République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 13 décembre 2001 à 20h30
55e législature - 1re année - 3e session - 10e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de M. Bernard Annen, président.
Assistent à la séance : Mmes et MM. Micheline Calmy-Rey, présidente du Conseil d'Etat, Martine Brunschwig Graf, Carlo Lamprecht, Micheline Spoerri et Pierre-François Unger, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: MM. Laurent Moutinot et Robert Cramer, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes Erica Deuber Ziegler, Mireille Gossauer-Zurcher et Mariane Grobet-Wellner, députées.
Annonces et dépôts
Néant.
Préconsultation.
M. Michel Halpérin (L). Mon intervention a deux objectifs. Le premier, comme il convient, c'est d'expliquer la finalité de ce projet de loi 8658, j'en profiterai pour dire quelques mots de son frère jumeau dont nous ne parlerons pas vraiment ce soir. Je répondrai aussi, brièvement, à quelques-unes des remarques qui ont été faites tout à l'heure lors du débat qu'il vous a plu, Monsieur le président, d'autoriser au sujet de notre ordre du jour.
Je suis frappé, Monsieur le président, de constater, mais ce n'est pas une nouveauté, que l'on a toujours un peu tendance à prêter aux autres les comportements dont on se croit soi-même capable. J'en veux pour preuve qu'avant même de connaître le projet de loi qui vise à modifier la loi d'application de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, les intervenants avaient déjà décidé qu'il était un acte de grande forfaiture et qu'il traduisait une pratique du copinage, du blanchissage, ou de je ne sais pas quoi. M. Hiler, que j'ai connu plus inspiré, a fait référence à ma condition sociale que, jusqu'à cet instant, je croyais très semblable à la sienne. (Rires.)On a parlé d'une conjuration, bref, on a eu des propos qui m'auraient étonné si je n'étais pas un peu rôdé au fonctionnement de cette assemblée. J'ai d'ailleurs eu la possibilité de lire vos interventions par avance dans les journaux de ce matin qui expliquaient que le naturel revenait au galop de ceux qui, par conséquent, pensent pouvoir déjà faire le procès de la droite triomphaliste et triomphante donc arrogante et agressive. Des propos d'une grande aménité, d'une courtoisie dans laquelle je vous reconnais tous et d'un souci d'objectivité et de respect de la réflexion d'autrui. (L'orateur est interpellé.)
Alors, Monsieur Hausser, laissez-moi vous expliquer en deux ou trois mots quel est le sens de la démarche que nous avons engagée avec ces projets de lois. Je dirai tout d'abord à Mme Alexandra Gobet que j'ai déjà salué ici même, au mois de septembre, et plus récemment dans des émissions télévisées, l'important travail qu'elle a accompli avec notre ancien collègue, M. Jacques Béné. J'ai dit tout mon regret - et je sais que vous le partagez dans votre tréfonds - d'avoir vu ce travail passablement amendé. J'ai dit aussi, le 21 septembre, à quel point je regrette que, sur une démarche aussi fondamentale que celle qui consiste à repenser des institutions, nous travaillions dans une urgence partiellement fondée par les circonstances politiques et partiellement artificielle, puisque nous travaillions en discussion immédiate alors même que le projet émanait d'une commission.
J'avais dit alors que sur l'essentiel nous étions d'accord qu'il fallait impérativement redresser le fonctionnement des offices des poursuites et faillites, j'avais dit aussi, ce qui n'étonnera pas les juristes, que tous ceux qui pratiquent un peu l'office en question savaient qu'il ne fonctionnait pas depuis la nuit des temps. J'avais dit tout cela et j'avais marqué des regrets, non seulement sur la manière, mais également sur certains chapitres de cette loi adoptée le 21 septembre, et en particulier celui réglant le fonctionnement de l'autorité de surveillance. Il ne s'agissait pas de faire le procès, par avance, d'une autorité plus ou moins judiciaire fonctionnant dans un système d'échevinage problématique. Il s'agissait cependant de se rendre compte que nous étions en face de vraies difficultés. Le temps est passé très vite et nous avons considéré, sur les bancs de la droite, que le fonctionnement des OPF était beaucoup trop important pour prendre le risque de commencer avec un nouvel office dont nous savions par avance qu'il ne donnerait pas les résultats que vous en attendiez, tout simplement parce que le ver était dans le fruit, parce que la loi n'était pas satisfaisante pour toutes les raisons que j'avais expliquées, et M. Béné bien mieux que moi, le 21 septembre.
Que vous proposera le projet de loi dont nous n'avons pas demandé la discussion urgente parce que nous essayons de ne pas commettre les mêmes erreurs que vous... (Brouhaha.) ...et, parce que nous tachons de ne pas fouailler ce parlement pour l'obliger à voter dans la hâte, sous la pression plus ou moins affichée d'un scandale savamment entretenu. Nous avons essayé, dans ce projet de loi que je vous résume en deux mots, de refaire un travail de législateur consistant à mettre à plat le fonctionnement des offices des poursuites et faillites. Il se trouve que nous aurions pu, fidèles à vos méthodes, proposer de le traiter aujourd'hui même, en urgence, et vous l'auriez probablement, Monsieur Hiler, trouvé relativement benoît ce projet. Nous avons pensé, au contraire, qu'il était correct de tenir aujourd'hui le même langage que le 21 septembre et par conséquent de le laisser figurer à l'ordre du jour naturel du mois de janvier pour qu'il parte ensuite en commission. Je ne sais pas laquelle, la judiciaire, la législative, celle qu'il vous plaira de choisir. Cette commission pourra travailler vite si elle le souhaite, nous le souhaitons, mais nous souhaitons aussi qu'elle travaille consciencieusement. L'idée serait que cette assemblée se dote rapidement, si c'est possible, d'une bonne loi sur l'office des poursuites et des faillites.
Fallait-il, pour atteindre cet objectif, nous donner cette difficulté, que nous ne nous pardonnerions pas à nous-mêmes, qui consiste à laisser entrer en vigueur le texte voté le 21 septembre le 1er mars, pour avoir à l'amender, par hypothèse, le 30 mars ou le 30 avril ? Est-ce qu'il est raisonnable de mettre en marche deux autorités successives, deux fonctionnements successifs, de perturber les fonctionnaires, dont quelques-uns ne sont pas dépourvus de mérite ? Est-ce qu'il est raisonnable, en d'autres termes, de saboter le fonctionnement de l'office des poursuites au-delà de ce qui est déjà fait ?
Vous nous prêtez une intention qui serait de vouloir saboter, sans espoir de retour, l'ancien texte pour laisser les choses telles qu'elles sont. Ce n'est pas le but.
Monsieur le président, je demande que nous entrions sur ce projet de loi 8658 en discussion immédiate pour déterminer s'il est raisonnable ou non de suspendre de quelques semaines ou peut-être de quelques mois selon le rythme de la commission chargée du projet l'entrée en vigueur de la modification législative votée le 21 septembre.
M. Albert Rodrik (S). Je pense que je dois l'honneur de m'adresser à vous ce soir au fait que je n'ai jamais pris la parole, sauf une toute petite fois, une demi-seconde, sur les offices des poursuites et faillites.
J'ai dit tout à l'heure, en votant non, lors de la discussion sur l'ordre du jour que cela me paraissait être une farce. J'ai eu dans ma vie de fonctionnaire le plaisir de suivre les cours de légistique organisés par l'ancien chancelier de la Confédération Couchepin. A la lumière du peu que j'ai appris dans ces cours, et en regardant les grosses signatures qui se trouvent sur ce projet, je me suis demandé de quoi l'on parlait. Qu'est-ce que nous avons fait ? Nous avons voté une loi le 21 septembre, pas à une courte majorité d'ailleurs. Cette loi a été publiée, on a fait courir le délai référendaire, aucun référendum n'a été déposé. La loi a donc été promulguée et a reçu l'approbation de l'autorité supérieure. Ensuite, le Conseil d'Etat a pris un certain nombre de décisions parce que le calendrier était bien précis, et, tout d'un coup, nous avons deux lignes qui disent: « L'entrée en vigueur sera fixée ultérieurement par le Grand Conseil». Comme vous l'a dit quelqu'un tout à l'heure, si vous aviez eu, Mesdames et Messieurs, le courage de demander l'abrogation de la loi du 21 septembre, cela pourrait encore passer. On peut ne pas être d'accord politiquement, mais juridiquement l'opération aurait eu une certaine tenue. (Brouhaha.)C'est un conciliabule de juristes j'imagine, pour améliorer le texte ! Il y aurait un dernier espoir d'amélioration du texte ! (Rires.)Non, non, apparemment il n'y a pas d'espoir.
Le président. Poursuivez, Monsieur Rodrik, s'il vous plaît !
M. Albert Rodrik. Je disais que si vous aviez eu le courage de proposer l'abrogation de la loi du 21 septembre, que cela nous plaise politiquement ou pas, cela avait un sens. En revanche, dire que l'on veut, comment déjà... (M. Rodrik consulte le projet de loi. Rires.)...faire fixer ultérieurement par le Grand Conseil la date d'entrée en vigueur d'une loi qui est déjà entrée en vigueur, c'est une farce Mesdames et Messieurs ! Si je prends des lois, qui dans l'ordre juridique ont la même force, la seule force supérieure du PL 8658 par rapport au PL 8621 serait sa postériorité et, de ce fait, c'est l'illustration de l'adage anglo-saxon qui dit que le parlement de Westminster peut tout faire sauf changer un homme en femme. C'est à peu près sur la base de cet adage que vous nous donnez un texte qui n'a même pas de portée puisqu'il vise à reporter l'entrée en vigueur d'un texte entré en vigueur. (L'orateur est interpellé.)Absolument, le fait que la date d'entrée en vigueur soit le 21 mars 2002 est sans portée juridique en substance. La date d'entrée en vigueur en soi a été donnée par la loi du 21 septembre, vous ne pouvez pas la reprendre comme si vous faisiez un tour de magie. Cette affaire ne tient pas la route et nous avions espéré un peu mieux. Vous nous avez dit tellement d'horreurs sur l'histoire de La Nautique, eh bien, c'est à peu près du même acabit: c'est le naufrage de La Nautique, je dirais ! (Rires.)
Mesdames et Messieurs, reprenons-nous. Si vous aviez un moment seulement le sens d'une amélioration, vous auriez proposé autre chose que de revenir à la Cour de justice. Je ne suis ni un fanatique de la nouvelle formule, ni un admirateur sans borne de la Cour de justice que j'ai vu fonctionner dans d'autres affaires, mais dire simplement que le génial artifice pour lequel vous demandez le report de l'entrée en vigueur d'une loi qui est déjà entrée en vigueur, c'est de revenir à une structure qui n'a jamais fonctionné, pendant un demi-siècle. Cela me paraît un peu court.
Imaginons-nous que le monde ne se termine pas dans cet aquarium. Quand nous aurons fini, quand nous aurons voté ce texte - parce que bien entendu vous allez vous compter comme on dit - après il faudra l'appliquer, il nous faudra aller dans le monde des vivants et dans le monde des réalités, pour que les choses fonctionnent.
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.
M. Albert Rodrik. Il m'arrive rarement de dépasser les trois minutes, vous permettrez !
Une chose encore, une nouvelle cheffe vient d'arriver à ce département. Elle vient de commencer d'en faire l'état des lieux. Elle est de chez vous, elle se trouve être mon amie, mais elle est de chez vous. Vous lui jetez dans les pattes une polémique vide de sens avant qu'elle puisse en sérénité faire un bilan, savoir quels remèdes apporter et venir devant nous avec ce projet de loi que M. Pagani a réclamé tout à l'heure et que le précédent conseiller d'Etat a été bien incapable de nous amener. Est-ce que le sens de l'intérêt public ne voudrait pas tout simplement que vous laissiez travailler le nouveau chef de ce département et que vous écoutiez ce qu'elle a à nous dire. Sinon, je ne comprends pas quel intérêt public vous servez. Je vous remercie, Monsieur le président. (Applaudissements.)
M. David Hiler (Ve). D'abord, et pour la petite histoire, Monsieur Halpérin, j'aimerais vous dire que dans ce bas monde et en politique en particulier, on est payé de retour. Vous qualifiez de tribunal populaire un certain nombre de personnes qui étaient déjà désignées et qui allaient figurer dans la nouvelle structure que nous avions prévue; vous pouvez, ayant placé le niveau du débat à cette hauteur, vous attendre à quelques métaphores du même ordre vous concernant. Pour le reste, Monsieur Halpérin, vous faites aussi de l'amalgame puisque en ce qui me concerne, n'ayant pas lu le projet du tout, j'ai dit qu'il était peut-être très bon, peut-être très mauvais, mais le trouverais-je très bon, le peuple, que vous semblez oublier dans votre démarche, pourrait le trouver très mauvais. Vous ne pouvez pas, Monsieur Halpérin, imaginer qu'un dossier aussi compliqué est une affaire de semaines. Vous savez pertinemment, avec les délais référendaires en particulier, que nous sommes dans l'ordre de mois, voire dans l'ordre d'une année, ce qui est le rythme normal des gros projets de notre parlement, sauf à professionnaliser le mandat, ce que vous ne m'avez jamais paru souhaiter. Dans ce sens, si véritablement il s'agit d'améliorer, si véritablement il s'agit de corriger, et je ne connais aucune construction qu'on ne puisse pas corriger, dans ce cas-là, l'approche est déterminante. Celle consistant à reporter l'entrée en vigueur sine died'une loi qui, quels que soient ses défauts est certainement préférable à la précédente, ne montre pas une intention de travailler à chercher la meilleure solution, dussions-nous en fin de compte nous affronter. La seule chose que vous pouvez faire, à ce stade, si vous souhaitez que nous arrivions à la meilleure structure possible, c'est manifestement de retirer ce projet de loi, de déposer l'autre et d'engager la discussion sur des choses sérieuses et non pas de coups de force, tels ceux auxquels vous nous habituez: une fois, ce sont les sièges de commissions, une autre fois c'est le budget. Malheureusement, je crains que cela ne marche pas comme cela. Vous êtes partis sur la solution la plus lente et la moins efficace.
