République et canton de Genève

Grand Conseil

La séance est ouverte à 8 h, sous la présidence de M. Bernard Annen, président.

Assistent à la séance : Mme et MM. Laurent Moutinot, Carlo Lamprecht, Robert Cramer, Micheline Spoerri et Pierre-François Unger, conseillers d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance : Mmes Micheline Calmy-Rey, présidente du Conseil d'Etat, et Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat, ainsi que Mmes et MM. René Desbaillets, Gilles Desplanches, Jean-Claude Dessuet, Erica Deuber Ziegler, Marie-Françoise de Tassigny, Philippe Glatz, Mariane Grobet-Wellner, Michel Halpérin, André Hediger, Claude Marcet, Alain-Dominique Mauris, Souhail Mouhanna, Ivan Slatkine et Pierre Vanek, députés.

Discussion et approbation de l'ordre du jour

Le président. Nous avons dû réaménager l'ordre du jour, comme je l'ai signalé hier soir. Nous vous ferons distribuer la liste des points qui seront traités dans l'ordre. Nous commencerons par le point 138.

Annonces et dépôts

Néant.

R 453
Proposition de résolution de Mmes et MM. Charles Beer, Marie-Paule Blanchard-Queloz, Loly Bolay, Thomas Büchi, Christian Brunier, Jeannine De Haller, John Dupraz, Alain Etienne, Laurence Fehlmann Rielle, Alexandra Gobet Winiger, Mireille Gossauer-Zurcher, Christian Grobet, Mariane Grobet-Wellner, Janine Hagmann, Dominique Hausser, Antonio Hodgers, Bernard Lescaze, Véronique Pürro, Albert Rodrik, Françoise Schenk-Gottret, Jean Spielmann, Olivier Vaucher, Alberto Velasco, Stéphanie Ruegsegger, David Hiler, Guy Mettan, Sylvia Leuenberger, Maria Roth-Bernasconi, Carlo Sommaruga, Philippe Glatz, Pascal Pétroz, Pierre-Louis Portier, Alain Charbonnier, Patrice Plojoux, Jacques Follonier, Renaud Gautier, Blaise Bourrit, Jacques Jeannerat, Thierry Apothéloz, Sami Kanaan, Hugues Hiltpold, Anne-Marie von Arx-Vernon, Claude Aubert, Gabriel Barrillier, Christian Bavarel, Antoine Droin, Anne Mahrer, Patrick Schmied, Ariane Wisard sur la votation "Pour l'adhésion de la Suisse à l'Organisation des Nations Unies (ONU)"

Débat

M. Carlo Lamprecht, conseiller d'Etat. Le Conseil d'Etat salue ce projet de résolution du Grand Conseil. En effet, le 3 mars prochain, le peuple suisse décidera s'il veut se joindre à la communauté des nations au sein de l'assemblée générale des Nations Unies.

De nombreuses raisons militent en faveur d'un oui convaincu. Notre quotidien n'en sera pas changé, et ni nos institutions ni les caractéristiques multiculturelles de notre pays ne seront menacées. Mais le fait est là : il nous est plus difficile aujourd'hui de faire entendre nos préoccupations et notre compassion sur le plan de la diplomatie multilatérale. Nos actions se limitent, la plupart du temps, à offrir des moyens ou du savoir-faire.

Depuis la fin de la Guerre froide, le rôle des Nations Unies est allé croissant : d'une part, le Conseil de sécurité n'est plus bloqué par l'affrontement des deux grands, d'autre part, la désagrégation des blocs a entraîné une recrudescence des conflits régionaux.

L'intervention internationale dans ces conflits a deux dimensions : une dimension humanitaire et une dimension politique.

Par son statut d'Etat hôte et son affiliation à presque toutes les agences spécialisées de l'ONU, la Suisse tient son rang dans le traitement humanitaire des crises internationales, mais cela ne suffit pas... S'agissant du bien contre le mal au profit des plus démunis de notre planète, les actions de l'ONU se sont faites sans la Suisse.

Notre neutralité, quelle que soit la définition que l'on en donne, n'est pas une vertu immanente étrangère à l'évolution du monde. Le refus de s'aligner sur l'un des deux blocs durant la Guerre froide n'a jamais été synonyme d'indifférence. Aujourd'hui, dans un monde en changement, refuser de rejoindre la communauté des nations, refuser de débattre des règles qui façonneront notre avenir commun au prétexte que nous nous suffisons à nous-mêmes est certainement un manquement.

L'ONU a été créée par les humains : pour certains, elle est trop faible; pour d'autres, elle est hégémonique; pour certains, elle est inféodée; pour d'autres, elle légifère trop; pour d'autres encore, pas assez. Pour certains, l'organisation est trop lourde; pour d'autres, elle manque de moyens.

S'agissant des actions de terrain, rien ni personne ne pourra nous contraindre à participer au volet armé d'opérations de maintien de la paix.

Lorsque nous regardons la place de notre pays dans le concert des nations, nous devons constater que nous ne sommes plus seuls à offrir nos bons offices à la communauté internationale. Or, que l'on fasse une lecture unipolaire ou multipolaire du monde, l'ONU a aujourd'hui plus que jamais sa raison d'être. Son rôle de création de règles et de normes juridiques internationales est essentiel et ira croissant.

Cent quatre-vingt-neuf des cent nonante-deux Etats de la planète l'ont compris et en sont membres. Il ne tient qu'à nous qu'ils soient cent nonante !

Le Conseil d'Etat, conscient de la place particulière qu'occupe Genève dans la vie internationale, cité de refuge et capitale des efforts de paix dans l'entre-deux-guerres, siège du Haut Commissariat et de la Commission des droits de l'homme, du Haut Commissariat des réfugiés, estime que notre pays se doit d'apporter sa contribution à la lutte engagée contre les nouveaux fléaux qui frappent la planète : pauvreté, dégradation de l'environnement, terrorisme, racisme et corruption.

C'est finalement pour être cohérents avec nous-mêmes que nous devons voter oui à l'ONU. Je salue, au nom du Conseil d'Etat, la résolution qui est présentée aujourd'hui. (Applaudissements.)

Mme Janine Hagmann (L). Dans quelques semaines, la Suisse se prononcera pour la troisième fois sur son appartenance aux Nations Unies.

En 1946, le Conseil fédéral décidait de ne pas y adhérer, faute de pouvoir faire reconnaître un statut spécial à la Suisse en raison de sa neutralité. Quarante ans plus tard, en 1986, le souverain rejetait l'entrée aux Nations Unies. Quid pour cette année ?

Je vais vous avouer - peut-être est-ce le cas de quelques députés au sein de cette enceinte ? - que je faisais partie des citoyens qui ont dit non à l'adhésion en 1986. Alors, pourquoi avoir, en seize ans, changé d'avis ? Il est évident qu'en seize ans beaucoup de choses ont changé, beaucoup d'eau a coulé sous les ponts, le monde a évolué et j'ai évolué aussi. Seize ans, c'est un tout petit laps de temps par rapport à l'Histoire avec un grand H et, pourtant, il s'en est passé des événements en seize ans.

Alors, quels arguments prépondérants faire valoir ? L'environnement politique mondial s'est complètement modifié et les implications de cet environnement touchent aussi la Suisse, qui ne peut plus se contenter de rester simple spectatrice ! Vous le savez bien ici: pour être entendu, il faut être à l'intérieur d'un groupe ! Mais comment défendre nos intérêts avec efficacité sans être membre à part entière ? Moi, j'ai toujours prisé ici la mise en réseau, la collaboration, l'ouverture sur les autres, la régionalisation... J'ai défendu les concordats... Comment aurais-je pu le faire sans être actrice, en me contentant d'être spectatrice ? Je respecte le point de vue de l'autre, mais, si j'ai signé cette résolution, c'est parce que j'aimerais convaincre qu'il faut que nous adhérions à l'ONU.

Je pense que notre devoir de députés est de donner un signe clair à la population, un signe d'appartenance à une entité, à une collectivité globale. Il n'existe qu'une seule organisation réunissant tous les pays du monde pour élaborer des réponses aux problèmes les plus divers qui nous concernent tous. Si l'abstention de la Suisse pouvait encore se concevoir il y a seize ans, à une époque où l'ONU ne pouvait pas encore prétendre à l'universalité, l'argument n'est plus valable aujourd'hui ! Le président Lamprecht l'a dit, des cent nonante-deux Etats recensés, cent quatre-vingt-neuf sont membres de l'ONU !

La Suisse et l'ONU défendent les mêmes valeurs. D'une certaine manière, l'ONU est un forum, un vivier d'idées et de références concrètes, qui lui ont permis de traverser les décennies sans rien perdre de la substance de ses travaux et de l'amélioration de son rendement.

Il n'est plus temps, Mesdames et Messieurs les députés, de montrer de la frilosité. En acceptant cette résolution, le signal est clair: nous quitterons notre strapontin d'où nous nous plaisons à observer le monde.

Et je terminerai en citant la maxime de La Rochefoucauld trouvée la semaine dernière dans un courrier de lecteurs: «C'est une grande folie que de vouloir être sage tout seul.»

M. Pierre Schifferli (UDC). Lorsque le Conseil fédéral prenait la neutralité suisse encore au sérieux, il a dit, je cite le message de celui-ci sur l'adhésion de la Suisse à l'ONU en 1981 : «Les mesures militaires que le Conseil de sécurité peut dicter, selon l'article 42 de la Charte des Nations Unies, n'entrent pas en considération pour un Etat neutre, et cela déjà pour la simple raison qu'elles seraient en contradiction avec le droit de neutralité.»

Lorsque le Conseil fédéral ne faisait pas encore de la propagande électorale payée avec l'argent du contribuable, il a dit et je cite le rapport du Conseil fédéral sur la neutralité de 1993 : «La Charte de l'ONU n'évoque nulle part la neutralité, car, dans un système de sécurité collectif permanent, il n'y a, par définition, plus de place pour le concept classique de neutralité.» Il y a seulement neuf ans de cela !

Lorsque le conseiller aux Etats Brändli, UDC Grison, est intervenu récemment auprès du Conseil fédéral pour demander que celui-ci formule dans sa demande d'adhésion une réserve formelle de neutralité, le Conseil fédéral, à la fin de l'année passée, a définitivement renoncé à la neutralité suisse. Il a en effet écrit pour justifier son refus de cette demande de réserve, je cite : «En formulant une réserve de neutralité à l'occasion de son adhésion à l'ONU, la Suisse exprimerait qu'en raison de sa neutralité elle ne souhaite ou ne peut pas assumer, en tant que futur membre de l'ONU, toutes les obligations figurant dans la Charte de l'ONU.»

