrir le débat avec vous ce soir. Nous aurons l'occasion d'y revenir.

Je voudrais simplement dire que la caisse cantonale ne sera pas la panacée, mais constituera une amélioration. Nous en sommes convaincus. Ce que je regrette, au niveau du Conseil d'Etat...

Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député !

M. Christian Grobet. ...c'est que l'on vienne nous dire, face à cette proposition, que tous les volets sociaux de cette proposition seraient contraires au droit fédéral, y compris l'institution, pour la caisse cantonale, de l'obligation d'un paiement direct des factures par la caisse, comme certaines caisses-maladie le font aujourd'hui.

Le président. Voulez-vous conclure, Monsieur Grobet, s'il vous plaît !

M. Christian Grobet. J'en terminerai par là, Monsieur le président. Le Conseil d'Etat veut dénaturer notre initiative. Nous vérifierons votre texte sur le plan du droit, Monsieur Unger. Mais lorsque vous allez jusqu'à prétendre qu'une caisse-maladie ne pourrait pas imposer, pour ses affiliés, le payement direct des factures, soit le système du tiers payant, en lieu et place du système du tiers garant dont on connaît tous les inconvénients qu'il comporte - vous savez que certaines personnes touchent l'argent, mais ne payent pas les factures - c'est absurde et ridicule. Le Conseil d'Etat se déjuge complètement. Mais rassurez-vous ! Comme il s'agit d'une initiative populaire, c'est le peuple qui aura le dernier mot !

M. Claude Aubert (L). En préambule, juste une petite information que je tiens des caisses-maladie elles-mêmes. Les caisses renâclent à la solution du tiers payant, parce que cela leur coûte 10% de plus, sachant qu'avec le système du tiers garant, 10% des factures ne sont jamais envoyées à l'assurance.

Cela étant dit, on a déjà discuté ici de la caisse-maladie voici quelque temps. D'autre part, chacun a sa solution pour la LAMal. J'y vois personnellement d'énormes avantages, vous en voyez les inconvénients. On ne va pas discuter de cela.

Ce dont je vais parler, c'est plutôt de la manière. Si, dans le texte de l'initiative, on a introduit des éléments visiblement contraires à la LAMal, la question est de savoir quel est le message que les initiants ont fait passer au public qui est venu la signer. Si vous apprenez qu'on propose des primes inférieures de 10% et que vous constatez un certain nombre d'avantages, il est évident que vous allez signer immédiatement cette initiative. C'est peut-être un procès d'intention que je fais, mais il y a probablement eu une évaluation coût/bénéfice au moment où l'on a su que cette initiative était contraire à la LAMal. On a néanmoins maintenu le texte. Pour moi, le problème est le suivant. C'est celui de la fusée et du satellite. Si l'on fait partir une magnifique fusée, on regarde la fusée et on ne voit pas le satellite. Le satellite, c'est en l'occurrence ce qui figure dans la deuxième partie de l'initiative, c'est-à-dire toute la question du maintien du service public. Vous voyez qu'il s'agit d'un texte extrêmement bien ciselé.

A notre avis, la première partie sur l'assurance-maladie fait partie de ce que l'on pourrait appeler une initiative jetable, parce que cela ne passera probablement pas au niveau fédéral. L'important était probablement, dans l'intention initiale, de faire passer la deuxième partie sur le service public.

Par conséquent, le parti libéral ne peut que regretter que l'on ait appâté le chaland par des arguments qui ne pouvaient pas tenir. Il faudrait faire attention à ce que les initiatives ne soient pas remplies, à l'avenir, de chausse-trappes. Le parti libéral refuse en l'occurrence le texte de cette initiative et ne sera pas d'accord avec la suite de la procédure.

Le président. Je vous rappelle que vous pouvez naturellement intervenir sur le fond, mais que le fond sera débattu en commission et que le sujet reviendra ensuite au parlement. Simplement pour que les choses soient bien claires !

M. Pierre Froidevaux (R). Le groupe radical a lu avec attention le rapport du Conseil d'Etat concernant l'initiative 119 et se joint à ses conclusions quant à la recevabilité de cette initiative. L'analyse politique qui vient d'être faite par M. Aubert m'apparaît particulièrement pertinente. Si nous devons effectivement nous prononcer sur l'aspect légal de cette initiative en commission législative, je me permets simplement, parce que j'ai été interpellé par M. Grobet, de lui faire quelques remarques pertinentes sur le fond de cette initiative.

Lorsque vous expliquez, Monsieur Grobet, que la LAMal est un objet désuet, je vous rappelle que c'est sans doute le système de financement le plus moderne d'Europe, qui a certes des défauts, mais qui est le plus récent et qui a reçu des prix européens tant ce système semblait bon. Cela dit, il présente des défauts et ces défauts doivent être corrigés.

Dans ce parlement, comme d'ailleurs dans d'autres débats publics, nous n'avons pas une idée cohérente du problème. C'est qu'il nous manque les aspects économiques, les flux financiers. Personne ne connaît les flux financiers qui sont liés à la LAMal. A ce propos, Monsieur Unger, je me suis permis de déposer une motion au mois de novembre, qui vous demandait précisément de faire état des différentes composantes permettant au Conseil fédéral d'augmenter les primes. Je l'avais fait à bon escient au mois de novembre, parce qu'il était alors évident que ce sujet allait devenir un sujet de fond au printemps suivant. Vous m'aviez alors répondu que vous disposiez de six mois pour répondre. Les six mois sont passés. Il eût été souhaitable, Monsieur le président, d'avoir cette réponse. Imaginant que je ne l'aurais point, j'ai redéposé une motion, qui est maintenant devant la commission des affaires sociales.

En première analyse, à la lecture des chiffres établis par votre prédécesseur, il apparaît de toute évidence que les flux financiers sont en faveur de l'Etat. Plus les tarifs fixés par la LAMal augmentent, plus le pourcentage prélevé sur les citoyens sert des prestations publiques. On comprend bien maintenant M. Grobet, qui voudrait faire une caisse unique, une caisse d'Etat. Cela deviendrait alors une nouvelle caisse, qui serait véritablement perceptrice d'impôt. J'ai rendu attentif ce Grand Conseil, lors de mon interpellation urgente d'hier, sur le fait que le refus du tarif médical a été imposé aux médecins privés par la médecine publique, afin que celle-ci puisse prélever davantage sur l'assurance-maladie. Il faut donc, pour que le parlement ait une vision claire de la situation, bien comprendre où va l'argent et qui reçoit en fin de compte les sous... J'entends M. Blanc parler des médecins. Le montant total que les médecins reçoivent chaque année à Genève représente 360 millions. Ces 360 millions n'ont pas varié, selon les chiffres du DASS. Par contre, entre-temps, l'assurance-maladie a augmenté de 400 millions, qui ont servi à financer toujours plus les hôpitaux, notamment les soins ambulatoires des hôpitaux, ainsi que de nouvelles prestations comme les établissements médicaux sociaux, soit à hauteur de 100 millions, ou les soins à domicile. Ce sont ces flux que vous devez, Monsieur le président, annoncer au parlement, afin que nous puissions entamer un débat sérieux et crédible. La LAMal étant devenue perceptrice d'impôt, nous devons avoir cette transparence. Dans ce sens-là, Monsieur Grobet, le débat que vous initiez est parfaitement sain. La solution, malheureusement, est parfaitement fausse.

