République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 22 février 2002 à 20h30
55e législature - 1re année - 5e session - 24e séance
IN 116-C
Débat
M. Pascal Pétroz (PDC), rapporteur de majorité. J'entends prendre relativement brièvement la parole pour vous exposer les enjeux que cette initiative nous amène à discuter ce soir. Je le fais non pas pour paraphraser mon rapport mais parce que j'ai eu l'impression en lisant un certain nombre des remarques qui étaient formulées par les rapporteurs de la minorité que nous n'avions pas lu le même texte et que nous n'avions pas assisté aux mêmes séances de commission...
Je vais donc essayer, le plus objectivement possible, de dépeindre les problèmes et les questions qui ont été soulevés dans le cadre de ce débat en exposant brièvement les points de vue des uns et des autres.
L'initiative 116 «Pour un toit à soi» est une initiative non formulée, ce qui veut dire qu'il appartiendra, après, à notre parlement de concrétiser les invites de portée générale que l'on trouve dans cette initiative.
Elle comporte trois points distincts. Le premier point propose d'introduire une épargne-logement. Ce point nous a pris passablement de temps en commission. Une partie de la commission a relevé - à juste titre d'ailleurs, parce que ce n'est pas contestable en tant que tel - que le canton de Genève avait déjà depuis 1969, si je ne me trompe, une loi sur l'épargne-logement. Et puis, une partie de la commission, appuyée en cela par M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat chargé du département, nous a demandé pourquoi introduire une loi qui existe déjà. La majorité de la commission a estimé que, malgré l'existence de cette loi, il était difficile de contester qu'une amélioration du système en place était justifiée. Pourquoi ? Parce que, depuis l'entrée en vigueur de cette loi, celle-ci n'a même pas été utilisée une dizaine de fois.
Les avis ont divergé quant aux causes du peu d'utilisation de cette loi. La majorité de la commission considérait que cette épargne-logement n'était pas utilisée en raison de la complexité de la loi - c'est la position de la majorité - et il faut bien reconnaître - je l'ai encore relue tout à l'heure pour préparer cette intervention - qu'elle n'est pas d'une clarté absolue...
En plus de cela, il y a eu des lacunes terribles au niveau de la promotion de cette loi, car, en effet, qui connaît l'existence de cette loi dans la population ? Bien peu de monde !
On pourrait tout à fait imaginer d'autres systèmes qui permettraient de mettre en place une épargne-logement. Nous avons d'ailleurs pu constater en commission que le canton de Bâle-campagne disposait d'un système d'épargne-logement qui, semble-t-il, d'après les auditions que nous avons pu avoir au sein de la commission, fonctionne très très bien et qui a beaucoup de succès.
Le problème de la compatibilité avec le droit fédéral a aussi été soulevé. Il est vrai que la loi sur l'harmonisation des impôts directs apporte des conditions extrêmement restrictives, puisqu'elle restreint particulièrement, voire même interdit, la possibilité de procéder à une épargne-logement.
Cela étant, nous avons tout de même considéré que le canton de Bâle-campagne bénéficiait d'une exemption et nous avons également constaté que des discussions étaient en cours au niveau fédéral pour permettre à des cantons qui pouvaient être intéressés par la mise en place d'un système d'épargne-logement de pouvoir bénéficier d'exceptions.
Nous estimons que le principe d'une épargne-logement efficace garde toute sa pertinence, et nous pensons que cette question devra être examinée attentivement au moment de la concrétisation de cette initiative.
J'en viens maintenant au deuxième point: l'aménagement du territoire. L'initiative contient deux lettres: la première lettre demande à ce que toute réduction de droit à bâtir soit entièrement compensée - là encore la portée de cette phrase a été relativement controversée en commission - et nous aurons l'occasion d'en parler tout à l'heure. L'idée soutenue par la majorité de la commission consistait à dire que dans des cas où un propriétaire doit subir des restrictions de ses droits à bâtir - on pense par exemple, à des modifications de cours d'eau, c'est un exemple qui a été discuté en commission - une indemnité pour expropriation matérielle doit être possible.
La lettre b) nous a occupés pendant un long moment... Elle dit ceci: «La loi doit permettre, sous réserve du préavis de l'exécutif communal, la construction de logement en propriété individuelle à celui qui le souhaite.» La discussion sur ce point a été particulièrement chaude, vous l'imaginez, parce qu'une partie des membres de la commission a estimé qu'il s'agissait d'une attaque en règle contre la législation sociale. Moi, je vais vous répondre tout à fait clairement. Vous savez que je suis membre du parti démocrate-chrétien, lequel, à l'époque, avait mis en place le système de logements sociaux que nous connaissons aujourd'hui... Il n'est bien évidemment pas dans les intentions du groupe démocrate-chrétien que je représente ici ce soir de remettre en question, de quelque manière que ce soit, l'importance de la construction de logements sociaux. Je vous le dis clairement au début du débat pour éviter que l'on nous reproche de ne pas l'avoir dit...
Le président. Monsieur Pétroz, il vous reste trente secondes.
M. Pascal Pétroz. Je vous dirai en trente secondes que cette lettre permet uniquement de mieux prendre en compte les intérêts d'un propriétaire individuel.
Pour ce qui est du troisième point de l'initiative, je vous dirai qu'il s'agit de favoriser l'aliénation des appartements. J'aurai l'occasion d'y revenir ultérieurement, j'imagine...
Présidence de M. Bernard Lescaze, premier vice-président
M. Carlo Sommaruga (S), rapporteur de première minorité. Ce soir le débat ne porte pas - cela pour rassurer le rapporteur de la deuxième minorité - sur la question idéologique de savoir si la propriété c'est le vol ou si elle est une valeur fondamentale de notre société qu'il convient de défendre pour garantir sa pérennité.
Le débat porte clairement sur une initiative qui tend à mettre en place un certain nombre d'instruments pour favoriser prétendument la propriété individuelle. En ce qui concerne le titre du moins, puisque, un titre comme «Pour un toit à soi» vise, manifestement, à faire croire à la promotion de la propriété d'un bien immobilier tel un petit logement, une villa, un sweet home, comme on dit en anglais. Or ce n'est pas le cas.
Cela dit, la petite procédure qui a été utilisée pour cette initiative, comme l'a rappelé le rapporteur de la majorité, est celle d'une initiative non formulée. Ce soir, il conviendra donc de trancher et de savoir si le Grand Conseil accepte ou refuse cette initiative. Dans ce cas d'une acceptation le Grand Conseil aura l'obligation de légiférer. Par contre, si le Grand Conseil refuse l'initiative, il conviendra de procéder à un deuxième vote pour savoir s'il souhaite opposer à l'initiative un contreprojet ou pas. Si un contreprojet est accepté, l'initiative et le contreprojet seront soumis en votation au peuple. Si le Grand Conseil rejette l'initiative sans contreprojet, le peuple se prononcera directement sur le texte de l'initiative. Enfin, et je tiens à préciser, puisque, apparemment, dans un rapport la chose ne paraissait pas très claire s'agissant du moment où le peuple devrait se prononcer sur l'initiative, que, si ce soir l'initiative est acceptée, le peuple n'aura pas à se prononcer sur celle-ci !
Cela étant dit, je tiens à préciser que cette initiative a été lancée et déposée après que le peuple genevois, comme le peuple suisse, a eu à voter sur l'initiative fédérale «Propriété de logement pour tous» et où les milieux immobiliers ont subi un échec concrétisé par 60% de refus à Genève.
La seule section de ces milieux à avoir relancé le débat est la section genevoise. Elle est revenue juste après avec une initiative portant un nouveau titre «Pour un toit à soi». On constate déjà au niveau du titre un glissement idéologique, alors qu'on visait la propriété pour tous, dans un esprit généreux mais fallacieux, on a trouvé un titre beaucoup plus personnel et individualiste, flattant précisément le côté égoïste des gens, c'est-à-dire «Pour un toit à soi» - sous-entendu rien aux autres...
Cela dit, il paraît important de reprendre les différents éléments de l'initiative et l'opportunité de ceux-ci.
Est-il maintenant opportun que l'Etat s'investisse dans la promotion de la propriété ? Je crois que nous sommes tous au clair et que nous sommes tous informés sur la situation générale du logement à Genève et la pénurie importante qui y sévit.
Or les instruments qui nous sont proposés dans cette initiative ne permettent aucunement d'améliorer la production de logements, qu'ils soient d'ailleurs en propriété ou locatifs. Au contraire, elle va à l'encontre des valeurs de solidarité à l'égard des personnes les plus fragiles, puisque ceux qui peuvent accéder à la propriété ne sont pas les plus faibles de la société, les personnes vivant avec des bas revenus. Cette initiative va à l'encontre de la cohésion sociale dans la mesure où elle favorise les personnes avec des revenus moyens, supérieurs ou élevés et crée des différences entre les divers segments de la population. De plus, certaines invites de l'initiative mettent l'accent sur l'intérêt individuel contre l'intérêt public et l'intérêt général.
Cela dit, on pourrait se demander s'il convient de soutenir certains segments de la population qui pourraient uniquement accéder à la propriété, tel que la classe moyenne visée pour les logements subventionnés HM, ceci dans le but de garantir une mixité de la population. Je vois mal comment l'on peut imaginer une telle aide de l'Etat dans le cadre de la propriété, alors qu'il faut au départ déjà disposer de fonds propres, c'est-à-dire d'une fortune. Il est clair que l'aide de l'Etat ne développera aucune solidarité. Elle ne touchera donc que le segment supérieur de la classe moyenne.
Or il faut aujourd'hui que l'affectation des fonds publics soit réservée à la production en nombre de logements pour les catégories les plus menacées par la situation de pénurie que nous connaissons. Il convient donc beaucoup plus de promouvoir des logements d'utilité publique en main des fondations immobilières, des logements produits par des associations sans but lucratif et des logements en propriété coopérative, soit des détenteurs de logements qui garantissent à long terme l'absence de spéculation.
Au surplus, je ne pense pas, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, comme cela est affirmé dans le programme politique de l'un des partis siégeant ici, et tel que cela est repris dans le rapport de 2e minorité, qu'il vaut mieux une multitude de petits propriétaires qu'une multitude de locataires parce que ces derniers sont dépendants d'un bailleur. En effet, il ne faut pas oublier que la multitude de petits propriétaires, eux, sont dépendants d'une banque. En d'autres termes, cela ne change donc rien dans la réalité.