Une telle réserve n'a donc pas été formulée dans le projet de lettre de candidature - document qui est connu - que le Conseil fédéral adresserait en cas de victoire du oui, le 3 mars prochain, au secrétaire général de l'ONU. La seule affirmation unilatérale, par le Conseil fédéral, de la neutralité suisse dans la demande d'adhésion ne délie évidemment pas la Suisse des obligations découlant de la Charte de l'ONU, soit particulièrement de celles qui sont le plus gravement contraires à notre politique et à notre droit de la neutralité.

Je rappelle qu'en 1919 Genève avait été choisie comme siège de la Société des nations, ancêtre de l'ONU, précisément à cause et grâce à la neutralité suisse. La Suisse avait pu adhérer à la Société des nations parce qu'elle avait été expressément dispensée de participer à d'éventuelles sanctions militaires contre des Etats coupables d'agressions. Et cela, justement, en raison de son statut de neutralité qui avait été ainsi confirmé.

La Charte de l'ONU ne reconnaît d'ailleurs pas ni même ne mentionne en tant que telle l'existence du principe de neutralité d'un Etat. Une adhésion de la Suisse à l'ONU violerait donc gravement notre neutralité. En effet, l'article 25 de la Charte de l'ONU dit expressément : «Les membres de l'organisation conviennent d'accepter d'appliquer les décisions du Conseil de sécurité, conformément à la présente charte.» La Suisse serait ainsi, selon la teneur expresse des articles 25 et 41 de la charte, contrainte de participer aux sanctions contre des Etats tiers mal aimés et à leur boycottage. Je cite à ce sujet l'article 41 : «Le Conseil de sécurité peut décider quelles mesures n'impliquant pas l'emploi de la force armée doivent être prises pour donner effet à ses décisions et peut inviter les membres des Nations Unies à appliquer ces mesures. Celles-ci peuvent comprendre l'interruption complète ou partielle des relations économiques, des communications ou télécommunications, etc., ainsi que la rupture des relations diplomatiques.»

La Suisse serait également obligée d'y participer par l'article 43 dont la teneur est la suivante : «Tous les membres des Nations Unies, afin de contribuer au maintien de la paix et de la sécurité internationale, s'engagent à mettre à la disposition du Conseil de sécurité, sur son invitation et conformément à un accord spécial, les forces armées, l'assistance et les facilités, y compris le droit de passage, nécessaires au maintien de la paix et de la sécurité internationale.»

En d'autres termes, la Suisse en adhérant à l'ONU s'engage, s'oblige - c'est le texte de la charte - à conclure un accord avec le Conseil de sécurité pour de telles opérations militaires, accord qui pourrait même entraîner sa participation à un conflit armé ou à laisser passer des troupes étrangères, ce qu'elle avait réussi à empêcher tout au long des deux derniers conflits mondiaux...

Lorsque les Nations Unies sont en conflit avec un Etat tiers ou un groupe d'Etats tiers accusés de ne pas respecter le droit international, la Suisse, Etat neutre, pourrait aujourd'hui encore être un recours pour une négociation entre une partie et une autre, un lieu pour la discussion.

Si la Suisse s'aligne sur les décisions du Conseil de sécurité parce qu'elle y est obligée en vertu de l'engagement pris comme membre des Nations Unies, cette politique de la neutralité serait réduite à sa portion la plus congrue, dans un monde hégémonique, dominé par une superpuissance, selon le président de laquelle, d'ailleurs, on ne peut rester neutre entre le bien et le mal, étant entendu que, par définition, c'est lui et son pays qui dit et qui dicte le bien, fixe ou interprète à sa guise le droit international... Il l'a dit : pour lui, il n'y a pas de place pour la neutralité !

M. le conseiller fédéral Deiss, notre gentil et candide ministre des affaires étrangères, prétend que l'ONU est une institution démocratique... Et que chaque pays a le même droit de vote... Oui, je l'ai entendu dire cela à la radio ! Il s'agit d'une mauvaise plaisanterie !

Certes, à l'Assemblée générale de l'organisation politique de l'ONU, chaque pays peut s'exprimer et voter, mais ceux qui prennent les décisions contraignantes au niveau de la politique de sécurité, des sanctions et des interventions armées, sont les pays représentés au Conseil de sécurité, c'est-à-dire quinze nations dont dix sont là pour la décoration et cinq ont tous les pouvoirs pour imposer leurs décisions ou s'opposer aux décisions leur déplaisant grâce au droit de veto. En plus, ces cinq membres sont des membres permanents qui ne sont autres que les vainqueurs de la dernière Guerre mondiale. Et il s'agit aussi des cinq pays qui sont les plus gros exportateurs d'armes du monde ! Il n'y a évidemment pas de place, dans ce Conseil de sécurité, pour l'Allemagne, l'Italie, le Japon, voire l'Inde, le Brésil, ou d'autres grands pays du tiers monde. C'est à cette institution politique, manifestement partiale, antidémocratique, que certains champions de l'antimondialisation bien représentés dans ce Grand Conseil...

Une voix. Des noms !

M. Pierre Schifferli. ...veulent nous faire adhérer ! Je ne comprends pas la cohérence de leur raisonnement, de même que je ne comprends pas la cohérence du raisonnement de ceux qui se prétendent patriotes et attachés à la neutralité et qui préconisent d'adhérer à l'organisation politique de l'ONU.

Notre neutralité est historique. Elle est fondée sur les traités de Westphalie de 1648, sur le traité de Vienne de 1815, sur la Convention de La Haye sur la neutralité de 1907. Mais l'article 103 de la Charte des Nations Unies, que je vous invite à lire, stipule que les obligations figurant dans la charte priment sur toutes les obligations résultant d'autres conventions internationales. La neutralité permanente armée et intégrale est un instrument essentiel, décisif, de notre politique extérieure, qui a contribué à nous permettre de rester en dehors des conflits armés qui ont ensanglanté l'Europe depuis 1815, particulièrement au XXe siècle.

Notre neutralité est également constitutionnelle. Que fera le délégué suisse à l'Assemblée des nations? Quel que soit son vote, il soulèvera une tempête de protestations d'un camp ou de l'autre en Suisse, ou bien il devra s'abstenir systématiquement, ce qui ne peut guère justifier notre enthousiasme à adhérer à l'ONU. Nous voyons ici que la neutralité a été et reste un élément essentiel de notre politique intérieure, qui permet d'assurer la cohésion nationale ainsi que la paix interne.

Oui, le monde a changé, il n'est plus celui de 81 ou de 93. Mais toutes les promesses d'une paix éternelle, après la chute du Mur de Berlin et l'implosion de l'Union soviétique, n'ont, à l'évidence, pas été tenues. Le monde change tous les jours. Il a aussi changé le 11 septembre... Les guerres existent toujours, chaque puissance use de sa force pour défendre ses propres intérêts vitaux de la manière qu'il juge la plus appropriée. La force du droit ne s'impose pas partout et est, le plus souvent, remplacée par le droit de la force.

Les décisions du Conseil de sécurité de l'ONU, qui étaient auparavant bloquées en raison de l'opposition des deux blocs Est et Ouest, sont aujourd'hui des photocopies des décisions imposées par les Etats-Unis, qui considèrent l'ONU comme un organe, une chambre d'enregistrement destinée à ratifier leurs interventions armées, parfois déjà en cours, voire même achevées.

L'efficacité de l'ONU est discutable. Elle n'a pas pu empêcher les génocides au Cambodge ou au Rwanda. Elle n'a pas pu empêcher les bombardements sur l'Irak, après la fin de la guerre du Golfe, qui ont causé la mort de quatre à cinq cent mille enfants, les bombardements en Serbie qui - cela a été confirmé par tous les spécialistes du droit international - étaient illégaux, ou encore moins les crimes quotidiens qui durent depuis plus d'un demi-siècle en Palestine, souvent contre les populations civiles. Lorsque Genève et la Suisse ont refusé, respectivement à 69% et 75%, d'adhérer à l'ONU en 86, ni la Suisse ni Genève n'ont subi de conséquences fâcheuses ou de désavantages politiques, économiques ou même moraux.

Maintenons ce cap ! Comment expliquer le Cambodge, Srebrenica, le Rwanda, le regard affamé des enfants irakiens, le martyre de Grozny en Tchétchénie, l'absence du dalaï-lama à la rencontre onusienne des chefs religieux, l'éjection par l'ONU de la République de Chine de Taïwan, un pays démocratique et très prospère de vingt-cinq millions d'habitants, au profit de la Chine communiste? Comment oublier les pierres ensanglantées de Palestine ?

Le beau rêve de l'ONU n'est plus qu'une triste réalité... Il nous reste notre droit de veto comme peuple libre et souverain, pour ne pas adhérer à l'hypocrisie universelle !

Mesdames et Messieurs, je vous invite à rejeter cette proposition de résolution. (Applaudissements.)

Le président. Mesdames et Messieurs, nous avons un petit problème avec l'informatique... Je sais que quatre ou cinq députés ont demandé la parole. Je leur demande d'appuyer à nouveau sur le bouton prévu à cet effet... Pas trop fort, Mesdames et Messieurs !

Monsieur Brunier, vous avez la parole.

M. Christian Brunier (S). Kofi Annan, secrétaire général des Nations Unies, disait il y a quelque temps: «Tout citoyen du monde, où qu'il réside, est aussi citoyen de Genève.» Ceci est un bel hommage à notre cité, symbole de paix et de solidarité, et ceci n'est pas un hasard. Qu'on le veuille ou non, Genève, la Suisse, les Nations Unies défendent des valeurs communes ! Qu'on le veuille ou non, Genève, la Suisse, l'ONU, ont un destin commun !

C'est pourquoi Genève et son parlement - son gouvernement l'a déjà fait - doivent se mobiliser pour que la Suisse adhère enfin à l'organisme des Nations Unies.

Vous dites, Monsieur Schifferli, que l'ONU n'est pas une structure très efficace... C'est vrai que l'on peut constater une certaine inefficacité, une certaine lourdeur, une certaine bureaucratie. Et, d'ailleurs, Kofi Annan travaille pour optimiser sensiblement le fonctionnement de cette institution. Mais c'est oublier, Monsieur Schifferli, que la plupart des programmes éducatifs, la plupart des actions de lutte contre la faim, la plupart des négociations de paix, sont menés aujourd'hui grâce à l'impulsion des Nations Unies !

