République et canton de Genève

Grand Conseil

RD 416
5. Discours de la présidente pour la fin de la législature ( )RD416

La présidente. J'aimerais tout d'abord saluer à la tribune la présence d'anciens collègues. J'espère n'oublier personne afin que personne ne soit vexé. Il s'agit de MM. Christian de Saussure, Luc Gilly, Alain Vaissade, Jean Opériol et René Longet. (Applaudissements.)

Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, chers amis, les meilleures choses ont une fin. Certains d'entre vous diront sans doute que les pires en ont aussi une : que ma présidence ait été l'une ou l'autre, elle prend fin ce soir. Sachez que ce fut pour moi une année merveilleuse, passionnante et cela grâce à vous. Ces deux dernières séances, particulièrement difficiles, ne réussiront pas à altérer mon souvenir : vous n'aurez pas réussi à me dégoûter! Je tiens ce soir à remercier toutes celles et tous ceux qui m'ont soutenue, depuis mon élection jusqu'à ce soir, et en particulier mon groupe qui m'a donné sa confiance.

Puisque j'en suis aux remerciements, je voudrais en exprimer d'autres encore. Tout d'abord au Bureau, qui a su m'aider, m'accompagner, me contrarier parfois, durant toute cette année. Il a fait un très bon travail avec un moral toujours au beau fixe, dans une année électorale particulièrement difficile. Un merci tout particulier à Bernard Annen, premier vice-président. Je sais qu'il a parfois souffert à mes côtés, mais je vous jure que je ne suis pour rien dans la chute de ses cheveux... (Rires.) Bernard n'a eu de cesse, ces douze mois passés, d'affirmer et de réaffirmer l'importance du rôle du Grand Conseil. Soyez certains que l'année prochaine, si la population lui accorde ses suffrages et si vous lui accordez les vôtres, vous serez bien défendus.

Il me faut rappeler aussi que rien ne se ferait sans la présence constante et souriante de Maria Anna Hutter. Elle a su redonner à toute l'équipe du service du Grand Conseil une dynamique remarquable et elle veille sur vous. (L'assemblée, debout, applaudit à tout rompre. La présidente remet des fleurs à la sautière.) Elle veille sur vous et sur votre bien-être pratiquement nuit et jour. Sur ce point, je veux attirer l'attention de mes successeurs. Gardez-la précieusement, car chaque fois que je vais à Berne, au Palais fédéral, ils tentent de nous la reprendre. Alors choyez-la!

Maria, ce Grand Conseil te doit beaucoup, merci! Je veux aussi remercier ceux qui travaillent un peu plus dans l'ombre, que l'on rencontre moins souvent, mais qui sont la vraie ruche du service du Grand Conseil. J'aimerais leur rendre hommage et, pour une fois, citer leurs noms, pour qu'il leur soit ici accordé notre reconnaissance. Milena Guglielmetti, tout d'abord, notre nouvelle directrice adjointe qui prend très bien ses fonctions. Je cite ensuite les collaborateurs dans l'ordre alphabétique pour ne pas donner l'impression à l'un ou l'autre que je le privilégie : Stéphane Baldassari, Catherine Ben Hammoud, Michèle Burdet, Françoise Chételat, Jean-Luc Constant, Patricia de Lavergne de Cerval, Sonia Gatti, Josiane Geandier, Françoise Hediger, Patricia Pestalozzi, Yvan Reynard, Christian Roy, Didier Thorens, et je ne saurais oublier Paul Perrin et Emile Tinner. (Applaudissements.)

Toujours au chapitre des remerciements, j'en adresse également à la chancellerie et au protocole avec qui nous développons de mieux en mieux de nouvelles collaborations. Un petit mot aussi pour le Conseil d'Etat et particulièrement à Carlo Lamprecht qui, au cours d'une année de présidence parallèle à la mienne, s'est toujours assuré qu'un bon accueil me soit réservé dans les manifestations auxquelles nous avons été appelés à assister. (Applaudissements.) Enfin, parce que l'on m'a toujours dit qu'il fallait les flatter, merci aux journalistes - au singulier ce soir - de restituer à la population genevoise la substantifique moelle de nos débats. (Applaudissements.) Mesdames et Messieurs les députés, permettez avant que je n'aborde quelques propos plus politiques, que je partage encore avec vous deux ou trois clins d'oeil qui ont marqué pour moi cette année. Tout d'abord, ce qui faisait la Une des discours de mes trois prédécesseurs, tous masculins, à savoir le test de la balance. Contrairement à eux, je n'ai pas pris 12 kilos. Je n'ai donc pas eu besoin de changer ma garde-robe. Bernard, il t'incombera de prouver que ce ne sont pas seulement les femmes qui savent être raisonnables. A toi de relever ce défi!