En résumé, comme déjà dit, il convient, en fait, d'orienter l'effort de l'Etat vers la production de logements pour les personnes qui ne peuvent malheureusement pas trouver sur le marché libre un logement compatible avec leurs ressources et non vers une promotion à la propriété. Je rappelle que 50% de la population a un revenu inférieur à 5000 F par mois.
Au-delà de ces considérations générales, examinons les invites de l'initiative. Comme l'a relevé le rapporteur de la majorité, il existe d'ores et déjà à Genève, une loi en matière d'épargne-logement. Elle avait été proposée à l'époque par le Conseil d'Etat. Il est étonnant qu'on vienne dire aujourd'hui que cette loi n'a pas pu bénéficier de la publicité nécessaire, dès lors qu'il existe des associations professionnelles immobilières qui publient régulièrement des journaux et qui sont à même de donner des informations sur l'épargne-logement. Il apparaît bien plus aujourd'hui que si cette loi n'a pas trouvé d'application concrète et quasi aucun administré désireux de bénéficier des prestations de l'Etat, c'est qu'en fait elle ne suscite pas d'intérêt. Et ce n'est pas en modifiant la loi aujourd'hui, que l'on va susciter un nouvel élan ou un nouvel intérêt.
Par ailleurs, comme cela a été soulevé par le rapporteur de la majorité, il y a un problème de compatibilité avec le droit fédéral...
Le président. Il est temps de conclure, Monsieur le rapporteur !
M. Carlo Sommaruga. Je conclurai donc sur cette première invite et je reprendrai ensuite la parole sur la deuxième et la troisième invite ultérieurement.
Au sujet de cette première invite, Monsieur le président, il convient de souligner qu'en raison du droit fédéral on ne peut plus aujourd'hui procéder à des exonérations sur le revenu. De plus, les initiants ont indiqué qu'il était hors de question de bénéficier de subventionnement de l'Etat en faveur de la propriété... Or, pour pouvoir améliorer l'épargne-logement, il conviendrait d'envisager des prestations de l'Etat sur l'épargne par des apports étatiques. Mais ce n'est pas la volonté des initiants. Ainsi, l'amélioration souhaitée est surtout de nature fiscale vu le carcan du droit fédéral, je ne vois donc pas où est la marge de manoeuvre pour améliorer la loi cantonale sur l'épargne-logement. Je conclus pour l'instant à ce stade.
M. David Hiler (Ve), rapporteur de deuxième minorité. Nous, les députés du groupe des Verts, nous avons eu à réitérées reprises l'occasion de développer l'importance... (Le micro de l'orateur a un effet Larsen.)Il y a vraiment un problème de sifflement ! ...que nous accordions au développement d'une politique du logement fondée sur les constructeurs d'utilité publique qu'il s'agisse des coopératives, des fondations communales, d'associations à but idéaux, ou encore des fondations immobilières de droit public.
Nous estimons que c'est la solution pour l'avenir et que cette solution remplacera le système HLM que nous connaissons parce que nous sommes persuadés qu'un système qui est fondé sur une durée courte de vingt ans oblige sans cesse l'Etat à consentir de nouveaux efforts pour arriver à maintenir un certain volant de logements dans le domaine social. L'expression exacte au vu des coûts de certains de ces logements serait plutôt «logements subventionnés». C'est une politique qui existe dans un certain nombre de pays d'Europe et, surtout, d'Europe du Nord, et elle est généralement - j'insiste sur ce point - solidaire d'une politique fondée sur la démocratisation de l'accès à la propriété. Lorsqu'on parle de vouloir démocratiser les études on ne prétend pas que le lendemain tout le monde va faire des études... Eh bien, de la même façon, lorsque l'on démocratise l'accès à la propriété on essaye d'étendre graduellement l'accès à la propriété d'un logement - à Genève, ce sera neuf fois sur dix un appartement et non pas une villa - à des secteurs de plus en plus larges de la population.
Maintenant, pourquoi alors vouloir refuser cette initiative et demander un contreprojet ? Parce que, pour l'essentiel, nous pensons que cette initiative ne propose pas les bons moyens pour arriver au but, qu'elle va rallumer une guerre que je qualifierai «d'idéologie primaire» - pour faire plaisir à mon co-rapporteur de minorité - et probablement - je le souhaite d'ailleurs - qu'elle sera refusée ce qui veut dire qu'il faudra repartir d'assez loin pour essayer de reconstituer une politique de démocratisation de la propriété telle que la connaissent la plupart des pays européens dirigés notamment par des majorités sociales-démocrates, disons-le. La Suède est d'ailleurs un excellent exemple à cet égard.
Donc, à partir de là, pourquoi ? L'épargne-logement ne constitue pas une matière suffisante pour faire une initiative... Excusez-moi, mais c'est un simple problème technique par rapport au droit fédéral ! On a une formule qui est totalement inefficace, désuète, mais ce n'est pas en mettant dans un texte que l'on va pouvoir faire quelque chose que l'on va pouvoir contourner le droit fédéral pour autant ! A ce stade, le problème des fonds propres est essentiellement résolu par les mesures qui ont déjà été prises, au niveau du deuxième pilier, dans le droit fédéral. Et c'est bien cela qui permet également la démocratisation de l'accès à la propriété.
Maintenant, les droits à bâtir... On m'expliquera, à l'occasion, ce que cela vient faire dans cette initiative ! C'est toujours la même chose, à chaque fois qu'on fait une initiative pour la démocratisation de l'accès à la propriété, on en profite pour ajouter deux ou trois choses qui n'ont rien à voir avec l'objet en question ! C'est dommage, car il y a des points effectivement intéressants à discuter lors du débat référendaire !
Et puis, un certain nombre de problèmes sont véritablement liés à l'aménagement. On ne peut pas, dans la législation future décider hors cadre que toute personne qui fait une promotion sur son terrain, y compris en zone de développement, est libre de construire exclusivement de la PPE sans prendre de gros risques au niveau du marché, soit une pénurie de locatif notamment dans le secteur accessible à la majorité de la population. Si l'on s'en tient à ce qui est écrit dans cette initiative - et c'est ce qui est écrit - on est en train de démanteler à peu près l'ensemble des règles qui concernent les zones de développement, et cela me paraît véritablement très dangereux. De la même manière, lorsque l'on décide d'abolir d'un seul coup l'ensemble des restrictions sur la vente des logements prévues par la LDTR aujourd'hui on passe d'un Etat qui est peut-être surréglementé - c'est en tout cas ce que nous estimons dans notre programme sur certains points - à un Etat où on ne sait plus ce qui va se passer. Une telle déréglementation dans une période de pénurie engendrerait des problèmes très importants. Il est vrai qu'une personne qui devient propriétaire de son logement est un locataire en moins, malheureusement, il ne s'agit pas d'un marché homogène, et vous le savez très bien. C'est un marché segmenté: si d'un seul coup, ce qui intéresse les gens - et c'est ce qui les intéressera - ce sont les immeubles construits avant 1920 parce qu'ils ont de grandes pièces, des hauts plafonds et qu'ils permettent de faire de la PPE à des prix relativement réduits, ils vont sérieusement manquer pour une partie de la population. A mon avis, on peut déréglementer sans problème à condition de fixer un certain nombre de quotas et de règles d'accompagnement et, surtout, de pouvoir bloquer le processus dans les cas de pénurie grave. Car on ôte tout moyen au Conseil d'Etat de faire de la régulation, et c'est la raison pour laquelle le Conseil d'Etat, outre M. Moutinot, a recommandé de rejeter cette initiative, parce que, manifestement, à vouloir trop bien faire elle va dans la mauvaise direction. Elle a des effets induits pervers qui peuvent être considérables alors que le même résultat peut être obtenu sans passer par là.
Ces raisons nous poussent à dire que ce serait une grosse erreur de la majorité d'aller plus loin avec cette initiative, parce que sa formulation est extrêmement contraignante. On ne peut pas se contenter de reconnaître - c'est ce qu'on me dit dans les couloirs - que le texte de cette initiative est mal fait, qu'il va trop loin, et qu'on rédigera les textes correspondants un peu différemment... Ce n'est pas vraiment respecter le jeu démocratique !
Nous invitons donc la majorité à accepter l'idée d'un rejet de cette initiative et la rédaction d'un contreprojet, qui permettrait d'introduire les normes par lesquelles on peut, dans certains cas, arriver à une déréglementation intelligente et, dans d'autres, assurer des quotas, s'il le faut, de PPE sur les parcelles en zones de développement. Du reste, ces quotas se portent bien.
Et puis il faut affronter la question de fond: à partir du moment où on est d'accord de subventionner le locatif pour une certaine catégorie de salaires, est-on d'accord de subventionner la charge d'intérêt pour les mêmes catégories et pour des immeubles neufs ? Et je ne vous parle pas de l'amortissement ! Et ça c'est toute la question: il faut savoir si nous voulons faire du HM propriété ou non. En effet, à l'évidence, l'un des grands obstacles c'est qu'on a - et les immeubles se ressemblent - d'un côté, des locations et des subventionnés et, de l'autre, les mêmes catégories salariales qui ne sont pas subventionnés en PPE. Alors, prenons le temps de poser ces problèmes ! Prenons le temps aussi de consulter la documentation qui nous a été remise à la fin de nos travaux qui indique un certain nombre d'autres pistes, à partir de ce qui se fait dans d'autres pays: les primes de départ à l'allemande, mais, également, toutes les formes assez sophistiquées d'aide à la propriété qui existent au Danemark et en Suède ! Nous avons tout ce matériel à disposition, mais nous n'avons pas pu l'utiliser en commission, parce que nous l'avons reçu à la fin de nos travaux. Je vous en conjure, prenons le temps d'étudier ce problème, de compléter notre politique de logement en matière d'accession à la propriété, sinon nous perdrons quatre ans à l'issue d'un débat qui se caractérisera par son archaïsme comme à chaque fois que nous avons un débat de ce type !
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Le débat sur la prise en considération de cette initiative se poursuit. La parole est à Mme Françoise Schenk-Gottret.
Mme Françoise Schenk-Gottret (S). L'initiative prévoit que la loi doit permettre, sous réserve du préavis de l'exécutif communal, la construction de logements en propriété individuelle à celui qui le souhaite...
Actuellement, c'est le conseil municipal d'une commune qui accepte un PLQ en votant une délibération, et c'est dans un PLQ que sont fixées les proportions de logements subventionnés et de logements en loyers libres ou en PPE. Si on accepte cette initiative et que l'on concrétise cette disposition particulière par une loi, on va enlever au conseils municipaux la compétence de fixer les proportions de logements dans un PLQ. C'est une atteinte aux droits démocratiques au niveau municipal. La compétence reviendrait au conseil administratif, et c'est prendre le risque de faire la part trop belle aux promoteurs... Et cela nous ne pouvons l'accepter !