M. Dominique Hausser (S). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés... Pourquoi est-ce que ça coince, ce truc-là ? Je n'arrive pas à le régler...

Le président. Quelques secondes, Mesdames et Messieurs !

M. Dominique Hausser. J'ai un petit problème, car le sac de ma voisine est coincé sous mon banc ! (Brouhaha.)

Le président. Je vous adresse un avertissement, Madame Bolay !

M. Dominique Hausser. Excusez ce petit intermède ! Monsieur Froidevaux, entreprise privée, feu bleu, prétendument service public, j'y reviendrai en fin d'intervention, parce que je crois qu'il y a là quelques éléments importants.

Nous sommes aujourd'hui en train de débattre d'assurance-maladie pour la xième fois, c'est-à-dire à peu près chaque mois. Il y a quelques semaines, ce parlement a rejeté un projet de loi socialiste de caisse cantonale publique. Il est aujourd'hui confronté à une initiative qui, certes, présente quelques défauts, mais qui aboutira à un projet de loi totalement similaire après approbation par la population. Parce que la population est fatiguée d'entendre que les cotisations augmentent semaine après semaine, mois après mois ou six mois après six mois.

Tout le monde apporte des recettes. Ainsi, au niveau fédéral, l'UDC fait des propositions qui reviennent en gros à une médecine à trois vitesses. Le parti radical et le parti démocrate-chrétien formulent des propositions du type médecine à deux vitesses. Quant au Conseil fédéral, il débat longuement sur un certain nombre de propositions. Mais vous connaissez la structure du Conseil fédéral. Le résultat, ce sont de vagues emplâtres qui ne changent rien à la réalité. Nous avons aujourd'hui de nouvelles propositions. Le parti ouvrier populaire vaudois a déposé une initiative pour une caisse publique unique. Le parti socialiste fribourgeois a également proposé voici deux jours une caisse publique cantonale. Il y a même eu des propositions de caisse unique cantonale fribourgeoise. Je crois savoir que M. le conseiller d'Etat en charge du DASS a soufflé dans le creux de l'oreille de la conseillère d'Etat en charge de la santé publique fribourgeoise qu'il serait de bon ton de créer une caisse unique publique et romande en matière de soutien et de financement des prestations de santé publique. Il a l'air d'approuver... Mes oreilles ont donc bien entendu !

Ce qu'il est intéressant de relever dans tous ces projets, c'est qu'apparaît à chaque fois la nécessité de modifier la LAMal. Aujourd'hui, Mesdames et Messieurs les députés, la seule proposition concrète, qui sera votée en principe au mois de juin 2003, est celle qui vise à modifier la loi sur l'assurance-maladie et à donner des compétences en matière de politique de santé, en termes de coordination, au niveau fédéral, pour éviter des espèces de bricolages et des emplâtres en tous sens. C'est une initiative lancée voici cinq ou six ans par le parti socialiste...

Une voix. Ben voyons !

M. Dominique Hausser. C'est une initiative absolument cohérente qui répond à l'ensemble des problèmes que vous soulevez : 1. Transparence. 2. Règles uniques pour l'ensemble des caisses. Même si elles sont multiples, c'est quelque part une caisse unique. Et pour l'ensemble des citoyens contribuables cotisants du pays, sans aucune discrimination. 3. Elle permet enfin de déterminer des cotisations liées à la capacité financière des contribuables. Une majorité de la population est aujourd'hui convaincue que l'on ne peut pas se contenter, si l'on veut être solidaire, de payer sur la tête de son enfant, alors même que l'on n'est pas sûr de pouvoir mettre du beurre dans les spaghetti de son gamin les quinze derniers jours du mois.

Enfin, et c'est le dernier point sur lequel je veux revenir, dans la proposition qui est faite par l'Alliance de gauche dans son initiative, nous devons clairement séparer les deux chapitres, parce qu'ils traitent de deux points différents. Le deuxième point est important. Aucun bien public ne doit être aliéné sans l'accord du Grand Conseil. C'est clair. Nous devrons trouver une formulation idoine sur cet aspect. Concernant le volet caisse-maladie, il est vrai que certains correctifs devront être apportés. Lorsque nous avions proposé notre projet de loi, nous avions tenu compte des restrictions de la LAMal, mais nous devons accepter, sous réserve expresse d'un alinéa clairement contraire à la LAMal, cette initiative...

Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député !

M. Dominique Hausser. Si vous ne m'interrompiez pas n'importe quand... Nous devons clairement accepter ce volet, sous réserve de ce point-là. Le peuple tranchera et vous devrez finalement accepter la loi que vous avez refusée.

M. Jean Spielmann (AdG). Par rapport à ce qui vient d'être dit, permettez-moi d'ajouter quelques arguments. Tout d'abord, à l'adresse du Conseil d'Etat. Lors du vote du projet socialiste et lorsque le Grand Conseil a commencé à discuter de nos propositions, le Conseil d'Etat nous avait déjà expliqué que celles-ci n'étaient pas conformes à la LAMal, car elles prévoyaient d'offrir des prestations différentes en fonction du statut de la caisse et des personnes qui devaient lui être attribuées. Il n'y a toutefois aucune violation de la loi fédérale dans le texte que nous déposons. Nous proposons uniquement des correctifs par rapport aux versements effectués par le canton en plus de ce qui se fait au niveau fédéral. Il y a en effet matière à modification.

M. Froidevaux a précisé tout à l'heure que l'on ne savait pas qui recevait l'argent, mais que l'on savait en tout cas qui payait. Nous savons qu'il y a, dans ce canton, 23 000 personnes qui ne sont pas en mesure de payer leur assurance-maladie. C'est l'Etat qui la paye à leur place. En plus de ces 23 000 personnes, 100 000 personnes touchent une subvention pour leur permettre de payer leur assurance-maladie. D'où notre réflexion, sur la base d'une analyse des lois mises en place au niveau fédéral et de ce qui existe déjà dans le canton de Bâle, concernant la création d'une caisse-maladie publique, qui aurait l'avantage, elle, d'éviter le payement des prestations des caisses-maladie via les assurés Nous n'avons effectivement aucun contrôle, M. Froidevaux l'a dit. On ne connaît rien des flux financiers de la LAMal. C'est tout à fait vrai, mais c'est aussi voulu. Ce n'est pas le hasard. Ce n'est pas pour rien que l'on a supprimé, au niveau fédéral, tout contrôle des caisses. On ne sait rien ni au niveau statistique, à propos du nombre de membres, ni au niveau des flux financiers. Le canton, ses contribuables, doivent verser de l'argent à ces caisses sans aucun contrôle, sans aucun retour, sans savoir quelles sont les réserves et sans savoir comment cela fonctionne.

Compte tenu de la situation, nous sommes partis d'un postulat simple, à savoir créer une caisse publique. Cette caisse publique ne serait pas uniquement chargée d'accueillir les mauvais cas, mais tous les cas, et elle aurait comme base légale ce qui a été mis en place à Bâle et qui est considéré comme conforme à la LAMal. C'est-à-dire un système qui ne permet d'augmenter les primes d'assurance que si elles sont inférieures de plus de 10% à la moyenne des primes des autres caisses. Voilà le postulat que nous présentons. Nous proposons aussi que cette caisse publique s'ouvre à tout le monde et qu'elle offre à tous, et d'abord à la collectivité publique, une transparence. Celui qui voudra obtenir un subside, ou qui bénéficiera de la gratuité de sa caisse-maladie, sera libre de faire comme il veut. Mais s'il choisit une caisse privée, il payera lui-même sa caisse-maladie. Ce n'est plus l'Etat qui la payera à sa place. Je trouve donc tout à fait logique d'aller dans cette direction-là au vu de la situation actuelle de la LAMal.

