République et canton de Genève

Grand Conseil

No 39/VIII

Jeudi 30 août 2001,

matin

La séance est ouverte à 10 h.

Assistent à la séance : MM. Carlo Lamprecht, président du Conseil d'Etat, et Robert Cramer, conseiller d'Etat.

1. Exhortation.

Le président donne lecture de l'exhortation.

2. Personnes excusées.

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance : Mmes et MM. Micheline Calmy-Rey, Guy-Olivier Segond, Gérard Ramseyer, Martine Brunschwig Graf et Laurent Moutinot, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Michel Balestra, Anne Briol, Juliette Buffat, Régis de Battista, Hervé Dessimoz, Henri Duvillard, Jean-Pierre Gardiol, Philippe Glatz, Janine Hagmann, Michel Halpérin, Antonio Hodgers, Yvonne Humbert, René Koechlin, Alain-Dominique Mauris et Jean-Louis Mory, députés.

3. Discussion et approbation de l'ordre du jour.

Le président. Le Bureau vous propose, si nous parvenons jusqu'aux points concernant le département de justice et police, de porter le point 69 à la fin de notre ordre du jour.

Il en sera fait ainsi.

4. Annonces et dépôts:

a) d'initiatives;

Néant.

b) de projets de lois;

Néant.

c) de propositions de motions;

Néant.

d) de propositions de résolutions;

Néant.

e) de pétitions;

Néant.

f) de rapports divers;

Néant.

g) de demandes d'interpellations;

Néant.

h) de questions écrites.

Néant.

PL 8490-A
5. Rapport de la commission des travaux chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat ouvrant un crédit d'investissement de 5 418 000 F pour la revitalisation du cours d'eau de l'Aire (réalisation du tronçon pont des Marais/pont du Centenaire et étude d'ensemble). ( -) PL8490
Mémorial 2001 : Projet, 3320. Renvoi en commission, 3359.
Rapport de M. Hubert Dethurens (DC), commission des travaux

La Commission des travaux a étudié le projet de loi 8490 au cours de ses séances des 24 avril, 8, 15, 22 et 29 mai 2001 sous la bienveillante présidence de M. Claude Blanc. Elle a été assistée dans ses travaux par MM. Robert Cramer, conseiller d'Etat, chef du Département de l'intérieur, de l'agriculture, de l'environnement et de l'énergie, J. Lottaz responsable du Service de renaturation des cours d'eau et des rives et son adjoint A. Wisard, ainsi que F. Heer, directeur du Service du lac et des cours d'eau.

Il est rappelé que par arrêté du Conseil d'Etat pris en 1982, l'Aire est interdite à la pêche, à la baignade ainsi qu'aux pompages agricoles, pour des raisons sanitaires. C'est à partir du début des années 90 que le problème de la dégradation de ce cours d'eau refait surface. Une importante étude de revitalisation du cours d'eau, pluridisciplinaire et transfrontalière, est alors lancée en 1993. Ses conclusions rendues en 1995 permettent de hiérarchiser les causes de la dégradation de ce cours d'eau. Des mesures de revitalisation sont proposées, dont notamment la suppression des stations d'épuration (STEP) de Saint-Julien et de la plaine de l'Aire au profit d'un raccordement sur celle d'Aïre, une meilleure gestion des ressources en eau du bassin versant, ainsi que la revitalisation du cours d'eau sur territoire genevois.

En 1998, une nouvelle étape est franchie avec le lancement du contrat de rivières transfrontalier du bassin franco-genevois entre Arve et Rhône, qui englobe l'Aire parmi ses 9 rivières retenues. Outre le fait de dégager les financements nécessaires, le contrat rivières permet d'engager des actions en parfaite cohérence de part et d'autre de la frontière.

Fin 1999 a été lancé le concours de revitalisation de l'Aire, sous forme de mandats d'étude parallèles. Au terme de 4 mois de travail, le groupe pluridisciplinaire « Superpositions » a été plébiscité par le jury. Le projet retenu, qui englobe des composantes liées à la nature, aux loisirs, à l'aménagement du territoire ou à la protection contre les crues doit maintenant être développé. Un petit bémol, lors de l'élaboration du cahier des charges servant de références aux bureaux d'études qui ont participé au concours « Renaturation de l'Aire », certains groupes représentatifs n'ont pas été conviés à cette élaboration. Il serait heureux que dans les futurs projets, ce petit oubli ne soit pas répété

Aujourd'hui, alors que se discute ce projet de loi 8490, les nouvelles canalisations permettant de reprendre les eaux de la STEP de Saint-Julien et de la plaine de l'Aire sont posées. A l'automne 2001, les déviations des eaux usées seront effectives, grâce à la mise en place des pompes indispensables au relèvement des eaux usées vers la STEP d'Aïre. Si la qualité des eaux va donc en principe sensiblement s'améliorer, leur quantité va par contre s'amenuiser. En effet, les rejets de la STEP de Saint-Julien constituent la quasi-totalité des eaux de l'Aire pendant les mois d'été. Se pose alors la question d'une solution de soutien d'étiage, une fois les raccordements réalisés. Cette question a fait l'objet de multiples études de variantes : on retiendra que la plus réaliste est constituée par une alimentation supplémentaire en été par les eaux du captage « eau potable » de Saint-Julien dans le puits de Ternier (capacité de 600 000 m3/an), que la commune française s'apprête à abandonner car elles ne correspondent bientôt plus aux normes de l'eau potable. Subsiste l'inconnue du coût engendré par ces eaux d'étiage.

S'appuyant sur la loi sur les eaux du 25 avril 1997, et sur la volonté du Grand Conseil de prévoir un montant de 10 millions de francs par année pour la renaturation des cours d'eau, le présent projet de loi présente les objectifs suivants :

Poursuivre les études déjà engagées afin de permettre au groupe « Superpositions », gagnant du concours, d'aboutir à un projet définitif pour l'ensemble du tronçon genevois du cours d'eau.

Réaliser une première tranche de travaux sur la partie aval du secteur canalisé, entre le pont des Marais et le pont du Centenaire (distance 600 mètres), et acquérir les emprises foncières nécessaires.

Le présent projet de loi constitue une première étape de l'ensemble de l'opération qui est devisée à environ 30 millions de francs.

La commission voulant se faire une idée plus précise de la situation a décidé de se rendre sur place, ce qui a été fait le 8 mai. Entre le pont de Certoux et celui du Centenaire, les membres de la commission ont pu constater la profonde dégradation actuelle de l'Aire : berges bétonnées restreignant l'espace de divagation du cours d'eau, fond colmaté et uniformisation des courants expliquent le mauvais état général de la rivière. La présence de mousse à la surface de l'eau, et son corollaire de parfums nauséabonds ont complété ce sombre tableau. Les députés ont découvert le tronçon-pilote pont des Marais - pont du Centenaire, peu concerné par les problèmes de crues puisqu'à son amont immédiat, à la hauteur de l'actuelle STEP de la plaine de l'Aire, se situe la prise d'eau de la galerie de décharge construite au début des années 80 afin d'écrêter toutes les crues importantes.

Le 15 mai, la commission reçoit Mme Valentina Hemmeler, collaboratrice de la CGA, accompagnée de MM. Marc-André Chevalley et Pierre Dupraz, ces deux personnes représentant les agriculteurs concernés.

Mme Hemmeler précise que sur le fond, l'agriculture genevoise n'est pas opposée à la renaturation des cours d'eau. Par contre, la forme n'est pas toujours bien acceptée. Ainsi, pour la Seymaz, de nombreuses personnes ont été mobilisées pour qu'aujourd'hui, on puisse voir des solutions s'amorcer entre agriculture et nature. Avec le projet « Superpositions», le monde agricole a l'impression que tout est ficelé, que les réalités agricoles n'ont pas du tout été prises en compte et que la marge d'adaptation du projet est très faible. A la lecture du projet « Superpositions », plusieurs passages semblent démontrer une réelle méconnaissance du monde agricole. Or, les emprises foncières sont très importantes, faisant penser que dans ce projet, on perd de vue le fait que les terres agricoles constituent le principal outil de travail de l'agriculteur et son patrimoine. De plus, la communication avec le monde agricole n'a pas été bonne, mettant certains sur les pattes arrière. En conclusion, la CGA est consciente de la légitimité d'un projet pour la renaturation de l'Aire, et elle y est ouverte. Cependant, elle demande qu'un véritable dialogue soit garanti, afin de déboucher sur un projet réellement « gagnant-gagnant » pour la nature comme pour l'agriculture. Ce dialogue devra se développer dans le cadre de la Charte que le département s'est engagé à mettre rapidement sur pied pour accompagner l'élaboration du projet, à l'instar de ce qui s'est fait pour la Seymaz, à la satisfaction de tous les partenaires. Une adapation du projet doit être absolument garantie, en plus des mesures de compensation prévues pour l'agriculture.

MM. Chevalley et Dupraz complètent cette position de la CGA en précisant que sans vouloir s'opposer au principe de la renaturation de l'Aire, les agriculteurs du secteur jugent l'emprise du projet « Superpositions » présenté lors de l'exposition publique à Confignon, comme sur-dimensionnée, relevant même de la science-fiction. Il leur paraît important d'améliorer d'abord la qualité de l'eau, et ensuite de décanaliser la rivière. De plus, ils soulignent le fait que ce n'est pas l'Aire qui provoque les inondations du village de Lully, mais bien les masses d'eau provenant des coteaux. Les calculs qui ont été faits pour délimiter les périmètres à risque leur paraissent peu fiables.