Les adeptes du repli sur eux-mêmes, comme M. Schifferli, nous affirment et font croire à la population que l'adhésion à l'ONU signifierait la fin de notre neutralité... Mensonges ! Mensonges, car vous savez très bien que la Charte des Nations Unies accepte la neutralité ! Mensonges, car vous savez très bien que des nations neutres telles que l'Autriche, la Finlande, l'Irlande ou la Suède, peuvent très bien concilier leur neutralité et leur statut de membre des Nations Unies !

Du reste, notre non-appartenance à l'ONU est aujourd'hui un handicap majeur, y compris lorsqu'un Etat, une région, a besoin des bons offices d'une autre nation pour négocier. Au Moyen-Orient, aujourd'hui, on ne vient plus chercher la Suisse pour négocier, pour avoir un médiateur, un arbitre... On va chercher la Suède, pays neutre mais qui est aussi membre des Nations Unies !

La non-appartenance aux Nations Unies est aussi un handicap par rapport à Genève. Il faut voir les choses en face : il y a aujourd'hui un risque de délocalisation de certains services de l'ONU, il y a pression des membres pour que certains services de cette organisation soient situés dans leur pays. L'Allemagne l'a fait dernièrement, d'autres pays le feront. Le risque de délocalisation est donc bien réel.

Pour Genève, l'ONU et les organisations qui appartiennent à la famille onusienne présentent aussi un attrait économique important. Je vous rappelle les chiffres que vous ne connaissez peut-être pas ou que vous avez oubliés: on considère - cela fait partie d'une étude menée entre autres par l'université et dont les chiffres ont été ressortis dans le rapport du Conseil fédéral - que ces organisations dépensent chaque année dans notre canton 3 milliards de francs, ce qui n'est pas rien pour notre économie, pour l'emploi, pour la stabilité sociale ! L'ONU et les organisations apparentées sont un grand pourvoyeur d'emplois de notre canton, et la délocalisation de certains services pourrait créer un chômage important.

L'extrême droite cite souvent l'argument selon lequel l'adhésion va coûter très cher à la Suisse et, donc, aux contribuables. Cet argument n'a pas été évoqué dans ce parlement, mais c'est un argument qui pèse dans la campagne, et il faut le démentir.

En effet, il faut savoir que la Suisse paye déjà aujourd'hui 469 millions par an aux Nations Unies et que l'adhésion signifie une augmentation de 60 à 70 millions. C'est une somme qui peut affoler la population, parce que c'est une somme importante, mais il faut la ramener à la réalité : 60 à 70 millions, c'est 10 F par habitant, mais c'est aussi à peine plus de la moitié d'un F/A 18, et pourtant, à l'époque, l'UDC nous disait que les F/A 18 étaient des avions qui ne coûtaient pas cher... La moitié d'un F/A 18 pour adhérer à un organisme comme les Nations Unies ! 60 à 70 millions - je vous le rappelle, parce qu'il faut comparer cette somme à des éléments concrets - c'est moins de 1% du budget de notre tout petit canton ! Alors, l'argument selon lequel cette opération coûte trop cher pour ne pas adhérer à l'ONU ne tient pas plus la route que l'argument de la neutralité !

Mesdames et Messieurs les députés, je crois que la Suisse, si elle veut jouer un rôle sur la scène internationale, ne peut plus faire chambre à part avec le Vatican... (Exclamations et rires.)La Suisse doit donc adhérer au plus vite aux Nations Unies.

C'est pourquoi je vous appelle à voter cette résolution et à soutenir massivement la campagne pour que les Genevois et les Genevoises, et les Suisses d'une manière générale, soutiennent largement cette adhésion. (Applaudissements.)

M. Christian Grobet (AdG). J'aimerais prolonger l'argumentation de M. Brunier sur le problème de la neutralité de notre pays.

Monsieur Schifferli, notre groupe politique est tout aussi attaché que le vôtre à ce principe et peut-être davantage. En l'occurrence, on peut se demander si aujourd'hui et depuis un certain nombre d'années notre pays est véritablement neutre. En effet, sans qu'il fasse partie de l'ONU, nous constatons que la politique étrangère de notre pays s'est très souvent alignée sur celle d'un certain nombre de pays occidentaux et, plus particulièrement, d'un grand pays dont vous avez décrié la présence au sein du Conseil de sécurité de l'ONU. Et, comme M. Brunier l'a fort justement dit, la Suisse - il faudrait une fois pour toutes tenter d'être un peu modestes - est loin d'être le seul pays neutre dans le monde. Un certain nombre de pays européens me paraissent plus attachés au principe de la neutralité que le nôtre, d'autres pays d'autres continents sont attachés à ce principe, et ils font pourtant partie de l'ONU ! Vous pouvez interpréter la Charte de l'ONU comme vous voulez : il y aura bien sûr toujours des juristes qui vous diront que l'ONU consacre le principe de la neutralité ou, au contraire, ne le consacre pas, comme vous le dites... La réalité, Monsieur Schifferli - vous le savez bien - c'est qu'un certain nombre de pays neutres font partie de l'ONU sans y rencontrer le moindre des problèmes, et l'ONU a toujours respecté le statut de neutralité de ces pays.

Je suis convaincu que l'ONU ne pourra pas imposer, comme vous le laissez entendre, à un Etat comme le nôtre de participer à des actions militaires ou à des actions tout court s'il n'a pas envie d'y participer. Et on constate que tel est le cas actuellement et que la Suisse - c'est un point sur lequel nous rejoignons votre formation politique - a participé à des actions du type que vous avez évoqué sans faire partie de l'ONU, alors qu'en ce qui nous concerne nous aurions souhaité qu'elle n'y participe pas !

Vous soulevez, à mon avis, un mauvais problème, comme c'est souvent le cas de celles et ceux qui ne veulent pas adhérer aux élans de générosité... Ils recherchent des arguments juridiques fallacieux pour tenter de justifier leur refus d'un certain nombre de principes de solidarité.

Le problème ne se pose pas au niveau de la neutralité et, en ce qui nous concerne, nous sommes bien entendu favorables également à l'adhésion de la Suisse à l'ONU ! Et Dieu sait si nous sommes convaincus que cette institution n'est pas parfaite ! Elle mène une politique, sur le plan international, que nous critiquons fortement et le rôle que jouent toujours davantage les Etats-Unis, qui se prennent pour les dirigeants du monde, nous déplaît souverainement.

Mais c'est précisément pour cette raison que nous estimons que notre pays doit participer à l'ONU : pour apporter sa contribution afin de mener une politique différente. Je ne voudrais pas présumer des forces de l'ONU, mais il est vrai - cela a été rappelé tout à l'heure - que notre pays jouit d'un certain crédit. Nous pourrons donc apporter notre petite pierre pour la construction d'un monde meilleur, plus solitaire... Plus solidaire, pardon! (Rires, exclamations et applaudissements.)Fâcheux lapsus qui démontre bien le rôle joué par la Suisse : le rôle du solitaire dans un monde entièrement regroupé dans l'ONU... Eh bien, cette solitude ne peut plus durer ! Elle est absolument injustifiée et totalement incomprise par les autres nations. C'est pourquoi nous voulons participer à la seule organisation qui permet de créer un monde plus juste sur le plan social, plus solidaire, et qui, surtout, oeuvre pour la construction de la paix.

Que se passerait-il aujourd'hui si l'ONU n'existait pas ? Avec le nombre de conflits dans le monde, on peut imaginer à quel point notre monde s'entre-déchirerait... C'est cette raison qui justifie notre adhésion à l'ONU !

Bien entendu, M. Brunier a raison de faire allusion à des considérations d'intérêt local... Quoi qu'il en soit, nous ne pensons pas que ces raisons économiques devraient justifier notre adhésion à l'ONU. Par contre, il est difficile de se vanter d'être la cité des organisations internationales, de s'en prévaloir, tout en ne faisant pas partie de l'organisation faîtière du monde international ! C'est non seulement saugrenu, mais c'est une attitude qui ne peut pas être comprise par les autres Etats qui font partie de ces institutions et qui, précisément, pensent que nous ne sommes intéressés que par les retombées économiques que procure la présence des organisations à Genève, et que nous refusons d'apporter la contrepartie élémentaire qu'implique leur présence à Genève.

Nous sommes de ceux qui pensent que notre Grand Conseil doit faire preuve de retenue par rapport aux recommandations à donner aux citoyennes et citoyens en matière de votations populaires - nous pensons que c'est le rôle des partis politiques. Mais le débat d'aujourd'hui sur l'ONU dépasse, et de loin, les questions ordinaires sur lesquelles nous nous prononçons : c'est une question fondamentale pour notre pays, et nous pensons juste que notre Grand Conseil donne sa position et montre sa volonté de participer à une institution qui est indispensable pour l'avenir de l'humanité.

M. Antonio Hodgers (Ve). Les arguments en faveur de cette résolution ont été donnés. Je me bornerai donc à évoquer quelques points qui ont été soulevés par l'UDC, vu que c'est la seule formation politique à être opposée à cette résolution.

C'est vrai, Monsieur Schifferli, l'ONU n'est pas une institution démocratique. Soyons clairs : dans son concept de sécurité collective, l'ONU ne peut fonctionner si l'un des cinq membres permanents de son Conseil de sécurité est impliqué. C'est la conséquence première, effectivement, de l'issue de la Deuxième Guerre mondiale et cela a passablement bloqué l'ONU, notamment durant toute la période de la Guerre froide où, d'une manière ou d'une autre, l'Union soviétique et les Etats-Unis étaient toujours impliqués dans un conflit à travers le monde. Cependant, il est faux de dire que l'ONU n'a rien fait en matière de sécurité, puisqu'un grand nombre de conflits, ou de situations de post-conflit, de «peace keeping», ont pu être résolus grâce aux opérations de maintien de la paix menées par l'ONU.

Par contre, Monsieur Schifferli, il est faux de dire que la Suisse serait obligée d'appliquer l'article 43 de la charte. Mais cela a déjà été dit par MM. Brunier et Grobet. Il est évident qu'en vertu de cette charte le Conseil de sécurité de l'ONU ne peut obliger un Etat membre à appliquer des sanctions militaires si celui-ci ne le souhaite pas. Cela est clair !