Au reste, l'argument est parfaitement réversible. Pourquoi donc devrions-nous nous prononcer en urgence et en discussion immédiate sur un texte dont vous n'avez daigné nous transmettre le contenu alors même que vous en divulguez les grandes lignes à la presse ? A quoi allons-nous jouer ? A un long, long, long débat qui n'aura pour seule fonction vous le savez, de montrer que le fait d'avoir la majorité ne signifie pas être en royauté. C'est votre choix, il va être pénible pour tout le monde ce soir et j'espère qu'à l'issue de ce premier tour, il se trouvera une majorité qui a envie de faire un travail de parlementaire et non pas simplement de montrer ses biceps, fussent-ils intellectuels. Cette majorité rejettera cette demande de discussion immédiate. (Applaudissements.)
M. Pierre Kunz (R). Monsieur Rodrik, je peux vous rassurer, la loi 8621 n'est pas encore abrogée, mais elle va l'être. (Brouhaha.)Elle va être remplacée par une loi qui selon nous est meilleure. (Brouhaha.)Elle sera meilleure qu'une loi votée dans la précipitation. Pour notre groupe, la loi 8621 qui concerne les OPF et qui a été préparée durant une période difficile, pas seulement pour les radicaux d'ailleurs, mais surtout pour eux... (Brouhaha. Rires.)Eh oui, mais finalement, c'est l'Alliance de gauche qui a perdu six sièges et pas les radicaux ! (Brouhaha. Le président agite la cloche.)Bref, la loi que vous avez votée était mauvaise. D'où le dépôt d'un nouveau projet de loi qui la corrige.
Mesdames et Messieurs les députés, il ne s'agit pas, je l'ai déjà dit tout à l'heure, de faire ce soir, contrairement à ce que certains prétendent ici, le débat concernant les modifications proposées. Je le précise, puisqu'il faut tout vous dire ! (Brouhaha.)Ce travail, votre longue expérience parlementaire vous le confirmera, ne saurait se faire qu'en commission. Nous accepterons vos commentaires en commission, tous. Même les commentaires de Mme Gobet et de M. Pagani qui font référence régulièrement à la politique des petits copains. Mais oui, nous en discuterons ! (Huées. Le président agite la cloche.)Je vous ferais remarquer au passage que les plus grands défenseurs de la politique des petits copains, ce ne sont pas ces partis, ce sont ceux qui comme vous... (Brouhaha. Rires.)
Le président. Mesdames et Messieurs, si vous ne cessez pas, je lève la séance! (Brouhaha. Exclamations.)La séance est suspendue !
La séance est suspendue à 20h55.
La séance est reprise à 21h5.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous reprenons nos travaux. Si ce débat devait s'enliser, je ferai la proposition demain matin de poursuivre ce débat avant l'examen du budget.
Mme Alexandra Gobet Winiger (S). J'aimerais revenir au revenir au travail qu'a évoqué M. Halpérin tout à l'heure.
Le président. Je vous prie de m'excuser Mme Gobet, mais on me fait remarquer que M. Rodrik a déjà parlé pour le groupe socialiste.
Mme Alexandra Gobet Winiger. J'ai été mise en cause par M. Halpérin...
Le président. Non, Madame, je ne vous accorde pas la parole. Je fais respecter le règlement...
Mme Alexandra Gobet Winiger. J'ai pris des notes, Monsieur le président !
Le président. Je vous refuse la parole. Monsieur Christian Grobet, vous avez la parole... Vous renoncez ?
M. Christian Grobet. Je ne renonce pas, mais je pense que le Bureau doit débattre pour savoir si Mme Gobet peut ou non prendre la parole. Je ne pense pas que vous puissiez prendre cette décision à vous tout seul. Si vous me permettez maintenant de parler en tant que chef de groupe, nous apprécions beaucoup votre présidence, quoique vous...
Le président. Non, Monsieur Grobet, taisez-vous! C'est moi qui ai la parole maintenant. Madame Gobet, je voudrais savoir sur quel point vous avez été mise en cause.
Mme Alexandra Gobet Winiger. M. Halpérin a mis en cause la nécessité de l'urgence du vote en septembre sur la base des travaux effectués par la commission de contrôle de gestion.
Le président. Je ne vois pas en quoi cela vous met en cause.
Mme Alexandra Gobet Winiger. S'il vous plaît, Monsieur le président, laissez-moi finir ! M. Halpérin a exprimé ses regrets par rapport à nos travaux alors que l'un de ses collègues de banc y participait également. Enfin, il prétend que le ver était dans le fruit et j'aimerais pouvoir répondre sur ce point. (Applaudissements. Claquements de pupitres.)
Le président. Vous savez, Mesdames et Messieurs, j'ai beaucoup de patience, vous pouvez crier ou vous exprimer comme vous voudrez, cela ne changera rien. Madame Gobet, vous pouvez vous exprimer uniquement sur le ver et sur le fruit ! (Rires.)Sur le reste, Madame, vous avez dit «nos travaux», «ce que nous avons fait», autrement dit, ce sont plusieurs personnes, et non pas vous seule, qui ont été mises en cause.
Mme Alexandra Gobet Winiger. S'agissant de la nécessité de l'urgence, justifiée selon M. Halpérin parce que nous n'aurions pas perçu toute la nécessité de définir l'autorité de surveillance, je ne peux pas souscrire à ces propos, dans la mesure où la commission de contrôle de gestion a eu à choisir librement, j'insiste sur ce point, entre une autorité de surveillance judiciaire différente de la Cour de justice et une commission administrative. La commission a voté à l'unanimité le projet de loi qui proposait une autorité administrative. M. Béné, qui était votre représentant dans cette commission, après un échange tout à fait courtois et dépourvu de rapports de force, s'était rallié au vote unanime de cette solution. Il est donc faux d'affirmer que la commission de contrôle de gestion et le Grand Conseil n'ont pas eu le choix de la variante judiciaire que vous proposez aujourd'hui.
Ensuite, vous avez parlé de la nécessité de mettre à plat le fonctionnement des offices des poursuites et faillites. J'ai peut-être la chance, par rapport à mes collègues, d'avoir eu connaissance de votre projet de loi, celui qui viendra après, mais que vous ne nous présentez pas ce soir: vous savez très bien que ce projet de loi retranche des éléments de la loi actuelle, en particulier des mesures anti-corruption telles que le tournus des fonctionnaires, l'interdiction des administrations spéciales pour les préposés, substituts et gestionnaires, la rotation des gérances légales, la rotation des administrations spéciales et d'autres mesures. Il est cependant vrai que, dans le rapport de l'inspection cantonale des finances, la responsabilité de personnes de votre bord est engagée dans ces domaines.
Enfin, lorsque vous dites que le ver est dans le fruit, je voudrais souligner que ce n'est pas de notre côté, mais du vôtre. Je me réfère aux propos que j'ai tenus tout à l'heure afin de ne pas allonger: il y a des personnes qui sont sur la sellette actuellement; elles ne sont pas des nôtres, mais nous ne pouvons pas vous suivre. Encore une fois, il vous était loisible de marquer le territoire de votre nouvelle majorité en déposant un simple projet de loi, que nous aurions traité sans urgence et avec lequel vous auriez pu faire valoir, si tel était votre objectif, les valeurs qui sont les vôtres et que nous n'aurions pas partagées. (Applaudissements.)
Le président. Je renvoie les contestataires à l'article 73 alinéa 3 de notre règlement. Ils pourront voir que j'avais raison sur les deux points, notamment sur le fait que c'est le président qui décide ! Monsieur Grobet, vous avez la parole.
M. Christian Grobet (AdG). Tout d'abord, Monsieur le président, je connais cette disposition du règlement. J'essayais de dire que nous apprécions votre nouvelle présidence, néanmoins, je pense que vous avez commis deux fois de suite un écart sur la question du droit de réponse, mais je clos le débat sur cette question pour en revenir à l'essentiel.
Je n'entends pas répéter ce que j'ai dit tout à l'heure, mais je voudrais souligner une fois de plus que l'affaire des offices des poursuites et faillites illustre une très grave défaillance du fonctionnement de nos institutions. Cette défaillance est encore soulignée par le rapport qui a été rédigé avec une sévérité qu'on ne lui connaît pas d'habitude par le Conseil supérieur de la magistrature dont nous ne partageons absolument pas l'analyse, mais qui met en évidence le fait que depuis des années dans les cercles avertis on savait qu'il y avait des dysfonctionnements particulièrement graves à l'intérieur de ces offices et finalement un certain nombre de malversations. Tout cela a été étouffé, Mesdames et Messieurs, pendant des années, notamment par le département responsable de ces offices, dont on voit aujourd'hui par la décision du Conseil supérieur de la magistrature qu'il avait été alerté à plusieurs reprises par l'autorité de surveillance au sujet de ces défaillances. Cette année encore, on a qualifié tout cela de fadaises, de gag, etc. C'est seulement lorsqu'il est devenu impossible de nier la réalité que tout le monde s'est accordé pour dire qu'il était urgent de mettre en place des dispositions pour pallier les dysfonctionnements de ces offices et de faire fonctionner correctement la machine. Nous avons travaillé, dans la commission de contrôle de gestion, députés de tous partis confondus, afin de trouver un certain nombre de solutions. Mme Gobet a eu raison de souligner que finalement ces solutions ont reçu une quasi unanimité au sein de la commission.
Bien sûr, Monsieur Halpérin, la loi qui a été votée au mois de septembre n'est pas parfaite. Nous avons dit à l'occasion qu'il conviendrait, dans un deuxième temps, de la compléter par un certain nombre d'éléments. Nous y reviendrons tout à l'heure parce qu'effectivement, depuis que la loi a été votée, nous nous sommes également rendu compte d'autres défaillances qui n'avaient pas été détectées et résolues par le projet de loi. Il n'empêche que c'était une étape fondamentale. Tout le monde s'accordait à dire qu'il était nécessaire que cette loi entre en vigueur le plus rapidement possible et c'est pour cette raison, pour que les nouvelles autorités de surveillance puissent fonctionner, que la loi votée par le Grand Conseil, à son article 3 souligné, prévoyait que les alinéas 1 et 2 de l'article 10 de la loi d'application de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite entrent en vigueur le 1er décembre 2001, autrement dit il y a onze jours. L'alinéa 3 du même article prévoyait la même disposition pour l'entrée en vigueur de la loi fixant le nombre de certains magistrats du pouvoir judiciaire. Il est exact que l'alinéa 1 prévoit que le solde des dispositions entre en vigueur le 1er mars seulement, parce qu'il fallait le temps pour les nouvelles structures de se mettre en place.
Aujourd'hui, après que les lois eurent été promulguées et approuvées par l'autorité fédérale, ce qui montre que le travail avait été bien fait contrairement à ce que certains laissaient entendre, vous venez dire, Mesdames et Messieurs, qu'aucune de ces dispositions n'entre en vigueur. J'aimerais tout de même remercier M. Kunz qui a eu le mérite de la franchise lorsqu'il a admis tout à l'heure ce que je disais lors du débat à 17h, à savoir que le but du projet de loi n'est nullement de différer l'entrée en vigueur, mais simplement d'abroger tout ce que nous avions mis en place. Cela est absolument scandaleux vis-à-vis de la population qui attend que cet office soit repris en main de façon sérieuse dans les plus brefs délais. M. Kunz, après vous avoir rendu hommage à propos de votre sincérité dont personne ne doutait, je dois toutefois vous dire que je ne peux pas vous suivre lorsque vous nous demandez de vous faire confiance, sur la question des offices des poursuites, en tant que porte-parole du parti radical très concerné par ce dossier. Je relève que vous nous demandez, Mesdames et Messieurs les députés de l'Entente et de la droite, de modifier la clause d'entrée en vigueur au profit d'une loi dont une fois de plus nous n'avons toujours pas le texte. Vous nous demandez de voter la tête dans le sac !
Il me paraît évident que ce projet de loi doit être renvoyé en commission. M. Rodrik a en effet soulevé un problème juridique fondamental: comment peut-on différer l'entrée en vigueur d'une loi dont une partie importante est déjà en force et est entrée en vigueur. Je vous ai lu les alinéas 2 et 3 de l'article 3 souligné: des lois sont entrées en vigueur. Quelle absurdité extraordinaire ! Nous devrions appliquer des dispositions légales entrées en vigueur au 1er décembre qui ne pourraient pas avoir d'effet parce que vous voudriez reporter l'entrée en vigueur d'autres dispositions. Monsieur Halpérin, vous êtes un juriste de très haute qualité, vous inventez une absurdité sur le plan législatif dont je m'étonne de votre part. Ce n'est tout simplement plus possible, aujourd'hui, de différer l'entrée en vigueur partielle de la loi, alors que des dispositions essentielles sont déjà entrées en vigueur. Alors, Monsieur le président, nous nous trouvons confrontés à un problème juridique évident. La sagesse demande, devant des problèmes juridiques de ce type, de renoncer à une discussion immédiate.
J'aimerais simplement conclure en disant une chose. Monsieur Halpérin, vous avez eu l'audace de dire que vous ne faites que reprendre des procédés que nous aurions utilisés lors de la précédente législature. Il est vrai que nous avons demandé la discussion immédiate sur des motions ou des résolutions. Je ne me souviens pas, à deux exceptions près, que nous ayons demandé la discussion immédiate sur des projets de lois. Les deux exceptions étaient des projets de lois que nous avions fait parvenir quinze jours à l'avance aux députés et dont l'un - la modification de la loi générale sur le logement - avait été approuvé en commission et l'autre attribuait les locaux et le secrétariat nécessaires à la commission de surveillance des avocats, nous étions unanimes pour demander la discussion immédiate pour un projet émanant d'une commission. Jamais nous n'avons procédé ainsi. (L'orateur est interpellé.)Citez-moi un exemple ! Tous les projets sortaient de commission. Nous n'avons jamais demandé la discussion immédiate sur un projet de loi déposé à l'ouverture de la séance et se référant à un projet de loi connu de ses seuls auteurs. Monsieur Halpérin, ce que vous avez dit tout à l'heure est totalement fallacieux et vos méthodes sont indignes de ce parlement. (Applaudissements.)