Une réflexion sur le périmètre de revitalisation, et sur les activités agricoles ou plus généralement humaines dans le secteur doit être engagée, démarche à laquelle ils sont prêts à participer. La plaine de l'Aire ne se limite pas au seul maraîchage. Les grandes cultures sont bien présentes. Les compensations ou solutions à trouver ne seront donc pas les mêmes pour tous.

Une concertation large sera nécessaire afin que personne ne soit laissé pour compte. En conclusion, la renaturation doit se faire avec les agriculteurs et non au détriment de ceux-ci.

Le 15 mai, la commission entend également MM. Maxime Prevedello, président de l'AGSP et Charles Briner, membre du comité. Ces deux personnes sont également membres de la Commission de la pêche. Les pêcheurs informent les commissaires que, sur le plan piscicole, les cours d'eau genevois ont touché le fond, plus particulièrement dans le cas de l'Aire qui est interdite à la pêche depuis vingt ans déjà !

Ils sont très heureux de ce projet de loi, et ils se réjouissent de l'éventuelle levée de l'interdiction de pêche, peut-être effective en 2002. Pour la revitalisation du tronçon-pilote, les pêcheurs de l'AGSP demandent qu'une attention particulière soit portée aux aménagements piscicoles, qui devront être soigneusement pensés afin de favoriser le retour d'espèces nobles comme l'ombre ou la truite.

Le 22 mai, la commission reçoit Mme Jeanne Blanchet, présidente de l'APAA, accompagnée de Mme Van der Ben et de M. Christian Starkemann, anciens présidents.

Après avoir présenté l'historique de l'APAA, association transfrontalière créée en 1989 et forte aujourd'hui de 300 membres environ, M. Starkemann résume les diverse actions passées de l'APAA, qui ont permis de ne pas aggraver la situation dans laquelle se trouve le cours d'eau actuellement : procédure contre une usine française déversant des rejets riches en chrome hexavalant, assainissement de la décharge de Neydens dans le vallon de la Folle, ou opposition au busage de la Folle pour faire passer l'autoroute. L'engagement de l'APAA s'est également tourné vers l'information, notamment envers les enfants des écoles primaires communales suisses et françaises du secteur.

Les représentants de l'APAA estiment que ce projet de loi est d'autant plus important qu'il permettra de démarrer le sauvetage de la rivière, de recréer un nouvel espace naturel, et enfin de motiver les Français pour qu'ils prennent soin de leur rivière.

Le 22 mai, les commissaires reçoivent également M Michel Honegger, maire de Bernex. Le maire précise que la commune n'est pas opposée à la revitalisation de l'Aire, mais elle considère que l'emprise du projet, sur les terres agricoles notamment, est trop importante. La commune de Bernex souhaite un très large dialogue avec le monde agricole et toutes les personnes concernées par le projet, communes en tête. Concernant les crues du 8 mars dernier, M. Honegger confirme que l'Aire n'a pas débordé, mais que ce sont les eaux d'un collecteur de drainage provenant du coteau de Soral, en charge, qui ont refoulé dans la zone habitée de Lully, en rive gauche de l'Aire.

Le 29 mai, la commission entend MM. Jacques Lance et Gabriel Roch, représentants de l'hoirie Roch, propriétaire de la parcelle rive droite à l'amont du pont du Centenaire, abritant la Gavotte.

Cette demande d'audition fait suite à la rumeur selon laquelle la réalisation du projet du tronçon pont des Marais/pont du Centenaire amputerait la parcelle propriété de l'hoirie de plusieurs milliers de m2. La veille de son audition par la commission, l'hoirie a rencontré M. Heer qui a pu apporter toutes les garanties que cette rumeur était infondée. De plus, l'hoirie a pris acte qu'une emprise de maximum 4 mètres serait faite sur la partie Nord-Ouest de la parcelle et qu'un reboisement complémentaire serait réalisé sur la parcelle.

Pour le surplus, M. Lance demande que le projet de revitalisation de l'Aire ne mette pas en danger les activités de la Gavotte.

Arrivée au terme de ces auditions qui ont permis un large tour d'horizon des personnes ou mouvements concernés par ce projet de revitalisation de l'Aire, la Commission des travaux passe à la discussion finale.

Elle demande de scinder le crédit en deux, avec un volet qui comprend l'étude globale, et un volet travaux, pour le tronçon entre le pont des Marais et le pont du Centenaire (distance 600 mètres). Cette méthode permet de respecter les rythmes de bouclement fort différents. Le département a répondu favorablement, et surtout rapidement à cette requête.

La commission s'est ensuite penchée sur la méthodologie et sur les procédures. Après avoir évoqué la possibilité de voter un projet de loi basé sur des soumissions rentrées, à la demande d'un commissaire, M. Cramer précise que cela est de nature à retarder considérablement le démarrage des travaux. Un député abonde dans ce sens, en précisant que les dépassements de crédits ne sont pas dus à la rentrée ou non des soumissions, mais à des changements dans le programme, consécutifs à de nouvelles exigences des utilisateurs. Les mandataires sur ce projet sont des personnes sérieuses, et les devis présentés à la commission sont précis. Enfin, M. Heer a présenté un devis extrêmement détaillé à la commission, et a consulté une entreprise pour comparer les chiffres. La différence est extrêmement faible, et pour plus de précision encore, il faudrait effectivement procéder à des soumissions.

Un autre député regrette la clause d'utilité publique figurant à l'article 8, qui permet l'expropriation des terrains nécessaires au projet. M. Cramer confirme à la commission qu'il n'entend pas procéder à des expropriations avec les projets de renaturation, préférant la négociation et les acquisitions de gré à gré. Toutefois, la clause d'utilité publique permet d'éviter l'effet suspensif en cas de recours, et elle se justifie parfaitement pour des projets de renaturation.

Pour répondre à cette demande, un autre député propose qu'à la fin de l'article 8 de la loi, soit rajoutée la phrase suivante : « ..à l'exclusion du droit strict d'expropriation ». Cette nouvelle proposition est acceptée par M. Cramer. Cette nouvelle formulation permettra certainement aux négociations, notamment avec les agriculteurs concernés, de se dérouler dans un climat plus serein et dépassionné.

La prise en considération du premier projet de loi ouvrant un crédit de 2 923 400 F pour la revitalisation de l'Aire - étude d'ensemble - est acceptée à l'unanimité des 12 membres présents.

Mis aux voix dans son ensemble, ce premier projet de loi est accepté à l'unanimité des 12 membres présents.

La prise en considération du second projet de loi ouvrant un crédit de 2 494 600 F pour la revitalisation de l'Aire - réalisation du tronçon pont des Marais/pont du Centenaire - est acceptée à l'unanimité des 12 membres présents.

L'amendement à l'article 8, excluant l'expropriation, tel que décrit plus haut, est accepté par 6 OUI (2 DC ; 2 R ; 2 L) contre 5 NON (1 AdG ; 2 S ; 2 Ve) et 1 ABST. (1 S).

L'article 8 sera ainsi libellé :

Le second projet de loi amendé est accepté à l'unanimité des 12 membres présents (1 AdG ; 3 S ; 2 Ve ; 2 R ; 2 L ; 2 DC).

Premier débat

M. Hubert Dethurens (PDC), rapporteur. Quelques explications d'abord sur le fait que le projet initial a été scindé en deux. Le projet initial était d'un peu plus de 5 millions et comprenait l'étude du projet total de la revitalisation de l'Aire et la réalisation du premier tronçon de ce projet. La commission unanime a décidé de scinder le projet en deux : l'un portant sur la réalisation du premier tronçon et l'autre sur l'étude de la revitalisation complète de l'Aire.

Quelques mots maintenant sur le premier projet qui concerne la réalisation du premier tronçon. Il est important que cette réalisation soit votée aujourd'hui, mais il est surtout important qu'elle soit votée par la plus large majorité possible. En commission, la proposition a été faite, et acceptée, de retirer de la clause d'utilité publique la possibilité d'expropriation. Cet amendement a été apporté afin que les négociations futures qui se dérouleront avec les agriculteurs, qui sont les premiers concernés par ces travaux, se passent dans un climat serein. Cet amendement a donc été accepté, c'est peut-être ce qui posera problème aujourd'hui, mais pour la majorité de la commission le plus large consensus sera obtenu seulement si ce projet est voté tel qu'il sort de commission.

La revitalisation de l'Aire, encore une fois, est importante. Cependant, nous n'avons pas encore toutes les solutions et le point le plus important, à mon avis, est le problème de la pureté de l'eau qui coulera dans cette rivière. Actuellement l'eau provient de la station d'épuration de Saint-Julien. Or, comme il est dit dans le rapport, les égouts de Saint-Julien vont être déviés sur la STEP d'Aïre. Il manquera donc de l'eau et on ne sait pas encore où l'eau qui coulera dans cette rivière sera prise ni à quel prix il faudra la payer.

