République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 2 mai 2002 à 14h10
55e législature - 1re année - 7e session - 37e séance
PL 7119-A
Premier débat
M. Christian Ferrazino (AdG), rapporteur de majorité. Je me suis permis de demander la parole pour pouvoir compléter mon rapport.
Sans vouloir revenir en aucune manière sur le point précédent, ce projet n'est qu'une démarche de plus pour remettre en cause cette fameuse LDTR. Les tentatives de l'Entente de remettre en cause un certain nombre de dispositions de la LDTR ont d'ailleurs largement été évoquées cet après-midi. Nous n'avons pas eu l'occasion de parler du projet précédent, mais comme il reviendra des travaux de commission, nous aurons tout loisir de le faire ultérieurement...
En ce qui concerne ce projet, je dirai que la démarche est d'autant plus malvenue que les dispositions que ce Grand Conseil avait adoptées en son temps ont été soumises à des votations populaires.
De quoi s'agit-il ? Il s'agit de savoir comment l'on traite des rénovations d'appartements, d'immeubles, lorsque ces rénovations font l'objet d'un subventionnement, puisque, comme vous le savez, la loi générale sur le logement permet à un propriétaire d'obtenir des aides de l'Etat, non seulement pour des constructions de logements mais également pour des rénovations de logements.
Et vous voudriez, Mesdames et Messieurs de l'Entente, qu'un propriétaire qui obtient une aide des pouvoirs publics pour procéder à des rénovations soit mieux traité qu'un propriétaire qui, lui, n'obtient pas d'aide de l'Etat ! Dans ce cas, il ne serait pas tenu par les loyers qui sont fixés dans la loi sur les démolitions, rénovations et transformations de maisons d'habitation qui, je vous le rappelle, oscillent dans une fourchette de 2400 à 3225 F par pièce et par année, et vous voudriez qu'il puisse aller jusqu'à 4000 F la pièce... Alors, il faudra nous expliquer comment justifier qu'un propriétaire qui obtient une aide de la part de l'Etat puisse, en contrepartie, obtenir la possibilité de fixer des loyers supérieurs à ceux des propriétaires qui, eux, n'ont demandé aucune aide de la part de l'Etat !
Je le disais en préambule: c'est une manière de se moquer des droits populaires, puisqu'en septembre 1999 la population a été amenée à confirmer les décisions du Grand Conseil de l'époque, qui visaient justement à faire en sorte qu'une rénovation, qu'elle fasse ou non l'objet d'un subventionnement, soit soumise à la loi sur les démolitions-rénovations d'immeubles d'habitation.
Mais l'autre élément qu'il me semble également nécessaire de relever, Monsieur le président, c'est qu'avec ce projet de loi, s'il devait être accepté... (L'orateur est interpellé.)Non, je ne crois pas que le président n'y porte pas toute l'importance voulue...
Le président. Vous parlez de quel président ? Parce que moi je n'ai rien dit !
M. Christian Ferrazino. Monsieur le président, nous évoquons simplement votre nom au passage !
Je disais que si ce projet devait être accepté, cela pourrait être perçu comme une manière d'encourager des rénovations beaucoup plus onéreuses, puisqu'il faut que la rénovation soit d'une certaine importance pour que le propriétaire obtienne une aide selon la loi générale sur le logement. Cela revient donc à encourager des rénovations lourdes, alors que le bon sens voudrait, au contraire, qu'on encourage des rénovations légères qui ont moins de conséquences financières, y compris sur le prix des loyers.
C'est dire, sachant que les exigences, s'agissant de la qualité de la construction, sont plus élevées en matière de loi générale sur le logement quand il s'agit d'immeubles subventionnés, que cela va engendrer des augmentations de coûts. Et, bien évidemment, ces rénovations lourdes auront des conséquences fâcheuses en premier lieu pour les locataires, puisque c'est sur eux, finalement, que ces coûts seront reportés.
Voilà, Mesdames et Messieurs, les différentes raisons pour lesquelles nous vous invitons à ne pas retenir la solution préconisée par les auteurs du projet de loi 7119, d'autant que celle-ci est contraire à la volonté populaire exprimée en septembre 1999.
