République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 8500-B
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Christian Brunier, Laurence Fehlmann Rielle, Mireille Gossauer-Zurcher, Pierre Marti accordant une subvention annuelle de fonctionnement à l'Association Textura - Genève (exercices 2001, 2002 et 2003)

Suite du premier débat

M. Robert Iselin (UDC). Vu mon grand âge, je n'arriverai pas à parler avec la vélocité de M. Weiss ! Par contre, j'essaierai d'être aussi bref que possible pour compenser ce défaut. La députation UDC, après avoir entendu les représentants de Textura, estimait que cette association remplissait un rôle intéressant, parce que les chômeurs de plus de 50 ans sont un réel problème. Par contre, nous sommes obligés de constater, sur la base des déclarations et des faits avancés par MM. Kunz, Weiss, Plojoux et d'autres, que nous avons été, disons bernés, ou manipulés au moment où on nous a parlé. Par conséquent, la députation UDC a décidé de voter contre cette subvention.

M. Christian Brunier (S). On savait que les radicaux n'avaient plus d'élus au Conseil d'Etat, mais en écoutant M. Kunz, on se demande s'ils en ont encore en commission ! Monsieur Kunz, vous nous avez dit que la commission ne répondait pas à vos questions. Ce sujet a été étudié deux fois par la commission des finances dans laquelle siègent des députés radicaux: je ne comprends donc pas pourquoi cette commission ne répondrait pas à vos questions, à moins que vous ne communiquiez pas avec vos collègues, ou avec votre nouvelle majorité...

Vous avez dit que le parti socialiste faisait un forcing douteux sur ce projet. Mais quel forcing ? La demande de traitement durant la procédure budgétaire - comme on le fait pour de nombreuses autres associations - a été acceptée par une majorité de ce parlement, majorité qui, à première vue, n'est pas celle du parti socialiste... Ensuite, puisque certains - vous entre autres - avaient des doutes, nous avons soutenu le renvoi en commission, nous l'avons même proposé. C'est dire que nous avons été beaux joueurs, alors que, ce jour-là, nous aurions peut-être trouvé une majorité. En commission, nous avons demandé que ce projet soit traité en urgence, tout simplement parce qu'il inclut la subvention 2001 et que nous trouvions normal que celle-ci soit au moins traitée au début 2002. C'est une question de crédibilité politique envers la population. Il n'y a donc pas eu de forcing de notre part sur ce projet.

D'autre part, Monsieur Kunz, vous nous dites que ce n'est pas très sérieux de la part de Textura d'avoir fait une demande de subvention cantonale tardive, alors qu'elle savait que la subvention fédérale allait tomber. Premièrement, cette association s'est battue pour continuer à obtenir les subventions fédérales, c'était son premier combat. Si elle nous avait présenté sa demande aussi tôt que vous le souhaitez aujourd'hui, il est certain que vous-même, ou des députés proches de vous, puisque vous n'étiez pas encore là, auraient dit que Textura venait trop tôt, qu'elle était trop dépendante de l'Etat, qu'elle ne se battait pas assez contre la Confédération, etc. Sur ce point, il faut donc avoir une certaine cohérence.

Concernant la comparaison avec Emmaüs ou avec d'autres associations, que beaucoup ont faite, je l'ai déjà dit lors du débat budgétaire: cette comparaison ne tient pas la route, tout simplement parce que ce ne sont pas les mêmes activités. Emmaüs a une activité centrée sur le ramassage, alors que Textura a une activité beaucoup plus large, puisque ses membres retraitent une bonne partie des tissus, font du stylisme, des défilés de mode, etc. Ce ne sont donc pas tout à fait les mêmes activités.

Au niveau du nombre de postes, il n'y a pas une association qui donne plus de détails. Concernant les listes que certains ont demandées, je trouve indécent de demander des listes du personnel plus détaillées. En l'occurrence, Textura, comme toutes les associations, a fourni des listes globales qui montrent qu'elle a employé vingt-cinq chômeurs, encadrés par huit professionnels, donc environ une trentaine d'emplois.

Enfin, le grand débat aujourd'hui, c'est que Textura ne serait pas fiable, parce que ses responsables auraient oublié, ou nié la dette qu'ils ont envers la Coordination des oeuvres de récupération. J'ai montré hier à M. Plojoux un document du président de Textura qui dit clairement, je cite: «Nous avons eu plusieurs réunions avec la présidente de la coordination et M. Champod, représentant la coordination, car nous n'avons plus payé notre dîme depuis 1998.» Textura le reconnaît, elle attend une proposition financière de notre part et, dès qu'elle aura des fonds, c'est-à-dire dès le vote de ce projet de loi, elle reprendra contact avec la coordination pour régler ce contentieux. Mais en l'état, Textura a fait un choix, un choix qu'on peut comprendre: étant donné qu'elle n'avait plus de moyens, elle a préféré payer le personnel en priorité, avant de payer la coordination. Je crois que nous ne pouvons pas l'en blâmer, car nous aurions tous fait, je l'espère, la même chose.