Mme Morgane Gauthier (Ve). L'Aire est dégradée, les berges sont bétonnées, le lit est colmaté : on est bien loin du tableau bucolique des rivières qui nous font rêver. Je crois qu'il est inutile de s'étendre sur la nécessité de la renaturation de nos cours d'eau. Les Verts sont très satisfaits de ce projet de loi car l'Aire va enfin retrouver un aspect un peu plus naturel. Le second point positif de ce projet de loi est l'association des acteurs directs, les agriculteurs, les pêcheurs et les riverains, au projet de revitalisation. En effet, ces travaux, qui ont pour but d'améliorer la qualité de notre environnement, ont besoin d'un large soutien de la population. Après plusieurs séances de commission au cours desquelles nous avons bien vu l'intérêt de procéder à cette renaturation, nous sommes parvenus à l'unanimité de la commission. Cette unanimité nous satisfait pleinement. C'est pour ces raisons que nous voterons ce projet tel qu'il est présenté, pour avoir l'unanimité, et afin que tout se déroule sereinement avec les agriculteurs.

M. Thomas Büchi (R). Il y a eu unanimité au sein de la commission des travaux suite aux différentes auditions et aux visites effectuées sur le site. Nous nous sommes rendu compte que l'Aire mérite vraiment une renaturation. Cependant, il faut apporter une ou deux réserves à cette unanimité. Le rapporteur en a déjà fait état et je souhaiterais les évoquer à nouveau. Tout d'abord, la station d'épuration de Saint-Julien rejette ses eaux traitées dans l'Aire et d'ici peu elle devrait être raccordée à la STEP d'Aïre. Evidemment c'est une très bonne chose que des accords transfrontaliers de ce type soient conclus. Il n'empêche que l'Aire, suite à ce raccordement, sera à sec environ quatre à cinq mois par année, si j'ai bien compris. M. Cramer nous précisera combien de temps tout à l'heure.

Cette situation pose deux questions : que va-t-il advenir pendant les trois ou quatre mois où il n'y aura pas d'eau et, ensuite, comment faut-il faire pour amener de l'eau dans cette rivière pendant la période sèche ? Il a été proposé de pomper de l'eau dans le Rhône pour la renvoyer dans l'Aire : cette proposition a paru peu en accord avec le développement durable et même, pour tout dire, assez cocasse. La question suivante s'est alors posée à la commission : s'il était décidé de ne pas raccorder la station d'épuration de Saint-Julien sur la STEP d'Aïre afin de laisser de l'eau dans l'Aire, n'y aurait-il pas alors des risques similaires à ce qui vient de se produire dans l'Allondon ? Ces questions restent en suspens avant le vote du projet de loi et nous souhaiterions avoir des réponses.

M. Claude Blanc (PDC). Je crois que le projet qui arrive aujourd'hui devant notre Grand Conseil est un bon projet, qui s'inscrit dans un programme de renaturation de l'ensemble des cours d'eau du bassin genevois. Nous pouvons tous nous réjouir de cette opération. Mais nous devons l'entreprendre tous ensemble, c'est-à-dire pas les uns contre les autres.

Nous reviendrons tout à l'heure sur la proposition d'amendement qui nous a été soumise par M. Velasco. En effet, les agriculteurs, qui sont les premiers concernés par ces travaux, sont d'accord de collaborer, ils l'ont prouvé dans le cas de la Seymaz et M. Cramer peut en témoigner. Les agriculteurs cependant ne veulent pas qu'on leur mette le couteau sous la gorge. Or l'amendement socialiste revient à mettre le couteau sous la gorge des agriculteurs et pour nous, c'est inacceptable. Nous ne voterons pas cet amendement parce que nous voulons que ces travaux se passent dans le consensus général avec la collaboration pleine, entière et sincère de toutes les parties. Evidemment, l'amendement socialiste suppose que tout le monde ne serait pas sincère, mais en réalité lorsqu'on prête des défauts aux autres, c'est qu'on les a soi-même. Je trouverais tout à fait regrettable que l'on mette une écharde dans la chair de ce projet qui est bon, uniquement par dogmatisme politique. Je vous préviens, Mesdames et Messieurs les députés, si vous acceptez l'amendement socialiste, nous ne voterons pas la loi et nous irons devant les agriculteurs pour leur expliquer dans quel état d'esprit vous êtes. Vous verrez alors comment se passera la suite des négociations, parce que, de toute manière, il faudra bien négocier.

Maintenant, puisqu'on parle de négocier, j'ai été très sensible aux arguments de M. Cramer concernant la collaboration avec le bassin transfrontalier. Je n'y ai jamais beaucoup cru, mais M. Cramer avait réussi à me convaincre que le contrat de rivière transfrontalier du bassin franco-genevois était une réalité et qu'on allait pouvoir travailler en toute confiance avec nos voisins français. Malheureusement, les faits viennent démentir cette euphorie puisque vous avez tous vu ce qui vient d'arriver à l'Allondon. Vous savez aussi qu'un certain nombre de problèmes se sont déjà produits en France et que, compte tenu de la structure des installations en France voisine, de tels accidents ne sont pas à exclure. Dans mon esprit, et M. Cramer nous rassurera peut-être, ces problèmes remettent en cause la fiabilité du contrat transfrontalier. J'aimerais que M. Cramer nous rassure sur ce dernier point et j'aimerais aussi qu'il nous répète dans quel état d'esprit il veut régler toute cette question, c'est-à-dire dans un esprit de confiance, sans mettre le couteau sous la gorge des gens.

M. Alberto Velasco (S). Le groupe socialiste est évidemment intéressé par ce projet qui nous paraît être un très bon projet. Ce qui s'est passé à l'Allondon renforce encore sa nécessité. Cependant, il ne peut pas se faire n'importe comment. Il ne peut pas se faire au détriment de certains principes de l'Etat et nous ne pouvons que regretter ce qui s'est passé avec l'article 8 du PL 8490-2 qui a été amendé en commission. C'est pourquoi nous avons proposé un amendement pour revenir à la formulation initiale. Je m'exprimerai sur le contenu de cet amendement lors du débat sur l'article en question. Le groupe socialiste soutient donc ce projet, tout en regrettant cet aspect précis.

Le président. Un instant, Mesdames et Messieurs les députés, pour saluer notre collègue Pierre Meyll qui nous rejoint après plusieurs mois d'absence. Bienvenue, Pierre! (Applaudissements.)

M. Robert Cramer. Tout d'abord, je me dois de remercier ce Grand Conseil pour le soutien qu'il affiche d'ores et déjà à ces projets de loi et qui ressort des interventions que vous venez de faire. Je dois aussi remercier la commission parlementaire qui a travaillé avec beaucoup de célérité pour que le projet de loi vous soit renvoyé. La commission parlementaire a voulu que le projet de loi déposé par le Conseil d'Etat soit scindé en deux projets. C'est bien volontiers que nous nous inclinons devant cette volonté, qui permettra effectivement de boucler plus rapidement l'une de ces deux lois, celle relative à la réalisation du premier tronçon de renaturation de l'Aire. Les études qui vont être menées sur les autres tronçons prendront beaucoup plus de temps; de cette façon, l'on pourra rapidement boucler un projet et prendre le temps nécessaire pour mettre en oeuvre le second.

Un certain nombre de questions se sont posées au cours de ce débat, questions auxquelles je réponds volontiers. Cela me permettra dans le même temps de faire le point sur ce que nous savons de la situation à l'Allondon. Comme vous l'avez indiqué, en ce qui concerne l'Aire se pose non seulement la question de rendre l'aspect de ce cours d'eau plus naturel, de donner la possibilité à toute une vie de s'y développer, et notamment à la flore de reprendre ses droits, mais la question de la qualité de l'eau se pose elle aussi.

Aujourd'hui, la source principale de l'Aire est la station d'épuration des eaux de Saint-Julien. L'Aire est extrêmement dégradée, à tel point que la baignade y est interdite parce que l'on peut tomber malade si l'on se baigne dans l'Aire, particulièrement en été. La qualité de l'eau de l'Aire devrait considérablement s'améliorer ces prochaines semaines, puisque c'est durant le mois de septembre que la station d'épuration des eaux de Saint-Julien, dans le cadre d'un contrat transfrontalier - ce qui montre bien que cette collaboration fonctionne - sera raccordée sur la STEP d'Aïre II. Alors se posera bien sûr la question de la suite du programme. En effet, les pollutions de l'Aire proviennent essentiellement de la STEP, mais elles proviennent également de toute une série d'eaux parasites qui arrivent dans l'Aire. Il faudra que l'on fasse la chasse à toutes ces eaux parasites.

Dans le même temps se posera la question de la quantité d'eau. De ce côté-là, il faut dire deux choses. La première, c'est que l'Aire, historiquement, n'a jamais été alimentée de manière continue sur l'ensemble de ses tronçons. Durant des périodes d'un mois ou deux, on trouve de l'eau dans des creux ainsi que sur une bonne partie du tronçon, mais une partie du cours de la rivière n'est pas alimentée. La deuxième, c'est que nous souhaitons - nous sommes en train d'étudier cela avec nos voisins français - retrouver des procédés d'alimentation de l'Aire en eaux les plus naturelles possibles. En effet, un certain nombre de sources ont été détournées, notamment pour servir d'eau de boisson dans les localités et en particulier à Saint-Julien. Ces eaux de source se retrouvent ensuite prises dans un service de traitement des eaux usées. Il s'agirait de mettre ces sources à contribution pour alimenter l'Aire. C'est dire que ce que nous sommes en train d'étudier avec nos voisins français, c'est une alimentation en eau de boisson de Saint-Julien qui viendrait, soit de la nappe du Genevois, soit même, et ce serait encore mieux, de l'eau du lac. Ainsi, les sources actuellement détournées pour l'alimentation en eau des populations pourraient à nouveau être utilisées pour alimenter l'Aire. Cela devrait se faire très rapidement. On peut raisonnablement espérer que l'on verra, ces prochains mois, ce projet progresser. Il faudra voir également, à la suite des travaux qui seront entrepris, ce qu'il adviendra des échanges de l'Aire avec la nappe phréatique qui sont des échanges séculaires.