Eu égard aux discussions et aux interrogations du Conseil d'Etat, à l'analyse et à l'avis de droit qui ont été rendus au sujet de la caisse bâloise, aux avis de droit concernant les modifications légales en vigueur dans un certain nombre de cantons, nous sommes tout à fait à l'aise quant à l'adéquation de cette loi avec le droit fédéral. Il n'y a aucun problème et nous le verrons bien dans l'analyse de détail.

Pour le surplus, on nous fait un procès d'intention lorsqu'on prétend, notamment le Conseil d'Etat, que l'on ne sait pas si les gens avaient connaissance de ce qu'ils signaient. Permettez-moi simplement de vous dire que la question de tous ceux à qui nous avons soumis l'initiative, à l'occasion des premières discussions que nous avons eues lorsque nous avons proposé la création d'une caisse publique, était de savoir ce qui se passerait après, craignant que la loi ne soit modifiée par la suite compte tenu de la majorité actuelle du Grand Conseil. Partant de là, nous avons effectivement proposé la création d'une caisse publique, mais aussi voulu donner la garantie à ceux qui signaient l'initiative que cette caisse resterait publique et que son statut ne pourrait être modifié que par un vote populaire. Voilà le motif de l'adjonction de la deuxième partie, qui me semble tout à fait cohérente et qui complète la proposition.

Il vous faut en effet quand même accepter l'idée, Mesdames et Messieurs les libéraux, qu'il y a un risque, après avoir fait signer aux citoyens et aux citoyennes une initiative leur proposant une caisse publique et après que cette initiative a passé en vote populaire, il y a un risque que cette loi soit modifiée par la suite au niveau du Grand Conseil. Il y a un risque et vous le démontrez aujourd'hui dans le domaine du logement. Vous aurez cependant quelques déconvenues à ce sujet. Les gens comprennent vos manoeuvres visant à démonter les droits acquis par des votes populaires. Avec notre texte, nous proposons non seulement la création d'une caisse publique, mais aussi le moyen législatif de conserver son statut public sans que le parlement ne puisse le modifier. Il faudrait un vote populaire pour procéder à ce changement de statut. C'est tout à fait cohérent. Les personnes à qui nous avons expliqué cela l'ont très bien compris. Nous avons précisé à ceux qui n'étaient pas persuadés qu'il fallait signer l'initiative que la caisse resterait publique en raison de la deuxième partie de l'initiative. Ils ont compris et cela nous a permis d'argumenter à ce niveau-là.

Quant aux autres problèmes posés - je m'adresse ici au parti socialiste - lorsque nous avons lancé l'initiative, il nous a publiquement indiqué qu'il n'y avait pas besoin de la signer parce qu'il avait lui-même rédigé un projet de loi qui allait tout régler. On a vu comment le problème a été réglé, Messieurs les socialistes ! Je ne sais pas où en est la loi, mais rien n'a été réglé pour le moment. Vous nous dites maintenant d'attendre parce que le parti socialiste est en train de lancer une initiative au niveau fédéral, qui contient tout ce qu'il faut pour changer les choses, et qu'il faut lui faire confiance pour aller de l'avant. Je vous rappelle simplement, Mesdames et Messieurs les socialistes, que vous aviez déjà déposé une initiative fédérale sur les caisses-maladie. Au moment où la LAMal a été mise en place, vous ne l'avez même pas défendue. Si nous avons aujourd'hui la LAMal, c'est aussi parce que les socialistes et les représentants socialistes au Parlement fédéral et au Conseil fédéral ont préféré la LAMal à l'initiative socialiste ! (Protestations.)Venir aujourd'hui expliquer à la population que nous avons la solution parce que nous déposons une initiative, c'est tromper les gens. Ceux-ci commencent à comprendre ce double langage. Nous n'avons pas de solution, mais nous proposons un texte légal. Le peuple se prononcera là-dessus. Avec nos propositions, le peuple a au moins un avantage: il sait que nous n'allons pas le tromper en retirant nos propositions... (Brouhaha.)Nous nous battrons jusqu'au bout ! Il faut, aujourd'hui...

Le président. Vous devez conclure, Monsieur Spielmann, s'il vous plaît !

M. Jean Spielmann. ...il faut aujourd'hui des changements dans le domaine des caisses-maladie. Il faut bien sûr modifier la LAMal au niveau fédéral. On peut difficilement le faire depuis ici, mais on peut créer une caisse-maladie de niveau cantonal. Nous avons voulu le faire par une initiative afin que le peuple se prononce et pour faire cesser ces hausses de tarifs des caisses-maladie, pour que cesse cette non-transparence et pour que M. Froidevaux obtienne quelques réponses sur la question des flux financiers. Lorsque tout cela sera public, on saura qui paye quoi, qui reçoit quoi et combien.

Je crois que la population serait bien inspirée de soutenir cette initiative. Nous avons pleine confiance dans la sensibilité des gens et nous espérons bien que le Grand Conseil et le Conseil d'Etat mettront cette initiative en votation le plus rapidement possible. Cela permettrait de corriger une partie des erreurs actuelles des caisses-maladie.

Mme Stéphanie Ruegsegger (PDC). Vous me permettrez d'intervenir sur la forme et non sur le fond, puisque c'est sur la forme que l'on nous demande de nous déterminer ce soir.

Le président. C'est ce que tout le monde devrait faire...

Mme Stéphanie Ruegsegger. L'initiative 119 traite de deux problématiques qui intéressent tous les Genevois ou une immense majorité d'entre eux, à savoir d'une part les primes des caisses-maladie et plus globalement les coûts de la santé, d'autre part le service public. Ces deux thèmes sont certes fort intéressants, mais ils n'ont rien à faire dans une seule initiative. Nous rejoignons donc les conclusions du Conseil d'Etat lorsqu'il constate qu'il n'y a pas unité de la matière. Pour ce qui est de la caisse-maladie, vous me permettrez de ne pas revenir sur le fond, puisque, je vous le rappelle, nous avons déjà eu l'occasion de débattre de cette problématique voici quelques semaines. Le parti démocrate-chrétien avait alors expliqué ce qu'il pensait de ce type de solution visant à réduire ou à endiguer les coûts de la santé. Nous aurons également l'occasion, d'ici quelques mois, lorsque cette initiative reviendra devant notre parlement, de tenir les mêmes propos à ce sujet.

Pour ce qui est de la forme du volet caisse-maladie de l'initiative, nous constatons que celle-ci n'est pas conforme au droit fédéral en de nombreux points, que ce soit sur l'obligation d'assurance des personnes au bénéfice d'un subside cantonal, que ce soit pour ce qui concerne le mécanisme de fixation des primes ou encore, entre autres, l'assujettissement des personnes actives dans notre canton, mais non domiciliées à Genève. Si l'on enlève tous les éléments qui ne sont pas conformes au droit fédéral, on constate que ce volet-là de l'initiative est totalement vidé de sa substance.

