République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 4 octobre 2001 à 17h
54e législature - 4e année - 12e session - 47e séance -autres séances de la session
No 47/X
Jeudi 4 octobre 2001,
soir
La séance est ouverte à 17 h.
Assistent à la séance : Mme et MM. Carlo Lamprecht, président du Conseil d'Etat, Micheline Calmy-Rey, Guy-Olivier Segond, Gérard Ramseyer, Laurent Moutinot et Robert Cramer, conseillers d'Etat.
1. Exhortation.
La présidente donne lecture de l'exhortation.
2. Personnes excusées.
La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance : Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Esther Alder, Régis de Battista, Hervé Dessimoz, John Dupraz, Armand Lombard, Louiza Mottaz, Jacques-Eric Richard, Jean Spielmann et Micheline Spoerri, députés.
M. Laurent Kasper-Ansermet est assermenté. (Applaudissements.)
4. Déclaration du Conseil d'Etat.
Conséquences de l'arrêt des activités de Swissair
M. Carlo Lamprecht. Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, la faillite inimaginable de Swissair, porte-drapeau de l'économie nationale et de la qualité suisse dans le monde, a plongé notre canton, comme le reste du pays, dans la consternation et la colère.
Consternation tout d'abord, parce que la manière dont cette affaire a été traitée a porté gravement atteinte à l'image même de la Suisse dans le monde, à sa fiabilité comme partenaire économique et à sa place financière, dont le comportement suscite les plus vives critiques en Suisse et ailleurs.
Je citerai à cet égard l'éditorial de la «Neue Zürcher Zeitung» d'hier, mercredi 3 octobre, qui relevait qu'en clouant au sol les avions de Swissair, les grandes banques suisses avaient non seulement marqué un incroyable autogoal en ébranlant la confiance dans la place financière mais qu'elles avaient aussi creusé l'écart entre les milieux économiques et politiques et hypothéqué le devenir de Crossair, la compagnie appelée à succéder à Swissair.
Seule l'intervention de dernière minute du Conseil fédéral laisse espérer une trêve momentanée dans la descente aux enfers de Swissair.
Colère ensuite, car cette faillite est lourde de conséquences pour les femmes et les hommes qui ont servi la compagnie avec un dévouement sans faille. Ils méritent toute notre admiration et notre soutien.
Grâce à la qualité de leur travail et à leur total dévouement, Swissair a joui, des années durant, d'un immense prestige dans le monde. Après s'être identifiés avec zèle et loyauté à leur compagnie, les voilà aujourd'hui lourdement pénalisés.
Si c'est à Zurich que la facture économique et sociale sera la plus lourde, Genève sera également touché par des suppressions d'emplois.
Compte tenu des enjeux économiques et sociaux de la débâcle de Swissair, le Conseil d'Etat et mon département suivent avec la plus grande attention l'évolution de la situation à Genève. Les informations en notre possession nous amènent à évaluer les répercussions à Genève avec la plus grande prudence.
Tout d'abord, il convient de rappeler que dans leur très grande majorité - 97% environ - les passagers de l'Aéroport international de Genève proviennent de la région ou s'y rendent. Ce flux se maintiendra pour l'essentiel, et, avec lui, la plupart des activités aéroportuaires qui s'y rapportent. Il s'agit d'une clientèle à haute valeur ajoutée pour les compagnies aériennes.
Les lignes directes actuellement desservies de Genève par Swissair sont au nombre de cinq : le vol pendulaire pour Zurich et les dessertes de Londres, Paris, Moscou et New York. La rentabilité de ces dessertes est établie et elles devraient logiquement être reprises par Crossair dès le 28 octobre. Les fréquences du pendulaire, en revanche, pourraient être légèrement réduites en raison de la diminution du nombre de long-courriers en partance de Zurich.
Cela signifie que le trafic au départ de Genève ne devrait pas subir de restrictions majeures, sous réserve, bien sûr, des conséquences des événements tragiques du 11 septembre qui influencent à la baisse l'activité de tous les aéroports du monde.
Cela signifie aussi que les activités au sol devraient subsister en tant que telles pour permettre à ce trafic de se poursuivre normalement. S'agissant de la société Swissport, qui emploie environ mille personnes à Genève pour assurer l'assistance des passagers et des avions au sol, les négociations de reprise sont bien engagées. Il est possible, par contre, que les entreprises de catering et de transport de fret subissent une légère diminution d'activité.
Mais ce sont surtout les activités administratives et commerciales des deux compagnies actuelles, Swissair et Crossair, qui risquent de perdre des emplois. L'absorption des activités de la première par la seconde fera très probablement apparaître des «doublons» de fonctions qui ne pourront pas être maintenus.
En l'état actuel de nos informations et sans préjuger d'éventuels développements relatifs à Crossair, ce sont environ 10% des deux mille quatre cents emplois liés au groupe Swissair à Genève qui risquent d'être touchés, sans que l'on puisse affirmer à l'heure actuelle que ces suppressions se traduiront toutes par des licenciements.
Tous ces chiffres, je le rappelle, sont à prendre avec prudence.
Les services de mon département sont d'ores et déjà en relation avec Swissair et plusieurs sociétés du groupe. Il va de soi qu'on examinera sans délai, avec les partenaires impliqués, toutes les mesures permettant d'assurer le placement des travailleurs touchés par cette faillite et de leur éviter d'avoir à passer par le chômage.
Sur le plan financier, l'Etat de Genève a acquis et vendu des titres Swissair depuis qu'il est devenu pour la première fois actionnaire en 1955. De 1955 à 1994, l'Etat a déboursé au total 33 millions de francs pour acquérir des actions Swissair.
L'Etat s'est ensuite progressivement désengagé en transférant, en 1998, ses actions du patrimoine administratif au patrimoine financier et en vendant une partie de ses titres. Trois mille en 1997, nonante mille en 1999. Lors de ces opérations de vente, l'Etat a encaissé 33,5 millions de francs.
En faisant abstraction des dividendes versés, des frais de garde et des commissions de vente et d'achat, l'Etat a réalisé, d'un point de vue strictement monétaire, une opération quasiment neutre ; le solde étant de l'ordre de 500 000 F de gain.
En termes comptables, en revanche, l'Etat de Genève va devoir enregistrer une perte de 57,3 millions de francs, qui ne constitue en rien une sortie de caisse. Le montant de cette perte correspond à l'évaluation de notre portefeuille de titres Swissair tel qu'il est activé dans le bilan de l'Etat de Genève au 31 décembre 2000. Cette opération comptable a pour objectif d'annuler l'état des titres Swissair et sera réalisée dans le cadre du bouclement des comptes 2001.
Au regard des événements qui ont conduit à la faillite de notre compagnie nationale d'aviation, le Conseil d'Etat a décidé d'intenter une action en justice contre les personnes qui pourront, sur le plan pénal et civil, être tenues pour responsables de cette déconfiture. L'Etat va confier à une étude d'avocats le mandat d'introduire une telle procédure judiciaire.
5. Correspondance.
Mme Jacqueline Cogne (S). J'interviens pour parler des dossiers qui se trouvent dans la salle des Pas Perdus concernant Amnesty International. Une lettre se trouve à l'intérieur de chaque dossier. Je ne demanderai pas la lecture de cette lettre parce qu'elle est trop longue, mais je souhaite qu'elle figure au Mémorial du Grand Conseil. C'est très important, et je vous en remercie, Madame la présidente.
La présidente. Je présume que cette demande est appuyée. Bien, cette lettre figurera au Mémorial.
courrier GC 2001012457
Le 04/10/2001 à 17h00
1411
Courrier de M. le député Armand Lombard, qui n'est pas présent vendredi 5 octobre Commentaire/Amendement :
Ce courrier figurera au Mémorial
Pris acte
courrier GC 2001012782
Le 04/10/2001 à 17h00
1412
Courrier d'Amnesty International pour une campagne contre la torture Commentaire/Amendement :
Ce courrier figurera au Mémorial
Pris acte
p. 1 Lombard
p.1 Amnesty
p. 2
6. Annonces et dépôts :
a) d'initiatives;
Néant.
b) de projets de lois;
Néant.
c) de propositions de motions;
Néant.
d) de propositions de résolutions;
Néant.
e) de pétitions;
La présidente. A été déposée la pétition suivante :
Cette pétition est renvoyée à la commission des pétitions.
f) de rapports divers;
Néant.
g) de demandes d'interpellations;
Néant.
h) de questions écrites.
Néant.
Mme Dolorès Loly Bolay (HP). Mon interpellation s'adresse à M. Laurent Moutinot.
Monsieur le conseiller d'Etat, je vous ai déjà interpellé plusieurs fois sur la problématique des antennes mobiles concernant les immeubles du quartier de la Tour au Grand-Saconnex. Je suis en possession d'une lettre que vous avez envoyée, le 14 juin, à l'avocat de la régie, dans laquelle vous lui ordonnez le démontage immédiat de ces antennes, soit pour la fin juillet. J'ai constaté ce matin, nous sommes au début du mois d'octobre, que ces antennes sont toujours là.
En 2000, si mon souvenir est bon, la société diAx avait promis le démontage des antennes sur les immeubles du quartier de la Tour en disant que si elle trouvait un site de remplacement, elle procéderait immédiatement au démontage de ces dernières. Or, au mois de juin, diAx a installé de nouvelles antennes sur le site de Palexpo, c'est-à-dire à quelques mètres seulement des antennes posées sur les immeubles du quartier de la Tour. Alors, ma demande est la suivante, Monsieur le conseiller d'Etat :
Quelle est cette société qui se permet tout et n'importe quoi dans cette République et qui fait fi de toutes les demandes qui lui sont adressées par un conseiller d'Etat ?
M. Alain-Dominique Mauris (L). Mon interpellation urgente s'adresse à M. Guy-Olivier Segond ou à son remplaçant. Elle concerne les interventions d'urgence du CASS.
Il m'a été rapporté à plusieurs reprises que des personnes nécessitant l'intervention d'urgence du CASS n'ont pas trouvé réponse. Je vous rapporte les deux exemples suivants :
1. Dans une des communes du canton, une personne ayant eu un accident a eu besoin de l'intervention du CASS. Elle avait besoin qu'on lui envoie quelqu'un pour aller lui acheter de la nourriture, car, suite à son accident, elle ne pouvait plus se déplacer. Elle a donc téléphoné au CASS et la personne qui lui a répondu lui a dit que, malheureusement, il n'y avait personne pour l'aider et qu'elle devait rappeler dans une semaine.
2. Une personne souffrant de la maladie d'Alzheimer nécessite l'intervention quotidienne d'une dame qui vient lui préparer son repas. L'assistante sociale qui passe l'après-midi se rend compte avec la plus grande stupéfaction que ce jour-là personne du CASS n'est venu lui préparer son repas de midi. Au CASS, on lui a répondu qu'on n'avait malheureusement pas le temps. Je pourrais vous citer d'autres exemples de ce genre, c'est pourquoi je demande à M. Guy-Olivier Segond qu'il investigue du côté du CASS. S'agit-il de sous-effectif, de mauvaise organisation ? En tous les cas, il est inadmissible que lorsqu'une personne appelle et demande une intervention d'urgence, on la prie de repasser une semaine plus tard.
M. Jean-Marc Odier (R). Mon interpellation urgente s'adresse au Conseil d'Etat. Il semblerait que le Conseil d'Etat ait approuvé une proposition de Mme la ministre des finances d'acquérir des billets de théâtre pour un montant de 30 000 F, afin de les offrir aux collaborateurs de l'Etat... (Exclamations et brouhaha.)
La présidente. Monsieur le député Velasco !
M. Jean-Marc Odier. A cet effet les collaborateurs de l'Etat ont reçu une information à l'entête du département des finances avec leur feuille de salaire de septembre expliquant qu'ils pouvaient retirer gratuitement des places de spectacle auprès du service des ressources humaines de leur département.
Interrogée à ce sujet, Mme Calmy-Rey déclarait hier dans un quotidien de la place que cette opération présentait un avantage double. Le premier étant, je cite, «d'améliorer la situation des employés de l'Etat».
Ma première question est la suivante :
Pensez-vous réellement que les collaborateurs de l'Etat, qui souhaitent voir leur situation améliorée, attendent de vous comme de nous qu'on leur offre des places de spectacle ?
Voici ma deuxième question :
Alors que l'on attend de l'Etat qu'il observe une stricte égalité de traitement envers chacun, ne pensez-vous pas légitime que la population et les contribuables soient choqués que Mme la ministre des finances propose d'attribuer 30 000 F pour distribuer 1240 billets aux collaborateurs de l'Etat ?
Voilà le deuxième avantage dont parle Mme Calmy-Rey, je cite : «Plutôt que de subventionner des théâtres à vide, on incite les gens à s'y rendre.» Ma troisième question est la suivante :
Proposez-vous de subventionner une première fois le fonctionnement des théâtres et qu'ensuite le Conseil d'Etat les subventionnent une deuxième fois pour qu'ils ne soient pas vides ?
Quant au choix des théâtres, les directeurs des autres théâtres genevois sont en droit de se poser des questions quant au processus et ses critères. Faut-il avoir des affinités particulières avec Mme Calmy-Rey pour bénéficier de ce subventionnement ou ne s'agit-il que du fait de l'appartenance d'un directeur du département des finances au conseil de fondation auquel sont rattachés ces deux théâtres ?
Quoi qu'il en soit, s'il s'agit de la deuxième hypothèse, je pense que le poste de directeur au département des finances exige une extrême neutralité et qu'il est particulièrement mal perçu qu'il use de sa position pour proposer de faire bénéficier la fondation à laquelle il participe d'avantages de ce type.
En attendant vos réponses, et puisqu'il s'agit d'une opération expérimentale, permettez-moi de vous dire, avec tout le respect que j'ai pour les prérogatives du Conseil d'Etat - et l'ensemble du groupe radical partage cet avis - qu'à tous points de vue, que ce soit l'équité entre contribuables ou l'équité entre théâtres, cette expérience, qui tient du clientélisme préélectoral, représente un travers beaucoup trop discutable pour qu'elle soit répétée. (Applaudissements.)
Réponse du Conseil d'Etat
Mme Micheline Calmy-Rey. Monsieur Odier, je n'aime pas vos insinuations; elles ne sont pas dignes d'un député. (Brouhaha.) Mesdames et Messieurs les députés, je vous réponds de manière factuelle : nous finançons l'acquisition de billets de spectacle pour la saison 2001-2002 au Théâtre de Poche et au Théâtre de la Comédie. C'est un processus expérimental qui a été accepté par le Conseil d'Etat.
La première raison est d'inciter les collaborateurs et les collaboratrices de l'Etat à fréquenter les théâtres et à accéder à la culture. Il s'agit de personnes qui peut-être iront au théâtre pour la première fois et je trouve qu'il est important de leur donner l'envie d'aller au théâtre ou de se rendre dans d'autres institutions culturelles. C'est en ce sens que cette opération a été conçue. Cela fait aussi partie du rôle de l'Etat et devrait conduire à terme à diminuer les subventions aux institutions culturelles dans la mesure où elles augmentent leurs recettes propres.
La deuxième raison est d'améliorer les conditions non salariales du personnel de l'Etat. En ce qui concerne les conditions salariales, nous appliquons la loi. Votre parti est un des premiers à mettre en cause l'application normale de la loi sur la fonction publique et la loi sur les traitements de la fonction publique. Nous avons envie non seulement d'appliquer la loi et les conditions normales qui sont données au personnel de l'Etat, mais aussi de leur accorder quelques avantages non salariaux, comme c'est le cas dans le secteur privé.
Mesdames et Messieurs les députés, il s'agit d'une opération pilote - 1240 places sont mises à disposition des collaborateurs et collaboratrices de l'Etat et deux théâtres ont été choisis pour cette première saison. Il est évident que si cette opération est un succès, Mesdames et Messieurs, elle sera reconduite. Cela coûte à l'Etat 29 800 F, prélevés sur le fonds disponible de la Loterie suisse à numéros et franchement il n'y a pas de quoi en faire une histoire telle que vous la faites et telle que vous la présentez. (Applaudissements.)
Cette interpellation urgente est close.
La présidente. Je salue à la tribune du public la présence de notre ancien collègue Luc Gilly. (Applaudissements.)
Mme Alexandra Gobet (S). Le 3 septembre 2001, le Conseil d'Etat a déclaré qu'il agirait sans complaisance à l'égard des agents publics des offices des poursuites et faillites qui avaient violé leur devoir de fonction et que le Conseil d'Etat s'attellerait à la reconstruction des offices.
Dans ce contexte, j'aimerais savoir comment il se fait que des fonctionnaires nommément mis en cause dans le rapport des experts de la commission de contrôle de gestion du 20 août 2001, n'aient pas été atteints, de source bien informée, par les enquêtes administratives ouvertes. Il s'agit notamment des bénéficiaires de timbres de collection et de vacances en Espagne, d'agents qui ont favorisé indûment des puciers et des amis à eux par des mandats ou des actifs bradés, ou encore ceux qui avaient régulièrement pris l'habitude de manipuler leurs heures de travail pour des parties de cartes ou de voile, par exemple ?
En ce qui concerne la reconstruction des offices des poursuites et faillites, voici ma deuxième question :
J'aimerais savoir si les dossiers des personnes enregistrées dans le secteur administratif de l'office cantonal de l'emploi ont été analysés. Il n'est pas exclu que le Conseil d'Etat y trouve des ressources pour assurer la production parmi les demandeurs d'emploi.
M. Alberto Velasco (S). Mon interpellation urgente s'adresse à Mme Brunschwig Graf, ou plutôt à son remplaçant puisqu'elle est absente.
J'ai ici un classeur liaison famille-école sur lequel figure une publicité du WEF. C'est étonnant, et ça l'est d'autant plus que, il y a quelques jours, des collégiens, membres d'une association antimondialiste, voulant se réunir dans leur collège, se sont vu interdire cette réunion dans l'une des salles au nom de la laïcité. Je me demande si c'est au nom de cette même laïcité que le département de l'instruction publique diffuse une publicité du WEF via le classeur de liaison famille-école.
Mes questions sont les suivantes :
- Dans ce cas, la laïcité revêt une certaine tendance. Est-il normal que le département de l'instruction publique se fasse le messager du WEF ?
- Pourriez-vous nous dire, Madame la présidente, si le WEF a financé cette publication ?
- Si le département a financé ladite publication, est-il possible de faire également apparaître dans cette publication la position des associations antimondialistes ?
Je tiens cette publicité à disposition des députés pour ceux qui seraient intéressés à la voir. Elle est en effet assez éloquente.
M. Alberto Velasco (S). Ma deuxième interpellation s'adresse aussi à Mme Brunschwig Graf.
Il y a quelques mois, un citoyen genevois, licencié en mathématique et physique, a postulé pour un poste de mathématicien. Il s'est vu refuser sa candidature comme enseignant, comme suppléant et même comme remplaçant. Je souligne que cette personne a travaillé comme suppléant durant une année au cycle d'orientation, qu'elle a quitté ce poste pour aller à l'université comme assistant, qu'elle a été juré d'examen dans les collèges et qu'elle a fait des remplacements dans diverses écoles secondaires de notre canton.
Cette personne a fait un recours auprès du département qui lui a répondu que, après réexamen du dossier, les observations émises en 1986-1987, soit quatorze ans auparavant alors qu'il était suppléant, étaient trop défavorables pour lui permettre d'enseigner à nouveau dans un établissement post-obligatoire. Il semble d'ailleurs que cette personne ait eu pas mal de difficultés à se faire entendre au téléphone et à se faire recevoir.
Comment est-il possible que l'on constitue des dossiers professionnels à l'insu des enseignants ? Comment est-il possible que cette même personne ait pu enseigner comme remplaçant dans un collège en 1994, après qu'on l'eut incriminé en 1986 ? Pourquoi, à l'époque, ne lui a-t-on pas signifié son incapacité à enseigner ? Comment est-il possible que sa demande ait été reçue ?
Je trouve, Madame la présidente, que ceci est très grave, car il est normal et juste que la candidature d'un citoyen genevois, qui a tous les diplômes requis, soit acceptée, et qu'il puisse également avoir accès à son dossier, afin de connaître les raisons pour lesquelles on lui dénie la possibilité d'être candidat et donc d'obtenir un poste.
M. Pierre-Louis Portier (PDC). Mon interpellation urgente s'adresse au président Moutinot. Monsieur Moutinot, vous avez, le 31 août dernier, délivré une autorisation de construire à l'endroit de la parcelle 2830, située au 8, chemin de la Tour-de-Pinchat dans la région du même nom, donc de Pinchat.
