République et canton de Genève

Grand Conseil

La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de M. Bernard Annen, président.

Assistent à la séance: Mmes et MM. Micheline Calmy-Rey, présidente du Conseil d'Etat, Carlo Lamprecht, Micheline Spoerri et Pierre-François Unger, conseillers d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. Laurent Moutinot, Martine Brunschwig Graf, Robert Cramer, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et M. Marie-Françoise de Tassigny, Erica Deuber Ziegler, Mireille Gossauer-Zurcher et Claude Marcet, députés.

Communications de la présidence

Le président. Pour faire suite à la décision de la commission des droits politiques et du règlement concernant une erreur de plume dans la loi 8414, modifiant la loi sur l'exercice des droits politiques (visibilité privilégiée, aux emplacements d'affichage, des prises de position des partis représentés au Grand Conseil et aux Chambres fédérales, des comités d'initiative ou de référendum et des associations existant depuis au moins 5 ans), adoptée le 29 novembre 2001, l'article 30, al.2, doit être modifié comme suit: «Les emplacements d'affichage gratuit sont répartis en deux catégories, les emplacements regroupés sur panneaux temporaires comportant 21 affiches et les emplacements modulés sur panneaux fixes.» Cet avis rectificatif sera publié dans la FAO, avec une entrée en vigueur le 1er février 2002. (N.d.l.r. La version publiée au Mémorial intègre cette correction.)

Correspondance

Le président. Nous avons reçu les correspondances suivantes:

Courrier de M. DOBLER Olivier concernant les élections des membres des commissions et délégations officielles (CODOF) et les inscriptions y relatives ( C-1453)

Invitation de la Fondation Aigues-Vertes à participer le 25 février 2002, à 20 h, au Bâtiment des Forces Motrices, à une manifestation de bienfaisance ( C-1454)

Annonces et dépôts

Le président. La commission des pétitions nous informe qu'elle désire renvoyer les pétitions suivantes:

Pétition des collaborateurs des offices des poursuites et des faillites genevois ( P-1374)

à la commission de contrôle de gestion;

Pétition pour une régulation du trafic de transit entre Plan-les-Ouates et Onex, par le chemin du Pont-du-Centenaire, le chemin David-Broillet et le chemin Gustave-Rochette ( P-1375)

à la commission des transports;

Pétition concernant le cycle d'apprentissage à l'école du Mail ( P-1376)

à la commission de l'enseignement et de l'éducation.

E 1144
Election de six membres de la Commission du Barreau (3 titulaires et 3 suppléants, dont 2 membres au moins non avocats) (52)

Le président. Nous procédons au deuxième tour pour l'élection des membres suppléants de la Commission du barreau. Je vous rappelle qu'il reste deux personnes à élire à la majorité simple, puisque Mme Michèle Ducret a été élue au premier tour.

Bulletins distribués : 80

Bulletins retrouvés : 80

Bulletin blanc : 1

Bulletin nul : 0

Bulletins valables : 79

Sont élus: Mme Bach Nga Vu(UDC), avec 36 voix, et M. Nicolas Jeandin(PDC), avec 33 voix.

PL 8440-A
Rapport de la commission de l'économie chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur les heures de fermeture des magasins (I 1 05)
Rapport de majorité de M. Charles Beer (S)
Rapport de minorité de M. Rémy Pagani (AdG)
Projet : Mémorial 2001, p. 2100.

Premier débat

M. Charles Beer (S), rapporteur de majorité. Le projet de loi qui nous est soumis ce soir a été reporté à réitérées reprises, puisque les rapports ont été déposés au mois de septembre déjà. La date de dépôt cache toutefois la longueur des travaux, non pas parlementaires, mais ceux des partenaires sociaux, qui ont servi de socle à ce projet de loi et qui vont bien au-delà du texte que nous aurons à voter tout à l'heure.

En effet, les partenaires sociaux, groupements patronaux et syndicaux, représentants de travailleurs et de travailleuses, ont dû mettre cet ouvrage sur le métier à la suite d'un jugement du Tribunal fédéral, déclarant une disposition de la loi sur les heures de fermeture des magasins nulle, ou tout au moins non applicable. Cette disposition visait, selon le Tribunal fédéral, la protection des travailleurs et, à partir du moment où ce jugement avait été rendu, il était évident que la loi sur la fermeture des magasins devenait une loi de police de commerce et ne pouvait donc en aucun cas intégrer une quelconque clause de protection des travailleurs. Dans les faits, les magasins auraient pu rester ouverts jusqu'à 19h30. C'est tout au moins la possibilité que leur donnait le jugement du Tribunal fédéral, dès lors que la législation évoque la fermeture des magasins à 19h30.

Fortes de ce jugement, ou plutôt affaiblies par celui-ci, les organisations syndicales ont accepté de discuter les fondements et l'équilibre de cette législation. Les discussions se sont engagées sur un mode, dans un premier temps, plutôt défensif de la part des syndicats, dans la mesure où les craintes étaient nombreuses de voir les commerces ouvrir tous azimuts jusqu'à 19h30, quatre soirs de semaine, le samedi étant, lui, régi par d'autres dispositions. Durant les travaux des partenaires sociaux, il y a eu bon nombre de phases différentes, allant du travail serein à des périodes de crise. Mais, en fin de compte, on est arrivé à la conclusion que le projet de loi devait déboucher sur un certain nombre de mesures d'accompagnement, permettant à la législation de s'assouplir dans le sens d'une nocturne jusqu'à 21h, d'une ouverture retardée le vendredi soir et d'une harmonisation à 18h le samedi entre le commerce de détail alimentaire et non alimentaire. C'est là le volet purement légal, soit la loi que nous aurons à voter.

Cet assouplissement des heures de fermeture des magasins s'est donc accompagné d'un certain nombre de dispositions sociales contenues dans une convention collective de travail, appelée «Convention collective de travail cadre», ayant pour vocation de compléter les conventions collectives de travail existantes, de façon à maintenir les conventions existantes à un bon niveau et à réduire l'écart entre les commerces qui appliquaient des conventions et ceux qui les ignoraient. C'est là un point essentiel. L'autre point essentiel est que 6000 vendeurs et vendeuses jusque-là sans la moindre protection conventionnelle bénéficieront d'un certain nombre de dispositions allant du salaire minimum à l'interdiction du travail sur appel. 6000 travailleurs et travailleuses bénéficieront directement de cet accord, même s'il y a une ouverture nocturne à 21h et une ouverture retardée le vendredi.

Cet accord ne permet évidemment pas, comme tout le monde l'aura lu, de protéger l'ensemble du personnel du commerce de détail genevois, vu que du côté des magasins de moins de cinq employés, il n'y aura pas de protection. Mais ce qui est recherché par les partenaires sociaux, à travers les chiffres requis pour étendre une convention collective de travail, c'est de couvrir dans un second temps ces plus petits commerces. Nous avons quand même remarqué que dans ces commerces, aujourd'hui, les horaires n'étaient pas forcément ceux décrits dans la loi: d'ores et déjà, la fermeture à 19h30, voire au-delà, y est largement pratiquée, s'agissant souvent de commerces familiaux.

En fin de compte, le politique s'est donc saisi d'un travail ficelé, si j'ose dire, par les partenaires sociaux, un travail important, en profondeur, qui a vu trois versions de CCT différentes et qui a été avalisé par la commission en relativement peu de séances: cinq ou six séances ont été consacrées à cette modification de la loi sur les heures de fermeture des magasins.

En conclusion à cette première intervention - je suppose qu'il y en aura d'autres ! - je relèverai que le salaire minimum dans cette branche sera de 3200 F pour le personnel fixe non qualifié, c'est le premier point important. Le deuxième, c'est que la distorsion de concurrence entre les stations-service et les autres commerces va être considérablement réduite, puisque ces stations-service devront appliquer la loi sur les heures de fermeture des magasins. Enfin, comme je l'ai dit tout à l'heure, le maintien des conventions collectives de travail existantes est assuré par la négociation d'un protocole d'accord sur lequel s'est engagé le département de l'économie, de l'emploi et des affaires extérieures, aux termes duquel il n'y aura pas de velléité de soutenir des surenchères de quelque côté que ce soit, à gauche comme à droite, au-delà de l'accord qui a été passé entre partenaires sociaux.

Dernière remarque: Genève n'est pas une ville isolée du monde et il y a un certain nombre de comparaisons qui s'imposent. Qu'elles nous plaisent ou non, selon notre conception de la société, force est de constater que les ouvertures nocturnes sont pratiquées dans pratiquement la totalité des centres urbains d'Europe. Après ce premier constat, il faut relever que le projet de législation genevois permet de garder une situation extrêmement contrôlée, en comparaison ne serait-ce que de Zurich, qui permet les ouvertures nocturnes tous les soirs, ou de Berne, sans parler d'autres centres urbains plus importants, en France, en Grande-Bretagne, en Espagne, au Portugal, ou même en Allemagne dorénavant. Il faut reconnaître que cette réforme est une réforme extrêmement contrôlée et qu'on ne saurait parler de démantèlement, ce d'autant plus qu'elle s'accompagne de dispositions sociales applicable à 6000 employés qui aujourd'hui ne bénéficient d'aucune convention collective de travail. Ceci fait de Genève, j'ose le dire, la capitale des droits des travailleurs et travailleuses dans la vente. Ce que nous avons obtenu n'est pas suffisant - du côté syndical, tout le monde en est conscient - mais, en termes comparatifs, Genève a la situation la plus contrôlée en matière horaire et la situation la plus respectueuse en matière de droits des travailleurs et des travailleuses. Voilà pour ce propos introductif.

M. Rémy Pagani (AdG), rapporteur de minorité. Je trouve assez spécieux le tour de force qui vise à faire passer l'ouverture des magasins le jeudi soir de 20h à 21h - voire à plus, car les normes vont changer - pour une amélioration de la situation des travailleurs ! Cela étant, je crois qu'il faut revenir à ce qu'était, jusqu'à aujourd'hui, cette loi de police qui, de fait, protégeait à la fois les employés et les employeurs de la flexibilisation du travail, d'une part, et d'une concurrence déloyale, d'autre part. Je m'explique: avant les années 90, il y avait à peu près 22 000 employés dans ce secteur; après la crise, il en reste grosso modo 19 000, et le nombre de commerçants a diminué. De fait, nous sommes devant une nouvelle crise économique, qu'on appellera crise économique des années 2000 et qu'on nous promet aussi rude, voire plus que celle des années 90.

Or, aujourd'hui, on s'apprête à libéraliser non seulement les conditions de travail, mais également la concurrence qui existe dans ce secteur. L'ouverture des magasins jusqu'à 21h - et nous le dénoncions déjà lors du référendum de 1994 et, plus loin, lors de l'initiative de 1988 - signifie que la concurrence entre les commerçants va s'exacerber, non pas au profit des petits commerçants, des petites et moyennes entreprises, qui constituent encore la trame de notre tissu économique, mais au profit des grands centres. En effet, on le voit déjà avec l'ouverture en nocturne jusqu'à 20h : eux seuls auront les moyens de tenir la distance. Donc, en axant l'argumentation, comme dans le discours qui vient d'être tenu, sur les conditions de travail des salariés, on occulte un pan entier de cette loi, qui visait aussi à réguler la concurrence entre les commerçants.

Le second aspect qui nous semble important et dont nous avons fait une question de principe, c'est que l'ensemble de la collectivité n'a pas à subir pour rien - car c'est pour rien ! - des horaires de travail nocturnes. Même si la loi fédérale a changé et prétend aujourd'hui que la nuit commence à 23h, nous disons que travailler au-delà de 18h est non seulement astreignant au niveau physique, mais que c'est un mal au niveau social qui, à terme, ne profitera à personne, ni du point de vue de la vie sociale, ni du point de vue de l'encadrement nécessaire des enfants. Je le rappelle, car c'est une des décisions que nous allons prendre ce soir: la majorité des employés devra, de fait, travailler le samedi et un jour par semaine jusqu'à 21h30, puisque, si les portes des magasins seront fermées à 21h, le personnel, on le sait, ne sera libéré qu'un quart d'heure plus tard, lorsqu'il aura servi les derniers chalands... (Commentaires.)Oui, je parle de chalands, qui se promènent dans les magasins... Aller faire ses courses de 20h à 21h, je ne vois pas l'intérêt, franchement, mais enfin, chacun est responsable de ce qu'il fait !

Cela étant, les vendeuses notamment, qui sont majoritaires, ne pourront être rentrées à la maison qu'à 21h30. Mais il est vrai que cela correspond tout à fait à la logique du patronat, qui voudrait encore imposer une ouverture nocturne jusqu'à 22h, ce à quoi, je vous le rappelle, le peuple de Genève s'est opposé, il y a douze ans, à deux contre un. Ces vendeurs et vendeuses ne pourront rejoindre leur foyer qu'à 21h30 et ce, bien évidemment, sans aucune compensation financière, puisque la loi sur le travail ne permet plus de compenser financièrement.