S'agissant de l'article 41 que vous avez évoqué, Monsieur Schifferli, et des sanctions économiques, soyons clairs sur ce point aussi ! Il est vrai que la Suisse aurait l'obligation de le suivre, mais que fait-elle aujourd'hui ? Et là, c'est le licencié en relations internationales qui vous parle : dans 90% des cas, la Suisse a appliqué d'elle-même les sanctions économiques prises par l'ONU. Dans 10% des cas où elle ne l'a pas fait, c'est parce que d'autres pays membres de l'ONU se sont permis de ne pas le faire... On se rend compte que la Suisse n'a jamais suivi une voie solitaire en matière de sanctions économiques internationales et, à ce niveau-là, sa politique en la matière ne changerait en rien si elle restait en dehors de l'ONU. Il va donc de soi que le fait d'y entrer impliquera de suivre cette politique de manière constante.

Encore une remarque concernant l'interpellation faite par un de vos collègues, M. Letellier, sur l'invasion programmée de la Suisse par des ressortissants de pays étrangers. Je livre cette remarque à l'UDC, pour ses réflexions internes...

Ne trouvez-vous pas qu'au lieu de mettre en place la barricade que vous évoquiez, Monsieur Letellier, la Suisse aurait tout avantage à participer, avec d'autres nations de ce monde, aux actions pour créer des conditions de vie décente dans les pays en difficulté, afin que les gens puissent rester chez eux, au lieu d'être contraints d'émigrer en raison de conditions économiques et politiques difficiles ? Peut-être que, ce faisant, vous obtiendriez ce que vous souhaitez de manière... Peut-être que, de cette manière, la politique... Décidément, les interventions du matin ne me réussissent pas ! Excusez-moi !

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, Antonio Hodgers a une panne ! Madame Ruegsegger, vous avez la parole.

Mme Stéphanie Ruegsegger (PDC). Le parti démocrate-chrétien réservera évidemment un accueil plus que chaleureux à cette résolution et invitera également les Genevois à glisser un oui clair et enthousiaste dans l'urne, en mars prochain.

Il existe selon nous toute une série de raisons qui nous incitent à dire oui à cette résolution et oui à l'adhésion de la Suisse à l'ONU.

Tout d'abord, la Suisse partage avec l'ONU un certain nombre de principes fondamentaux - cela a déjà été dit - comme la défense de la paix, la promotion de l'éducation, de la santé, de la culture. Dans tous ces domaines, l'ONU, même s'il est vrai qu'elle n'est pas parfaite, obtient des résultats concrets et déterminants.

Dans cette optique, il apparaît donc logique que notre pays participe enfin de plein droit au concert des nations et qu'il décline l'honneur d'être, avec le Vatican, le seul pays à ne pas en être. La Suisse fait déjà partie d'un grand nombre d'organisations qui gravitent autour de l'ONU. Elle participe financièrement à ces organisations d'une manière active, mais elle ne peut pas défendre devant l'ONU les décisions qui se préparent dans ces organisations. Il apparaît donc logique aujourd'hui que la Suisse aille au bout de son raisonnement et adhère à l'ONU pour pouvoir défendre, précisément, ses positions.

L'ONU a énormément changé depuis le vote de 86. En 1986, on mettait en avant ses lourdeurs. Je crois qu'elle a fait sa réforme et nous ne pouvons plus dire aujourd'hui que l'ONU est aussi inefficace que par le passé.

Monsieur Schifferli, vous l'apprendrez d'ici quelques mois : nous ne sommes pas particulièrement bien placés dans ce parlement pour donner des leçons d'efficacité aux autres... Je vous rappelle en effet que nous n'avons traité qu'un seul point à l'ordre du jour hier soir !

Notre neutralité sera préservée, même si nous adhérons à l'ONU. Je vous rappelle qu'un certain nombre de pays - M. Brunier l'a dit- sont neutres tout en étant membres de l'ONU, comme l'Autriche, l'Irlande ou la Suède. Et cela ne les empêche pas de participer activement à cette organisation.

La Suisse était par le passé souvent sollicitée pour des missions de bons offices, mais nous ne sommes aujourd'hui plus seuls sur les rangs. Notre neutralité et le fait que nous ne soyons pas membre de l'ONU ne jouent absolument plus aucun rôle aujourd'hui, au contraire ! Le fait d'être dans l'ONU pourra nous aider à conserver quelques conférences et quelques manifestations à Genève.

Permettez-moi peut-être, en guise de conclusion, de revenir sur une caricature de Mix et Remix : un des personnages constate que l'ONU a un siège en Suisse et l'autre lui répond qu'alors la Suisse doit avoir un siège à l'ONU...

Je vous remercie et je vous invite à voter oui le 3 mars prochain.

Le président. Monsieur Guy Mettan, nous tentons de vous donner la parole... Nous allons patienter quelques secondes...

M. Guy Mettan (PDC). Je voudrais juste revenir sur cette notion de neutralité qui me paraît très importante dans ce débat.

Je vous rappelle, Monsieur Schifferli, qu'historiquement la neutralité suisse nous a été imposée de l'extérieur au traité de Westphalie, en 1648, et au traité de Vienne, en 1814. Si vous aviez vécu à ces époques, vous auriez été le premier à vous insurger contre le diktat des puissances européennes qui nous imposaient cette neutralité...

Il est vrai que cette neutralité nous a rendu de précieux services en matière de politique étrangère, et nous lui en sommes reconnaissants à ce titre. Mais, depuis dix ans, il se trouve que la neutralité s'est vidée de son contenu, parce qu'avec les changements qui sont intervenus dans les relations internationales la position de la Suisse comme pays neutre a perdu de son importance. Or, c'est la reconnaissance par les autres de notre neutralité qui nous donne cette force, cet atout de neutre.

Je dirai, pour conclure, que nous devons adhérer à l'ONU précisément pour redonner du contenu à notre neutralité. C'est même le meilleur moyen pour y parvenir.

M. John Dupraz (R). En ma qualité de membre du comité de cette initiative, je suis très heureux que le Grand Conseil prenne position clairement, à la veille du vote, sur l'adhésion de la Suisse à l'ONU.

Bien sûr, les opposants se manifestent et font feu de tout bois, arguant de notre sacro-sainte neutralité... Je rappelle, comme les préopinants, que notre neutralité est un engagement qui empêche toute alliance militaire, toute participation à une guerre ou à une action pour imposer la paix... En fait, l'armée sert uniquement à défendre notre territoire et à préserver les habitants du pays. Mais les textes sont clairs. La charte de l'ONU est claire, l'article 43 est clair et, de plus, le peuple suisse, le 10 juin de l'année dernière, lors d'une votation populaire, a confirmé une loi empêchant toute action militaire de notre pays pour garantir la paix. C'est pourquoi je crois que seul un avocaillon de cinquième zone... (Rires.)...qui ne saurait lire ces textes peut prétendre que notre neutralité serait mise en cause si nous adhérions à l'ONU !

On invoque aussi notre perte de souveraineté. En effet, certains prétendent que l'adhésion à l'ONU nous empêcherait de conserver notre liberté d'agir. Or, c'est justement en adhérant à l'ONU que nous participerons aux décisions de l'assemblée générale, toutes ces décisions fondamentales qui conduisent l'action de l'ONU dans le monde !

La Suisse est un modèle de démocratie: quatre langues, quatre cultures, la cohésion nationale. De plus, ses diplomates sont expérimentés et performants. En adhérant à l'ONU, il me semble que la Suisse pourra beaucoup apporter de son expérience.

Il est vrai qu'anciennement, alors que le monde était divisé en deux blocs Est-Ouest, on faisait souvent appel à nos bons offices, parce que nous n'étions pas engagés: nous n'étions ni d'un bord ni d'un autre.

Or, nous vivons à l'heure actuelle la mondialisation et celle-ci exerce aussi son pouvoir en matière de politique, et les problèmes se traitent de façon multilatérale.

Mesdames et Messieurs les députés, les affaires régionales se traitent au niveau des communes et des cantons, les affaires du pays au niveau de la Confédération et les affaires mondiales au niveau de l'ONU. Et si nous voulons participer à ce débat, nous devons faire partie de cette organisation, véritable village planétaire où toutes les affaires du monde sont traitées.

Nous devons adhérer à l'ONU, car nous sommes le seul pays à ne pas en être membre. Rester en dehors, c'est rester en dehors du monde ! La Suisse dépend du monde, ce n'est pas le monde qui dépend de la Suisse ! Nous importons pratiquement 100% de nos matières premières et 80% de l'énergie consommée en Suisse. En outre, Genève doit être d'autant plus sensible à cet acte d'adhésion qu'elle héberge le principal siège européen de l'ONU. Peut-on imaginer, à l'heure de la concurrence, où de nombreuses villes et de nombreux Etats sont prêts à accueillir de nouvelles organisations ou des organisations internationales existantes, que le siège d'un club puisse se trouver dans notre ville sans que nous y participions ? C'est complètement aberrant ! C'est une raison de plus, pour nous Genevois, d'adhérer à l'ONU !

Mesdames et Messieurs les députés, le groupe radical invite ce Grand Conseil à voter cette résolution, invite le peuple de Genève et de Suisse à dire oui le 3 mars à l'initiative pour l'adhésion de la Suisse à l'ONU. (Applaudissements.)

Le président. Les débats durent depuis bientôt une heure. Le Bureau vous suggère de clore la liste des intervenants. Il en reste trois. Puisqu'il n'y a pas d'opposition, il en sera fait ainsi.

Monsieur Schifferli, vous avez la parole.

M. Pierre Schifferli (UDC). Je répondrai très brièvement aux quelques arguments qui ont été soulevés.

Monsieur Grobet, les autres pays, à ma connaissance, n'ont jamais reproché à la Suisse de ne pas être membre de l'ONU, et celle-ci a parfaitement survécu, et Genève aussi, à cet état de fait.

Quant au prétendu manque de solidarité de la Suisse, la Suisse participe à toutes les institutions spécialisées de l'ONU; elle est extrêmement active dans ces organisations et paye chaque année un demi-milliard de francs. Je pense donc que le reproche de manque de solidarité et d'égoïsme est infondé.

Et puis, il est un peu contradictoire de reprocher à la Suisse son manque de solidarité ou de générosité d'un côté et de prétendre, de l'autre, que l'adhésion ne coûterait rien... Il est vrai que, si les 60 ou 87 millions à payer chaque année ne sont rien, je ne vois pas en quoi le fait de refuser de payer cette somme pour des raisons de principe pourrait être taxé de manque de générosité ! On pourrait très bien augmenter la participation de la Suisse d'un montant équivalent dans les institutions spécialisées de l'ONU !