Le problème qui se pose à l'Allondon, c'est que ce que nous sommes en train de terminer à Saint-Julien, c'est-à-dire le raccordement de cette mauvaise STEP de Saint-Julien sur la STEP d'Aïre, n'a pas été entrepris à l'Allondon. Il y a sur ce cours d'eau deux stations d'épuration des eaux : celle de Prevessins d'une part, et celle de l'Allondon de l'autre, qui aujourd'hui sont sous-dimensionnées. La population est trop importante par rapport à la capacité de traitement de ces stations et nos voisins français savent parfaitement bien qu'ils doivent prendre des mesures. Il y a déjà plusieurs semaines, nous avions convenu d'un rendez-vous à cet effet qui aura lieu à la fin du mois de septembre. Il va de soi que cette rencontre avec les décideurs français en matière d'assainissement prend un sens tout particulier dans le contexte de la pollution de l'Allondon.

Ceci dit, il faut savoir que ce qui est en cause dans la pollution de l'Allondon, ce n'est pas le mauvais fonctionnement des STEP, mais un acte d'une entreprise qui a balancé, intentionnellement ou non, l'enquête l'établira, de la soude dans des réceptacles pour les eaux claires. Cette soude est donc partie directement dans l'Allondon et a tué une bonne partie de la faune piscicole. Ensuite, cette entreprise a balancé, intentionnellement ou non, de la soude dans les égouts. Cette soude est parvenue à la STEP de l'Allondon, a détruit tous les processus de traitement biologique de l'eau, de telle sorte que cette station ne fonctionnera plus durant une semaine encore. L'Allondon continuera donc d'être polluée par les eaux usées parce que la STEP a été mise hors fonction du fait d'une pollution précisément localisée.

Il y a toutes les apparences, d'après les indications données par la presse, que l'on soit face à un acte non seulement criminel dans les faits, mais également dans les intentions. On ne me dira pas en effet qu'il est usuel de nettoyer des bassins de décantation à 11 h ou minuit. On ne me dira pas non plus qu'il est usuel de placer un guetteur le long d'un cours d'eau pour évaluer les conséquences de ce genre de déversement. Il y a là manifestement une volonté qui devra être établie par une enquête pénale, qui est d'ailleurs en train d'être menée à la demande des autorités françaises. Nous suivons cela bien sûr de très près et nous verrons dans quelle mesure nous pouvons obtenir des renseignements et nous associer aux procédures en cours.

Tout cela signifie donc que, lorsque vous pointez le problème de la qualité et de la quantité des eaux dans l'Aire, vous mettez le doigt sur un problème essentiel. Lorsque vous parlez de la collaboration transfrontalière, c'est à juste titre que vous en parlez. Je prétends pourtant qu'elle fonctionne. Je prétends qu'en l'occurrence elle a fonctionné de façon exemplaire à l'Allondon. Ainsi, la première autorité prévenue a été le SIS dans la nuit de mardi, très tôt, vers minuit et demi. Immédiatement, le service cantonal d'assainissement est intervenu et dans le même temps, en France, un plan de secours a été déclenché, de sorte que les pompiers français plaçaient des barrages, hélas inutiles, sur le cours d'eau à 2 h du matin déjà. Malheureusement, la pollution n'est pas de celles qui peuvent être retenues par des barrages, c'est une pollution qui diffuse immédiatement dans l'eau et les dégâts étaient déjà commis. Ils étaient de toute façon impossibles à prévenir. Nous continuons donc à suivre cette situation. Je reste pourtant convaincu que c'est dans le cadre des contrats de rivière, qui n'ont d'ailleurs pas été tous ratifiés bien que les discussions soient pratiquement terminées, que l'on peut préserver encore mieux notre bassin versant, parce qu'il y a une volonté commune des deux côtés de la frontière pour cela.

Le dernier point que j'entends aborder est la question de l'amendement qui a été déposé. Je dois le dire ici très clairement, et ceux qui ont vu dans quel état d'esprit nous travaillons sur la Seymaz ne pourront que confirmer mes propos : nous avons la ferme volonté que, chaque fois que la mise en oeuvre des projets de renaturation implique des emprises foncières et en particulier des emprises foncières agricoles, celles-ci soient discutées. Nous souhaitons que ces emprises n'interviennent que si, dans le même temps, il y a des mesures de compensation qui sont trouvées, soit en qualité en amenant des plus pour l'agriculture, soit en quantité par des compensations en terrain. Il va de soi que cette volonté de négocier implique qu'on ne le fasse pas sous la contrainte, sous la menace, et que l'on renonce à brandir l'instrument de l'expropriation automatique. C'est donc dire que je me rallie très volontiers aux propositions qui ont été faites en commission d'enlever de ce projet de loi la menace de l'expropriation. Cela ne signifie pas qu'elle est totalement impossible : si jamais, un jour, on devait se trouver confronté à un propriétaire dont les exigences seraient abusives, il serait toujours possible pour le Conseil d'Etat de déposer un projet de loi en vue de l'expropriation, et de le déposer devant vous, Mesdames et Messieurs les députés.

Pourtant, avoir un instrument général et automatique d'expropriation, alors qu'on a la volonté de discuter et d'agir de façon consensuelle, cela n'a pas de sens. C'est la raison pour laquelle, à la suite des propos qui ont été tenus par M. Blanc tout à l'heure, je vous demanderai de renoncer à l'amendement proposé. Je comprends bien dans quel esprit il est proposé et je suis sensible à ce désir d'aider l'autorité dans l'avancement de ses travaux. Cependant, je crois réellement que, vu l'état d'esprit qui règne actuellement autour de la renaturation des cours d'eau, vu le climat de collaboration que nous avons institué, vu l'esprit dans lequel nous travaillons, un tel amendement n'est pas nécessaire. Vous devez savoir à cet égard qu'un groupe de travail est d'ores et déjà constitué, avec des agriculteurs, avec les services de l'administration en charge du projet et avec les milieux de la protection de l'environnement. Ce groupe de travail discute déjà de la manière dont on va régler les questions foncières. Je pense que nous irons d'autant plus vite et d'autant mieux que nous travaillerons ensemble, dans un esprit de confiance, à ces travaux de renaturation.

M. John Dupraz (R). Je suis rassuré par les propos de M. Cramer. Je dois dire qu'il est très malin car il sait très bien que ce projet suscite les plus extrêmes réserves. Premièrement parce que, les trois quarts de l'année, il n'y a pas d'eau dans cette rivière, et je ne vois pas comment on amènera de l'eau en la renaturant. Vous en ramènerez si vous en donnez aux Français, que vous payiez les installations et que vous leur donniez encore quelque chose. On peut toujours discuter avec les Français, mais dès qu'il y a un coût, c'est à nous de payer. Sur ce point j'émets les plus grands doutes. Deuxièmement, le projet «Superpositions» qui a gagné le concours est totalement inacceptable dans son état originel, car il rase pratiquement du territoire une exploitation agricole familiale. Cela, le groupe radical et celui qui vous parle ne sauraient l'accepter.

Cela dit, nous ne sommes pas fermés à la discussion. Néanmoins, je réitère mes doutes quant au bien-fondé du projet car, encore une fois, il n'y a pas d'eau. Les inondations qu'a vécues le village de Lully il y a quelques mois ne sont pas dues au débordement de l'Aire, mais à d'autres phénomènes liés aux eaux de ruissellement et à l'urbanisation importante du territoire de la commune de Bernex, de Sézenove et de Lully. Pour nous, la condition sine qua non à l'acceptation de ce projet, qui n'est qu'une première étape, est qu'il soit voté tel qu'il ressort de la commission. Si nos collègues socialistes maintiennent leur amendement et que cet amendement venait à être accepté par ce parlement, nous voterions contre ce projet de loi. En effet, je répète que nous doutons du bien-fondé de ce projet, mais nous sommes sûrs qu'il ne peut se réaliser que dans la concertation et dans la confiance réciproque. Ainsi, décréter l'utilité publique aujourd'hui, cela signifie que l'Etat veut imposer son diktat aux acteurs de ce projet. Nous ne saurions accepter cette situation. C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, je vous demande instamment de refuser l'amendement socialiste et de voter le projet de loi tel que le présente le rapport de M. Dethurens.

Le président. La parole n'étant plus demandée, je vous propose Mesdames et Messieurs, de passer au vote d'entrée en matière sur ces deux projets : le projet de loi 8490-1 et le projet de loi 8490-2.

Mis aux voix, ces projets sont adoptés en premier débat.

Deuxième débat

Le président. Monsieur Velasco, votre amendement concerne le PL 8490-2 et sera traité tout à l'heure. Nous passons au vote du projet de loi 8490-1.

PL 8490-1

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les articles 1 à 6.

Le président. Nous passons au vote du projet de loi 8490-2.

PL 8490-2

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les articles 1 à 7.