Je reviendrai plus tard, cas échéant, sur les questions de détail. Mais, en l'état, ce sont, pour l'essentiel, les deux raisons pour lesquelles nous nous opposons à l'ouverture en nocturne et à la dérégulation prévue par cette modification de la loi, qui, jusqu'à maintenant, fonctionnait relativement bien.

Mme Esther Alder (Ve). D'une manière générale, les Verts sont opposés au travail de nuit partout où il n'est pas indispensable. D'autre part, augmenter les heures d'ouverture des magasins est la porte ouverte à de futures extensions d'horaire et représente une incitation directe à consommer toujours plus.

Cela dit, le présent projet de loi constitue donc un prolongement de l'horaire du soir, ce qui n'est pas très favorable à la vie du personnel de vente. Nous sommes parfaitement conscients que ce prolongement est la contrepartie négociée, durant quatre ans, entre tous les partenaires sociaux, en particulier l'ensemble des syndicats, pour que plus de 6000 personnes soient au bénéfice d'une convention-cadre. Nous sommes aussi convaincus que le jugement du Tribunal fédéral, considérant qu'une loi cantonale ne pouvait réglementer ni la protection des travailleurs, ni la concurrence commerciale, a lourdement pesé dans ces négociations. Donc, ce projet de loi constitue le résultat du rapport de forces actuel entre les organisations syndicales et patronales dans ce secteur et il limite en quelque sorte les dégâts. Toutefois, nous sommes choqués qu'aucune compensation en congés ou en indemnités n'ait été accordée aux employés. Par ailleurs, nous regrettons que la convention-cadre ne dispense pas très clairement du travail jusqu'à 21h les personnes en charge d'enfants qui le souhaitent.

Pour conclure, les Verts prennent acte de la pesée des intérêts en jeu. Etant donné qu'il y a autant de raisons d'être pour ce projet de loi que contre ce projet, la majorité du groupe s'abstiendra et les autres auront la liberté de vote... (Commentaires et rires.)

Mme Loly Bolay (S). M. Charles Beer vient de dire l'essentiel de ce qu'il fallait dire sur ce projet de loi. L'accord qui a été conclu repose donc sur une volonté de trouver les moyens de limiter les dégâts suite à l'arrêt du Tribunal fédéral de 1997. L'important, c'est qu'avec cet accord 6000 vendeurs et vendeuses, soumis actuellement aux seules lois du marché, bénéficieront d'une convention collective de travail dite convention-cadre, leur garantissant un salaire minimum de 3145 F et une semaine limitée à 42 heures par semaine.

Ce qui est important aussi dans cet accord, ce sont les mesures prévues à l'article 6 de la loi. J'y reviendrai tout à l'heure, Monsieur le président, si vous le permettez, car j'ai déposé un amendement avec mon collègue Carlo Sommaruga. Cet article concerne les magasins accessoires aux stations-service qui, à l'heure actuelle, sont de véritables supermarchés, qui font une concurrence déloyale aux petits magasins et qui doivent donc rester seulement des magasins de dépannage.

Pour répondre au rapporteur de minorité, M. Rémy Pagani, j'aimerais juste relever un commentaire de M. Giovanni Albano, syndicaliste connu du SIT et membre du parti de M. Pagani, qui dit, dans le «Courrier» du 28 septembre dernier: «La signature de la convention-cadre constitue un filet de sécurité pour 18 000 personnes. Ce n'est pas rien. En outre, si nous avions refusé de négocier, les patrons auraient pu prolonger les horaires d'une demi-heure par semaine et, dans la foulée, lancer une initiative populaire pour une ou trois nocturnes par semaine.» Sans prolonger, parce que l'essentiel a été dit, c'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs les députés, je vous demande de voter ce projet de loi.

Mme Stéphanie Ruegsegger (PDC). Le groupe démocrate-chrétien réservera évidemment un accueil plus que favorable à ce projet de loi, qui est le fruit, comme on l'a dit, de plus de quatre années de discussions entre partenaires sociaux, quatre années de discussions qui trouvent ce soir une heureuse conclusion politique dans notre parlement. La loi qui nous est proposée est une loi équilibrée qui fait partie d'un paquet équilibré. Je m'attarderai quelques instants sur certains aspects de cette loi.

En quoi consiste-t-elle exactement ? Au contraire de ce qu'a dit M. Pagani, il ne s'agit pas d'une extension des horaires d'ouverture des magasins, mais d'un aménagement. Pour mémoire, et M. Beer l'a déjà rappelé, les magasins traditionnels sont autorisés aujourd'hui à ouvrir tous les soirs de la semaine jusqu'à 19h30, en nocturne le jeudi jusqu'à 20h et le samedi jusqu'à 17h pour le non alimentaire et 18h pour l'alimentaire. M. Beer l'a également rappelé: bien que les commerces puissent, en vertu de l'arrêt du Tribunal fédéral, ouvrir tous les jours jusqu'à 19h30, ils ont choisi de fermer à 19h par souci de sérénité des débats. La nouvelle loi propose donc de maintenir à 19h30 l'horaire de fermeture des magasins le vendredi, de la fixer à 19h pour tous les jours de la semaine, à l'exception du samedi, qui est unifié à 18h, et d'une nocturne à 21h.

Concernant cette nocturne, j'aimerais relever plusieurs choses. D'une part, il est tout à fait malhonnête de mélanger cette nocturne à 21h avec le travail de nuit. La LHFM n'a rien à voir avec la loi sur le travail, qui autorise effectivement le travail du soir jusqu'à 23h. Cela n'a absolument rien à voir et je me fais du souci sur les compétences juridiques du syndicaliste Pagani lorsqu'il fait un amalgame entre ces deux notions. Concernant l'ouverture jusqu'à 21h, il y a également un accord pour ne pas modifier cette heure. Les partenaires sociaux ont pris un accord qu'ils respecteront: cette nocturne restera à 21h. Enfin, je me réjouis de voir que M. Pagani se fait le défenseur du petit commerce par rapport à cette nocturne. Je me réjouis de voir s'il réussira l'examen de passage lorsqu'il demandera son adhésion à la FAC... J'ai quelques doutes...

En termes d'horaires, il ne s'agit donc pas d'une extension, mais d'un aménagement. Celui-ci correspond à un besoin de la population et des commerces, qui sont soumis, je le rappelle, à une forte concurrence, qu'elle soit française ou vaudoise et qui, dans les deux cas, peut adopter des horaires beaucoup plus souples.

Il s'agit encore moins d'une déréglementation, puisque ces horaires ne signifient pas une augmentation des heures de travail pour les salariés de la branche, au contraire. Comme l'a dit M. Beer, cette révision de la LHFM est liée à un projet de convention-cadre qui permettra à plus de 6000 employés de la branche de bénéficier d'une protection dont ils ne bénéficient pas aujourd'hui. Aujourd'hui, la moitié des employés du commerce de détail ne sont au bénéfice d'aucune convention collective de travail: avec la révision de la LHFM et avec la nouvelle convention-cadre, ils seront au bénéfice d'une protection au niveau des horaires, puisque l'horaire est fixé à 42 heures maximum. Je rappelle que la loi sur le travail autorise 45, voire 50 heures de travail par semaine dans certains cas. Cette convention fixera également un niveau minimum de salaire à 3200 F. Enfin, dans certains cas, la convention augmentera la durée des vacances par rapport aux dispositions légales.

S'opposer à cette loi, c'est donc renoncer à offrir à ces personnes de meilleures conditions de travail, c'est renoncer à une loi qui est une loi avant-gardiste et dont nous sommes particulièrement fiers. Je vous invite donc tous, Mesdames et Messieurs, à voter cette loi.

M. Pierre Kunz (R). Elle ne m'en voudra pas, mais, contrairement à ce que vient de dire Mme Ruegsegger, le projet de loi qui nous est soumis ce soir ne constitue pas pour nous le grand bond en avant qu'attendait le commerce genevois. En effet, ce texte ne libéralise en aucune manière l'exercice de la profession et, contrairement à ce qui fait la réalité chez nos voisins français et helvétiques, les horaires du commerce de détail restent étriqués et peu favorables aux consommateurs. Au lieu de renforcer la capacité concurrentielle du commerce genevois, confronté en permanence aux achats transfrontaliers, ce texte renforce encore le caractère que je n'hésite pas à qualifier d'instrumental de la loi au profit du monde syndical qui, et c'est bien cela le problème, ne songe pas vraiment à développer l'emploi dans le secteur du commerce de détail, des syndicats qui dans les faits, par leur attitude, conduisent à une véritable réduction de cet emploi. D'ailleurs, M. Pagani l'a admis tout à l'heure: ce n'est pas seulement pour des raisons conjoncturelles que l'emploi s'est réduit, c'est parce que le commerce genevois a perdu sa compétitivité.

Mesdames et Messieurs, ce texte n'offre donc, économiquement et socialement, qu'un très mince progrès: je veux parler de la fermeture retardée de 20h à 21h, un soir par semaine. Un bien mince progrès, mais, c'est vrai, un progrès qui, nous sommes réalistes, va conduire le groupe radical à accepter cette loi.

Mais qu'on me permette quand même de souligner l'entêtement du monde syndical à corseter encore davantage le commerce de détail, et particulièrement l'attitude - excusez-moi, Monsieur Pagani ! - anachronique des syndicats d'extrême-gauche ! Permettez-moi de souligner que cet entêtement et cette attitude anachronique sont dévastateurs. Oh, pas dévastateurs pour les commerçants de la zone transfrontalière, ni même dévastateurs pour les commerçants de la rive droite, et c'est pourquoi j'en parle à mon aise... Non, ils sont dévastateurs pour le centre-ville. Bien du mal a déjà été fait: eh bien, Messieurs les syndicalistes, continuez à faire la comptabilité des minutes de travail, continuez à faire croire aux travailleurs qu'ils sont malheureux et réduits en esclavage par des patrons ignobles ! Dans dix ans, le centre-ville aura encore perdu une part de ses commerçants, aura encore perdu une partie de ses emplois et sera encore un peu plus appauvri par rapport à aujourd'hui !

M. Gilles Desplanches (L). J'aimerais rappeler certaines choses. M. Pagani nous a dit qu'il y a une dizaine d'années la population avait refusé les nocturnes. C'est vrai, mais c'était parce que, objectivement, les intérêts sociaux des uns et les intérêts économiques des autres n'étaient à l'époque pas en adéquation. Depuis, un travail a été fait entre les associations professionnelles, petites et grandes, avec les syndicats bien sûr, pour essayer de se mettre d'accord sur un premier jet: on a ainsi connu l'ouverture retardée du jeudi jusqu'à 20h. C'était un mince progrès au niveau de la concurrence, mais c'était un premier pas.

Ensuite, les associations professionnelles, épaulées par les syndicats - qui ont joué un rôle prépondérant, mais pas dominant - ont décidé qu'il fallait avoir une vision plus globale. On a ainsi envisagé une véritable nocturne jusqu'à 21h - petit progrès pour M. Kunz, mais progrès qui existe ! - en accordant parallèlement à toutes les personnes travaillant dans les magasins une véritable convention collective - que M. Pagani n'a pas l'air de trouver à son goût...

S'agissant des petits commerces, ceux-ci ont eu, pendant très longtemps, un peu de peine à accepter cette nocturne et l'avaient refusée. Les choses ont changé: petits et grands commerces, dont les demandes n'étaient pas les mêmes, ont trouvé un terrain d'entente et ont estimé qu'il était important de mettre en place une véritable nocturne, qui leur permette de combattre en partie la concurrence extérieure. Concernant les stations-service, je rappelle que c'est aussi le patronat qui a demandé que les stations-service, qui jouissaient d'une situation extrêmement privilégiée et qui faisaient une concurrence déloyale, soient réglementées. En effet, ce n'est pas M. Pagani qui a été voir les gens travaillant dans les stations-service pour leur parler de leurs conditions de travail ! C'est bien les associations professionnelles patronales qui ont demandé une réglementation.

L'accord qui est présenté aujourd'hui offre donc un progrès qu'on peut qualifier de minimaliste, mais c'est un véritable accord, qui tient compte de tous les intérêts: les intérêts sociaux, les intérêts économiques des grandes surfaces vis-à-vis de l'extérieur, et les intérêts des petits commerçants. Ceux-ci ne sont pas contre l'ouverture retardée ou contre la nocturne. Certains vont utiliser cette possibilité, d'autres non. M. Pagani nous disait, lors des quelques auditions auxquelles il a assisté, qu'il avait peur que les petits commerces de moins de cinq employés profitent de ce projet pour faire travailler plus tard leur personnel. Or, Monsieur Pagani, je dois vous dire que les commerces de moins de cinq employés ne profiteront certainement pas de cette convention collective. C'est pourquoi j'invite tout le monde à accepter ce projet de loi, qui est un excellent projet, un projet qui n'est pas politique et c'est bien pour cela qu'il va aboutir !