M. Florian Barro (L), rapporteur de minorité. Je relève tout d'abord que ce projet de loi aurait dû être traité en même temps que le projet de loi 7752 et que les rapporteurs de l'époque, MM. Ferrazino et Ducrest, l'avaient omis dans le rapport. C'est pour cela que ce projet de loi vous est soumis aujourd'hui. Je rappelle que l'alternative évoquée consistait à le retirer, ce qui n'a pas été le choix des auteurs de ce projet de loi.
Cela dit, nous sommes amenés aujourd'hui à le traiter en raison, justement, de cette carence de 1999.
Je souligne tout de même qu'en matière de vote populaire, quand on vote sur la représentativité des groupes politiques à la Banque cantonale, cela n'empêche pas certains groupes de redéposer un projet de loi juste après le vote populaire pour redemander la même chose... Je pense en particulier à vous, Monsieur Ferrazino, et à votre groupe, qui avez utilisé cette disposition pour tenter de revenir sur la décision d'un vote populaire qui ne vous était pas favorable ! On ne peut donc pas tirer d'enseignement sur l'attitude de tel ou tel député par rapport à certains événements.
A vous entendre, on ne pourrait plus jamais rien changer une fois que le peuple s'est prononcé sur une disposition. Mais les lois sont aussi faites pour évoluer en fonction des besoins.
S'agissant maintenant de propriétaires qui seraient mieux traités s'ils demandent des subventions que s'ils n'en demandent pas, je rappelle que, dans le cas où ils demandent une subvention, l'Etat va exercer un contrôle pendant vingt ans, alors que s'ils n'en demandent pas, dans le cadre de la LDTR, le contrôle s'étend de trois à dix ans, ce qui est déjà très différent. En demandant une subvention, le propriétaire s'astreint donc à un contrôle des loyers beaucoup plus long.
Lors de l'étude du projet de loi 7752, à l'époque, en commission du logement, il avait été démontré, avec plusieurs dossiers à l'appui, que la barrière des 3225 F la pièce, selon les critères économiques de rentabilité ordinaire, empêchait de faire les travaux nécessaires, même avec des projets ayant subi un contrôle de l'Etat par le biais de la LGL, lorsqu'il s'agissait de transformations.
C'est pour cela qu'un alinéa 3 à l'article 11 avait été introduit pour le cas où un propriétaire ne pouvait pas respecter les critères économiques de rendement. Cet alinéa permettait à ce propriétaire de dépasser les 3225 F. Déjà à ce moment-là, il y avait une prise de conscience que les rénovations n'étaient pas toujours possibles, financièrement parlant.
S'agissant de ce projet de loi, je rappellerai que l'exposé des motifs de 1994 - et c'est une des raisons pour lesquelles les auteurs l'avaient déposé - visait essentiellement les opérations de démolitions-reconstructions, dont le caractère onéreux nécessitait de passer par la LGL pour pouvoir être réalisables. Il y avait donc aussi une volonté à ce moment-là de faire accepter financièrement des projets au niveau de la promotion du logement dans ce canton.
A ce titre, notamment pour les démolitions-reconstructions, et en raison du fait que certains bâtiments ne peuvent pas être rénovés sans des aides substantielles de l'Etat, nous vous proposons de voter ce projet de loi.
M. Carlo Sommaruga (S). Comme cela a été évoqué cet après-midi, nous avons le quatrième débat sur une modification de la LDTR. Nous avons eu le projet de loi 8694, puis le projet de loi 8660, enfin le projet 8647... Tous ces projets de lois visent, par un biais ou par un autre, à remettre en question les acquis sociaux destinés à protéger les locataires de majorations de loyers importantes.
Par ces projets de lois, on s'attaque aux exceptions, aux fourchettes de calcul du loyer après rénovation et aux protections contre les congés-ventes.
Ce dernier projet de loi qui revient de la commission, comme cela a été dit, a été déposé en 1994. Depuis lors, la LGL a été revue, suite au dépôt d'un projet de loi par le Conseil d'Etat. Cette révision de la LGL a été acceptée par le Grand Conseil avec un large consensus. La révision de la LDTR a également été discutée et votée en 1999, avec à la clé un vote populaire - cela aussi a été rappelé tout à l'heure.