Il est vrai, Monsieur Grobet - vous avez malheureusement raison sur ce point - que la politique suisse s'est trop souvent alignée sur celle du Conseil de sécurité. Je rappelle qu'il y a quelques années, la Suisse appliquait, s'agissant des sanctions contre les Etats étrangers décrétées par l'ONU, ce qu'on appelait le gel au niveau des relations existantes. Et cette politique était largement approuvée par l'opinion publique et les partis politiques en Suisse. Malheureusement, à un certain moment, le gouvernement suisse a modifié cette politique. Et ce n'est pas parce que notre ministre des affaires étrangères mène une mauvaise politique à cet égard qu'il faut encore renforcer l'erreur en adhérant à l'ONU, pour nous trouver finalement obligés d'appliquer des sanctions injustes ou déplacées.

Monsieur Brunier, vous avez parlé de mensonges... Je réfute ce mot ! Si je me suis trompé, je m'en excuserai auprès de vous, mais je ne crois pas avoir lu dans la Charte de l'ONU que cette dernière reconnaissait le principe de la neutralité. Si vous montrez l'article en question, je ferai mon mea culpa publiquement, mais, en attendant, je souhaiterais que vous retiriez cette insulte, car il n'y a pas eu de mensonges. La Charte de l'ONU ne reconnaît pas, ne mentionne pas le principe de la neutralité !

Quant aux arguments de John Dubar, notre péouze... (Exclamations et protestations.)...qui déjà tôt le matin tient des propos insultants, nous pourrons en discuter en privé si vous voulez, Monsieur, mais je ne répondrai pas à ce type d'argumentation qui n'en est pas une.

M. Jean Spielmann (AdG). Je partage une bonne partie des arguments qui ont été donnés par M. Schifferli, qui a fait des affirmations tout à fait justes sur la manière avec laquelle le droit international est appliqué et sur la manière avec laquelle on règle les problèmes internationaux...

Premièrement, il est exact que, dans la fameuse opération «Tempête du désert» et l'intervention en Irak pour sauver la démocratie au Koweit, on a débordé très largement de ce droit international. Et, sous l'impulsion des Etats-Unis, non seulement on a débordé de ce droit mais on l'a violé ! Il en a été de même en Serbie, et vous avez bien fait de le signaler. En effet, de deux choses l'une : si le droit international peut s'appliquer, il faut respecter l'ONU et ses décisions, et vous avez eu raison de citer un certain nombre de dérapages. Pourquoi certaines décisions sont-elles appliquées très sévèrement et même au-delà du droit - vous l'avez évoqué avec les bombardements en Serbie qui ont continué après et qui ont eu lieu sans la reconnaissance du droit international et de l'ONU - alors que d'autres, comme la résolution 194 concernant le droit au retour des Palestiniens, ou la 242 concernant le retrait de l'occupation, ne font même pas l'objet d'une ébauche d'application, ce qui fait que certaines situations se compliquent à l'excès ?

Ce constat est juste, mais est-il adéquat pour autant de ne pas adhérer à l'ONU ? En effet, si on donne la primauté au droit international, il faut l'appuyer de toutes nos forces pour qu'il soit appliqué, en dénonçant les situations de non-droit, l'imposition par la force, ou alors le laxisme total, quand ce n'est pas une utilisation unilatérale du droit international au profit de certains intérêts.

Toutefois, de ce même constat, j'arrive à une solution diamétralement opposée... La seule réponse au non-droit, la seule réponse à la force, c'est que les peuples de ce monde se donnent la possibilité d'intervenir, donnent la primauté au droit et non à la violence. Et pour cela, il faut participer à l'ONU ! La Charte de l'ONU permet de respecter ceux qui ne souhaitent pas s'engager dans un conflit, de respecter ceux qui souhaitent rester neutres dans un certain nombre de dossiers. Vous avez parlé tout à l'heure de lâcheté et d'abandon, mais, très souvent, être neutres, c'est aussi refuser de s'engager pour résoudre des conflits et c'est donc refuser d'aider des gens qui souffrent... Refuser le débat, refuser de participer avec toutes les autres nations, me semble être une mauvaise politique et une mauvaise réponse à l'analyse pertinente que vous avez faite. Et votre position conduirait à la négation même de ce que vous avez dit. En effet, si tous les pays renonçaient à participer à l'ONU et suivaient votre position, c'est ce qui se passerait : le plus puissant dominerait et les autres peuples ne pourraient plus intervenir et le droit international ne serait plus ! Donc, il faut participer à l'ONU pour favoriser la primauté du droit sur la violence et la domination que nous connaissons à l'heure actuelle.

M. Pierre Weiss (L). Le désavantage d'intervenir le dernier, c'est que chacun a probablement déjà dû se faire une opinion au cours des interventions précédentes. L'avantage, c'est, pour celui qui intervient, de prendre la mesure des arguments, en général d'une bonne teneur, qui ont été développés par les uns et les autres. Cela me forcera donc à aborder cette question sous un angle différent.

J'aimerais à cet égard rendre hommage aux intervenants de l'UDC pour deux raisons. La première, c'est d'avoir eu le courage de la vertu de l'exceptionnalité : on peut toujours louer cette volonté d'être différents et parfois même seuls. La deuxième, c'est que, contrairement à d'habitude, ils ont su se limiter dans le nombre de leurs interventions...

J'ai néanmoins de la peine à partager les opinions qu'ils ont exprimées. Sur différents points, on pourrait contredire certaines des affirmations qui ont été faites, comme, par exemple, sur le coût de l'adhésion de la Suisse à l'ONU, en tout cas d'un tiers plus bas que ce qui est allégué...

Savez-vous, par exemple, que le fait d'être observateurs nous amène déjà à payer un tiers de ce que nous payerons lorsque nous serons, si nous le sommes, membres à part entière ? De ce point de vue, l'augmentation n'est pas aussi importante - même si je ne la considère pas comme négligeable personnellement - que ce qui a été allégué par les opposants à l'entrée de la Suisse à l'ONU.

Un autre point peut être dérangeant - je le conçois sur le plan des principes - je veux parler du fait que les membres du Conseil de sécurité ont un droit de veto, qui rend certains Etats plus égaux que d'autres... Nous sommes, je crois, tous convaincus dans ce parlement de la valeur de l'égalité, mais, parfois, la nécessité de l'efficacité doit aussi être prise en considération. En effet, peut-être que cette inégalité a pu en éviter d'autres.

Maintenant, deux choses me forcent à penser que le raisonnement qui conduit à s'opposer à l'entrée de la Suisse dans l'Organisation des Nations Unies sur le plan politique est un raisonnement spécieux. Savez-vous que la Suisse participe déjà à des sanctions en votant au sein des organisations membres des Nations Unies et pas en s'y ralliant par la petite porte ou de façon autonome ? Par exemple, dans le cas de l'Organisation internationale du travail, lorsqu'il s'agit de sanctionner un pays comme le Myanmar. La Suisse n'a pas hésité, dans ce cas précis, à s'unir à ceux qui ont sanctionné ce pays pour sa politique de travail forcé. Faudrait-il, au titre du refus même du principe des sanctions, que la Suisse sorte de l'Organisation internationale du travail dont elle est un membre fondateur ? J'ai de la peine à croire que les opposants à l'entrée de la Suisse dans l'Organisation des Nations Unies veuillent, parce que dans certains cas on participe à des sanctions, que l'on sorte de l'organisation qui participe à des sanctions ! Alors, si on peut participer à des sanctions dans le cadre de l'OIT, on peut aussi participer à des sanctions dans le cadre de l'Organisation des Nations Unies !

Et puis, je voudrais aborder un dernier point qui me semble digne d'être pris en considération en raison de l'actualité de ces derniers mois. Qu'aurions-nous souhaité si les attentats barbares sur les tours de Manhattan dont les Etats-Unis ont été victimes s'étaient déroulés sur sol suisse? J'ai aussi de la peine à croire que les opposants à l'entrée de la Suisse dans l'Organisation des Nations Unies se seraient opposés à ce que l'ONU applique des sanctions contre ceux qui auraient attaqué notre pays !

Dans ce sens, je pense qu'ils proposent une politique contre-productive pour les intérêts mêmes de la Suisse. C'est à cet égard que je souhaiterais qu'ils réfléchissent encore profondément à la position qu'ils vont prendre. Une abstention de leur part serait certainement plus utile qu'une opposition.

La Résolution 453 est adoptée par 62 oui contre 7 non et 1 abstention.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, une heure de débat pour le premier point à traiter en urgence et il en reste dix-huit ! Je prie celles et ceux qui ont absolument besoin de faire passer un projet aujourd'hui de prendre langue avec ceux qui l'ont un peu trop pendue, de manière à ce que les interventions soient plus brèves ! (Exclamations.)

Une voix. Excellent! (Applaudissements.)

PL 8676
Projet de loi du Conseil d'Etat fixant le nombre de certains magistrats du pouvoir judiciaire (E 2 10)

Préconsultation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je pense que quelqu'un va demander la discussion immédiate. Sinon, je le fais volontiers... (M. Pagani demande la discussion immédiate.)Merci, Monsieur Pagani ! Bien nous allons voter la discussion immédiate par vote électronique.

Mise aux voix, la proposition de discussion immédiate est adoptée par 60 oui et 1 abstention.

Premier débat

M. Christian Luscher (L). Vous avez tous reçu sur vos minuscules pupitres deux demandes d'amendement, l'une présentée par votre serviteur et M. Lescaze et l'autre qui fait l'objet d'un consensus général et qui, je l'imagine, sera développée tout à l'heure par Pascal Pétroz. Je vais tenter d'être extrêmement bref pour répondre à l'invite de M. Bernard Annen...

En deux mots, il appartient à notre parlement de fixer tous les six ans le nombre de juges pour la prochaine judicature. Il se trouve que le Conseil supérieur de la magistrature a proposé, par courrier du 12 décembre 2001, le nombre de juges à plein temps et à mi-temps pour la prochaine judicature. Pour des raisons qui m'échappent, le Conseil d'Etat s'est éloigné de ce texte. C'est d'ailleurs pourquoi M. Bertossa a écrit à chacun des parlementaires et, j'imagine, à chacun des conseillers d'Etat également pour expliquer que le projet du Conseil d'Etat en tant qu'il s'éloignait de celui présenté par le Conseil supérieur de la magistrature n'était pas conforme à la loi d'organisation judiciaire. Ce qui fait que M. Lescaze et moi-même avons déposé cet amendement, pour revenir au texte qui est celui du Conseil supérieur de la magistrature, car il importe - la loi nous l'impose - de fixer le nombre de juges à mi-temps ou, comme le Conseil supérieur de la magistrature l'a prévu, à mi-charge. A ce sujet, j'ai eu quelques remarques de la part d'un certain nombre de députés : je crois que nous ne sommes pas opposés à ce que le terme de mi-temps soit remplacé par celui de mi-charge.