Selon M. Kunz, nous sommes déjà suffisamment généreux par rapport aux chômeurs, pourquoi alors soutenir encore cette association ? Monsieur Kunz, nous parlons de chômeurs de plus de 50 ans, qui sont des chômeurs de longue durée et dont plusieurs ont peu de formation. Pour ma part, je crois que nous ne sommes pas vraiment généreux avec ces gens-là, que nous n'en faisons pas assez, qu'il y a trop de gens qui restent sur le carreau. A cet égard, Textura mène une activité que peu d'associations mènent.

M. Weiss, lui, nous a dit que tout ceci reposait sur un consensus de la commission de réinsertion professionnelle, une commission tripartite Etat-patrons-syndicats. Mais ce que vous ne dites pas, Monsieur, c'est que, sur ce sujet-là, il y a eu des conflits majeurs entre les syndicats et les patrons...

Le président. Vous devez conclure, Monsieur le député...

M. Christian Brunier. ...qu'il n'y a jamais eu de position tripartite et qu'une partie de ces affaires se sont même réglées par avocats interposés !

Je lance donc un appel au Grand Conseil aujourd'hui. Je rappelle que la subvention demandée, c'est 15000 F par an et par chômeur. Pour 15000 F, nous allons permettre à des chômeurs et des chômeuses de plus de 50 ans, des chômeurs de longue durée, avec peu de formation, qui sont aujourd'hui sur le carreau, de pouvoir...

Le président. Veuillez conclure, Monsieur le député !

M. Christian Brunier. ... de pouvoir avoir un job, une occupation, de garder une dignité sociale. Je crois que cela vaut 15000 F... (Commentaires.)Vous pouvez faire le calcul, Monsieur Weiss: 33 emplois, cela fait 15000 F l'emploi ! C'est un bon investissement pour l'avenir et si, avec de telles sommes, on pouvait régulièrement générer autant d'emplois, il me semble que ce serait intéressant ! Mesdames et Messieurs, je vous appelle à voter ce projet de loi, qui est un investissement pour l'avenir, qui n'est pas coûteux pour le canton et qui est un geste important, à la fois symboliquement et concrètement, envers les chômeurs de longue durée.

M. Alberto Velasco (S), rapporteur. J'aimerais dire à M. Weiss, au-delà de son discours et sans entrer dans un débat sur les chiffres, que j'ai tiré les miens des statistiques qui m'ont été fournies dernièrement. Je me suis peut-être trompé, mais voilà où je les ai pris. Cela dit, Monsieur Weiss, la réalité du terrain est ce qu'elle est ! Les chômeurs de longue durée existent, notre canton est le canton qui compte le plus de chômeurs en Suisse: ce sont des réalités que je ne suis pas en train de travestir.

Deuxièmement, Monsieur Kunz, quand vous dites que c'est trop cher payé pour ces emplois, je vous répète que je doute fort que vous employiez beaucoup de gens de plus de 50 ans... (Commentaires.)Vous considérez que les charges sociales sont trop importantes pour les gens de 50 ans et vous avez tendance à les remplacer par des jeunes, qui vous coûtent moins cher. Donc, Monsieur Kunz, ce que vous n'êtes pas capable de faire, l'Etat ou des associations sont obligés de le faire ! C'est la raison pour laquelle nous sommes obligés de voter ce type de projet.

Maintenant, je tiens à dire, Messieurs, que je suis d'accord avec vous sur une chose: il ne faudrait pas avoir besoin des Textura et autres, si la société était un peu meilleure que ce qu'elle n'est. Je suis tout à fait d'accord. Dans une société, dans une économie qui respecte la dignité totale de l'être humain - c'est-à-dire son droit à l'emploi - il ne devrait pas y avoir de Textura. Et si Textura existe, c'est parce qu'il y a une perversion de cette économie, qu'on essaie de pallier par des projets comme ceux-ci. Voilà le cadre réel de ce projet ce loi, Messieurs ! Il ne s'agit pas de comparer la gestion d'une société qui fonctionne dans un marché compétitif avec Textura: Textura se place dans un autre contexte.