Art. 8

Le président. Nous sommes saisis d'un amendement à l'article 8. Je rappelle que vous avez reçu une nouvelle version de ce deuxième projet rectifiant précisément une erreur à l'article 8, qui doit être libellé ainsi : «L'ensemble des travaux résultant de la réalisation prévue à l'article 1 est décrété d'utilité publique au sens de l'article 3, alinéa 1, lettre a, de la loi sur l'expropriation pour cause d'utilité publique, du 10 juin 1993, à l'exclusion du droit strict d'expropriation.»

M. Alberto Velasco (S). Effectivement, par mon amendement, je souhaite supprimer la mention «à l'exclusion du droit strict d'expropriation» figurant à la fin de l'article 8.

Je voudrais demander à M. Cramer pour quelle raison cet article figure dans le projet de loi. Il y a bien une raison pour laquelle notre République s'est dotée de cet instrument-là. Une des raisons, c'est qu'il permet de lever les recours pour de tels projets, considérés comme d'utilité publique. Il me semble donc nécessaire que cet article soit maintenu. Par ailleurs, le débat est beaucoup plus important qu'on ne le croit car, si nous acceptons cet article tel qu'il est sorti de la commission, cela risque de porter préjudice à d'autres projets de lois qui viendront par la suite. Je crois que le rapporteur et les députés qui ont proposé cet amendement en commission ne l'ont pas fait de façon anodine. Cela me préoccupe énormément.

Je suis d'accord avec M. Cramer pour dire qu'on ne peut pas exproprier n'importe comment. Je pense néanmoins que l'intérêt général de la République doit être supérieur, en droit, à l'intérêt privé de quelques-uns ou d'un seul propriétaire. Ce principe me semble éminemment important même si je suis d'accord avec vous, Monsieur Cramer, et avec vous, Monsieur Dethurens, pour dire que cette possibilité doit être employée avec parcimonie et avec beaucoup d'attention. Cependant, pour des questions de principe, de fondements de notre République, les moyens qui sont donnés à l'autorité politique doivent être maintenus.

M. Hubert Dethurens (PDC), rapporteur. Monsieur Velasco, je crois que vous n'avez pas bien suivi en commission. Ce que nous demandons, c'est seulement l'exclusion de la possibilité d'exproprier les agriculteurs. Par conséquent, le reste des dispositions liées à l'utilité publique est maintenu, notamment la suspension des recours, et je crois que c'est ce qui comptait le plus pour le conseiller d'Etat Cramer, qui s'est toujours engagé à ne pas exproprier. Cette clause devait, selon le souhait de M. Cramer, permettre d'obtenir peut-être quelques subventions de Berne et de suspendre les recours. Je demanderai simplement que cet amendement soit voté par appel nominal afin que, si les négociations échouent par la suite, on sache qui en porte la responsabilité.

Le président. Cette proposition est-elle soutenue? C'est le cas. Monsieur Blanc, vous avez la parole.

M. Claude Blanc (PDC). On se trouve ici en face des différentes figures de la gauche plurielle. Nous avons d'une part le discours consensuel de M. Cramer, que je remercie au passage, car il a exprimé exactement dans quel état d'esprit tout cela s'est fait. Je rappellerai que j'avais été un des plus farouches opposants au projet de la Seymaz et que M. Cramer a réussi à me faire entrer en confiance sur ce projet. Les agriculteurs ont participé avec beaucoup de bonne volonté à la résolution des problèmes liés à la Seymaz. Ces agriculteurs sont venus à nouveau devant la commission des travaux pour le problème de l'Aire pour dire que la Chambre d'agriculture demande expressément à être associée à tous les travaux de préparation et d'exécution de ce projet. Bien sûr, celui des agriculteurs que nous avons entendu qui sera sévèrement touché par ce projet ne peut pas y adhérer. Néanmoins, au niveau de la Chambre d'agriculture, il y a une volonté de collaborer. M. Cramer s'est engagé à ce que ce soit possible. Je pense que nous sommes tous liés par cet engagement, autant lui que nous, car il s'agit d'une sorte de charte de confiance. Et voilà que M. Velasco, par pure doctrine politique, nous montre le visage le plus détestable de la gauche, qui consiste à gouverner sous l'effet de la contrainte en profitant de la majorité. Vous usez et vous abusez de cette majorité pour contraindre le peuple avant de discuter. Voilà le visage détestable de la gauche qui nous est offert aujourd'hui par M. Velasco. Entre ces deux visages, je choisirai celui, souriant, de M. Cramer.

M. John Dupraz (R). Suite aux propos de M. Blanc, auxquels je souscris, la question que l'on peut se poser, c'est de savoir si M. Cramer est vraiment à gauche. Il me semble être plutôt au centre, n'est-ce pas ? (Rires et exclamations.) Ce que je trouve regrettable dans ce débat, c'est l'entêtement de M. Velasco à maintenir son amendement alors que toutes les explications ont été données et que nous poursuivons le même but, à savoir la réalisation de cette renaturation dans le cadre d'un dialogue et d'un esprit consensuel. Or, on voit que les socialistes, en maintenant leur amendement, préfèrent un Etat qui écrase et qui opprime les administrés. Cette position m'étonne un peu de la part des socialistes. Monsieur Velasco, je vous suggère humblement de retirer votre amendement et d'éviter cet affrontement stérile, puisque le Conseil d'Etat accepte le projet de loi tel qu'il ressort de commission.

M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je tiens à rassurer, si ce n'est M. Dupraz, en tout cas M. Velasco en lui disant que nous partageons les mêmes valeurs...

Une voix. Menteur!

M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. Nous partageons les mêmes valeurs qui ne me semblent pas être mises en cause ici par la renonciation à l'usage du droit d'expropriation. Pourquoi? Parce que la loi sur les eaux prévoit qu'en matière de renaturation de cours d'eau, la question de l'expropriation doit être évaluée en fonction de la situation, projet par projet. C'est donc dire que si nous avions le sentiment que, dans le cadre d'un projet particulier, d'un cours d'eau particulier, nous allions être d'emblée confrontés à de telles oppositions de principe que cela implique de poser, déjà dans le cadre du projet de loi, la question du droit d'expropriation, dans ce cas-là, il faudrait le faire. Cependant, dans le cas présent et dans le cadre de cette évaluation au coup par coup, qui n'est pas une évaluation générale, je vous dis que l'on peut, et même que l'on doit renoncer à fixer d'emblée dans la loi la possibilité de l'expropriation. On doit y renoncer d'abord parce que nous avons mis en place des structures de concertation et ensuite parce qu'il n'est pas possible de travailler dans le cadre de structures de concertation si on le fait avec des menaces. Enfin, comme je vous l'ai indiqué tout à l'heure, si jamais, pour quelque raison totalement imprévisible qui ne se produira très vraisemblablement pas, le droit d'expropriation devenait nécessaire, il serait toujours possible de revenir devant le Grand Conseil.

Ce que j'entends dire avec force, c'est qu'en renonçant, dans le cadre de ce projet de loi, au droit d'expropriation on ne crée aucune espèce de précédent, on ne met en cause aucune espèce de principe; tout au contraire on applique la loi qui nous demande d'évaluer au cas par cas si l'expropriation est justifiée ou pas. En l'occurrence, j'affirme qu'elle ne l'est pas. J'espère que ces explications sont de nature à rassurer M. Velasco et pourront peut-être l'amener à envisager de retirer son amendement. (Applaudissements.)

M. Alberto Velasco (S). Tout d'abord, je tiens à préciser que je maintiens mon amendement. Ensuite, Monsieur Cramer, j'aimerais dire que nous sommes tous mortels et que vos propos me rassurent aujourd'hui, mais demain, à votre place, il y aura peut-être un autre conseiller d'Etat et, ma foi, une autre politique. Alors les lois sont les lois, voyez-vous, et c'est pourquoi je maintiens mon amendement. Cela dit, je tiens à dire à la droite que M. Cramer a tenu un discours extrêmement conciliateur en commission. Alors, pourquoi exclure le droit d'expropriation puisque M. Cramer vous a garanti qu'il ne l'appliquerait pas et que vous avez prétendu apprécier le sourire de M. Cramer, qui vous semble garantir son sérieux et son honnêteté ? Dans ce cas, pourquoi ne lui faites-vous pas confiance lorsqu'il vous dit qu'il n'emploiera pas ce droit d'expropriation? Pourquoi tenez-vous néanmoins à exclure ce droit de l'article 8 ? Pour notre part, pour les mêmes raisons, à cause des mêmes arguments, des mêmes sentiments, nous demandons que cet article soit maintenu tel quel.

Je dois dire que ce qui me préoccupe, c'est surtout la suite des événements. Je suis d'accord qu'en l'occurrence on aurait pu transiger. Cependant, c'est une question de principe et nous créerions là un précédent qui nous semble éminemment dangereux. Je maintiens donc mon amendement et j'appuie le vote par appel nominal demandé par le rapporteur.

M. Christian Grobet (AdG). Monsieur Cramer, je ne comprends absolument pas votre raisonnement. Vous êtes un excellent juriste : le fait d'ajouter, à la fin de l'article 8, «à l'exclusion du droit strict d'expropriation» revient à supprimer l'article 8. Cela n'a aucun sens. Vous nous faites voter un texte vide de toute substance. La clause d'utilité publique n'a qu'un seul et unique but : permettre le cas échéant de recourir à l'expropriation. Si vous ajoutez à cette clause que l'on ne peut pas recourir à l'expropriation, cet article ne sert à rien du tout. C'est là une absurdité juridique, je vous prie de m'excuser de vous rappeler des rudiments de droit que vous connaissez aussi bien que moi.