Cette parcelle, vous le savez, était grevée d'une servitude de non-bâtir au profit de l'Etat de Genève dans le but d'y réaliser peut-être un jour la fameuse voie dite «Cottier». Vous avez délivré cette autorisation quand bien même la commune de Veyrier avait donné un préavis défavorable, voulant justement la réserver.
Même si à cet égard le débat n'est pas encore terminé dans notre commune, vous savez que le problème de la circulation dans les petits chemins inquiète, non seulement notre commune, mais également les communes environnantes et nous voulons conserver toutes les possibilités de construction d'une desserte dans le secteur. Ma question est donc la suivante :
La délivrance de cette autorisation masque-t-elle une volonté non avouée du département de renoncer définitivement à toute construction d'une route drainant le très important trafic qui encombre les nombreuses petites routes et chemins de la région de Veyrier, Carouge, Troinex, Lancy et Plan-les-Ouates, ceci à l'endroit prévu initialement ou selon un autre parcours ?
Dans la négative, est-ce que le département a dans ses tiroirs un projet n'empruntant plus le tracé prévu dans le projet dit Cottier, ou maintenant défunte voie Cottier, et si oui pourquoi est-ce que les communes concernées ne sont pas informées ?
Réponse du Conseil d'Etat
M. Laurent Moutinot. Monsieur le député, la voie Cottier, au début de la législature, faisait l'objet de très nombreuses divergences entre les communes sur le territoire desquelles elle était prévue, d'aucuns imaginant une tranchée couverte, d'autres un ouvrage en surface, certains une large voie, alors que d'autres en imaginaient une plus petite. En tant que tel, le projet voie Cottier, compte tenu de ces divergences majeures entre les communes, d'une part, et de la volonté du canton de privilégier les transports publics, d'autre part, a effectivement été abandonné.
En revanche, il se pose un problème de circulation routière grave sur le côté sud de l'agglomération. Fort récemment, j'ai reçu une lettre que, sauf erreur, votre commune a signée également, Carouge et Troinex en tout cas, demandant que l'on réétudie toute la problématique de circulation dans cette partie du canton, notamment au regard du développement heureux de Battelle et d'autres périmètres qui conduisent à un goulet d'étranglement au rondeau de Carouge.
Bien entendu, j'ai répondu favorablement à cette lettre. Toutes les communes concernées seront convoquées très prochainement pour réexaminer le problème de la circulation automobile et également de son articulation avec les principes du plan directeur dans la zone sud de l'agglomération urbaine. Nous allons reprendre cette problématique avec les communes. Nous n'avons pas de solution toute faite mais, comme tout le monde, nous constatons que cette situation ne peut pas demeurer sans solution.
La réponse est certainement pour une large part dans les transports publics, mais pour une part aussi, et je le dis clairement, dans les aménagements routiers. La parcelle dont vous parliez - je suis bien conscient qu'elle se trouvait sur le tracé prévu de la voie Cottier - n'est pas la seule possible pour un raccordement.
Cette interpellation urgente est close.
Mme Myriam Sormanni-Lonfat (HP). Lors de la manifestation du dimanche 30 septembre, je ne sais pas exactement ce qui s'est passé, d'où mon interpellation, Monsieur Ramseyer. J'ai appris que quelques personnes du mouvement raélien se seraient fait taper dessus. Je sais que quelqu'un a appelé la police et j'aimerais en savoir un peu plus, car dans une manifestation pacifiste, on ne tape pas sur la tête des gens ! Je sais juste qu'un petit tract a été distribué, qui appelait justement à la non-riposte des Américains aux attentats terroristes. Peu importe d'où viennent ces tracts, mais d'autres tracts ont été distribués; je trouve que ce n'est pas correct !
Mme Myriam Sormanni-Lonfat (HP). Ma deuxième interpellation vous concerne aussi - Monsieur Ramseyer, désolée de vous donner du travail! L'année dernière, j'avais parlé d'une lettre que j'avais reçue, le 1er février 2000, des Transports publics genevois, qui appelait à la collaboration entre enseignants, APE et TPG, en rapport avec la resquille dans les bus. Il se trouve que l'on a affaire à des resquilleurs professionnels. On resquille dans les bus, on pique le journal, on va même jusqu'à bouter le feu à un petit train dans une école ! Cela s'est passé en bas de chez moi. Comme je savais qui c'était, j'ai averti qui de droit. Les incivilités sont de plus en plus fréquentes et ce n'est pas pour rien que j'ai rédigé la résolution dont je vous parlerai demain.
Mme Myriam Sormanni-Lonfat (HP). Ma troisième interpellation urgente s'adresse à Mme Brunschwig Graf. Je reviens aux interpellations formulées il y a quinze jours par Mme Esther Alder et par moi-même au sujet des spectacles. J'aimerais savoir qui est dans cette commission culturelle, comment elle se compose. Est-il possible de rencontrer ses membres, voire que l'APE de Saint-Jean, de Cayla et des Jardins du Rhône puisse les rencontrer, afin d'avoir un peu plus de choix dans les compagnies théâtrales, autres que les Marionnettes de Genève ou Am Stram Gram ?
M. Roger Beer (R). L'urgence de mon interpellation est notamment liée à la fin de la législature, parce que je ne pourrai plus intervenir la prochaine fois. Elle s'adresse plus particulièrement à M. le conseiller d'Etat, Laurent Moutinot, chargé du département de l'aménagement, de l'équipement et du logement.
Monsieur le conseiller d'Etat, vous avez reçu dernièrement une correspondance d'un homme passionné par un projet à réaliser sous le pont Butin. Avec son projet, M. André Blanchoud - pour ne pas le nommer ! - entend proposer la réalisation d'une sorte de maison «Science et cité» généraliste, consacrée à la science et à la recherche.
Intelligemment inspiré du Futuroscope de Poitiers, ce projet entend raconter la science et divertir en enrichissant le savoir et l'imaginaire dans un espace mis en scène de façon interactive. Ce projet, qui a déjà reçu le soutien officiel de M. Charles Kleiber, secrétaire d'Etat en charge des affaires scientifiques, pourrait donc être réalisé sous le pont Butin. Evidemment, un certain nombre de contraintes doivent encore être surmontées.
J'ai lu, Monsieur le conseiller d'Etat, que vous invoquiez de nombreux obstacles à la réalisation d'un tel projet; vous vous référez notamment à la loi sur la protection générale des rives du Rhône. En date du 27 juin 2001, le Conseil d'Etat a d'ailleurs repris votre argumentation en se référant plus précisément à l'article 3 de la loi précitée.
La subtilité de la réponse, inévitablement initiée par votre première appréciation, se réfère uniquement à la première partie de cet article en rappelant qu'aucune nouvelle construction, sous réserve de constructions d'utilité publique imposées par leur destination, ne peut être érigée à l'intérieur du périmètre des rives du Rhône. A la lecture de la réponse du Conseil d'Etat et de la vôtre donc, il me semble que vous oubliez la suite de l'article qui précise que «l'agrandissement de peu d'importance, l'adaptation, la transformation, voire la reconstruction de bâtiments et d'installations existants, demeurent réservés».
En l'état, je trouve votre première réponse un peu courte. Vous avez une lecture très restrictive de cette loi. Par mon interpellation, j'aimerais simplement connaître votre appréciation quant à l'éventuelle réalisation d'un tel projet sous le pont Butin. En ce qui me concerne, je trouve cela tout à fait réalisable dans le cadre légal. J'inviterai bien sûr quelques députés du futur Grand Conseil à vous présenter, par la voie législative habituelle, un projet dans ce sens. En l'état, je vous invite, Monsieur le conseiller d'Etat, à une lecture plus positive de la loi.
Réponse du Conseil d'Etat
M. Laurent Moutinot. Monsieur le député, le projet «Science et cité» est certainement intéressant. C'est certainement un projet de qualité. A partir de là, je ne pouvais pas prendre la responsabilité, ni le Conseil d'Etat d'ailleurs, de laisser croire qu'un tel projet pouvait être, comme cela, réalisé sous le pont Butin, parce que les contraintes qui pèsent sur un tel site - contraintes légales, protection des rives du Rhône, mais également contraintes techniques de cet ouvrage - sont telles qu'il me paraît risqué d'envisager de placer cette cité là-bas. Si le requérant persiste dans son projet, nous l'examinerons, mais je préfère lui dire d'entrée de cause que les difficultés sont innombrables, plutôt qu'après une instruction compliquée, qui prendra beaucoup d'énergie, il ne se voie déçu par une réponse négative.
Alors je l'invite peut-être, et c'est M. Thomas Büchi qui me l'a suggéré, à voir si la Maison de l'équilibre, après Expo 02, pourrait abriter son projet.
Cette interpellation urgente est close.
M. Roger Beer (R). Ma seconde interpellation urgente s'adresse à M. Cramer et est également liée à notre ordre du jour. Mais nous avons tellement de retard et nos débats s'enlisent si souvent que notre avance est toute relative ; je prends donc la liberté d'interpeller le conseiller d'Etat Cramer sur un sujet qui devrait être traité à cette session mais qui, compte tenu des modifications de dernière minute, risque de ne pas l'être. Et comme je ne serai plus là, vous m'excuserez, Monsieur le conseiller d'Etat, d'anticiper ma question
Suite à une très large consultation et notamment à des interventions parlementaires, vous avez revu le règlement concernant la tranquillité publique et l'exercice des libertés publiques. Il s'agissait de restreindre l'utilisation des souffleuses à feuilles qui, je le reconnais bien volontiers, ont le don d'agacer passablement de gens lorsque leur utilisation est intempestive et inopportune.
Mon interpellation urgente concerne une mesure que j'ai retrouvée dans le règlement, mais qui ne faisait évidemment pas partie de la consultation. Il s'agit bien sûr de l'instauration d'une demande d'autorisation concernant l'usage des souffleuses.
Voyez-vous, Monsieur le conseiller d'Etat, c'est dans cette subtile modification que j'observe un développement insidieux des structures et de la lourdeur de l'Etat.
En effet, le règlement est clair et acceptable quant à la procédure de l'utilisation de ces engins affreux, mais souvent bien utiles ; mais dans le cadre de manifestations à grand public (Fête de la musique, 1er Mai, 1er Août, Fêtes de Genève, et j'en passe) faut-il vraiment développer une structure, avec de nouveaux postes, des chefs et des secrétaires pour traiter les inévitables et nombreuses demandes d'autorisations exigées maintenant pour l'utilisation des souffleuses ?
Monsieur le conseiller d'Etat, je ne voudrais pas vous refaire le numéro de notre ancien collègue, M. Bénédict Fontanet, qui s'était moqué, avec humour, c'est vrai, de cette future réglementation sur les souffleuses à feuilles, en la comparant à je ne sais quelle norme européenne sur la courbure des bananes ! Malgré tout, cette mesure dans ce règlement m'inquiète.
Ma question enfin : êtes-vous certain qu'il ne vous faudra pas demander de nombreux nouveaux postes au prétexte de la réglementation pour l'utilisation des souffleuses à feuilles.
Réponse du Conseil d'Etat
M. Robert Cramer. Merci, Monsieur le député, de ne pas m'interpeller sur la courbure des bananes! C'est un objet totalement fascinant, mais je crois savoir que votre Grand Conseil est un peu pressé de traiter son ordre du jour, donc je n'en parlerai pas. Merci aussi, dans le même temps, de ne pas être un adepte de la peau de banane, puisque vous avez eu l'amabilité de me transmettre le texte de votre interpellation.
Pour ma part, je suis plus optimiste que vous quant à l'ordre du jour, puisque je constate que nous sommes déjà au point 34, que c'est au point 39 que l'on parlera de la motion qui vous préoccupe et j'ai bon espoir que nous y arriverons. Mais je n'entends pas me dérober à votre question et peut-être ainsi allons-nous faire progresser un peu le débat que nous aurons tout à l'heure.
Dans un premier temps, notre projet pour donner suite à la demande du Grand Conseil de restreindre l'usage des souffleuses à feuilles, était d'en autoriser l'usage uniquement pendant une période réduite de l'automne, du 15 octobre au 15 décembre, et d'en interdire l'usage pendant le reste de l'année.
Nous avons consulté les communes sur ce point. Quatorze se sont déclarées favorables à cette mesure, douze s'y sont opposées. Nous avons donc essayé de trouver un projet plus consensuel et, pour donner suite aux demandes des communes, nous avons tout d'abord élargi la période d'utilisation libre et nous l'avons fixée du 1er octobre au 31 janvier, et puis pour plus de souplesse nous avons également prévu qu'en dehors de cette période du 1er octobre au 31 janvier, il sera possible de requérir une autorisation exceptionnelle d'usage de ces machines, de sorte que l'on pourrait, si quelque manifestation l'exigeait, avoir recours à ces souffleuses à feuilles.
Je dois vous dire que ces mesures ont fait l'unanimité puisque la seule réaction communale que nous ayons reçue et qui était critique, c'est celle de la commune d'Onex qui était un peu fâchée de découvrir dans le rapport que nous l'avions considérée comme opposante de la première heure, alors que, d'emblée, elle était très favorable à une limitation des souffleuses à feuilles. Je me suis engagé dans le cadre du débat à rectifier ce qui pouvait être inexact dans ce rapport et je le fais.
J'en viens à ce qui fait le fond de votre question. Cette procédure d'autorisation sera-t-elle compliquée ? Va-t-elle exiger l'engagement de nouveaux collaborateurs ? La réponse est très claire parce que nous avons examiné ce point : cette procédure devrait exiger tout au plus quelques heures de travail de plus durant l'année.
Cela rentre dans le cadre du travail du département et ne va pas demander de nouveaux effectifs. Pourquoi ? Parce qu'au fond, dans toute cette problématique du bruit, l'essentiel du travail est un travail d'information qui vise à éviter que l'on fasse du bruit. Et ce que nous entendons faire à travers les demandes d'autorisations qui vont nous être adressées, c'est conseiller les communes pour que l'on arrive à des systèmes où tout à la fois on puisse avoir la fonction, soit ramasser aisément les feuilles, et le faire de la façon la moins bruyante.
Pour ce faire, il faut orienter ce travail par un planning d'utilisation où certaines machines seraient utilisées, non pas en fonction d'autorisations ponctuelles, mais plutôt par un règlement communal que nous autoriserions et qui, une fois pour toutes, réglerait le problème pour la commune.
L'idée est donc de soutenir les autorités communales au travers de ce cadre d'expertise que nous avons au sein du département et ce n'est pas d'engager des procédures juridiques qui, dans un tel domaine, auraient très peu de signification.
Cette interpellation urgente est close.
La présidente. Je salue, à la tribune du public, la présence de deux classes de deuxième année, section diplôme, de l'école de commerce André-Chavanne, sous la conduite de M. Jean-Jacques Liengme. (Applaudissements.)
RAPPORT DE LA MAJORITÉ
C'est sous les présidences de Mme Micheline Spoerri puis de Mme Mireille Gossauer-Zurcher que la Commission des droits politiques et règlement du Grand Conseil s'est réunie les 6, 13, 20 et 27 septembre 2000, le 25 octobre 2000, les 1, 8, 15 et 29 novembre 2000, le 28 mars 2001, les 23 et 25 mai 2001 et le 20 juin 2001, afin de traiter ce projet de loi sur la transparence des comptes des partis politiques, associations ou groupements participant à des élections et sur la limitation des dépenses électorales.
La commission a pu compter sur les aides précieuses du président du DIAE, M. Robert Cramer, et sur celles de MM. Patrick Ascheri (directeur du Service des votations et élections) et René Kronstein (directeur de l'administration des communes).
Les excellents procès-verbaux ont été l'oeuvre de Mme Pauline Schaefer et de MM. Carlos Orjales et Christophe Vuilleumier. Que toutes ces personnes soient remerciées ici pour leur indispensable collaboration au cours de ces débats.
Introduction
Auditions
Parti démocrate-chrétien
Parti libéral
Parti radical
Parti socialiste
Parti Union démocratique du Centre
Inspection cantonale des finances
III. Débats de la commission
Entrée en matière
Première lecture
Note de M. Ascheri
Avis de droit du professeur A. Auer
Débat post avis de droit
Articles par articles
IV. Conclusion
V. Votes
Le 24 juin 1999, le Grand Conseil de Genève faisait figure de pionnier en Suisse en introduisant dans la loi genevoise sur les droits politiques un article 29A sur la transparence des comptes des partis politiques, associations ou groupements participant à des élections.
Le 2 mai 2000, les partis de l'Alternative ont déposé le projet de loi 8241 qui complète l'art. 29A et qui institue surtout un nouvel article 29B sur une limitation des frais de campagne électorale.
L'exposé des motifs de ce projet de loi insiste sur le fait qu'un plafonnement des frais de campagne électorale paraît se justifier afin de mettre plus ou moins sur pied d'égalité financière les diverses formations politiques en lice lors des élections et d'assurer ainsi un fonctionnement correct de notre démocratie. L'argent ne fait certainement pas tout et le citoyen fait son choix lors des élections de manière responsable. Toutefois, l'appel par les dirigeants des partis politiques à des professionnels du marketing montre bien que les outils de la communication sont devenus essentiels lors des élections. Ces outils ne sont pas gratuits, bien au contraire. Dès lors, il apparaît certain que les moyens financiers peuvent influencer sur le choix du citoyen et que l'égalité des chances n'est plus respectée. C'est dans cet esprit que les auteurs ont rédigé ce projet de loi et les amendements.
Tous les pays démocratiques qui nous entourent se sont vus le théâtre de scandales de corruption de la part des partis politiques de toutes tendances. Ceux-ci ont en effet utilisé différentes méthodes complètement illégales afin d'accroître leur financement. Ces pays, la France, l'Allemagne, l'Italie, la Belgique, l'Irlande ou encore l'Angleterre, ont dû légiférer, afin de corriger ces différentes pratiques antidémocratiques. Ils ont tous choisi de limiter les frais de dépenses électorales, constatant que le financement des partis politiques n'était pas le meilleur moyen d'obtenir une certaine égalité entre les partis et de lutter efficacement contre les financements occultes.
La Suisse, et Genève en particulier, n'ont apparemment pas souffert jusqu'ici de ce mal qui mine la démocratie. Les auteurs de ce projet de loi ont respecté l'adage : « mieux vaut prévenir que guérir », en complétant la loi votée le 24 juin 1999 sur la transparence des partis et en y ajoutant cet article sur la limitation des frais de campagne électorale. Ce choix est un choix courageux, car il est très délicat. C'est un équilibre très difficile à trouver entre la liberté d'expression et les libertés économiques, d'une part, et le principe de l'égalité des chances et l'intérêt général de l'autre. Les travaux de la commission l'ont démontré.
Dans une thèse parue aux Editions universitaires de Fribourg en janvier 2001, l'auteur, Tiziano Balmelli, licencié en droit et assistant auprès de la chaire de droit constitutionnel de l'Université de Fribourg, traite ce sujet. Il démontre, en s'appuyant sur les historiques des différents pays cités ci-dessus et sur le droit constitutionnel suisse, de la pertinence de légiférer dans notre pays dans un tel domaine et de l'opportunité d'y inclure des sanctions, comme par exemple le retrait temporaire de droits politiques.
La Commission des droits politiques et règlement du Grand Conseil a décidé, au début de ses travaux, d'auditionner les partis politiques siégeant au Grand Conseil, ainsi que l'Union démocratique du Centre. Les partis de l'AdG et des Verts ont indiqué qu'ils ne se feraient pas auditionner. Ils estiment que les députés qui les représentent en commission ont toutes les informations concernant leurs partis respectifs et ont ainsi la possibilité de répondre aux questions éventuelles. Les cinq partis auditionnés sont dans l'ordre le PDC, le parti libéral, le parti radical, le parti socialiste et l'UDC. Ils ont été entendus par la commission en automne 2000, après le premier amendement des auteurs.
L'Inspection cantonale des finances fut auditionnée en mai 2001, sans avoir pris connaissance du deuxième amendement des partis de l'Alternative.
Parti démocrate-chrétien MM. Patrick Schmied (président) et Pierre-Antoine Gobet (secrétaire général)
M. Schmied entame son exposé en signalant que, pour les petits partis tels que le leur, le fait d'avoir une limitation des frais de campagne, surtout si elle est pareille pour tout le monde, simplifierait beaucoup les choses. Il constate cependant qu'en regardant de plus près, ce projet pose des problèmes fondamentaux.