En d'autres termes, le débat portant sur la cohérence entre la LGL et la LDTR a déjà eu lieu à deux reprises au sein de ce Grand Conseil et à la commission du logement. Il est pour le moins surprenant et je dirai même qu'il est scandaleux, trois ans après un vote populaire - même pas trois ans, deux ans et demi ! - qui a ratifié le principe de la primauté de la LDTR sur la LGL afin de garantir des loyers plus bas, de revenir devant ce Grand Conseil, sans aucun état d'âme, prétendre que l'on peut renverser cette volonté populaire ! C'est une manifestation claire du mépris que certains portent au vote du peuple ! Et d'ailleurs, cela ne m'étonne pas, dans la mesure où c'est dans les rangs du rapporteur de la minorité de l'époque, aujourd'hui majorité, qu'une idée telle que la suppression de certains référendums ou voies de recours est constamment évoquée.
Aujourd'hui, il y a lieu de relever que ce projet de loi vise tout simplement à augmenter considérablement - de 3225 F la pièce à 4000 F la pièce - le prix des loyers des logements une fois rénovés. En fait, il s'agit là du prix que payera le locataire. Mais la construction pourra même atteindre le prix de 5500 F la pièce, et c'est seulement grâce à la subvention que le loyer pourra être maintenu à 4000 F la pièce. C'est tout à fait choquant !
On a vu par exemple à Saint-Gervais, pour deux immeubles contigus, un propriétaire, parce qu'il renonçait aux subventions HLM, limiter le prix de l'appartement rénové à 3225 F la pièce l'an, alors que l'autre propriétaire, à côté, ayant opté pour des subventions, pouvait rénover à grands frais avec un loyer final plus élevé. Cela ne va pas !
Il est inadmissible que la LGL soit appliquée à un projet de rénovation ! La LGL est une loi destinée à des immeubles neufs - elle a été conçue de cette manière. A un moment donné, on a voulu la calquer sur les projets de rénovation. Cela pose d'énormes problèmes quant à son application sur les immeubles à rénover. En effet, les critères d'analyse des projets ne sont pas les mêmes; les mesures à prendre ne sont pas les mêmes: il s'agit d'un système augmentant le coût de la rénovation pour que celle-ci puisse rentrer dans le cadre de la LGL.
En raison de la volonté populaire exprimée il y a moins de trois ans, en raison de cette inapplicabilité au logement rénové de critères pour le logement neuf, pour éviter l'inégalité de traitement entre des propriétaires qui seraient soumis à la LGL ou non, et surtout pour éviter l'inégalité de traitement entre locataires dont certains payeraient 3225 F la pièce et d'autres 4000 F, il y a lieu de refuser ce projet de loi.
Je préciserai encore à ce sujet qu'en général, les rénovations qui sont proposées par les propriétaires dans le cadre de la LGL portent sur des travaux qui rendent les appartements hermétiques, notamment en supprimant des ventilations naturelles anciennes. Cela aboutit la plupart du temps à des situations pénibles - nous le constatons lors des permanences de défense des locataires - notamment à l'apparition de moisissures et autres désagréments pour les locataires. Il y a lieu de sortir aujourd'hui de ces grandes rénovations imposées dans le cadre de la LGL pour en rester à des rénovations plus modestes limitées par des loyers plus bas et des rentabilités plus faibles.
Je vous prie donc, aussi pour ce motif, de ne pas entrer en matière sur ce projet de loi et de le refuser.
M. Mark Muller (L). A nos yeux, la LDTR est effectivement un monstre juridique ! Nous le reconnaissons volontiers publiquement; nous n'avons pas honte de le dire et nous avons la volonté politique d'assouplir cette loi et en particulier d'en éradiquer les principaux éléments néfastes.
De nombreux effets pervers découlent de la LDTR - on en a déjà parlé aujourd'hui à d'autres occasions - et notamment le fait que des locataires aujourd'hui à Genève ne peuvent même pas acheter leur appartement à moins d'effectuer un véritable parcours du combattant tout simplement effarant, sans compter le recours déposé par l'Asloca, lorsque le locataire a enfin obtenu son autorisation... La LDTR freine certains travaux que tout le monde appelle de ses voeux, notamment des travaux d'économie d'énergies, et il convient donc de faire ce qui est en notre pouvoir pour supprimer ce type d'effets pervers.