Le président. Chacun des groupes ayant pu s'exprimer... (Le président est interpellé.)Non, Monsieur Kunz, je ne vous donne pas la parole. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)Mesdames et Messieurs les députés, je vous rappelle que les propos qui se tiennent ici sont retransmis par la télévision. Je vous propose de voter sur la proposition de discussion immédiate. (Le président est interpellé.)Non, Monsieur Spielmann, je ne peux pas faire voter sur la proposition de renvoi en commission. En effet, si la discussion immédiate est refusée, cela équivaut à un renvoi en commission. Par conséquent, je mets au voix la proposition de discussion immédiate sur le projet de loi 8658.
Le résultat est douteux.
Il est procédé au vote par assis et levé.
Le sautier compte les suffrages.
La proposition de discussion immédiate est adoptée par 49 oui contre 39 non.
Premier débat
M. David Hiler (Ve). Le début de ce débat a confirmé tout ce qu'une personne sensée pouvait imaginer, à savoir que nous sommes dans les pires conditions, du fait de la nature même de la démarche, pour avoir un débat politique d'une certaine tenue. Le problème est, comme toujours, que c'est la majorité qui choisit le type de débat que nous aurons. A ce stade, voyant ce qui se passe et compte tenu du sérieux de l'objet, j'espère qu'à un moment ou à un autre de la soirée, un certain nombre de gens, dont je sais qu'ils ne souhaitent pas ce qui est en train de se passer, oseront s'exprimer pour que nous puissions aller en commission tranquillement.
M. Christian Grobet (AdG). On peut imaginer le renvoi en commission d'un projet de loi pour évoquer les problèmes de fond qui résultent de ce projet. A vrai dire, à ce stade du débat, je suggère de procéder au renvoi en commission pour une question de pure technique juridique. Madame Gobet, ce serait intéressant que vous exposiez tout à l'heure les raisons pour lesquelles vous pensez que la commission judiciaire serait compétente pour examiner ce problème, je les écouterai avec attention. Je me réserve toutefois de suggérer une autre commission que celle-ci. J'aimerais bien entendu écouter vos arguments au préalable.
Le problème est tout de même délicat. Je l'ai souligné tout à l'heure et je n'ai malheureusement pas été suffisamment écouté puisqu'on a voté l'entrée en matière. Ou alors des députés pensent que quoi qu'on dise dans cette enceinte peu importe, on va de l'avant au mépris des éventuels conflits entre les lois.
L'article 3 souligné de la loi que nous avons votée en septembre dernier dit très exactement ceci: «Les modifications à la loi d'application de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite ainsi qu'à la loi sur l'organisation judiciaire entrent en vigueur le 1er mars 2002, sous réserve de l'alinéa 2.» Cet alinéa 2 prévoit précisément ceci: «Les alinéas 1 et 2 de l'article 10 de la loi d'application de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite entrent en vigueur le 1er décembre 2001 en vue de la constitution de la commission de surveillance. L'entrée en fonction de ses membres s'effectue à la date mentionnée à l'alinéa 1 du présent article.» Autrement dit, les alinéas 1 et 2 de l'article 10 sont déjà entrés en vigueur. L'alinéa 3 se lit ainsi: «La modification de la loi fixant le nombre de certains magistrats du pouvoir judiciaire entre en vigueur le 1er décembre 2001.» On ne peut donc plus modifier ces lois en procédant à une modification de la date d'entrée en vigueur puisque les lois sont déjà entrées en vigueur et ont reçu l'aval de l'autorité fédérale.
En ce qui concerne les alinéas 1 et 2 de l'article 10 de la loi d'application de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, ces alinéas portent précisément sur la nouvelle autorité de surveillance, que vous voulez en réalité supprimer avec le projet de loi dont vous nous annoncez le dépôt, mais du contenu duquel nous n'avons toujours pas eu connaissance. Je ne mets pas en doute cependant ce que j'ai lu dans la presse, à savoir que ce projet de loi, qui n'a toujours pas été distribué, a pour but de supprimer la nouvelle autorité de surveillance et de revenir à l'autorité qui était en vigueur dans la loi précédente, c'est-à-dire la Cour de justice.
Or, l'article 10 alinéa 1 de la loi que nous avons votée en septembre et qui est entrée en vigueur au 1er décembre dit ceci: «En application de l'article 13 de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, il est institué une commission de surveillance de l'office des poursuites et faillites fonctionnant comme autorité de surveillance dont les membres à l'exception de son président sont nommés pour une durée de quatre ans, au début de chaque législature.» L'alinéa 2 quant à lui précise: «La commission est composée d'un président qui est un magistrat de l'ordre judiciaire à mi-temps et d'un commissaire par parti représenté au Grand Conseil, élu par lui et ayant une formation d'avocat, d'expert-comptable ou une formation équivalente. Le Conseil d'Etat désigne en outre, parmi les anciens magistrats du pouvoir judiciaire, un président suppléant pour les chambres chargées, au sens de l'article 11 alinéa 2, de statuer sur les plaintes dont la commission de surveillance est saisie.»
En d'autres termes, la nouvelle autorité de surveillance est acquise: les dispositions applicables à cette autorité sont entrées en vigueur. Vous nous demandez de fait de ne pas faire entrer en vigueur la nouvelle loi alors que cette nouvelle autorité de surveillance est acquise en l'état actuel de la législation et que c'est elle qui doit remplacer la Cour de justice. Vous voyez, Mesdames et Messieurs les députés, que le problème est beaucoup plus complexe que le projet de loi qui a été déposé et qui a été visiblement rédigé à la hâte sur un coin de table. Ce projet se révèle, de fait, inapplicable. Devant cette contradiction fondamentale, il m'apparaît que le plus sage est effectivement de renvoyer votre projet de loi en commission pour examiner comment vous voulez résoudre le problème que je viens de soulever.
M. Jean Spielmann (AdG). M. Grobet vient d'expliquer les raisons juridiques pour lesquelles on ne peut pas revenir sur l'entrée en vigueur d'une loi déjà entrée en vigueur. Procéder ainsi serait tout de même un peu simple. Je rappelle par ailleurs que le dispositif légal modifiant la loi d'application de la loi sur la poursuite pour dette et faillite a été votée par tous les groupes du Grand Conseil à l'exception du groupe libéral. Le délai référendaire est passé et la demande d'une autorisation fédérale pour l'autorité de surveillance a été déposée. L'autorité fédérale a donné son aval à la solution retenue par ce Grand Conseil. La loi est donc entrée en vigueur comme prévu le 1er décembre. Aujourd'hui, déposer un projet de loi qui modifie la date d'entrée en vigueur d'une loi déjà en vigueur, c'est un procédé vraiment nouveau.
Je souhaiterais cependant me prononcer aussi sur l'opportunité politique. Il y a des moments où les aspects juridiques ont une importance et d'autres où les aspects politiques d'un dossier doivent être considérés.
Vous avez reçu, au cours du débat, un document émanant du pouvoir judiciaire et qui énumère, pour ceux qui n'ont pas suivi tout le dédale juridique de l'office des poursuites, une certain nombre d'arguments. Ce document précise tout d'abord que c'est déjà en 1984 que le Grand Conseil, par voie de motion, constatant les problèmes à l'office des poursuites, a proposé de mettre en place une commission d'enquête. La motion a été renvoyée au Conseil d'Etat en 1987. Il était demandé qu'une commission soit mise sur pied et la commission a commencé son travail pour essayer de trouver une solution aux problèmes qui étaient déjà connus de tout le monde à ce moment-là. Le Conseil d'Etat a jugé utile, en septembre 1987 puis en octobre 1987, de nous dire que cette motion, ainsi que la création d'une commission d'enquête au niveau parlementaire n'étaient pas opportunes. Le Conseil d'Etat estimait avoir trouvé, avec le mandataire chargé par lui de contrôler l'office des poursuites - la fiduciaire Suisse SA, pour ne pas la nommer - un organe parfaitement compétent. Cette fiduciaire avait d'ailleurs commencé à établir les rapports d'enquête et à trouver un certain nombre de failles et un certain nombre de dysfonctionnements. Cependant, le Conseil d'Etat a jugé cette fiduciaire tellement compétente que, pour qu'elle ne dépose pas son rapport et mette ainsi au jour les difficultés, il a fini par nommer la personne chargée de l'enquête responsable de l'office. Partant de là, il n'est pas étonnant qu'en 1991, puis en 1992, le parlement, sa majorité d'alors en tout cas, ait décidé d'accepter cette situation dans laquelle on a nommé le responsable de l'enquête chef de l'office des poursuites afin qu'il se taise sur les dysfonctionnements constatés. Cette nomination intervenue, le dossier n'a plus été suivi par personne. Que s'est-il passé ensuite ? Ce qui devait arriver est arrivé, on a conduit l'office dans la situation dans laquelle nous l'avons trouvé après. Ainsi, le responsable a été licencié pour son incapacité à faire fonctionner l'office. Malgré cela, ayant encore des relations au département, il continuait à tirer les ficelles à l'office des poursuites, à tel point qu'il recevait des mandats de ce même office de l'ordre de 600'000F par année pour faire on ne sait quel travail. Ou plutôt, nous savons désormais trop précisément, grâce aux différents rapports qui nous ont été présentés, quel genre de travail il effectuait. Cette situation était complètement intolérable. Comment pourrions-nous accepter que ce fonctionnement de république bananière se perpétue sans que nous puissions faire la lumière là-dessus ?
Nous avons certes eu un certain nombre d'explications grâce aux enquêtes qui ont été ouvertes. Je l'ai dit à plusieurs reprises dans ce parlement: nous avons fait l'erreur d'accuser quasiment tous ceux qui travaillent à l'office des poursuites sans cibler les personnes responsables. De même, lorsque le département a suspendu un certain nombre de fonctionnaires, il n'a pas jugé utile de leur indiquer pourquoi, les renvoyant à Internet pour connaître les motifs de leur suspension. Du point de vue syndical et du point de vue du droit des personnes, ce procédé semblait tout de même un peu particulier. Je trouve injuste que certains employés, qui ont fait honorablement leur travail, qui l'ont fait honnêtement, aient été sanctionnés un peu à la légère. Heureusement, on est revenu en arrière, mais la réalité est là: des objets importants ont été détournés, une véritable mafia s'est instituée entre les vendeurs et les revendeurs, des gens ont été grugés, volés, dans des situations difficiles au moment d'une faillite ou d'une succession. On a profité de la situation désastreuse de ces personnes pour les voler et pour détourner leurs biens. J'irai plus loin encore: la Cour de justice s'est montrée incapable de contrôler et incapable de remplir son mandat de surveillance des offices. Elle a failli à son devoir. Dans certains articles de presse on a démontré que des juges de la Cour de justice, avec l'argent détourné, profitaient de soirées de fête avec l'ensemble des préposés qui sont aujourd'hui inculpés. Cela n'est pas acceptable !
Alors que tout le monde connaît ces éléments, alors que vous tous savez, Mesdames et Messieurs des bancs d'en face, ce qui s'est passé à l'office, alors que nous avons mis en place ensemble à la commission de contrôle de gestion une série de dispositifs permettant de remédier à cette situation, alors que, avant les élections, chacun s'accordait pour dire qu'il fallait faire la lumière sur ces dysfonctionnements, que nous proposez-vous aujourd'hui ? Tandis que vous étiez d'accord avec la mise en place de systèmes de contrôle élémentaires, tandis que l'autorité fédérale les a acceptés, vous proposez de revenir en arrière avec des systèmes aussi fallacieux que ceux-là. Vous proposez de revenir sur une loi approuvée par tous les partis, sauf les libéraux. Vous voulez supprimer la commission de contrôle ! Pour cela, vous ne proposez rien de plus concret qu'un texte qui change l'entrée en vigueur de la loi déjà entrée en vigueur. C'est proprement scandaleux ! Et, si c'est inacceptable au niveau juridique, au niveau politique, Mesdames et Messieurs des bancs d'en face, assumerez-vous la responsabilité aujourd'hui, face aux événements qui se sont passés, de cacher la vérité, d'empêcher la mise en place d'une commission de contrôle, de continuer à laisser les mêmes qui ont agi avant continuer à agir, de proposer les dispositifs mêmes qui ont failli à leur devoir et qui ont fait leur travail avec toutes les lacunes démontrées, de remettre en cause tout le travail fait par la commission de contrôle de gestion; assumerez-vous tout cela, aujourd'hui ? Pourquoi proposez-vous ce retour en arrière ? Parce que ce sont vos amis politiques, il faut appeler les choses par leur nom, qui sont dans le coup de ces affaires-là ! Aujourd'hui vous cherchez à les couvrir en proposant de telles inepties !