Par ailleurs, je me permets quand même de dire au magistrat que la clause d'utilité publique n'a effectivement pas besoin d'être employée si on s'entend à l'amiable, mais qu'elle constitue un excellent moyen d'arriver à une telle entente. Si vous n'avez pas la clause d'utilité publique et ce moyen de pression, vous verrez que les négociations seront extrêmement difficiles. Faites-moi confiance, je me suis occupé des acquisitions de terrain pour l'autoroute de contournement. Pour 450 acquisitions de terrain, nous n'avons appliqué la clause d'utilité publique qu'une seule fois et encore, il y a eu une conciliation. S'il n'y avait pas eu cette clause, j'ignore combien de temps il aurait fallu pour réaliser cet ouvrage. Je vous conseille, Mesdames et Messieurs les députés, de voter l'article 8 qui est indispensable en matière d'ouvrages d'utilité publique et de donner suite à l'amendement qui expurge le texte de l'incongruité qui s'y trouve.

M. Claude Blanc (PDC). Je ne suis pas juriste et je laisserai M. Cramer répondre à M. Grobet quant à l'utilité de l'article 8 tel que présenté par la commission des travaux. Je voudrais simplement revenir sur les propos de M. Velasco et sur ceux de M. Grobet. Vous êtes vraiment à côté du sujet. Pourtant, M. Velasco a participé à la commission des travaux, contrairement à M. Grobet qui, lui, ne participe presque jamais aux travaux de commission, mais qui sait tout puisqu'il a la science infuse... L'état d'esprit qui a présidé à l'élaboration de ce projet, ainsi qu'à celui de la Seymaz, cet état d'esprit est tout à fait étranger aux mesures que vous voulez nous imposer aujourd'hui. Vous voulez vraiment mettre un bâton dans une fourmilière qui travaille de manière totalement homogène et où tout le monde tire à la même corde. En insistant, vous allez casser la corde! Peut-être bien que juridiquement vous obtiendrez tous les droits, mais vous verrez que vous devrez les utiliser en dernier recours après avoir épuisé tous les autres, car vous allez tuer le climat de collaboration et établir un climat de confrontation. Tout cela est totalement inutile, contre-productif et vous allez à l'encontre des objectifs que vous poursuivez parce que vous ne voulez pas comprendre que nous sommes tous capables, les uns et les autres, même avec des intérêts parfois divergents, d'aller dans le même sens. Cela, vous ne voulez pas le comprendre, vous ne comprenez que la force. Alors, employez la force, mais un jour elle vous reviendra à la figure, Mesdames et Messieurs!

M. Christian Grobet (AdG). Je dois dire que M. Blanc est l'artiste bien connu du double langage... (Protestations de M. Blanc.) Vous étiez en effet parmi les édiles de Meyrin qui avaient voulu faire un coup de force pour la construction de l'école de Bellavista. A ce moment, votre commune était bien contente d'avoir la clause d'utilité publique pour recourir à l'expropriation d'un terrain pour réaliser l'école primaire de Bellavista. Alors, vous me permettrez de dire qu'en tant qu'ancien magistrat de Meyrin vous êtes particulièrement mal placé pour tenir un double discours sur la clause d'utilité publique comme vous le faites actuellement!

M. Claude Blanc (PDC). M. Grobet prouve une fois de plus qu'il ne manque pas de culot car il sait très bien que ce qu'il vient de dire est tronqué. Mais les arguments tronqués, M. Grobet en est le spécialiste. Il sait très bien pourquoi nous avons recouru à l'expropriation dans l'affaire de Bellavista... (Exclamations.) Dans l'affaire de Bellavista, nous avions affaire à une communauté héréditaire dont certains membres ne voulaient pas la liquidation. Alors, ce sont les autres membres de la communauté héréditaire qui sont venus nous dire que le seul moyen d'entrer en négociation était l'usage de la clause d'utilité publique. Ces gens nous ont dit que ça leur rendrait service en permettant de liquider cette communauté héréditaire. Monsieur Grobet, vous employez des arguments tronqués pour dire des choses fausses, cela ne m'étonne pas parce que c'est votre habitude, mais il faudra bientôt arrêter!

M. Christian Grobet (AdG). Je souris et je bois du petit-lait tout à la fois en entendant M. Blanc reconnaître que la commune de Meyrin a dû recourir à l'expropriation et donc à la clause d'utilité publique. Ce que vous oubliez de mentionner, Monsieur Blanc, c'est qu'à l'époque il fallait demander au département des travaux publics de se saisir du dossier et que j'avais justement prêché auprès de la commune pour qu'une solution à l'amiable soit trouvée. J'étais d'autant plus persuadé qu'une solution à l'amiable pouvait être trouvée que, lorsque j'avais discuté avec les propriétaires, ils m'avaient paru tout à fait compréhensifs. C'est la commune qui disait que c'était absolument impossible, qu'il fallait procéder à l'expropriation! (L'orateur est interpellé.) Alors, Monsieur, ou vous persistez avec votre double langage, ou bien vous êtes frappé d'amnistie!

Une voix. D'amnésie! (Brouhaha. Le président agite la cloche.)

Le président. Mesdames et Messieurs, je vous propose une amnistie afin que nous passions au vote. Nous votons sur la proposition de M. Velasco à savoir supprimer la mention, à la fin de l'article 8 :

«...à l'exclusion du droit strict d'expropriation.»

M. Hubert Dethurens, rapporteur (DC). Monsieur le président, je demande l'appel nominal. (Appuyé.)

Le président. Bien, nous allons y procéder.

Celles et ceux qui acceptent cet amendement répondront oui, et celles et ceux qui le rejettent répondront non.

Cet amendement est rejeté par 44 non contre 36 oui et 1 abstention.

Ont voté non (44) :

Esther Alder (Ve)

Florian Barro (L)

Luc Barthassat (DC)

Roger Beer (R)

Janine Berberat (L)

Claude Blanc (DC)

Roberto Broggini (Ve)

Nicolas Brunschwig (L)

Thomas Büchi (R)

Fabienne Bugnon (Ve)

Marie-Françoise de Tassigny (R)

Gilles Desplanches (L)

Jean-Claude Dessuet (L)

Hubert Dethurens (DC)

Daniel Ducommun (R)

Pierre Ducrest (L)

Michel Ducret (R)

John Dupraz (R)

Anita Frei (Ve)

Jacques Fritz (L)

Pierre Froidevaux (R)

Morgane Gauthier (Ve)

Nelly Guichard (DC)

David Hiler (Ve)

Georges Krebs (Ve)

Bernard Lescaze (R)

Armand Lombard (L)

Myriam Lonfat (HP)

Pierre Marti (DC)

Etienne Membrez (DC)

Louiza Mottaz (Ve)

Geneviève Mottet-Durand (L)

Vérène Nicollier (L)

Jean-Marc Odier (R)

Michel Parrat (DC)

Catherine Passaplan (DC)

Pierre-Louis Portier (DC)

Jean Rémy Roulet (L)

Stéphanie Ruegsegger (DC)

Louis Serex (R)

Walter Spinucci (R)

Micheline Spoerri (L)

Olivier Vaucher (L)

Pierre-Pascal Visseur (R)

Ont voté oui (36) :

Charles Beer (S)

Marie-Paule Blanchard-Queloz (AG)

Jacques Boesch (AG)

Dolorès Loly Bolay (HP)

Christian Brunier (S)

Nicole Castioni-Jaquet (S)

Alain Charbonnier (S)

Bernard Clerc (AG)

Jacqueline Cogne (S)

Jean-François Courvoisier (S)

Pierre-Alain Cristin (S)

Anita Cuénod (AG)

Jeannine de Haller (AG)

Erica Deuber Ziegler (AG)

René Ecuyer (AG)

Alain Etienne (S)

Laurence Fehlmann Rielle (S)

Christian Ferrazino (AG)

Magdalena Filipowski (AG)

Alexandra Gobet (S)

Gilles Godinat (AG)

Mireille Gossauer-Zurcher (S)

Christian Grobet (AG)

Cécile Guendouz (AG)

Dominique Hausser (S)

Pierre Meyll (AG)

Rémy Pagani (AG)

Véronique Pürro (S)

Jacques-Eric Richard (S)

Albert Rodrik (S)

Christine Sayegh (S)

Françoise Schenk-Gottret (S)

Jean Spielmann (AG)

Pierre Vanek (AG)

Alberto Velasco (S)

Salika Wenger (AG)

S'est abstenue (1) :

Danielle Oppliger (HP)

Etaient excusés à la séance (15) :

Michel Balestra (L)

Anne Briol (Ve)

Juliette Buffat (L)

Régis de Battista (S)

Hervé Dessimoz (R)

Henri Duvillard (DC)

Jean-Pierre Gardiol (L)

Philippe Glatz (DC)

Janine Hagmann (L)

Michel Halpérin (L)

Antonio Hodgers (Ve)

Yvonne Humbert (L)

René Koechlin (L)

Alain-Dominique Mauris (L)

Jean-Louis Mory (R)

Etaient absents au moment du vote (3) :

Jacques Béné (L)

Mariane Grobet-Wellner (S)

Elisabeth Reusse-Decrey (S)

Présidence :

M. Bernard Annen, premier vice-président

Troisième débat

Ces projets sont adoptés en troisième débat, par article et dans leur ensemble.