Sur un plan politique, M. Schmied s'élève contre la croyance que l'argent achète les votes. Il estime que l'argent sert à acheter de l'espace publicitaire pour acheminer un message. A ce propos, il ajoute que chacun sait que les membres des partis bourgeois disposent de moins de temps libre et qu'ils préfèrent plutôt donner de l'argent. M. Schmied considère par conséquent que ce projet de loi institue des mesures discriminatoires à leur encontre et qu'il défavorise le type de parti auquel appartient le PDC.
De manière plus générale, M. Schmied termine en soulignant le fait que les partis politiques ont des problèmes pour se faire entendre dans le bruit médiatique et que, dans de telles circonstances, le problème auquel ils sont confrontés consiste à trouver les moyens d'accomplir la partie noble de la politique, qui est de communiquer des idées et établir un débat. Il constate qu'avec une somme de 100'000 CHF, qui d'ailleurs représente la partie la plus basse des dépenses, les partis politiques pourraient tout aussi bien renoncer à faire une campagne.
M. Gobet estime que le plafond a été fixé de manière arbitraire, ce qui montre que le projet nage dans la subjectivité. Il signale que la commission aurait pu essayer de tirer une moyenne des frais engagés par les différents partis.
Concernant l'énumération du type de frais, M. Gobet souligne que la limite entre les prestations gratuites et le bénévolat est floue.
M. Gobet ajoute que le délai imparti, de huit jours après les élections, est impossible à respecter. Il fait observer qu'une partie des factures vont manquer et que d'autres frais devront être estimés.
Un député demande quel montant le PDC a dépensé aux dernières élections cantonales en 1997, ainsi que celui qu'il projette de dépenser aux prochaines élections pour faire entendre son message.
M. Schmied estime le montant à 200'000 CHF, répartis à parts égales entre l'achat d'espace et le mailing, qu'il s'agit du montant pour les élections législatives et qu'il faut ajouter 100'000 CHF pour l'élection du Conseil d'Etat.
Il indique que le PDC désirerait disposer du même montant, voire d'un peu plus, si cela lui permettait d'obtenir quelques sièges supplémentaires.
M. Schmied constate que les gens du commerce arrivent mieux à faire passer les messages et que la publicité intéresse davantage le public que la politique. Il estime que l'on ne peut pas changer le citoyen et qu'il faut par conséquent chercher tous les moyens de l'atteindre. M. Schmied explique qu'un militant de gauche ou écologiste va donner de son temps : il posera, par exemple, lui-même les affiches, tandis que ceux de son parti n'auront pas le temps de le faire, mais paieront les timbres.
Un député demande si le PDC est favorable à une limite et le cas échéant à combien il l'estime. Pour M. Schmied la difficulté consiste surtout à se faire entendre, mais il n'est pas opposé à des limitations. Il explique que le PDC dépense actuellement 200'000 CHF pour une campagne et qu'il désirerait doubler sa présence médiatique. Il estime qu'une limite de 300'000 CHF lui paraît un montant assez éloigné, qui lui laisserait une marge suffisante. M. Schmied voudrait également rappeler que les partis politiques sont en perte de vitesse et qu'à moins de trouver un moyen de se dégager pour faire comprendre que la politique est un travail et qu'il concerne le bien commun, la commission pourra toujours continuer à débattre du montant optimal, cela ne changera rien.
Parti libéral MM. Gautier (président) et Senger
M. Gautier débute son exposé en disant qu'il y a trois champs de réflexion. Le premier sur le plan politique, le second sur le plan économique et le troisième, juridique. Il explique que des questions de fond se posent. Il déclare que le postulat de base est discutable et pense qu'un surfinancement n'a pas d'incidence sur le nombre de sièges au Grand Conseil. Il ajoute que cette idée est loin d'être prouvée et qu'aucune étude scientifique ne vient l'étayer. Il déclare encore que les sanctions liées à ce projet de loi sont disproportionnées dans la mesure où ce principe n'a pas été prouvé.
Sur le plan juridique, cette disposition contredit le raisonnement tenu par le Tribunal dans l'arrêt A. rendu par cette instance le 1er juillet 1999 (ATF 125 I 441). II est révélateur de constater que cet important arrêt, dans lequel le Tribunal fédéral a déclaré inconstitutionnelle une loi tessinoise limitant le financement d'une candidature par des tiers, n'est pas évoqué dans l'exposé des motifs à l'appui du projet de loi, alors même qu'il était pourtant déjà publié au moment du dépôt de ce dernier.
Fondamentalement, la limitation par voie normative, étatique, des frais de campagne électorale entre en conflit avec la liberté de vote et d'élection, avec le principe de proportionnalité ainsi qu'avec le principe d'égalité de traitement, comme le Tribunal fédéral l'a relevé dans l'arrêt précité. Cette mesure touche également la liberté d'expression des candidats aux élections.
Il en vient au plan économique et explique que l'Inspection cantonale des finances aurait pour la première fois une mission de ce genre. Il se demande si ce projet de loi ne tend pas à établir une Cour des comptes. Il pense qu'un contrôle réalisé par une entité extérieure à l'Etat est délicat. Il se demande encore si une corrélation est envisagée et quelles sont les vérifications qui doivent être faites. Il déclare que ce projet de loi suppose que le Parlement doive se déterminer sur les montants attribués à l'Inspection cantonale des finances pour la réalisation de cette mission.
Il ne pense pas qu'une loi permette de résoudre le postulat d'inégalité des chances et admet que le manque de moyens soit un élément de disparité entre deux groupes. Il propose alors d'opter pour une solution de subsides alloués par l'Etat.
Il déclare finalement que tous les pays européens qui ont prévu une limitation des frais de campagne ont tous vu la loi détournée.
Un député demande quels montants globaux ont été attribués par le parti libéral à la campagne de 1997 pour le Grand Conseil et le Conseil d'Etat. Il demande encore quelles seront les sommes consacrées au budget 2001 et si le parti libéral est résolument opposé à un plafond.
M. Gautier déclare que le projet de loi outre le fait d'être anticonstitutionnel, est trop peu clair et générera des problèmes. Il se déclare donc opposé à ce projet et ajoute que la solution réside dans une requête des postulants à l'Etat pour l'obtention d'un financement. Il affirme ensuite qu'il n'y a pas lieu de rendre les comptes du parti libéral au sein de cette commission. De plus, il ajoute n'avoir aucune idée du budget pour l'année 2001 puisque le sujet n'a pas encore été traité. Il explique alors ne pas avoir été président en 1997 et donc ignorer le budget de cette année-là. Il déclare cependant que les frais varient d'année en année et sont dépendants de l'état du parti.
Parti radical Mme Ermacora (présidente) et Mme Colombo (secrétaire)
Mme Ermacora déclare en préambule que le parti radical n'est pas opposé à ce projet de loi mais qu'elle a des remarques à formuler sur le contenu. Elle s'étonne de certains amendements, notamment ceux concernant les dons en nature. Elle ajoute que les modalités d'application causent également des inquiétudes quant à l'égalité entre les partis.
Mme Colombo affirme que cela lui semble anticonstitutionnel et antidémocratique. Elle déclare mal apprécier le plafonnement pertinent et rappelle le rôle formateur des partis politiques.
Suite à une question de la présidente, Mme Ermacora répond que le seuil est trop bas.
Un député intervient et demande quelle est la fourchette dans laquelle elles situent un plafond pertinent. Il demande encore si elles sont en mesure d'articuler les montants dépensés pour la campagne de 1997 et ceux projetés pour la campagne de 2001. Elle répond que le parti radical est attentif à ses comptes. Elle rappelle que les comptes de 1997 ont été rendus et la presse invitée. Elle déclare que la somme était de 180'000 CHF pour le Grand Conseil et de 80'000 CHF pour le Conseil d'Etat. Elle explique ensuite que quatre ans plus tard les coûts diffèrent.
Un membre de la commission demande alors, avec toutes les réserves, si cela signifie qu'elles seraient favorables à un plafonnement de 200'000 CHF.
Mme Ermacora rappelle qu'il est possible de considérer que cela dépend du nombre de candidats pour le Conseil d'Etat mais elle ajoute que cela n'a rien à voir. Elle pense que ce montant paraît convenable mais affirme que cela dépend des modalités constitutionnelles.
Mme Colombo précise qu'il existe une jurisprudence générée par un cas tessinois sur l'aspect constitutionnel. Elle ajoute qu'il est spécifié dans la Constitution fédérale nouvelle teneur que les partis ont un rôle formateur qui nécessite des moyens. Elle déclare ensuite que l'alinéa 2 de l'article 29b encourage les partis à proposer plusieurs candidats. Elle pense que c'est un moyen de recevoir de l'argent. Elle affirme donc que l'égalité des chances n'est pas égale si un parti a moins de candidats.
Mme Ermacora déclare qu'il est nécessaire d'être très précis sur la notion de frais de campagne. Elle lit ensuite l'alinéa 5 de l'article 29b et évoque un repas donné par un candidat. Elle se demande ce que recouvre le terme de « tierces personnes ». Elle considère que cette démocratie a la chance de voir un grand nombre de militants bénévoles qui ne doivent pas être découragés en voyant calculer leur coût.
Parti socialiste MM. Gossauer (trésorier) et Guérini (vice-président)
En tant que trésorier du parti, M. Gossauer est très préoccupé par le financement et les dépenses liées aux campagnes électorales cantonales. Il estime que les dépenses consacrées aux campagnes devraient être moindres et propose de consacrer l'argent à d'autres domaines. De manière globale, il trouve le projet de loi très intéressant sur le fond. Toutefois, sur la forme, certains points l'interpellent.
M. Gossauer précise que lors des élections de 1997 le parti socialiste a dépensé 310'000 CHF pour le Conseil d'Etat et le Grand Conseil. Il ajoute que le budget prévu pour l'année 2001 se monte à 300'000 CHF, 100'000 CHF pour le Grand Conseil et 200'000 pour le Conseil d'Etat (2 candidats). Il explique que les partis sont obligés de se positionner dans le débat public et qu'il ne s'agit pas de savoir s'il est pertinent de dépenser cet argent, mais plutôt de fixer un montant.
Un député constate que le parti a investi 310'000 CHF lors des dernières élections et prévoit pour les prochaines 300'000 CHF. Il s'étonne que le parti parvienne à faire face à l'augmentation du coût de la vie.
M. Gossauer explique que 300'000 CHF ou 350'000 CHF ne changeront probablement pas beaucoup le résultat de l'élection et que le rôle du trésorier, qui n'est pas forcément sympathique, consiste à être draconien et faire en sorte de respecter les chiffres.
Un commissaire lui demande s'il trouve normal qu'un parti comptant 10 députés puisse dépenser autant qu'un groupe qui en compte 20.
M. Gossauer trouve que le principe de l'enveloppe est intéressant et permet de trouver une solution raisonnable, car un groupe comme celui des Verts ne parviendra pas à atteindre le plafond. Il rappelle que le parti socialiste ne reçoit aucun don externe et qu'il est contraint à un autofinancement. Il résume sa position en précisant qu'il est favorable à un plafonnement, mais émet un certain nombre de réserves sur le contrôle.
Premièrement, il relève que la période de trois mois ne signifie pas grand-chose, car il est toujours possible de diviser les dépenses en douze mois et d'inscrire les dépenses avant et après ce délai. Il estime donc qu'il serait préférable de travailler avec un horizon d'une année et de distribuer des enveloppes pour chaque année électorale.
Un député demande le nombre de membres que compte le parti socialiste et le montant des cotisations versées par ses membres.
M. Guerini répond que leur nombre s'élève à 760 et que les cotisations dépendent du revenu de la personne.
M. Gossauer estime que si le rapport entre le niveau d'investissement et la quantité de votes n'est pas évident, il conviendrait d'essayer d'éviter une escalade des dépenses. Il propose davantage de modestie et une équité de moyens.
Un commissaire demande aux invités s'ils ont regardé les sanctions prévues dans le projet.
M. Gossauer n'est pas étonné qu'il y ait des règles. Il trouve normal que celui qui brûle un feu paie une amende. Le problème réside, selon lui, dans le choix de l'instance qui décidera des sanctions et des effets de ces dernières. Il estime qu'il s'agit d'un mandat très difficile à donner et qu'il faudrait également qu'une commission puisse recevoir le rapport. Il propose, par ailleurs, l'usage de sanctions publiques telles que la publication de la violation dans les journaux.
5. Parti Union démocratique du Centre MM. Pagan (président) et Jack Yfar (membre)
M. Pagan affirme que pour l'UDC le mal est fait et que l'interdiction des dons anonymes est regrettable, tout comme les contrôles que l'Etat devra prendre en charge. Il rappelle que l'UDC n'a pas d'élus et qu'il ne reçoit aucune aide financière de la part de l'Etat. Il insiste sur le fait que les membres du parti doivent donc payer avec leur argent, sans aide extérieure, l'ensemble des frais de la campagne.
M. Pagan estime que dans de telles conditions les forces politiques nouvelles ne peuvent pas entrer sur scène et l'activité politique doit s'arrêter. Il ajoute que ce projet de loi est d'une complexité extrême et qu'il instaure une inégalité flagrante de traitement.
M. Bordogna parle d'abord du changement fondamental envisagé à l'art. 29A, al. 5, qui prévoit que les comptes et la liste de donateurs font l'objet d'une vérification de l'ICF. Il demande si la loi prévoit un contrôle exhaustif, car dans ce cas il y aurait un problème énorme au niveau des moyens. Il explique qu'auparavant l'ICF pouvait se livrer à l'exercice de voir si cela était faisable sous forme d'échantillonnage par exemple. Par contre, si tout devient obligatoire, cela posera des problèmes et il estime que les commissaires doivent être conscients de cet aspect pratique des choses. Il rappelle qu'il manque actuellement 6000 heures de travail par année à l'ICF, ce qui limite son action à tâter le terrain en mettant en balance les moyens qui peuvent être mis en place et les résultats qui devraient en découler.
Un commissaire demande combien d'heures l'ICF a passé sur la loi actuelle. Une dizaine d'heures, répond M. Bordogna.
Un député était responsable d'une liste lors des votations du 4 mars 2001. Il explique que les choses étaient assez floues, car l'association dont il s'occupait avait économisé pendant trois ans pour la votation et qu'il était difficile de savoir ce qu'il fallait déclarer. Il demande s'il est possible que l'ICF établisse une formule commune qui serait envoyée aux groupements. Il prend l'exemple d'une somme de 10'000 CHF que l'association a gagné en participant à la fête de la musique pendant deux ans et se pose la question de savoir comment retirer ce qui relève de la campagne du reste.
M. Bordogna répond que l'élaboration d'un questionnaire est une mesure qui a été évoquée avec M. Ascheri (directeur du Service des votations et élections). Il explique qu'ils ont décidé de voir de quelle manière se passaient les votations et ensuite, pour rendre le contrôle plus transparent, de préciser exactement ce que l'on attend des groupements. M. Bordogna remarque que le problème est que les groupements n'ont pas de structure administrative claire et par voie de conséquence, de comptabilité tenue avec des règles qui la rendent fiable. Il est clair, explique-t-il, que la comptabilité doit présenter certaines caractéristiques pour que l'on puisse se prononcer. Il ne pense pas que ce problème se posera dans les groupes plus structurés comme les partis.
Un commissaire constate que M. Bordogna déclare qu'il faut des moyens importants pour une vérification suffisante et que des résultats tangibles sont nécessaires pour atteindre le but de la loi. Par ailleurs, il y a également le problème des sanctions. Il demande de quelle manière la commission devrait s'y prendre pour que la loi atteigne son objectif.
M. Bordogna n'a pas réfléchi suffisamment à cette question pour pouvoir y répondre. Il explique que l'ICF s'est penché sur les résultats des contrôles prévus dans la loi et non sur les amendements proposés dans le projet de loi 8241. Il remarque que l'ICF a simplement constaté jusqu'à présent une absence de sanctions. Il a constaté que le projet de loi abordait la problématique des sanctions, qui est l'une des lacunes de la loi actuelle. Cela dit, il avoue qu'il partage certaines des conclusions du professeur Auer.
Un député demande si l'ICF peut contrôler tous les partis et groupements en 8 jours.
M. Bordogna reconnaît que le délai de 8 jours est peut-être une des choses qui devrait être réaménagée pour des raisons pratiques essentiellement. Il remarque que l'on peut dire qu'il suffit de regarder pour contrôler, mais lui refuse ce genre de méthode. Il explique que si certains contrôles n'atteignent pas leurs objectifs, il signalera les lacunes à la commission.
Si la commission demande une estimation des moyens supplémentaires qu'impliquent les modifications légales qui figurent dans le projet de loi 8241, il essaiera de faire au mieux, mais il rappelle que l'ICF n'a pas la connaissance pratique des difficultés qui pourraient survenir. Il remarque toutefois qu'il est plus facile de contrôler des dépenses que des recettes, car pour ces dernières, il existe de nombreux moyens d'échapper à leur vérification.
Lors de la première séance de commission, un des auteurs résume le contenu du projet de loi 8241.
L'art. 29A, al. 2 concerne la transparence du financement des partis et a déjà été abondamment discuté. L'alinéa 5 prévoit un contrôle par un organisme étatique et la possibilité pour le citoyen d'avoir accès à l'information.
L'art. 29B quant à lui porte sur les campagnes électorales et prévoit un plafonnement des frais de campagne (100'000 CHF par liste ou par candidat à l'exécutif), ainsi qu'une série de sanctions.
Il rappelle que l'objectif visé dans ce projet de loi est d'éviter qu'une inégalité financière pèse trop lourd lors des élections, qui constituent un moment important de la démocratie représentative.
Une députée des Verts annonce que les partis de l'Alternative partagent le même point de vue et approuvent les modifications proposées dans ce projet de loi.
Un député radical estime que ce projet de loi est contraignant et va trop loin. Il annonce que son groupe ne votera pas l'entrée en matière.
Outre le fait que les auteurs semblent avoir oublié un zéro à la fin du montant fixé à l'art. 29B, un commissaire libéral fait remarquer qu'une égalité de traitement impliquerait une égalité des candidats, ce qui n'est guère le cas. En ce qui concerne le souci de transparence, il rappelle qu'il est toujours possible de faire un don au nom d'une autre personne, faisant ainsi perdre toute efficacité à l'art. 29A.
En conclusion, ce commissaire avertit que le groupe libéral ne votera pas l'entrée en matière.
Une députée du PDC, au vu de ce qui se passe en France, n'est pas convaincue que ce projet de loi amène quelque chose de plus, ni qu'un plafonnement puisse modifier les résultats escomptés. Elle ne croit pas que l'argent ait une influence sur les électeurs. Un des auteurs du projet de loi reconnaît que l'argent ne fait pas tout, toutefois une certaine égalisation est saine et ouvre la porte aux candidats doués, car ils devront exister en dehors de ce qui a été payé par leur parti.
Un commissaire de l'Entente n'est pas d'accord sur le principe, car il ne voit pas comment empêcher les groupes de contourner ces dispositions. En effet, ceux-ci pourront toujours augmenter leur personnel pour coller des affiches ou créer des groupes de pression. Il dit partager les mêmes soucis de transparence et ne s'oppose pas à ce principe, il ne voit toutefois pas comment les mesures prévues pourraient être appliquées.
Après ce premier débat, le vote d'entrée en matière est accepté par 6 OUI (2 AdG, 2 S, 2 Ve) et 4 NON (1 DC, 3 L).
La commission a ensuite débattu sur l'opportunité d'auditionner les partis politiques et voir d'autres groupements. La majorité a décidé, sur la pression des représentants de l'Entente, d'auditionner (voir chapitre précédent) les partis représentés au Grand Conseil ainsi que l'Union démocratique du Centre.
Lors de la première lecture du projet de loi (8241) ce sont essentiellement des points concernant l'art. 29B (limitation des frais de campagne électorale) qui sont remis en cause par les partis de l'Entente et débattus par la commission.
Ces points concernent : l'empiètement sur la liberté d'expression, le plafond de 100.000 FRS (Art. 29B, al. 1) que certains trouvent trop bas, les coûts (contrôle) pour l'Etat engendrés par cette loi, le risque de confusion entre prestation en nature et prestation bénévole (Art. 29B, al. 3), le délai de 8 jours (Art. 29B, al. 5) pour la remise des documents par les dépositaires des listes et pour terminer, par le Conseil d'Etat, l'invalidation d'une liste de candidats, si celle-ci dépasse 50 % du montant maximum, les sièges lui revenant étant attribués aux autres listes, comme si le quorum n'avait pas été atteint (Art.29B, al.6, lettre c).