M. Mark Muller (L). Je suis particulièrement heureux ce soir de traiter ce sujet, puisque, comme vous le savez, je fais partie des initiants. Ce soir, c'est l'aboutissement de la première étape de cette initiative non formulée, soit son acceptation par le Grand Conseil et son renvoi en commission du logement pour y être concrétisée.
Vous le savez, Genève est un peuple de locataires, ce qui n'est bien sûr pas une tare en soi, mais ce qui signifie qu'un grand nombre de Genevois souhaiteraient un jour ou l'autre devenir propriétaires. Pour beaucoup de Genevois, c'est un rêve, et la Chambre genevoise immobilière a estimé qu'il fallait faire quelque chose pour qu'une partie au moins de ces personnes puissent le réaliser.
Comment faire ? Il n'y a pas de recette miracle, pour permettre au plus grand nombre de devenir propriétaire. Il faut une multitude de mesures sectorielles, ponctuelles, bien ciblées, et chacune de ces mesures permettra à un certain nombre de personnes de devenir propriétaire parce que chaque personne représente un cas particulier et est confrontée à un certain type de problèmes pour réaliser cette aspiration.
Deux axes ont été choisis par les initiants pour essayer de faire avancer la cause de la propriété à Genève. Le premier est de travailler sur le coût, parce qu'il est bien clair qu'à Genève - et je crois que nul ne peut le nier - l'un des grands problèmes pour devenir propriétaire c'est que les biens immobiliers sont relativement chers. L'un des premiers objectifs des initiants était donc de faire en sorte que les coûts baissent pour permettre à plus de personnes de devenir propriétaires à Genève.
Le deuxième axe qui a été travaillé est celui du financement. Beaucoup de personnes qui ont entre 30 et 40 ans - de jeunes ménages - souhaitent devenir propriétaires, mais le problème auquel ils sont confrontés n'est pas tant le financement de l'emprunt que le fait d'avoir les fonds propres à disposition, fonds propres qui doivent grosso modo ascender à 20% du coût total du bien.
Coût, d'une part, donc, et financement, d'autre part. Pour travailler sur ces deux axes les initiants ont déposé deux initiatives, comme vous le savez: une première initiative intitulée «Casatax» qui propose de réduire les droits d'enregistrement à la charge de celui qui devient propriétaire. Cette initiative est en cours de traitement au sein de la commission fiscale. Sans trahir de secret de commission, on peut dire que les choses vont bon train et que nous viendrons bientôt devant le Grand Conseil avec une proposition de contreprojet à l'initiative.
Deuxième moyen pour travailler sur l'aspect financement: l'épargne-logement. On en vient là à l'initiative 116 «Pour un toit à soi» qui est une initiative non formulée qui propose des pistes tout à fait générales qu'il conviendra ensuite de concrétiser en commission.
Premier volet de l'initiative «Pour un toit à soi»: l'épargne-logement. M. Sommaruga nous a dit tout à l'heure qu'il existe déjà à Genève un système d'épargne-logement, ce qui est tout à fait exact. Là, en revanche, où à mon sens il se trompe, c'est lorsqu'il nous dit qu'aujourd'hui le droit fédéral n'offre plus aucune marge de manoeuvre aux cantons pour offrir des aides fiscales dans le cadre d'un système d'épargne-logement pour ceux qui souhaiteraient devenir propriétaires. C'est erroné, puisque les Chambres fédérales, il y a de cela environ deux ans, ont modifié la loi sur l'harmonisation des impôts des cantons et des communes, pour permettre, justement, aux cantons de conserver leur système d'épargne-logement en vigueur, d'une part - cela concerne Bâle-campagne et Genève - et, d'autre part, aux Chambres de réfléchir à un système définitif. Il s'agit là d'un système transitoire qui permettrait à l'ensemble des cantons de Suisse de développer des aides fiscales pour l'accession à la propriété. Alors, si vous lisez bien la première invite de l'initiative «Pour un toit à soi», vous verrez bien que l'on se réfère à la date de la concrétisation de l'initiative pour déterminer quelle sera la marge de manoeuvre dont nous disposerons. Il ne faut donc pas trop anticiper et conclure trop hâtivement que ce volet n'est pas conforme au droit fédéral. Voilà pour le financement.
Pour ce qui du coût de la propriété, le problème est énorme. On ne réduit pas comme cela le coût de l'accession à la propriété dans un canton ou dans un pays. Il faut donc essayer de proposer des solutions. L'une des solutions qui ont été proposées par les initiants, c'est d'essayer de travailler sur le marché. Les initiants croient aux vertus du marché et considèrent que l'une des raisons pour lesquelles les objets à vendre sur le marché sont chers, c'est qu'ils sont rares. Essayez aujourd'hui de trouver un appartement ou une villa à acheter, vous verrez bien que c'est quasiment mission impossible ! C'est aussi difficile que de trouver un appartement à louer, et c'est bien une des raisons pour lesquelles ces objets sont chers aujourd'hui.
Les initiants ont donc essayé de faire en sorte qu'il y ait davantage d'objets à vendre sur le marché, qu'il s'agisse de villas, d'appartements, de propriété par étage, de coopérative, peu importe. Il n'y a pas de parti pris et, contrairement à ce que l'un des rapporteurs de minorité voudrait vous faire croire, il ne s'agit pas de privilégier aveuglément des propriétaires de villas ! Pas du tout ! La propriété par étage ou les coopératives sont tout aussi bien visées par l'initiative que les villas.
Alors, comment faire en sorte qu'il y ait davantage d'objets sur le marché ?
Deux axes sont proposés: le premier axe consiste à travailler sur l'aménagement du territoire. Bien sûr, on ne peut pas parler de logements ni d'accession à la propriété sans parler d'aménagement du territoire. Et l'un des grands freins au développement des objets en propriété à Genève aujourd'hui, c'est l'aménagement du territoire. Et c'est en cela que l'initiative est intéressante, puisqu'elle propose deux pistes très générales. En commission, nous aurons une très large marge de manoeuvre pour élaborer des solutions concrètes.
L'une des deux propositions consiste à compenser les pertes de droit à bâtir. Vous savez en effet qu'aujourd'hui, pour d'excellentes raisons d'ailleurs - protection des eaux, protection des forêts, protection de l'environnement en général - sont créées des surfaces inconstructibles. L'un des inconvénients de ces mesures, c'est que cela réduit le nombre des terrains constructibles dans le canton...
Le président. Il vous reste quelques secondes, Monsieur le député !
M. Mark Muller. Je conclus donc cette première intervention et je me réserve le droit de reprendre la parole tout à l'heure.
Concernant cette première partie du volet aménagement du territoire, la proposition de compenser d'une manière ou d'une autre ces pertes de droits à bâtir est dans l'intérêt général et pas uniquement dans celui de l'accession à la propriété, puisqu'elle vise tout simplement à conserver des droits à bâtir déjà existants en suffisance dans ce canton pour qu'on puisse bâtir de la propriété, mais aussi, le cas échéant - pourquoi pas? - des logements locatifs.
Le président. Merci, Monsieur le député. Il y a encore six orateurs inscrits, et chacun n'est pas obligé d'utiliser pleinement ses sept minutes de temps de parole...
La parole est à vous, Monsieur le député Velasco.
M. Alberto Velasco (S). L'initiative dit en effet à propos de l'épargne-logement: «Il faut à cet effet élaborer un système cantonal d'épargne-logement qui exploite tous les avantages, fiscaux notamment...». C'est vrai, Monsieur le rapporteur, vous avez placé des slidesque le professeur Thalmann avait proposés. Le professeur lui-même dit, en page 10, lettre B: «Pourquoi et comment aider les ménages à accéder à la propriété ? Conclusion de notre analyse: il ne faut pas encourager les ménages à accéder à la propriété en les aidant à rechercher les avantages fiscaux...» Je veux dire par là que vous avez produit cette étude du professeur Thalmann qui dit lui-même que ce n'est pas du tout la voie tracée par l'initiative qu'il faut suivre, notamment s'agissant des avantages fiscaux.
Monsieur Muller, vous avez évoqué la rareté des logements à Genève. Je pense que cela n'est pas du tout dû, fondamentalement, au manque de logements, mais simplement au fait que notre territoire est exigu, le terrain excessivement cher et, forcément, cela a une incidence sur la construction.
Vous dites aussi qu'il faut toucher à l'aménagement pour pouvoir gagner des surfaces à bâtir, mais cela implique de péjorer la qualité de notre environnement... Nous ne pouvons effectivement pas être d'accord avec vous sur ce point: une des raisons qui font la qualité de ce canton et son attrait pour les multinationales, c'est précisément sa qualité de vie !
S'agissant des HLM, le deuxième rapporteur de minorité dit - c'est intéressant - puisque que l'on subventionne des HLM pendant vingt ans, il devrait être possible de rentabiliser cette subvention pour des personnes qui souhaiteraient acquérir leur logement. C'est une logique qui se tient, sauf que, notre canton étant exigu, les surfaces constructibles rares et devant donc être utilisées de manière efficace, les logements se retrouveraient toujours sur le marché dans le système HLM. Si on transformait ces logements HLM en logements privés grâce à des aides au logement, il y aurait beaucoup moins de logements à louer. Et donc, je ne pense pas que ce soit une direction à suivre, pour notre canton tout du moins.
Il a aussi évoqué la situation dans les pays du Sud. Je tiens à vous dire qu'en Espagne notamment, mais en France aussi, si l'accession à la propriété privée est possible, c'est parce qu'il n'y a pas de logements locatifs car leur rentabilité est très basse. Alors, les gens doivent acheter. Mais je dois tout de même dire que les logements locatifs sont de plus en plus nombreux car l'accession à la propriété privée devient de plus en plus onéreuse et les revenus des gens ne leur permettent plus d'accéder à la propriété privée.
Pour finir, je dirai que dans un canton - j'avais posé la question à M. Thalmann - où 60% de la population déclare moins de 30 000 F par an... Monsieur, ce sont les comptes de l'Etat qui donnent ces chiffres, ce n'est pas Velasco ! ...et où 90% de la population déclare des revenus nets inférieurs à 100 000 F, il n'est pas possible d'accéder à la propriété. Alors, vous pouvez avoir des chimères, Monsieur Muller, mais le marché - pour parler avec des termes qui vous sont propres - n'existe tout simplement pas parce que soit les gens n'ont pas du tout les moyens soit ils n'ont pas besoin d'aide pour accéder à la propriété.