Je m'adresse aujourd'hui aux députés des bancs qui me font directement face: Messieurs, vous avez aussi été élus pour changer la vie politique de ce canton, pour faire place à une certaine transparence, pour mettre fin aux magouilles, pour mettre fin à la domination des partis sur les réalités politiques, pour rendre la possibilité au peuple de se prononcer. Vous n'allez tout de même pas, aujourd'hui, dans le premier vote important, sur une situation aussi grave que celle de l'office des poursuites, prêter la main aux magouilles des partis qui sont à vos côtés et qui sont responsables de cette situation. Prenez vos responsabilités, Messieurs, renvoyez au moins ce projet en commission de façon que nous puissions l'étudier sérieusement ! Je vous assure que dans l'ensemble du dossier il y a suffisamment d'arguments et quand vous les connaîtrez et que vous saurez le détail de tous ces problèmes, vous reconnaîtrez que nous avons eu raison. Il faut une commission de contrôle, il faut faire la transparence, il faut donner la possibilité à la population de savoir ce qui s'est passé et il faut mettre un terme aux magouilles des partis de l'Entente qui ont, tant au niveau judiciaire qu'au niveau des différentes commissions ou des responsabilités au Conseil d'Etat, conduit l'office des poursuites et faillites à gruger et rouler les gens lorsque ceux-ci sont dans des situations morales désastreuses, soit après un décès, soit après une faillite. Il est inacceptable de prêter la main à une telle manoeuvre qui est politiquement injustifiable et juridiquement fausse. Je vous demande de renvoyer ce projet en commission pour que vous puissiez vous faire une idée précise et poser les questions pertinentes qui vous permettront d'aller devant vos électeurs en les regardant en face et non pas simplement en suivant les partis qui sont responsables de la situation actuelle. (Applaudissements.)
M. Mark Muller (L). Je crois que M. Spielmann vient de nous mettre tous en cause au sein des partis de l'Entente, en parlant des magouilles de l'Entente.
Je voudrais quant à moi revenir à la question qui nous préoccupe à ce moment du débat, à savoir s'il est opportun de renvoyer ce texte en commission. Le projet de loi qui nous est soumis ce soir présente deux volets. Il y a d'une part le fond du problème qui est relativement simple: par ce projet nous voulons simplement suspendre les effets de la loi votée en septembre, ni plus ni moins. Nous considérons que cette loi mérite d'être revue sur certains points et ce tranquillement, en commission. (L'orateur est interpellé.)Nous accepterons bien volontiers le renvoi du projet de fond qui revoit la loi. (Brouhaha.)
Que le deuxième projet de loi qui revient sur la loi que vous avez votée au mois de septembre soit bon ou mauvais, le fait que vous ne l'ayez pas encore lu n'est pas relevant, Mesdames et Messieurs les députés. Ce qui l'est, c'est que la loi de septembre est imparfaite et mérite d'être suspendue.
S'agissant de la procédure, M. Grobet a essayé de nous expliquer très doctement qu'il y avait un grave problème d'entrée en vigueur, un grave problème juridique, et qu'il conviendrait, pour cette raison seule, de renvoyer le texte en commission. Je voudrais vous rassurer: ce n'est pas du tout le cas. Je vous rends attentifs au fait que l'article que nous proposons de modifier est l'article 3 alinéa 1 souligné de la loi votée en septembre qui concerne toutes ses dispositions votées par vous-mêmes sauf l'article 10 alinéas 1 et 2. Ceux-ci font l'objet de l'article 3 alinéa 2 souligné qui prévoit l'entrée en vigueur de ces dispositions au 1er décembre. Nous ne remettons pas en question l'entrée en vigueur au 1er décembre de l'article 10 alinéas 1 et 2. Ces dispositions prévoient effectivement que nous sommes chargés d'élire un certain nombre de représentants dans un organe de surveillance des OPF. Nous allons le faire: simplement ce nouvel organe n'aura pas de compétences parce que le reste de la loi ne sera pas entré en vigueur et le reste de la loi continuera à être appliqué par la Cour de justice comme nous le souhaitons. Il n'y a donc aucun problème juridique ni formel. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)Il n'y a aucun problème lié à l'entrée en vigueur de telle ou telle disposition légale et donc aucune raison de renvoyer ce projet en commission.
L'autre élément soulevé par vous, c'est le fait que le Conseil fédéral aurait avalisé le projet de loi voté au mois de septembre.
Une voix. Il l'a fait !
M. Mark Muller. Certes, il l'a avalisé. Je crois que c'est un fait qui n'est contesté par personne, mais cela n'a aucune portée sur l'entrée en vigueur de cette loi. Le Conseil fédéral a simplement constaté que la loi votée en septembre est conforme au droit fédéral, un point c'est tout.
Il y a cependant une raison pour laquelle nous devons voter ce soir le texte que nous vous soumettons et qui, je le rappelle, propose tout simplement de suspendre l'entrée en vigueur de la loi de septembre. Quelle est cette raison ? Eh bien c'est qu'il y a urgence. Si nous ne le votons pas ce soir, la loi entrera en vigueur au 1er mars 2002 et si, par hypothèse, nous ne votions qu'ultérieurement la suspension de l'entrée en vigueur de la loi de septembre, alors les conséquences problématiques évoquées tout à l'heure par M. Grobet se poseraient effectivement après le 1er mars. Nous devons donc absolument voter ce soir.
Quelques éléments encore sur nos méthodes. Je crois, Mesdames et Messieurs de l'Alternative, que vous n'avez de leçon à donner à personne. Je rappellerai simplement quelques éléments qui sont intervenus au tout début de la législature précédente. Nous étions dans une configuration semblable. Simplement, les rôles étaient inversés. Vous avez voté une loi en discussion immédiate, je vais vous le rappeler: c'était l'abrogation de la loi Haegi. Alors que cette loi non plus n'était pas entrée en vigueur, vous n'avez pas jugé utile non plus de la renvoyer en commission pour examiner s'il convenait effectivement de l'abroger ou pas. Je vous rappelle encore l'épisode de la LDTR où, après de longues négociations avec les partenaires sociaux, après une loi votée à l'unanimité par le Grand Conseil début 1997, vous avez jugé utile de remettre en question cette loi. Certes, les travaux ont été menés en commission, mais le procédé n'en était pas moins critiquable. Je vous invite donc très sincèrement et très chaleureusement à ne pas accepter le renvoi en commission de ce projet de loi et à ne mener en commission que le seul débat de fond.
M. Dominique Hausser (S). Dans les dix minutes qui vont suivre, je vais vous expliquer pourquoi il est nécessaire de renvoyer ce projet de loi en commission, puisque cette demande a été formulée et que nous ne devons traiter que de ce point-là avant de poursuivre éventuellement les débats, si le renvoi en commission était, par hypothèse, refusé par la majorité de ce parlement.
Le ridicule ne tue pas. Il peut cependant mettre à terre, et la dernière intervention est le summum. M. Mark Muller vient d'essayer de démontrer en reprenant les articles, en indiquant que le projet ne touche qu'à l'article 3 alinéa 1 de sorte que les dispositions déjà entrées en vigueur n'étaient pas remises en cause, bien que les membres de l'autorité de surveillance ne soient pas nommés. Non, Mesdames et Messieurs, c'est une plaisanterie ! Nous sommes dans une situation complètement foireuse. Nous sommes dans une situation où visiblement, vous essayez d'utiliser tous les subterfuges pour ne pas laisser entrer en vigueur une loi qui, fondamentalement, permettra d'améliorer le fonctionnement des OPF.
Je viens de prendre connaissance de la décision prise par le Conseil supérieur de la magistrature cet après-midi ou en fin de matinée, comme par hasard, à quelques heures du débat que nous avons en ce moment. Je lis dans ces conclusions qu'il n'y a rien à reprocher. Nous l'avions dit bien avant qu'ils prennent leur décision, puisque nous savons, fondamentalement, qu'il est difficile de porter un jugement calme, serein et neutre sur ses partenaires de travail. Il est difficile de prendre du recul par rapport au fonctionnement quotidien. Il est difficile de dire qu'on n'appartient pas à la Cour de justice quand on est au Conseil supérieur de la magistrature et que malheureusement quand on est dans cette situation on a tout oublié. Mesdames et Messieurs, j'ai entendu un certain nombre d'entre vous, signataires du projet de loi - celui que nous avons officiellement aujourd'hui, mais aussi de celui que j'ai trouvé par hasard vendredi dernier - affirmer qu'ils n'avaient aucune relations avec les procédures en cours aux OPF. Bien entendu, vous n'avez aucun lien avec les acteurs, qu'ils soient aux offices des poursuites et faillites, qu'ils soient à l'autorité de surveillance cantonale ! Mesdames et Messieurs, vous vous moquez de nous ! Si vous étiez raisonnables, vous retireriez tout simplement ce projet de loi. Au pire, vous accepteriez la proposition qu'un certain nombre d'entre nous a fait de le renvoyer en commission.
Hier, à la commission des finances, l'un d'entre vous, le président du parti libéral, a affirmé que la confrontation était néfaste pour le bien de la République et qu'il valait mieux rester dans un climat de dialogue. Je crois que vous devriez en prendre de la graine et au mieux retirer vos projets de lois: celui qui est aujourd'hui en discussion et l'autre, que vous déposerez le 8 janvier. Dans le pire des cas, renvoyez le projet dont nous débattons maintenant en commission, peu importe laquelle: celle des spécialistes de la juridiction, celle du tribunal populaire de la commission judiciaire. Les spécialistes en découdront tout à l'heure.
M. Michel Halpérin (L). J'ai, du moins on pourrait le croire, été un peu mis en cause. Il ne me paraît cependant pas absolument indispensable d'y répondre. Je voudrais néanmoins, mais sur le fond de notre débat, revenir aux propositions et à l'exposé tout en nuances de M. Spielmann dont nous savons la ferveur et la capacité d'auto-mobilisation.
Et puis, vous me permettrez de commencer par quelques mots d'explications pour ceux qui n'ont pas eu la chance, au contraire de M. Hausser, de lire le projet. Ce projet de fond, que propose-t-il en quelques mots ? Il propose de reconsidérer la structuration des offices des poursuites et faillites en instituant un seul arrondissement de faillites, comme vous l'avez voulu vous-mêmes, et deux arrondissements de poursuites. Il propose effectivement que le contrôle du fonctionnement de ces offices soit confié à la Cour de justice, mais qu'on lui donne un poste de plus pour qu'elle puisse faire face à ses charges. Il propose encore que la définition des tâches de la Cour de justice, qui était un peu lacunaire dans les anciens textes, soit revue et que le nécessaire appui de l'Inspection cantonale des finances lui soit donné. Il propose enfin que quelques dispositions du texte relatives à la gestion des immeubles dans les cas de gérance légale soient remises en place et, d'une façon plus générale, il propose que le texte qui est devenu, du fait des travaux hâtifs qui ont été conduits précédemment, un texte réglementaire, prenne davantage une allure normative et générale. Voilà en quoi consiste le projet dont nous aurons à parler sur le fond.
Nous aurions pu, bien sûr, si nous fonctionnions comme vous nous le prêtez, vous proposer l'abrogation pure et simple de la loi 8621. Pourquoi ne l'avons-nous pas fait ? Parce que nous pensons que les expériences vécues au printemps et à l'été de cette année ont mis en évidence que l'ancienne loi ne donnait pas satisfaction. Celle qui a été votée le 21 septembre n'est pas seulement imparfaite, elle n'est pas très bonne, mais elle reste meilleure, à mon avis, que le texte antérieur. C'est la raison pour laquelle nous n'avons pas proposé son abrogation, mais l'adoption d'un texte nouveau que nous croyons supérieur à l'ancien et qui par conséquent serait deux fois supérieur au précédent.
Un mot maintenant à M. Grobet et à M. Spielmann pour l'aspect juridique de leurs interventions. D'abord à propos de la composition de la nouvelle commission de surveillance, dont M. Spielmann s'est époumoné à nous expliquer qu'elle était conçue pour la mettre à l'abri des fureurs partisanes et des copinages. Je ne sais pas, Mesdames et Messieurs les députés, ce que vous pensez d'une autorité de surveillance qui est composée d'un président à mi-temps et de 7 commissaires désignés par les partis; moi j'y vois un assujettissement au système partisan infiniment plus grave que le système des juges. (L'orateur est interpellé.)Je sais bien, pour l'avoir entendu déjà dans quelques bouches, avant même que l'on m'interrompe ici, que, quand des jugements ne vous satisfont pas, vous avez une légère tendance à mettre en question la qualité des juges qui siègent. En ce qui me concerne, j'ai une autre vision du monde, qui s'appuie sur la séparation des pouvoirs qui fait que les décisions des juges sont respectables et que les juges, quand ils prennent leur fonction, quand bien même ce sont des partis politiques qui les désignent, le font dans le respect de la loi et non pas de leurs origines partisanes. Mais si vraiment la question vous préoccupait, je vous signale que, selon moi, cinq des neufs juges qui siégeaient au Conseil supérieur de la magistrature sont de couleur socialiste.
Enfin, sur la question juridique, Monsieur Grobet, le député Muller vous a répondu partiellement. On peut, si l'on fait abstraction de nos travaux, faire deux lectures de l'abrogation que nous proposons. Vous avez compris, Monsieur Grobet, que nous proposons avec le texte que nous vous demandons de voter en urgence d'abroger toute l'entrée en vigueur, ce qui est une lecture possible dont j'ai expliqué qu'elle était fondée sur notre désir d'éviter des chevauchements entre le nouveau fonctionnement, y compris la restructuration des offices, et l'éventuel nouveau modèle que vous voteriez avec nous, peut-être, si, comme M. Hiler l'espérait tout à l'heure, notre texte ne s'avérait pas si mauvais que cela. On peut aussi bien faire la lecture qu'a faite M. Muller et qui était effectivement dans les intentions des auteurs. Elle consiste à dire que la loi a deux déclics d'entrée en vigueur: le 1er décembre pour la nomination de la nouvelle autorité de surveillance et le 1er mars pour tout le reste. Nous pensions que vous feriez avec nous la lecture qui consistait à dire que nous avons à désigner le nouvelle autorité de surveillance - nous aurions déjà dû le faire d'ailleurs. Ce n'est pas un drame si cette autorité commence son travail, parce qu'on peut y mettre un terme relativement vite, ce n'est qu'une petite équipe de 7 ou 8 personnes et c'est tout au plus un système intermédiaire. En revanche, si nous devons restructurer deux fois les offices des poursuites et faillites et si nous devons refaire deux fois les textes qui devront être appliqués par les offices et par ceux qui les contrôlent, alors à coup sûr nous ferons un travail désordonné. Voilà l'explication.