M. Alain Charbonnier (S). En tant que commissaire de la commission de l'économie qui a travaillé sur ce projet de loi, je peux dire que le débat était tronqué dès le début, dans le sens où, comme il a été dit et écrit dans le rapport de majorité, ce projet est le fruit d'un accord, d'un deal entre les partenaires sociaux. La commission n'a eu pour ainsi dire aucune marge de manoeuvre, si ce n'est qu'elle est intervenue sur la question des stations-service.

J'aimerais revenir sur les propos de Mme Ruegsegger, qui parlait d'aménagement des horaires. J'aimerais qu'elle aille discuter avec des vendeuses: cela me semble un drôle d'aménagement que de finir régulièrement plus tard que ce n'est le cas aujourd'hui ! En l'occurrence, il s'agit bien d'une prolongation de l'heure de sortie. Comme l'a relevé M. Pagani, les magasins fermeront à 19h pour les clients, mais les employés devront rester pour la fermeture des caisses, les rangements dans les rayons, ce qui risque de prendre un certain temps... On peut avoir des craintes à ce sujet et il faudra surveiller que la libération des employés soit la plus rapide possible après la fermeture, que les heures de récupération après les nocturnes de 21h soient respectées, et sanctionner tous les abus, afin de protéger les employées et employés.

M. Kunz, lui, parle de libéralisation à tous crins: il aimerait, j'imagine, qu'on ferme tous les soirs à 22h, ou 23h ! Je ne sais pas si le centre où il travaille pourrait absorber tous les clients potentiels, vu que son parking est souvent saturé, malgré la concurrence déloyale des autres commerces !

Quant à M. Desplanches, qui est aussi pour le libéralisme, il s'en prend du coup aux stations-service ! En fait, je ne comprends pas très bien quel genre de libéralisation les gens de droite préconise. Mais il me semble que cela varie en fonction de ce qui les arrange, à l'image de la FAC, qui revient toujours sur le problème transfrontalier et qui tout à coup soutient les nocturnes, alors que manifestement les trois quarts de ses adhérents ne resteront pas ouverts jusqu'à 21h. J'ai un exemple dans mon quartier, à Châtelaine: le président de la FAC lui-même n'ouvre jamais en nocturne le jeudi soir !

A priori, ce projet de loi ne nous satisfait donc évidemment pas. Mais, comme on l'a déjà relevé, il fait partie d'un accord global et une convention collective va s'étendre à 6000 employés, ce qui est très important. Pour cette raison, le parti socialiste se ralliera à ce projet de loi.

M. Claude Blanc (PDC). Je suis un peu surpris par les propos que vient de tenir M. Charbonnier. Quant il nous dit ce soir que le parti socialiste trouve que ce projet n'est pas bon, mais qu'il s'y ralliera, je dois quand même rappeler qu'en commission de l'économie les commissaires socialistes ont joué un rôle moteur dans l'étude de ce projet de loi.

De même, Monsieur Charbonnier, quand vous dites - vous ralliant ainsi à l'argumentation fallacieuse de M. Pagani - que la situation des travailleurs n'en sera pas améliorée, bien au contraire, puisqu'on pourra prolonger les heures d'ouverture, je vous rappellerai qu'aujourd'hui, au sens des dispositions fédérales, les magasins pourraient rester ouverts jusqu'à 19h30. Par conséquent, si vous ne jugez pas que le projet en question est un progrès, alors je ne vous comprends plus.

Je note qu'en commission de l'économie, non seulement le groupe socialiste a joué un rôle moteur, mais qu'en plus les trois députés socialistes ont voté le projet de loi, dont vous, Monsieur Charbonnier ! Alors, quand je vous entends ce soir faire la petite bouche en disant que vous n'êtes pas contents, mais que vous vous y rallierez, permettez-moi de m'étonner !

M. Jacques Pagan (UDC). Quelques mots à propos de ce projet de loi. Je rappellerai que, normalement, il était prévu de statuer à son endroit lors de la séance du 2 novembre, c'est-à-dire exactement le lendemain où notre groupe est entré dans cette enceinte. C'est dire que nous avons relativement peu de moyens de changer quoi que ce soit à la chose. Nous ne prenons même pas le train en marche: nous le prenons quand il arrive en gare !

Cela étant, nous avons été attentifs à certaines démarches qu'ont faites auprès de nous des petits commerçants, qui nous ont dit: «Ce projet est, pour nous, une forme de mort annoncée de nos commerces: tâchez de voir ce que vous pouvez faire pour que notre voix soit entendue.» Nous avons donc soigneusement étudié le rapport de la commission de l'économie, commission à laquelle nous n'avions pas participé. Nous avons vu que le département de M. Lamprecht avait ratissé large, que tout un chacun avait eu la possibilité de s'exprimer à ce sujet et que ce projet de loi avait trouvé un consensus très général. En l'occurrence, je crois qu'il faut tenir compte de la concurrence de la France voisine, notamment la concurrence des grandes surfaces, raison pour laquelle on peut considérer que ce projet de loi a été rédigé en fonction des besoins spécifiques des grandes surfaces, et non pas tellement, malheureusement, du petit commerce. Nous en prenons acte et notre groupe soutiendra ce projet de loi. Mais il va sans dire que nous n'oublierons pas pour autant les petits commerçants et que nous serons extrêmement attentifs à la manière dont la loi sera appliquée.

Ce que nous pouvons souhaiter en l'état, c'est, naturellement, que ce projet de loi soit bien accueilli et qu'il porte ses fruits. Il n'empêche que nous aimerions recommander à nos concitoyens et à la population résidente de Genève de faire ses achats, dans la mesure du possible, dans la partie diurne de la journée.

M. Rémy Pagani (AdG), rapporteur de minorité. Je ne veux pas donner de leçon dans ce parlement, mais quand on prétend expliquer le droit du travail et la loi sur le travail, on ferait parfois mieux de retourner à ses chères études ! Dire que la loi sur le travail n'a rien à voir avec la convention collective, c'est oublier le b.a.-ba du droit: tout juriste sait qu'une convention collective, si elle se situe hors du cadre de la LT, la loi sur le travail, sera forcément inapplicable, car attaquée avec succès par tous les recours qui pourraient être formés contre elle. Cela, c'est pour Mme Ruegsegger !

En ce qui concerne l'heure de libération des employés, il faut savoir qu'aujourd'hui les magasins doivent fermer leurs portes un quart d'heure avant la fermeture officielle, pour permettre au personnel d'être libéré à l'heure dite. Demain, avec le projet de loi qui nous est soumis, le personnel ne pourra être libéré que lorsque le dernier consommateur aura quitté le magasin, c'est à ce moment-là que les caisses pourront être fermées. Il n'y aura plus aucune contrainte légale pour préserver un minimum de qualité de vie pour les employés et, bien évidemment, certains partiront un quart d'heure après l'heure de fermeture officielle, et cela tous les jours de la semaine. Certains partiront même une demi-heure plus tard, parce qu'il faudra boucler les caisses...

Cela étant, je reviens aux arguments de fond concernant les problèmes que vit l'économie genevoise et notamment le commerce. Cela fait bientôt vingt-cinq ans que je travaille dans le secteur économique genevois et cela fait vingt-cinq ans que j'entends les mêmes arguments: oui, mais la France voisine... oui, mais il y a une concurrence déloyale effrénée de la part de la France voisine... S'il y avait une véritable concurrence déloyale effrénée, il n'y aurait plus aucun commerce aujourd'hui à Genève, Monsieur Kunz ! Vous le savez très bien: il y a des produits et des créneaux sur lesquels nous sommes tout à fait concurrentiels. Prétendre qu'on pourrait être plus concurrentiel en ouvrant les magasins tard le soir, c'est faire fi du différentiel de change qui existe aujourd'hui, qui existe depuis vingt-cinq ans et qui existera encore même avec l'introduction de l'euro ! C'est à cause de ce différentiel de change que certaines personnes - notamment des employés dans l'alimentaire qui sont très mal payés dans notre canton - préfèrent, pour des questions de survie, voire de confort personnel, aller faire leurs commissions toutes les semaines dans des supermarchés - y compris la Migros ! - à l'extérieur du canton. La concurrence qui vient du différentiel de change, notre canton ne peut rien y faire, ni notre ministre de l'économie, ni le Conseil fédéral ! Aussi, il me paraît un peu fallacieux de dire que les nocturnes vont changer quelque chose à cette concurrence, qui provient en fait du différentiel de change.

Cela dit, sur les causes de la désertification de notre centre-ville, j'ai d'autres explications, qui valent autant que celles qu'a avancées M. Kunz: je veux parler du prix des terrains. Combien de fois avons-nous protesté contre le rachat et la vente de terrains à des prix exorbitants ? On a vu des loyers absolument scandaleux, notamment à la place du Cirque, où des commerçants payaient 40 000 F par mois, pour citer des chiffres du début des années 90. Cela participe effectivement à la mort du centre-ville. Il ne faut pas dire que ce sont les problèmes d'accès au centre-ville, ou le manque de libéralisation qui fait mourir le centre-ville: ce qui fait mourir le centre-ville, c'est la disparition des habitants, qui ne peuvent plus s'y loger, et le prix des terrains, qui se répercute sur le loyer des arcades et qui fait en sorte que les produits qu'on y vend ne peuvent pas l'être à des prix relativement bon marché.

M. Gilles Desplanches (L). Après ce qui a été dit, je suis obligé de répondre à M. Pagani, qui essaie de nous donner des leçons d'économie et qui se demande si réellement le commerce genevois est concurrentiel ou pas. Monsieur Pagani, si vous n'avez pas l'occasion d'aller dans les commerces genevois, je me ferai vraiment un grand plaisir de vous y inviter pour vous prouver les compétences des gens qui y travaillent. Objectivement, si, malgré la différence de prix, les commerçants, les artisans et les grandes surfaces sont toujours là, c'est parce que nous sommes très bons. Et si nous sommes très bons, c'est parce que nous croyons à notre métier et que nous le faisons avec passion. Mais j'ai bien compris que vous, Monsieur Pagani, vous faites plutôt de la démagogie que de la politique, et que si le commerce genevois disparaît, ce n'est pas votre problème !

Je rappellerai qu'aujourd'hui il y a vraiment un grand nombre d'entreprises et que celles-ci offrent un nombre incroyable d'emplois. Si ce secteur est aussi important, c'est parce qu'il y a des gens qui croient à l'économie, des gens qui croient à leur métier, des gens qui en forment d'autres... D'autre part, le commerce, c'est aussi le social: s'il n'y a pas de petits commerces dans les quartiers, la vie sociale n'existe pas. Or, aujourd'hui, Monsieur Pagani, vous êtes un politicien genevois qui dit clairement à ses concitoyens d'aller acheter sur France... (Protestations.)Il est important que le commerce genevois soit le plus fort possible et dans ce sens, Monsieur Pagani, vous avez une grande responsabilité.

Pour répondre à l'UDC et à M. Pagan, qui nous dit qu'il a loupé le train, je rappellerai que le projet de loi que nous allons voter ce soir est un projet consensuel. La FAC, association qui représente le petit commerce et qui compte 1400 membres sur Genève, a participé à toutes les négociations et M. Bernard Menu, son président - qui ne fera pas les nocturnes parce qu'il se trouve dans un quartier d'habitation - a trouvé, après l'acceptation par l'assemblée générale, plus d'avantages à cette modification de la LHFM que d'inconvénients. Aussi, je demande à tous les députés qui sont soucieux du commerce de détail, de la survie de celui-ci et donc également de la formation des jeunes, d'accepter ce projet de loi qui est excellent pour le commerce genevois. (Applaudissements.)

M. Pierre Schifferli (UDC). Cette loi est une loi équilibrée. Elle tient compte des intérêts et des désirs des consommateurs genevois tout en assurant la protection nécessaire aux travailleurs, aux employés du commerce de détail. Comme notre chef de groupe l'a indiqué, nous avions effectivement quelques inquiétudes en ce qui concerne la protection des intérêts du petit commerce. Nous avons eu plusieurs entretiens à ce sujet avec différents commerçants, qui nous ont assuré qu'ils ne voyaient pas d'objection majeure à cette loi. J'aimerais préciser d'autre part que notre groupe a pris connaissance avec intérêt de la proposition d'amendement déposée par M. Carlo Sommaruga et Mme Bolay et que nous l'approuvons.