Voilà ce que je voulais dire à propos de cette initiative. Notre groupe ne votera évidemment pas cette initiative.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je vous rappelle que vous devriez, en principe, vous adresser à la présidence.
M. Alberto Velasco. Absolument, Monsieur le président !
Le président. La parole est au rapporteur de première minorité, M. Sommaruga.
M. Carlo Sommaruga (S), rapporteur de première minorité. Monsieur le président, j'aimerais intervenir sur une contradiction manifeste de la déclaration de tout à l'heure de l'intervenant du groupe libéral. Celui-ci indique qu'en fait il n'y a pas de volonté délibérée de favoriser la construction de villas. Or, si je lis les invites, il s'agit bien de permettre au promoteur-propriétaire de construire ce qu'il désire... C'est-à-dire que si l'on se trouve en zone de développement venant se greffer sur une zone villas, le promoteur pourra construire des villas, c'est-à-dire des logements individuels. Par ailleurs, je tiens à soulever la contradiction des propos de M. Pétroz, rapporteur de majorité, qui indique que son groupe, le PDC, n'est pas favorable à la remise en question des zones de développement, alors même que la lettre b) de la deuxième invite vise en fait à remettre complètement en question l'application de ces zones de développement, comme cela a été indiqué tout à l'heure de manière pertinente par le rapporteur de la deuxième minorité.
Je vais reprendre maintenant l'exposé de complément à mon rapport là où je m'étais arrêté lors de ma première intervention: j'aborderai la 2e invite relative aux questions d'aménagement du territoire.
On ne peut pas, Mesdames et Messieurs, faire ce que l'on veut avec une initiative, même lorsqu'elle est non formulée. Il n'est pas possible de nous dire aujourd'hui que l'initiative est floue et que vous aurez une marge de manoeuvre pour rédiger un projet de loi comme vous le voulez en commission. En effet, il y a lieu de respecter la volonté des initiants, si l'initiative venait, par impossible, à être acceptée par ce parlement.
En ce qui concerne le point sur l'aménagement du territoire, soit celui qui veut que toute réduction de droit à bâtir doit être entièrement compensée, on ne comprend pas la démarche des initiants...
Je vous rappelle qu'à Genève, depuis la fin de la guerre, les droits à bâtir n'ont fait qu'augmenter de façon systématique, puisque nous avons effectivement des zones villas qui ont été déclassées en zones de développement et qu'une densité plus importante a été mise en oeuvre. Si l'on avait seulement appliqué les règles des zones de fond, il n'y aurait pas une telle densité aujourd'hui à Genève. Nous avons aussi assisté au cours des 50 dernières années à des déclassements de zones agricoles en zones à bâtir. Il y a eu donc à chaque fois un accroissement des droits à bâtir, ceci dans l'intérêt public et général de la population genevoise.
Mais le but de cette initiative, et de l'invite relative aux droits à bâtir, n'est pas de servir l'intérêt public et général de ce canton: il consiste uniquement à permettre à un propriétaire individuel de conserver en nature, c'est-à-dire la valeur de son terrain, en droit à bâtir pour pouvoir construire ailleurs ou sur la même parcelle la quantité de droit à bâtir qu'il avait au départ, en cas de perte individuelle de droit à bâtir pour une raison telle qu'une modification d'un cours d'eau ou du lac. Je rappelle l'exemple concret d'une grande propriété à Genève dont le terrain s'était rétréci en raison de la montée des eaux et dont le propriétaire revendiquait que l'on prenne en considération les terres même immergées pour déterminer ses droits, alors que cela n'est pas possible.
La lettre a) de la deuxième invite a également pour but de permettre à certains propriétaires individuels, qui sont déjà propriétaires de terrains, de conserver la totalité de la valeur de ces terrains lorsqu'il y a une modification de la législation qui est faite dans l'intérêt public ou général, cela en dérogation des règles sur l'expropriation matérielle. Ce n'est pas admissible. On créerait parmi les propriétaires une différence et une inégalité de traitement entre, d'une part, celui qui subirait par exemple des nuisances sonores, comme celles environnant un stand de tir, qui devrait affronter une procédure en expropriation matérielle, et d'autre part, celui qui subirait une expropriation matérielle des droits à bâtir suite à un changement de zone, lequel pourrait obtenir une compensation totale de sa perte, sous forme d'autres droits à bâtir, c'est-à-dire, une compensation en nature.
Cela dit, c'est la lettre b) de la deuxième invite de l'initiative qui est la plus dangereuse. Et on ne pourra pas couper à cette invite si vous acceptez ce soir cette initiative. La loi devra effectivement permettre à tout un chacun de construire ce qu'il veut. C'est-à-dire qu'il n'y aura plus d'obligation de se conformer à des proportions entre logements sociaux et logements en propriété par étage ou logements en loyers libres. De plus - cela a été relevé par Mme Schenk-Gottret - on supprime les droits démocratiques dans les communes, c'est-à-dire qu'on enlève la compétence du conseil municipal de délibérer pour définir le type de logements à construire et la proportion des logements à respecter par catégorie.
Cela est extrêmement grave, Mesdames et Messieurs. Ce que les représentants de la Chambre genevoise immobilière remettent aujourd'hui en question, c'est le principe de deux tiers/un tiers, logements sociaux, logements libres en zone de développement. Cette règle a toujours été suivie, même par le Grand Conseil dans sa composition majoritairement bourgeoise et par le Conseil d'Etat qui a toujours été de majorité bourgeoise. Cette répartition de un tiers en loyers libres et deux tiers en loyers subventionnés ou contrôlés est une règle qui est en vigueur depuis des décennies. Et M. Félicité-Ivanes, membre de la Chambre genevoise immobilière, rappelait lors d'un débat avant les élections qu'effectivement il en allait de l'intérêt public de conserver cette proportion. Or, l'initiative ne propose pas de renverser la proportion, soit un tiers de logements sociaux et deux tiers de logements libres en PPE ou en loyers libres... Elle propose d'aller jusqu'à 100% de loyers libres, voire de PPE. Cela n'est pas acceptable. Cela remet en question toute la politique d'aménagement du territoire de notre canton et l'accès au logement pour toutes les catégories de la population !
Enfin, en ce qui concerne la troisième invite, Mesdames et Messieurs, les initiants n'ont pas voulu écrire noir sur blanc qu'il s'agissait en fait d'abolir la LDTR et son article 39, mais c'est pourtant bien de cela dont il s'agit. Et je vous rappelle que l'article 39 de la LDTR qui limite l'aliénation des appartements est issu d'une initiative populaire contre les congés-ventes qui a été acceptée par le peuple. La LDTR a été soumise régulièrement à des votations populaires et le peuple a dit oui à chaque fois, à une exception près.
Cela dit, il faut quand même souligner que quand il y a eu le renforcement de la LDTR et de son article 39 il y a de cela quelque vingt-quatre mois un référendum a été lancé par la Chambre genevoise immobilière. Celui-ci a échoué devant le peuple... Seul référendum, de la dernière législature portant spécifiquement sur la question immobilière et qui a été perdu par la Chambre genevoise immobilière ! En d'autres termes, le message est clair...
Le président. Il est temps de conclure, Monsieur le rapporteur !
M. Carlo Sommaruga. La population genevoise n'entend pas remettre en question la LDTR et tout particulièrement la question de la protection de la vente d'appartements locatifs. Cela dit, la modification de la LDTR, telle que proposée par les initiants, n'aboutirait pas du tout à une détente du marché ou à une démocratisation de l'accès à la propriété. Il s'agit en fait de restreindre le marché locatif avec comme corollaire une augmentation des loyers et une augmentation des prix d'achat des appartements, puisqu'il sera possible de spéculer sur les prix de vente des anciens appartements grands et spacieux.
C'est pour ces divers motifs, qu'en tant que rapporteur de la première minorité, que je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à rejeter cette initiative sans contreprojet.
Le président. Le Bureau sent à l'évidence qu'après 45 minutes de débat, l'attention s'émousse dans la salle. Il y a toujours six orateurs inscrits. Il a donc décidé, en vertu de l'article 79, de vous proposer de clore la liste des orateurs. Il s'agit de M. Catelain, M. Hiltpold, M. Brunier, M. Barrillier, Mme Michèle Künzler et M. le conseiller d'Etat Moutinot. Monsieur Catelain, vous avez la parole.
M. Gilbert Catelain (UDC). Après ces brillants exposés, j'essayerai de m'exprimer en peu de temps. Le rapport de la majorité fait apparaître que 13,8% des Genevois sont propriétaires de leur logement et que 77% souhaitent le devenir. En effet, l'accession à la propriété est une mesure de réalisation de soi. Dans un précédent débat dans le cadre de l'IN sur la fusion Vaud-Genève, la gauche défendait une politique régionale... Ce n'est apparemment pas le cas en matière de logement ! Or, je constate que tous les pays socio-démocrates européens et notamment la France, notre voisin direct, favorisent l'accès à la propriété, ce qui permet à la majorité des travailleurs frontaliers de ce canton d'être propriétaires de leur logement en quinze ou vingt ans.
La politique genevoise des un tiers/deux tiers défendue par Sommaruga aboutit à une situation de pénurie. Si l'argumentation de M. Hiler et ses craintes tiennent la route - je les partage en partie - je me demande s'il est raisonnable au niveau de l'éthique d'exporter ce problème en France voisine en obligeant les candidats genevois à la propriété de condition modeste - ou moins modeste - à émigrer afin d'avoir accès à la propriété. Sachez encore que devenir propriétaire c'est s'affranchir, rester locataire c'est demeurer assujetti. Le peuple décidera, nous soutiendrons le renvoi de cette initiative en commission.
M. Hugues Hiltpold (R). Permettez-moi, en guise de préambule, de vous rappeler que les radicaux sont favorables à l'accession à la propriété au sens large du terme, cela va sans dire, et de vous dire que ce fut l'un des points de leur programme électoral.
Il n'est pas inutile de rappeler la situation que connaît Genève. En effet, près de 86% de la population est locataire dont près de la moitié souhaite devenir propriétaire. Je crois qu'il n'est pas bon de négliger cette volonté populaire au nom d'idéaux politiques quels qu'ils soient.
Cela étant, l'intention de cette initiative est tout à fait louable, puisqu'elle vise à favoriser l'accession à la propriété. Elle a un certain nombre de mérites: elle propose, par le biais d'une initiative non formulée, un certain nombre de mesures incitatives visant à favoriser l'accession à la propriété. Et, de par la forme de cette initiative, elle permet une certaine souplesse.