Après la première lecture, la commission s'est penchée sur une note (annexe 1) de M. Patrick Ascheri (directeur du Service des votations et élections), qu'il a eu l'amabilité de rédiger à l'attention des commissaires, sur le projet de loi 8241, grâce à ses grandes connaissances sur ce thème, qu'il en soit remercié ici.
En premier lieu, M. Ascheri explique que l'expression « frais de propagande » n'est pas suffisamment ciblée et il pense qu'une liste exhaustive doit être établie. Il précise sa pensée, en donnant l'exemple d'un syndicat, qui a refusé de donner ses comptes, ses donateurs étant de par leurs cotisations les membres de sa propre organisation.
Un auteur du projet de loi explique que la loi n'exige l'identité du donateur que si l'on avait, par exemple, affaire à un mécène qui a versé une somme importante à un parti, groupement ou association pour une campagne. Il constate que, lorsqu'un parti lance un appel à ses militants et qu'il s'adresse à ses propres membres, il table sur des individus déjà convaincus. En revanche, dès que l'on sort des limites du parti et si on s'adresse à la population, voire à certaines catégories, il devient clair que l'on a affaire à de la propagande. Il affirme qu'il s'agit d'une simple question de bon sens qui n'a pas à figurer dans la loi.
Concernant l'origine et la cible de la propagande (point 2 de la note), il est répondu à M. Ascheri par les auteurs du projet de loi qu'ils réfléchissent à un amendement visant à remplacer la disposition actuelle du projet de loi 8241 par une disposition stipulant que les tiers eux-mêmes qui engagent des frais dans la propagande d'une liste sont tenus de s'assurer de l'approbation des dépositaires de listes.
M. Ascheri se demande comment un service de l'Etat, chargé de l'application de cette loi, va pouvoir imaginer qu'un financement a eu lieu sous forme de prestation en nature ? Force est de reconnaître qu'il en sera incapable. Déterminer s'il s'agit d'un acte bénévole, d'une prestation en nature, etc. revient à effectuer un travail de police, alors que l'on ne reçoit que les comptes des partis. M. Ascheri constate qu'il faudra mettre des moyens à disposition des gens qui contrôleront l'adéquation entre ces comptes et la propagande.
Un député relève que M. Ascheri a mis le doigt sur un élément essentiel et qu'il s'agira effectivement de fournir de plus amples moyens à son service. Faute de quoi, la loi n'aura évidemment aucun sens.
Un commissaire précise que les prestations en nature sont incluses pour éviter les abus. On ne peut évidemment pas comparer la situation d'un grand patron d'une imprimerie sortant 10'000 exemplaires du programme d'un parti en prétextant qu'il s'agit d'une prestation gratuite avec une amicale de quartier ou une famille impliquée dans la distribution de matériel.
Pour ce qui est du point 3 : « Le bénéficiaire de cette propagande », un député de l'Alternative remarque que, si un groupement ou une association appelle à voter précisément pour quelqu'un, c'est qu'il veut qu'il soit élu. Il doit recueillir les suffrages de la liste et avoir glané des voix à l'extérieur, explique le commissaire, non sans ajouter qu'il doit figurer aussi sur d'autres listes. Tel est le système des campagnes dites individuelles. Il est axé sur la personne en particulier (et non identifié à une liste), dans l'espoir qu'on la rajoutera sur des listes. Ainsi, relève-t-il, on escamote plutôt l'identité partisane d'un candidat en espérant que son nom soit disséminé dans les cinq ou six listes. Dans notre mécanisme électoral, le commissaire observe donc une réelle différence entre un appel à voter pour une liste ou un appel individuel.
A ce moment du débat, la commission unanime estime qu'un avis de droit sur ce projet de loi est indispensable. Deux points seront soumis au constitutionnaliste : 1) avis de droit sur la liberté individuelle, d'association, d'expression et exercice des droits politiques ; 2) avis de droit sur la sanction visée à la lettre c), article 29B (nouveau).
Les auteurs du projet de loi 8241 déclarent que suite aux débats de la commission et à la note de M. Ascheri, ils sont en train de rédiger toute une série d'amendements au projet de loi. La commission décide que ceux-ci seront envoyés au constitutionnaliste, le professeur Andreas Auer en l'occurrence.
En ce qui concerne l'art. 29A (transparence), le professeur Auer juge : « qu'il résiste au grief d'inconstitutionnalité, sous réserve de son application aux élections fédérales ». Au point 61 de cet avis de droit il dit que le coût des contrôles pour cette transparence seront très élevés, « mais force est de constater que l'obligation de transparence est probablement à ce prix. Un prix dont on peut penser qu'il pourra être réduit, étant donné que l'efficacité de la règle ne dépend pas exclusivement d'un contrôle et d'une vérification aussi complets et exhaustifs que possible : l'effet préventif sera probablement plus important et efficace que l'effet répressif proprement dit ».
Pour ce qui est de la limitation des dépenses électorales (Art. 29B), le droit fédéral n'en fait aucune mention. Depuis 1984, seul les intérêts doivent être signalés par les membres des deux Conseils fédéraux. Au niveau des droits cantonaux, le canton du Tessin a été précurseur, sans succès. En effet, la disposition interdisant la contribution de tiers au financement de la campagne de dépasser 50'000 CHF a fait l'objet d'un recours au Tribunal fédéral, qui l'a annulée pour violation du principe d'égalité et de celui de proportionnalité. Le Tribunal fédéral a toutefois reconnu : « que l'intervention de groupes d'intérêts dotés de moyens importants représente un sérieux danger pour la vie démocratique et pourrait même restreindre le droit du citoyen électeur à une expression libre et non faussée par des circonstances illicites. L'utilisation de moyens financiers illimités peut affecter la libre formation de la volonté politique » (point 24). Au point 27, le professeur Auer reconnaît que : « la limitation des dépenses électorales constitue à l'évidence un moyen que le législateur cantonal peut juger approprié pour atteindre le but d'intérêt public qu'il s'est fixé. Encore faut-il que ce moyen respecte les droits fondamentaux et les libertés qu'il risque de toucher ».
Au point 46 il explique que le cadre du droit constitutionnel suisse ne diffère pas tellement de celui des pays ayant légiféré dans ce domaine.
Dans sa remarque préalable (points 65 à 68), il observe la confusion qui est engendrée dans le projet de loi par l'expression « limitation des frais de campagnes » utilisée parfois et « limitation des dépenses » utilisée d'autres fois.
Pour les points 69 à 74, il étudie le problème de la temporalité de la mesure (dans l'amendement les frais de dépenses électorales ne concernent plus que les trois mois précédant l'élection), en conclusion, il reconnaît que « la marge de manoeuvre du législateur est bien réduite : naviguer entre la Scylla de l'inefficacité et la Charybde de la violation des libertés exige un doigté particulier ».
Concernant le seuil fixé (100'000 CHF) le professeur Auer note que : « on sent la détermination des auteurs du projet de loi 8241 d'égaliser autant que possible les chances de départ des partis et des candidats en lice. Il en résulte une atteinte relativement grave aux libertés qui paraît se situer à la limite de ce qui peut être exigé des titulaires de celles-ci » (point 76).
Du point 81 au 87, il décrit la difficulté à identifier les prestations gratuites et de les mettre sur le même pied que les prestations en espèces.
L'obligation d'approbation par les dépositaires de la liste, pour toutes dépenses de tiers (Art. 29B, al. 5 lettre c et al. 7 de l'amendement), est étudiée par le professeur Auer dans les points 95 à 101. Il estime que « la restriction de liberté économique doit être considérée comme relativement légère, étant donné qu'il est peu probable qu'une entreprise puisse survivre en ne travaillant que sur des commandes liées à des élections ».
En ce qui concerne les moyens de contrôle, il estime que « les coûts engendrés seront trop élevés au regard de l'effet relativement limité de la réglementation ».
Finalement, pour ce qui est des sanctions, le professeur Auer trouve que d'invalider une liste de candidats au législatif ou un candidat à l'exécutif pour un dépassement de plus de 50'000 CHF respectivement de 35'000 CHF ou de 15'000 CHF, est inconstitutionnel et n'est pas conforme à la proportionnalité.
En conclusion, le professeur Auer estime que le principe de la limitation des dépenses électorales n'est pas en soi contraire à la constitution. L'art. 29A relatif à la transparence est conforme à la Constitution, sous réserve de son application aux élections fédérales. Dans l'ensemble, pour lui, l'art. 29B consacré à la limitation des dépenses électorales est mal rédigé, inutilement compliqué et, pour l'essentiel, contraire à la Constitution.
Les partis de l'Alternative, après avoir pris connaissance de l'avis de droit du professeur Auer, ont rédigé de nouveaux amendements (annexe 3) en tenant compte évidemment des remarques de ce dernier. Un député de l'AdG, qui est l'auteur de ces amendements pour l'Alternative, a constaté que le professeur Auer a rédigé un avis de droit relativement long, qui se révèle être une analyse très approfondie du projet de loi déposé par les députés de l'Alternative. Le député remarque que sur le fond le professeur Auer admet le principe de pouvoir légiférer en matière de limitation des frais de campagne électorale pour autant qu'un certain nombre de principes soient respectés, tels que la proportionnalité et l'intérêt public. Il note que sa principale réserve porte sur la sanction en cas de non-respect de la loi. Il explique que le professeur Auer estime que la sanction est probablement disproportionnée. A la réflexion, il partage l'avis du professeur Auer, mais il tient à attirer l'attention sur le fait que si ce dernier a écrit dans son avis de droit que l'on ne tire pas sur des moineaux au canon, il dit aussi souvent qu'il n'y a pas de bonne loi sans sanction. Il pense que l'on peut aller jusqu'à une invalidation partielle des sièges obtenus par un parti ou à une invalidation individuelle au scrutin majoritaire. Par le nouvel amendement, il remarque que les sanctions ont été atténuées et que des dépassements plus importants sont désormais autorisés. Il explique que la progressivité du nombre des sièges annulés est fonction du nombre de sièges gagnés et que les annulations représentent environ 20 % des sièges lorsque l'on dépasse de plus de 100 % le maximum toléré. Les partis de l'Alternative ne prétendent pas qu'il n'y aura aucun recours devant le Tribunal fédéral et ils reconnaissent que le Tribunal fédéral estimera peut-être la sanction trop lourde, mais ils assument cette prise de risque.
Le député note que la modification la plus importante avec les sanctions figure à l'art. 29B, al. 1. Il explique qu'il s'agit d'une justification complémentaire à celle qui existait déjà, que l'idée est de donner un certain nombre d'indications sur les motifs pour lesquels on légifère. Il reconnaît que cela figure habituellement dans l'exposé des motifs, mais il considère qu'il serait bon de le préciser dans le cas présent, de manière à réduire le risque d'un recours (il rappelle qu'une telle précision a permis le rejet du recours portant sur la clause de refinancement de la BCG).
Les commissaires représentant les partis de l'Entente ne sont pas d'accord avec l'interprétation de l'avis de droit par l'Alternative et ils soutiennent que malgré les modifications proposées, ce projet de loi est toujours inconstitutionnel.
La commission décide à ce moment-là, à l'unanimité, d'auditionner l'Inspection cantonale des finances.
Après l'audition de l'ICF et le dépôt des nouveaux amendements, les partis de l'Entente ont demandé de leur soumettre le projet de loi avec ces amendements entre la deuxième et le troisième lecture pour consultation. Ce fut chose faite et la commission a différé de trois semaines ses travaux, en attendant les remarques des partis de droite. Le PDC a répondu, par l'entremise d'un député membre de la commission, qu'il restait opposé au projet de loi. Le parti radical n'a, lui, fourni aucune remarque ; quant au parti libéral, il a envoyé une lettre comprenant seize questions (annexe 4). Un des auteur du projet de loi a répondu en commission aux questions posées, juste avant le vote final. La présidente de la commission a envoyé au parti libéral la partie du procès-verbal de la séance traitant ce sujet.
Il s'agit évidemment du projet de loi tel qu'amendé et voté en troisième lecture.
Contre : 6 (2 DC, 1 R, 3 L)
les dépositaires de listes ;
les candidats ;
les tierces personnes accordant leur appui à des listes de candidats à l'élection du Grand Conseil ou d'un Conseil municipal ou à l'élection d'un exécutif.
les frais pris en charge par l'Etat ou les communes dans le cadre des prestations offertes aux listes de candidats à une élection ;
les prestations en nature fournies par le personnel permanent de la formation politique dépositaire d'une liste, à l'exclusion de toute personne supplémentaire engagée durant les 3 mois précédant la date de clôture du scrutin ;
les prestations en nature accomplies bénévolement et personnellement par les membres et les sympathisants de ces formations ;
toute publication régulière d'un parti politique, association ou groupement ayant déposé une liste à l'élection du Grand Conseil ou d'un Conseil municipal ou à l'élection d'un exécutif, pour autant que celle-ci corresponde à son tirage et à son volume ordinaire ;
les recommandations de voter en faveur d'un candidat individuel ou de certains candidats individuels à l'élection du Grand Conseil ou d'un Conseil municipal ;
les lettres ou publications régulières d'associations à caractère non lucratif recommandant de voter en faveur de l'un de leurs membres ou de leurs sympathisants à l'élection d'un exécutif.
Si le relevé et les pièces justificatives ne sont pas remis par le dépositaire de la liste ou son mandataire dans le délai imparti, la participation de l'Etat aux frais électoraux n'est pas versée et une mise en demeure est adressée au mandataire pour qu'il se conforme à cette obligation dans le délai de 15 jours.
Si le relevé et les pièces justificatives ne sont pas remis dans ce délai supplémentaire de 15 jours, il est fait application des sanctions prévues à l'alinéa 10, lettres a) à f) du présent article par les autorités désignées à cet effet.
Si le dépositaire de la liste n'a pas donné suite dans le délai de 15 jours à une requête de l'Inspection cantonale des finances adressée au mandataire de la liste et exigeant le dépôt d'une pièce justificative complémentaire, celle-ci procédera à l'estimation de la dépense en cause.
Contre : 6 (2 DC, 1 R, 3 L)
Si les dépenses dépassent pour une liste de candidats à l'élection du Grand Conseil, du Conseil des Etats, d'un Conseil municipal ou d'un exécutif les montants maximums fixés aux alinéas 2 et 3, la participation de l'Etat aux frais électoraux n'est pas versée.
Si les dépenses pour une liste de candidats à l'élection du Grand Conseil, du Conseil des Etats, d'un Conseil municipal ou d'un exécutif dépassent de 10 % à 50 % les montants maximums fixés aux alinéas 2 et 3, le Conseil d'Etat inflige une amende au dépositaire de la liste ou au candidat à l'exécutif ainsi qu'à la personne désignée comme responsable de la tenue de la comptabilité des frais de campagne électorale, correspondant au dépassement constaté.
Si les dépenses pour une liste de candidats à l'élection du Grand Conseil, du Conseil des Etats, d'un Conseil municipal ou d'un exécutif dépassent de 50 % à 100 % les montants maximums fixés aux alinéas 2 et 3, le Conseil d'Etat inflige une amende au dépositaire de la liste ou au candidat à l'exécutif, ainsi qu'à la personne désignée comme responsable de la tenue de la comptabilité des frais de campagne électorale, correspondant au double du dépassement constaté.
Si les dépenses dépassent pour une liste de candidats à l'élection du Grand Conseil le double du montant maximum de 100'000 CHF fixé à l'alinéa 2, le Grand Conseil, dans le cadre d'une décision sujette à recours au Tribunal administratif, en vertu de l'article 63, alinéa 1 de la loi de procédure administrative, procède à l'invalidation :
de 2 sièges de la liste de candidats concernée si celle-ci avait eu droit à un nombre de sièges
allant de 7 à 10 sièges ;
de 3 sièges de la liste de candidats concernée si celle-ci avait eu droit à un nombre de sièges
allant de 11 à 14 sièges ;
de 4 sièges de la liste de candidats concernée si celle-ci avait eu droit à un nombre de sièges
allant de 15 à 18 sièges ;
de 5 sièges de la liste de candidats concernée si celle-ci avait eu droit à un nombre de sièges
allant de 19 à 22 sièges ;
de 6 sièges de la liste de candidats concernée si celle-ci avait eu droit à un nombre de sièges
allant de 23 à 26 sièges ;
et ainsi de suite.
Les sièges invalidés sont attribués aux autres listes, selon la règle de la répartition proportionnelle.
e) Si les dépenses dépassent pour un candidat au Conseil d'Etat le double du montant maximum de 100'000 CHF fixé à l'alinéa 2, l'Inspection cantonale des finances transmet son rapport au Tribunal administratif qui, après avoir donné la possibilité à l'intéressé de s'exprimer, procède à l'invalidation de l'élection du candidat concerné, en ayant préalablement vérifié que les conditions requises à cet effet sont réalisées, et déclare élu en lieu et place le premier candidat non élu.
f) Si les dépenses dépassent pour un candidat au Conseil des Etats ou à un Conseil administratif le double des montants maximums fixés aux alinéas 2 et 3, le Conseil d'Etat, après avoir donné la possibilité à l'intéressé de s'exprimer, procède à l'invalidation de l'élection du candidat concerné, en ayant préalablement vérifié que les conditions requises à cet effet sont réalisées, et déclare élu en lieu et place le premier candidat non élu.
Contre : 6 (2 DC, 1 R, 3 L)
Grâce à ce projet de loi, tel que voté par la Commission des droits politiques et règlement de Grand Conseil, le canton de Genève peut devenir le premier canton suisse instituant une loi sur la limitation des frais de campagne électorale. Ce n'est pas par souci de restreindre quelque liberté que ce soit, que les partis de l'Alternative ont rédigé et amendé ce texte. C'est au contraire pour respecter l'égalité des chances entre chaque liste de candidats au législatif ou entre candidats à l'exécutif, lors des élections et ainsi ne pas permettre que la volonté des citoyens soit influencée par des moyens financiers disproportionnés. Les trois partis de l'Entente ont déclaré que l'argent ne peut pas acheter les votes. Nous nous permettrons de citer M. Tiziano Balmelli qui, dans sa thèse sur le financement des partis politiques et des campagnes électorales, analyse cette question : « Quant à l'impact réel de la propagande électorale sur les électeurs, des études empiriques, scientifiques et exhaustives répondant de manière péremptoire, unanime et universelle à la question n'existent pas et ne peuvent probablement même pas exister. Cependant, une très grande majorité des auteurs et des observateurs de la vie politique des différents pays démocratiques considèrent aujourd'hui qu'il y a en général un lien assez fort entre les sommes investies, par un candidat ou par une formation politique dans la propagande, et le résultat électoral ».
Les partis de l'Alternative reconnaissent que cette volonté a un coût certainement important, mais ils estiment que l'intérêt général est en jeu sur cette question et que l'Etat doit tout mettre en oeuvre afin de sauvegarder cet intérêt.
La majorité de la commission vous recommande de la suivre et d'accepter ce projet de loi tel qu'amendé.
Article 1
La loi sur l'exercice des droits politiques, du 15 octobre 1982, est modifiée comme suit :
Art. 29A Transparence (nouvelle teneur)
1 Tout parti politique, association ou groupement qui dépose des listes de candidats pour des élections cantonales ou municipales ou pour l'élection du Conseil des Etats, soumet chaque année, le 30 juin au plus tard, ses comptes annuels à l'Inspection cantonale des finances, avec la liste de ses donateurs. L'Inspection cantonale des finances établit un modèle de comptes à cet effet qui est adressé au début de chaque année aux partis politiques, associations ou groupements concernés par le présent alinéa, en leur rappelant les obligations qui en résultent et le délai à respecter.
2 Les dons anonymes ou sous pseudonymes sont interdits. Ils doivent être rétrocédés par le parti politique, l'association ou le groupement concerné à une association ou une fondation d'utilité publique poursuivant un but caritatif.
3 De même, tout groupement qui dépose une prise de position lors d'une votation fédérale, cantonale ou municipale soumet dans les 60 jours les comptes relatifs à l'opération de vote concernée, y compris la liste des donateurs, à l'Inspection cantonale des finances. L'Inspection cantonale des finances établit un modèle de comptes à cet effet qui est adressé après chaque votation aux groupements concernés par le présent alinéa, en leur rappelant les obligations qui en résultent et le délai à respecter.