Pour ce qui concerne le volet service public, nous constatons également que l'amplitude du champ d'action de l'initiative est tellement vaste que cela en est totalement ridicule. Ce n'est pas sérieux. Ce volet-là de l'initiative reviendrait à bloquer toute évolution dans l'accomplissement des tâches du service public. Ce n'est tout simplement pas sérieux !

Je conclurai très rapidement en disant, au final, que ce soit en ce qui concerne l'unité de la matière, mais aussi pour ce qui concerne le détail des dispositions de l'initiative qui, pour l'immense majorité d'entre elles, ne sont pas conformes au droit fédéral, que l'on peut effectivement se demander, comme l'a fait le Conseil d'Etat à travers son rapport ou comme l'a encore fait M. Aubert lors de son intervention, s'il n'y a pas eu duperie des citoyens, qui, eux, étaient de bonne foi lorsqu'ils ont signé ce texte. Mais je n'ai absolument pas les mêmes garanties quant aux intentions de l'Alliance de gauche.

Le président. Le Bureau pense, compte tenu des neuf intervenants encore inscrits, qu'il est temps de clore la liste. Je mets cette proposition aux voix.

Mise aux voix, cette proposition est adoptée.

M. David Hiler (Ve). L'Alliance de gauche a déposé un texte intéressant, qui propose deux choses totalement distinctes. La première est la création d'une caisse-maladie publique. Nous avons eu l'occasion d'en parler récemment. La deuxième est l'introduction d'un référendum obligatoire lorsqu'il y a, pour parler simplement, privatisation.

Ces deux idées ne nous sont pas du tout antipathiques. En revanche, nous entendons clairement qu'elles soient proposées séparément au peuple, de sorte que celui-ci puisse se prononcer dans les meilleures conditions possibles.

Nous avons constaté, toujours sur la forme, qu'un certain nombre de dispositions, concernant le volet caisse publique, ne sont effectivement pas conformes au droit fédéral. Mais nous estimons, en accord avec le Conseil d'Etat, qu'il faut simplement corriger le texte - j'imagine que c'est finalement le tribunal qui corrige le texte dans ce genre de cas - et le soumettre au peuple, de sorte que nous ayons, sur le principe, et non pas sur les modalités d'organisation, une réponse.

En revanche, le deuxième volet méritera à notre avis une approche plus politique, dans la mesure où la portée exacte de ce texte doit être bien explicitée. S'agit-il vraiment d'introduire le référendum obligatoire lorsqu'il y a privatisation ou s'agit-il d'introduire le référendum obligatoire lorsqu'il y a transfert entre l'Etat et des fondations de droit public ou des entreprises autonomes ? La deuxième démarche nous paraîtrait inutilement lourde.

La démarche que nous proposons donc à ce stade est de scinder l'initiative et d'essayer de sauver tout ce qui peut l'être, de sorte à formuler deux propositions que le peuple puisse trancher.

Sur le fond, je vous rappelle ce que nous avons pu dire concernant les caisses-maladie publiques. C'est un tout petit élément de solution. Il faut bien l'admettre, la discussion doit avoir lieu à propos des cotisations. Cela se fixe au niveau fédéral. Est-ce que ces cotisations sont pondérées en fonction du revenu ou non ? Tant que cette décision n'est pas prise - nous sommes pour la pondération en fonction du revenu - je ne pense pas qu'il y aura une grande amélioration. Il n'est en revanche pas inutile d'avoir un intervenant public dans un tel marché, et surtout dans un marché pareillement administré.

Sur la deuxième question, à partir du moment où le peuple a souhaité que toutes les décisions en matière fiscale soient automatiquement soumises en votation, je ne vois pas pourquoi des décisions majeures, telle que la privatisation d'un établissement public autonome, ne le seraient pas. En revanche, s'il faut organiser un référendum obligatoire pour une cession d'actifs de l'Etat de Genève aux TPG, je me permets de dire que cette démarche nous paraîtrait inutilement lourde. Il faut donc, à notre sens, essayer d'arriver à un contre-projet. Mais nous pensons, et ceci est fondamental, que lorsqu'une initiative est mal rédigée ou pose des problèmes de rédaction, l'action du parlement, comme l'action du Conseil d'Etat, doit être de faire le mieux possible pour que le peuple soit consulté sur les deux objets.

M. Gilbert Catelain (UDC). Le projet d'initiative de l'Alliance de gauche ressemble effectivement à grands traits à celui du parti socialiste. Le débat sur la notion populiste de caisse cantonale a déjà eu lieu. Je rappelle que l'UDC était à l'époque le seul parti au niveau national à s'opposer à la LAMal, dont M. Grobet a le grand mérite de reconnaître la faillite. M. Grobet a commencé son intervention en vantant les systèmes européens, dont on sait que certains sont en voie de délabrement avancé, tel que le National Health Service, ou le système français qui commence à péricliter. Ce qu'il nous propose finalement, c'est une caisse de plus et non pas une caisse nationale. Je ne vois donc pas très bien le rapport avec les systèmes européens.

Je rappellerai aussi ce qu'a récemment indiqué Mme Dreifuss par rapport à Tarmed : «Le principe d'une caisse cantonale a pour grand défaut de finalement faire augmenter les coûts, puisque la CNA, dans le cadre de la négociation sur la valeur du point, a relevé qu'elle avait négocié trop haut la valeur des points.» Je doute qu'une caisse cantonale, qui devra défendre à la fois le service public et les clients des caisses, osera négocier la valeur du point plus bas que les caisses privées.

En conséquence, le groupe UDC se rallie entièrement au rapport du Conseil d'Etat et le soutiendra.

M. Pierre Vanek (AdG). Sur la question de l'assurance-maladie, David Hiler a conclu son intervention en expliquant que le peuple devait avoir le dernier mot sur toute cette affaire. Il a parfaitement raison sur la faillite de la LAMal, sur l'idée d'une caisse publique unique et nationale avec des cotisations en fonction du revenu. Sur les limites de notre proposition, Christian Grobet a dit ce qu'il fallait dire. Quant aux allégations du député de l'UDC qui nous traite de populistes, alors que nous répondons, sur cette question, à un besoin d'une majorité écrasante de la population, elles ne méritent même pas de réponse.

J'interviendrai simplement sur deux ou trois choses concernant le deuxième volet de cette initiative, qui est, comme mon collègue Jean Spielmann l'a expliqué, évidemment lié au premier, puisqu'il s'agit de défendre les services publics. Nous en proposons en l'occurrence un, à savoir une prestation du canton de Genève en matière d'assurance-maladie, qui réponde, autant que faire se peut, aux besoins réels de la population. Nous avons proposé ce volet d'initiative, qui indique simplement, comme l'a rappelé David Hiler, que toute privatisation, toute forme que le gouvernement pourrait donner à telle ou telle privatisation, c'est-à-dire en les enrobant de sous-traitances, en les découpant en tranches de salami ou en procédant simplement à des cessations d'activités de service public, serait soumise à une votation populaire. Le député libéral qui est intervenu tout à l'heure, je crois que c'était M. Aubert, a voulu faire une démonstration en indiquant que la partie assurance-maladie était une partie «jetable» de l'initiative et que nos intentions profondes et cachées portaient en fait sur la défense du service public, que nous aurions voulu faire passer comme un satellite entraîné par la fusée ou la locomotive de propositions inapplicables sur l'assurance-maladie. Je crois que c'est à peu près ce que vous avez dit, Monsieur Aubert. Je vous vois opiner du chef pour confirmer mon diagnostic !