Je précise que, contrairement à ce que certains pourraient penser, le fait de fixer le nombre de magistrats à plein temps et à mi-temps ne fige pas de manière absolue la situation des juges à plein temps et à mi-temps pour la prochaine judicature en ce sens que, lorsqu'un poste est vacant, il peut être pourvu par deux juges à mi-temps. Il y a également un certain nombre d'exceptions pour la Cour de justice. Je ne veux pas vous donner des leçons de technique législative, mais je vous renvoie aux articles 60 C et 60 D LOJ.

Je vous demande de bien vouloir, Mesdames et Messieurs les députés, accepter l'amendement proposé par le vice-président du Grand Conseil et par votre serviteur.

Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat.

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.

Art. 1

Le président. Comme vient de l'expliquer M. Luscher, nous sommes saisis de deux amendements que vous avez sous les yeux.

Je vous lis le premier qui modifie l'article 1, alinéa 1, lettre c) :

«c) 21 postes de juges dont 4 à mi-charge au Tribunal de première instance et de police;»

Monsieur Pagani, vous avez la parole.

M. Rémy Pagani (AdG). Je ne voudrais pas allonger le débat, mais je ne vois pas pourquoi on parle de travail à mi-temps pour la plupart des salariés et pourquoi il faudrait parler de mi-charge pour les juges ! Pour moi, cela n'a aucun sens, si ce n'est de valoriser, soi-disant, la charge de ces magistrats si importants dans notre République... Je trouve cela complètement ubuesque, excusez-moi !

Je propose, parce que la loi doit être lue et comprise par tout le monde, qu'on garde le terme de «mi-temps».

M. Carlo Sommaruga (S). S'agissant de la proposition qui vient d'être faite par mon collègue Pagani, je ne vois aucune objection au niveau sémantique à parler de mi-temps au lieu de mi-charge; cela ne pose pas de problème.

Par contre, j'aimerais, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, vous donner quelques indications sur le deuxième amendement qui a été déposé. Je ne sais pas si c'est le moment d'en parler ou non...

Le président. L'auteur, M. Pétroz, va d'abord s'exprimer et, ensuite, je vous donnerai la parole, si vous êtes d'accord, Monsieur Sommaruga. Je fais donc voter... (Le président est interpellé.)Ah, pardon, vous parliez de la deuxième partie de l'amendement... Alors, je vous donnerai la parole en premier.

Bien, nous allons voter sur l'amendement de MM. Lescaze et Luscher. Cas échéant, nous voterons le sous-amendement, si j'ose dire, de M. Pagani... Que celles et ceux qui acceptent l'amendement tel qu'il vous est présenté lèvent la main... (Exclamations.)

M. Claude Blanc. Ce n'est pas clair !

Le président. Vous avez l'amendement sous les yeux... Je vous l'ai lu ! Si vous étiez attentif, cela irait mieux ! Il s'agit de l'article 1, alinéa 1, lettre c), nouvelle teneur... Monsieur Luscher, vous avez la parole.

M. Christian Luscher (L). Monsieur le président, par souci de logique et par gain de temps, nous nous rallions à la proposition de M. Pagani, en ce sens qu'il faut lire dans notre amendement «mi-temps» et non «mi-charge».

M. Carlo Sommaruga (S). Il y a en effet eu hier quelques discussions de couloirs au sujet de l'opportunité de supprimer l'article 1, alinéa 2, de la loi, tel que prévu par l'amendement de MM. Bernard Lescaze et Christian Luscher. En fait, il s'avère, comme l'a précisé tout à l'heure M. Luscher, que le fait de mentionner seulement quatre mi-temps au début de la législature pour les juges ne préjuge en rien de l'avenir et d'une augmentation des postes à mi-temps dans toutes les juridictions civiles et administratives.

Le président. Je vois que tout le monde se rallie à cette proposition. Je fais donc voter le texte définitif de l'article 1, alinéa 1, lettre c) : «21 postes de juges dont 4 à mi-temps au Tribunal de première instance et de police;»

Mis aux voix, cet amendement est adopté.

Le président. Je continue avec la deuxième proposition de M. Lescaze et de M. Luscher, soit l'abrogation de l'article 1, alinéa 2.

Mis aux voix, cet amendement est adopté.

Mis aux voix, l'article 1 ainsi amendé est adopté.

Mis aux voix, l'article 2 est adopté.

Art. 3 (souligné)

Le président. Nous avons une proposition d'amendement à l'article 3, de MM. Pascal Pétroz, Christian Luscher, Carlo Sommaruga, Albert Rodrik, Bernard Lescaze et Christian Bavarel... (Le président est interpellé.)Cet amendement a aussi été distribué, oui !

Monsieur Pétroz, vous avez la parole.

M. Pascal Pétroz (PDC). Monsieur le président, comme vous l'avez demandé tout à l'heure, je serai extrêmement bref pour vous présenter cet amendement, qui est de nature purement technique et qui ne concerne que les cas où des élections judiciaires ouvertes devraient avoir lieu.

L'article 117 actuel de la loi sur les droits politiques prévoit qu'il y a lieu de faire une séparation, sur les bulletins de vote, entre les candidats des différentes juridictions. L'objectif de l'amendement proposé est d'établir également une distinction au sein de l'élection relative au Tribunal de première instance entre les postes à mi-temps et les postes à plein temps, cela afin d'éviter un certain nombre de confusions qui pourraient arriver en fonction du score des candidats à une élection populaire.

Je vous remercie par conséquent de soutenir cet amendement. Je précise qu'il a fait l'objet d'un large consensus et d'une large consultation.

M. Carlo Sommaruga (S). Une consultation a eu lieu avec les quelques députés qui ont des connaissances juridiques au sujet de l'élection des juges. On sait que cette année, peut-être, comme cela a été le cas il y a six ans, il pourrait y avoir une élection ouverte, si un accord n'est pas trouvé entre l'ensemble des partis représentés au sein de cette assemblée.

La modification qui vous est proposée a l'avantage de pouvoir être appliquée non seulement à la prochaine élection pour le Tribunal de première instance, mais encore aux élections futures si, par hypothèse, au cours de la législature, on admettait d'autres postes à mi-temps et que, lors de la réélection dans six ans, on ouvre de nouveaux postes à mi-temps au moment de l'élection générale.

Donc, effectivement, il ne s'agit pas d'une simple modification conjoncturelle de la loi sur les droits politiques : elle permet de régler la question des charges à mi-temps pour le futur.

M. Rémy Pagani (AdG). Bien que je ne sois pas juriste, j'aimerais compléter cet amendement, puisque par inadvertance, je suppose, les éminents juristes qui s'en sont occupés ont oublié de faire figurer la profession des candidats. Je vous propose donc de rajouter : «Les candidats sont regroupés par taux d'activité et leurs noms ainsi que leur professionsont indiqués au regard de chacune de ces fonctions.»

Le président. Sur le plan de la rédaction, on nous a proposé la version suivante: «...et leurs noms et leur profession...», mais si vous préférez «ainsi que»... (Le président est interpellé.)Ainsi que est plus joli... Je le retiens!

Monsieur Luscher, vous avez la parole.

M. Christian Luscher (L). Je me demande si «leurs noms» - et sur ce point je m'adresse aux linguistes - ne devrait pas être au singulier, car à ma connaissance nous n'avons qu'un nom... Et pour trouver une formule moins lourde nous devrions dire «leur nom et profession» au lieu de «leur nom ainsi que leur profession»... La loi sera ainsi plus belle!

M. Albert Rodrik. Et au singulier !

M. Christian Luscher. Et au singulier ! A moins que certains aient plusieurs professions, ce qui est possible...

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vais vous faire voter sur cette dernière proposition, qui semble donner satisfaction à tout le monde. Je vous la lis :

«Art. 3 (souligné) Modification à une autre loi (A 5 05)

»La loi sur l'exercice des droits politiques, du 18 octobre 1982, est modifiée comme suit :

»Art. 117, al. 1 (nouvelle teneur)

»1 Le bulletin doit porter la liste détaillée et distincte des fonctions à pourvoir en conformité de la loi sur l'organisation judiciaire. Les candidats sont regroupés par taux d'activité et leur nom et profession sont indiqués en regard de chacune de ces fonctions.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté.

Le président. Madame Spoerri, vous avez la parole...

Mme Micheline Spoerri, conseillère d'Etat. Le Conseil d'Etat est ravi de votre unanimité et de votre bonne humeur. Il est vrai qu'il est urgent de se prononcer sur ce texte de loi connaissant les délais de l'élection générale.

Cela étant dit, j'aimerais répondre à l'interpellation de M. Luscher tout à l'heure, par rapport à la proposition du Conseil d'Etat. Nous avons évidemment discuté de tout cela au sein de notre collège et, compte tenu du fait que la loi sur l'organisation judiciaire offre maintenant la possibilité d'élire des juges à mi-temps également dans d'autres juridictions, civiles et administratives, le Conseil d'Etat avait préféré cette solution dans le souci de ne pas restreindre la possibilité d'élire des juges à mi-temps, lors de l'élection générale. Et c'est pour cela que nous vous avions soumis ce texte.

Il est toutefois évident que les remarques de M. le procureur général sont tout à fait pertinentes - elles ont été adressées au président de votre Conseil. C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs, le Conseil d'Etat se rangera évidemment avec plaisir à vos propositions. J'en profite également pour dire qu'il demande le troisième débat.

Troisième débat

M. Albert Rodrik (S). Mesdames et Messieurs les députés, le projet du Conseil d'Etat modifié par l'amendement Luscher/Lescaze constitue dorénavant l'article 1 souligné...

Le président. Nous prenons acte de votre déclaration. Nous passons au vote...

La Loi 8676 est adoptée en troisième débat par 64 oui et 1 abstention.

PL 8645-A
Rapport de la commission des travaux chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat ouvrant un crédit d'investissement de 7'888'000F pour la construction et l'équipement de pavillons provisoires pour 5 cycles d'orientation

Premier débat

M. Antoine Droin (S), rapporteur. Dès la rentrée 2001, un certain nombre de cycles d'orientation ont dû envisager la construction de pavillons provisoires, afin de pouvoir accueillir les élèves supplémentaires. Ce phénomène a perduré et perdurera encore. C'est la raison pour laquelle, pour la rentrée 2002, il faut agrandir les réalisations existantes de certains cycles en construisant des pavillons, en bois essentiellement.