J'ai eu l'occasion de rencontrer, dans l'exercice de mes fonctions, des grands de ce monde et ce furent des moments forts. Pourtant, l'apothéose de ma carrière politique est incontestablement d'avoir été proposée comme lot dans une tombola! Avouez que, appartenant à un parti qui lutte contre la femme objet, j'ai fait là vraiment très fort. Je rassure ceux qui auraient de mauvaises pensées : il ne s'agissait que d'un repas.

Enfin, à la veille de quitter ce poste de présidente, je me dis, pour me consoler de ce départ qui est douloureux, que j'aurai été la seule présidente de toute l'histoire du parlement genevois à siéger sur deux millénaires.

Voilà ce que je voulais partager avec vous sur un ton un peu léger, mais, Mesdames et Messieurs les députés, vous conviendrez avec moi qu'au vu de l'actualité récente je ne peux en rester, dans ce discours d'au revoir, à ces quelques souvenirs. Ces dernières semaines et ces derniers jours ont été, ailleurs, faits de violence et de mort. La vie reprend son cours et il ne faut surtout pas rester bloqué sur ces tragédies. Pourtant, tenter de faire un bilan de cette année d'activité parlementaire et de cette législature, tenter d'en tirer quelques conclusions ne peut mener aujourd'hui qu'à mesurer à la fois un privilège et une fragilité. Le privilège d'être cette République paisible avec ses problèmes et ses interrogations certes, mais dans une situation plutôt favorisée. La fragilité aussi de toute collectivité face à la violence : la violence folie, c'était pour les autres jusqu'à aujourd'hui, le meurtre de masse se déroulait ailleurs. Soudain, la violence apparaît aussi chez nous. Pourtant ce qui s'est passé aux Etats-Unis et à Zoug, comme ce qui s'est passé et continue de se passer en plusieurs autres endroits de la planète sans que nous n'y prenions garde, tout cela ramène à leur juste mesure et à leur vraie place les enjeux sur lesquels nous nous sommes arrêtés, voire affrontés dans cette enceinte.

Cela nous amène également à réfléchir aux causes de ces événements et aux liens qui les unissent les uns aux autres. C'est l'occasion ici pour moi de redire que j'ai la profonde conviction - acquise au contact de populations du Sud dans ma lutte contre les mines antipersonnel - que, parce que nous sommes ce parlement de Genève et parce que le nom de ce canton est partout ailleurs lié aux droits de l'Homme, à la recherche de la paix et à la défense des plus faibles, nous sommes et nous devons être à la fois plus sensibles et plus attentifs aux désordres du monde, plus engagés dans l'expression de la solidarité et plus exemplaires dans le fonctionnement quotidien de notre société.

Une société, cela se construit jour après jour, à notre échelle. L'une de nos tâches prioritaires n'est-elle pas de tisser et de retisser sans cesse, ici même, la probable seule et unique protection possible contre la violence : le lien social et l'écoute de chacun? Ce qui se passe ailleurs devrait nous inciter à agir plus, à agir mieux. Nous avons à construire ces liens sociaux qui préviennent la violence, toutes les violences, les petites et les grandes, les délirantes et les calculées, celles dont on nous fait un spectacle, mais également celles que nous ne voyons pas. Nous avons également, pour créer ce lien social, à trouver impérativement des solutions pour ceux qui soudain se retrouvent de l'autre côté de la barrière, perdant leur travail et perdant ainsi reconnaissance et dignité.

Comment concilier toutes ces tâches, comment assurer ces vastes et multiples responsabilités ? Nous devons nous en donner les moyens, car notre parlement étouffe sous le travail. Je ne vous donnerai pas de chiffres, de nombre de pages de Mémorial, de nombre de motions ou de projets de loi déposés, de nombre de séances supplémentaires : tous ces chiffres explosent. Alors que faire?

Tout d'abord un souhait que je veux exprimer ce soir. Ne tombons pas dans le piège de la professionnalisation. Restons un parlement de milice proche du peuple : c'est notre richesse. Réfléchissons plutôt à changer certaines de nos institutions. Nous sommes le parlement d'une vieille république et nous avons parfois de vieilles habitudes. Certaines sont excellentes et ne pèsent guère sur notre travail. D'autres sont plus lourdes et plus lentes que les enjeux mêmes que nous avons à affronter. Il nous faut, par exemple, presque quatre ans pour accoucher du revenu minimum, quand il ne faut que quelques jours à tel ou tel de nos concitoyens pour se retrouver plongé dans une situation de pauvreté ou de précarité. Nous ne sommes certes pas responsables de tous ces dysfonctionnements, mais nous sommes responsables de penser un changement fondamental de certaines de nos institutions. Ce soir, mon voeu c'est que - au-delà de chacun de nous ou de chaque groupe politique dans son coin d'hémicycle - reconnaissant la nécessité d'un changement, la nécessité de la réforme des institutions, nous soyons collectivement capables de susciter ce changement, d'amener cette réforme, d'en assumer les procédures démocratiques et les conséquences politiques. Dans quelle autre ville le slogan «Vive la réforme!» pourrait-il avoir plus de sens qu'à Genève?