M. Charles Beer (S), rapporteur de majorité. Je voudrais reprendre trois éléments de fond. Le premier concerne la défense du petit commerce, qui a fait l'objet de bien des interventions - c'était un peu la foule des abbés Pierre venant secourir le petit commerce ! Si je suis sensible au petit commerce, à sa qualité, à son rôle irremplaçable, je dois quand même rappeler que la FAC, qui est l'organisation représentative du petit commerce, accepte non seulement l'ensemble du paquet, mais l'a négocié depuis quatre ans. Dès lors que les organisations représentatives se prononcent en faveur du projet, c'est qu'elles ont probablement quelques raisons valables de le faire... Jusqu'à preuve du contraire, la FAC n'est pas encore candidate au hara-kiri, à la disparition des commerces, pas plus que les travailleurs et leurs organisations ne seraient favorables à une nouvelle jungle néolibérale menaçant de dévorer l'ensemble des travailleurs et des travailleuses !

Toujours en ce qui concerne le petit commerce, comment peut-on déplorer le fait que le petit commerce serait menacé et, en même temps, trouver scandaleux que les commerces de moins de cinq personnes ne soient pas soumis aux mêmes contraintes que les grands commerces ? Ce dernier point doit être pris en compte. Pour ma part, je le déplore, tout en reconnaissant que cela représente un «avantage» évident pour le petit commerce, qui par ailleurs bénéficie d'autres avantages en matière horaire, puisque les commerces indépendants peuvent rester ouverts à d'autres heures s'ils n'occupent pas de salariés, ceci notamment le dimanche.

Concernant la concurrence déloyale, c'est là un point prépondérant. Qu'on ne vienne pas dire que le présent projet de loi accroît les possibilités de la concurrence déloyale. Bien au contraire ! Que vise ce projet de loi ? Essentiellement à réduire la possibilité de jouer la concurrence en ce qui concerne les droits des travailleurs et des travailleuses. En limitant le socle entre le minimum et le maximum de la branche, en imposant une protection minimum des travailleurs et des travailleuses, des standards en la matière, à de grands groupes qui jusqu'ici refusaient toute règle, je n'ai pas l'impression de contribuer à la concurrence déloyale: bien au contraire, j'ai plutôt l'impression de la combattre.

S'agissant des stations-service, force est de constater que ces entreprises, qui se servent du commerce d'essence pour abriter d'autres types de produits, bénéficiaient jusqu'ici d'une totale liberté et n'étaient soumis à aucune législation. Le fait d'astreindre ces commerces à respecter un certain nombre de dispositions légales qui ressortent de la loi sur les heures de fermeture des magasins, encore une fois, me paraît de nature à réduire les possibilités de concurrence déloyale. A ce sujet, je dirai à M. Pagan, sous forme de boutade, s'il me l'autorise, que s'il est resté en gare à attendre l'arrivée du train, faute d'avoir pu monter à temps dans celui-ci, il aura pu remarquer que certaines galeries commerciales dans les gares ne sont malheureusement pas astreintes à respecter les heures de fermeture des magasins, pas plus, du reste, que la loi sur le travail, comme à l'aéroport, et ceci est toujours à déplorer.

Le dernier élément qui me tient à coeur, c'est la question des nocturnes et de la votation populaire de 1988. En 1988, oui, le peuple genevois a refusé par deux voix contre une l'introduction d'une nocturne à 22h. Mais avant de dire que le présent projet est un premier pas vers le second, il faut se souvenir que la démarche, à l'époque, émanait de certains grands groupes, hors négociation, et n'était accompagnée d'aucune disposition sociale visant justement à assurer les droits des travailleurs et des travailleuses. C'était donc une démarche tout à fait différente de la présente démarche, puisqu'on ne proposait que le démantèlement, sans aucune mesure de protection supplémentaire.

En l'occurrence, nous nous trouvons bel et bien, les uns et les autres, dans ce qu'on appelle un accord. Un accord ne peut pas plaire à tout le monde, il ne peut pas plaire dans tous ses aspects à toutes les personnes qui, malgré tout, y souscrivent. Il est naturel que des travailleurs et des travailleuses, comme des syndicalistes et des gens de gauche, continuent, non seulement à douter, mais, le cas échéant, à combattre l'idée du travail en nocturne. Cela dit, comme nous sommes en présence d'un paquet équilibré, qui promet un certain nombre de dispositions de protection, nous devons nous placer dans la logique de l'accord, c'est-à-dire dans la logique de la pesée d'intérêts. Dans cette pesée d'intérêts, les syndicats de la branche représentatifs du personnel de vente - je ne parle que de celui-ci - ont été unanimes à accepter l'ensemble du dispositif. Pour ma part, j'ai plutôt tendance à penser que ces personnes ne sont pas complètement tombées sur la tête et que cet accord n'est pas seulement le fruit d'une dérive sociale-démocrate - probablement traître de surcroît ! - puisqu'il reçoit l'aval d'un certain nombre de forces de gauche particulièrement combatives !

Avec les syndicats, le département et l'ensemble des organisations patronales, je crois que nous pouvons reconnaître qu'il s'agit d'un paquet équilibré, destiné non pas à servir des intérêts partisans, mais à sauvegarder des intérêts essentiels au service de la collectivité. (Applaudissements.)

M. Pierre Kunz (R). J'aimerais préciser à l'intention de M. Pagani qu'il a une analyse un peu approximative de l'économie... Quand il nous dit que les problèmes du commerce genevois par rapport au commerce transfrontalier se résument à un différentiel de change, je lui ferai remarquer que le terme de différentiel de change est une notion de type purement monétaire et qu'en réalité la différence entre les conditions du commerce genevois et celles du commerce transfrontalier sont liées à ce qu'on appelle les conditions-cadre de l'économie transfrontalière et de l'économie genevoise. Et dans ces conditions-cadre, Monsieur Pagani, il y a l'accessibilité, les parkings, les salaires, les horaires... Alors, s'il vous plaît, à l'avenir - car nous aurons souvent l'occasion de nous bousculer à ce sujet durant la législature - rappelez-vous que ce n'est pas juste une question de différentiel de change !

M. Alain-Dominique Mauris (L). Par rapport à ce débat qui oppose syndicalistes, commerçants et employés, je n'appartiens à aucune de ces catégories, mais je suis par contre, comme vous tous, un consommateur. Comme consommateur, je me suis livré à une petite enquête personnelle, qui n'avait rien d'exhaustif, pour voir un peu ce qui se passait dans le canton de Vaud ou en France. C'est vrai, il faut le reconnaître, on y voit des plaques genevoises, non pas en raison des taux de change, mais en raison des facilités horaires, les gens allant faire leurs courses après leur travail. Car, lorsque vous quittez votre travail à 18h ou à 18h30 et que les commerces genevois ferment à 18h45, il ne vous reste qu'un quart d'heure, en stressant, pour faire vos achats. C'est souvent bien peu et il faut reconnaître que, dans ce sens, les facilités horaires sont, pour Genève, la possibilité de conserver ses parts de marché. Les habitudes du consommateur ont changé et cette loi, aujourd'hui, s'adapte à ces habitudes, elle renforce la compétitivité des conditions-cadre et elle permet de garder des parts de marché qui sont, à terme, des emplois ! La notion de parts de marché est à la mode: on en parle, on en a parlé pour une compagnie d'aviation, on en parlera encore, et c'est bien celles-ci qui nous préoccupent. Le consommateur montre une direction: la loi doit être cohérente et s'adapter.

Nous vous encourageons donc, Mesdames et Messieurs, à soutenir cette loi. C'est l'occasion de renforcer, tant pour le consommateur que pour le commerçant et l'employé, des qualités dans l'exercice de ces activités et de sauvegarder des emplois dont Genève a toujours bien besoin !

M. Jean Spielmann (AdG). Quelques observations dans le cadre de ce débat. Par rapport à ce qu'a dit M. Desplanches, concernant la structure du centre-ville et la réalité des commerces, je crois qu'il oublie les transformations qu'a subies le centre-ville. Ce n'est pas la peine de rappeler ici qu'il a été, dans un premier temps, vidé de ses habitants, qu'il n'y a pratiquement plus d'habitants au centre. Par conséquent, les gens censés profiter des nocturnes doivent venir de l'extérieur.

Parallèlement, la structure même des commerces au centre-ville a changé de manière considérable. Prenons l'exemple du plus grand d'entre eux, le Grand Passage, qui avait un magnifique restaurant panoramique au 4e étage, où les gens avaient plaisir à se rendre parce qu'on y voyait toute la rade. Ce magasin a contribué au changement de structure du centre-ville en modifiant une partie de ses constructions, de manière illégale d'ailleurs, en construisant un centre administratif sur le toit, à la place du restaurant, à l'intention des grandes compagnies internationales. Il a ainsi contribué à la transformation du centre-ville en un centre de bureaux, en soustrayant des surfaces commerciales et des surfaces de restaurant.

Pour habiter le centre-ville depuis toujours, je peux vous dire qu'il a changé de manière considérable, que ce n'est plus un endroit convivial auquel les gens s'identifient. Et ce n'est pas pour rien qu'après avoir spéculé, donné des surfaces à qui pouvait payer plus, c'est-à-dire les grands centres administratifs, ces commerces ont émigré vers l'extérieur, dans des centres comme Balexert. Prenez l'exemple de la Pharmacie principale. C'était un des grands magasins du centre-ville: il ne reste maintenant plus qu'un petit drugstore et les grands magasins de la Pharmacie principale sont à Balexert, à l'aéroport, soit à l'extérieur. Vous ne pouvez donc pas vous étonner qu'il n'y ait pas plus de gens qui viennent dans les commerces du centre-ville, alors que les commerces ont émigré à l'extérieur. Vous avez vendu les surfaces commerciales pour en faire des centres administratifs, il n'y a plus personne qui habite au centre et vous vous demandez pourquoi plus personne ne vient dans les magasins du centre-ville ! Ces magasins ne répondent plus à un besoin des habitants, puisqu'il n'y a plus d'habitants ! Toute la structure a changé et vous voudriez reconstruire artificiellement un centre urbain où les gens font leurs achats, alors qu'il n'y a plus d'habitants. Dans d'autres villes, on a eu l'intelligence de laisser des habitations au centre-ville, de prévoir un aménagement équilibré, une mixité, avec des gens qui y vivent, où il y a de la convivialité.

A mon sens, ce que vous voulez faire est artificiel. Avant d'autoriser des ouvertures tardives, allez voir ce qui se passe dans les magasins ! Du reste, M. Pagan l'a dit de manière très explicite: cette loi est favorable au grand commerce, au détriment des petits. En effet, si on élargit les horaires d'ouverture, certains magasins pourront le supporter, mais les petits commerces ne pourront pas suivre ces horaires: ils ne pourront pas rester ouverts, dès lors qu'il n'y a personne qui vient en ville. La réalité, c'est que la spéculation, le changement des affectations a considérablement changé la nature du centre-ville et qu'il n'y a plus d'habitants, plus de convivialité, plus de grands restaurants, plus de salles de réunion, plus d'endroit où aller. La plupart des cinémas ont disparu, il n'y a plus de vie, et vous voulez la recréer artificiellement. Même si vous autorisez l'ouverture toute la nuit, je vous parie qu'il n'y aura pas plus de monde qu'aujourd'hui. Vous êtes en train d'aller dans une mauvaise direction, vous faites fausse route, l'avenir le démontrera, comme a été démontré l'échec des ouvertures nocturnes partielles. Pour redonner vie au centre-ville, il faut arrêter la spéculation, arrêter la transformation des surfaces et, à ce moment-là, le centre reprendra vie. Tout le reste n'est qu'emplâtre sur une jambe de bois. Ce projet de loi est un mauvais projet parce qu'il va dans une mauvaise direction.

M. Rémy Pagani (AdG), rapporteur de minorité. Quelques mots après les anathèmes de M. Desplanches. Jusqu'à maintenant ce débat s'est tenu à peu près correctement et je trouve déplorable d'essayer de faire croire que je suis contre le petit commerce... (Exclamations, brouhaha.)Oui, Monsieur Desplanches, je trouve que c'est scandaleux ! Vous ne m'avez jamais entendu critiquer la qualification des gens. En revanche, il y a effectivement un certain nombre de phénomènes économiques que je dénonce, que j'ai dénoncés et que je continuerai à dénoncer. Vous avez la prétention de croire que, parce que vous êtes responsable économique, vous détenez la vérité. Moi, en tant que responsable syndical, j'estime que je fais au mieux mon travail en défendant les gens qui m'ont confié leurs intérêts. De ce point de vue là, je n'ai donc pas de leçon à recevoir et je n'accepte pas qu'on interprète mes propos !