A la teneur de son article 1, la LDTR encourage les travaux d'entretien et de rénovation. Ça nous fait bien rigoler: en réalité l'effet principal de la LDTR est de dissuader les propriétaires d'entreprendre des travaux de rénovation ! Vous le savez très bien, en moyenne suisse, le canton de Genève est celui qui rénove le moins ses immeubles: on peut en constater de plus en plus les effets dans nos rues.
En 1996, Mesdames et Messieurs, notre Grand Conseil, dans un large consensus, et notamment sous l'impulsion des milieux du bâtiment et des syndicats, avait conclu un accord qualifié d'historique à l'époque. Un certain assouplissement de la loi avait été trouvé, et je crois que tout le monde considérait que la loi devenait acceptable.
A peine un an plus tard, dès après les élections de 1997, lorsque la gauche est devenue majoritaire, un projet de loi renforçant considérablement la LDTR a été déposé. C'était une violation des accords de l'époque, violation grave dans la mesure où ceux-là mêmes qui déposaient ce projet de loi y avaient adhéré. Ensuite, le projet de loi a été adopté. Il y a effectivement eu un référendum et le peuple a accepté cette loi, à une courte majorité, je vous le rappelle. C'est un fait important dans un canton où 85% de la population est locataire: les discours démagogiques de la gauche et de l'Asloca n'avaient pas réussi à convaincre - et de loin pas - la totalité de ces locataires des bienfaits de la nouvelle LDTR.
L'effet principal de cette nouvelle LDTR, Mesdames et Messieurs, était d'hypothéquer davantage encore la possibilité et les chances de rénover notre patrimoine bâti, et, malheureusement, une majorité de notre population ne l'avait pas compris et ne nous avait pas suivis.
Alors, la volonté populaire a bon dos ! Croyez-vous, Mesdames et Messieurs, que le peuple genevois était conscient du fait qu'en adoptant ce projet de loi, il décidait qu'en cas d'application simultanée de la LDTR et de la LGL, ce seraient les loyers LDTR qui seraient applicables ? Bien sûr que non ! Ce sont vos affiches démagogiques et simplistes qui l'ont emporté ! Vos messages réducteurs au ras des pâquerettes ! (Exclamations.)
Le projet de loi qui nous est soumis - et si on en parle aujourd'hui, malheureusement, vous en êtes responsables, parce que vous aviez l'occasion de le traiter en 1999 avec le projet de loi 7552 dont je viens de parler - propose une mesure tout à fait simple et raisonnable. Elle consiste à dire que, lorsque des travaux soumis à la LDTR bénéficient d'un subventionnement HLM, les normes de loyers HLM sont appliquées.
M. Sommaruga l'a dit tout à l'heure, on ne parle pas vraiment ici de travaux de rénovation. Il est effectivement assez rare que des travaux de rénovation soient soumis à la LGL et bénéficient d'un subventionnement. Cela existe, mais c'est assez rare.
Ce fait contredit tout de suite le principal argument qui vient d'être développé, selon lequel notre projet de loi aurait pour effet d'augmenter les loyers. Effectivement, on parle ici essentiellement de travaux de démolition-reconstruction, c'est-à-dire de la construction d'un nouvel immeuble avec de nouveaux locataires. Ces locataires rentrent avec de nouveaux loyers, et on ne peut donc pas parler d'augmentation de loyers.
Le principal effet de ce projet de loi, dans la mesure où l'on parle essentiellement de travaux de démolition-reconstruction, sera tout simplement d'encourager les propriétaires à faire appel à un subventionnement HLM pour reconstruire des immeubles démolis. Il me semble que c'est ce que vous appelez de vos voeux, Mesdames et Messieurs: la construction de logements sociaux ! Eh bien, c'est exactement ce que propose ce projet de loi: encourager, à l'occasion d'opérations de démolition-reconstruction, le passage par la LGL et un subventionnement HLM et, donc, la mise à disposition de logements sociaux !