4 A défaut, la participation de l'Etat aux frais électoraux du parti politique, association ou groupement n'est pas versée.
5 Les comptes et les listes de donateurs font l'objet de vérifications de la part de l'Inspection cantonale des finances. Ils peuvent être consultés par toute personne domiciliée dans le canton.
Art. 29B Limitation des frais de campagne électorale (nouveau)
1 Afin d'assurer un bon fonctionnement de la démocratie lors des élections et de favoriser dans ce but une certaine égalité de chances entre les formations politiques et les candidats en lice, tout en permettant au corps électoral d'exprimer librement sa volonté, le présent article limite, aux plafonds fixés aux alinéas 2 et 3, les frais de campagne électorale, au sens des alinéas 4 à 6, de manière à favoriser un débat politique équilibré et à éviter que certaines listes de candidats ne disposent de contributions financières disproportionnées par rapport aux moyens dont disposent usuellement les formations politiques.
2 Durant les 3 mois précédant la date de clôture du scrutin, les frais de campagne électorale en faveur d'une liste de candidats à l'élection du Grand Conseil ne doivent pas dépasser la somme de 100 000 F. Il en est de même pour tout candidat à l'élection du Conseil d'Etat ou du Conseil des Etats.
3 Durant les 3 mois précédant la date de clôture du scrutin, les frais de campagne électorale en faveur d'une liste de candidats à l'élection du Conseil municipal de la Ville de Genève ne doivent pas dépasser la somme de 70 000 F. Il en est de même pour tout candidat à l'élection du Conseil administratif de la Ville de Genève. Dans les communes du canton dépassant 10'000 habitants, ces montants sont fixés respectivement à 50'000 F pour chacune de ces élections.
4 Par frais de campagne électorale, il faut entendre toute dépense en espèces ou en nature en faveur d'une liste de candidats à l'élection du Grand Conseil ou d'un Conseil municipal ou d'un candidat à l'exécutif, déployant des effets durant les trois mois précédant la date de clôture du scrutin concerné. Sont notamment considérés comme frais de campagne électorale, les frais relatifs à la réalisation, à la diffusion et à l'utilisation à des fins électorales d'imprimés, d'affiches, d'annonces publicitaires, de courriers, d'appels téléphoniques recommandant de voter en faveur d'une liste de candidats ou d'un candidat à l'exécutif ou tout autre moyen poursuivant ce but.
5 Les frais de campagne électorale, y compris les prestations gratuites, pris en compte en application des alinéas 2 et 3, sont ceux engagés par :
6 Ne sont pas inclus dans le calcul des frais de campagne électorale :
7 Afin de garantir le respect de l'alinéa 5, lettre c du présent article, les tierces personnes qui engagent des frais de propagande en faveur d'une liste électorale doivent obtenir l'approbation préalable du mandataire de la liste ou de son remplaçant. Il en est de même lors de l'élection d'un exécutif. Le Conseil d'Etat inflige à la personne qui enfreint le présent alinéa une amende correspondant au double des frais qu'elle a engagés.
8 Chaque dépositaire d'une liste électorale est tenu de désigner, au moment du dépôt de la liste, le nom de la personne responsable de la comptabilité des frais de campagne relatifs à la liste électorale. Cette personne devra requérir les devis des dépenses supérieures à 1'000 F et conserver les copies de toutes les commandes effectuées ainsi que toutes les factures y relatives de même que les relevés des prestations en nature.
9 Le relevé des frais de campagne électorale, les pièces justificatives, ainsi que l'estimation du prix de revient des prestations gratuites ou en nature attestés par le responsable de la comptabilité des frais de campagne électorale, doivent être remis à la chancellerie par le dépositaire de la liste, 30 jours au plus tard après l'élection concernée, pour vérification par l'Inspection cantonale des finances de l'authenticité des frais déclarés. La chancellerie informe en outre le dépositaire de la liste, son mandataire, ainsi que le responsable de la comptabilité des frais de campagne électorale, du contenu des paragraphes a) à c) ci-après.
10 Le Conseil d'Etat indique par voie d'arrêté les montants des frais de campagne électorale engagés pour chaque liste de candidats au Grand Conseil, au Conseil des Etats ou à un Conseil municipal ainsi que pour chaque candidat à un exécutif, tels que retenus par l'Inspection cantonale des finances.
11 L'arrêté du Conseil d'Etat visé au premier paragraphe de l'alinéa 10, ainsi que la décision du Grand Conseil visée en son paragraphe lettre d), celle du Tribunal administratif visée en son paragraphe lettre e) et celle du Conseil d'Etat visée en son paragraphe lettre f) sont publiés dans la Feuille d'avis officielle. La publication indique en outre le délai de recours ou d'intervention ouvert à tout citoyen exerçant ses droits politiques dans le canton ou dans la commune concernée, lequel correspond au délai de 6 jours institué par l'article 63, alinéa 1, lettre c) de la loi de procédure administrative (E 5 10) et l'endroit où les comptes et les justificatifs des frais électoraux ainsi que le rapport de l'Inspection cantonale des finances peuvent être consultés. L'absence de décision est également sujette à recours, après une mise en demeure restée sans effet.
Art. 77, al. 1 Validation (nouvelle teneur)
1 Le Conseil d'Etat valide par voie d'arrêté les opérations électorales à l'expiration du délai de recours et, le cas échéant, après la liquidation des recours, à l'exception de l'élection au Grand Conseil et au Conseil national. L'article 29 B est réservé.
Article 2 Entrée en vigueur
La présente loi entre en vigueur le lendemain de sa promulgation dans la Feuille d'avis officielle.
Article 3 Modification à une autre loi
La loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève, du 13 septembre 1985, est modifiée comme suit :
Art. 15, al. 2 (nouvelle teneur)
Le Grand Conseil se prononce sur la validité du mandat de ses membres. L'application de décisions d'invalidation prise en vertu de l'article 29B de la loi sur l'exercice des droits politiques est réservée.
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Projet de loimodifiant la loi sur l'exercice des droits politiques (A 5 05)
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article 1
La loi sur l'exercice des droits politiques, du 15 octobre 1982, est modifiée comme suit :
Art. 29A, al. 2 et 5 (nouvelle teneur)
2 Les dons anonymes ou sous pseudonymes sont interdits. Ils doivent être rétrocédés à une association ou une fondation d'utilité publique poursuivant un but caritatif.
5 Les comptes et les listes de donateurs font l'objet de vérifications de la part de l'Inspection cantonale des finances. Ils peuvent être consultés par toute personne exerçant ses droits politiques dans le canton. Un avis publié dans la Feuille d'avis officielle indique l'endroit où les comptes sont à disposition à cet effet.
Art. 29B Limitation des frais de campagne électorale (nouveau)
1 Les frais de propagande en faveur d'une liste de candidats à l'élection du Grand Conseil ne doivent pas dépasser la somme de 100 000 F. Il en est de même pour tout candidat à l'élection du Conseil d'Etat.
2 Les frais de propagande en faveur d'une liste de candidats à l'élection du Conseil municipal de la Ville de Genève ne doivent pas dépasser la somme de 70 000 F. Il en est de même pour tout candidat à l'élection du Conseil administratif de la Ville de Genève. Dans les autres villes du canton, ces montants sont respectivement fixés à 30 000 F.
3 Les frais de propagande pris en compte sont ceux engagés par les dépositaires de listes ou les candidats à l'exécutif, ainsi que les frais engagés par des tierces personnes accordant leur appui à des listes de candidats à l'élection du Grand Conseil ou d'un Conseil municipal ou à l'élection d'un exécutif, y compris les prestations gratuites à l'exclusion de celles fournies par le personnel permanent de la formation politique dépositaire d'une liste ou des prestations telles que distribution de tracts, encartage ou affichage, accomplies bénévolement par les membres de ces formations.
4 Pour éviter des abus, la presse, les sociétés d'affichage, de mailing et de gestion de fichiers de citoyennes et de citoyens doivent s'assurer que les commandes de propagande électorale émanant de tierces personnes ont reçu l'approbation préalable des dépositaires de listes ou des candidats à l'exécutif concernés.
5 Le relevé des frais de propagande électorale, les pièces justificatives, ainsi que l'estimation du prix de revient des prestations gratuites, doivent être remis pour vérification à la chancellerie, 8 jours au plus tard après l'élection concernée, pour vérification par l'Inspection cantonale des finances.
6 L'arrêté du Conseil d'Etat validant l'élection indique le montant des dépenses engagées pour chaque liste de candidats ou pour chaque candidat à l'exécutif, tel que retenu par l'Inspection cantonale des finances.
7 L'arrêté de validation comportant les montants des frais électoraux engagés pour chaque liste et pour chaque candidat à l'exécutif est publiée dans la Feuille d'avis officielle. L'arrêté publié indique le délai de recours, ouvert à tout citoyen exerçant ses droits politiques dans le canton ou dans la commune concernée, lequel correspond au délai de 6 jours institué par l'article 63, alinéa 1, lettre c) de la loi de procédure administrative (E 5 10).
Article 2 Entrée en vigueur
Le Conseil d'Etat fixe la date d'entrée en vigueur de la présente loi.
Rapporteur: M. Jacques Béné
Le projet de loi qui vous est soumis a donné lieu a de nombreuses séances de commission étalées sur plusieurs mois tant les divagations d'une gauche toujours aussi doctrinaire avaient peine à prendre une assise législative conforme à notre Constitution fédérale. Le résultat est à l'image des idées développées : confus, compliqué et surtout, à n'en pas douter, contraire à la Constitution.
On s'est évertué à tenter de faire comprendre que parmi les fondements de notre démocratie directe figurent la liberté d'expression, la liberté d'opinion et la liberté d'association. Peine perdue. Même un avis de droit du professeur Auer sur le sujet n'aura pas servi la cause. Tout au plus aura-t-il permis d'édulcorer un projet mal ficelé.
L'acceptation d'un tel projet aurait des conséquences que personne ne souhaite. Il favoriserait les magouilles en tout genre pour cacher des dépenses « inavouables ». Il pousserait ainsi les dépositaires de listes de candidats à trouver des artifices pour présenter des comptes « politiquement corrects ». Des artifices que nos voisins européens connaissent bien et qui ont débouché sur des corruptions bien plus dangereuses pour la démocratie.
La Suisse a des institutions que bon nombre de pays nous envient. Faut-il absolument que nous nous fondions dans le moule, que nous perdions notre identité pour un pseudo contrôle des forces politiques de notre canton ? Foutaise que cette volonté manifeste d'une majorité totalitaire de vouloir réduire des programmes politiques élaborés à un simple plafonnement financier. Il est à croire que certains n'ont plus d'idées dignes d'intérêt « public » et que les montants préconisés suffiraient largement à les exprimer.
La peur d'une majorité écrasante de l'Entente est donc toujours d'actualité, c'est flatteur. Mais comment expliquer que celle-ci ne soit pas la règle puisqu'il semblerait selon certains que les partis de l'Entente ont des budgets beaucoup plus importants que les partis de l'Alternative. Si le lien entre résultats des élections, et/ou votations, et budget de campagne était tel, certains partis devraient ne plus siéger dans ce Parlement ou certains conseils municipaux, si l'on en croit les montants articulés. Et pourtant il n'en est rien.
Le débat nourri sur le sujet ne changera certainement rien aux positions des uns et des autres, mais démontrera, si besoin est, que la majorité de gauche de ce Parlement veut toujours plus de contrôle de l'Etat, avec force de fonctionnaires, et que les premiers à se soustraire à ces contrôles sont justement les groupes d'influence de gauche. Preuve en sont les arguments invoqués par le SIT, la CGAS ou encore le syndicat des services publics SPP/VPOD pour contester la nécessité « légale » de déposer avec leurs comptes de campagnes la liste de leurs donateurs. Sous couvert de la « liberté d'association » ceux-ci et leurs représentants dans l'Alternative prétendent vouloir la transparence à tout va. Incroyable non ? Bref on se moque de nous ! La loi votée n'est pas ou peu appliquée. A quoi bon.
L'ensemble des arguments développés lors des débats sur le projet de loi 7281 en juin 1999 (p. 4772 et ss du Mémorial) - qui visait la publication des comptes annuels, des comptes de campagnes avec liste des donateurs et l'interdiction des dons anonymes - pourrait être repris ici. Je vous laisse vous y référer. Il est toutefois utile de rappeler que nous sommes tous pour la transparence, mais pas n'importe laquelle, et surtout pas pour le voyeurisme gauchiste qu'on souhaite nous imposer en demandant à l'Etat des contrôles auxquels, on l'a vu, même les mouvements de gauche ne veulent pas être soumis.
Comme dit précédemment tant le projet initial que le projet final ne nous semblent conformes à la Constitution. Les remarques du professeur Auer n'ont pas ou très peu été prises en considération. L'argument évoqué consistant à dire que les recours au Tribunal fédéral détermineront ce qui est, ou n'est pas, conforme à la Constitution. La gauche de notre Parlement nous a souvent habitués à ce type de technique législative, on ne peut plus incohérente. Que la loi soit applicable ou non le tribunal tranchera.
Malgré un délai fixé au 30 juin (initialement 30 avril) l'application de cet article posera inévitablement un problème. Comment, en effet, exiger d'un parti un dépôt de ses comptes au 30 juin alors que ceux-ci ne seront pas forcément encore adoptés par une assemblée générale ou qu'il aura obtenu un délai de l'administration fiscale.
L'ICF remet un modèle de comptes. Ce modèle est-il obligatoire ? Que se passe-t-il si le groupement concerné présente ses comptes d'une autre manière ou que la comptabilité est très sommaire ?
Comme déjà exprimé, cet alinéa n'est pas applicable. Les partis n'ont pas les moyens de vérifier la provenance de l'ensemble des versements qui leur parviennent. Gageons pour le surplus qu'aucun versement anonyme ne sera effectué, les manières de contourner sont multiples, notamment par le truchement d'association de circonstance, nombreuses dans les sphères d'influence des partis qui ont proposé cette mesure. Nous proposons l'abrogation de cet alinéa existant.
Que faut-il entendre par « bon fonctionnement de la démocratie », « égalité de chances », « en permettant au corps électoral d'exprimer librement sa volonté », « de manière à favoriser un débat politique équilibré » et « contributions financières disproportionnées par rapport aux moyens dont disposent usuellement les formations politiques » ?
Il faut donc croire que, selon les auteurs, la démocratie ne fonctionne pas bien. Dont acte. Que les chances ne sont pas égales pour tous et que le débat politique est déséquilibré. C'est surprenant lorsqu'on constate que notre Parlement a une majorité - de gauche - de 51 contre 49, où est le déséquilibre ? Que les contributions financières sont disproportionnées pour certains groupements par rapport à celles dont disposent usuellement les formations politiques. Mais si ces contributions sont usuelles depuis de nombreuses années où est le rapport ? Et si rapport il y a, elles ne sont donc plus disproportionnées !
Que dire également du rapport entre nombre de membres et frais de campagne. Certains groupements comptent quelques centaines de membres - voire moins - et d'autres plusieurs milliers. Y a-t-il là une injustice que la loi devrait corriger ? Les plus grands groupements devront-ils dire à leurs membres que leurs cotisations ne pourront plus servir à défendre les idées du parti auquel ils ont adhéré ?
Rien dans cet alinéa n'est cohérent.
Les campagnes en vue des élections risquent fort de s'étaler sur plusieurs mois avant celles-ci, dans le seul but de pouvoir véhiculer les messages sans contraintes financières, outre le budget propre de chaque formation.
Ces dispositions ont clairement été cataloguées comme étant contraires à la Constitution par le professeur Auer. Les auteurs du projet en ont fait fi. Le plafond aurait été fixé en prenant comme base les dépenses de campagne de l'Alliance de Gauche. De là à penser que ces dépenses sont usuelles dans tous les partis, il n'y a qu'un pas à faire. Ils l'ont fait, en toute subjectivité.
Non contents de plafonner les frais de campagne, les auteurs en sont même arrivés à introduire les frais engagés par des tierces personnes. Les formations pourraient dès lors être amendées sans avoir eu connaissance de ces frais. Si l'on pousse le raisonnement un peu plus loin, on pourrait même envisager qu'une formation de circonstance engage des frais pour une campagne en faveur d'une liste dans le seul but de lui faire dépasser le plafond autorisé. Cocasse !
L'exemple type de l'égalité des chances. Certains groupements ont plus de personnel permanent que d'autres. Certains n'ont pas de personnel permanent. Dans un cas ce personnel travaillera hors quota, dans l'autre le personnel engagé devra être « déclaré ». Belle égalité.
Il y a fort à parier que le nombre de sympathisants en période préélectorale va décupler. Du boulanger qui fournira les petits pains de la kermesse de telle formation au graphiste de telle autre. Encore un coup pour rien.
Les recommandations de vote pour « un ou quelques candidats » vont fleurir comme jamais puisqu'elles ne sont pas incluses dans les frais plafonnés.
De quel droit peut-on empêcher une tierce personne de faire campagne pour telle ou telle liste si c'est son bon vouloir ? Où est le respect de la liberté d'expression ?
Les frais des formations qui n'auraient pas remis leurs comptes et pièces justificatives dans les délais seront estimés par l'ICF. Comment ? Nul ne le sait. Les moyens dont dispose l'ICF ne sont déjà pas suffisants - il manque déjà plus de 6000 heures à l'ICF pour remplir sa mission « ordinaire » - et celle-ci devrait en plus consacrer un temps considérable à ces contrôles, dont les conclusions pourraient faire l'objet de maintes procédures en cas de désaccord des formations concernées.
Si l'application de la lettre a) ne pose pas de réel problème, il en est tout autre des autres lettres.
Tout d'abord en ce qui concerne les personnes responsables de la comptabilité qui pourraient se voir condamner à payer une amende pour des dépassements qu'ils n'ont pas autorisés ou dont ils n'ont même pas connaissance. Qui voudra dès lors accepter une telle responsabilité ?
Ensuite en ce qui concerne les sanctions. Quelques mois après les élections, l'ICF transmettra ses conclusions au Conseil d'Etat qui indiquera par arrêté les frais retenus. Les sanctions pourront dès lors être prises contre les contrevenants. En théorie, car ceux-ci auront tout loisir de contester les conclusions de l'ICF … jusqu'au Tribunal fédéral. Les sanctions risquent d'être prises plusieurs années après les faits ! Entre-temps les élus concernés, s'ils sont « radiés » auront peut-être eu la sagesse d'abroger cette disposition !!!
Enfin, comment peut-on au nom d'un principe, quel qu'il soit, imaginer annuler l'élection d'un candidat, validée quelque temps plus tôt. On n'est pas à une absurdité près !
En termes tout à fait pratiques on pourrait donc se retrouver avec des majorités qui basculent en cours de législature, des validations temporaires d'élections et des décisions susceptibles d'être invalidées par les tribunaux. Bref, tout ce dont notre bonne République a besoin pour redonner confiance en ses institutions à ses citoyens. Tout est dit.
Pour toutes les raisons évoquées, bien d'autres encore, et toutes celles citées par le professeur Auer, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à rejeter massivement ce projet de loi, confirmant ainsi que vous souhaitez respecter la liberté individuelle et celle des partis que nous représentons, gages du bon fonctionnement de notre démocratie « directe ».
Premier débat
M. Alain Charbonnier (S), rapporteur de majorité. Le projet de loi 8241 est constitué de deux volets. Le premier est un complément à la loi sur la transparence des comptes des partis politiques. Le deuxième est un nouvel article limitant les frais de campagne électorale.
Le hasard du calendrier fait coïncider le vote de ce projet de loi avec les élections cantonales de dimanche...
La nouvelle loi sur la transparence des comptes des partis politiques date de 1999. Le canton de Genève est devenu à ce sujet un précurseur en Suisse. Le projet de loi amendé par la commission propose de compléter l'article 29A en stipulant à l'alinéa 2 que : «Les dons anonymes ou sous pseudonymes sont interdits. Ils doivent être rétrocédés par le parti politique, l'association ou le groupement concerné à une association ou une fondation d'utilité publique poursuivant un but caritatif.»
L'alinéa 5 stipule, lui, que c'est l'Inspection cantonale des finances qui effectue les vérifications de ces comptes et, par souci de transparence encore, l'ICF établit un modèle de comptes pour faciliter la tâche de chacun. De plus, il est inscrit que toute personne domiciliée dans le canton - donc chaque citoyen et citoyenne - peut consulter ces comptes.