Quant au reste, Mesdames et Messieurs, il se trouve que le parlement décide des lois, parmi les attributions qui sont les siennes il y a la date d'entrée en vigueur de ces lois, et nous pouvons modifier les dates d'entrée en vigueur dont nous nous sommes nous-mêmes dotés, parce que cela fait partie de nos tâches législatives.
M. Rémy Pagani (AdG). Je suis assez atterré des débats qui se déroulent en ce moment, notamment parce que je viens de milieux associatifs où nous avons l'habitude de nous dire les choses en face et d'affronter la réalité. Or, il y a un argument que M. Halpérin vient d'invoquer qui dit qu'il suffit de nommer l'autorité de surveillance et puis, après quelques mois, de prétendre que cette autorité n'aura servi à rien. Je crois que c'est se moquer de passablement de gens. En effet, Monsieur Halpérin, contrairement à ce que vous imaginez, le Conseil d'Etat, les employés des OPF continuent à travailler quotidiennement et il y a un problème technique que nous devrons résoudre immédiatement et c'est pour cette raison que nous demandons le renvoi en commission: le directeur ad interim, M. Auer, a été nommé en préfiguration de la loi votée le 21 septembre. Je pose alors la question au Conseil d'Etat, comment ferez-vous pour dire à M. Auer, demain, si nous votons ce soir, nous n'avons plus besoin de lui parce que le statu quo anterevient, avec ses citadelles imprenables pourtant décriées par tous ?
C'est un problème technique sur lequel doit se prononcer le Conseil d'Etat et une fois de plus - je parlais tout à l'heure de se dire les choses en face - je ne vois pas dans ce débat le Conseil d'Etat prendre ses responsabilités. Je vois des conseillers d'Etat baisser la tête et écrire consciencieusement ce qu'ils pensent peut-être dans leurs têtes, mais sans prendre part réellement à ce débat. Depuis une année, j'ai le regret de le dire, le Conseil d'Etat ne prend pas ses responsabilités. Aujourd'hui, le Conseil d'Etat devrait dire, au moins, qu'il a mis en place une structure, des processus de formation, qu'il a restructuré l'ensemble de ce service, qu'il a mis à sa tête un directeur qui est là pour casser toutes les petites magouilles qui ont eu lieu dans les différents offices. Et tout cela, si vous prenez la décision de voter ce projet de loi, tout cela est mis à terre. Cela signifie que six mois de travail de l'ensemble de la fonction publique est mis à terre. Au moins, j'imaginais le Conseil d'Etat responsable de ses actes et des décisions qu'il a prises ou du moins qu'il assume la continuité des institutions de l'Etat, mais je constate qu'il n'y a personne à bord et à la direction de cet Etat.
La deuxième chose que j'aimerais dire, c'est que je suis assez étonné de trouver dans un rapport du Conseil supérieur de la magistrature ce que je m'évertuais à dire il y a une année. Je crois qu'il y a des choses qu'il faut mettre à plat, parce qu'une fois encore, dans le milieu d'où je viens, quand il y a des dysfonctionnements on va les dire aux responsables. Je me suis donc présenté, avec d'autres, devant le Conseil d'Etat, pour faire la liste de tous les dysfonctionnements, il y a de cela une année. Je vous les lis pour mémoire parce qu'il est important que la population qui nous écoute sache précisément que cela fait une année que cette affaire dure et que cela va continuer. La liste est longue. Les juges nous disent que la comptabilité des offices n'est pas tenue de manière régulière; qu'il existe des comptes fictifs; que des détournements de fonds ont été commis par un employé de l'office Arve-Lac depuis plus de dix ans, pour un montant total évalué à plusieurs millions de francs; qu'il y a des défaillances et une insuffisance de sécurité dans le système informatique; que le contrôle interne est inadapté; que les offices perçoivent des dons privés; qu'ils utilisent une caisse noire; que les inventaires des biens des faillis sont mal tenus; que l'office procède à des ventes de gré à gré non autorisées; que des employés des offices opéraient des achats dans ces mêmes ventes; qu'il y a des problèmes dans la sous-traitance des dossiers de faillites, des pratiques douteuses relatives à la fixation des émoluments, des relations douteuses entre les préposés et les agences d'emploi temporaires. C'est toute la liste que l'ICF a sortie, à propos de laquelle il y a une année tout le monde prétendait que ce n'était pas vrai. Tout le monde a baissé la tête lorsque nous nous sommes présentés pour dire tout cela. Aujourd'hui nous sommes exactement au même point que l'année passée: vous voulez nous faire croire que tous ces problèmes n'existent pas, puisque la décision que vous allez prendre réduira à néant le travail qui a été entrepris pour les résoudre. J'ajoute une chose, parce qu'il y a une année je ne m'étais pas rendu compte de cela: les juges de l'autorité de surveillance sont aussi responsables de cette situation parce que non seulement ils ont fermé les yeux, mais ils ont trempé dans certaines affaires pénales. Je le dis très clairement, et vous avez beau baisser à nouveau la tête, ces affaires-là sont réelles et malheureusement vous n'en mesurez pas la dimension exacte.
Pour terminer, j'aimerais dire qu'aujourd'hui tout le monde se comporte comme des gamins. Chacun renvoie les responsabilités à son voisin. Dans ce document qui vient de nous être remis - je pourrais citer des extraits à longueur de séance - la Cour de justice renvoie les responsabilités au Conseil d'Etat en prétendant qu'elle l'avait averti. Le Conseil supérieur de la magistrature accuse encore l'ICF de n'avoir pas fait son travail, alors qu'il y a seulement deux ans que l'ICF peut véritablement agir. La conclusion c'est que tout le monde aurait dû prendre ses responsabilités y compris l'autorité de surveillance quand, en 1995, elle s'est rendu compte que, les effectifs diminuant en raison des restrictions budgétaires que la droite a imposées, elle n'était plus en mesure de tout surveiller. A ce moment-là les juges auraient dû, non seulement avertir le Conseil d'Etat ce qu'ils ont fait par M. Ramseyer, mais encore venir devant le Grand Conseil pour nous indiquer qu'un magistrat de l'exécutif, dont nous sommes l'autorité de surveillance, ne faisait pas correctement son travail. Nous aurions pu alors agir sur le Conseil d'Etat comme demain peut-être et, malheureusement, nous devrons porter cette affaire au Tribunal fédéral pour que ces juges soient contrôlés et que ce ne soit pas simplement une histoire de copains qui se règle entre copains. C'est, selon nous, ce qui légitime, tant du point de vue du travail qui a été fait ces six derniers mois pour reconstruire les OPF que du point de vue juridique, un renvoi en commission.
Le président. Je compte encore six demandes de prise de parole. Je vous explique comment nous allons procéder. Nous terminerons cette séance à 23h. Demain matin le budget est en point fixe et nous poursuivrons ce débat après, et je ne sais pas jusqu'où vous allez nous entraîner.
M. Souhail Mouhanna (AdG). Tout d'abord, j'aimerais dire un mot à l'occasion de cette prise de parole qui est la première pour moi en tant que député. J'ai une pensée reconnaissante à l'égard des citoyennes et des citoyens de ce canton qui me permettent aujourd'hui de m'exprimer en tant que député, après que ces citoyennes et citoyens eurent restauré la fonction publique dans son droit d'éligibilité.
Je voudrais revenir maintenant à la question qui nous occupe ce soir. Je ne vais pas essayer d'intervenir au niveau de la loi sur les poursuites, ni de ce qui s'est déjà passé dans ce Grand Conseil à ce propos, tout simplement parce que je n'y étais pas et que j'ai suivi l'affaire des offices des poursuites comme tout le monde à travers les médias, à travers ce que nous pouvions apprendre en tant que personnes extérieures au parlement. Ce qui me surprends au plus haut point en regardant ce projet de loi avec les yeux d'un député novice, c'est de constater par exemple que nous parlons de quelque chose dont, peut-être, celles et ceux qui regardent la télévision ne savent pas exactement de quoi il s'agit. Je vais me permettre de lire un seul article, l'alinéa 3 de l'article 1: «L'entrée en vigueur sera fixée ultérieurement par le Grand Conseil en raison de l'examen en commission d'un projet ayant le même objet.» Pour ma part, je n'ai jamais vu quelque chose de ce genre-là depuis que je suis les affaires du Grand Conseil ou que je m'intéresse à la politique. On nous dit en définitive qu'il y aura entrée en vigueur d'un projet de loi qui sera discuté en commission. Les députés de la majorité préjugent déjà du fait que ce Grand Conseil acceptera automatiquement le projet de loi en question. Ce projet de loi, nous en parlons sans savoir de quoi il s'agit. Les signataires de ce projet nous disent d'ailleurs qu'ils refusent le renvoi en commission du projet de loi dont il est question ce soir. Moi, c'est à la poubelle que je l'aurais volontiers envoyé. Ce qu'ils veulent au contraire, c'est l'adopter en discussion immédiate, alors que le projet de loi dont ils s'agit, le vrai, nous n'en savons rien. En tout cas, moi, je n'ai absolument rien vu de ce texte. Vous préjugez de ce que ce parlement va faire, vous préjugez de ce que feront les uns et les autres, en tout cas dans vos groupes. Vous êtes des béni-oui-oui, c'est tout simplement ça.
Vous n'avez aucun respect de l'intelligence des uns et des autres, vous n'avez aucun respect des arguments. Il se peut, Mesdames et Messieurs, que nous ayons des arguments qui pourraient vous faire changer d'avis. Malheureusement, vous vous croyez dans un système totalitaire. Il suffit d'ailleurs d'écouter M. Kunz tout à l'heure qui s'est permis de nous tancer, nous l'Alliance de gauche, et de se réjouir que nous ayons perdu six députés. Monsieur Kunz, venant de vous, cela me surprend parce que vous répétez l'éternelle histoire de la paille et de la poutre. Mais, Monsieur Kunz, c'est vous qui avez perdu un poste de conseiller d'Etat ! Alors, vous qui parlez de démocratie, simplement parce que vous avez la majorité...
Le président. Revenez au sujet, Monsieur Mouhanna, s'il vous plaît, sans quoi M. Kunz voudra vous répondre parce qu'il a été interpellé.
M. Souhail Mouhanna. Je termine sur la question de M. Kunz. Ce qu'il vient de démontrer ce soir, c'est qu'effectivement quand la gauche perd, c'est l'affairisme qui gagne. C'est ce que nous pouvons constater ce soir.
Ce que je lis dans ce projet de loi, c'est que nous allons nous prononcer sur le report de l'entrée en vigueur d'une loi qui a été votée, sous prétexte qu'il y aurait un projet de loi qui viendrait plus tard, dont nous ne connaissons rien et surtout dont nous ne savons pas si ce parlement va l'accepter. Le but de cette manoeuvre est précisément de permettre à l'affairisme de continuer. Moi, Mesdames et Messieurs, je suis dans ce Grand Conseil comme quelqu'un qui est très fier de servir la République et canton de Genève. J'ai honte ce soir parce que j'ai l'impression que certains voudraient transformer cette République en république bananière, celle des copains et des coquins. J'ai honte pour vous. (Applaudissements.)
Mme Alexandra Gobet Winiger (S). Tout à l'heure nous nous sommes posé la question de savoir si cet objet, en cas de renvoi, devait être renvoyé à la commission judiciaire. Il est vrai que, réflexion faite, cette question mérite d'être discutée dans la mesure où c'est vraiment la validité du projet de loi qui est présenté ce soir en urgence qui est en cause, plus que la structure même de l'autorité de surveillance puisque celle-ci fait l'objet du projet de loi de fond qui a été présenté par l'Entente à la presse. Dans ce cadre, il est exact qu'un renvoi à une autre commission que la commission judiciaire pourrait être envisagé, notamment à la commission législative, ou alors, puisque ce débat est tout de même lié au fond, à la commission qui avait traité du premier projet. Sans vouloir trancher, je pense donc que M. Grobet a raison: ce projet peut concerner la commission législative.
Cela dit, je ne peux pas laisser passer les assertions de M. Muller sur le fait que le deuxième projet de loi de l'Entente ne serait qu'une variante de l'autorité de surveillance quelque peu retouchée. Un de vos camarades de banc m'a permis de recevoir le projet de loi que vous avez présenté. Il est extrêmement clair que, contrairement au vrai débat politique qui avait eu lieu au mois de septembre, le texte que j'ai pu consulter n'est pas qu'une réforme bagatelle de l'autorité de surveillance. Puisque tout le monde ne l'a pas ici ce soir sous les yeux, j'aimerais dire ce qui a disparu dans le projet de loi que vous allez présenter et qui, je le répète, est plus qu'un simple remodelage judiciaire de l'autorité de surveillance.
D'abord, vous avez fait disparaître de votre projet de loi toute coordination entre les offices. Ensuite, vous avez supprimé toutes les mesures anti-corruption qui avaient été disposées; je veux dire par là le tournus du personnel au sein des offices de poursuites et faillites, la fin des administrations spéciales assumées par des membres du personnel. Vous avez biffé la disposition qui prévoyait que, dans le cadre des compétences des offices, les ventes avaient lieu dans des enchères publiques plutôt que dans des ventes de gré à gré qui ont donné lieu à des abus. Vous avez supprimé la gérance pour les bénéficiaires des gérances immobilières en retenant au contraire l'exploit qu'avait réalisé un de vos député libéral, que vous avez fusillé, en prévoyant que les gérances légales demeuraient à ceux à qui elles avaient été confiées. Vous avez encore supprimé l'appel d'offre des gérants pour les travaux qui leur étaient confiés et vous avez ôté le regard de l'autorité de surveillance sur la conduite des administrations spéciales. En ce qui concerne effectivement le modeste changement que vous avez apporté à l'autorité de surveillance, il faut relever que, puisque vos partis participent à des structures qui comportent des juges de carrière et des représentants par parti, nous étions prêts en commission a vous concéder peut-être qu'il y ait trois représentants par parti plutôt qu'un seul, si c'était cela qui vous faisait parler de tribunal populaire.