Il y a un an, lorsque vous m'avez confié la présidence de ce Grand Conseil, je ne vous avais fait qu'une promesse : faire tout ce qui me serait possible pour aider ce parlement à être plus qu'une chambre d'enregistrement et mieux qu'un lieu de débat stérile. Je ne sais si j'y suis parvenue autant que je l'aurais voulu, mais ce soir, à la fin de cette législature, je peux faire avec vous ce constat : notre travail de député est difficile, parce qu'il est de plus en plus pointu dans des domaines très spécialisés, parce qu'il est de plus en plus prenant, parce qu'il est de plus en plus lourd. Il faut le dire pourtant, ce travail de député est une activité merveilleuse et passionnante, nous devons mieux l'expliquer à la population qui pose un regard très critique sur l'homo politicus qui lui devient de plus en plus étranger. Aidons les citoyens à comprendre comment nous travaillons, où se passent les véritables débats, de quelle manière nous les menons, quelles sont les réflexions qui amènent à nos décisions, quelles sont les véritables enjeux. A nous également d'être attentifs à l'image que nous donnons. Quand certaines forces politiques représentatives ne jouent pas leur rôle, ou le jouent mal, c'est tout le débat politique qui plonge dans le caniveau. Il ne suffit pas de nous consoler de nos propres insuffisances seulement parce que ceux qui pourraient les exploiter nous annoncent qu'ils sont prêts à faire bien pire et à rabaisser le débat politique au niveau de l'attaque personnelle, de l'injure et de la calomnie. Mesdames et Messieurs les députés, il en va de notre responsabilité, et elle est grande.

Voilà les réflexions, en vrac, que j'avais envie de partager pour ma dernière prise de parole devant vous. Je remercie chacune et chacun de son engagement au cours de cette année et de ces quatre dernières années. Je souhaite à ceux qui seront sur ces bancs lors de la prochaine législature de parvenir à trouver cet équilibre fragile entre notre devoir de député ouvert à l'avenir de Genève et du monde et notre devoir d'offrir à la population des députés engagés et respectueux des gens et d'eux-mêmes. En plus de cela, il nous faut parvenir à concilier ces activités avec une vie professionnelle et une vie familiale. C'est là l'enjeu principal de l'avenir de notre parlement et par là même de notre démocratie. Quant à ceux qui ne reviendront plus dans cette enceinte, à eux aussi, je souhaite d'oeuvrer, depuis l'extérieur, à donner au monde politique un visage humain et répondant aux attentes de la population.

Mesdames et Messieurs les députés, en ce jour ensoleillé du mois d'octobre, il ne me reste qu'à conclure. J'espère de tout coeur que, malgré les attaques de grêle et les quelques tempêtes, les vendanges de cette législature auront été bonnes. (Applaudissements prolongés.)

Merci beaucoup pour ces applaudissements qui me vont droit au coeur. Je passe maintenant la parole à M. Bernard Annen, premier vice-président.

M. Bernard Annen (L). Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, après les remerciements de notre présidente, j'aimerais moi aussi remercier ce parlement. Le remercier pour avoir accepté ce soir de faire la fête. Les uns et les autres n'ont pas voulu la faire au même moment, mais les uns et les autres nous ont indiqué qu'ils voulaient la faire.