De plus, la sensibilisation du peuple est tout à fait claire au sujet de l'accession de la propriété, puisqu'elle se traduit par la mise en évidence d'une attente et d'un besoin. En outre, elle suscite un débat de fond sur la question de la démocratisation de l'accession à la propriété, et cela a largement été souligné dans le rapport de la deuxième minorité.
On peut tout à fait imaginer, Mesdames et Messieurs les députés, de mettre en place une aide de l'Etat pour favoriser l'accession à la propriété au même titre que l'aide de l'Etat s'agissant des logements subventionnés, mais, il va sans dire, pour une tranche de la population qui en a besoin.
La politique du logement tant pour les propriétaires que pour les locataires doit être tout à fait équitable et, surtout, Mesdames et Messieurs les députés, répondre à un besoin.
S'agissant des invites de cette initiative, on s'est rendu compte en commission que la mise en oeuvre n'était pas aisée. Cela étant, elle nécessite un certain nombre d'adaptations tant sur le plan légal, pratique qu'idéologique.
En guise de conclusion, de par l'intention générale de cette initiative et de par le débat qu'elle soulève, je crois qu'il est nécessaire de lui réserver un bon accueil. C'est la raison pour laquelle le groupe radical vous invite à voter cette initiative.
Le président. J'aimerais élucider un petit point de procédure. Vous avez entendu M. le député Catelain proposer le renvoi de cette initiative en commission... Il est évident que nous sommes dans un débat de prise en considération d'une initiative, et il n'est donc pas possible de la renvoyer en commission. Mais l'alinéa 3 de l'article 121 de notre règlement précise que l'absence de décision du Grand Conseil, c'est-à-dire la proposition que vous faites, dans le délai prescrit vaut décision de refus de l'initiative sans contreprojet. Pour aboutir à la solution que vous préconisiez et que je ne peux pas mettre aux voix, il vous suffira de voter le rapport de première minorité.
La parole est à M. le député Brunier.
M. Christian Brunier (S). Depuis le début du débat, j'entends les partisans de l'initiative nous dire, en fait, que les Genevois ont envie d'être propriétaires - M. Muller a même dit qu'ils rêvaient de l'être - et donc, que l'Etat doit les aider...
M. John Dupraz. Toi aussi !
M. Christian Brunier. Eh bien, Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes face à un débat sur le rôle de l'Etat. Le rôle de l'Etat est-il de couvrir les fantasmes de la population ? (Exclamations.)
M. John Dupraz. Ça c'est inacceptable ! (Le président agite la cloche.)
M. Christian Brunier. Ou est-il de couvrir les besoins prépondérants de celle-ci ?
Le président. Veuillez écouter M. Brunier !
M. John Dupraz. Les socialistes, c'est tous des nantis !
Une voix. T'as raison, John !
M. Christian Brunier. Je crois qu'on n'aborde pas les bonnes questions ce soir. La question à laquelle il faut absolument répondre est la suivante: l'Etat qui a des moyens limités - on ne l'a pas encore entendu ce soir... on nous donne des tas de leçons sur les finances publiques, mais je n'ai entendu personne, aujourd'hui, dire que les moyens de l'Etat sont limités - doit-il développer l'accession à la propriété et est-ce une priorité par rapport à ses moyens limités ?
M. John Dupraz. Oui !
M. Christian Brunier. Je trouve étonnant d'entendre M. Dupraz nous dire que c'est une priorité alors que, je vous le rappelle, la droite ne cesse de répéter depuis plusieurs années...
Une voix. C'est la gauche caviar !
M. Christian Brunier. ...que l'Etat, avec ses moyens limités, n'a malheureusement pas assez de moyens pour renforcer davantage, par exemple, le cycle d'orientation ou l'école primaire. La droite ne cesse de nous rabâcher que l'Etat avec ses moyens limités ne peut malheureusement pas développer l'humanisation des soins à l'hôpital, la droite continue à rappeler chaque fois que, vu les moyens limités de l'Etat, on ne peut malheureusement pas créer davantage de places dans les crèches. Aujourd'hui, miracle ! La même droite qui nous parle toujours des moyens limités de l'Etat nous dit aujourd'hui que l'Etat, bien sûr, peut assouvir les fantasmes de la population en matière d'accès à la propriété et aider les gens qui ont un revenu confortable à acquérir une propriété. ..
Plus concrètement, pensez-vous, Mesdames et Messieurs les députés...
Une voix. Oui !
M. Christian Brunier. ...que des impôts payés notamment par des gens à petits revenus doivent être utilisés... (Le président agite la cloche.)...pour subventionner d'autres contribuables dont les revenus sont plus importants ? C'est une question cruciale de l'utilisation de l'argent public, et je n'ai pas entendu de réponses très claires allant dans le sens des priorités à respecter, dans la mesure où l'Etat ne peut pas assouvir toutes les envies de la population.
Paradoxalement, la droite qui nous donne toujours des leçons en nous disant que l'Etat ne doit pas être un arrosoir social, qu'il ne doit pas distribuer des subventions à tout le monde, fait aujourd'hui office de karcher pour favorisés ! (Exclamations.)Monsieur Weiss, vous qui êtes en quelque sorte le gourou de l'archéolibéralisme, vous nous avez dit tout à l'heure... (Exclamations.)
Le président. Monsieur le député, vous vous adressez à la présidence, s'il vous plaît !
M. Christian Brunier. ...à propos de la Maison de la médiation que la subvention devait couvrir un besoin établi... Eh bien, en l'occurrence, il ne s'agit pas de répondre à un besoin établi, mais d'envie... Uniquement d'envie ! Alors, Monsieur Weiss, soyez cohérent avec ce que vous avez dit tout à l'heure et combattez cette initiative qui est perverse, si l'on s'en tient à vos propos de tout à l'heure !
Aujourd'hui, Mesdames et Messieurs les députés, la priorité est d'accorder de l'aide aux HBM, aux coopératives, aux logements sociaux et non de donner de l'argent à des gens qui veulent avoir accès à la propriété. Nous dirons non à cette initiative et nous dirons également non au contreprojet, car il aura la même logique de consacrer les moyens limités de l'Etat à des gens qui ont tout de même des revenus non négligeables. Nous refuserons donc aussi ce contreprojet.
J'aimerais vous faire un clin d'oeil, Monsieur Hiler, car tout à l'heure, à la cafétéria, vous vous moquiez du vocabulaire qui ne veut pas dire grand-chose... En effet, vous avez sorti une phrase assez étonnante, je cite: «Oui, le contreprojet a un avantage, c'est qu'il va faire de la déréglementation intelligente...». Eh bien non, nous ne croyons pas à la dérèglementation intelligente en matière de logement ! Nous sommes là pour couvrir les besoins prépondérants de la population, c'est-à-dire une aide sensible à la politique sociale du logement, ce qui n'est pas le cas de figure de ce qui nous est proposé aujourd'hui. (Applaudissements.)
Le président. Je rappelle à l'intention des députés qui sont revenus dans la salle que la liste des orateurs a été close... (Exclamations.)Monsieur le député Spielmann, vous avez la parole, mais je vous prie de vous exprimer sur votre motion d'ordre uniquement.
M. Jean Spielmann (AdG). Monsieur le président, vous nous avez dit tout à l'heure qu'il n'était pas possible de renvoyer cette initiative en commission... Je ne pense pas que ce soit logique, à peine assis sur le siège de président, que vous vous permettiez d'interpréter le règlement à votre manière ! Vous êtes obligé de l'appliquer correctement, comme tout président.
Le délai de décision du Grand Conseil est le 22 mars, nous avons reçu un document qui prévoit que la prochaine séance aura lieu les 21 et 22 mars. Il est donc parfaitement possible de renvoyer cet objet en commission. Je ne vois donc pas de quel droit vous vous permettez de nous dire que nous ne pouvons pas demander le renvoi en commission de cette initiative. Je vous prie donc de bien vouloir rectifier cette erreur...
Le président. Monsieur le député, je pensais effectivement que l'urgence avait été demandée ce soir sur cet objet en raison d'un délai impératif... En conséquence, nous avons le délai, j'ouvre le débat exclusivement sur le renvoi en commission. La parole est à M. le député Barrillier.
M. Gabriel Barrillier (R). Tout s'est bien passé jusqu'à il y a dix minutes, avec sérénité. Mais je pensais bien que le débat sur l'accession à la propriété allait d'emblée prendre une tournure passionnelle. Permettez-moi, en tant que calviniste, de vous rappeler en préambule les Saintes Ecritures s'agissant de l'accession à la propriété... (Exclamations.)
Le président. Monsieur Barrillier, veuillez vous exprimer sur le renvoi en commission exclusivement, sinon vous reprendrez la parole plus tard.
M. Gabriel Barrillier. La Constitution fédérale qui a été acceptée il y a quelque temps prévoit expressément, à l'article 108, que la Confédération encourage la construction de logements ainsi que l'acquisition d'appartements et de maisons familiales destinés à l'usage personnel... (Exclamations.)
Le président. Monsieur Barrillier, je vous en prie, vous devez vous exprimer sur le renvoi en commission, exclusivement !
M. Gabriel Barrillier. Alors, Monsieur le président, je vais tout à fait spontanément m'opposer au renvoi en commission... C'est évident ! Je vous propose de continuer le débat.
Le président. La parole est à Mme Künzler sur le renvoi en commission exclusivement, sinon nous la réinscrivons.
Mme Michèle Künzler (Ve). Je pense qu'il vaudrait mieux renvoyer cet objet en commission étant donné que nous avons encore une marge pour le délai - un mois. D'autant, comme nous l'avions proposé avant, que nous pensons qu'un contreprojet serait tout à fait souhaitable. Et vu la tournure des débats, je pense qu'il vaut mieux le renvoyer en commission.
M. Mark Muller (L). Vous le savez, nous avons un délai pour traiter cette initiative au 22 mars 2002. Cela veut dire que nous devons impérativement la traiter au plus tard lors de la prochaine séance du Grand Conseil, ce qui signifie que si nous voulons respecter les délais de remise des rapports, nous aurions une séance en commission pour trouver une autre solution... Et laquelle, je vous le demande ? Je n'y crois absolument pas !
Mesdames et Messieurs, je vous en prie, poursuivons le débat et votons cette initiative non formulée, qui, de toute façon, va retourner en commission pour être concrétisée !