Cela étant dit, je voudrais revenir sur la disparition du petit commerce. Statistiquement, pendant les années 90, le petit commerce à Genève a effectivement diminué. Nous avions une trame économique très importante comparativement à Lyon - ville comparable au niveau statistique - où les petits commerces sont cinq fois, voire dix fois moins nombreux. Durant les années 90, la disparition des petits commerces a non seulement été due à la crise économique, mais surtout à l'accaparement des plages horaires, des plages économiques par les grands commerces, et cela va continuer. Comme l'a dit M. Jean Spielmann, non seulement il y a une politique désastreuse au niveau de l'animation du centre-ville et de l'orientation économique qu'a prise ce centre-ville, mais au niveau intrinsèque des conditions-cadre - dont a parlé M. Kunz - celles-ci ne permettront pas de maintenir le tissu économique de notre canton tel qu'il est aujourd'hui. Demain, nous irons tous dans des centres commerciaux qui offriront un achalandage type, qui n'offriront plus la diversité telle que nous la connaissons encore aujourd'hui.

M. Carlo Lamprecht, conseiller d'Etat. Nous venons de vivre un riche débat, un débat important parce qu'il aura permis aux députés qui ne font pas partie de la commission de l'économie ou qui n'ont pas participé aux discussions entre partenaires sociaux de voir la nature des enjeux. Cela fait quatre ans que le débat a été lancé pour modifier la LHFM et, aujourd'hui, nous sommes arrivés au terme de la concertation, avec des accords qui font l'objet d'un paquet. Ces quatre ans, bien sûr, ont été parsemés d'embûches. D'une part, il y avait celles et ceux qui souhaitaient un assouplissement des horaires d'ouverture - c'est-à-dire les commerçants, mais aussi les consommateurs - et, de l'autre côté, il y avait celles et ceux qui se préoccupaient, à juste titre, des conditions de travail et qui réclamaient en contrepartie une convention collective couvrant l'ensemble du secteur du commerce de détail. J'ai assisté à la plupart de ces débats: ils ont été difficiles, chacun a fait état de ses revendications, chacun a travaillé à la défense de ses intérêts, mais de façon très courtoise. Et c'est cela, la politique: c'est arriver à se mettre autour d'une table et à trouver des solutions, car c'est pour cela que nous sommes élus. L'accord est intervenu, dans le cadre de mon département, le 21 décembre 2000. Le temps passe vite, puisque voilà déjà une année que nous avons décidé de présenter ce projet de modification devant le Grand Conseil.

Ce soir, je rappellerai encore une fois les quatre axes majeurs de cet accord. Premièrement, des nouveaux horaires d'ouverture pour les commerces: j'y reviendrai, mais en l'état ce n'est pas une grande révolution, c'est un progrès bien sûr, mais ce n'est pas une grande révolution. Ensuite, une nouvelle convention collective de travail destinée à être étendue à toutes les entreprises de cinq employés et plus. Puis, une réglementation des magasins attenant aux stations-service. Enfin, un protocole d'accord entre les partenaires sociaux, que je m'engage à faire respecter, pour que tout aille pour le mieux dans le meilleur des mondes.

S'agissant des horaires d'ouverture, je rappelle que l'arrêt du Tribunal fédéral de 1997 aurait permis à tous les commerçants de garder leurs magasins ouverts jusqu'à 19h30. Ils ne l'ont pas fait, parce qu'ils souhaitaient arriver à un accord entre partenaires sociaux. Ils auraient pu le faire, ils ne l'ont pas fait, je les en remercie. Concrètement, qu'impliquent ces nouveaux horaires ? Une demi-heure de moins le lundi, le mardi et le mercredi, une heure de plus le jeudi, le statu quo le vendredi et une heure de plus le samedi pour les magasins non alimentaires. Ce n'est tout de même pas une très grande révolution. D'autant que, parallèlement, une convention collective cadre, longtemps réclamée par les partenaires sociaux, constitue l'aboutissement de ce projet de modification des heures d'ouverture. Elle touche, on l'a dit, entre 6000 et 7000 personnes sur les 19 000 travailleurs du secteur. C'est un progrès et on pourra sans doute, petit à petit, aller de l'avant dans ce domaine et étendre encore la protection sociale.

Mesdames et Messieurs, je crois que ce projet constitue un progrès, un progrès pour tout le monde. C'est véritablement un accord gagnant-gagnant et un premier pas important. Le Conseil d'Etat vous invite donc vraiment à le soutenir. (Applaudissements.)

Le président. Bien, nous allons voter ce projet en premier débat. Je prie chacun de regagner sa place. Monsieur Froidevaux, vous ne pourrez pas voter si vous restez là où vous êtes... Le vote électronique est lancé...

Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat par 73 oui contre 11 non et 2 abstentions.

(Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que l'article 4.

Le président. Nous sommes saisis d'un amendement à l'article 6. Madame Bolay, vous avez la parole.

Mme Loly Bolay (S). Le groupe socialiste propose un amendement à l'article 6, dont je vais expliquer le pourquoi et le comment. Nous avons été interpellés par une émission de la Télévision suisse romande, dénonçant les pratiques des stations-service, qui vendent de l'alcool à des mineurs, en violation de la loi qui stipule bien l'interdiction. C'est par ailleurs une interpellation de M. Dethurens qui nous a poussés à vous proposer cet amendement.

M. Blaise Matthey (L). Je crois que nous éprouvons tous de la sympathie et de la compréhension pour l'amendement déposé. Néanmoins, le problème posé dépasse le cadre de le jeunesse et des stations-service: en fait, le problème, c'est l'accès des conducteurs à l'alcool et, pour ce qui est des jeunes, leur accès à l'alcool indépendamment des stations-service. Ce problème est tellement important que nous vous proposons de lui consacrer un débat particulier, auquel nous sommes tout à fait prêts à participer, ceci dans un cadre légal plus adapté que la loi dont nous débattons ce soir. En effet, nous pensons qu'accepter cet amendement reviendrait à y introduire un corps étranger.

Le président. Il est vrai que, du point de vue de l'unité de la matière, cet amendement est un peu délicat... Monsieur Follonier, vous avez la parole.

M. Jacques Follonier (R). Sur le fond, cet amendement est tout à fait logique et nous le soutenons. Néanmoins, force est de constater qu'il n'a pas sa raison d'être dans ce projet de loi. Pour notre part, nous sommes prêts à soutenir aussi bien une limitation, voire une interdiction de l'alcool dans les stations-service, mais dans le cadre d'un autre projet de loi. Nous demandons donc aux initiants de bien vouloir retirer cet amendement.

Mme Loly Bolay (S). Messieurs, je vous ai reçus cinq sur cinq ! Le groupe socialiste est d'accord avec ce que vous venez de dire et nous retirons donc cet amendement. Mais nous reviendrons avec un autre projet, qui ira peut-être plus loin. (Applaudissements.)

Mis aux voix, l'article 6 est adopté.

Le président. A l'article 9, nous sommes saisis d'un amendement présenté par M. Grobet...

M. Christian Grobet (AdG). Comme notre groupe l'a très clairement indiqué, nous sommes opposés aux prolongations d'horaire du personnel de vente, même si visiblement le rapport de majorité estime qu'il faut s'aligner sur le libéralisme des autres cités... (Exclamations.)Vous ne vous étonnerez donc pas, Mesdames et Messieurs, que nous demandions la suppression de l'alinéa 2 de l'article 9, qui prévoit la fermeture des magasins à 19h30, en dérogation à l'heure habituelle de 19h !

Le président. Je mets aux voix la suppression de l'alinéa 2 de l'article 9.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté.

Mis aux voix, l'article 9 est adopté, de même que l'article 13 (abrogé).

Le président. Nous sommes saisis d'un amendement à l'article 14... Monsieur Grobet, vous avez la parole.

M. Christian Grobet (AdG). Nous nous opposons à l'introduction de cet article 14 et nous demandons que l'on vote sa suppression à l'appel nominal !

M. Olivier Vaucher. L'appel nominal est-il soutenu ?

Le président. La parole est à M. Vanek...

M. Pierre Vanek (AdG). Monsieur le président, je voulais demander, comme mon collègue Grobet qui a anticipé ma demande, l'appel nominal, qui est évidemment soutenu par notre groupe, sur cette question clé de l'extension des nocturnes de 20h à 21h. Il s'agit donc, en l'occurrence, d'un amendement de l'Alliance de gauche consistant à supprimer l'article 14.

M. Charles Beer (S), rapporteur de majorité. Pour ma part, je soutiens également l'appel nominal et, dans le cadre de cette demande, je réponds avec un petit décalage à M. Grobet, qui était déjà intervenu sur l'article 9. Comme, pour moi, le plat de résistance est bien l'article 14, je me permets de lui signifier ceci. Puisqu'il a cru bon de dénoncer l'alignement du rapporteur de majorité, je lui dirai qu'en opposition à la logique de celles et ceux qui voient la vie en termes d'alignement, il existe une autre logique qui a quelquefois sa place et qui est celle de l'accord, ce qui me fera défendre jusqu'au bout l'accord intervenu et voter contre cet amendement !

Le président. L'appel nominal est-il soutenu ? C'est le cas, nous lançons le vote... (Le président est interpellé.)Je croyais, Monsieur Vanek, que vous aviez renoncé à prendre la parole... (Commentaires.)Monsieur Dupraz, je n'ai pas besoin de vos conseils ! Monsieur Vanek, vous avez la parole !

M. Pierre Vanek (AdG). Merci, Monsieur le président. Je ne voudrais pas prolonger ce débat... (Exclamations, huées.)...mais, sur le point qu'évoquait M. Beer à l'instant, en disant que des logiques différentes sous-tendent, d'un côté, des prises de position claires sur les principes et, de l'autre, des accords, il a parfaitement raison. Je conçois que des syndicalistes négocient des accords, qu'à l'occasion ils acceptent des accords qui ne leur donnent pas satisfaction, parce que le rapport de forces n'est pas favorable, ou parce que d'autres considérations entrent en jeu. Tout cela est parfaitement acceptable, parfaitement honorable, tout fait partie du travail d'un syndicaliste. Mais ici, dans ce parlement, nous n'avons pas été élus pour simplement avaliser des accords qui ont été pris en dehors de ce parlement. Nous sommes ici pour défendre des positions de principe sur un certain nombre de questions sociales et politiques notamment.

En l'occurrence, notre groupe a une position de principe qui consiste à refuser d'aller dans le sens des ouvertures nocturnes, dans le sens de la «flexibilisation» de la vie quotidienne de tout un chacun, qui répond effectivement, selon la formule lapidaire qu'a eue mon collègue Grobet, aux exigences du néolibéralisme... (Exclamations.)De ce point de vue, j'aimerais dire à M. Beer que, pour arriver à un certain nombre d'accords dans le champ syndical, il a tout intérêt à ce que, dans le champ politique - qui a une logique différente - un certain nombre de partis, de groupes politiques défendent quelques positions de principe, aient pour le moins une colonne vertébrale en la matière ! (Exclamations.)Oui, Mesdames et Messieurs, nous ne sommes pas ici simplement pour avaliser des négociations qui ont eu lieu en dehors de cette enceinte: nous sommes ici pour défendre un certain nombre de visions du développement de la société, et de la société genevoise en particulier.

A cet égard, vous avez eu raison de dire, Monsieur Beer, que l'article 14 est le plat de résistance: pour notre part, nous ne voulons pas aller dans le sens du développement des nocturnes à tous crins. Vous savez très bien, les uns et les autres dans cette enceinte, que ceci est conçu par d'aucuns comme n'étant qu'un premier pas - ou un deuxième, me souffle mon collègue Pagani. Pierre Kunz hoche la tête et il a raison. Il l'a dit très franchement tout à l'heure: il y a une opposition entre ses positions - et vous admettrez que, s'agissant de savoir qui défend le petit commerce, ce n'est en tout cas pas lui ! - et les positions des gens qui défendent clairement une régulation sociale un peu intelligente, une vision qui s'oppose au néolibéralisme, qui défend les travailleurs et qui, concrètement dans cette histoire - l'UDC l'a reconnu - est aussi dans l'intérêt du petit commerce, par rapport au développement des grandes surfaces.

Vous me permettrez, Monsieur le président, de conclure en disant que j'invite cette assemblée à ne pas réfléchir en termes politiciens, en termes comptables, en se demandant seulement si, dans cet accord et sur le papier, on a plus gagné d'un côté que de l'autre. Ce n'est pas le rôle des députés de faire ce type de calcul: ici, nous devons prendre des positions sur le fond et avoir le courage de les défendre, comme l'a fait mon ami et camarade Rémy Pagani tout à l'heure !

M. John Dupraz (R). Je crois que le parlement est avant tout la représentation du peuple et qu'il doit être à l'écoute de ce qui se passe dans la République. En l'occurrence, les partenaires sociaux, dans une telle problématique, sont des acteurs importants et le parlement ne doit pas être insensible aux accords qu'ils ont passés concernant les heures d'ouverture des magasins et les nocturnes.