La commission s'est penchée sur ce projet de loi, a étudié en profondeur les différents points qui ont été présentés notamment au niveau technique. Une discussion intéressante a eu lieu sur le fait que les planchers de ces bâtiments devaient être recouverts d'une dalle en béton et que ce travail ne pouvait être réalisé qu'en Italie. La commission a alors souhaité qu'une solution suisse puisse être trouvée pour éviter les transports routiers, dommageables pour l'environnement entre autres.

La question des toitures végétalisées a aussi été évoquée : celles-ci n'ont pas été retenues dans le sens où l'aspect provisoire et démontable de ces pavillons n'encourageait pas ce genre de solution, la mauvaise visualisation des toitures non plus.

Enfin, une dernière discussion a eu lieu en ce qui concerne le cycle d'orientation des Grandes-Communes.

Un amendement a été proposé pour pouvoir réaliser une passerelle entre le bâtiment provisoire qui a été réalisé l'année passée et le bâtiment même du cycle d'orientation, puisque la proximité du CEPTA notamment fait qu'un grand nombre d'élèves ou d'apprentis traversent ce secteur. Ce pavillon provisoire était isolé du reste et cela enlevait une homogénéité au cycle d'orientation. Il est donc souhaitable d'arranger cela par la construction d'une passerelle dont le coût est de 150000 F, ce qui n'était pas prévu dans le projet de loi initial d'un montant de 7738000 F.

La commission a accepté le principe de construire cette passerelle et, de ce fait, a augmenté le crédit ouvert à 7888000 F, comprenant donc cette passerelle à 150000 F.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous rappelle que ce projet de loi a été voté à l'unanimité en commission et qu'il est traité en urgence. Je vous prie donc d'être concis. Monsieur Pagani, vous avez la parole !

M. Rémy Pagani (AdG). Nous voterons ce projet de loi, car nous voyons mal comment il serait possible de le refuser, d'autant plus que l'urgence a été demandée pour que la construction de ces pavillons puisse se faire rapidement.

Cela étant, il y a quelques années on se gargarisait du staff du département de l'instruction publique et des autres départements qui avait été mis en place pour faire de la prospective en vue d'éviter les couacs - car c'est bien de cela dont il est question aujourd'hui - et de devoir installer des pavillons à la va-vite dès que les enfants sont en surnombre.

C'est un constat d'échec, il faut bien le reconnaître, pour ce département et les personnes qui sont censées, dans notre République, mettre au point la stratégie... C'est un couac d'autant plus important qu'il ne se situe pas au niveau de l'école primaire - ce que l'on pourrait comprendre, sachant qu'il est difficile de prévoir le nombre d'enfants à scolariser par rapport aux familles qui arrivent dans notre canton - mais au niveau du cycle d'orientation. Dans cette tranche d'âge, il est tout à fait possible de voir venir et d'anticiper les choses. C'est donc à regret que nous faisons ce constat d'échec...

Il faudrait donc, à notre avis, revoir les moyens de prospective et, surtout, les personnes qui s'en occupent... Je vous rappelle que, lorsque nous avions voté sur le parc Vermont, on nous disait qu'il était nécessaire de construire une école pour plusieurs classes primaires dans ce parc... En fait, on s'est aperçu, après le vote négatif du peuple, qu'il n'était pas nécessaire de construire cette école...

Je le répète, notre groupe votera ce projet, mais en marquant sa désapprobation sur la politique menée jusqu'à maintenant en ce qui concerne la prospective établie par les responsables des départements respectifs.

M. Hugues Hiltpold (R). Il me semble important de rappeler que nous sommes face à une situation d'urgence et que nous devons prendre des mesures adéquates pour parer à la prochaine rentrée 2002 des cycles d'orientation qui verra l'arrivée de près de quatre cents élèves.

Cette situation peut s'expliquer notamment par le report d'un certain nombre de constructions de cycles d'orientation, par le taux d'occupation maximum que connaissent les cycles d'orientation actuellement et, bien sûr, par les nouvelles pratiques pédagogiques.

Le projet qui vous est présenté dans ce projet de loi prévoit la construction de six pavillons scolaires de quatre classes chacun, implantés sur cinq sites différents.

La construction de ces bâtiments s'organise sur deux niveaux et doit, vous avez pu le constater, respecter les normes de construction et de sécurité en vigueur.

Je crois que le système constructif qui vous est présenté, bien que provisoire, est approprié au principe du développement durable, intention tout à fait louable. Le concept spatial tel qu'organisé dans ces bâtiments prévoit qu'ils puissent être implantés de façon indépendante ou assemblés, ce qui, dans le cas présent, est tout à fait appréciable.

Il faut également remarquer la rapidité de construction et de mise en place de ces bâtiments, car - je crois qu'il est important de le rappeler - nous devons terminer ces travaux de construction pour la rentrée 2002 et, pour ce faire, nous devons débuter les travaux au début de cette année.

Le budget d'investissement qui vous est proposé de 7880000 F fait apparaître un prix de construction au m3 et un prix à la classe tout à fait dans les normes et même en deçà des constructions du même type.

Compte tenu de ce qui précède, le groupe radical vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à accepter ce projet de loi.

M. Luc Barthassat (PDC). Je vais essayer d'être bref, comme vous nous l'avez recommandé, Monsieur le président.

Vu le taux d'occupation des classes de plus en plus élevé dans certains cycles d'orientation et un nombre d'élèves toujours en augmentation d'année en année, il est plus que nécessaire, voire même impératif, de voter ce crédit pour que les travaux d'agrandissement de ces cycles d'orientation démarrent dès le début de cette année et pour que ces nouveaux bâtiments soient fonctionnels pour la rentrée 2002.

Nous avons eu le plaisir en commission de voir les plans et les différentes photos de ces futurs bâtiments. D'un point de vue esthétique, c'est une réussite et les matériaux tels que le bois proviennent de notre pays. L'installation, le montage et le démontage sont des plus pratiques. Les normes au niveau phonique, de la sécurité et de l'isolation sont respectées par rapport aux normes en vigueur et même mieux que ça, comme l'a dit tout à l'heure M. Hiltpold. Ces bâtiments sont faits pour durer. Il est prévu de les amortir sur vingt ans.

Comme il est rappelé dans le rapport, après calcul, le prix au m3 est d'environ 500 F et le prix de la classe est d'environ 300000 F, ce qui est tout à fait raisonnable.

C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, le PDC vous prie d'accepter ce projet de loi, voté presque à l'unanimité de la commission, moins une abstention.

M. Claude Blanc (PDC). Une fois n'est pas coutume: je rejoins les propos de M. Pagani sur la prospective au sein des départements concernés.

Je vous rappelle, Mesdames et Messieurs les députés, que si cette année le Conseil d'Etat vous a fait l'honneur de déposer un projet de loi, c'est parce que nous l'avions sérieusement tancé l'année dernière, quand il est venu le 1er juin à la commission des finances pour demander 14 millions de crédit supplémentaire pour la construction des pavillons provisoires, crédit que nous avons dû accepter à toute vitesse car il fallait faire vite...

Cette année, le Conseil d'Etat change de tactique et nous propose un projet de loi, mais il n'en reste pas moins que la prospective est toujours aussi mauvaise et que c'est vraiment du travail à la petite semaine ! Sur ce plan, je ne peux qu'être d'accord avec M. Pagani.

M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Je souhaiterais que les prévisions dont nous disposons pour construire les bâtiments scolaires soient suffisamment précises pour que nous n'ayons aucun problème de planification. Je crois, en revanche, qu'il est difficile de dire que le travail est mal fait. La prévision démographique, qui doit prendre en compte l'évolution naturelle de la population, plus les migrations, plus - vous vous souviendrez que nous vous l'avions expliqué lorsque nous avions demandé le crédit complémentaire de 14 millions - les mouvements internes à la population dans le canton même, fait que l'exercice est difficile. En fait, une variation de quelques pour-mille représente déjà une classe, compte tenu de l'ampleur des chiffres sur lesquels nous travaillons.

En ce qui me concerne, je ne peux que souhaiter, comme vous, Monsieur Pagani et Monsieur Blanc, que ces prévisions soient les meilleures possibles. Mais je crains qu'elles n'atteignent jamais la précision qui permette une planification parfaite.

En l'occurrence, je vous remercie de voter ce projet aujourd'hui, parce qu'il est vrai que le temps qui nous sépare de la rentrée 2002 est court et que nous allons devoir construire ces classes dans les mois qui viennent.

La Loi 8645 est adoptée en trois débats, par article et dans son ensemble.

(Résultat du vote électronique en troisième débat: 67 oui, unanimité des votants.)

PL 8500-B
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Christian Brunier, Laurence Fehlmann Rielle, Mireille Gossauer-Zurcher, Pierre Marti accordant une subvention annuelle de fonctionnement à l'Association Textura - Genève (exercices 2001, 2002 et 2003)
Rapport de M. Alberto Velasco (S)
Projet: Mémorial 2001, p. 3606.

Premier débat

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je rappelle que nous nous sommes mis d'accord pour que chaque groupe ait cinq minutes de temps de parole. Monsieur Velasco, vous avez la parole, et votre temps de parole n'est pas compris, bien sûr, dans celui du groupe socialiste.

M. Alberto Velasco (S), rapporteur. Je tiens à rappeler que ce rapport a été présenté en plénière lors du débat sur le budget. Il a été renvoyé à la commission des finances notamment parce que M. Kunz avait quelques questions au sujet de ce rapport qui se référaient surtout au nombre d'emplois que cette subvention pourrait créer. Nous avons donc mentionné de manière plus explicite le nombre de ces emplois, soit vingt à vingt-cinq. Nous avons surtout rappelé que ces emplois concernent des personnes de plus de 50 ans, au chômage et qui se trouvent dans une situation difficile. Je rappelle en effet que 21% des personnes qui sont au chômage ont entre 50 et 60 ans et 31% le sont depuis une année ou plus.

Par ailleurs, la plupart des personnes employées par Textura sont des femmes. C'est dire que cette association a un but éminemment social.

Je vous encourage donc, Mesdames et Messieurs les députés, à voter ce projet de loi, d'autant qu'à la suite du désengagement de la Confédération Textura serait pratiquement en faillite si nous ne votions pas la subvention demandée aujourd'hui.