Ces compléments à la loi de 1999 ne font que renforcer ce texte qui, je le souligne, n'a souffert d'aucun référendum à l'époque.
Le 29 septembre dernier, dans un quotidien romand, le président libéral déclare tranquillement que son parti ne respectera pas la loi votée en 1999 et qu'il ne donnera pas la liste des donateurs. La sanction encourue - 10 000 F - a déjà été comptabilisée dans son budget...
M. Béné, dans son rapport de minorité, fait part de son inquiétude par rapport à ce projet qui favoriserait les magouilles en tout genre et pousserait les partis à trouver tous les moyens possibles pour contourner cet article sur la transparence... Je pense qu'il doit être rassuré par son président de parti qui, lui, ne fait pas de magouille, mais qui se place carrément au-dessus des lois ! C'est effectivement plus simple et, en quelque sorte, transparent... Je pense que les citoyens apprécieront !
Le deuxième volet de ce projet de loi concerne la limitation des frais de campagne électorale. Cet article est un article nouveau, et pour cause... Aucun canton suisse aujourd'hui n'en possède !
Le droit fédéral n'en fait aucune mention, si ce n'est lors d'un refus par le Tribunal fédéral d'une disposition cantonale tessinoise voulant interdire la contribution de tiers au financement des campagnes dépassant 50 000 F. Le Tribunal fédéral a en effet refusé cette disposition se limitant aux tiers, mais - et c'est important - a reconnu dans son arrêt, je cite : «L'intervention de groupes d'intérêt dotés de moyens importants représente un sérieux danger pour la vie démocratique et pourrait même restreindre le droit du citoyen électeur à une expression libre et non faussée par des circonstances illicites. L'utilisation de moyens financiers illimités peut affecter la libre formation de la volonté politique.»
Comme l'a estimé le professeur Auer, dans son avis de droit sur la question, «la limitation des frais de campagne électorale n'est pas en soi contraire à la constitution», n'en déplaise à M. Béné et ses amis !
Pour les partis de l'Alternative, il existe dans notre canton - et la campagne que nous terminons ces jours-ci le démontre - un déséquilibre important des moyens financiers des partis politiques, ce qui ne correspond plus à une égalité des chances entre ces derniers et, par là, risque d'affecter la libre formation de la volonté politique des citoyens.
Le projet de loi initial a été profondément remanié suite aux auditions et à l'avis de droit du professeur Auer sur bien des points, mais évidemment pas au niveau du fondement de cette nouvelle loi qui, inévitablement, débouche sur des sanctions.
Si l'on reprend en parallèle les déclarations du président du parti libéral sur la transparence et le fait qu'il prenne très à la légère la sanction de 10 000 F, il nous faut alors prendre des sanctions importantes pour que la prévention soit efficace.
Je rappellerai encore au passage que ce même président du parti libéral est le seul responsable d'un parti à avoir refusé de donner à la commission les comptes de son parti pour la campagne électorale de 1997...
Je finirai en revenant au rapport de minorité de M. Béné qui fait passer l'Alternative pour une majorité totalitaire qui souffrirait de «voyeurisme gauchiste» et je lui conseillerai de lire la thèse de M. Tiziano Balmelli de l'université de Fribourg, que je cite dans mon rapport, sur le financement des partis politiques et les campagnes électorales, parue en janvier de cette année - si toutefois il s'intéresse aux droits démocratiques...
Présidence de M. Bernard Annen, premier vice-président
M. Jacques Béné (L), rapporteur de minorité. J'ai bien pensé que ce débat allait inévitablement tourner comme cela...
En tant que rapporteur de minorité, j'aimerais tout de suite dire que je ne fais pas un rapport de minorité en fonction de la présidence de mon parti, mais bien en fonction de mes convictions personnelles... Je n'ai pas été élu par la présidence de mon parti, mais par le peuple il y a quatre ans ! (Exclamations.)
M. Pierre Vanek. Avec le pognon des entreprises !
Le président. S'il vous plaît !
M. Jacques Béné, rapporteur de minorité. Nous avons tenté en commission de faire comprendre à la majorité quels étaient les fondements de notre démocratie directe, dans laquelle figurent bien évidemment la liberté d'expression, la liberté d'opinion et la liberté d'association. Ces trois points sont mentionnés dans l'avis de droit du professeur Auer. J'ai d'ailleurs remarqué que mon collègue avait annoté son rapport de majorité en plaçant des petites barres verticales dans la marge de certains passages de l'avis de droit, ce qui montre bien qu'il n'a relevé que ce qui l'intéressait, laissant le reste de côté. Il me semble toutefois qu'il aurait dû relire plus attentivement cet avis de droit avant de faire son rapport... Il est vrai que la plupart des arguments de la majorité ont été développés sur la base du premier projet de loi qui avait été transmis à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil, mais il n'en reste pas moins que les amendements proposés par la suite n'ont pas réussi à nous convaincre que les arguments du professeur Auer avaient été pris en compte.
J'aimerais reprendre quelques éléments qui figurent d'ailleurs dans mon rapport de minorité. Tout d'abord, s'il y avait un lien réel très fort entre les élections et les budgets de campagne, certains groupes ne devraient plus siéger dans ce parlement... Et, si j'en crois les arguments qui ont été avancés par la majorité de la commission et si on se réfère aux montants qui ont été dépensés pour la campagne d'il y a quatre ans - d'après ce qu'on nous a dit, les montants dépensés par l'Alternative sont beaucoup moins importants que ceux dépensés par l'Entente - la majorité devrait être à droite... Et pourtant, il y a une majorité de gauche dans ce parlement ! Nous avons donc de la peine à voir le lien qui existe entre budgets de campagne et résultats des élections.
M. Charbonnier a relevé que le président du parti libéral n'était pas d'accord de donner la liste des donateurs du parti. J'aimerais tout de même rappeler que si cet argument a été donné par le président du parti - je ne saurais du reste même pas vous dire quelle suite a été donnée à cette déclaration et si, pour finir, cette liste a été remise - les premiers à avoir dit qu'ils se soustrairaient à ces contrôles sont quand même bien les groupes d'influence de gauche. Et j'en veux pour preuve ce qui nous a été indiqué en commission des droits politiques par M. Ascheri du service des votations : le SIT, la CGAS ou encore le Syndicat des services publics - dont M. Pagani est un éminent représentant ici - ont contesté la nécessité légale de déposer avec leurs comptes de campagne la liste de leurs donateurs, sous couvert de la liberté d'association.
Même si des débats sur la transparence peuvent avoir lieu, il ne faut pas lier les deux sujets.
Premièrement, le projet de loi 7281 que nous avons voté en juin 1999 et auquel une partie du groupe libéral s'était opposée était bien différent de celui qu'on veut nous faire voter aujourd'hui. Effectivement, si on peut être d'accord avec une certaine transparence, nous ne pouvons pas supporter l'idée d'un voyeurisme, que je qualifie de «gauchiste» parce que c'est un voyeurisme souhaité par certains députés de l'Alternative.
Je ne vais pas reprendre l'intégralité de l'avis de droit du professeur Auer, parce que le débat serait trop long, mais je vous invite tous à le relire, en liaison avec le projet de loi définitif qui a été accepté par la commission.
Je voudrais rappeler simplement une chose par rapport à l'audition de l'UDC consignée dans le PV N° 92 de la commission des droits politiques. Lors de cette audition, nous avons entendu notamment ceci : «M. Yfar raconte qu'il était autrefois membre du parti du Travail et qu'il a acquis par ses fonctions de député et de conseiller municipal une certaine expérience des coulisses de la politique. Il prend l'exemple du parti du Travail qui n'a jamais payé le prix réel des imprimés qu'il confiait à l'époque à la COOPI - c'est donc une imprimerie sous forme de coopérative - dont il était en partie propriétaire. Il fait également remarquer que les lettres adressées par l'Asloca et l'Avivo à leurs membres sont des opérations coûteuses qui échappent à tout contrôle.»
Alors, Mesdames et Messieurs les députés, je vous propose bien évidemment de ne pas entrer en matière sur ce projet de loi. Je me réserve le droit, si l'entrée en matière est acceptée, de revenir article par article sur certains éléments qui me semblent excessivement préjudiciables au bon fonctionnement de notre démocratie.
M. Claude Blanc (PDC). Il est vrai que la campagne électorale qui s'achève aura vu, surtout la dernière semaine, des flots d'argent se déverser sur la presse locale qui ne manquera pas de renvoyer la balle en temps voulu, je suppose. En effet, je pense qu'une manne telle que celle qui est déversée par l'UDC dans la presse quotidienne de Genève ne se voit pas tous les jours, et probablement que cela méritera récompense...
Mais là n'est pas mon propos. Mon propos est qu'on ne peut pas légiférer sur tel ou tel incident. Mon propos se rapporte aux sanctions qui sont prévues par le projet de loi tel qu'il ressort des travaux de la commission. Alors, je prends la constitution - excusez-moi, c'est devenu une manie, mais il n'y a que ça de vrai - à son article 70, je cite : «Le pouvoir législatif est exercé par un Grand Conseil de cent membres élus par le Conseil général au scrutin de liste, en un seul collège, d'après le principe de la représentation proportionnelle tempérée par un quorum de 7%.» C'est tout ! Il n'y a rien d'autre ! Sauf - sauf - que plus loin, à l'article 74, on indique quelles sont les restrictions à ce droit d'être élu selon le principe de la représentation proportionnelle tempérée par un quorum de 7%. Un certain nombre de personnes sont inéligibles, en vertu de la constitution.
Mais, Mesdames et Messieurs, je ne vois pas comment vous pouvez, par la voie législative, apporter des restrictions à un article constitutionnel qui prévoit que le Grand Conseil est élu selon le principe de la représentation proportionnelle avec un quorum de 7% ! Vous n'avez pas le droit, par la voie législative, de limiter la portée de cet article ! A la limite, je pourrais comprendre que vous vouliez le faire, mais ayez le courage d'utiliser la seule voie qui s'impose : la voie constitutionnelle ! Vous auriez dû proposer un alinéa 2, à cet article 70, parce que seul un article constitutionnel peut déroger à un article constitutionnel !
Evidemment, vous vous êtes bien gardés de lancer une initiative constitutionnelle, parce que vous connaissez déjà le sort que le peuple lui aurait réservé ! J'imagine que vous allez voter tout cela la tête dans un sac, ce qui nous obligera à aller au Tribunal fédéral pour essayer de vous faire entendre raison...
A ce sujet, j'aimerais quand même reprendre l'avis de droit du professeur Auer, puisque le rapporteur en a fait un large usage dans son rapport. Le professeur Auer ne passe pas pour un homme de gauche, que je sache... ne passe pas pour un homme de droite, pardon ! (Rires et exclamations.) Excusez-moi, j'ai fait un lapsus... J'ai confondu la droite et la gauche, parce que, justement, les choses vont changer ! (Rires.) Je me permets, puisqu'il est d'usage ces temps au Grand Conseil de lire des textes - ce n'est pas mon habitude - de vous lire un passage qui figure en page 66. Le professeur dit, je cite : «En revanche, la constitutionnalité de la sanction définie à la lettre c) de cet alinéa me paraît fort douteuse (il s'agit de la sanction par rapport au nombre qui diminue selon l'importance du dépassement). Annuler la liste de candidats ayant atteint le quorum et attribuer les sièges lui revenant aux autres listes comme si le quorum n'avait pas été atteint ; invalider l'élection du candidat au Conseil d'Etat ou au Conseil administratif pour le motif que les dépenses de cette liste ou de ces candidats dépassent de plus de 50% le montant maximal autorisé constitue une violation manifeste des droits politiques des électeurs doublée d'un non-respect évident du principe de la proportionnalité. Contrairement à la lettre de cette disposition, ce n'est pas tant la liste fautive et l'élection du candidat fautif qui sont annulées, mais les suffrages valablement exprimés par des milliers d'électeurs qui se voient privés de leur droit le plus élémentaire de choisir leurs représentants, par la seule faute de quelques responsables de parti, sans que l'on puisse leur reprocher quoi que ce soit. On ne peut guère imaginer violation plus caractéristique des droits politiques et de la liberté d'élection garantis par l'art. 34 de la Constitution fédérale. Par ailleurs, prononcer une sanction si lourde en raison d'un dépassement de 50 000, respectivement de 35 000 ou de 15 000 francs du montant maximal autorisé n'est pas conforme à la proportionnalité.»
Alors, Mesdames et Messieurs les députés, vous pouvez voter tout ce que vous voulez, cela ne sert à rien ! En effet, sans mesures coercitives pertinentes la loi ne tient pas, et vos mesures coercitives, elles, ne tiennent pas la route par rapport à la Constitution fédérale et encore moins par rapport à la constitution cantonale ! Vous pouvez être sûrs que ce ne sera qu'un coup d'épée dans l'eau ! La loi telle que vous l'avez rédigée, comme beaucoup d'autres que vous avez faites pendant cette législature, ne vaut pas pipette et sera cassée par le Tribunal fédéral au nom du droit de chacun d'être élu au Grand Conseil selon les principes constitutionnels. (Applaudissements.)
M. Thomas Büchi (R). Derrière les mots «transparence», «égalité des chances pour tous», se cache une loi dangereuse et dogmatique... Il ne faut pas se voiler la face !
Après des semaines, voire des mois de travail en commission, de débats affligeants, on est bien obligé d'arriver à ce constat, même si l'idée de départ pouvait paraître louable. Le premier à nous avoir vraiment avertis - l'Alliance de gauche en particulier - sur les dangers de cette loi, c'est le directeur du service des votations, M. Patrick Ascheri, qui a mis le doigt sur cet élément essentiel. Et le rapporteur de majorité lui-même le cite dans son rapport : «M. Ascheri se demande comment un service de l'Etat, chargé de l'application de cette loi, va pouvoir imaginer qu'un financement a eu lieu sous forme de prestation en nature. Déterminer s'il s'agit d'un acte bénévole, d'une prestation en nature, etc., revient à effectuer un véritable travail de police...» Et le service des votations n'étant pas du tout équipé pour cela, il faudra qu'il engage un nombre de contrôleurs supplémentaires assez important, ce qui est complètement ridicule.
Cette loi va mettre encore un peu plus la démocratie sous tutelle.
Par ailleurs, vous aviez fixé de façon tout à fait arbitraire le plafonnement des dépenses électorales à 100 000 F et, maintenant, vous déposez un amendement portant le plafond de ces dépenses à 150 000 F. Au nom de qui, au nom de quoi ? Je le répète, c'est complètement arbitraire ! (Exclamations.) Attendez... Cela prouve bien que le montant de 100 000 F que vous proposiez initialement n'avait pas été étudié comme il faut !
On a ensuite eu droit pendant des semaines, et particulièrement de la part de M. Grobet, à une armada d'amendements proposant des sanctions pour les contrevenants à cette brillante loi... Il y en a trois pages, tous plus irréalistes et surréalistes les uns que les autres !
Monsieur Hodgers, vous êtes un jeune député, mais vous n'avez pas mis longtemps à comprendre comment déposer des amendements... Ils sont dans la lignée de ceux déposés par M. Grobet... Les sanctions que vous proposez sont complètement surréalistes comme, par exemple, d'envoyer quelqu'un en exil intérieur à Irkoutsk s'il ne respecte pas cette loi... (Exclamations.)
Nous ne nous sommes pas beaucoup amusés pendant les travaux de commission en raison des débats vraiment affligeants, mais un jour a tout de même été particulièrement intéressant. En effet, nous vous avons beaucoup entendus, vous les députés de l'Alliance de gauche, tout au long des travaux mais ce jour-là nous ne vous avons pas entendus... Vous étiez vraiment mal à l'aise, le jour de l'audition de l'UDC... M. Pagan était présent, et surtout M. Yfar. M. Yfar, si je me rappelle bien, était votre ancien colistier. Il est devenu un transfuge qui est passé à l'UDC. Celui-ci nous a expliqué pendant une bonne heure toutes les techniques que vous aviez utilisées pour passer des frais annexes aux frais de la princesse lors des campagnes électorales... Il y a un PV plein de ces explications ! Et je dois dire que cela vaut la peine de le relire...
Nous disons - le groupe radical est très ferme à ce sujet - non à ce projet dogmatique, irréaliste, inapplicable, qui, finalement, va gravement entraver la liberté et l'expression des valeurs démocratiques dans notre canton ! De toute façon et de toute évidence, vous allez voter ce projet de loi, mais c'est quand même le Tribunal fédéral qui tranchera en dernier ressort, certainement en vous donnant tort.
M. Michel Halpérin (L). Naturellement, M. Blanc a raison, les propositions qui nous sont faites sont inconstitutionnelles. Leurs auteurs le savent. C'est une des raisons pour lesquelles ils ont fait le forcing. Ils auront l'illusion pendant quelque temps, si la majorité leur sourit encore ce soir et puisqu'il faudra du temps au Tribunal fédéral pour statuer, d'avoir modifié les règles du jeu dans le sens qui leur fait plaisir. Mais ce ne sera pas la première fois que le Tribunal fédéral pourra statuer, au cours de la législature dans laquelle nous nous trouvons encore pour quelques jours, pour constater l'inanité de nos travaux, l'indifférence, voire l'impertinence dont nous faisons preuve vis-à-vis de nos textes supérieurs !
Mais ce n'est pas l'essentiel du débat d'aujourd'hui. L'essentiel du débat d'aujourd'hui, Mesdames et Messieurs les députés, c'est qu'il reflète une vision de la vie politique et par conséquent de la vie sociale qui est singulièrement altérée. La vie politique comme la vie sociale - et nous le savons tous, quel que soit le bord auquel nous appartenons - c'est un composite d'engagement, de travail, d'argent, d'idées et d'idéaux et de talent. Et nos aboutissements sont toujours les aboutissements de l'ensemble de ces efforts.
Or, ce que l'on essaye de nous faire croire avec le projet qui nous est soumis aujourd'hui, c'est que seul de toutes ces catégories l'argent est décisif. Je sais bien que sur les bancs de la gauche on fait semblant de mépriser l'argent parce qu'on lui court après... Ou, du moins, qu'on prétend être dans une situation qui justifie qu'on lui courre après et, par conséquent, justifier cette prétendue misère - toute apparente, d'ailleurs - pour expliquer qu'il est juste, dans la misère, de courir après l'argent et, comme on est dans la misère, d'aller le prendre là où il se trouve... Résumons le fantasme, sur les bancs d'en face : les autres sont toujours plus riches que soi !
Mais ce genre de fantasmes font long feu, parce qu'ils ne nous disent pas grand-chose de tout le reste : le travail, l'effort, l'engagement, les idées, le talent. L'Alliance de gauche est présente abondamment dans ce Grand Conseil et, si je prends la composition totale de l'Alternative, elle est majoritaire. Voulez-vous nous dire, Mesdames et Messieurs de la majorité, que vous avez été portés à cette situation enviable grâce à vos dépenses financières ? Ne vous flattez-vous pas plutôt d'avoir été élus majoritairement par la population en dépit de la modestie de vos ressources financières ? Parce que vos talents, vos engagements, vos efforts, vos idées, vos idéaux, ont été soutenus par le peuple et que ce sont ces talents, ces idéaux, qui vous ont valu d'être là où vous êtes... Autrement dit, vous vous crachez dessus en prétendant que c'est parce que vous êtes plus riches que nous que vous êtes là où vous êtes et que vous détenez la majorité de ce parlement ! C'est pour le moins inattendu de votre part, et cet exercice de fausse modestie ne vous va pas au teint ! (Rires.)
D'autre part, Mesdames et Messieurs, le raisonnement auquel vous vous livrez pour nous produire ce texte piteux consiste à trouver entre les ingrédients que j'ai évoqués : le talent, l'effort, etc., un équilibre introuvable, un équilibre absurde et même, tel que vous l'avez voulu, un équilibre injurieux pour notre population ! Introuvable, vraiment !
Mesdames et Messieurs les députés de la majorité, considérez-vous que l'on peut comparer un franc d'une cotisation ou d'une donation à un point sur l'échelle du quotient intellectuel ? (Exclamations.) Ou bien, considérez-vous que l'on peut comparer 10 F de cotisation ou de don à une journée de travail d'un travailleur acharné comme l'est M. le député Christian Grobet ? Il n'y a pas de comparaison entre les deux ! Pensez-vous que l'on peut comparer 100 F de cotisation ou de don à une harangue de M. le député Rodrik ? Impossible ! Et que diriez-vous de 1 000 F contre un sourire ravageur de la présidente du Grand Conseil ? (Rires et exclamations.) Monsieur le président, je sais que vous faites l'intérim et que vous ne vous sentez pas visé par mes propos irrespectueux... (Rires.)