Mesdames et Messieurs, permettez-moi de vous faire part d'une expérience que j'ai vécue au niveau national, concernant la loi sur le travail. Feu M. Delamuraz nous avait dit, au parlement et à ses amis radicaux, que nous allions trop loin, que, si nous votions tel amendement, le Conseil fédéral ne soutiendrait pas cette loi sur le travail et qu'il y aurait un référendum. Or, nous étions quelques radicaux, un peu plus éclairés que les autres... (Rires et exclamations.)

Le président. Un peu de modestie, Monsieur Dupraz !

M. John Dupraz. ...qui avions suivi le Conseil fédéral - car c'est le rôle d'un parti gouvernemental de soutenir le gouvernement et c'est ce que nous faisons ce soir à propos de cette loi. Nous n'avions donc pas soutenu cet amendement, qui avait passé, et au vote final, avec mon collègue Tschopp, nous avions voté contre la loi, au grand dam de toute la droite. Et le peuple, ensuite, nous avait donné raison.

Mesdames et Messieurs, nous ne pouvons pas, dans des problèmes aussi délicats, négliger et occulter les accords entre partenaires sociaux. M. Vanek nous parle de principes, de dogme, mais les gens ne vivent pas avec le dogme: les gens vivent avec les réalités... (L'orateur est interpellé par M. Vanek.)

Le président. Monsieur Vanek, s'il vous plaît, laissez parler M. Dupraz !

M. John Dupraz. ...et les réalités, c'est ce qui se pratique tous les jours, c'est ce que font les syndicalistes des représentations patronale et ouvrière pour trouver des solutions aux problèmes de notre société. Mesdames et Messieurs, suivre l'Alliance de gauche et Pagani, qui sème la pagaille dans cette République depuis plus de trente ans... (Rires et exclamations.)...c'est préférer que les consommateurs de Genève aillent faire leurs achats en France parce qu'on se tient au dogme et à la rigueur d'une heure de fermeture à 18h, plutôt que d'accepter un accord intelligent, équilibré et cautionné par les partenaires sociaux, par les représentants des employés et des employeurs.

En l'occurrence, le choix des radicaux est fait: nous soutenons le rapport de majorité, parce que c'est le bon sens, parce que c'est l'intérêt des travailleurs et des patrons. C'est l'intérêt de la République et l'avenir du canton qui est en jeu ! (Applaudissements.)

M. Charles Beer (S), rapporteur de majorité. J'aimerais brièvement rappeler que la société civile a un rôle à jouer dans cette République. Pouvoir passer un certain nombre d'accords et être écoutés par les milieux politiques permet d'atteindre un équilibre dans l'art du fonctionnement démocratique. Je pense que cette espèce de symbiose entre la société civile - en l'occurrence les partenaires sociaux - et le monde politique est plutôt une bonne chose. Et, du reste, j'ai tendance à penser que M. Vanek me rejoint dans cette conception lorsqu'il s'agit de discuter les accords passés entre le Conseil d'Etat et le Cartel intersyndical de la fonction publique ! J'applaudis, moi aussi, régulièrement cette méthode de travail, car je suis d'avis que nous n'avons pas, en tant que parlement, à défaire des accords qui ont été passés, que ce soit dans le privé ou dans le public. C'est dire que, pour ma part, je ne pratique pas l'art politique à géométrie variable !

Cela mis en évidence, je rappellerai que ce qui est aujourd'hui au centre du débat - j'ai dit tout à l'heure que c'était le plat de résistance - c'est bel et bien la nocturne à 21h, mais, de l'autre côté, c'est aussi l'introduction d'un salaire minimum à 3200 F et la suppression du travail sur appel. Et les gens qui refuseront l'introduction de la nocturne à 21h, refuseront le salaire minimum de 3200 F pour 5000 vendeurs et vendeuses ! Je terminerai en disant que dénoncer à travers ce texte le néolibéralisme, c'est tout simplement, pour moi, de la néobouffonerie ! (Exclamations et applaudissements.)

M. Pierre Kunz (R). Quand on a dépassé la cinquantaine - et nettement ! - on éprouve parfois quelque coquetterie  M. Vanek m'a affublé d'une casquette que je me sens obligé de rejeter, à savoir celle de défenseur du gros commerce. Eh bien, c'est faux, Monsieur Vanek. Si vous venez une fois à Balexert - et je vous offrirai volontiers un café à cette occasion - vous verrez que Balexert s'est agrandi essentiellement en développant le nombre de petits commerçants. Chose dite, chose enregistrée au Mémorial !

Le président. Voilà ! Si tout le monde s'y met, nous ne sommes pas sortis de l'auberge ! Monsieur Vanek, vous avez la parole... (Brouhaha.)

M. Pierre Vanek (AdG). Monsieur Kunz, vous pourrez me payer un café à la buvette tout à l'heure, je n'irai pas le prendre à Balexert... (Exclamations.)Oh, je n'ai rien en particulier contre l'honorable centre commercial que vous dirigez. Mais, il y a un certain nombre d'années, j'ai décidé de vivre conformément à des convictions que j'ai dans d'autres domaines et que j'étale ici parfois, notamment écologiques: je n'ai ainsi pas de voiture et aller à Balexert, ce n'est pas l'idéal...

Des voix. Il y a des bus !

M. Pierre Vanek. ...je fais l'essentiel de mes courses dans les petits magasins, la petite Coop de mon quartier. On a voulu les fermer à l'époque et, si elles n'ont pas été fermées, c'est aussi grâce à mon soutien et au fait que j'y fais mes achats. Mais tout ceci concernant ma vie privée est une parenthèse...

M. Beer s'indigne que j'aie pu dire qu'il était en quelque sorte le représentant d'un certain nombre de tendances néolibérales. A ce sujet, je l'invite quand même à réfléchir aux applaudissements enthousiastes et aux mines réjouies sur les bancs d'en face, chez les libéraux, quand il développait son argumentation pour me répondre. Je crois, Monsieur Beer, que votre argumentation serait un peu plus crédible si vos partenaires d'en face n'étaient pas si enthousiastes devant vos discours...

Des voix. Jaloux !

M. Pierre Vanek. Non, je ne suis pas jaloux des applaudissements du parti libéral, il peut les garder...

Le président. S'il vous plaît, ce débat avait une bonne tenue jusqu'ici...

M. Pierre Vanek. Je préfère les applaudissements, aussi peu nombreux soient-ils, de mon groupe, et avoir la conscience tranquille !

Par ailleurs, M. Beer a soulevé la question des accords entre le Cartel et son employeur, le Conseil d'Etat, en disant que nous les approuvions et que nous pensions ne pas avoir à nous en mêler. Concernant ces accords-là, nous sommes en effet pour des négociations, je l'ai dit tout à l'heure, des négociations les plus musclées possibles du côté syndical, avec les employeurs; nous pensons effectivement que nous n'avons pas à nous en mêler et à régenter ici les conditions de travail de la fonction publique. Mais ce que vous nous dites, c'est le contraire: vous nous dites que nous devons nous prononcer pour les prolongations d'ouverture parce qu'en dépendent les conditions de travail, telle norme salariale, tel autre accord que vous avez pu passer... Pour ma part, je dis simplement ceci: à chacun son rôle, Monsieur Beer ! Dans cette enceinte, nous devons maintenir un certain nombre de principes en matière d'heures d'ouverture des magasins.

A ce sujet, les points de vue sont différents, nous avons d'ailleurs été mouchés par le Tribunal fédéral...

Une voix. Bien fait !

M. Pierre Vanek. ...précisément parce que nous avions voulu, à tort ou à raison, introduire dans la loi sur les heures de fermeture des magasins des dispositions de protection des travailleurs, des dispositions en matière d'heures de fermeture des magasins, de libération du personnel, etc.

Ce soir, nous avons à nous prononcer clairement sur un certain nombre de choses. Il y a des partisans - je conçois qu'ils puissent défendre cette position et je suis prêt à les écouter si ce n'est à les suivre - d'ouvertures nocturnes extrêmement étendues, comme M. Kunz. De l'autre côté, il y a des gens comme nous qui disons que c'est mettre le doigt dans l'engrenage d'une déréglementation, d'une flexibilisation maximum des conditions de travail de tout un chacun. C'est du reste cette flexibilisation des horaires dans tous les secteurs qui fait que les travailleurs ont «besoin» - un besoin créé artificiellement - d'aller faire leurs courses à des heures indues. Nous disons que, sur ce terrain-là, nous devons opposer une résistance.

Maintenant, s'agissant de se battre pour une amélioration des conditions de travail des vendeuses et des vendeurs, vous savez très bien, Monsieur Beer, que vous nous trouverez en première ligne, ou en appui sur toutes ces questions, dans toute la mesure du possible. Il n'est donc pas correct d'utiliser cet argument, comme vous le faites, d'autant que d'autres ont reconnu, notamment mon ami Alain Charbonnier au nom du PS, que toute cette loi n'était pas très bonne. Nous avons donc le droit de défendre cette position et de voter contre cette ouverture prolongée.

Nous sommes jeudi soir et, durant la pause, j'étais en ville: je vous assure que, dans un certain nombre de magasins, c'est le désert peu avant 20h, un désert qui n'est pas vraiment de nature à démontrer qu'il existe un réel besoin social, auquel répondrait cette modification législative que vous nous proposez... Je réitère ce que j'ai dit: nous devons voter non à cette extension des ouvertures nocturnes, qui n'est qu'un premier pas vers autre chose. Je vous le rappellerai quand certains viendront avec le deuxième ou le troisième pas ! (Applaudissements et exclamations.)

Le président. S'il vous plaît, Mesdames et Messieurs ! Le débat commence à sentir la fatigue... Essayez de retrouver un peu de sérénité. Je vous signale que nous sommes au premier point de notre ordre du jour, qui en compte cent septante ! Je passe la parole à M. Grobet...

M. Christian Grobet (AdG). Tout à l'heure le rapporteur de majorité a évoqué l'accord conclu par les partenaires sociaux pour justifier l'adoption de cette loi. Qu'on s'entende bien, Monsieur Beer, vous qui avez cru devoir faire certaines remarques sur l'Alliance de gauche: nous sommes les premiers à soutenir l'action syndicale... (Commentaires.)...lorsqu'elle est bien menée, Monsieur Dupraz, si vous voulez que je précise les choses !

Le président. Monsieur Dupraz, cela suffit maintenant ! Vous intervenez sans arrêt !

M. Christian Grobet. Monsieur le président, vous avez vu quelle heure il est: il est passé 22h, l'heure fatidique... On ne s'étonne donc plus des propos de M. Dupraz !

Nous sommes les premiers à soutenir l'action syndicale, nous sommes bien entendu favorables à des accords qui seraient convenables, mais vous nous permettrez quand même, Monsieur Beer, de dire que l'accord que vous invoquez n'est, à notre avis, pas convenable. Nous ne pouvons l'accepter au seul prétexte d'obtenir un salaire minimum de 3200 F, qui reste quand même extraordinairement bas. Car, s'il y a des travailleuses et des travailleurs qui sont exploités dans notre canton, ce sont bien ceux du secteur de la vente de détail: les salaires et les horaires de travail dans cette branche sont inacceptables. Du reste, nous aimerions bien que M. Kunz, notamment, au lieu de nous donner des leçons d'économie, s'efforce de traiter un peu mieux le personnel de son magnifique complexe de Balexert !

Cela dit, nous sommes bien entendu en faveur d'un salaire minimum de 3200 F par mois, c'est la moindre des choses. Mais nous ne sommes pas d'accord que pour arriver à ce salaire, qui reste insuffisant, il faille prolonger les horaires de travail des travailleuses et les travailleurs de manière indécente... (Commentaires.)Quelques-uns d'entre vous feraient peut-être bien de discuter avec des travailleuses et des travailleurs dans les grands magasins ! Il eût d'ailleurs été intéressant que l'accord dont nous discutons ce soir ait été soumis au vote du personnel des magasins. Pour ma part, j'ai été frappé, au courant du mois de décembre, lorsque j'allais faire mes courses, d'entendre ce que les vendeuses, notamment, disaient au sujet de la prolongation de leur horaire de travail, alors qu'elles en avaient déjà plein les bottes ! En effet, il faut savoir que dans ce secteur certaines personnes commencent à 7h du matin, qu'elles ont une interruption de travail de trois, quatre ou cinq heures durant la journée, et qu'elle reprennent le collier à 16h pour finir à 19h ! Ce sont des journées interminables, tout particulièrement pour celles et ceux qui viennent d'ailleurs, à plusieurs kilomètres, de la France voisine notamment. On ne peut donc pas escamoter ce problème de l'exploitation d'un personnel, il est vrai, mal syndiqué.