Chère Elisabeth, te voici arrivée au terme de ton mandat, que le temps passe vite! J'entends comme si c'était hier Daniel Ducommun regretter de te céder la place. Madame la présidente, j'espère que vous aurez obtenu toute la satisfaction ou presque que vous pouviez légitimement attendre de cette fonction. Vous allez certainement tirer un bilan de cette année présidentielle. Sera-t-il unique? J'en doute. Vous en avez brossé un tout à l'heure : il était officiel. Le vrai, le personnel, c'est celui que vraisemblablement nous ne connaîtrons jamais, sauf si un jour vous deviez écrire vos mémoires. A l'intérieur de ce bilan vérité quels seraient les qualificatifs imaginables à l'égard de votre Bureau? Vous décririez peut-être le caractère de ses membres comme baroudeur pour Anita Cuénod, discipliné pour Pierre-Pascal Visseur, angélique pour Antonio Hodgers ou ancestral pour Etienne Membrez. Je ne m'aventurerai pas à qualifier le caractère de Maria Anna ou de Milena avec qui j'aurai peut-être à travailler prochainement... (Rires.) Quant à moi, je sais vous avoir excédée de temps à autre. L'histoire ne dit pas si cela était ou non à bon escient. Il vous fallait encore, Madame la présidente, gérer la communauté des chefs de groupe : Pierre Ducrest, l'anti sans débat, Christian Grobet, suivez-moi et seulement moi, Christian Brunier, d'accord si Hiler est d'accord... (Rires et applaudissements.) ...David Hiler, d'accord si Brunier est d'accord, et Jean-Marc Odier qui suit volontiers Pierre Ducrest à condition que Nelly Guichard le suive. La conséquence de ces coalitions est une politique de bloc que vous auriez pu, Madame la présidente, appeler une politique débloque. Cela me rappelle votre premier vote pour départager ce parlement, sur un amendement de coin de table touchant le projet relatif au parking de la Nautique. Le débat fut difficile. Vos commentaires aussi discrets que sévères ne laissaient aucun doute sur votre position au moins aussi forte que celle de l'opposition. Malgré cela et contre votre for intérieur, vous avez opté pour la solidarité Alternative. Je reconnais qu'il vous était difficile de faire autrement, mais c'est ce que j'appelle, et je devrai certainement le subir, un passage obligé désobligeant.

Vous vous êtes révélée, Madame la présidente, être une femme de dialogue, parfois à sens unique, mais souvent - je me plais à le reconnaître - à la recherche du consensus. «Ils vont moins parler, nous disiez-vous; j'ai bien fait d'aller négocier avec eux, ajoutiez-vous.» Dans l'adversité, vous savez être diplomate et il vous fallait une forte dose de diplomatie pour réussir à nous imposer les nombreuses séances supplémentaires. Les libéraux, à tort ou à raison - je reconnais humblement avoir mes préférences - n'en voulaient aucune. L'Alliance de gauche ne voulait que cela. Il n'était pas facile dans ces conditions d'arbitrer. Vous cherchez très certainement encore aujourd'hui la formule pour résoudre l'équation de la quadrature du cercle. De mon point de vue, cette équation contient au moins cent inconnues.

Une de vos qualités, parmi d'autres, a été de défendre la cause du Grand Conseil durant cette année présidentielle. Vous avez pris cette mission à coeur et vous avez su imposer votre fonction, ce dont je vous félicite. Vous avez représenté dignement l'Etat et su défendre la place du parlement au sein des pouvoirs ternaires de notre canton. Les relations avec l'exécutif ne sont pas toujours aisées. La lutte d'influence existe même si elle est courtoise. Vous y avez toujours répondu avec déférence et avez défendu les intérêts du Grand Conseil avec fermeté.

Il me faut conclure, chère Elisabeth, mais que dire sans être soupçonné d'être devenu un libéral socio-culturellement déviationniste ? L'exercice est difficile, alors comme je suis courageux mais pas téméraire, j'ai choisi de citer Guy-Olivier Segond dans l'hommage qu'il vous a rendu à l'occasion de la réception de Troinex, le 7 décembre de l'an dernier. Je le cite s'adressant à vous, Madame la présidente : «Vous avez un idéal éclairé, des convictions qui soutiennent des principes, qui guident l'action, vous avez de l'intelligence, de la détermination, du courage, de l'ouverture aux autres et le sens de la décision. Vous avez donc toutes les qualités pour faire une excellente présidente du Grand Conseil. Merci. Bravo et bonne chance.» Force est de constater que Guy-Olivier Segond a vu juste. Au nom de mes collègues du Bureau, je puis te dire que ce fut un réel plaisir de travailler avec toi durant cette année présidentielle. Je dirai ce soir, en te regardant, chère Elisabeth, que tu as le sourire du devoir accompli. Autrement dit, chère Elisabeth, tu as bonne mine. Garde ta bonne mine, car elle t'est personnelle. Bon vent pour l'avenir et merci pour cette année de présidence! (Applaudissements.)

La présidente. Merci à Bernard Annen pour ces compliments dont je ne suis pas sûre qu'ils soient tous authentiques.

Des voix. Mais si!

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, il a été souhaité que chaque groupe puisse prendre la parole étant donné que, dans chaque groupe, des députés nous quittent et ne se représentent pas aux prochaines élections. J'aimerais vous donner ici un chiffre qui doit nous faire réfléchir. Au cours de cette législature, vingt-cinq députés nous ont quittés et ce soir vingt-huit ne se représentent pas aux élections de ce week-end. C'est dire que par rapport au début de la législature plus de cinquante députés ne poursuivent pas leur chemin dans cette enceinte. Cela indique bien la lourdeur de la tâche. Encore une fois, j'aimerais remercier tous ceux qui s'en vont. Je donne maintenant la parole à qui la veut.