Le président. Il reste un orateur pour s'exprimer sur le renvoi en commission. Puis nous voterons. Ensuite, M. Pierre Weiss pourra s'exprimer, puisqu'il a été mis en cause.
Monsieur Sommaruga, vous avez la parole.
M. Carlo Sommaruga (S), rapporteur de première minorité. En tant que rapporteur de la première minorité, je me rallie à l'idée de renvoyer cet objet en commission, notamment pour clarifier un problème qui n'a pas été évoqué de manière très claire. Soit: quelle est la marge de manoeuvre du législateur par rapport à ce texte si l'initiative est acceptée ? M. Muller nous a dit qu'en fait on attendra une mise à jour de la législation fédérale pour faire une nouvelle épargne-logement... Ce qui signifie qu'il faudra attendre des années ! Du côté du PDC, on a entendu qu'on ne voulait pas remettre en question l'utilisation des zones de développement, alors que l'initiative en prévoit la remise en question... En fait, le renvoi en commission de cette initiative permettra de clarifier divers aspects, notamment avec l'aide des juristes du département.
M. Pascal Pétroz (PDC), rapporteur de majorité. Soyons sérieux: il faut parler clairement ! Renvoyer aujourd'hui cette initiative en commission, cela veut dire tout simplement l'enterrer... (Exclamations.)Le dernier délai est au 22 mars, et il y a un délai de dépôt pour le 5 mars... (Exclamations.)C'est tout simplement pas sérieux, je suis désolé de vous le dire !
On nous parle ce soir de l'adoption éventuelle d'un contreprojet, on nous parle de renvoi en commission... J'aimerais vous dire mon étonnement... En effet, face aux griefs qui ont été invoqués à l'occasion des séances de la commission par les députés de la minorité, la première comme la deuxième, nous avons demandé ce qu'ils nous proposaient et nous n'avons absolument rien vu venir...
Nous avons eu l'impression de participer à un poker-menteur: on nous a dit qu'on avait beaucoup de choses à nous proposer mais, concrètement, on n'a rien vu du tout... Moi, j'en ai assez de payer pour voir, et je vous propose par conséquent de rejeter tout à fait clairement le renvoi en commission.
M. David Hiler (Ve), rapporteur de deuxième minorité. Il y aurait tout de même quelques raisons de renvoyer cette initiative en commission, en dehors du fait que nous perdions du temps ou d'aller directement devant le peuple...
Vous me reprochez - vous ne pouvez pas le reprocher au rapporteur de la première minorité - de ne pas avoir été suffisamment concret dans les propositions. J'aimerais quand même vous rappeler les interventions du président du département, notamment sur l'invite qui porte sur la déréglementation intelligente, qui déplaît tant à son collègue de parti de tout à l'heure... A savoir que le Conseil d'Etat pourrait bien entendu accepter qu'un certain nombre de logements puissent passer - sans la partie de la propriété par étage - mais pas que n'importe qui puisse le faire à n'importe quel moment. D'autant que nous sommes dans un système de protection très très forte - c'est une protection légitime contre les congés-ventes - et que l'initiative nous contraint à passer à un système sans protection aucune, quel que soit l'état du marché... Vous verrez le retour de flamme !
Le renvoi en commission nous permettrait sans doute de réfléchir politiquement de façon quelque peu intelligente. Et je vous suggère de bien réfléchir avant de voter, surtout pour le deuxième vote que je me permettrai - je l'annonce déjà - de demander après l'intervention du Conseil d'Etat. En effet, les principes du contreprojet existent - j'en ai développé un certain nombre et le Conseil d'Etat en a aussi - et cela vaudrait, me semble-t-il, la peine de légiférer avec une marge de manoeuvre plus grande que celle que nous laisse l'initiative.
A un moment donné, vous avez accéléré les travaux, et il est inexact de prétendre que nous n'avons pas réagi. Il est vrai que nous avons surtout parlé du système de subventionnement, mais il me semble qu'il s'agit d'un sujet relativement important sur lequel nous avons définitivement du mal à nous mettre d'accord, car nous ne voulons pas casser le système de contrôle de l'Etat sur ce qui se construit dans les zones de développement et qui permet d'orienter la production de logements par rapport à des besoins prépondérants.
Pour le reste, nous avons une grande marge de manoeuvre pour discuter, et c'est pour cela que je vous invite à nous donner le temps de trouver un accord, d'autant plus - disons les choses clairement - que nous savons que beaucoup de députés aimeraient bien qu'on en revienne à la solution du contreprojet, mais, emportés par leur élan, ils ne souhaitent pas s'arrêter maintenant. Vous le savez très bien, Monsieur le rapporteur de majorité ! Je vous suggère simplement de profiter de l'opportunité qui nous est donnée pour renvoyer cet objet en commission, voire sauter l'étape d'un renvoi en commission pour faire le contreprojet, mais adopter les principes du contreprojet dans la même forme que l'initiative lors de notre prochaine séance du 22 mars, puisque, de toute façon, nous devrons adopter le contreprojet «Casatax». Quoi qu'il en soit, nous aurons un menu «démocratisation de l'accession à la propriété».
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Monsieur le conseiller d'Etat ne souhaite pas s'exprimer sur le renvoi en commission, en conséquence je vais mettre aux voix, par vote électronique...
Monsieur Blanc, vous voulez la parole ? Alors, très brièvement, parce que M. Weiss doit encore s'exprimer !
M. Claude Blanc (PDC). Très brièvement, Monsieur le président !
J'ai quand même l'impression qu'on s'est engagé sur une fausse voie... En effet, l'initiative «Casatax» était une initiative formulée, à laquelle on oppose un contreprojet, mais, ici, nous sommes en face d'une initiative non formulée... Si vous le voulez, je vous lis le règlement. L'article 122 dit ceci: «initiative non formulée: lorsque le Grand Conseil approuve l'initiative non formulée, il renvoie celle-ci à une commission chargée de la formuler en un projet de loi ou de loi constitutionnelle.» Nous ne pouvons pas opposer un contreprojet... Nous devons formuler une loi !
Alors, ou nous refusons l'initiative et elle va devant le peuple toute crue ou bien nous l'acceptons et nous avons jusqu'au 22 mars 2003 pour venir avec une loi ou une loi constitutionnelle. Ce qui est écrit sur cette initiative 116-C est faux: on n'a pas de contreprojet à présenter à l'initiative non formulée, on doit la formuler, la concrétiser ! C'est comme cela que cela se passe ! C'est la différence essentielle entre une initiative non formulée et une initiative formulée. Alors, si on l'accepte... (L'orateur est interpellé.)Oui, tout à fait !
M. Jean Spielmann. Alors, raison de plus pour l'envoyer en commission !
M. Claude Blanc. Oui, mais il faut l'accepter d'abord !
Le président. Monsieur Blanc !
M. Claude Blanc. Il faut l'accepter, et c'est le projet qui sortira de nos travaux qui devra être soumis au peuple !
Le président. Monsieur le député, je vous remercie. Vu les délais, cela n'empêche pas le vote auquel nous allons procéder.
M. Moutinot souhaite désormais prendre la parole... Vous avez la parole, Monsieur le conseiller d'Etat.
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Monsieur Blanc, l'article 122 que vous venez de lire traite de l'acceptation de l'initiative. Si vous acceptez l'initiative non formulée elle repart en commission pour être exécutée dans le sens voulu par les initiants. En revanche, si vous la refusez - ce sont les articles 123 et 123A - soit vous ne lui opposez pas de contreprojet et elle est soumise au peuple soit vous lui opposez un contreprojet et, à ce moment-là, elle est renvoyée en commission pour que ce contreprojet soit élaboré, qui peut, justement, prendre une certaine distance par rapport au texte même de l'initiative. Un contreprojet consiste en effet en bonne logique à aller dans le sens voulu par les initiants mais pas aussi loin... C'est ce que dit très clairement la loi portant règlement du Grand Conseil. Le cas que vous citez c'est le cas où le Grand Conseil accepte. S'il refuse, on se trouve dans le cas de figure que je viens de décrire.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je mets maintenant aux voix la proposition de renvoi en commission. A l'origine de celle-ci se trouvait M. le député Catelain. Le vote va se faire par vote électronique.
Mise aux voix, la proposition de renvoyer cette initiative en commission est rejetée par 49 non contre 31 oui et 3 abstentions.
Le président. C'est la majorité, en conséquence, le débat continue. La parole est à M. le député Weiss qui avait été mis en cause.
Une voix. Mords-le ! Mords-le !
M. Pierre Weiss (L). Monsieur le président, rassurez-vous, mon intervention sera très brève.
Lorsque notre collègue, M. Brunier a parlé du fantasme lié à l'accession à la propriété, il a évoqué mon nom en me traitant d'archéolibéral... Je crois qu'il s'est trompé de qualificatif... En fait, lorsque l'on parle de fantasmes, il faut plutôt parler des crypto-collectivistes ! (Exclamations.)
M. Gabriel Barrillier (R). Je poursuis ma péroraison... (Exclamations.)...ayant été interrompu par des problèmes de procédure ! (Exclamations.)
Le président. Monsieur le député, veuillez vous exprimer clairement et tranquillement !
M. Gabriel Barrillier. Je partage complètement l'analyse faite par M. Moutinot. Il est évident que si nous acceptons cette initiative il appartiendra à ce Grand Conseil de la concrétiser, mais non pas par une norme constitutionnelle, puisque, comme je vous le rappelais tout à l'heure - j'avais commencé à le faire... - une norme fédérale prévoit un encouragement à la construction de logements ainsi qu'à l'acquisition d'appartements et de maisons familiales - donc une norme supérieure - et la constitution genevoise - pour parler des Saintes Ecritures... - dont je vous rappelle l'article 10A «Droit au logement» qui prévoit que: «L'Etat et les communes encouragent par des mesures appropriées la réalisation de logements - en location ou en propriété - répondant aux besoins reconnus de la population.»
Donc, j'en conclus que le droit au logement peut être concrétisé soit en location soit en propriété, puisque les deux possibilités sont mises sur le même plan.