Quant à moi, je pense, puisqu'on veut nous donner des leçons de démocratie, que la première chose aurait été, comme cela se fait dans certains syndicats, de consulter le personnel sur les conditions de travail qu'on lui proposait. Et je ne suis pas certain du tout, mais pas du tout, que le résultat aurait été en faveur de cette convention collective. Vous nous faites la leçon, Monsieur Beer, mais, moi, je me souviens d'une époque où les syndicats avaient un tout autre langage sur la prolongation des horaires de travail et savaient se montrer intraitables, allant jusqu'au Tribunal administratif s'il le fallait !

Alors, aujourd'hui, c'est vrai, c'est à la mode de vouloir prolonger les horaires de travail, de faire travailler les gens à des heures où cela n'est absolument pas nécessaire. Bien entendu, je ne discute pas la nécessité d'avoir du personnel vingt-quatre heures sur vingt-quatre dans les hôpitaux, ou dans les postes de police, ou au poste permanent des pompiers: il y a effectivement un certain nombre de services publics qui doivent nécessairement travailler vingt-quatre heures sur vingt-quatre, ou qui doivent avoir des horaires prolongés. En revanche, Mesdames et Messieurs, quels sont celles et ceux d'entre nous qui ne peuvent pas faire leurs courses pour 19h au plus tard ? Qui d'entre nous ne peut pas faire ses courses avant 17h le samedi après-midi ? Alors que certains pays respectent le personnel de vente et lui garantissent un week-end minimum, dès 13h le samedi après-midi, ici, on veut qu'il travaille jusqu'à 18h ou 19h le samedi soir et le 24 décembre avant la Fête de Noël ! Cet appât du gain, cette course au fric d'un certain nombre de personnes sur les bancs d'en face a quelque chose d'indécent ! Et quand vous osez parler de néobouffonerie, Monsieur Beer, vous me permettrez de dire qu'en votre qualité de syndicaliste vous avez perdu une excellente occasion de vous taire !

Quant à la pagaille que vous osez évoquer, Monsieur Dupraz, en parlant de M. Pagani, qui est un homme désintéressé, qui a fait ses preuves... (Commentaires.)

Le président. Restez dans le sujet, Monsieur Grobet, s'il vous plaît !

M. Christian Grobet. ...vous avez, vous aussi, perdu une bonne occasion de vous taire, parce que vous auriez mieux fait de parler de la pagaille semée par des gens de votre parti aux offices des poursuites par exemple !

Le président. Ne provoquez pas, Monsieur Grobet...

M. Christian Grobet. Et je pourrai citer d'autres exemples, si vous le voulez, en passant par la Banque cantonale... (Protestations.)...ou d'autres établissements publics que vos milieux ont pillés, ont mis à genoux ! Enfin, quand vous avez l'audace de venir dire qu'au Conseil national...

Le président. Monsieur Grobet, s'il vous plaît !

M. Christian Grobet. ...vous aviez voté contre la loi sur le travail, alors que vous avez voté, entre parenthèses, pour le démantèlement des PTT, des CFF et de tout le reste... (Exclamations, protestations.)...quand vous venez dire que vous avez voté contre la LT pour qu'il y ait référendum, je me demande combien de signatures vous avez récoltées ! Et ce que vous avez oublié de dire, c'est que le référendum contre la loi sur le travail, lancé par certains milieux qui ont également... (Invectives.)Arrêtez de m'interrompre, Monsieur !

Le président. Monsieur Grobet, il vous reste une minute !

M. Christian Grobet. Monsieur Dupraz, qui vantez aujourd'hui cet accord entre les partenaires sociaux, vous avez oublié de dire que la loi sur le travail, contre laquelle vous avez voté et contre laquelle nous avons lancé un référendum que nous avons gagné devant le peuple, avait reçu la bénédiction des partenaires sociaux, voyez-vous ! Alors, je crois qu'il faudrait être un peu plus modeste dans vos propos !

Le président. Monsieur Mouhanna, vous avez la parole. Essayez de rétablir le calme, je vous en saurai gré !

M. Souhail Mouhanna (AdG). Monsieur le président, je vais essayer de parler très calmement et j'espère qu'on m'écoutera avec le même calme ! Tout d'abord, à propos des accords passés entre le Conseil d'Etat et le Cartel intersyndical de la fonction publique, j'ai entendu certains députés, notamment M. Dupraz, dire qu'il fallait respecter les accords entre les partenaires sociaux. Quant à moi, j'approuve absolument le fait que le parlement respecte la politique contractuelle entre l'Etat patron et les organisations syndicales de la fonction publique. Mais mes souvenirs me font dire que dans les années 90, par exemple, le Conseil d'Etat a, à plusieurs reprises, violé ces accords, ne les a pas respectés... Et, pour avoir suivi les positions défendues dans ce Grand Conseil, je peux dire que beaucoup sur les bancs de droite ont applaudi à cette violation des accords et de la loi sur les traitements de la fonction publique ! Voilà pour la première rectification.

La deuxième rectification que je voudrais faire concerne justement la loi sur le travail. J'apprends, avec plaisir, que M. Dupraz avait voté contre cette loi sur le travail - je parle de la première, de celle qui a été balayée par le référendum. A cet égard, je me souviens qu'un certain nombre de personnes, à Genève, étaient dans la rue pour récolter des signatures et, parmi ces personnes, il y avait un certain Pierre Vanek qui, à lui seul, a récolté des milliers de signatures ! Je ne crois pas que les signataires de ce référendum savaient tous quels étaient les conseillers nationaux qui avaient voté contre la loi sur le travail. Par contre, des milliers de gens savaient que notre mouvement était parmi les principaux adversaires de cette loi et beaucoup savaient que Pierre Vanek était parmi les plus enthousiastes pour balayer ce texte, qui représentait une régression absolument inadmissible, s'agissant des conditions de travail.

Je voudrais dire une dernière chose. Concernant les accords qui sont passés dans tel ou tel secteur par les syndicats et les milieux patronaux, il est vrai qu'il y a parfois des mécontents, des organisations syndicales qui ne sont parfois pas d'accord. Mais actuellement, il est évident que nous assistons à une véritable course à la sous-enchère, aussi bien au niveau salarial qu'au niveau des conditions de travail. On a parlé tout à l'heure de celles et de ceux qui vont en France voisine pour faire leurs courses: chacun sait qu'avec les accords bilatéraux il y aura bientôt la libre circulation des biens et des personnes et qu'on pourra aller acheter au-delà d'une certaine limite en France voisine. En l'occurrence, que va-t-il se passer ? Eh bien, on va essayer de dire que, oui, à côté les entreprises gagnent plus d'argent, qu'il faut baisser les prix et, pour baisser les prix, on diminue les salaires, on aggrave les conditions de travail et la sous-enchère continue !

Pour nous, pour notre mouvement, le meilleur moyen de contribuer au développement de notre économie, de l'économie genevoise, c'est d'augmenter le pouvoir d'achat des salariés, d'améliorer leurs conditions de travail, pour qu'ils puissent effectivement trouver le temps d'avoir un minimum de vie familiale et un minimum de loisirs.

J'ajouterai, Mesdames et Messieurs, que ce n'est pas parce que vous augmenterez la durée d'ouverture des magasins que les gens vont pouvoir acheter davantage: ils ne peuvent acheter qu'avec les moyens qu'ils ont et ceux-ci sont limités, vous le savez très bien ! Si vous voulez qu'ils achètent davantage et à Genève, eh bien il faut que leur pouvoir d'achat soit augmenté. Mais on sait que la hantise des bancs de droite, c'est que les travailleurs soient combatifs pour obtenir une augmentation de leur salaire et une amélioration de leurs conditions de travail !

Je terminerai par une chose que beaucoup, sans doute, ne savent pas: l'immense majorité des conquêtes sociales obtenues par les travailleurs ont été, à l'origine, l'oeuvre d'une minorité de syndicalistes. C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs, nous n'avons pas honte d'être minoritaires ce soir !

Le président. Mesdames et Messieurs, le Bureau vous suggère de clore la liste des intervenants... Si personne ne s'y oppose, il en sera fait ainsi. Je donne la parole à M. Pagani.

M. Rémy Pagani (AdG), rapporteur de minorité. D'abord, j'aimerais faire une motion d'ordre ! A partir de 22h, M. John «Dubar» devrait s'en retourner à son bar favori, parce que les débats prennent une tournure intenable et qu'il est, toujours, principalement responsable de cette situation... (Exclamations, protestations.)

Le président. Monsieur Pagani, je ne peux pas vous donner tout à fait tort, mais ne relancez pas la polémique, s'il vous plaît...

M. Rémy Pagani. Monsieur le président, je trouve que vous devriez sévir, parce que cela se produit continuellement à partir de 22h et c'est insupportable !

Cela dit, en ce qui concerne l'argumentation du tout à la grande surface, j'aimerais dire ici - et c'est un point qui n'a pas été relevé - qu'elle est complètement ringarde ! Pour ceux qui ne le savent pas, j'indiquerai que les grandes surfaces, aujourd'hui, en France, sont en train d'être légalement limitées, parce que le gouvernement français, le premier, s'est aperçu que cette politique du tout à la grande surface ne permettait pas une diversification du service à la clientèle. Quand M. Kunz nous dit que son centre commercial abrite des petits commerçants, il oublie de dire que ceux-ci sont obligés de suivre les horaires d'ouverture des grandes surfaces et qu'ainsi on leur casse en quelque sorte les reins, puisqu'ils n'ont pas la capacité financière de respecter des horaires d'ouverture aussi larges que la Migros ou autres grandes surfaces. Il y a donc un fréquent roulement des petits commerçants et de nombreuses faillites parmi eux. En l'occurrence, la France voisine a mis un terme à cette politique et n'autorise plus que très rarement la construction de grandes surfaces.

Par ailleurs, alors que nous nous étions tenus à un discours de députés, M. Charles Beer a fait glisser le débat en tenant un discours de syndicaliste. Alors, permettez-moi de faire une petite parenthèse: Monsieur Charles Beer, en tant que syndicaliste, je trouve regrettable que vous puissiez vous appuyer sur cette notion désuète de salaire minimum. Le salaire minimum est une notion qui défavorise l'ensemble des salariés, parce qu'il fixe les salaires au bas de l'échelle, indépendamment de la situation conjoncturelle. Vous savez très bien que les salaires, dans les moments de haute conjoncture, peuvent prendre l'ascenseur grâce à la libre concurrence. Or, le fait de définir un salaire minimum ne permet justement pas aux salariés de profiter de ces moments exceptionnels de haute conjoncture. Je trouve donc déplorable, d'un point de vue syndicaliste, qu'on puisse argumenter sur le salaire minimum.

De plus, comment peut-on dire que les 3200 F qui sont prévus dans cette convention collective sont exceptionnels ? Je rappelle, Mesdames et Messieurs, que, depuis 1990, il y a eu 25% d'inflation et que le salaire dans la vente - je le sais très bien puisque je défendais ce secteur à l'époque et que j'étais signataire de la convention collective de la vente non alimentaire - le salaire dans le secteur de la vente n'a bougé que de 100 F ! Donc, de fait, le salaire que M. Beer défend bec et ongles ne correspond plus aujourd'hui qu'à 2400 F en termes réels, et je suis encore bon prince ! Défendre aujourd'hui des salaires aussi bas, aussi misérables, ne fait que confirmer la position que j'ai toujours eue: il y a encore un certain nombre de syndicats qui n'ont pas compris que, dans ce secteur économique, il faut se battre, organiser les salariés pour construire un rapport de forces, plutôt que de céder dans des compromis inacceptables !

M. Jean Spielmann (AdG). Par rapport au débat qui s'instaure à propos de la relation syndicale avec les décisions qui sont prises ici, permettez-moi quelques observations. Premièrement, tout le monde sait que, dans le secteur de la vente, il est extrêmement difficile pour une employée - la plupart des employés du secteur sont des femmes - d'être active sur le terrain syndical. Pendant des années, il a même été fait la chasse à tous ceux qui osaient faire du syndicalisme dans les magasins. Le taux de syndicalisation est donc très bas, vu les difficultés considérables pour déployer une activité syndicale dans ce secteur. Le personnel de vente est particulièrement vulnérable en raison des pressions économiques et du manque d'organisation dans la lutte. Qu'on ait réussi, dans le cadre de cette convention, à mettre en place un cadre plus favorable pour ces femmes, d'accord, c'est bien. Mais s'ils ont accepté quelques petites améliorations certainement souhaitables de la convention collective, c'est parce le patronat, l'ensemble de la droite de ce parlement ne réussissaient pas à faire passer l'ouverture des magasins jusqu'à 21h et les modifications législatives nécessaires, parce qu'ils avaient perdu devant le peuple ! Alors, qu'on ne vienne pas maintenant nous expliquer que cet accord lie, pieds et poings liés, tous ceux qui, dans ce canton, considèrent que les femmes travaillant dans les commerces ont le droit à vivre une vie plus normale que celle que vous leur imposez. Le fait que le patronat, ayant cédé quelques petites bribes, veut maintenant imposer son diktat à l'ensemble du personnel nous pose un problème.