Mais écoutez, Monsieur Aubert, Mesdames et Messieurs les députés ! Ce n'est pas du tout le cas. L'Alliance de gauche n'a pas besoin d'écrans de fumée ou de prétextes pour défendre le service public. Elle le fait à visage découvert depuis longtemps et elle l'a fait dans des cas qui tomberaient sous l'empire de cet article. Je veux par exemple parler de la cessation d'activités de la clinique de Montana, au sujet de laquelle un conseiller d'Etat de l'Entente, ici sur ces bancs, a défendu l'idée que cette cessation d'activités pouvait se faire sans aucune loi du Grand Conseil et sans que le peuple ne soit consulté. Nous avons dû batailler, à l'époque, d'abord pour obtenir que cette question soit soumise au Grand Conseil et ensuite pour qu'il se prononce. Une majorité de vos bancs s'est prononcée pour cette cessation d'activités. Nous avons dû, durant l'été, récolter des signatures pour obtenir un référendum là-dessus et on sait ce qu'il en est advenu. On sait que le peuple nous a donné raison et on sait que la clinique de Montana continue de fonctionner, heureusement, et à remplir un rôle médical et social parfaitement utile.

Sur la question des privatisations aussi, le même processus s'est produit sous l'empire du gouvernement monocolore, avec le Service des automobiles et de la navigation, où l'on nous a dit que ce n'était pas une privatisation, mais que ce n'était que la délégation pour vingt ou trente ans à une société privée d'une activité qui reste une activité d'Etat. C'était évidemment une privatisation. On sait les problèmes que la SGS, dont on nous vantait les énormes qualités pour gérer ce service, a rencontrés par ailleurs. Nous avons dû lancer un référendum et le peuple nous a donné raison.

Nous n'avançons donc pas à visage couvert, vous me l'accorderez, en la matière. Les opinions de l'Alliance de gauche sont connues. Nous pensons que les citoyen-ne-s ont le droit de se prononcer en dernière instance sur tout ce qui a trait à l'activité de la collectivité publique en matière de prestations publiques au sens large, qu'ils ont le droit de voir passer ces questions dans l'enceinte de ce parlement sous forme de projets de lois. Il n'y a aucune raison qu'il y ait un référendum obligatoire pour la moindre broutille en matière fiscale, mais qu'il n'y en ait pas un sur ces questions-là !

Maintenant, pour revenir au rapport du Conseil d'Etat sur cet aspect-là de notre initiative, Mesdames et Messieurs les conseillers d'Etat, on y lit des choses surprenantes. On y lit par exemple que notre texte serait compliqué, pas compréhensible, tordu. Vous avez dit qu'il avait été ciselé, Monsieur Aubert. On nous dit par exemple : «Faut-il inclure dans la liste des prestations publiques soumises à l'article 172 de l'initiative les seules prestations de puissance publique ou d'autorité ou faut-il avoir une vision plus large et étendre le champ d'application à l'ensemble des prestations offertes par la collectivité publique ?» Bien évidemment ! Il n'est pas question ici de prestations d'autorité. Nous entendons l'ensemble des prestations de la collectivité publique, de l'Etat, offertes à la population et pas seulement les prestations d'autorité et l'exercice de l'autorité publique par nos gendarmes, ou autres actes de ce type-là. Celles-là, vous n'entendez effectivement pas les privatiser.

Vous introduisez donc dans ce débat des incongruités et des problèmes soi-disant formels qui n'en sont pas. Les intentions de notre Alliance sont tout à fait claires en la matière. Le Conseil d'Etat, quant à lui, diffuse un écran de fumée. Je relève aussi d'autres considérations extrêmement surprenantes, où le Conseil d'Etat distingue la privatisation des moyens de production de la privatisation de la production d'une prestation publique. On voit, je vous invite à lire ce rapport pour ceux d'entre vous qui ne l'auraient pas fait ou ceux de nos concitoyens qui ne l'auraient pas fait, on voit le type de subtilité jésuitique dans lequel une majorité de droite est prête à entrer pour procéder à des privatisations sans qu'il soit dit qu'elles en sont. De ce point de vue là, vous comprendrez que nous avons, si ce n'est «ciselé» l'article, du moins plus que précisé que toute privatisation ou toute cessation d'activités est soumise au vote des citoyens. Nous avons dû prendre quelques précautions, parce que l'on sait bien que vous n'allez pas procéder à des privatisations de front, mais que vous allez utiliser des méthodes plus...

Le président. Vous devez conclure, Monsieur !

M. Pierre Vanek. ...subtiles et jésuitiques !

Le président. Vous devez conclure, s'il vous plaît !

M. Pierre Vanek. Je finis ma phrase, Monsieur le président ! Cette crainte que nous avions est amplement confirmée par le rapport du même Conseil d'Etat sur notre initiative. Voilà ce que j'avais à dire.

Le président. La parole est à M. Velasco... Je ne le vois pas, il n'est pas là. Je considère donc qu'il renonce. La parole est ainsi à M. Froidevaux.

M. Pierre Froidevaux (R). Je me permets de tordre le cou à une idée extrêmement répandue, qui consiste à dire que les flux de la LAMal sont véritablement opaques. Ils nous apparaissent à nous tous effectivement opaques. Mais je souhaiterais, Monsieur Spielmann, que vous relisiez la LAMal. Relisez l'article 23 ! L'article 23 fait obligation à tous les assureurs qui veulent fonctionner au titre de l'assurance-maladie de base, de donner toutes les statistiques nécessaires pour expliquer l'établissement des primes. L'article 21 de la LAMal prévoit spécifiquement - prenez note, car vous pourrez me répliquer juste après - l'article 21 prévoit spécifiquement, Monsieur Spielmann, que toutes ces informations sont transmises à l'OFAS et que l'OFAS interdit toute activité d'une assurance de base si elle n'a pas correctement répondu aux questions posées par l'OFAS. Dans l'hypothèse où l'OFAS ferait mal le travail - et M. Spielmann est là pour en rire - nous avons déposé en son temps une initiative cantonale permettant de donner les mêmes prérogatives au niveau du canton. C'est l'article 21A. Le DASS et M. Unger, comme son prédécesseur notamment, ont toute faculté pour exiger de la part des assureurs qui veulent déployer leurs activités à Genève, qu'ils transmettent toutes statistiques nécessaires à l'établissement des primes. Il est évident, chers collègues, que les assureurs, en tant qu'organismes privés, ne publient pas leurs comptes. Mais ils doivent les donner à un organisme neutre, l'Etat, afin que celui-ci sache dans quel sens va la politique de la santé. Lorsque vous cherchez à nous rassurer en nous proposant la création d'une caisse d'Etat, avec l'objectif de rendre les choses transparentes, c'est exactement le contraire qui se passe. L'Etat a déjà tout en main.