Le président. Mais je souris quand même !
M. Michel Halpérin. Oui, et vous souriez bien... Presque aussi bien que la présidente !
Je vous le dis, Mesdames et Messieurs les députés, l'équilibre que vous recherchez est introuvable pour la raison que je viens de démontrer sans effort. Il est également absurde !
Quelle est la valeur d'une campagne électorale ? L'un ou l'autre de ceux qui sont intervenus avant moi ont eu raison de rappeler que vous êtes des militants inlassables, vous autres de la gauche ! C'est même à cela que l'on vous reconnaît : vous n'êtes jamais fatigués, et c'est peut-être de tous vos nombreux talents celui que je vous envie le plus. Moi, que la lassitude saisit parfois ici même au milieu de nos séances, je me demande : «Comment font-ils ? ils sont tout le temps là, ils sont disciplinés, ils reviennent à la charge, rien ne les retient jamais et ils finissent par nous avoir à l'usure...» Ça, c'est faire campagne !
C'est si vrai que j'ai lu sous la plume du député Vanek, pas plus tard qu'hier dans un quotidien, qu'il reproche à la droite de faire une campagne insuffisamment musclée pour gagner les élections : c'est un comble ! (Rires.) C'est dire que M. Vanek, qui s'y connaît en hommes et en tout cas en campagnes, sait, lui, tout le poids d'un engagement dans les résultats d'une telle campagne. Alors, la valeur, c'est de l'argent ? Franchement, pourquoi ramener cela à de l'argent ? Si M. Pagani était là, je lui poserais la question suivante : «Monsieur Pagani, que vous ont coûté vos conférences de presse hebdomadaires pour assassiner le conseiller d'Etat Ramseyer ?» Pas un sou ! (Rires.)
Pas un sou, mais avec ça, il a probablement fait gagner le quorum à l'UDC !
Une voix. Oui, absolument !
M. Michel Halpérin. A qui le crime profite-t-il ? L'UDC devra-t-elle mettre les efforts du député Pagani, gratuits en argent mais si conséquents en résultats, dans son budget ou dans le vôtre ? Je vous pose la question à vous tous, puisque ensemble, peut-être, vous auriez le talent de répondre à la place de Pagani...
Pagan, Pagani : même combat ! (Rires et applaudissements.)
Je vous l'ai dit, Mesdames et Messieurs les députés, votre proposition est inconstitutionnelle et, de surcroît, elle fait injure à la population qui nous marque sa confiance au moment des élections ! Quoi, Mesdames et Messieurs, la majorité ne vous suffit pas ? Vous imaginez que c'est parce que nous avons quelque menue monnaie dans les poches ou dans les caisses de nos partis que nous sommes encore ici présents ? Vous imaginez-vous, peut-être, que si nous sommes plafonnés, alors les lois de l'égalité financière que vous préconisez feront que vous occuperez tout ce Grand Conseil ? Et que la partie de la population que nous avons à vos yeux le tort de représenter sera à la rue, d'où, selon vous, elle n'aurait jamais dû sortir ?
Voilà ce que vous nous proposez par votre projet ! Voilà en quoi il est méprisable ! Voilà pourquoi il sera rejeté ! (Applaudissements.)
M. Antonio Hodgers (Ve). Je commencerai mon intervention en parlant du fond de ce projet de loi, et je suis content que M. Halpérin se soit lancé sur le fond, après les attaques techniques de M. Büchi et de M. Blanc. Malheureusement, comme à son habitude, il a fini avec plus d'éloquence que de pertinence... (Commentaires.) Il a aussi oublié de parler de l'importance de la première partie du projet de loi - commençons par là - la transparence.
Laissons pour l'instant le sujet du plafonnement qui, je vous l'accorde, est un autre débat.
La transparence, Mesdames et Messieurs, est le fondement de notre démocratie. Votre parti, notamment par le biais de son président aujourd'hui, à force d'attaquer toutes les dispositions, que ce soient celles déjà en vigueur ou celles que notre majorité vous propose d'introduire dans notre législation, perd de sa crédibilité sur ce sujet.
Mesdames et Messieurs les députés, je ne vois pas quels arguments on peut opposer au fait de vouloir la transparence en la matière ! Je ne vois pas où est le voyeurisme ! Je ne vois pas pourquoi les citoyens et les citoyennes de ce canton ne pourraient pas savoir qui soutient quel parti et avec quels montants ! On ne peut pas discuter sur ce point !
Pour ce qui est du plafonnement, je vous l'accorde, le sujet est plus délicat et, d'ailleurs, la différence entre le projet de loi tel qu'il a été déposé et celui qui est sorti de la commission vous montre bien que notre majorité a été attentive aux remarques des autres et notamment à celles du brillant commissaire Béné, qui a grandement contribué à fortifier notre arsenal législatif... En effet, en commission, M. Béné s'est posé en spécialiste du comment faire pour éviter les dispositions de la loi et pouvoir dépasser les frais de campagne sans pour autant en subir la sanction ! Grâce à lui, nous avons pu effectivement améliorer notre projet de loi, et grâce évidemment à l'avis de droit fait par le professeur Auer... Je dirai aujourd'hui que notre projet de loi vaut ce qu'il vaut - je vous l'accorde - mais il s'agit d'un sujet très compliqué.
Le peuple français bénéficie de ce type de loi, et pourtant on n'a pas vu de grandes manifestations de la population se sentant lésée ou bafouée, pour reprendre vos propres termes, Monsieur Halpérin, ce qui montre que ce genre de progression, même si le sujet est délicat, fait partie de la modernisation de notre démocratie. Et, sans faire de parallèle douteux, si vous regardez le fonctionnement démocratique dans d'autres pays que le nôtre, vous vous rendrez compte que l'argent a une influence décisive dans les élections. Si on prend l'exemple de l'Italie ou des Etats-Unis, où les campagnes se gagnent à coups de milliards, on se rend compte que l'argent est bien un des facteurs de réussite d'une campagne électorale. Parce qu'aujourd'hui, malheureusement, les campagnes électorales se font à travers l'image, à travers une présence médiatique massive, et moins à travers des arguments.
Alors, bien sûr, l'argent n'est pas le seul et unique motif de la réussite d'une campagne électorale - les idées, un bilan de législature le sont aussi - mais c'est un moyen important. Je regrette donc que vous l'écartiez du revers de la main.
Je reviens maintenant sur votre première remarque, Monsieur Blanc. Vous avez cité la conclusion de l'avis de droit de M. Auer qui figure en page 66, mais vous êtes tout pardonné, parce que vous n'avez pas suivi les travaux de la commission. En effet, cet avis de droit portait sur le premier projet de loi, avec une sanction, par rapport à un éventuel dépassement, qui ne respectait pas le principe de la proportionnalité - j'y étais moi-même opposé. Si le parti dépassait de 50% le montant alloué pour ses frais de campagne, c'est toute la députation qui était éliminée. Nous reconnaissons que le principe de la proportionnalité n'était pas respecté.
Mais il y a un autre point de l'avis de droit du professeur que vous n'avez pas cité et, d'ailleurs, il n'a pas été noté à la marge par le rapporteur de majorité : le point 44 à la page 52. Il parle d'un arrêt du Tribunal fédéral sur le problème des limitations des dépenses au niveau des frais de campagne et termine en disant que le Tribunal fédéral a, je cite, «estimé aussi que l'absence de sanction en cas de dépassement des limites, ou une sanction trop peu contraignante, rendrait également une réglementation sur la limitation des dépenses inapte à atteindre son but».
Que doit-on en déduire ? Eh bien, après avoir pris connaissance des déclarations du parti libéral qui est au-dessus des lois parce qu'il peut se le payer, que nos sanctions financières ne sont pas suffisamment sévères !
Mesdames et Messieurs les libéraux, je vous l'avoue, je n'étais pas très chaud à l'idée de sanctions démocratiques annulant les sièges obtenus en cas de grand dépassement. Mais, vu les déclarations de votre président et vu le fait qu'un parti gouvernemental puisse se poser en parti voyou, parce qu'il détient l'argent - c'est ce qu'il dit - je me vois contraint de voter de telles sanctions pour donner une chance à nos lois d'être appliquées.
Je reviendrai plus tard sur l'amendement. (Applaudissements.)
Le président. J'observe, Mesdames et Messieurs, que M. Pagani voulait répondre à M. Halpérin... Je pense qu'il y a eu mauvaise interprétation... Quand il reviendra, je lui donnerai la parole s'il le désire...
Monsieur Claude Blanc, vous avez la parole !
M. Claude Blanc (PDC). Je suis heureux d'avoir entendu M. Hodgers dire que la sanction lui a, à lui aussi, paru disproportionnée... Je suis heureux de l'avoir entendu dire qu'en France cette mesure est en vigueur...
Je pourrais, à la limite, être d'accord avec vous, cher collègue, si vous aviez utilisé la seule voie qui s'impose, au vu de l'article 70 de la constitution cantonale, c'est-à-dire en proposant un amendement à cet article 70 ! Vous ne pouvez pas, vous ne pourrez jamais limiter les droits acquis par l'article 70 en dehors d'une modification constitutionnelle qui en restreindrait la portée ! Alors, vous pourrez raconter tout ce que vous voudrez pendant toute la soirée, vous n'arriverez pas à convaincre qui que ce soit et a fortiori le Tribunal fédéral que vous avez le droit, par une disposition législative, de modifier la constitution. Pourquoi n'avez-vous pas le courage de demander la modification de la constitution ? C'est à vous de répondre : c'est votre affaire !
Maintenant, on parle des partis qui ont de l'argent, des partis qui n'en ont pas... Moi, je fais plutôt partie de ceux qui n'en ont pas beaucoup. En ce qui nous concerne, ça nous arrangerait d'en rester à cette limite, parce que, ainsi, nous saurions que les autres ne peuvent pas faire plus que nous. Mais les moyens à utiliser pour y arriver nous dérangent !
Par contre, certains ont trouvé d'autres parades et cherché dans cette campagne électorale, semble-t-il, à limiter leurs frais... N'est-ce pas, camarade Brunier ? Certains partis ont en effet cherché à limiter leurs frais en réduisant les frais d'envoi, en contournant la Poste suisse et en utilisant des postes étrangères : les mêmes, Monsieur Velasco, qui ont fait tout un baratin au sujet de la Poste et du rôle que celle-ci doit jouer en tant que service public, les mêmes ont écrit dans le monde entier aux citoyens suisses de l'étranger par l'intermédiaire d'une poste étrangère, pour limiter les frais d'envoi et ne pas atteindre le plafond de 150 000 F ! Croyez-vous que ce soit une preuve de civisme, Mesdames et Messieurs les députés, de faire une telle infidélité à la Poste suisse... (Brouhaha.) ...qui, par ailleurs, a beaucoup de problèmes, et dont on voudrait renforcer la position de service public ? (Huées.) Pensez-vous, Mesdames et Messieurs les députés, que chercher à faire des économies sur le dos de la Poste suisse soit un acte de civisme ? Eh bien, Mesdames et Messieurs les socialistes, vous nous faites honte ! Vous faites honte aux gens que vous prétendez représenter... (Huées.) ...et j'espère que vous en payerez le prix !
Quant aux écolos, j'en suis moins sûr, mais j'ai entendu dire qu'ils ne s'étaient pas attaqués à la Poste, mais aux ouvriers de notre imprimerie : il semblerait - mais je dis cela sous toutes réserves- que certaine littérature verte parlerait le Hochdeutsch, si vous voyez ce que je veux dire ! C'est-à-dire qu'elle aurait été imprimée dans un pays qui parle le vrai allemand. Peut-être que là-bas les ouvriers sont moins bien traités que les ouvriers de l'imprimerie suisse et que les conditions sont meilleures pour les clients... (Exclamations.)
Voilà, Mesdames et Messieurs les députés, c'est toute l'histoire qu'il faut raconter : certains veulent limiter les frais des autres, tout en limitant leurs propres frais sur le dos de ceux qui travaillent ! Voilà ce que je voulais vous dire ! (Applaudissements.)
Le président. Monsieur Christian Brunier, vous avez la parole.
Une voix. C'est la honte ! (Huées.)
Le président. S'il vous plaît, s'il vous plaît !
M. Christian Brunier (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais tout de même vous rappeler le fondement même du projet de loi, car, à entendre certains députés, on peut se demander de quel objet nous parlons...
Nous demandons simplement de limiter les frais de campagne : il ne s'agit que de cela ! (Exclamations.) J'ai entendu M. Büchi nous dire que le fait de limiter les frais de campagne entravera les valeurs démocratiques... Ce n'est pas rien ce qu'il nous dit : entravera les valeurs démocratiques ! La France, qui applique une loi du même genre avec beaucoup de rigueur, doit certainement être une dictature épouvantable, Monsieur Büchi ! Pourtant, Mesdames et Messieurs les députés, cette loi ne fait qu'assainir le monde politique perverti, à gauche comme à droite, et la France en a subi un certain nombre de conséquences.
Vous nous dites, Monsieur Halpérin, que l'argent n'est, en fin de compte, pas décisif. Monsieur Halpérin, je suis d'accord avec vous, mais l'argent compte dans une campagne, et la disproportion des moyens peut influencer l'électorat, c'est certain. D'ailleurs, vos amis qui dirigent les multinationales ont fait ces calculs dans des études de marché très compliquées... S'ils mènent des campagnes de publicité régulières, c'est qu'ils ont constaté de manière très précise que, lorsqu'ils n'en font pas, cela a des incidences sur leurs ventes, alors, s'ils le font, c'est bien pour influencer la population. En politique, c'est la même chose. La disproportion des moyens, à un moment donné, a des conséquences sur notre démocratie et nous ne pouvons pas accepter cela.
On a pu le voir aux Etats-Unis : lorsque les deux candidats, Gore et Bush, bénéficiaient d'un budget de campagne électorale comparable, ils étaient assez proches dans les sondages. Lorsque Bush a fait la différence au niveau budgétaire, il a pris de l'avance...
Une voix. C'est faux !
M. Christian Brunier. Il y a corrélation... (Exclamations. Le président agite la cloche.) ...à un moment donné entre les frais de campagne et les résultats des élections. C'est malheureux, mais c'est comme cela !
Certains sont d'accord avec le fait de limiter les frais, mais ne sont pas du tout d'accord avec les sanctions proposées. Mesdames et Messieurs les députés, si nous limitons les frais de campagne sans proposer de sanctions, ce projet de loi ne sert à rien ! Il faut être réalistes ! Un projet sans sanctions est un projet inefficace, et nous voulons vraiment obtenir que ces frais de campagne soient limités, parce que, depuis dix ans, il y a inflation de ces frais dans tous les partis. Et je pense que l'argent de la politique doit servir à autre chose qu'à vendre des idées comme de vulgaires lessives !
Monsieur Büchi, vous nous dites que nous n'avons pas travaillé sur ce projet de loi suffisamment sérieusement, parce que nous proposons des amendements de dernière minute. Alors, je vais vous expliquer la raison pour laquelle nous proposons des amendements de dernière minute, et les radicaux sont très mal placés pour nous faire la morale sur ce point ! En commission, M. Dupraz nous a dit que le projet n'était pas mal, mais que le montant fixé à 100 000 F était beaucoup trop faible et que s'il était porté à 150 000 F, le projet pourrait intéresser les radicaux. Alors, en tant que chef de groupe du parti socialiste et avec un mandat de l'Alternative, j'ai été voir M. Odier, le chef de groupe du parti radical. Je lui ai demandé si nous avions une chance de voir les radicaux nous rejoindre si nous faisions preuve d'ouverture et que nous relevions le plafond à 150 000 F. M. Odier m'a répondu que certains députés du parti radical y seraient probablement sensibles et qu'il espérait que je présenterais cet amendement.
Alors, nous présentons cet amendement aujourd'hui en signe d'ouverture et à la demande des radicaux, et ceux-ci nous reprochent maintenant de présenter des amendements de dernière minute : c'est tout de même paradoxal ! (Exclamations.) Et puis, M. Büchi m'a profondément déçu. En effet, il cite le témoignage d'un membre de l'UDC pour asseoir son argumentation. Asseoir une argumentation sur la base d'un témoignage d'un membre de l'UDC me paraît tout à fait lamentable, surtout dans le contexte actuel ! Nous sommes, en ce qui nous concerne, prêts à barrer la route à l'UDC. Mais ce n'est pas en utilisant de tels arguments que nous allons y arriver !
Je vous invite à voter ce projet de loi pour limiter l'indécence des frais de campagne et pour limiter la disproportion des moyens politiques. (Applaudissements.)
Le président. Je demande aux personnes qui se trouvent à la tribune de ne pas manifester. Ce n'est pas votre rôle... Excusez-nous !
Monsieur Christian Grobet, vous avez la parole.
M. Christian Grobet (AdG). Je constate une fois de plus, Monsieur Blanc, que vous avez l'art de dévier le débat de son fondement. Je ne vous ferai pas l'insulte, Monsieur Blanc, de vous demander si vous faites encore imprimer vos tracts sur les presses des Petites Soeurs... (Rires et exclamations.) Cela ne nous intéresse pas !
Ce projet de loi, comme M. Hodgers l'a rappelé, a un but primordial : la transparence en ce qui concerne les moyens financiers utilisés lors de votations et aussi lors d'élections. Et il est vrai que notre pays a un énorme retard dans le domaine de la transparence. C'est un point fondamental !
Monsieur Blanc, sans vouloir vous rappeler de mauvais souvenirs, s'agissant des conseils d'administration du président du Conseil national qui fait partie de votre parti, nous sommes finalement arrivés récemment à la conclusion - et le Conseil national vient du reste de voter une nouvelle loi sur le parlement - qu'il fallait que les conseillers nationaux déclarent l'intégralité de leurs liens d'intérêt et pas seulement ceux qui pouvaient être dignes d'intérêt... (L'orateur est interpellé par M. Blanc.) Non, mais je dis simplement, Monsieur Blanc... (Commentaires.) Ça vous gêne, ce qu'on dit, Monsieur Duvillard ? Je comprends que ça vous gêne, parce que dans ce pays... (L'orateur est interpellé par M. Blanc.)
Le président. Ne répondez pas aux invectives, Monsieur Grobet, s'il vous plaît !
M. Christian Grobet. Alors, si vous êtes d'accord, vous voterez déjà la moitié du projet de loi, Monsieur Blanc ! C'est déjà pas mal !
Je laisse ce sujet de côté : je tenais simplement à faire un rappel au sujet des liens d'intérêt des parlementaires, parce que nous avons en Suisse beaucoup de retard dans ce domaine.
En ce qui concerne les votations, il n'est tout de même pas normal, quand il y a des intérêts économiques en jeu, que d'importantes sociétés puissent investir des centaines de milliers de francs, voire des millions, dans le cadre d'une votation ! (Exclamations.) Je me souviens qu'il y a trente ans le Bureau Fahrner disait qu'avec un million de francs on gagnait une votation en Suisse. Aujourd'hui, cela coûte plus cher, c'est évident, mais avec 4 ou 5 millions, on gagne une votation ! Et je pense que la transparence en matière de votations, c'est fondamental.
Maintenant, en ce qui concerne les élections, vous nous reprochez d'avoir relevé la barre de 100 000 à 150 000 F. Nous pensions, comme l'a dit M. Brunier, qu'il était peut-être judicieux d'augmenter le plafond de ces frais, pour s'approcher des montants dépensés aujourd'hui, semble-t-il, par les différents partis pour une élection. Nous avons fait ce pas et je suis étonné, comme M. Brunier, que nous soyons critiqués pour cela. Mesdames et Messieurs, quand on voit ce qu'un parti, dans le cadre de notre élection du Grand Conseil, est en train de dépenser, quand on voit qu'il peut se payer dans la presse cinq à six pages entières en couleur chaque jour, sachant que chacune de ces pages coûte 15 000 F, je dois dire que je trouve cela extrêmement choquant vis-à-vis du fonctionnement de notre démocratie.
Il est facile de faire des bons mots, Monsieur Halpérin, comme «Pagan, Pagani, même combat»... Non! aujourd'hui...