Je m'étonne donc fort que vous vous opposiez à ce projet de loi, qui va précisément dans le sens de la politique que vous soutenez parfois aveuglément - il est vrai - mais que vous soutenez depuis de nombreuses années...
Je vous invite par conséquent à voter l'amendement qui figure dans le rapport de minorité de M. Barro. Ce sera un premier geste de ce nouveau Grand Conseil en faveur d'un assouplissement de la LDTR pour favoriser les travaux d'entretien et de rénovation de notre patrimoine bâti, qui en a bien besoin.
M. John Dupraz (R). C'est avec intérêt que nous avons pris connaissance des travaux de la commission, et le groupe radical votera, bien sûr, le rapport de minorité de M. Florian Barro.
Que n'a-t-on pas entendu dans ce débat: droits populaires que nous bafouerions, mépris du vote populaire !
Je voudrais tout de même rappeler à ce Grand Conseil que l'automne dernier le vote populaire a engendré un changement de majorité dans ce parlement. Alors, nous respectons ce vote populaire et nous assumons notre majorité. Nous ne violons d'ailleurs aucun droit populaire, puisque ce projet de loi ouvre aussi la voie référendaire, même si le peuple s'est prononcé en 99 sur ces lois sur le logement.
Du reste, pourquoi avons-nous déposé ce projet de loi ? Tout simplement parce que les démolitions-reconstructions ne peuvent pas se faire sous la LDTR, car le coût est pratiquement aussi cher qu'une nouvelle construction. Et si vous voulez que le parc immobilier de Genève soit rénové, il faut que les propriétaires puissent trouver «une certaine rentabilité».
Mesdames et Messieurs, je crois que c'est une disposition intelligente qui vous est proposée, car elle va permettre la rénovation de certains bâtiments qui, aujourd'hui, ne peuvent pas être rénovés en raison de ces blocages législatifs. Et qui dit rénovation des bâtiments dit travaux pour les entreprises, dit impôts pour l'Etat, dit places de travail... Tout le monde trouve son compte dans une telle opération.
Quant aux locataires qui seraient maltraités dans ce canton, je crois que, si on peut dire que les locataires sont protégés dans ce canton - c'est normal, car ils sont plus faibles que les propriétaires - on ne peut pas dire que les locataires sont maltraités, ou bafoués, ou pas respectés ! Ce sont des propos que le groupe radical réfute !
Ce projet de loi vient enfin devant ce plénum pour être voté, et nous vous encourageons, encore une fois, à l'accepter tel qu'il ressort du rapport de minorité avec l'amendement proposé par M. Barro.
M. Christian Grobet (AdG). Je rappelle tout particulièrement à M. Mark Muller - mais il le sait - que la loi sur les démolitions, transformations et rénovations d'immeubles d'habitation résulte d'une initiative populaire qui a été lancée à la fin des années 70. Celle-ci a débouché sur un projet de loi qui a fortement restructuré l'ancienne loi sur les démolitions de 1961 et qui a été massivement approuvé en votations populaires en juin 1983.
Quel était l'objectif de ce projet de loi ? Principalement, de maintenir un important volet de logements bon marché dans ce canton et d'éviter que, par des changements d'affectation en bureaux, par des démolitions abusives, par des transformations exagérément lourdes, ces logements bon marché ne se transforment sur le plan qualitatif et deviennent des logements onéreux. C'est la raison pour laquelle cette loi, ne faisant du reste que s'inspirer de dispositions qui existaient dans la législation vaudoise, a instauré un contrôle des loyers sur les logements transformés et sur les logements reconstruits à la suite de démolitions.
Certes, vos milieux, Monsieur Muller - je crois que ça ne vous intéresse pas tellement, mais tant pis... - se sont acharnés à l'époque contre ces dispositions de droit cantonal. Chaque fois qu'une loi était adoptée, des recours de droit public étaient déposés au Tribunal fédéral... Cela a encore été le cas, il n'y a pas si longtemps, contre la quinzaine de modifications qui ont été apportées il y a deux ou trois ans à la LDTR. Tous ces recours ont été rejetés, sauf sur un ou deux points mineurs. Donc, la constitutionnalité du processus de contrôle des loyers a été approuvée et réaffirmée à plusieurs reprises par le Tribunal fédéral.