J'aimerais rassurer ceux qui craignent le côté impératif des invites de l'initiative, parce que si nous l'acceptons - ce que je vous invite à faire - nous pouvons aller au maximum des invites, mais nous n'y sommes pas obligés: nous pouvons faire moins... (Exclamations.)Je prends un exemple: l'aide financière, c'est-à-dire sous forme de bonification fiscale, à l'épargne-logement. Mesdames et Messieurs les députés, je me suis renseigné aujourd'hui - c'est vrai que nous n'avons pas reçu des réponses très claires lors des travaux de la commission - auprès de l'Office fédéral du logement qui m'a confirmé que l'initiative Hans Rudolf Gysin de Bâle-campagne, qui demande que la LHID soit révisée pour permettre une exonération de la formation de l'épargne-logement - c'est une initiative extrêmement importante: une incitation fiscale - a été acceptée par le Conseil national et qu'elle est maintenant devant le Conseil des Etats. Le département fédéral va sans doute réviser la LHID dans ce sens. En plus - c'est une chose extrêmement importante sur le plan fédéral - les Chambres fédérales examinent actuellement la suppression de l'imposition de la valeur locative, accompagnée il est vrai de quelques mesures correctrices sur la déduction fiscale de dettes et les frais d'entretien. En gros, il s'agit de mesures extrêmement incitatives - et je crois que cela a été reconnu en commission y compris par le rédacteur de la deuxième minorité. Cette incitation vraiment importante à l'accession démocratique - je reprends vos termes, Monsieur Hiler - à la propriété se ferait par des mesures fiscales. Et nous avons bon espoir que le parlement fédéral prenne ces mesures très rapidement.
C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs les députés, vous ne risquez rien en acceptant cette initiative: elle sera concrétisée en utilisant au maximum les compétences fédérales. Le groupe radical vous prie donc d'accepter cette initiative sans aucune hésitation.
Le président. La parole est à Mme Künzler, qui l'avait demandée il y a très longtemps...
Mme Michèle Künzler (Ve). Nous, le groupe des Verts, soutenons évidemment les buts de l'initiative, comme l'a fait notre collègue rapporteur de la deuxième minorité.
Par contre, en regardant de plus près, on voit que l'initiative ne poursuit pas les buts qu'elle prétend viser... C'est un leurre !
La première invite est déjà réalisée, elle n'apporte pas de résultats concrets et elle ne favorise en tout cas pas l'accès à la propriété... En dix ou vingt ans, cinquante personnes seulement ont été concernées par cette mesure et ont pu accéder à la propriété.
Les deux autres invites parlent d'aménagement, et, en réalité, favorisent les propriétaires déjà en place, parce que, pour bénéficier de compensations sur les constructions, il faut déjà être propriétaire. Donc, visiblement, ce n'est pas l'accès à la propriété qui est visé, mais bien des mesures d'aménagement du territoire. Nous, nous visons la démocratisation de l'accès à la propriété et nous l'avons montré aussi en commission au sujet de «Casatax», mais, à cette occasion, nous avons aussi montré qu'il faut cibler. Or, votre initiative ne poursuit pas les bons buts et elle n'est pas ciblée de manière évidente... On ne sait pas qui devrait accéder à la propriété, si ce sont les classes moyennes, les très riches...
Nous, nous voulons cibler la démocratisation. M. Hiler l'a dit. Nous avons des projets, et nous pensons qu'il faut refuser cette initiative, parce qu'il ne faut pas s'imaginer que l'on pourra la modifier après l'avoir acceptée. Non, ce n'est pas vrai ! Si on accepte cette initiative, on accepte clairement les buts des initiants tels qu'ils sont formulés, même s'ils doivent être améliorés légèrement. La marge de manoeuvre pour les modifier n'est pas grande et les initiants eux-mêmes reconnaissent que leur initiative n'est pas très bonne. Alors, refusons-là ! Proposons un contreprojet ! C'est la seule solution intelligente !
Le président. Merci, Madame Künzler. La parole est maintenant, en principe d'après ma liste, à M. Blanc... Mais il l'a déjà demandée... M. Dupraz aussi. Donc, elle est à M. Sommaruga. Je prie donc que soient effacés les noms de M. Blanc et M. Dupraz de la liste des orateurs. (Exclamations.)
M. Carlo Sommaruga (S), rapporteur de première minorité. Je voulais intervenir suite à la péroraison de M. Barrillier.
Il en va du droit comme de la morale: c'est oui ou non, c'est le bien ou le mal... On ne peut pas interpréter ni la morale ni le droit comme on le veut ! Et sachez... (Vives exclamations.)Et sachez, Monsieur Barrillier...
Le président. S'il vous plaît ! Ce débat s'est déroulé avec dignité jusqu'à présent, continuons !
M. Carlo Sommaruga. ...que lorsque l'on dit qu'il faut concrétiser l'initiative, on ne peut pas se permettre juridiquement de concrétiser autre chose que ce qui est prévu et de faire passer une autre idée... L'idée que vous défendez et que nous combattons, c'est l'idée d'un contreprojet. En fait, il n'est pas possible d'avoir un contreprojet une fois que l'initiative est acceptée: il faut le préciser. Monsieur Barrillier, vous aurez beau faire toutes les contorsions morales et juridiques, vous n'y arriverez pas !
Par ailleurs, je tiens également à relever, comme l'a dit M. Muller - et là je reviens sur le fond du débat - qu'en fait cette initiative a été lancée parce que, selon certaines études ou certains sondages ou certaines enquêtes, une partie de la population souhaitait devenir propriétaire. Alors, soyons précis ! En fait, dans les conclusions de M. Thalmann et de son collègue Favarger, il est indiqué - comme relevé dans le rapport de la première minorité - que dans leur imaginaire les Suisses comme les Genevois associent logement propriété et maison individuelle. Si une grande majorité des ménages rêvent d'être propriétaires, ce n'est pas de n'importe quel logement: ils rêvent de posséder une maison hors des villes. Or, vous instrumentalisez ce rêve pour faire passer autre chose dans votre initiative, et c'est inadmissible ! Et c'est donc pour ce motif-là qu'il faut la refuser aujourd'hui... (L'orateur est interpellé.)Ce n'est pas un procès d'intention ! C'est dit ainsi. (L'orateur est interpellé.)Non, c'est exactement sur cette base-là que vous avez orienté les débats en commission.
Cela dit, il y a aussi un autre aspect fallacieux. On nous parle de démocratiser l'accès à la propriété de son logement... Les invites 2 et 3 - la première aussi d'ailleurs - ne visent aucunement la démocratisation de l'accès à la propriété, malgré le slogan qui figure au début de l'exposé des motifs de votre initiative !
Je vous invite à nouveau à être cohérents et à refuser cette initiative qui ne va que relancer, et encore plus fort, la guerre du logement - il est vrai que c'est une constante actuellement du côté des milieux immobiliers. Aujourd'hui, la priorité est de conserver un parc locatif suffisant. Comme le dit M. Brunier, il s'agit aussi d'une allocation des ressources de l'Etat qui doivent aller vers les catégories de la population qui en ont le plus besoin, et ce n'est pas dans la propriété et qui plus est la propriété pour des gens nantis que se trouve la priorité d'engagement des ressources de l'Etat. La priorité doit être tournée vers le logement des personnes qui gagnent moins de 5000 F, 4000 F, voire de 3000 F par mois.
M. Christian Grobet (AdG). Vous ne vous étonnerez pas, Mesdames et Messieurs les députés, lorsque je vous dirai que notre députation votera contre cette initiative. Nous voterons contre cette initiative à plus forte raison en cette période de crise du logement qui s'aggrave de jour en jour, et nous pensons qu'une initiative dont le seul but est d'apporter de l'aide aux citoyennes et aux citoyens les plus favorisés, à une minorité - peut-être 20% des contribuables - a quelque chose de totalement indécent, lorsque l'on connaît les difficultés auxquelles sont confrontés les citoyennes et les citoyens de ce canton pour trouver un logement. Il est quasiment impossible de trouver un logement au-dessous de 1500 F par mois si ce n'est 2000 F par mois... Les loyers, à chaque libération d'appartement, prennent l'ascenseur et deviennent absolument inaccessibles pour la majorité des jeunes couples ou des jeunes célibataires de ce canton... Et, au moment où nous devrions mettre de l'argent pour favoriser les logements bon marché, aider les coopératives sans but lucratif, les fondations HBM, pour lesquelles il reste un déficit cinglant de logements par rapport à l'initiative qui a été acceptée par le peuple, vous venez nous présenter comme recette d'accorder des cadeaux fiscaux et des subventions à ceux qui ont des revenus et une fortune considérables par rapport à la majorité de la population !
Alors - c'est vrai - vous avez raison de dire, Monsieur Barrillier, que la majorité de droite qui gouverne à Berne est en train de suivre cette voie... Ce n'est pas la nôtre ! ( L'orateur est interpellé parM. Dupraz.) (Le président agite la cloche.)C'est la majorité de droite dont vous faites partie, Monsieur Dupraz !
Le président. Monsieur Dupraz, s'il vous plaît !
M. John Dupraz. C'est un perturbateur !
Le président. Pour l'instant, c'est vous qui perturbez ! (Exclamations.)
M. Christian Grobet. Mon pauvre Dupraz ! (Rires.)Mon pauvre Dupraz, c'est vrai qu'à partir de 22h...
Le président. S'il vous plaît, Messieurs !
M. Christian Grobet. J'avais oublié de regarder ma montre, Monsieur le président ! Je répète à chaque fois qu'à partir de 22h notre ami John, malheureusement, perd les pédales... (Rires et exclamations.)Je suis navré pour vous, Monsieur Dupraz, mais vous faites effectivement partie de cette majorité... (L'orateur est interpellé par M. Dupraz.)
Le président. Monsieur Grobet, vous vous adressez au président ! Monsieur Dupraz, vous vous taisez !
M. Christian Grobet. Mais, Monsieur Dupraz, c'est précisément parce que je suis propriétaire... (Vives exclamations.)...que je sais à quel point les propriétaires sont privilégiés dans ce pays ! (Les exclamations redoublent.)Et je trouve totalement indécent qu'aujourd'hui, effectivement, on veuille faire des cadeaux fiscaux supplémentaires à ces derniers ! Et je serai le premier à voter contre ces cadeaux fiscaux à Berne, et je ne me trouverai pas dans votre camp, Monsieur Barrillier, ni dans le vôtre, Monsieur Dupraz ! (Exclamations.)La situation est extrêmement claire: nous avons besoin aujourd'hui d'argent et même d'importantes sommes d'argent pour réaliser des logements en faveur de celles et ceux qui ne peuvent pas se payer des appartements aux loyers qui sont actuellement demandés par vos amis les régisseurs de cette place... (Brouhaha.) (Le président agite la cloche.)Aujourd'hui, oser venir nous présenter une telle recette au moment où nous connaissons une grave crise du logement, c'est ériger l'égoïsme de certains à un degré qui est absolument intolérable !