Des voix. Oui !
M. Christian Grobet. ...aujourd'hui, nous sommes dans une situation dans laquelle un groupement politique a des moyens financiers incommensurables, contre lesquels, vous-mêmes, vous ne pouvez pas lutter. Et je pense que pour que la démocratie se déroule normalement, il faut fixer des limites s'agissant des dépenses en frais de propagande. Sur ce point aussi, d'innombrables pays ont fixé ces règles, notamment la France voisine et d'autres. Nous ne faisons que nous rapprocher de ce que font d'autres démocraties. Comme M. Hodgers l'a fort justement dit, à un moment donné, lorsque les moyens financiers sont trop disproportionnés, la démocratie ne peut plus fonctionner correctement.
Alors, avons-nous trouvé les bons ou les mauvais moyens, Monsieur Blanc ? Nous nous montrerons, une fois de plus, très modestes ! Vous êtes sûr que les solutions que nous proposons ne sont pas constitutionnelles. Nous verrons bien ! Nous l'avons dit dès le départ : il y aura certainement un recours contre cette loi au Tribunal fédéral et il sera très intéressant de savoir ce que dit ce dernier sur cette question, à savoir : quelles sont les limites qui existent en matière de droit cantonal pour légiférer dans ce domaine.
Jusqu'à présent, Monsieur Blanc, nos lois ont en général bien tenu la route devant le Tribunal fédéral. Il est toutefois possible que ce ne soit pas le cas de celle-ci, mais je pense qu'il est important - je reste très modeste dans ce domaine, je n'ai jamais été confiant comme vous l'avez été : la prudence est effectivement de mise - et intéressant de connaître sa réponse. En fonction de celle-ci, peut-être faudra-t-il adapter ces textes, mais, dans l'immédiat, nous pensons qu'il faut voter la loi telle quelle : elle est raisonnable en ce qui concerne les montants et elle fixe un certain nombre de règles du jeu élémentaires en matière de fonctionnement de notre démocratie. (Applaudissements.)
Le président. Monsieur Thomas Büchi, vous avez la parole. Il téléphone... Il renonce ! Monsieur Michel Ducret, vous avez la parole.
M. Michel Ducret (R). J'aimerais tout d'abord dire à M. Brunier qu'on peut estimer le montant d'un plafond trop bas, sans pour autant approuver cette proposition de loi et son principe même. En ce sens, je lui signale simplement que les députés du groupe radical sont parfaitement d'accord sur ce sujet...
M. Christian Brunier. Ce n'est pas toi que je suis allé voir !
M. Michel Ducret. Ce projet de loi part, certes, d'une bonne intention et, pour ma part, je serai d'ailleurs assez favorable à la notion de transparence qu'il veut introduire. Mais, en ce qui concerne les limitations, on sombre maintenant dans le ridicule et ce projet de loi reflète un mauvais travail de commission. On va finir par traquer les prestations offertes à nos partis et, par-dessus le marché, le résultat sera plutôt négatif pour la presse et pour tous les gens actifs dans le domaine de la communication.
Mais le pire dans tout cela, Mesdames et Messieurs, le vrai problème auquel on ne pense pas, c'est que ce projet va favoriser la justice au détriment du politique ! C'est-à-dire que l'on va renvoyer finalement une part des compétences du monde politique, une fois de plus, devant la justice. Et cette confiscation de pouvoir va déjà commencer avec ce projet de loi qui va sans doute aller jusqu'au Tribunal fédéral. Le débat de ce soir le montre, les interprétations à ce sujet ne sont pas claires.
Et, Mesdames et Messieurs, vous semblez oublier que pour aller devant la justice il faut de l'argent. En outre, ce sont des dépenses qui ne seront plus sous le contrôle public, comme c'est le cas pour le monde politique. On part, me semble-t-il, dans une très mauvaise direction...
M. Hodgers évoquait les médias, etc. Peut-être faudra-t-il taxer le copinage de certains avec les journalistes ? En effet, comment pourra-t-on limiter ce type de propagande pourtant bien réelle ? Comment savoir à quel moment cela doit rentrer dans les frais de campagne ? Ce sont des choses qui ne sont pas calculables !
Et alors, Mesdames et Messieurs, le sommet de l'incohérence de ce projet de loi est le montant fixé par candidat pour les élections aux exécutifs de l'Etat et de la Ville de Genève. La somme de 100 000 F par candidat va conduire à quoi ? Le parti qui voudra mettre 500 000 F présentera cinq candidats, en sachant qu'il en placera un, voire deux... C'est parfait ! Et il n'y aura pas de raison de se limiter, sachant qu'on pourra aller jusqu'à 700 000 F. C'est une excellente solution !
Ce qui est assez amusant, c'est que cette proposition vienne du milieu de ceux qui, précisément, ont pleuré pendant des années contre le gouvernement monocolore. Pourtant, avec de telles solutions, vous allez favoriser la formation d'un gouvernement monocolore ! Et quand sept UDC seront au Conseil d'Etat, vous serez contents ! (Exclamations.)
M. Michel Halpérin (L). La pertinence, c'est d'essayer de parler d'un sujet à la fois...
Tout à l'heure, j'ai évoqué évidemment uniquement le sujet des sanctions liées au plafonnement des dépenses électorales. M. Hodgers a fait semblant de ne pas le comprendre, parce que M. Hodgers, par le fait qu'il est sympathique, qu'il a du charme et qu'il a, par conséquent, des chances indéniables en politique, quel que soit le budget de ses campagnes, a pris l'habitude, parce qu'il est moins jeune député que d'autres ne le pensent, de trouver des camouflages astucieux à ses propres élans contradictoires. Il nous a dit tout à l'heure qu'il n'était pas d'accord avec la proposition qui nous est faite, mais que, néanmoins, il la voterait parce que c'est le seul moyen de combattre les moeurs des voyous - je simplifie un peu - les voyous étant mes camarades et moi... (Rires.)
Monsieur Hodgers, je vous ai déjà pris plusieurs fois la main dans le sac avec ce genre de petites opérations d'hélices qui tournent plus vite qu'elles ne pensent. Vous avez, dans cette affaire, tort deux fois. Vous avez tort de voter contre vos convictions et vous avez tort de faire des amalgames entre les deux sujets. C'est pourquoi votre propre démonstration n'est pas pertinente !
Je ne reviendrai pas sur la question que j'ai déjà traitée, puisque c'est déjà fait, mais je reviendrai plus brièvement sur deux ou trois remarques qui ont été faites à propos des plafonnements des dépenses de campagne, pour dire qu'en substance, comme tout le monde, je suis assez d'accord avec l'idée qu'il n'est pas souhaitable que les partis ou les candidats aux élections se vendent comme des savonnettes... L'un d'entre vous - je ne sais plus si c'est M. Hodgers ou M. Brunier - a parlé de «nos amis des multinationales»...
Voyez-vous, il y a deux choses différentes : il y a les campagnes qu'on paye en affiches et en pavés publicitaires - et M. Grobet faisait référence aux dépenses, en effet pharaoniques, de l'UDC - et puis il y a l'impact qu'on leur présume. Et moi, je vous le répète, Mesdames et Messieurs les députés : nos électeurs ne sont pas des imbéciles ! Ils savent faire la différence entre une campagne publicitaire qui vend de la lessive ou des candidats et une campagne qui est politique et qui se traduit par des débats comme ceux que nous avons ici, par exemple, en présence des médias. Par conséquent, c'est une erreur d'imaginer qu'il suffit que le public lise plusieurs fois des affiches pour être convaincu que ceux qui en publient davantage ont des moyens qui justifient qu'ils soient élus...
Ce n'est pas comme cela que cela se passe dans nos contrées, peut-être parce que, comme nous avons la chance d'être des petites communautés et de pratiquer la démocratie directe, nous votons plus souvent que certains de nos voisins. Là aussi, vos comparaisons touchent assez vite leurs limites !
La deuxième remarque que je voudrais faire concerne la transparence, puisqu'elle est le sujet dont vous aimez bien vous gargariser. Je rappelle tout d'abord ce qu'a dit tout à l'heure M. le rapporteur Béné : il y a parmi vous, parmi vos syndicats, parmi vos associations, ceux qui refusent la transparence et qui ne déposent pas leurs comptes, de sorte que vous ériger en vertueux par excellence, c'est encore un abus, un abus de langage et un abus de démonstration.
Mais là n'est pas l'essentiel : vous confondez délibérément deux notions. Que les partis politiques et que les associations qui prennent des positions en politique soient transparents sur leurs comptes ne nous gêne en rien, et vous trichez lorsque vous prétendez que nous pensons le contraire, parce que nous n'avons jamais dit que nous étions contre la transparence. Au contraire : quelques-uns des textes que vous nous reprochez aujourd'hui de ne pas appliquer sont issus de nos propres rangs !
En revanche, nous avons fait une différence très nette entre le fait de publier nos comptes, d'indiquer combien nous dépensons pour nos campagnes - ce qui relève en effet du domaine public - et la liste de nos donateurs. Et la différence, je l'ai défendue moi-même à cette place, il y a deux ans, en vous expliquant - mais, à l'époque, j'étais seul, aujourd'hui nous sommes nombreux à être d'accord sur ce sujet - que nos donateurs sont exactement comme nos électeurs : ils ont le droit de vouloir voter confidentiellement et de vouloir donner confidentiellement ! Or, donner la liste de ces donateurs, c'est un peu comme publier la liste des gens qui vont voter aux élections du Grand Conseil ce week-end, en mettant dans l'urne tel bulletin plutôt que tel autre, et en indiquant qui ils sont... C'est le même type de violation !
Certains d'entre vous se sont prévalus, pour refuser de donner leurs comptes, du droit au secret des associations et de la liberté de celles-ci, d'autres au secret des votations et des opinions politiques... Je pense que ce sont des opinions respectables et je regrette, une fois de plus, que les rangs d'en face se complaisent dans l'injure plutôt que dans la réflexion. Vous nous avez traités aujourd'hui de «voyous»... Il y a deux ans, vous nous traitiez d'«escrocs»... Nous n'en avons pas fait tout un plat, même si nous regrettons que ce soit dans vos habitudes de pratiquer l'invective plus souvent que le raisonnement !
Aujourd'hui, il se trouve qu'un autre groupe politique qui brigue des sièges ici vous a rendu la monnaie de la pièce... Je vous ai vus très effarouchés... Je m'amuse de vous constater si prompts à vous rendre à la protection de la justice, alors que vous ricaniez quand d'autres tentaient le même genre d'exercice... Je constate que, quand la justice vous donne gain de cause, vous vous empressez de publier à votre tour des placards d'une page entière... Mesdames et Messieurs, vous n'êtes pas seulement excessifs, vous n'êtes pas seulement injurieux à l'égard de vos adversaires politiques et de la population, vous êtes aussi inconstants, mais cela nous le savions depuis toujours ! (Applaudissements.)
M. Jacques Béné (L), rapporteur de minorité. Je suis effaré de ce que j'ai entendu de la bouche de M. Blanc. Et j'ai pu constater dans le regard et l'attitude de M. Brunier qu'il acquiesçait aux paroles de M. Blanc... (L'orateur est interpellé par M. Brunier.) Vous ne saviez peut-être pas de quoi il parlait, mais je vous ai déjà vu réagir avec beaucoup plus de virulence, lorsque vous pensiez que les propos n'avaient pas de fondement, Monsieur Brunier ! Et, si je me souviens bien, M. Velasco était en tête à la poste de Saint-Jean pour distribuer les petits autocollants «Touche pas à ma poste !» Alors, si ces faits sont vrais, je trouve que c'est absolument lamentable ! D'un côté, vous défendez une Poste qui a effectivement besoin qu'on la défende - on l'a dit aussi - et, de l'autre, à la première occasion, pour pouvoir démontrer ensuite que vos frais de campagne électorale sont au-dessous du plafond, vous utilisez des organismes étrangers, qui vont contribuer largement à ce que notre Poste se porte encore plus mal. C'est pitoyable ! Ne vous ayant pas entendu rétorquer aux propos de M. Blanc, je prends cela comme un acquiescement de votre part.
Puisque cela a été fait à plusieurs reprises, je me permets de reprendre l'avis de droit de M. Auer. Chacun prenant un petit peu ce qui l'intéresse, je vais aussi piquer les passages qui, à mon avis, n'ont pas été analysés avec suffisamment de pertinence, puisque le projet de loi qui nous est soumis ce soir n'en tient absolument pas compte.
Je relève donc, en référence à cet avis de droit, que le Conseil fédéral, dans le cadre de la problématique du financement des partis politiques, a rejeté, je cite, «au vu des expériences acquises à l'étranger, de telles mesures au plan de la politique constitutionnelle», en estimant que «ces limitations seraient trop faciles à contourner, ce qui réduirait les espoirs qu'on y aurait placés». Puis, plus loin : «Aux yeux du Conseil fédéral, tout contrôle des dépenses des partis serait illusoire et impossible à concrétiser par des moyens raisonnables.» Cela nous a d'ailleurs été confirmé dans le cadre de nos débats, puisque l'Inspection cantonale des finances, qui devrait effectivement procéder à ces contrôles, a d'ores et déjà pris les mesures qui s'imposent. C'était le cas l'année passée et je pense que cette année cela doit être encore pire, puisqu'il leur manque plus de six mille heures pour effectuer les contrôles qu'ils ont à faire. J'imagine que la mise en place d'un tel système de contrôle demande une ligne budgétaire qui ne figure pas dans ce projet de loi.
Je poursuis avec l'avis de droit du professeur Auer qui indique : «La limitation des dépenses électorales apparaît d'emblée comme une importante atteinte à la liberté d'opinion.» Cela est complètement occulté par le rapporteur de majorité ! Il continue un peu plus loin en disant : «En décidant de financer un parti ou un candidat, les personnes physiques ou morales font ainsi usage de leur liberté d'opinion. Aussi, la doctrine et la jurisprudence sont unanimes à envisager les limitations des dépenses dans la perspective d'une restriction à cette liberté.» Et plus loin encore : «La limitation des dépenses électorales et l'obligation qu'elle entraîne pour les partis politiques et les groupements semblables de remettre à l'autorité le relevé de leurs frais de propagande électorale constituent, à n'en pas douter, des restrictions à la liberté d'association. Car l'association, pour poursuivre la finalité qui est la sienne, a le droit d'y consacrer les moyens dont elle dispose et qu'elle juge utile d'y affecter.»
Je me permets de relever encore quelques passages : «L'obligation, pour tout parti, association ou groupement qui dépose des listes de candidats pour les élections cantonales ou municipales, de soumettre chaque année ses comptes à l'autorité (...) constitue une restriction à la liberté d'association dont il est titulaire. Le fait que ces comptes doivent comprendre la liste des donateurs représente au surplus une atteinte à la liberté d'opinion et au droit à la protection de la sphère privée des donateurs.» Pour ce qui est de la rétrocession obligatoire des dons anonymes, le professeur Auer indique : «Elle constitue une restriction non seulement à la liberté d'association mais aussi à la garantie de la propriété.»
Tous ces éléments qui figurent dans l'avis de droit, bien sûr, n'ont pas été pris en considération dans le projet final...
En ce qui concerne les arguments qui ont été avancés tout à l'heure par M. Hodgers sur ce qui se passe en France ou en Italie en matière de financement des partis politiques, je constate pour ma part - je ne connais pas exactement quels sont les fonctionnements français ou italiens - que, malgré toutes les mesures de contraintes mises en place, ce sont des pays où la corruption est importante à cet égard, ce qui n'est, à mon avis, pas le cas dans notre petit canton - ou ne devrait pas être le cas... Si des restrictions devaient effectivement être apportées au financement des partis politiques, cela ne servirait pas à grand-chose, puisque les montants articulés ne correspondent déjà pas aux montants actuellement attribués aux campagnes électorales, malgré ce qui est mentionné dans le projet de loi.
En conclusion, je vais vous donner un exemple pour vous montrer à quel point le montant d'une campagne peut effectivement être élevé. Mme Calmy-Rey, qui n'est pas là ce soir, a tout de même dépensé entre 600 000 et 700 000 F...
Des voix. Elle est là !
M. Jacques Béné, rapporteur de minorité. Elle est là, eh bien, elle va pouvoir nous confirmer ce montant ! Donc, le département des finances a dépensé entre 600 000 et 700 000 F pour faire une campagne d'information concernant la modification du système d'imposition dans le canton. Cela vous montre à quel point les frais de campagne sont importants... (Exclamations.) ...les frais de publication sont importants. La campagne qui a été faite a eu, malgré tout, un retentissement important dans la population. Pour faire passer une information, dans le cadre d'une modification du système d'imposition, il faut 600 000 ou 700 000 F, et vous voudriez aujourd'hui réduire nos frais de campagnes électorale à 100 000 F ! Alors, je ne vois qu'un seul argument à vous donner : si le but est de faire passer vos idées, vos programmes électoraux, je pense qu'un plafond de 100 000 F c'est trop. Avec 10 000 F, le peu d'idées que vous avez serait largement véhiculé !
Le président. Quatre intervenants doivent encore prendre la parole. Je doute que nous puissions finir ce point avant la pause. Monsieur Hodgers, vous avez la parole.
M. Antonio Hodgers (Ve). Vous avez raison, Monsieur le président, il est temps de passer au vote, mais j'aimerais quand même répondre brièvement à deux de mes préopinants.
Monsieur Blanc, vous avez bien fait de mettre des guillemets à ces suppositions quant au fait que le parti des Verts aurait fait imprimer ses tracts de campagne dans un pays étranger... Je pense que vous faisiez référence au nom Francfort qui figure sur notre communication et qui est, Monsieur Blanc, - je suis désolé de vous décevoir - le nom d'une agence de communication qui est bien helvétique !
Je reviens à notre projet de loi, pour répondre à vos insinuations, Monsieur Halpérin, à propos de la transparence. Vous avez conclu votre intervention en disant que les donateurs avaient les mêmes droits que les électeurs... C'est précisément une chose que nous dénonçons ! Celui qui a de l'argent aurait les mêmes droits que les électeurs... Et celui qui n'a pas d'argent, quels droits a-t-il, Mesdames et Messieurs les députés ? S'il vous plaît, si la loi sur les droits politiques oblige toutes les associations, partis politiques et groupements, à signer ses tracts et communications, c'est bien parce que l'électeur a le droit de savoir qui est en train de parler, qui sont les gens qu'il y a derrière !
Et c'est exactement ce que nous demandons aujourd'hui ! Quand l'UDC se paye des pleines pages dans tous les quotidiens pendant deux semaines d'affilée, le peuple a le droit de savoir s'il s'agit vraiment d'un mouvement populaire où des petits contribuables ont donné 20 ou 50 F au parti, ou si c'est une ou deux personnes seulement qui ont versé l'argent et qui faussent ainsi le jeu de la démocratie, parce qu'un donateur c'est un électeur, mais en termes financiers l'équilibre n'est pas le même.
Ce projet de loi cherche justement à rétablir cet équilibre. En démocratie, un homme ou une femme égale une voix ! Quand l'argent modifie à ce point les règles de la démocratie, il faut fixer des limites, et c'est pour cela, contrairement à ce que vous dites, Monsieur Halpérin, que c'est tout à fait convaincu et en parfait accord avec mes propos et mes idéaux que je voterai ce projet de loi.
M. Alain Charbonnier (S), rapporteur de majorité. Je tiens tout d'abord à rectifier ce qui a été dit par différents représentants de l'Entente par rapport aux syndicats - et M. Béné le sait très bien... Le SIT, le SSP/VPOD et la CGAS ont, dans un premier temps, il est vrai, refusé de donner leurs comptes et les listes de donateurs croyant que leurs membres étaient des donateurs. Ils avaient fait une mauvaise lecture de la loi : ils s'en sont expliqués avec M. Ascheri et tout est rentré dans l'ordre. Je trouve tout de même malhonnête de revenir sur cela - d'autant que tout ceci nous a été expliqué en commission - pour faire croire que les gens qui nous sont proches seraient les premiers à tricher sur ce sujet.
Je terminerai en citant la conclusion du professeur Auer : «Le principe de la limitation des dépenses électorales n'est pas en soi contraire à la constitution.»
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, il reste encore quatre intervenants, puisque M. Koechlin s'est inscrit. Si ces personnes maintiennent leur demande de parole - ça a l'air d'être le cas - je lève la séance. Nous reprendrons nos travaux à 20 h 30.
La séance est levée à 19 h.