J'aimerais encore vous faire d'autres remarques, Monsieur Spielmann. Qui impose le tarif ? C'est le Conseil d'Etat. Qui contrôle les flux financiers ? Lorsqu'on examine la situation au sein du DASS, notamment à travers les établissements médicaux sociaux, on se rend compte qu'il n'y a aucun contrôle transversal. C'est un contrôle purement horizontal entre le chef du DASS et les différents services. Cela veut très clairement dire que l'Etat, et c'est là le grand défaut, ne joue pas son rôle d'arbitre dans la LAMal. Il est partie prenante. Il établit le tarif, il contrôle le tarif, il impose le tarif, il surveille le tarif. C'est là que nous devons reprendre notre leadership afin de connaître véritablement les flux. C'est dans ce sens-là que l'on doit travailler. M. Unger nous a dit que le parti radical n'avait pas de proposition à formuler, mais la proposition est simple, Monsieur le président. Donnez-nous ces chiffres, puisque vous avez l'obligation légale de les avoir ! Vous êtes le seul à Genève à pouvoir les exiger ! Aucun autre niveau, personne d'autre que vous ne peut les avoir. Donnez-les-nous et nous corrigerons à ce moment-là ! C'est dans ce sens-là que nous pourrons parvenir à une véritable solution, mais la vôtre ne fait qu'amplifier un système déjà mauvais !

M. Jean Spielmann (AdG). Je voudrais simplement répondre à M. Froidevaux qui intervient pour expliquer à l'Alliance de gauche qu'elle raconte des histoires sur une situation opaque. Si les gens vous ont bien écouté et compris, vous exigez d'avoir des chiffres. Vous ne les avez donc pas. Vous citez les articles 21 et 23 de la LAMal, qui prévoient un contrôle, ainsi que l'article 21A que vous voulez concrétiser. Bien sûr que ce contrôle est prévu. Mais combien reste-t-il de personnes à l'OFAS aujourd'hui pour contrôler les caisses ? Que font les fonctionnaires de l'OFAS pour avoir une vision des chiffres et un contrôle sur les caisses-maladie ? Plus personne n'est capable d'effectuer ce travail. Plus personne ne le fait. Vous savez aussi bien que moi qu'il y a une opacité totale et qu'aucune caisse-maladie, contrairement à ce que vous venez de dire, ne donne ses chiffres, n'est capable d'établir un bilan et de le transmettre à l'OFAS, pas plus qu'au Conseil d'Etat. On ne sait pas, parce que les assurances ne veulent pas se plier à ce contrôle.

Partant de là, notre proposition est beaucoup plus simple. L'Etat paie les primes d'assurance-maladie à 23 000 personnes. Cet argent est versé aux caisses-maladie alors que ces caisses ne veulent pas de la transparence, ne veulent pas présenter leurs comptes, ne veulent pas respecter les lois, aussi bien l'article 21 que l'article 23. Si l'Etat le voulait, il ne pourrait même pas procéder à un contrôle, parce que les radicaux ont sabré le personnel à Berne, ce qui empêche l'Etat de fonctionner quand il s'agit de contrôler les bénéfices privés de vos petits amis, Monsieur Froidevaux, et principalement ceux des médecins, il faut le savoir.

Les gens ne sont pas stupides au point de ne pas remarquer que les primes d'assurance-maladie, si elles explosent, c'est parce que les caisses-maladie dépensent aujourd'hui peut-être plus d'argent pour faire de la publicité et attirer de nouveaux assurés. C'est une affaire publique et privée et une affaire de marché. A mon avis, il faudra à présent, contrairement, malheureusement, à ce qu'a dit Mme Dreifuss à la télévision le soir de l'acceptation de la LAMal, que le Suisse apprenne à faire son marché dans le domaine de l'assurance-maladie.

Nous voulons donc que la collectivité, que ceux qui paient des impôts sachent où va leur argent et imposent la transparence. Nous ne pourrons pas l'imposer aux caisses privées, car nous n'en avons pas les moyens, ni légaux, ni de contrôle. Vous le savez très bien et ce que vous dites est hypocrite, lorsque vous prétendez que le président du DASS doit disposer de ces chiffres. Cela fait des mois que des motions demandant la transparence ont été déposées. Et lorsqu'on l'exige, vous expliquez que c'est possible. Non, Monsieur Froidevaux, ce n'est pas possible, parce que vous avez coupé les ailes à tous ceux qui voulaient le faire ! Le seul moyen d'y arriver, c'est de créer une caisse publique qui soit sous le contrôle de la population, une caisse dont on connaîtrait les flux financiers et grâce à laquelle on connaîtrait ce que nous coûtent les médecins et les soins, ainsi que le coût de l'assurance-maladie. Voilà dans quelle direction il faut aller !

Maintenant, à Madame et Messieurs de l'UDC: j'espère bien que la population se rendra compte de ce que vous proposez, c'est-à-dire de n'assurer que le minimum. Avec de telles propositions, on se retrouvera très rapidement, s'agissant des assurances sociales, au plancher par rapport à ce qui se passe ailleurs. Votre proposition, vous le savez très bien, reviendrait tout simplement à démanteler totalement les assurances sociales. En vous entendant parler dans ce parlement, la population commence petit à petit à comprendre quelle est réellement votre politique. Vous prétendez ici défendre la population, mais ce n'est pas le cas. Ainsi, l'autre jour, quelqu'un s'est tout à coup étonné de ce que les conseillers d'Etat ne gagnaient que 270 000 F... Vos électeurs, les habitants de ce canton et ceux qui paient des cotisations maladie ont peut-être envie d'avoir d'autres représentants, qui posent de vraies questions, qui les défendent et qui défendent leurs intérêts, y compris dans le domaine social. C'est ce que nous faisons et ce que nous entendons encore faire.

Je veux encore simplement préciser au Conseil d'Etat et à ce Grand Conseil que l'Alliance de gauche ne se laissera évidemment pas faire par les arguties juridiques contenues dans le rapport du Conseil d'Etat. Nous porterons ce problème beaucoup plus loin. Je demande d'ores et déjà que l'on examine, en ce qui concerne la compatibilité des lois et la mise en place de cette initiative, ce qui se fait à Bâle, afin que l'on sache comment cela fonctionne et que l'on se rende compte des inepties contenues dans le rapport du Conseil d'Etat. S'il le faut, nous irons bien sûr jusqu'au Tribunal fédéral. Et je suis persuadé que nous aurons raison. De toute manière, le combat que nous menons ici pour une caisse publique et pour que cela change au niveau des caisses-maladie est un combat honorable et un combat qui doit être conduit, parce que la population en a assez de se faire gruger par tous les amis politiques que l'on trouve malheureusement en face de nous dans ce parlement !

M. Christian Grobet (AdG). Je fais maintenant ce que j'aurais dû faire en entamant ce débat et ce que j'ai demandé avec succès au Conseil national de pratiquer, à savoir que je déclare mes liens d'intérêt ! Je suis affilié à une caisse-maladie et je paie les cotisations sans disposer d'un quelconque pouvoir de décision. Mon lien d'intérêt s'arrête là ! Je ne représente pas les prestataires de soins et je n'ai aucun lien d'intérêt avec les organes de gestion des caisses-maladie. Que l'on soit clairs ! Je pense qu'il serait utile que chacun, dans ce débat, indique ses liens d'intérêt.