Les lois sont ainsi conçues :

Art. 1 Crédit d'investissement

1 Un crédit de 2 923 400 F (y compris TVA et renchérissement) est ouvert au Conseil d'Etat pour l'étude d'ensemble du projet de revitalisation de l'Aire

2 Il se décompose de la manière suivante :

Etude du projet définitif

2 650 000 F

TVA (7,6%)

201 400 F

Renchérissement

72 000 F

Total

2 923 400 F

Art. 2 Budget d'investissement

Ce crédit sera réparti en tranches annuelles inscrites au budget d'investissement dès 2001, sous la rubrique 65.20.00.501.04.

Art. 3. Subvention fédérale

Dans le cas de l'octroi d'une subvention fédérale, celle-ci est déduite du montant du crédit figurant à l'article 1.

Art. 4 Financement et couverture des charges financières

1 Le financement de ce crédit (déduction faite d'une éventuelle subvention fédérale) est assuré, au besoin, par le recours à l'emprunt dans le cadre du volume d'investissement "nets-nets" fixé par le Conseil d'Etat, dont les charges financières en intérêts et en amortissements sont à couvrir par l'impôt.

2 Ce projet entre dans le cadre du programme de renaturation au sens des articles 107 à 111 de la loi sur les eaux, du 5 juillet 1961, lesquels prévoient un montant annuel alloué à cette fin dans le budget des grands travaux, d'au moins 10 000 000 F par an dès 1998.

Art. 5 Amortissement

L'amortissement de l'investissement est calculé chaque année sur la valeur d'acquisition (ou initiale) selon la méthode linéaire et est porté au compte de fonctionnement.

Art. 6 Loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat  de Genève

La présente loi est soumise aux dispositions de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève, du 7 octobre 1993.

Art. 1 Crédit d'investissement

1 Un crédit d'investissement de 2 494 600 F (y compris TVA et renchérissement) est ouvert au Conseil d'Etat pour la réalisation du tronçon pont des Marais/pont du Centenaire.

2 Il se décompose de la manière suivante :

Réalisation du tronçon pont des Marais/pont du Centenaire, travaux et honoraires

2 150 000 F

TVA (7,6%)

163 400 F

Renchérissement

58 000 F

Attribution au Fonds cantonal de décoration 1%

23 200 F

Acquisitions de terrains

100 000 F

 Total

2 494 600 F

Art. 2 Inscription au patrimoine administratif

Les acquisitions de terrains seront inscrites au bilan de l'Etat de Genève au patrimoine administratif.

Art. 3 Budget d'investissement

1 Ce crédit sera réparti en tranches annuelles inscrites au budget d'investissement dès 2002, sous la rubrique 65.20.00.501.05.

2 Il se décompose de la manière suivante :

Réalisation des travaux

2 394 600 F

Achats de terrains

100 000 F

Total

2 494 600 F

Art. 4. Subvention fédérale

Dans le cas de l'octroi d'une subvention fédérale, celle-ci est déduite du montant du crédit figurant à l'article 1.

Art. 5 Financement et couverture des charges financières

1 Le financement de ce crédit (déduction faite d'une éventuelle subvention fédérale ainsi que de l'acquisition de terrains) est assuré, au besoin, par le recours à l'emprunt dans le cadre du volume d'investissement "nets-nets" fixé par le Conseil d'Etat, dont les charges financières en intérêts et en amortissements sont à couvrir par l'impôt.

2 Ce projet entre dans le cadre du programme de renaturation au sens des articles 107 à 111 de la loi sur les eaux, du 5 juillet 1961, lesquels prévoient un montant annuel alloué à cette fin dans le budget des grands travaux, d'au moins 10 000 000 F par an dès 1998.

Art. 6 Amortissement

L'amortissement de l'investissement est calculé chaque année sur la valeur d'acquisition (ou initiale) selon la méthode linéaire et est porté au compte de fonctionnement.

Art. 7 Loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève

La présente loi est soumise aux dispositions de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève, du 7 octobre 1993.

Art. 8 Utilité publique

L'ensemble des travaux résultant de la réalisation prévue à l'article 1 est décrété d'utilité publique au sens de l'article 3, alinéa 1, lettre a, de la loi sur l'expropriation pour cause d'utilité publique, du 10 juin 1993, à l'exclusion du droit strict d'expropriation.

 

Présidence de Mme Elisabeth Reusse-Decrey, présidente.

M 1327-B
6. Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la motion de MM. Alberto Velasco, Christian Brunier et Pierre-Alain Cristin pour une évaluation de l'impact de la libéralisation du marché de l'électricité sur l'économie genevoise et les collectivités publiques. ( -) M1327
 Mémorial 2000 : Développée, 2494. Renvoi en commission, 2519. Rapport, 10917,
 Adoptée, 10923.

En date du 14 décembre 2000, le Grand Conseil a renvoyé au Conseil d'Etat une motion qui a la teneur suivante :

Annexe :

Effets socio-économiques et environnementaux à Genève de la libéralisation du marché de l'électricité (Myriam Garbely, Centre universitaire des problèmes de l'énergie, Université de Genève, avril 2001)

Débat

M. Jean Rémy Roulet (L). Le groupe libéral a déjà eu l'occasion de donner son avis sur cette motion. Il s'agit selon nous d'une étude de marché que le Grand Conseil offre aux Services industriels. Nous attendions néanmoins ce rapport avec intérêt dans la mesure où il est vrai que la question posée par les motionnaires, quand bien même ceux-ci exercent une activité à haute responsabilité au sein des SIG, est une bonne question. L'ouverture des marchés de l'électricité est-elle ou non bénéfique au canton, sous-entendu aux ménages genevois, mais également aux entreprises genevoises ? Ici, force est de constater que le rapport du CUEPE, qui est un rapport de spécialistes mandatés pour répondre à cette question, ce rapport est somme toute lacunaire. Il l'est pour la simple et bonne raison que cet organisme n'a pas interrogé de façon sérieuse les grandes entreprises, les artisans, les commerçants ou les industries.

Les SIG ont été interrogés certes, mais pas les principaux bénéficiaires de cette ouverture des marchés de l'électricité. C'est pourquoi nous demandons au Conseil d'Etat de prendre en compte non seulement les intérêts de l'entreprise dont il a la tutelle, les SIG, mais également de prendre en compte ceux de ses administrés que sont les ménages et les milieux économiques.

M. Alberto Velasco (S). Je tiens à m'élever contre les propos de M. Roulet affirmant que ce rapport est une étude de marché offerte aux Services industriels. Je crois que la Chambre de commerce a cette habitude-là, ce n'est pas le cas du groupe socialiste. Cette motion est une action politique face à une libéralisation des marchés de l'électricité qui s'est produite dans d'autres pays et qui va se produire peut-être - j'espère que non - ici. Il est tout à fait légitime qu'un député se pose la question de savoir quelles sont les conséquences pour l'économie du canton et quelles seront les conséquences sociales pour les travailleurs.

Je voudrais ensuite remercier M. Cramer pour la rapidité de la réponse à notre motion. Il s'agit d'un excellent travail et cette rapidité est inhabituelle dans les réponses du Conseil d'Etat. Je tiens à relever que les conclusions du rapport me semblent intéressantes, et certains aspects méritent d'être relevés. Notamment les critères sévères qui sont imposés en matière de rentabilité feront que le renouvellement des centrales hydrauliques sera différé. Le rapport est clair sur ce point : la fiabilité de l'approvisionnement sera affectée.

Il y a aussi un autre aspect qu'il faut relever, c'est que cette libéralisation provoquera une augmentation du nombre de centrales thermiques. En effet, l'investissement consenti pour des centrales thermiques est moindre que pour la production d'énergies renouvelables : évidemment, dans un marché libéralisé, elles s'imposeront. Le rapport souligne cet élément-là aussi.

Enfin, il faut remarquer qu'à Genève la libéralisation du marché, c'est la fin du tarif unique et l'introduction des tarifs différenciés. Or ces tarifs différenciés ne correspondent pas du tout à la notion de service public qui garantit un prix équitable pour tous les citoyens de ce canton. Sur ce point, je trouve que ce rapport est très intéressant. D'ailleurs, il rejoint certaines études faites en Angleterre notamment et qui montrent que cette libéralisation ne bénéficie pas aux petits consommateurs. En effet, il apparaît que là où les prix ont baissé, aujourd'hui ils remontent, car là où il y avait un monopole d'Etat les prix, après la libéralisation, commencent par baisser, puis les compagnies d'électricité se transforment en oligopole et les prix remontent ! Alors, on attaque le monopole des services publics, sous le prétexte qu'il faut faire baisser les tarifs, puis la baisse des tarifs finit par provoquer le regroupement, la fusion des compagnies. Finalement, ces oligopoles engendrent des coûts identiques à ceux du service public. Cependant, au contraire des services publics, l'entreprise doit faire des bénéfices importants pour satisfaire ses actionnaires. Dès lors, les prix remontent. C'est ce qui se passe dans de nombreux pays en Europe ou aux Etats-Unis. Le groupe socialiste remercie donc M. Cramer pour l'excellent travail fourni et nous acceptons de prendre acte de ce rapport.