Il est évident qu'une partie d'entre nous ici n'a pas eu connaissance de l'envers du décors qui vous a amenés à déposer ce projet de loi. Je le disais tout à l'heure, je nourris la conviction ferme que ce n'est pas simplement le changement de majorité qui fait que l'ensemble des députés sur ces bancs seraient devenus des supporters de personnes qui ont fauté. Aussi, pour pouvoir peut-être mettre fin ce soir à ce triste déballage, je pense qu'il serait préférable de renvoyer cet objet en commission.
M. Christian Grobet (AdG). Je ne veux pas aborder le fond du problème parce qu'il y aurait encore beaucoup à dire à ce sujet, mais je souhaite revenir sur la demande de renvoi en commission que j'ai faite tout à l'heure. Elle est motivée par un problème strictement juridique. Contrairement à ce que M. Halpérin affirme, je ne me suis pas du tout mépris sur les paroles de M. Muller. Je ne me suis pas non plus mépris sur la portée du projet de loi dont on discute ce soir. Bien que ce projet comporte une erreur en ce qui concerne la référence à l'article, mais nous y reviendrons plus tard, j'ai bien compris qu'il s'agit uniquement de modifier l'alinéa 1 de l'article 3 et non d'abroger les alinéas 2 et 3 du même article. J'ai donc parfaitement compris que les alinéas 2 et 3 restent en force et que vous voulez modifier uniquement l'alinéa 1.
Ceci a pour conséquence, comme M. Muller l'a précisément rappelé, que la nouvelle autorité de surveillance, dont vous ne voulez pas, va de fait entrer en fonction. Vous dites ensuite, Monsieur Muller, et cela m'étonne car je connais vos qualités de juriste, que nous n'avons pas à nous occuper de la nouvelle autorité de surveillance bien que celle-ci soit entrée en force. Les choses ne sont pas si simples, Monsieur, nous allons nous trouver dans la situation où la même loi, la loi d'application de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, va prévoir deux autorités de surveillance et deux autorités pour recevoir les plaintes. Vous me direz alors que, pour les avocats, ce sera du pain béni et je ne sais pas si M. Halpérin, qui est parti, prévoit déjà toutes les procédures d'incompétence ratione materiae et autres qui pourront être engagées.
Au préalable, je souhaiterais revenir sur les raisons qui nous ont fait modifier la nature de l'autorité de surveillance: tout d'abord, la Cour de justice, aujourd'hui, et je ne fais de procès d'intention à personne, est incapable d'assumer cette tâche. Cela a été dit et confirmé dans le rapport du Conseil supérieur de la magistrature qui a rappelé ce que j'ai dit tout à l'heure, à savoir que les trois juges qui s'occupent de l'autorité de surveillance n'y consacrent qu'un après-midi par semaine, soit quelques heures. Ensuite, ces juges n'ont pas les compétences pour s'occuper des vérifications comptables qui sont particulièrement importantes dans le cadre de la gestion des offices des poursuites. Malgré cela, mais c'est sans doute une plaisanterie, M. Halpérin nous dit que le problème sera résolu par la nomination d'un quatrième juge ! C'est-à-dire qu'au lieu d'avoir trois juges qui travaillent quelques heures par semaine, on en aura quatre qui travailleront quelques heures par semaine alors que le Conseil supérieur de la magistrature dit lui-même que le système actuel ne fonctionne pas. C'est écrit dans ce rapport et pourtant vous voulez le perpétuer. C'est invraisemblable !
Alors, l'argument suprême de M. Halpérin c'est qu'il ne faudrait surtout pas politiser l'autorité de surveillance. Ce que nous voulons précisément c'est dépolitiser l'autorité de surveillance en faisant en sorte que chacun de ses membres provienne de l'un des parti siégeant au Grand Conseil. Aujourd'hui, entre les mains de qui se trouve l'autorité de surveillance ? De trois juges de l'Entente. Et voilà M. Halpérin qui vient nous dire qu'il a confiance dans la justice, qu'il respecte scrupuleusement la séparation des pouvoirs et que les juges sont totalement indépendants. C'est facile à dire quand les trois juges sont de votre bord politique, avec tout le respect qui leur est dû. Je note que M. Halpérin par contre tient un discours totalement différent lorsqu'il s'agit de se référer à M. le Procureur général qui, lui, tout d'un coup, est une bête politique avec un couleur très précise. Apparemment, selon à quelle autorité judiciaire il se réfère, M. Halpérin lui attribue une couleur politique ou pas. Je vais vous dire la vérité ! L'autorité de surveillance fonctionnera d'autant mieux que l'on aura la garantie que tous les courants délégués par la population dans cette enceinte y auront un représentant, et tout particulièrement les formations politiques qui ne sont ni au Conseil d'Etat ni dans le pouvoir judiciaire et qui ne se partagent pas le gâteau aujourd'hui. Je fais plus confiance à ces formations qu'à un certain nombre d'autres magistrats.
J'en reviens maintenant au problème juridique posé par votre texte: nous nous trouverons dans la situation où le citoyen ou la citoyenne qui voudra déposer plainte constatera l'existence d'une autorité formée d'un représentant de chaque parti désigné par le Grand Conseil et, un article plus loin, d'une autorité de surveillance qui est en fait la Cour de justice. A qui faudra-t-il donc s'adresser ? Par mesure de sécurité, en tant qu'avocat, je dirai au justiciable que pour être sûr de ne pas se tromper et pour que la plainte ne soit pas irrecevable, il convient de saisir les deux autorités. La même plainte sera traitée en même temps par deux autorités distinctes ! Enfin, Monsieur Muller !
Ensuite vous venez nous dire, Monsieur, qu'il est bien égal de mettre en fonction la nouvelle autorité; mais êtes-vous déjà en train de réfléchir en tant qu'avocat, qui pense que les procédures seront nombreuses et qu'il pourra aller jusqu'au Tribunal fédéral afin que celui-ci décide quelle est l'autorité compétente !
M. Olivier Vaucher. Calmez-vous, calmez-vous !
M. Christian Grobet. Je suis calme, Monsieur Vaucher, mais c'est tellement drôle ! Vous me permettrez, Monsieur, dans cette enceinte si sérieuse, de trouver une fois un projet de loi un peu plaisant. Nous statuons sur beaucoup de choses sérieuses, là, pour une fois, je reprendrai le bon mot de M. Ramseyer: on est saisi d'un gag ! C'est un gag votre projet de loi parce qu'il propose que l'on s'adresse à deux autorités différentes en même temps.
Ecoutez, Mesdames et Messieurs, ayez la sagesse de renvoyer cette affaire en commission et, puisque M. Muller veut à tout prix que je dise encore un mot, je le vois qui piaffe d'impatience, je voudrais revenir sur les deux cas que vous nous avez cités tout à l'heure. Je n'ai pas dit, Monsieur Muller, vous êtes nouveau dans cette enceinte, que nous n'avons jamais demandé une modification de l'ordre du jour pour traiter des projets de lois en urgence comme il a été demandé que d'autres projets qui sont sur notre ordre du jour soient traités en priorité. Ce que j'ai dit, c'est que l'Alternative n'a jamais déposé un projet de loi sur les pupitres à 17h pour demander que l'on en discute à 20h. Du reste, en général, Monsieur le président, les urgences étaient renvoyées au lendemain pour que nous ayons au moins le temps de prendre connaissance des textes.
Le plus beau de l'affaire, c'est que le fond du projet duquel M. Halpérin nous a donné lecture de certains extraits rapides, on ne le connaît toujours pas. Cela, Monsieur Muller, nous ne l'avons jamais fait. Le projet de loi pour l'abrogation de la loi Haegi n'a pas été proposé à la sauvette avec un projet de loi déposé à 17h et voté à 20h30. Quant à la LDTR, vous me permettrez de vous dire qu'il est exact que nous avons modifié la loi qui avait été votée lorsque la droite avait la majorité, mais, après de très longs débats en commission et l'audition de tous les milieux concernés, cette loi a été votée normalement. Je dirais encore, car vous avez oublié de le dire, avec le grand avantage que vos milieux ont lancé un référendum, le peuple a pu se prononcer et cette loi que vous décriez a été adoptée en votation populaire. Je crois qu'on ne peut pas mieux faire. Peut-être bien que le projet que vous voulez passer à la sauvette sera aussi soumis en votation populaire et nous verrons alors comment la population réagira.
Le président. Mesdames et Messieurs, il reste encore quatre intervenants, deux pour la gauche et deux pour la droite. Nous vous proposons de clore la liste des intervenants. Si cela ne suscite pas d'opposition, je donne la parole à M. Spielmann.
M. Jean Spielmann (AdG). Je crois que le problème dont nous discutons maintenant est aussi un problème de transparence et de sincérité vis-à-vis de la population qui nous a élus ici. Pendant des mois et des mois, voire pendant des années, puisque la première motion déposée sur l'office des poursuites date de 1984, nous avons constaté que ces offices rencontraient des problèmes. Et cela, tout le monde le savait, sur tous les bancs. Partant de là, la question fondamentale est de trouver des solutions qui permettent de remédier aux dysfonctionnements, de redonner confiance à ceux qui ont le mandat public d'assurer la tâche de l'office des poursuites, de définir les responsabilités et de prendre les sanctions qui s'imposent. Cela me semble tellement élémentaire à partir du moment où les problèmes sont connus de tous.
Nous avons, quant à nous, joué la transparence, d'abord en essayant de la faire: cela n'a pas été facile, il a fallu un certain nombre d'années, de 1984 à 2000, pour que nous puissions cerner les problèmes et qu'on commence à avouer, petit à petit, que les faits étaient avérés. Nous avons essayé de faire des propositions concrètes de modification de la loi. Ces modifications ont été discutées dans le cadre de la commission de contrôle de gestion. Elles ont été élaborées et discutées par tous les partis, vous étiez tous présents dans cette commission, au courant des problèmes, ayant cerné la nature des difficultés et fait des propositions concrètes. Une proposition de loi a été faite à l'unanimité de la commission. Elle visait à instaurer une autorité de recours qui permette de passer outre le problème posé par la Cour de justice. Nous l'avons dit, et je le répète encore une fois puisque c'est nécessaire après l'intervention de M. Halpérin tout à l'heure, nous n'avons rien contre la séparation des pouvoirs et contre l'indépendance des juges, mais permettez-moi quand même, Mesdames et Messieurs de l'Entente, de vous dire qu'il ne faut pas se moquer de la population. La loi prévoit que les juges sont élus par le peuple. Vous avez, avec le pouvoir qui vous est conféré, mis en place des commissions d'élection des juges. Vous vous êtes répartis les postes et il n'y a pas d'élections populaires pour les magistrats du pouvoir judiciaire. Ce sont les partis qui désignent les juges: les gens qui sont au pouvoir judiciaire sont des gens qui ont d'abord fait allégeance à vos partis. Ils n'ont pas d'indépendance, ils dépendent de vous car il dépend de vous qu'ils soient représentés à la prochaine commission interpartis. Le problème de l'indépendance de la magistrature et de la Cour de justice pose une série de questions à la population, qu'il est quand même nécessaire de discuter ici. En tant que représentant d'un parti qui n'a jamais eu de conseiller d'Etat et qui n'a jamais participé aux discussions pour l'attribution des postes de juges à la commission interpartis, permettez-moi de vous dire que la population doit savoir que les juges, avant d'avoir un poste de juge, doivent adhérer à un parti politique et si possible celui qui a une place de libre au bon moment. Par conséquent, il n'est pas étonnant que dans des structures où sont impliqués des partis politiques et des haut fonctionnaires, qui passent exactement par la même filière que les juges, des dysfonctionnements apparaissent et se posent des problèmes de transparence. Il n'est pas étonnant que la population se sente grugée par vous, par les responsables des partis et par la manière avec laquelle vous mettez en place vos personnes responsables. Alors, nous proposons une commission administrative dans laquelle siègent tous les partis pour que les représentants de ceux-ci puissent rapporter à leurs militants et qu'aucun problème ne puisse être caché. Tous les partis étaient d'accord avec cette idée de commission administrative, avant les élections. Cette commission devait assumer les tâches de surveillance de l'activité des offices des poursuites, après tout ce qui s'est passé, cela me semble être la moindre des choses.
Venir ici avec des arguties juridiques, telles que celle qui consiste à changer la date d'entrée en vigueur d'une loi qui est déjà entrée en force et qui a été approuvée par les chambres fédérales, c'est démontrer que vous n'avez pas le courage politique de remettre en cause les propositions que nous avons faites. De plus vous créez le trouble, vous cherchez à cacher la vérité, à faire des magouilles politiques en laissant, comme l'a dit M. Grobet tout à l'heure, subsister deux instances judiciaires. Alors permettez-moi de vous dire franchement que seize ans de secret, seize ans de cachotteries, ça suffit, et qu'aujourd'hui il faut faire la transparence. Nous n'accepterons pas comme ça que vous vous appropriiez tous les pouvoirs politiques pour nommer les gens qui contrôlent, alors que nous savons très bien que ce n'est pas contrôler que vous voulez mais plutôt cacher la merde au chat, et cacher les responsabilités qui sont les vôtres dans la déconfiture de l'office des poursuites. Alors, Messieurs, si vous aviez un peu d'honnêteté et de volonté de transparence par rapport à la population et à ceux qui nous écoutent maintenant, vous retireriez votre projet de loi, ou au minimum des minimums, renvoyez-le en commission.
Deuxième observation, quand on n'est pas d'accord avec un projet de loi... (Brouhaha. L'orateur est interpellé.)Vous me permettrez quand même d'intervenir sur ce point-là, s'il vous plaît !