Pour ma part, si j'appuie de tels projets, c'est qu'aujourd'hui, je le répète, on a, dans ce canton, une difficulté extrême à employer des personnes au-delà de 50 ans. Et la question n'est pas de savoir si elles bénéficient du RMCAS. En effet, quelqu'un qui est au RMCAS a un revenu, mais il lui manque une chose importante, qui insère l'individu dans la société, à savoir un travail. Sans travail, sans activité professionnelle, il n'y a ni dignité ni reconnaissance sociale. C'est la raison d'être de Textura, qui emploie et forme des gens, qui forme des couturières, des secrétaires... Malheureusement, le débat, ce soir, n'a pas été dans ce sens-ci et j'aimerais, Mesdames et Messieurs, que vous reconsidériez votre position, au moment de voter ce projet de loi.

M. Claude Blanc (PDC). Lors du dernier débat à la commission des finances, après le second renvoi du Grand Conseil, nous espérions avoir plus d'éclaircissements sur la manière dont travaille Textura, sur le contexte de son activité. Je dois dire qu'à la fin de la séance nous nous posions encore plus de questions que nous n'avions obtenu de réponses ! C'est pourquoi les commissaires démocrates-chrétiens, au vote final, se sont abstenus, réservant leur position jusqu'au moment où ils auraient, éventuellement, obtenu plus de renseignements. Dans l'intervalle, comme nous avons la chance d'avoir parmi nous plusieurs magistrats communaux, nous avons été informés de la position de l'Association des communes - que vient d'exprimer de manière très claire son président - et nous sommes obligés de reconnaître que cette association s'est elle-même trop marginalisée pour que nous puissions la soutenir.

Cela dit, je suis entièrement d'accord avec MM. Brunier et Velasco, quand ils soutiennent que tout ce qui peut être fait pour recycler des chômeurs doit être fait. Nous sommes d'accord là-dessus. Mais de là à dépenser 400 000 F par année pour vingt personnes... (Commentaires.)...ou même trente-trois personnes ! Combien y a-t-il de chômeurs à remettre dans le circuit à Genève ? Si on travaille de cette manière et qu'on a autant de frais généraux pour remettre sur les rails une trentaine de chômeurs, combien de millions faudrait-il dépenser pour les réinsérer tous ?

Il nous est apparu en l'occurrence que la manière de travailler de Textura était beaucoup trop coûteuse par rapport au but recherché. Nous ne pouvons pas entrer dans cette logique qui consiste à financer n'importe quoi sous prétexte que le but recherché est louable. L'enfer, vous le savez, est pavé de bonnes intentions et là c'est typiquement le cas. Trop, c'est trop et le rapport entre le coût et le résultat obtenu est absolument insuffisant. C'est en tout cas ce qui nous est apparu depuis la clôture des travaux de la commission des finances et c'est pourquoi notre abstention en commission se transforme en vote négatif aujourd'hui.

Le président. Voilà, Mesdames et Messieurs, l'ensemble des groupes se sont exprimés durant le temps que nous avions décidé ensemble. Nous allons donc passer au vote... Monsieur Odier ?

M. Jean-Marc Odier (R). Monsieur le président, j'aimerais, en deux mots, répondre à M. Brunier, qui a mis en cause les députés radicaux de la commission des finances, qui n'auraient pas discuté avec leur groupe...

Le président. Je vous laisse trente secondes, Monsieur Odier...

M. Jean-Marc Odier. Je ne reviendrai pas sur le fond, mais je dois simplement expliquer que l'argument de M. Brunier, disant que nous n'aurions pas discuté entre nous et qu'il n'y a pas eu de forcing, est totalement fallacieux. Lorsque M. Velasco a demandé l'urgence en commission des finances, nous avons refusé d'entrer en matière le même jour, en expliquant que nous le ferions volontiers la semaine suivante, lorsque nous aurions les éléments que M. Kunz a évoqués. Ceci ne figure pas dans le rapport. En l'occurrence, si on avait discuté le projet la semaine suivante, on aurait quand même pu déposer le rapport pour le 8 janvier et le traiter aujourd'hui ! Il y a donc bien eu forcing et c'est une raison supplémentaire pour que nous ne votions pas ce projet de loi !

Le président. Nous passons au vote d'entrée en matière sur ce projet de loi...

M. Christian Brunier. Monsieur le président, le groupe socialiste demande l'appel nominal ! (Exclamations.)

Le président. Je vois que cette demande est appuyée... Le vote électronique est lancé...

Mis aux voix, ce projet est rejeté en premier débat par 44 non contre 20 oui et 14 abstentions.

Appel nominal