Ceci étant, j'aimerais dire à M. Froidevaux, qui connaît si bien toutes ces questions, que vous avez une piètre opinion de celui qui a si bien représenté votre parti pendant douze ans au Conseil d'Etat. S'il y a un magistrat qui a effectivement posé le problème de la surveillance et du contrôle des caisses-maladie, c'est bien Guy-Olivier Segond. Vous avez manqué ce soir une bonne occasion de vous taire dans ce domaine ! Et comme M. Spielmann l'a rappelé, les choses ne sont pas aussi simples que vous le prétendez. M. Unger, même s'il est là depuis peu de temps, pourra le confirmer.

Deuxième chose, Monsieur Froidevaux, il serait intéressant d'avoir plus de transparence du côté des caisses-maladie. Notre initiative en donnera l'occasion. Avec une caisse publique, qui comptera un grand nombre d'assurés, on obtiendra la transparence. Actuellement, il y a malheureusement une opacité totale du côté des prestataires de soins. Nous aimerions bien que ceux-ci rendent publics leurs comptes et que l'on sache exactement quels sont leurs revenus. Ne parlez pas, Monsieur, de déclarations fiscales, parce que vous savez aussi bien que moi que Mme Calmy-Rey n'a pas le droit de transférer à l'organe de surveillance les déclarations fiscales des prestataires de soins !

Maintenant, j'en arrive au fond du problème qui est ce soir, comme l'a rappelé notre président, la question de la recevabilité sur le plan formel de cette initiative. Cela fait longtemps que je siège dans cette salle et chaque fois que la gauche propose des solutions novatrices, la droite prétend, comme par hasard, que ces solutions se heurtent au droit fédéral. Je ne peux rien garantir. En tant que juriste, je serai peut-être un peu plus prudent que mon camarade Jean Spielmann, qui a cependant une bonne connaissance des réalités de la vie, mais je rappelle simplement que nous avons dû en maintes occasions aller jusqu'au Tribunal fédéral pour faire reconnaître qu'une initiative était compatible avec le droit fédéral, que ce soit pour la protection des locataires, pour les problèmes d'aménagement du territoire. Nous le ferons cette fois encore, faites-nous confiance ! Dans ce cas particulier, si votre intention est, comme Mme Ruegsegger le laisse entendre et comme le Conseil d'Etat l'indique aussi, de vider cette initiative de sa substance, nous irons jusqu'au Tribunal fédéral et nous verrons.

A ce sujet, j'aimerais préciser, puisque l'on va jusqu'à prétendre que nous invoquons deux choses différentes dans cette initiative, que la constitution de notre canton prévoit, en matière d'initiative constitutionnelle, deux formules, la révision totale ou la révision partielle de la constitution. Si l'on admet la révision partielle, cela signifie que l'on peut simultanément modifier divers aspects de la constitution. Contrairement à ce que le Conseil d'Etat a le culot de déclarer, nous n'avons rien caché aux citoyennes et aux citoyens dont nous avons sollicité la signature. Il est vrai que le PDC n'a pas l'habitude de récolter des signatures, ni d'ailleurs le parti radical et le parti libéral. Pour nous, c'est une habitude. C'est un peu une constante. Vous l'avez vu et vous le verrez encore dans quelques jours.

Ainsi, lorsque nous avons récolté des signatures pour notre initiative, nous avons clairement expliqué qu'elle poursuivait deux objectifs. Je peux vous dire que beaucoup de citoyennes et de citoyens ont signé l'initiative en raison du deuxième objectif. Il n'y a aucune ambiguïté à cet égard, Mesdames et Messieurs ! Si vous lisez le titre... Quel est le titre de l'initiative, Madame la présidente du Conseil d'Etat, Monsieur le conseiller d'Etat, puisque vous êtes les deux derniers Mohicans présents ? C'est une initiative populaire «pour une caisse d'assurance-maladie publique à but social et la défense du service public.» Et l'on a le culot de dire que nous avons lancé une initiative en cachant le deuxième volet ! (Brouhaha.)

Dans l'exposé des motifs, si vous voulez bien en lire la fin... Je vous donne le texte, Monsieur Unger ! (L'orateur se déplace jusqu'au banc du Conseil d'Etat.)Vous ne l'avez pas lu, mais vous êtes excusable, car vous n'avez certainement pas signé l'initiative ! A la fin de l'exposé des motifs, il est clairement mentionné les raisons pour lesquelles nous avons introduit ce second volet. C'est pour éviter qu'une majorité de droite liquide cette initiative en catimini avec un projet de loi, une fois que le peuple aura créé la caisse publique, comme vous êtes en train de le faire avec la LDTR. Nous avons donc introduit ce référendum obligatoire pour les services publics et évidemment pour l'ensemble des caisses d'assurances sociales par cohérence.

Vous dites que l'on va trop loin...

Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur Grobet !

M. Christian Grobet. C'est parce que vous avez recouru à des astuces, comme dans l'affaire du Rhuso, qui voulait dépouiller le peuple de ses pouvoirs, c'est parce que vous avez recouru à des astuces que nous avons voulu être précis dans notre texte. Mais que celles et ceux qui s'inquiètent, comme Mme Ruegsegger, que cela aille trop loin, se rassurent: nous nous situons bien en deçà de ce qui se passe en Suisse alémanique, où l'on va jusqu'à élire devant le peuple certains fonctionnaires et où des référendums obligatoires sont organisés pour des choses bien plus modestes.

J'aimerais conclure en précisant que nous ne sommes pas dupes de ces arguties juridiques. C'est ce conservatisme qui vous marque sur les bancs d'en face, qui ne voulez pas de solution nouvelle. Nous en avons vu une démonstration récente ce matin, Mesdames et Messieurs: puisque les PDC et l'UDC nous font la leçon...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur Grobet, vous avez épuisé votre temps de parole !

M. Christian Grobet. ...sachez que le PDC et l'UDC, ce matin, à Berne, ont refusé l'initiative pour le droit des invalides, qui a heureusement été approuvée par la gauche... (Brouhaha.)

Le président. On n'en est pas là, Monsieur Grobet, s'il vous plaît !

M. Christian Grobet. ...et cette fois-ci avec les radicaux ! Bravo !

Le président. La parole est au Conseil d'Etat. Monsieur Pierre-François Unger, vous avez la parole, mais, s'il vous plaît, ne mettez personne en cause, sinon cela va relancer le débat !

M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Vous imaginez bien que le Conseil d'Etat n'entend mettre personne en cause, puisqu'il souhaite, dans dix minutes...

Une voix. Plus fort !

M. Pierre-François Unger. Si vous pouviez monter un peu le volume du micro, Madame la mémorialiste, celui de ma voix étant à la limite... Nous entendons, disais-je, avoir conclu ce débat dans dix minutes de manière à ce que cette initiative puisse suivre son cours.

Permettez-moi, pour tous ceux qui, sans s'y ingénier, ont contribué à brouiller le débat, de rappeler quelques éléments pédagogiques. Par décence pour les anciens députés, disons que c'est pour les nouveaux !

Le traitement d'une initiative impose deux étapes. La première est celle d'une analyse juridique, la deuxième, qui est la prise en considération, est celle d'une analyse plus politique. Sur le plan juridique, il faut relever tout de même que, dans le paquet de ce que l'on appelle la recevabilité formelle, l'initiative respecte beaucoup de choses. Elle respecte l'unité de la forme, puisque c'est une initiative formulée, elle respecte l'unité du genre, puisqu'elle est uniquement constitutionnelle et ne mélange pas deux ordres législatifs. Elle pose cependant pour nous un problème au plan de l'unité de la matière... (L'orateur est interpellé.)Oui, Monsieur, reprenez tranquillement vos documents ! L'unité de la matière dit quelque chose de très simple et qui tombe sous le coup du bon sens. Lorsqu'on pose une question au peuple, il doit pouvoir, sans ambiguïté, répondre par oui ou par non. En l'espèce, vous posez deux problèmes qui méritent, chacun d'entre eux, d'être posés, nous ne le contestons pas...