Vous avez rédigé un projet de loi que nous n'avons pas vu. Si j'ai bien compris, les signataires proviennent de tous les partis qui me font face ici. Vous tous avez préparé une loi et, en vue d'abroger la précédente, vous avez déposé le projet dont il est question ce soir. Pourquoi alors ne pas avoir présenté le projet de modification de la loi ? Pourquoi le cacher, pourquoi le taire ? Pourquoi faire les choses en secret ? Vous pratiquez le secret face à la population qui nous écoute et qui regarde nos travaux: vous avez préparé un projet de loi que vous n'osez pas montrer, que vous cachez. Il est inacceptable de procéder à de telles manoeuvres après ce qui s'est passé à l'office des poursuites et après que vous-mêmes, pris la main dans le sac, ayez accepté de faire la lumière sur ces affaires et ayez accepté de faire une loi de surveillance pour l'office des poursuites. Il est inacceptable de venir nous proposer d'abroger une loi sans nous présenter - ni à nous ni à la population - celle qui doit la remplacer, alors même que le projet est déjà rédigé et signé. Ce sont des magouilles que vous êtes en train de préparer, permettez-nous de l'expliquer tranquillement à la population, car nous sommes tranquilles. Ceux qui le sont moins, ce sont probablement tous ceux qui ont signé le présent projet de loi, tous ceux qui ont participé aux travaux de la commission de contrôle de gestion et qui savent exactement ce qui s'est passé. Je ne déballerai pas ici tout le linge sale, parce que ce serait très néfaste pour tout le monde et pour les institutions politiques. Cependant, si vous n'êtes pas d'accord avec une loi, il aurait été logique de présenter un projet de loi abrogeant la loi précédente. Or, vous venez avec ce projet, vous l'avez rédigé, vous l'avez signé entre vous et vous avez honte de le présenter ici publiquement devant ce Grand Conseil et de nous le soumettre pour que nous puissions discuter. Vous venez avec une argutie permettant de tout paralyser, de cacher à la population que vous ne voulez pas la transparence et que vous ne voulez pas de contrôle sur l'office des poursuites. Ces attitudes-là sont inacceptables: alors venez avec cette loi, publiquement, faites-la voter et je vous assure que nous ferons appel à la population, nous verrons alors exactement le degré de courage politique que vous avez. Si vous en aviez, si vous aviez la conscience tranquille - je vous assure que c'est agréable - vous auriez présenté votre projet de loi, vous auriez été cohérent et honnête avec le Grand Conseil, avec la population et avec ceux qui vous ont élus. En faisant preuve comme ce soir de malhonnêteté, vous démontrez vraiment le plus mauvais visage de la politique.
J'espère bien que cet exemple-là permettra à la population, d'abord d'identifier vos attitudes et ensuite de les corriger. Si vous ne les corrigez pas, je vous avertis que ce soir vous marquez le plus bel autogoal politique de ce début de législature. Commencer une législature comme vous le faites en ce moment, c'est l'assurance d'aller de déconvenues en déconvenues. Alors, Messieurs, un peu de courage, un peu de transparence, un peu d'honnêteté cela vous permettra d'avoir bonne conscience et je vous assure qu'on vit beaucoup mieux que vous aujourd'hui.
M. Pierre Schifferli (UDC). Nous sommes très surpris de l'ambiance polémique et du psychodrame qui semble se jouer ici. L'UDC n'a pas de représentant au Conseil d'Etat, elle n'a pas de juge ni de représentant au sein des offices des poursuites et nous ne nous sentons pas particulièrement visés par les attaques venant des bancs d'en face, qui sont peut-être un peu excessives. Nous savons bien qu'il y a eu un scandale, nous l'avons suivi par voie de presse et nous savons aussi qu'une loi nouvelle était nécessaire. Nous constatons cependant que cette loi nouvelle a été votée très rapidement, dans des conditions un peu particulières. Une loi nouvelle vous est proposée aujourd'hui. Vous prétendez que vous ne la connaissez pas, mais, Monsieur Spielmann, Monsieur Pagani, je vous donne volontiers mon exemplaire. (Brouhaha. M. Pierre Vanek prend l'exemplaire pour en faire des copies.)J'ai cru, en toute bonne foi, que ce projet avait été distribué, ce n'est pas le cas et je ne pense pas que cela soit le point principal de nos discussions ce soir. Il y a, en réalité, un projet qui vise à améliorer la loi qui vient d'être votée. Si je comprends bien, la loi précédente a été votée très rapidement. Eh bien, la nouvelle loi, qui sera d'abord envoyée en commission, pourra également être votée très rapidement. D'ailleurs, nous avons déjà bénéficié, je le vois ici, d'une proposition d'amendement de notre collègue Mme Gobet Winiger sur laquelle je n'ai pas d'objection particulière. Je pense que ce nouveau projet de loi pourra être discuté et adopté très rapidement. Vous comprendrez que l'UDC est aussi intéressée à discuter de cette nouvelle loi d'application de la LP dans notre canton. Nous sommes tout à fait d'accord que les discussions au sein de la commission qui sera chargée d'examiner ce projet de loi se déroulent le plus rapidement possible. Il ne s'agit absolument pas, en tout cas de notre part, d'une manoeuvre dilatoire et je pense que les auteurs de ce projet de loi, c'est le cas des deux signataires de l'UDC, n'ont ni des intentions malhonnêtes, ni des intentions visant à couvrir des dysfonctionnements ou d'autres manoeuvres illégales. Nous ne comprenons pas très bien pourquoi les partis de l'Alternative font tout ce cinéma et je pense que si le Grand Conseil a le pouvoir de voter une loi, il n'y a pas de raison qu'il ne puisse pas voter la suspension de l'entrée en vigueur ou la suspension d'une loi en vue...
Une voix. Renvoyez-la en commission !
M. Pierre Schifferli. Mais non ! On renvoie en commission des lois substantielles qui contiennent des points de fond, c'est-à-dire des lois matérielles. Ici il s'agit d'un point de procédure et le Grand Conseil est parfaitement capable, et il en a la compétence, de suspendre les effets d'une loi pour permettre l'entrée en vigueur d'une nouvelle loi votée rapidement. C'est le point de vue de l'UDC et nous serons très contents de participer activement, avec tous nos collègues, au débat visant à mettre sur pied cette nouvelle loi d'application de la LP.
M. Jean Spielmann. Vous couvrez vos amis politiques ! (Huées. Le président agite la cloche.)
M. Pierre Schifferli. Je crois qu'en politique il n'y a pas beaucoup d'amis et nous ne voyons pas de quoi vous voulez parler: nous n'avons rien à couvrir ici.
M. Albert Rodrik (S). Il me semble, en entendant les dernières interventions, que nous avons besoin de revenir au centre de la discussion. Nous avons en main, Monsieur Schifferli ou d'autres, un projet de loi 8658 qui dit que l'entrée en vigueur de la loi votée le 21 septembre dernier sera examinée ultérieurement. Au bas de cette loi, il y a un article 3 souligné et pour une raison obscure, la date du 1er mars 2002 a fait flash-flash aux signataires de ce projet de loi. Or, cette date du 1er mars 2002, c'est-à-dire le 1er mars qui suit le renouvellement du Grand Conseil et du Conseil d'Etat, n'a rien à voir avec la loi du 21 septembre dernier, elle découle d'une loi générale d'organisation qui fait que toutes les autorités non parlementaires: conseils d'administration, commissions administratives, etc. se mettent en place dès le 1er mars qui suit le renouvellement du Conseil d'Etat et du Grand Conseil. Il n'y a rien donc qui puisse faire douter du fait que la loi du 21 septembre est tout à fait et intégralement entrée en vigueur et que ce texte n'a pas de sens, mais comme nous sommes bons princes nous acceptons de vous le renvoyer en commission. Je répète pourtant que la date du 1er mars 2002 est totalement irrelevante, c'est une date qui ressort de l'organisation générale des organes de l'Etat. Vous ne pouvez donc pas suspendre l'entrée en vigueur d'une loi déjà parfaitement en vigueur. En dépit de cette tératologie législative, nous voulons bien renvoyer ce texte en commission, parce que, Mesdames et Messieurs, si ce texte 8658 est adopté, que vous le vouliez ou non, vous aurez abouti à une abrogation de la loi du 21 septembre dans les faits. Il y aura des décombres juridiques et vous enlèverez tout instrument de travail à la nouvelle conseillère d'Etat. Ce sera votre premier, et peut-être dernier, exploit de la législature. (Applaudissements.)
M. Christian Luscher (L). Très rapidement, j'aimerais faire une remarque à M. Grobet qui entretient l'idée que si vous votez ce projet de loi...
M. Dominique Hausser. Monsieur Luscher, asseyez-vous, vous tombez sous le coup de l'article 24.
Le président. Monsieur Hausser, s'il vous plaît. Si vous ne vous taisez pas, je ferai intervenir l'article 90.
M. Dominique Hausser. Monsieur le président, je vous prie de faire respecter le règlement.
Le président. Monsieur Luscher, vous avez la parole.
M. Christian Luscher. Monsieur Hausser, est-ce que vous avez l'intention de m'interrompre quand je prends la parole ou est-ce que vous allez me laisser terminer ?
Une chose donc à M. Grobet qui entretient l'idée selon laquelle nous allons nous trouver devant un conflit d'autorité en ce sens que l'ancienne loi prévoirait la Cour de justice comme autorité de surveillance et que celle votée en septembre, qui est censée être entrée en vigueur, prévoit une commission administrative. Je souhaite attirer ici l'attention de tous les députés sur le fait que cela est totalement faux pour une raison relativement simple: ce soir, nous devons décider si oui ou non nous décidons d'abroger ou plutôt de suspendre l'entrée en vigueur de cette loi.
Une voix. Elle est déjà entrée en vigueur !
M. Christian Luscher. Cette loi entre en vigueur le 1er mars 2002.
Des voix. Non, non, c'est faux ! (Le président agite la cloche.)
M. Christian Luscher. Je vous fais remarquer que l'article 3 alinéa 2 prévoit, en ce qui concerne l'entrée en fonction des membres que celle-ci s'effectue à la date mentionnée à l'alinéa premier de la loi. Or, précisément cette loi prévoyait que les membres entrent en fonction le 1er mars 2002. De sorte que si vous suspendez l'entrée en vigueur de cette loi et bien nous allons juridiquement nous trouver dans une situation très simple où il n'y a aucun conflit d'autorité, mais c'est l'autorité actuellement en place qui devra traiter les plaintes.
J'aimerais faire encore une remarque à M. Spielmann. Je crois que même lorsque l'on est dans l'enceinte d'un parlement on n'a pas le droit de se laisser aller à des propos totalement outranciers. Vous avez dit, Monsieur Spielmann, que les juges faisaient allégeance à leur parti. Je prends note que le procureur Schmid dorénavant, lorsqu'il requerra viendra prendre ses ordres chez vous, Monsieur. Je prends note que le juge d'instruction Daniel Devaud, lorsqu'il instruit une affaire fait allégeance à l'Alliance de gauche et n'instruit pas et n'inculpe pas sans vous avoir demandé votre avis.
M. Jean Spielmann. C'est l'exception qui confirme la règle.
M. Christian Luscher. J'aimerais vous dire que vous avez une vision à géométrie variable lorsqu'il s'agit des juges, puisque lorsque la justice vous dit que des juges n'ont pas fauté, vous ne la croyez pas et lorsque la justice vous dit qu'un juge a fauté, vous ne la croyez pas non plus. Vous devriez dorénavant faire preuve d'une certaine cohérence. Visiblement vous préférez donner dans le populisme et l'outrance, vous feriez mieux d'avoir de la logique dans vos propos ! (Applaudissements.)
Le président. Nous sommes saisis d'une proposition de renvoi à la commission judiciaire. C'est cela, Madame Gobet ?
Mme Alexandra Gobet. Etant donné qu'il s'agit de la validité juridique du projet, je me demande s'il n'est pas plus opportun de le renvoyer à la commission législative.
Le président. Bien alors nous votons sur le renvoi de ce projet de loi à la commission législative.
M. Dominique Hausser. Je demande l'appel nominal. (Appuyé.)
Mise aux voix, la proposition de renvoyer ce projet en commission est rejetée par 47 non contre 40 oui et 1 abstention.
Ont voté non(47) :
Anne-Marie von Arx-Vernon (PDC), Claude Aubert (L), Gabriel Barrillier (R), Florian Barro (L), Luc Barthassat (PDC), Caroline Bartl (UDC), Jacques Baud (UDC), Jacques Baudit (PDC), Janine Berberat (L), Blaise Bourrit (L), Thomas Büchi (R), Gilbert Catelain (UDC), Marie-Françoise de Tassigny (R), René Desbaillets (L), Gilles Desplanches (L), Jean-Claude Dessuet (L), Jean-Claude Egger (PDC), Jacques Follonier (R), Yvan Galeotto (UDC), Renaud Gautier (L), Jean-Michel Gros (L), Janine Hagmann (L), Michel Halpérin (L), Hugues Hiltpold (R), Robert Iselin (UDC), Jacques Jeannerat (R), René Koechlin (L), Pierre Kunz (R), Bernard Lescaze (R), Christian Luscher (L), Blaise Matthey (L), Alain-Dominique Mauris (L), Guy Mettan (PDC), Alain Meylan (L), Mark Muller (L), Jean-Marc Odier (R), Jacques Pagan (UDC), Pascal Pétroz (PDC), Patrice Plojoux (L), André Reymond (UDC), Jean Rémy Roulet (L), Stéphanie Ruegsegger (PDC), Pierre Schifferli (UDC), Patrick Schmied (PDC), Ivan Slatkine (L), Olivier Vaucher (L), Pierre Weiss (L).