M. Patrice Plojoux (L). Je précise tout d'abord que mon intervention n'est nullement dirigée contre une solution qui vise à procurer des emplois à des personnes au chômage ou en fin de droit. Elle vise plutôt à dénoncer l'inaptitude de Textura à se gérer d'une manière satisfaisante.

En effet, l'Association Textura, qui n'a pas l'appui de l'Association des communes comme elle le prétend, a signé, en novembre 1996, une convention avec la Coordination des oeuvres d'entraide pour le ramassage des textiles. Cette coordination est formée par le Centre social protestant, la Croix-Rouge genevoise, Caritas et Terre des hommes. Elle travaille également avec Emmaüs Genève. Cette structure vous donne l'assurance que les bénéfices sont correctement répartis entre les oeuvres d'entraide, évite une guerre de territoire entre les partenaires et permet aux communes de diminuer intelligemment le volume des déchets incinérés.

Par cette convention, Textura s'engage à récolter les textiles par sac, avec l'appui de la coordination, en échange de quoi elle reverse 20 centimes par kilo récolté aux partenaires. Or, si elle s'est acquittée de ses obligations en 1997, elle ne l'a pas fait en 1998, elle ne l'a pas fait en 1999, elle ne l'a pas fait en 2000, ni en 2001 ! Lorsque l'on connaît le volume de textiles récoltés chaque année - il se chiffre par dizaines de tonnes - ce sont donc des sommes importantes qui ont été soustraites à d'autres associations caritatives.

En mars 2001, ADARP-Textura dénonce la convention. Elle continue, par contre, à récolter des habits en utilisant les logos des partenaires, malgré l'interdiction plusieurs fois signifiée, trompant ainsi les donateurs qui croient donner, pourquoi pas, à la Croix-Rouge ou à Caritas, alors que ce n'est pas le cas...

La commission des finances aurait également dû se pencher sur la structure pour le moins opaque de Textura. En effet, selon qu'il s'agisse de signer une convention, de recevoir de l'argent ou de devoir simplement remplir ses engagements, Textura renvoie ses interlocuteurs tantôt à Textura Genève, tantôt à Textura Vaud, tantôt à Textura tout court, tantôt à ADARP-Textura. Textura est à géométrie variable : qui fait quoi, qui paye quoi, qui touche combien ? Les mécanismes ne sont pas très clairs !

Mesdames et Messieurs les députés, s'il est bien de faire du social, il n'est pas raisonnable de donner une subvention à une association qui nous a démontré son incapacité à se gérer correctement. Si la coordination pour la récolte du textile doit être soutenue, alors qu'elle ne nous demande aucune subvention, nous avons le devoir de ne distribuer des aides qu'aux structures dont nous avons l'assurance que leur gestion est saine, rigoureuse et qu'elles respectent leurs engagements.

Ce n'est visiblement pas le cas d'ADARP-Textura qui n'a plus notre confiance. C'est notamment pour cette raison que le groupe libéral refusera cette subvention.

M. Pierre Kunz (R). Le rapport de la commission des finances tel qu'il nous est présenté dans sa nouvelle mouture soulève - M. Plojoux l'a bien remarqué - davantage de nouvelles questions qu'il ne répond à celles que nous avions posées en décembre dernier...

S'agissant tout d'abord des méthodes utilisées par les défenseurs du subventionnement de Textura, deux points sont particulièrement choquants.

Tout d'abord, cette demande de subvention est bien tardive. Quelle légèreté, Mesdames et Messieurs, de demander, en juin 2001, une subvention pour couvrir l'absence d'une subvention fédérale qu'on connaissait déjà il y a plus d'une année !

Ensuite, le forcing - permettez-moi de le dire, Monsieur Brunier ! - quelque peu suspect avec lequel vous avez essayé de faire passer en catimini, à l'occasion du débat budgétaire, cette demande de subvention !

Et puis, tout aussi suspect, le forcing que la commission des finances s'est vu imposer par le parti socialiste lors de sa réunion du 19 décembre dernier.

La commission des finances a travaillé sans les éclaircissements que nous avions demandés. M. Plojoux a rappelé un certain nombre de données apparues entre-temps - je me permets de les rappeler - qui conduisent à considérer la gestion de Textura comme pour le moins hasardeuse...

Comment considérer autrement une direction qui, avec un budget annuel de dépenses de 800000 F envisage des produits pour 100000 F et cela sans volonté d'améliorer cette production ?

Une direction qui, pour récolter 75 à 90 tonnes de vêtements par année, a besoin de 100000 F de matériel par année, avec deux chauffeurs et un aide, alors qu'une association comme Emmaüs - vous me permettrez de la citer parce que je la connais - récolte, avec un camion - toujours le même... - et deux chauffeurs, 1000 tonnes par année !

Une direction qui prétend offrir vingt à vingt-cinq postes de travail à des chômeurs sans pouvoir offrir la moindre liste d'activités et d'emplois...

Quels sont les horaires de ces personnes ? Qui a été occupé l'an dernier ? Qui le sait ? Personne !

M. Alberto Velasco. C'est indiqué ! Vous n'avez pas lu le rapport ?

M. Pierre Kunz. Vous avez parlé des vingt à vingt-cinq postes par année, mais vous n'avez jamais fourni la moindre liste concernant les tâches de ces personnes et leurs horaires.

Et puis, une direction qui se réclame en été 2001 d'une affiliation à la coordination, une coordination dont elle a claqué la porte trois mois auparavant ! Qui, enfin, oublie ses dettes à l'égard de cette coordination !

Disons-le, il y a quelque absurdité dans les justifications invoquées par le rapporteur au sujet du rôle de Textura dans la lutte contre le chômage... La loi genevoise, nous le savons tous, est extrêmement généreuse avec les chômeurs, puisqu'elle prévoit des indemnités sur cinq ans et qu'en plus elle fournit un RMCAS. Dans l'esprit du législateur, les travaux d'intérêt général, comme leur nom l'indique, sont fondés sur les besoins économiques et sociaux existants et non satisfaits, et il y en a de nombreux...

Ce ne sont pas, Mesdames et Messieurs, des emplois à inventer dans le cadre de nouvelles structures, ce ne sont pas des emplois à créer dans des entreprises quasiment fictives ! Et, à cet égard, les tâches d'occupation temporaire que Textura prétend offrir peuvent être offertes par d'autres institutions qui existent déjà et qui pourraient être aidées davantage, et cela sans frais pour la collectivité. Pourtant, on voudrait convaincre ce Grand Conseil de verser 400000 F par an à cette coopérative..

Mesdames et Messieurs les députés, être généreux, c'est bien. Mais être généreux avec l'argent des autres, en l'occurrence avec l'argent des citoyens contribuables de ce canton, c'est facile, trop facile ! Et cela nous impose, à nous députés, de rester responsables, attentifs, raisonnables et honnêtes quant à l'utilisation des impôts que nous versent les Genevois. Et il nous paraît que, dans ce cas, entrer en matière sur la demande de subvention serait faire, pour ce Conseil, preuve d'une légèreté pour le moins coupable.

En conclusion, il faut admettre que Textura a peut-être été nécessaire. Mais, aujourd'hui, elle ne l'est plus et cette subvention ne se justifie pas. Par conséquent, les radicaux ne la voteront pas.

Le président. Vos cinq minutes sont épuisées... Le parti libéral a encore deux minutes... Ce sera la dernière intervention avant la pause. Monsieur Weiss, vous avez deux minutes.

M. Pierre Weiss (L). Je voudrais faire état de mes arguments pour expliquer pour quelles raisons le parti libéral en commission s'est opposé à cette demande de subvention.

Tout d'abord, je voudrais dire que M. Velasco fait une confusion dans les chiffres de son rapport. C'est ainsi qu'il confond le nombre de demandeurs d'emploi avec le chiffre qui se trouve dans les documents officiels édités par l'office cantonal de la statistique... En effet, il n'y a que 4203 demandeurs d'emploi et non pas 13686!

D'autre part, je relève que, contrairement à ce qui est indiqué à la page 9 du rapport, les propos de M. Kunz ne sont pas infirmés mais doivent être confirmés. Le verbe employé est erroné.

J'aimerais aussi dire que l'exposé des motifs présenté par M. Velasco est relativement incomplet. C'est ainsi qu'il aurait pu dire - cela nous aurait éclairés quant à la décision que nous devons prendre - que l'office cantonal de l'emploi a pris une décision négative basée sur un préavis négatif de la commission de réinsertion professionnelle. Et je peux même supposer que c'est non seulement la majorité de la commission de réinsertion professionnelle, dans laquelle l'on trouve des partenaires sociaux, mais sa totalité qui a pris une position négative sur la demande de subvention présentée par Textura.

D'autre part, il aurait aussi pu être indiqué dans le rapport en question que le Tribunal administratif a débouté Textura quant au recours qu'elle a déposé contre la décision de l'office cantonal de l'emploi.

Par ailleurs, M. Velasco aurait pu préciser dans son rapport que les autres associations récoltent 800 tonnes de textile bénévolement, et non 75 à 90 tonnes de textile pour un montant de 435000 F... (L'orateur parle à toute allure. Exclamations et rires.)800 tonnes de textile, je le répète ! Je voudrais ajouter que le taux d'encadrement indiqué est étonnamment élevé, puisqu'il faut huit personnes pour s'occuper de vingt chômeurs!

Enfin - et c'est une chose fort intéressante - l'on pourrait toujours accuser ceux qui s'opposent à cette demande de subvention de ne pas vouloir accorder de subvention à des chômeurs de longue durée. En fait, il suffit de consulter le serveur Internet de l'Etat pour constater que la liste des programmes d'aide à la formation est étonnamment longue.

En conclusion, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, il serait pour le moins paradoxal que l'on accorde une subvention pour un programme n'offrant pas de garantie de qualité, ainsi qu'il a été dit plus haut, mais dont on voudrait faire un modèle, et qu'au fond, en accordant cette subvention, l'on contredise et l'on nie la validité et la qualité des procédures d'évaluation de l'Etat, par le département de l'économie, de l'emploi et des affaires extérieures, qui a décidé que Textura ne méritait plus notre soutien au profit de toutes les autres organisations d'aide aux chômeurs de longue durée.

Je vous remercie, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés. (Applaudissements.)

Le président. Mesdames et Messieurs, notre collègue Pierre Weiss nous a fait la démonstration qu'il est possible de dire beaucoup de choses en deux minutes... Je vous propose donc de modifier notre temps de parole et de le diminuer ! (Rires.)Je lève la séance. Nos travaux reprendront à 10h05.

La séance est levée à 9h50.