M. Christian Grobet. Nous non plus !

M. Pierre-François Unger. Mais une seule réponse par oui ou par non ne permet pas de répondre à plusieurs cas de figure, certains voulant peut-être la caisse publique, mais pas le deuxième volet, d'autres pas la caisse publique, mais surtout le deuxième volet. Raison pour laquelle nous vous proposons simplement de scinder la thématique en deux.

M. Christian Grobet. On est d'accord !

M. Pierre-François Unger. Eh bien, c'est déjà un bon point ! Vous voyez, avec un peu de calme, on avance !

Le président. On aurait pu économiser un long débat !

M. Pierre-François Unger. S'agissant de la recevabilité matérielle, qui est le deuxième point sur lequel on doit se pencher sur le plan juridique, l'initiative doit être conforme au droit supérieur. Le débat est à la fois juridique et un peu politique, je vous le concède.

Le premier volet de l'initiative, si l'on admet qu'il y en a deux, porte sur la création d'une caisse cantonale d'assurance-maladie, avec des difficultés qui ont été soulevées lorsqu'on a traité du projet de loi 8300 il y a deux mois. Nous reverrons sereinement en commission les dispositions qui sont franchement contraires au droit fédéral, celles qui pourraient peut-être être harmonisées avec une interprétation du droit fédéral. Il y en a cependant une, je vous le dis aussi simplement que je le pense, à savoir celle qui consiste à demander au peuple s'il veut une caisse publique, quels que soient les atours dont on aura dû la parer, qui est une question à laquelle on ne pourra pas se soustraire et à laquelle le Conseil d'Etat n'entend pas que nous nous soustrayons. Je reprendrai là, simplement pour corriger un peu l'interprétation d'un député que j'ai juste sous les yeux, mais que je ne nommerai pas de manière à ce qu'il ne puisse pas se sentir visé... (Rires.)Il estime que l'on prétend que les gens ne savaient pas ce qu'ils signaient. Ce n'est évidemment pas ce que l'on a dit. Ce que l'on vous a indiqué dans le texte d'explication...

M. Jean Spielmann. C'est pire !

M. Pierre-François Unger. Je ne sais pas pourquoi vous réagissez, Monsieur Spielmann ! On a juste indiqué que l'on ne savait pas s'ils l'auraient signée si les dispositions n'avaient pas été incompatibles avec le droit fédéral. Bref, votre sophisme était plaisant et nous l'acceptons volontiers !

Sur le fond, Mesdames et Messieurs, la caisse cantonale pourra être étudiée en commission. Cela a déjà été fait pendant plus d'une année avec le projet socialiste. Elle offre un avantage indiscutable, celui de la transparence. On ne va pas revenir là-dessus. Si j'ose dire, il n'y a pas photo à ce sujet. En revanche, il ne faut pas se leurrer sur la taille critique de ce que l'on obtiendra dans un canton comme celui de Genève, qui est un canton universitaire, à forte densité médicale, où les primes maladie sont élevées. On ne gagnera pas d'argent. On gagnera en transparence, mais pas d'argent. C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs les députés, j'ai pris la peine d'écrire à tous mes collègues de Suisse occidentale, avec lesquels nous partageons une sensibilité en matière d'assurance-maladie qui nous distingue probablement d'une partie de nos collègues alémaniques, pour leur demander s'ils étaient d'accord - sachant que Genève a cette initiative, que les Vaudois en ont une autre et que les Fribourgeois ont une motion - s'ils étaient d'accord que nous travaillions ensemble à l'élaboration d'une caisse publique romande. Cette caisse offrirait l'énorme avantage de préfigurer probablement la future caisse suisse. J'en reviens au modèle CNA que j'ai toujours défendu et que je continuerai à défendre. On aurait au moins cette sensibilité romande. Je ne sais pas ce que seront les réponses de mes collègues, mais sachez, Mesdames et Messieurs les députés, que je leur ai déjà écrit, pour que nous puissions aborder ce sujet lors de la prochaine réunion de la CRASS au mois de septembre. Je vous tiendrai bien entendu au courant de l'évolution de cette discussion.

Vous voyez que le Conseil d'Etat ne cherche pas du tout, s'agissant de ce premier volet, à éviter de poser la question au peuple. Le bon sens dit aussi: «In dubio pro populo.» Quand bien même il ne resterait plus grand-chose de la formulation de base, à l'heure actuelle, avec ce que vivent les gens automne après automne, nous ne pouvons pas soustraire au peuple la question fondamentale d'une caisse publique, et celui-ci répondra oui ou non. Je ne vois pas que l'on puisse se soustraire à cette obligation.

S'agissant du deuxième volet, sans non plus nommer personne, admettons tout de même qu'il y a quelque chose qui tient du capharnaüm. La sous-traitance du nettoyage des locaux dans lesquels nous sommes en ce moment serait examinée, d'après l'initiative, à pied d'égalité avec la privatisation d'un service public. Cela pose tout de même un petit problème. Aller devant le peuple pour demander si l'on peut changer, le cas échéant, de sous-traitant pour le nettoyage de ces locaux me paraît très honnêtement constituer un éventuel abus de démocratie. L'initiative ne définit pas assez clairement ce qu'est une activité relevant de l'Etat, d'un service public ou d'un établissement public autonome. Il y a trop d'interprétations possibles.

En outre, Mesdames et Messieurs les députés, cette initiative vous demande, à vous parlementaires, pour quelles tâches vous avez été élus. En effet, elle remet fondamentalement en cause notre organisation politique et particulièrement la délégation de pouvoirs que le souverain vous a consentie. J'y vois personnellement une forme d'attaque anti-parlementariste, qui provient d'habitude de milieux qui ne me sont pas très chers.

En revanche, là encore, le Conseil d'Etat ne s'oppose pas du tout au fond de ce que vous proposez dans ce volet sur les services publics. Nous n'avons aucune objection, bien entendu, à ce que le Grand Conseil ait davantage voix au chapitre lors de transferts d'activités publiques, tant le sujet est sensible pour la population. Prenons l'exemple de la Poste ou de deux ou trois autres services publics, où, à travers le timbre ou le paquet par exemple, les gens recherchent une forme d'identité nationale. Et ils y ont droit. Je n'ai donc aucun état d'âme là non plus à ce que nous travaillions ensemble à mieux préciser ce que vous entendez par sous-traitance, privatisation, service public, établissement autonome. Dans ces conditions, il me paraît parfaitement possible, plausible et vraisemblable de définir un contre-projet qui puisse être soumis au peuple, sachant que votre parlement, puis le peuple pourront être amenés à opérer des choix clairs sur des sujets dont l'importance ne peut en aucun cas être niée à l'heure actuelle. (Applaudissements.)

Le Grand Conseil prend acte du rapport du Conseil d'Etat.

L'IN 119 est renvoyée à la commission législative.