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Il est exact que l'article 10A de la constitution genevoise - et non les Saintes Ecritures, Monsieur Barrillier ! - donne à l'Etat la mission d'encourager l'accession à la propriété, le logement tant en forme locative, sociale, libre... Propriété de toutes les manières. Et c'est fort bien !
Pourquoi la propriété offre-t-elle des avantages ? Un locataire est dans une triste situation de dépendance et celui qui a la chance de pouvoir être propriétaire bénéficie d'un net avantage. C'est un avantage individuel.
L'avantage collectif est que mieux vaut, dans une économie libérale, avoir une multitude de propriétaires que quelques grands latifundiaires. Cela pour vous dire clairement que l'accession à la propriété est certainement un but honorable, louable, et que nous devons poursuivre en vertu même de la constitution genevoise.
Force est de constater historiquement que toute une série de lois ont été votées dont le succès est extrêmement limité. Une des dernières en date est la loi Opériol et certains d'entre vous se souviennent sûrement des débats épiques qui ont eu lieu alors. M. Opériol nous assurait que le problème serait réglé - et je crois qu'il était sincère lorsqu'il le disait - mais il faut bien constater qu'elle n'a entraîné aucun effet. Je reviendrai tout à l'heure sur la raison pour laquelle cela ne pouvait pas marcher.
Vous allez, lors de la prochaine session, voter sur le contreprojet ou sur l'initiative «Casatax» qui va dans ce sens et qui augmente le nombre d'instruments existants ou améliorent les instruments existants en faveur de l'accession à la propriété. Le fait est que le taux de propriétaires en Suisse est faible, qu'il est encore plus faible à Genève et que c'est le cas de toutes les agglomérations importantes. Pourquoi ? Parce que le terrain est cher, la construction aussi, et ce n'est pas un hasard si ce sont dans les cantons où le terrain est le moins exigu et par conséquent le moins cher qu'il y a plus de propriétaires.
Pourquoi les mesures d'encouragement à l'accession à la propriété ont-elles échoué ?
La première raison est à mon avis de nature purement psychologique: si tous les partisans de l'initiative de la Chambre genevoise immobilière qui en ont les moyens devenaient propriétaires on aurait déjà fait un grand pas en avant. Car le fait est qu'un nombre important de personnes qui en ont les moyens ne deviennent pas propriétaires, ce qui est leur choix au demeurant le plus strict, probablement parce que - et cela a été dit - il y a une marge entre le rêve d'être le propriétaire d'une magnifique demeure au bord du lac avec une allée de chênes et la réalité qui est d'être propriétaire d'un appartement, même sympathique, à Champel.
Donc, Mesdames et Messieurs les députés, premier élément: quels que soient vos talents de législateurs, jamais vous n'arriverez de la sorte à modifier la psychologie des gens.
Deuxième élément, pourquoi les mesures d'encouragement sont-elles inefficaces ? Pour une raison extrêmement simple que M. le député Baud avait mise en évidence à la commission du logement. Les personnes qui ont des revenus suffisants n'ont pas besoin de l'aide de l'Etat, par conséquent, toutes les mesures que vous prenez ne s'adressent pas à elles. Les personnes qui ont des revenus extrêmement modestes ne peuvent pas être aidées par l'Etat parce que le volume de l'aide serait à ce point considérable qu'il serait déraisonnable et, par conséquent, elles ne peuvent pas davantage être aidées.
Reste, par conséquent, que la seule catégorie à laquelle des mesures d'aide peuvent apporter quelque chose correspond à une petite frange de personnes qui ont à peu près les moyens, juste les moyens ou juste pas les moyens, et dont on peut attendre d'eux que, grâce à une aide, ils acquièrent une propriété. M. Baud avait dit qu'il était favorable au fait de les aider mais qu'il était extrêmement inquiet qu'on leur fasse prendre le risque de se retrouver dans une situation d'endettement et de difficultés financières.
Et c'est là que réside le problème: à partir du moment où l'on détermine cette frange - ni les plus riches ni les plus pauvres - on voit qu'il s'agit d'une catégorie de la population numériquement faible et prudente, qui, par conséquent, n'utilise pas les instruments de droit fédéral ou de droit cantonal d'aide à l'accession à la propriété à disposition.
Alors, pour aider cette catégorie de personnes à accéder à la propriété, un certain nombre de mesures, de droit fédéral d'ailleurs, existent. Je rappelle que le droit de préemption du locataire sur son logement avait été une mesure envisagée qui avait, du reste, été défendue par les associations de défense des locataires, mais, curieusement, ce sont les associations de défense des propriétaires qui n'en ont pas voulu.
Il y a les formes de propriété plus collectives comme la coopérative qui méritent d'être creusées. Il y a effectivement matière à faire un contreprojet.
J'en viens maintenant aux trois invites de l'initiative. L'épargne-logement, avec les limites et les réserves que tout cela soit LHID compatible: on tombe en plein avec ce qui se fait déjà et ce qui ne marche pas pour les raisons que j'ai indiquées. Ça n'est pas un programme très enthousiasmant ou dont il faut attendre beaucoup de résultats.
Deux invites concernent l'aménagement du territoire. La première c'est que la réduction de droits à bâtir soit systématiquement compensée. On le sait, il y a globalement de plus en plus de droits à bâtir sur l'ensemble du territoire, même s'il peut arriver que telle ou telle parcelle en soit privée. A ce moment-là, il y a des règles d'indemnisation qui, à ce jour, ne semblent pas poser de problèmes. Par contre, la compensation intégrale n'est pas possible en vertu de l'article 17 de la LAT telle qu'interprétée par le Tribunal fédéral qui dit très clairement que l'on ne peut plus prendre en considération la partie des parcelles qui sont inconstructibles pour fixer l'indice d'utilisation des parcelles.
La deuxième invite en matière d'aménagement consiste à permettre à celui qui le souhaite de construire selon ses envies. Tout le débat est là: si cette invite est absolue, elle est insupportable en matière d'aménagement du territoire parce qu'elle prive l'Etat de toute possibilité de pilotage. En revanche, je lis dans le rapport de majorité de M. Pétroz - je l'ai entendu le répéter, j'ai entendu M. Muller le dire aussi - que ce n'est pas le but recherché, que l'on ne conteste en réalité pas qu'il faille du logement social, une mixité - tout le monde est d'accord sur la mixité - mais si c'est bien modifier l'ampleur de cette mixité que l'on veut, si c'est permettre des cas d'accession à la propriété et garantir le logement social dont nous avons besoin, ce n'est pas ce que réclame ce texte !
Alors, si vous ne suivez pas la proposition du Conseil d'Etat, vous allez devoir faire des contorsions pour le moins discutables. C'est la raison pour laquelle le Conseil d'Etat, qui vous avait dans un premier temps proposé le refus pur et simple de l'initiative, vous propose aujourd'hui de la refuser dans un premier vote, mais d'accepter le principe de lui opposer un contreprojet dans un deuxième vote.
Ce raisonnement peut d'ailleurs être fait également pour la troisième invite, puisqu'on peut lire que chacun doit pouvoir accéder à la propriété sans restriction cantonale... (L'orateur insiste sur ces trois derniers mots.)...cela veut dire «sans restriction cantonale» et pas autre chose ! Ce serait une législation inacceptable d'un point de vue de l'intérêt général. S'il s'agit, je le répète, de modifier ou d'assouplir les règles actuelles, je pourrais me trouver d'accord ou pas, c'est une autre question; c'est une politique dont il peut être débattu; c'est un contreprojet qui peut raisonnablement être discuté. En revanche, si vous devez concrétiser l'initiative telle qu'elle est formulée, avec la rigueur du texte qui vous est soumis, cela aboutira à un résultat inacceptable.
Je vous invite donc à refuser cette initiative dans un premier temps et à accepter de lui opposer un contreprojet dans un deuxième temps. (Applaudissements.)
Le président. Nous allons donc voter conformément à notre règlement sur cette initiative non formulée, en suivant scrupuleusement l'article 122. Je mets donc d'abord aux voix le rapport de majorité de M. Pascal Pétroz qui recommande le oui à cette initiative.
Si le oui l'emporte, l'initiative sera renvoyée à une commission chargée de formuler un simple projet de loi ou un projet de loi constitutionnelle qui reviendra sous forme de rapport devant le Grand Conseil - c'est l'alinéa 1 de l'article 122. Cela pour que vous sachiez exactement ce qu'implique le oui.
Si le oui ne l'emporte pas, nous voterons sur le rapport de première minorité de M. Sommaruga qui recommande le non. Si ce second rapport n'est pas non plus accepté, nous voterons sur le rapport de seconde minorité de M. David Hiler, en deux fois, puisque celui-ci implique le principe d'un contreprojet.
Nous allons donc procéder au vote électronique sur les conclusions du rapport de majorité de M. Pétroz. Celles et ceux qui acceptent ses conclusions, soit la prise en considération de l'initiative sont priés de voter oui, les autres sont priés de voter non. Cette proposition est acceptée par 44 oui contre 39 non... (Exclamations.)C'est intéressant, parce que nous n'avons pas le même résultat sur cet écran que sur celui-là. Ne me demandez pas pourquoi ? Ce sont les miracles de l'informatique ! (Exclamations.)
Mise aux voix, cette initiative est approuvée par 44 oui contre 39 non
Cette initiative est renvoyée à la commission du logement.
Le président. Monsieur Pagani, vous avez la parole.
M. Rémy Pagani (AdG). Mes deux collègues ici présents sont toujours barrés sur le système informatique !
Une voix. C'est normal!
M. Rémy Pagani. Je suis désolé, Monsieur le président, mais vous m'indiquez qu'il y a deux résultats, alors je vous demande de confirmer ce vote par un vote assis-debout parce que je trouve... (Vives exclamations.)Comme cela on verra si l'électronique fonctionne !
Le président. Monsieur le député Pagani, les deux voix qui manquaient correspondaient à ces deux députés. Cela explique la différence entre 37 et 39. Je voulais vous le dire, car je n'ai pas les mêmes chiffres sur mon écran que sur celui de la salle. Voilà ! Dans ces conditions, je crois que le résultat est clair, puisque ces deux voix n'auraient pas changé le résultat, l'écart entre les oui et les non étant de cinq voix. Et puis, nous veillerons à ce que le système fonctionne mieux. Je vous remercie.
Mesdames et Messieurs les députés, nous passons maintenant au dernier point de notre ordre du jour. Nous avions plusieurs urgences. Il s'agit du point 149, projet de loi 8612-A, qui avait été voté par 14 oui à la commission des finances.