Ont voté oui(40):
Esther Alder (Ve), Thierry Apothéloz (S), Christian Bavarel (Ve), Charles Beer (S), Marie-Paule Blanchard-Queloz (AdG), Loly Bolay (S), Christian Brunier (S), Alain Charbonnier (S), Anita Cuénod (AdG), Jeannine de Haller (AdG), Antoine Droin (S), René Ecuyer (AdG), Alain Etienne (S), Laurence Fehlmann Rielle (S), Christian Ferrazino (AdG), Anita Frei (Ve), Morgane Gauthier (Ve), Alexandra Gobet Winiger (S), Christian Grobet (AdG), Jocelyne Haller (AdG), Dominique Hausser (S), André Hediger (AdG), David Hiler (Ve), Antonio Hodgers (Ve), Sami Kanaan (S), Michèle Künzler (Ve), Sylvia Leuenberger (Ve), Ueli Leuenberger (Ve), Anne Mahrer (Ve), Souhail Mouhanna (AdG), Rémy Pagani (AdG), Véronique Pürro (S), Albert Rodrik (S), Maria Roth-Bernasconi (S), Françoise Schenk-Gottret (S), Carlo Sommaruga (S), Jean Spielmann (AdG), Pierre Vanek (AdG), Alberto Velasco (S), Ariane Wisard (Ve).
S'est abstenu(1):
Georges Letellier (UDC).
Etaient excusées à la séance(3):
Erica Deuber Ziegler (AdG), Mireille Gossauer-Zurcher (S), Mariane Grobet-Wellner (S).
Etaient absents au moment du vote(8):
Claude Blanc (PDC), Hubert Dethurens (PDC), John Dupraz (R), Pierre Froidevaux (R), Philippe Glatz (PDC), Pierre-Louis Portier (PDC), Claude Marcet (UDC), Louis Serex (R).
Présidence:
M. Bernard Annen, président
Le président. Nous passons au deuxième débat. Le titre et le préambule sont adoptés... (Brouhaha.)Excusez-moi, nous n'avons pas encore voté l'entrée en matière... Monsieur Grobet, vous avez la parole.
Présidence de M. Bernard Lescaze, premier vice-président
M. Christian Grobet (AdG). Monsieur le président, je comprends que la soirée avançant vous ayez hâte de terminer les débats, mais le règlement du Grand Conseil précise qu'après la préconsultation il y a un premier débat au cours duquel chacun peut s'exprimer sur l'objet dont nous sommes saisis.
J'ai dit tout à l'heure que nous aurions l'occasion de revenir sur le fond de ce projet de loi et, à ce sujet, je souhaite m'exprimer sur le but qui est poursuivi. Nous avons maintenant reçu, je remercie notre collègue Schifferli, le projet de loi pour lequel vous demandez, à travers un autre projet de loi, la mise en veilleuse des dispositions qui ont été votées en septembre dernier. J'aimerais vous dire qu'il ne nous a pas été matériellement possible de lire ce projet de loi en cinq minutes et je propose donc, pour que nous puissions avoir un premier débat constructif, que nous reprenions les débats demain. Nous voulons pouvoir nous exprimer sur ce projet de loi qui nous a été remis il y a cinq minutes seulement.
Monsieur Schifferli, évoquant ce projet de loi, vous avez déclaré que les dispositions que vous entendez mettre en veilleuse avaient été adoptées dans la précipitation. Vous n'étiez pas dans cette enceinte à l'époque où ces dispositions ont été votées, on peut donc vous excuser de ne pas savoir comment cela s'est effectivement passé. Je veux donc vous expliquer que la commission de contrôle de gestion, qui siège une fois par semaine, s'est saisie au mois de mai déjà de la question des modifications qu'il y aurait lieu d'apporter à la loi d'application de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite pour tenter de donner aux offices des poursuites une structure qui soit efficace et qui permette, d'une part, de faire le travail convenablement et, d'autre part, de mettre fin à un certain nombre de dysfonctionnements. Un premier projet a été élaboré par une sous-commission formée de M. Béné représentant l'Entente et Mme Alexandra Gobet. Ces deux députés ont rédigé tout un texte qui a été examiné pendant plusieurs séances de la commission où il y avait une unanimité sur toute une série de dispositions afférentes à l'organisation même des offices. A fin juin, la commission a interrompu ses travaux pour les vacances et a demandé aux députés de chacun des partis de travailler sur ce projet de loi et d'amener, le cas échéant, leurs amendements à la fin août, c'est-à-dire à la reprise des travaux. L'Alternative a examiné ce texte en détail et a proposé un certain nombre de modifications qui ont été examinées de manière très attentive par la commission et qui ont été votées le 21 septembre. Il n'y a donc pas eu de précipitation. Il est vrai que nous aurions pu consacrer encore plus de temps à ce problème. Nous aurions pu voir si les dispositions pouvaient être améliorées, etc. Mais sur l'ensemble des principes, nous étions tombés d'accord. Il y avait surtout un point sur lequel nous étions d'accord, c'est qu'il fallait que ces mesures entrent en vigueur le plus rapidement possible et la plupart des députés regrettaient de fait que la prise d'effet réelle d'un certain nombre de dispositions de la loi n'interviennent que le 1er mars, pour les raisons que M. Rodrik a rappelées tout à l'heure, à savoir que c'est le 1er mars que les commissions administratives entrent en fonction dans leur nouvelle composition. Il n'y a donc pas eu de précipitation, ce qui ne veut pas dire que la loi ne puisse pas être améliorée.
Ceci m'amène à critiquer le fond du projet de loi dont nous débattons ce soir. En effet, vous ne voulez rien d'autre que suspendre l'application des dispositions qui ont été votées par une très large majorité et avec lesquelles je pense que vous devriez être d'accord pour l'essentiel au profit de modifications qui pourraient de toute manière intervenir ultérieurement. Pourquoi suspendre toutes les mesures qui ont été prévues pour des adaptations de la loi ? Il vous est parfaitement loisible, dans deux ou trois mois, d'apporter certaines adaptations à ce qui a été voté au mois de septembre. Lorsque nous avons voté cette loi au mois de septembre, j'étais convaincu que la loi devrait être adaptée une fois ou l'autre comme toute nouvelle loi importante, parce que la pratique démontre qu'il y a des questions auxquelles nous n'avons pas songé ou des questions qu'il faudra adapter et c'est ainsi que les nouvelles lois sont faites, très souvent, pour être modifiées ou adaptées quelques mois plus tard. Je voudrais donc contester la méthode consistant à suspendre toutes les mesures que nous avons adoptées et qui pour l'essentiel ont fait l'unanimité, au prétexte que l'on voudrait apporter quelques adaptations.
Maintenant, je voudrais revenir sur les deux modifications principales que vous entendez apporter, bien que je n'ai pas lu le projet de loi, mais M. Halpérin nous a dit qu'il y avait deux modifications essentielles.
D'une part, au lieu d'avoir les trois offices que nous avons maintenant, que nous avons souhaité remplacer par un office unique en ce qui concerne les faillites et un office unique avec trois circonscriptions pour les poursuites, la proposition de l'Entente est de faire deux offices: l'un sur la rive gauche et l'autre sur la rive droite. Alors, je ne sais pas, et je pense que - je vois que Mme Calmy-Rey est partie, mais peut-être M. Lamprecht pourra-t-il le dire - la délégation du Conseil d'Etat mise sur pied au mois de juin pour préparer la mise en route de la nouvelle structure des offices a prévu un certain nombre de dispositions en fonction de la loi qui a été votée. Si le projet de ce soir est voté, il faudra revoir tout cela en fonction de ce qui est proposé, mais vous ne pourrez pas le faire tant que le deuxième texte n'a pas été voté. Vous risquez de voir en commission que la solution qui consiste à créer deux offices au lieu de la solution retenue précédemment pose une série de problèmes. (L'orateur est interpellé.)Ecoutez, je n'ai pas eu le temps d'analyser le projet de loi, mais j'ai cru entendre M. Halpérin nous dire qu'il y aurait deux offices des faillites et deux offices des poursuites. (L'orateur est interpellé.)Bon, alors vous maintenez un office des faillites. C'est déjà plus sage. En revanche, les deux offices des poursuites retomberont dans les travers du système que nous voulions supprimer, à savoir des offices qui ne mènent pas forcément la même politique et surtout qui n'ont pas un seul patron. Ce que tout le monde pensait voir s'imposer, c'est qu'à la suite de tous les dysfonctionnements il fallait avoir un patron pour diriger l'ensemble des offices. Il avait même été envisagé d'avoir un directeur général pour assurer cette fonction. Finalement, nous nous sommes rendu compte que la nomination d'un directeur général n'était pas compatible avec la loi fédérale. C'est pour cette raison que nous avons préféré avoir un seul office, pour n'avoir qu'un seul préposé responsable, mais avec le maintien des trois circonscriptions actuelles, parce que trois offices existent de fait: on a fait des investissements et, effectivement, la répartition géographique paraît logique.
Le président. Monsieur Grobet, voulez-vous bien vous acheminer vers votre conclusion ?
M. Christian Grobet. J'y viens. Je veux simplement dire qu'en ce qui concerne l'organisation que vous proposez pour les offices, le problème est plus complexe qu'il n'y paraît et je ne pense pas que la solution que vous proposez soit souhaitable. Quant à l'autorité de surveillance qui paraît être votre proposition la plus importante, nous y reviendrons tout à l'heure puisque nous n'avons que dix minutes de temps de parole.
Je reviens cependant à ce qui ressort de la décision qui nous a été distribuée ce soir. Il apparaît clairement que l'autorité judiciaire que vous voulez rétablir est incapable de faire le travail qui doit être fait. Il ne se trouve pas, dans les juges qui siègent à la Cour de justice, les personnes qui ont les compétences professionnelles et les connaissances requises pour assurer la surveillance des offices. Par voie de conséquence, en maintenant l'autorité de surveillance telle qu'elle existe aujourd'hui, vous supprimez la volonté qui était celle de la commission d'avoir une autorité composée de gens qui soient à même de traiter tous les problèmes liés à la surveillance des offices et non pas seulement de traiter les plaintes qui sont en fait des recours judiciaires. La Cour de justice s'est contentée de cette tâche-là qui, vous me permettrez de le dire, Monsieur Schifferli, n'est que le sommet de l'iceberg. Dans le cadre de la réorganisation des offices, il faudra au contraire que l'autorité de surveillance s'investisse dans la surveillance de l'organisation des offices et de leur restructuration.
C'est pour cette raison que nous pensons que votre projet de loi fait fausse route et par conséquent c'est une erreur fondamentale de ne pas laisser entrer en vigueur immédiatement les dispositions qui ont été votées. Si cela devait arriver, nous nous trouverons, dans deux ou trois mois encore, dans une situation de chaos qui se perpétue alors que nous avons un directeur général compétent, M. Auer, qui fait du bon travail et qui essaie de restructurer ces offices. On en restera au chaos et je ne comprends pas que vous vouliez nous faire voter le projet tel que vous le proposez.
Le président. Merci, Monsieur le député. Il y a encore six demandes d'intervention. A 23h15, nous interromprons le débat et nous reprendrons demain, après le budget. La parole est à M. Hausser.
M. Dominique Hausser (S). Je vais essayer de ne pas dépasser les cinq minutes que vous m'avez accordées avant la clôture de la séance.
Mesdames et Messieurs, on nous vend un projet de loi qui, contrairement à ce que défendent l'Entente et l'UDC, est tout sauf transparent puisqu'on nous demande simplement de surseoir à une loi qui est déjà en force. Ce que veut l'Entente, tranquillement, sans le dire, c'est déposer dans les délais pour la prochaine séance un projet de loi qui remet tout simplement en place la politique qui a été celle de l'office des poursuites, de l'autorité de surveillance, du Conseil supérieur de la magistrature - et nous en avons la preuve en lisant le papier qui nous a été distribué tout à l'heure - du Conseil d'Etat qui ne s'est pas donné les moyens d'investiguer le fonctionnement du personnel.
La transparence que vous défendez sur les bancs d'en face, elle n'existe pas. L'UDC a fait toute sa campagne électorale, plus d'un million en quinze jours, en disant qu'elle en avait marre de la politique des petits copains. Premier projet de loi, premier sujet sensible: bing ! politique des petits copains ! Mesdames et Messieurs, vous défendez la séparation de pouvoirs, vous défendez la possibilité pour chacun de défendre des positions dans les circonstances... (L'orateur est interpellé.)Monsieur le président, c'est insupportable, je me tais jusqu'à ce qu'il y ait le silence !
Le président. Laissez parler M. Hausser, s'il vous plaît !
M. Dominique Hausser. Monsieur Barro, vous n'êtes pas signataire de ce projet de loi. Vous êtes dans un groupe qui a soutenu le projet. Vous ne vous rendez pas compte à quel point...
Le président. Monsieur Hausser, adressez-vous au président, je vous prie.
M. Dominique Hausser. Alors même que M. Barro défend depuis toujours une politique d'Etat qui soit claire et transparente, le fait qu'il adhère à une proposition qui est quasiment «mafieuse» me paraît insupportable. Même si ce projet est simple - il ne fait que trois lignes - il n'est pas acceptable, parce que quelque part il cache la merde au chat. Mesdames et Messieurs, je vous propose, pour avoir un débat serein, de reporter tout simplement la discussion sur ce projet de loi à la prochaine session, selon la nouvelle terminologie, c'est-à-dire au mois de janvier, de sorte que la totalité des députés aura formellement sous les yeux le projet scélérat, promouvant la politique des petits copains, défendant des intérêts particuliers, que la droite propose à ce parlement. (Brouhaha.)
Le président. Il reste cinq demandes de paroles. Je vous propose, comme nous siégeons toute la journée de demain, d'interrompre ici nos travaux. (Le président est interpellé.)La proposition de M. Hausser n'interrompt pas le débat. La seule proposition qui peut l'interrompre, c'est une proposition de renvoi en commission. Nous voterons sur la proposition de reporter le débat après que les cinq orateurs inscrits se seront exprimés, à moins que ceux-ci renoncent à leur demande de parole.
Je vous invite maintenant, Mesdames et Messieurs, à aller chercher, à la salle Petitot, les bouteilles de vin qui vous sont offertes par le département de l'intérieur, de l'agriculture et de l'environnement. Je vous donne rendez vous demain matin à 8h et vous souhaite une bonne soirée.
La séance est levée à 23h15.