Eh bien, oui, il nous tient à coeur de maintenir ce contrôle des loyers, plus que jamais aujourd'hui, alors que nous subissons une crise du logement - cela a été évoqué tout à l'heure - avec une pression extraordinairement forte sur les loyers ! Il suffit de voir le prix des loyers actuellement proposés pour les rares logements mis en location ! Il est bien difficile, aujourd'hui à Genève, de trouver un logement de quatre à cinq pièces en dessous de 2500 F par mois.
Alors, Monsieur Dupraz, vous pouvez faire des remarques sur la façon dont on a exprimé le désarroi des locataires face aux pratiques des milieux immobiliers, car de très nombreux propriétaires ont profité de la crise du logement pour imposer des loyers totalement abusifs. Toujours est-il que la situation des locataires s'est fortement dégradée avec la pénurie de logements, et c'est au moment où la situation se dégrade, que vous venez proposer des allégements sur ce contrôle des loyers: nous estimons que c'est totalement scandaleux !
M. Sommaruga a bien fait de rappeler tout à l'heure qu'il n'y a pas moins de quatre projets de lois pendants - la technique du saucissonnage que vous nous avez reprochée à certaines occasions est véritablement utilisée...
M. John Dupraz. Vous êtes le maître !
M. Christian Grobet. Oh, écoutez, je crois que la tactique du saucissonnage n'a pas été inventée par nous, Monsieur Dupraz ! Mais on ne va pas refaire des cours d'histoire à cet égard, cela n'a pas une grande importance...
Le président. Laissez M. Grobet s'exprimer !
M. Christian Grobet. Je voulais simplement souligner que quatre projets de lois pour modifier les effets des articles de la LDTR appliqués à la fixation du contrôle des loyers, c'est quelque chose de tout à fait excessif...
Cela me permet du reste de revenir sur le projet de loi qui était évoqué tout à l'heure, sur lequel nous avions demandé que le débat soit ouvert et qui n'a pas eu lieu, le projet de loi 8694 modifiant la LDTR, dont le titre est totalement abusif: «Pour des loyers équitables».
De quoi s'agit-il ? C'est un projet de loi de plus qui vise à modifier la manière de calculer le loyer... On voudrait ne plus calculer celui-ci par pièce, mais au mètre carré de plancher... Et forcément: on sait pourquoi ! Parce que dans les anciens immeubles construits avant-guerre, ceux qui sont principalement touchés par la LDTR, les appartements sont de qualité avec des pièces que je ne qualifierai pas de généreuses mais de normales. Avec de vraies cuisines, comportant une fenêtre, où on peut s'asseoir et manger, et non pas des bars de cuisine, ou de fausses pièces, ou des pièces de dimensions extrêmement modestes comme c'est le cas dans beaucoup de constructions plus récentes.
Ce projet de loi 8694 est une manoeuvre pour faire augmenter le prix des loyers dans les anciens immeubles. Nous ne sommes pas dupes ! Et le projet dont nous discutons est de la même veine, à savoir qu'on n'appliquerait plus les loyers LDTR pour les logements bénéficiant de subventionnement.
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !
M. Christian Grobet. Oui, alors, je vais tout de suite m'inscrire pour le deuxième tour de parole. Je ne veux pas qu'on me reproche de ne pas l'avoir fait assez vite...
Le président. Tant que vous parlez, vous ne pouvez pas vous inscrire ! (Rires.)
M. Christian Grobet. Vous voyez, je vais à nouveau me faire piéger !
Le président. Je suis navré, c'est l'informatique, ce n'est pas moi !
M. Christian Grobet. Maintenant, tout le monde aura entendu que je m'inscris d'ores et déjà !
Je voulais simplement dire que vos différents projets de lois ont un seul but: faire prendre l'ascenseur aux loyers des immeubles protégés, où nous avons encore une possibilité d'intervenir ! Je pense, Monsieur Dupraz, que les locataires ne sont pas du tout sur la longueur d'onde que vous dites.
J'aimerais rappeler à M. Müller...
Le président. Vous pourrez le faire tout à l'heure !
M. Christian Grobet. Bon, je le lui rappellerai tout à l'heure...