En effet, ce sont principalement les femmes qui seront victimes de cette politique. Ces femmes qui devront travailler tard le soir ont souvent des charges de famille, doivent s'occuper de leur maison et ont des problèmes considérables. Ceux qui, dans l'angle de cette salle, défendent habituellement la famille, où sont-ils aujourd'hui ? Pourquoi acceptent-ils que les femmes doivent travailler dans des conditions difficiles, le soir après 19h, voire jusqu'à 21h, qu'elles doivent rentrer à la maison à des heures indues et qu'elles ne puissent plus s'occuper de leur famille, alors que tout le monde dit qu'il faut améliorer les relations sociales, préserver la vie familiale ? Ces femmes commencent tôt le matin, elles ont des interruptions de travail dans la journée durant lesquelles elles ne peuvent rien faire, ensuite elles reprennent le travail jusque tard le soir... (Commentaires.)Oui, rien faire, Monsieur Blanc ! En effet, donner congé aux employées deux ou trois heures au milieu de l'après-midi ou au milieu de la matinée, quand les enfants sont à l'école, et les obliger à travailler tard le soir, jusque après le souper, alors que les enfants sont rentrés, je ne trouve pas cela normal ! Et puisque vous défendez cela, vous qui défendez en principe une politique de la famille, j'entends que vous nous donniez quelques explications.

Ce sont les plus vulnérables de notre société, celles qui ont des difficultés économiques, des difficultés à joindre les deux bouts, celles qui ont des charges de famille qui seront punies sévèrement par la loi que vous mettez en place. Alors, ce n'est pas parce qu'on a obtenu quelques améliorations, parce que le patronat a cédé un peu sur ce terrain-là, que nous trouvons acceptable cette loi qui oblige les femmes employées dans les magasins à travailler jusqu'à 21h.

L'autre partie du problème - un amendement à ce sujet vous sera proposé tout à l'heure - c'est de savoir si, effectivement, le personnel travaillant dans la vente accepte ces changements d'horaire. Alors, acceptez l'amendement que nous présentons, acceptez que le personnel puisse voter démocratiquement, sur son lieu de travail, sur la manière dont il entend travailler et sur les heures d'ouverture et de fermeture des magasins. A ce moment-là, vous pourrez venir dire que vous défendez les employés, les accords et la démocratie ! Dans les organisations syndicales responsables, avant de prendre une décision, avant de signer des accords au sommet entre organisations syndicales et patronales, on fait voter le personnel, on lui demande son avis: c'est cela aussi la démocratie !

Voilà donc pour répondre aux insultes à notre égard. Oui, nous défendons la vie familiale, nous défendons une vie décente ! Non, nous ne trouvons pas normal que les femmes soient les plus pénalisées dans cette société et qu'on puisse les obliger à travailler le soir ! Oui, nous considérons que s'occuper des enfants, avoir la possibilité de mener une vie de famille normale est une règle qui dépasse de loin les intérêts commerciaux des surfaces commerciales. Enfin, nous considérons qu'un syndicat doit être démocratique et que, pour qu'une décision soit démocratique, chacun doit pouvoir s'exprimer. Nous demandons donc que le personnel puisse voter et nous déposons un amendement dans ce sens.

M. Charles Beer (S), rapporteur de majorité. En ce qui concerne les conditions de travail du personnel de vente, j'aimerais préciser trois choses. Suite aux déclarations faites quant aux salaires insuffisants, je me permets de dire que je partage tout à fait ce point de vue. Si nous atteignons, avec la convention-cadre ou les conventions collectives de travail que nous signons aujourd'hui, un niveau acceptable, en termes comparatifs, par rapport aux autres villes de Suisse et d'Europe, nous n'avons en revanche, s'agissant de ce qu'on appelle la décence des conditions de travail, pas obtenu encore ce que nous souhaitons, mais nous progressons en direction du but visé.

Deuxièmement, concernant les horaires dans les magasins, je ne peux pas laisser dire que le projet vise à rallonger les horaires. En effet, là où on travaille 40 heures, on continuera à travailler 40 heures, et là où, aujourd'hui, on travaille 45 heures, on travaillera 42 heures ! A partir de là, préfère-t-on travailler 42 heures plutôt que 45 ? C'est la question qui se pose, même si l'amplitude horaire, elle, est modifiée. Il ne faut donc pas confondre l'amplitude horaire avec la durée du temps de travail. Mais je crois que c'est là quelque chose de trop précis, de trop détaillé pour certains...

Enfin, et c'est l'élément fondamental, on entend dire ici qu'il y aurait de bons accords et des mauvais, de brillants syndicalistes et des mauvais, des syndicalistes minoritaires extrêmement forts... Monsieur Grobet, je partage avec vous, et c'est ce qui fait nos valeurs communes, le sentiment que ces salaires sont insuffisants. Mais, si vous aviez la méthode, après quarante ans d'activité politique dont douze ans au gouvernement, pour améliorer ces salaires, nous aurions vu les choses progresser ! Quant à moi, je pense que l'accord que vous critiquez aujourd'hui nous permet de progresser, pas suffisamment, mais nous permet d'avancer. C'est un élément qui devait être relevé. Et puisqu'on évoque régulièrement d'autres expériences dans d'autres secteurs, j'aimerais dire qu'en ce qui concerne les bilans des uns et des autres - dans les commerces, ou à Swissair, ou ailleurs - je crois qu'il faut un peu de modestie en tant que syndicalistes, hommes et femmes de gauche. En effet, personne ne peut prétendre imposer ici des normes ISO de la négociation sociale et encore moins revoir le féminisme, pour laisser les femmes à la maison plutôt qu'abolir le travail sur appel !

M. Gilbert Catelain (UDC). J'aimerais ajouter un élément qui n'a pas pu être précisé dans le débat puisqu'il va intervenir au 1er mars de cette année. Il est prévu - je m'adresse à l'Alliance de gauche - que la franchise douanière passe à 300 F par personne, quel que soit l'âge, ce qui permettra à n'importe quel acheteur de bénéficier de la détaxe au niveau français. Les conditions-cadre dont on parlait tout à l'heure seront donc fondamentalement modifiées dès cette date.

Le président. Mesdames et Messieurs, nous passons au vote à l'appel nominal. (Appuyé.)Je vous demande de regagner vos places...

La proposition qui nous est faite est de supprimer l'article 14 «Fermeture retardée hebdomadaire (nouvelle teneur)». Le vote est lancé...

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 77 non contre 12 oui et 5 abstentions.

Appel nominal

Mis aux voix, l'article 14 est adopté, de même que les articles 14A, 15, 16, 18 ainsi que les articles 1 et 2 (soulignés).

Le président. Nous en sommes à l'article 3 (souligné). Monsieur Grobet, je vous passe la parole...

M. Christian Grobet (AdG). Je présente une proposition d'amendement à l'article 3 souligné. Celui-ci fixe une condition relative à l'entrée en vigueur de la loi et nous proposons d'en fixer une seconde. On a beaucoup parlé de cet accord entre les partenaires sociaux et nous avons les plus grands doutes quant au fait que le personnel concerné soit d'accord avec les nouveaux horaires proposés. Un certain nombre de syndicats organisent des votations sur de tels sujets, ouverts aussi bien à leurs membres qu'à l'ensemble du personnel, syndiqué ou non. C'est la raison pour laquelle nous proposons, car cela nous paraît tout à fait démocratique, que l'article 3 soit complété d'un alinéa 1 ayant la teneur suivante:

«Les modifications d'horaire de travail fixées par la présente loi sont soumises à une votation au bulletin secret, ouverte à l'ensemble du personnel concerné. La votation se fait par correspondance, elle est organisée par le service des votations et élections.»

Le texte actuel de l'article 3 deviendrait un alinéa 2 qui dirait:

«La présente loi sera caduque de plein droit si l'extension du champ d'application de la convention collective-cadre dans le commerce de détail n'est pas prononcée dans un délai de six mois à compter de sa promulgation;

ou si le personnel de vente refuse les horaires de travail dans le cadre de la votation organisée en vertu de l'alinéa 1.»

Enfin, le titre marginal de l'article 3 deviendrait: «Conditions à l'entrée en vigueur de la loi», en lieu et place de «Abrogation».

M. Rémy Pagani (AdG), rapporteur de minorité. Cette proposition d'amendement doit être quelque peu expliquée... (Exclamations.)Je rappelle que notre parlement a voté une loi il y a exactement trois mois, qui donne aux employés de l'Etat cette possibilité démocratique en matière syndicale, que nous revendiquons dans tous les secteurs. Par conséquent, je ne vois pas pourquoi nous refuserions au personnel de vente cette possibilité démocratique, d'autant que c'est lui, en définitive - et aucun d'entre nous dans cet hémicycle - qui va faire cet effort. Nous ne voyons pas pourquoi nous refuserions au personnel de vente ce que nous avons accordé au personnel de la STEP d'Aïre, qui va voter en mars sur le fait d'inscrire dans la constitution le transfert de la STEP d'Aïre aux Services industriels. En l'occurrence, la loi sur les eaux que nous avons modifiée ne pourra entrer en vigueur que si le personnel se déclare favorable à ce transfert.

Il me semble donc légitime, du point de vue démocratique, de consulter l'ensemble du personnel de vente touché par ces modifications légales, ce d'autant plus que, pour avoir participé au débat pendant longtemps, je sais qu'aucune enquête n'a été faite auprès dudit personnel, que certains syndicats se sentent légitimés à défendre dans son ensemble !

Le président. Mesdames et Messieurs, je fais voter cet amendement...

M. Pierre Vanek. Monsieur le président, je demande que cet amendement soit voté à l'appel nominal...

Le président. Cette demande est-elle soutenue...? Je compte neuf voix pour, l'appel nominal n'est pas soutenu. Nous passons au vote... (Le président est interpellé.)Non, c'est terminé ! Il n'y avait que neuf voix pour, j'ai compté devant vous, c'est terminé !

M. Pierre Vanek. Monsieur le président, c'est inacceptable !

Le président. Peu importe ! C'est comme cela, un point c'est tout ! Je mets aux voix cet amendement... (Protestations de M. Pierre Vanek. Brouhaha.)

Mis aux voix, cet amendement est rejeté.

Mis aux voix, l'article 3 (souligné) est adopté.

Troisième débat

Le président. Nous sommes en troisième débat, nous allons procéder au vote électronique... (Le président est interpellé.)Oui, nous sommes en troisième débat, et nous sommes en procédure de vote... Il me semblait que personne n'avait demandé la parole, mais je vous la donne volontiers, Monsieur Grobet !

M. Christian Grobet (AdG). Monsieur le président, je redépose, en troisième débat, l'amendement que nous venons de voter, concernant l'article 3 souligné. Je demande l'appel nominal et je vous prie de compter très attentivement les votes de l'Alliance de gauche ! (Exclamations.)

Le président. L'appel nominal est-il soutenu ? Bien, nous passons au vote de cet amendement à l'appel nominal. Je relis la nouvelle teneur proposée à l'article 3 souligné:

« 1Les modifications d'horaire de travail fixées par la présente loi sont soumises à une votation au bulletin secret, ouverte à l'ensemble du personnel concerné. La votation se fait par correspondance, elle est organisée par le service des votations et élections.

» 2La présente loi sera caduque de plein droit si l'extension du champ d'application de la convention collective-cadre dans le commerce de détail n'est pas prononcée dans un délai de six mois à compter de sa promulgation; ou si le personnel de vente refuse les horaires de travail dans le cadre de la votation organisée en vertu de l'alinéa 1.»

Le vote est lancé...

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 77 non contre 11 oui et 3 abstentions.

Appel nominal

La Loi 8440 est adoptée en troisième débat par 77 oui contre 12 non et 5 abstentions.

(Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Le président. Mesdames et Messieurs, il n'est pas raisonnable, après un si long débat, d'entamer un nouveau point. Je vous suggère de nous retrouver demain matin à 8h. Nous commencerons par la résolution 453 sur l'ONU, point 138 de l'ordre du jour, puis nous prendrons les points 140, 154, 166 à 172, 137 et 176, respectivement: les projets de lois 8676, concernant les magistrats, 8645-A, concernant la construction de cycles d'orientation, 8500-B, 8550-A, 8559-A, 8590-A, 8585-A, 8587-A, 8588-A, 8651-A, concernant diverses subventions de fonctionnement, la résolution 452 sur la Chine et la résolution 454 concernant la liaison ferroviaire La Praille-Eaux-Vives.

A 14h, nous traiterons les projets de lois fiscaux, points 114 à 118 et 163 et 164.

Voilà, Mesdames et Messieurs. La séance est levée, je vous souhaite une bonne nuit !

La séance est levée à 22h50.