M. Roger Beer (R). Je rejoindrai mon préopinant sur les félicitations relatives au délai de reddition de ce rapport. La motion posait une question importante liée à la prochaine libéralisation du marché de l'électricité. Pour ma part, je souris quand on félicite le département. En effet, ce qui a permis à M. Cramer de rendre cette étude sous un tel délai, c'est d'avoir réagi très vite et confié le mandat à un consultant extérieur. S'il avait fallu attendre que l'administration elle-même réponde, cela aurait sans doute pris plus de temps. Enfin, ça donne aussi à ce rapport une certaine caution extérieure qui est bienvenue.

S'agissant de la question posée par la motion, nous sommes aussi préoccupés par cette question, mais il me paraît difficile de répondre maintenant. D'ici le mois de décembre, une campagne va s'ouvrir autour de la votation populaire sur le référendum contre la LME. On peut accepter ce document, je suis satisfait parce qu'il donne un certain nombre de réponses. Il pose surtout un certain nombre de questions. Ces éléments permettront à M. Cramer de participer à la formation de l'opinion, non seulement comme président du département de l'environnement et de l'énergie, mais aussi comme autorité de surveillance des SIG. Le groupe radical invite à accepter ce rapport et restera très attentif à la préparation de cette votation dans le courant de l'automne.

M. Pierre Vanek (AdG). Bien sûr nous prendrons acte de ce rapport, bien sûr il ne conclut pas le débat et on peut en tirer toutes sortes de choses. Il s'agit essentiellement d'un rapport de compilation. Je voudrais tout de même souligner quelques éléments, en particulier à l'intention de mon préopinant qui parle de votation en décembre. Il lui aura peut-être échappé que la votation sur la LME, qui était effectivement prévue en décembre, a été reportée à une date indéterminée. On a parlé de mars, puis de juin et enfin un article dans la presse alémanique parlait du mois de septembre 2002. On le voit, et cela mérite d'être relevé, en matière de référendum ce système de report est assez peu démocratique. En l'état, on se rend compte que cette loi pose toute une série de problèmes. En outre le Conseil fédéral se rend compte que, lors d'autres consultations populaires, les citoyens rejettent ce type d'objets. Ainsi par exemple à Zurich, où l'on a voulu privatiser la régie cantonale d'électricité pour l'intégrer dans un de ces oligopoles qui devait dominer le marché européen, la population de Zurich, par une majorité conséquente, surtout en ville de Zurich, a rejeté cette mesure.

La votation sur la LME est ainsi reportée aux calendes grecques sous prétexte que l'on ne disposerait pas de quelques éléments de l'ordonnance d'application. Apparemment, les élus nationaux n'avaient donc pas les moyens de se prononcer correctement. On peut donc être critique quant à la décision qu'ils ont prise, puisqu'aujourd'hui on n'ose pas soumettre dans des délais rapides cette question-là au peuple. Evidemment, le débat aura lieu, mais dans des délais qui seront un peu plus longs que ceux qu'évoquait mon préopinant.

Ce rapport, nous en prenons acte, certes, mais il s'agit de rappeler ici que cette assemblée, à travers un certain nombre de résolutions, a déjà pris position sur les effets négatifs de cette libéralisation du marché de l'électricité. Cette libéralisation est de nature à saper un certain nombre des dispositions constitutionnelles de l'article 160C, parmi lesquelles le contrôle public sur les tarifs de l'électricité. J'aimerais dire aussi que le rapport contient deux éléments qui méritent d'être rappelés. Le fait d'abord qu'il indique qu'on constaterait, suite au vote hypothétique de cette LME, une baisse des investissements des milieux économiques dans les économies d'énergies, ce qui est évidemment contraire à nos intentions censément unanimes et en tout cas aux intentions de la constitution de notre République et canton. J'aimerais relever aussi que, contrairement à tout le baratin que l'on nous fait sur les bénéfices de la libéralisation, ce rapport indique que les baisses de prix du courant pour les ménages seront absolument négligeables. Cela est inscrit dans le rapport dont nous allons prendre acte.

J'aimerais dire aussi, au-delà de ce rapport, qu'il y a de gros problèmes qui se posent à l'échelle européenne et à l'échelle mondiale en matière d'électricité, notamment concernant la qualité de la prestation assurée jusqu'à aujourd'hui, en tout cas chez nous, par le service public. Je lis ainsi dans le bulletin hebdomadaire d'économie énergétique Energie Panorama, qui est parfois cité par les députés des bancs d'en face, un excellent article paru le 16 août d'où il ressort que les coupures de courant augmentent aux Etats-Unis et en Angleterre. L'économie perd des milliards à cause de la qualité dégradée du courant - on évoque le chiffre de 100 milliards de dollars par année aux Etats-Unis - alors que l'on développe des secteurs informatiques qui ont besoin de cette qualité. En Angleterre aussi, qui a été un pionnier en matière de privatisation, où les services publics sont passés à la moulinette néolibérale sous Thatcher et ses successeurs. Là-bas aussi, les interruptions se multiplient et le coût pour l'économie, dont se préoccupe M. Roulet, de cette prestation dégradée se chiffre en millions de livres. Les électriciens rapportent, et c'est très amusant, qu'une enquête a été menée au niveau européen sur les tarifs des clients éligibles, ceux qui sont précisément les bénéficiaires d'un accès libre à ce marché dont on nous vante les vertus. Eh bien, contrairement à un certain nombre d'attentes, dans douze des quinze pays de l'Union européenne, entre 2000 et 2001, on a constaté que, pour ces clients, les tarifs augmentaient.

Je ne veux pas refaire ici l'ensemble du débat sur la LME, nous aurons l'occasion de le faire devant les citoyens. Je plaide pour un rejet de cette loi qui correspond à la position que le Grand Conseil a prise à plusieurs reprises, qui correspond à la tendance générale des consultations populaires, que l'on a vue par exemple à Zurich. Je crois que nous devons aujourd'hui prendre acte de ce rapport, ce qui n'empêchera pas la commission de l'énergie de considérer que cette prise d'acte n'est pas un classement vertical, mais qu'au contraire on peut trouver dans ce matériel des informations utiles pour nos débats ultérieurs.

M. Jean Rémy Roulet (L). Le groupe libéral, avant l'intervention de mon préopinant, demandait au Conseil d'Etat de prendre en compte les intérêts de ses administrés que sont, à nos yeux, les ménages et les consommateurs d'électricité, ceux-là mêmes qui utilisent ce fluide pour exercer leur métier. Notre demande s'arrêtait là. Compte tenu de ce qui vient d'être dit, compte tenu du fait qu'un certain nombre d'arguments ont été avancés qui ressemblent fort à une pré-campagne contre cette ouverture des marchés de l'électricité - on nous dit que Zurich a voté contre, mais dans d'autres cantons des usines électriques ont été privatisées avec la bénédiction du souverain - compte tenu des informations qui nous ont été données relativement aux marchés de l'électricité en Europe et aux Etats-Unis, informations qui s'avèrent à nos yeux fallacieuses, nous demandons formellement que ce rapport soit renvoyé au Conseil d'Etat pour une nouvelle étude et pour que l'on y inclue notamment les conséquences sur le secteur privé de cette ouverture des marchés de l'électricité.

M. John Dupraz (R). Une fois de plus, nous avons entendu le credo anti-libéral de M. Vanek qui peint le diable sur la muraille. Je reconnais que la libéralisation n'est pas ma tasse de thé. J'ajouterai que s'il y a du retard dans l'élaboration des ordonnances, c'est que le problème est complexe et que de nombreuses organisations sont consultées, y compris les cantons, les sociétés d'électricité, les distributeurs, l'économie, etc.

J'avais dit lors du débat sur cette motion qu'elle ne servirait à rien. Ce d'autant qu'il ne s'agit pas d'une libéralisation totale, puisque seul le prix à la production est libéralisé. Le transport est un monopole naturel, il le restera et sera contrôlé par une société nationale. En définitive, celui qui tient la clé de tout cela, c'est le distributeur. A Genève, ce sont les Services industriels qui vont chez tous les consommateurs. Or il faut savoir que déjà actuellement, que vous le vouliez ou non, le réseau électrique en Suisse est connecté avec ceux des pays voisins de l'Union européenne et même jusque dans les pays de l'Est. Ainsi, chaque jour, il y a des importations et des exportations d'électricité de Suisse vers l'Union européenne, et vice versa.

En outre, invoquer les méfaits de la libéralisation en rapportant ce qui s'est passé en Angleterre et en Californie n'a pas de sens. Ce qui se passe chez nous n'a rien à voir avec cela : la sécurité de l'approvisionnement est assurée. Nous avons veillé, aux Chambres fédérales, à trouver un rythme qui permette aux sociétés hydroélectriques notamment de s'adapter et de passer ce cap. Nous avons prévu toutes sortes de mesures d'accompagnement pour éviter que les énergies renouvelables qui nous sont chères, en tout cas à nous radicaux et j'espère aussi à la gauche, ne soient pas mises en péril par une libéralisation trop brutale. Or, maintenant, s'attaquer à la loi en peignant le diable sur la muraille, en faisant de cette question un combat dogmatique contre la mondialisation, contre la globalisation, contre la libéralisation, c'est jeter le bébé avec l'eau du bain. En effet, si vous aboutissez et que le peuple refuse la loi, la Commission de la concurrence va ordonner la libéralisation immédiate du marché et ce sera une libéralisation chaotique qui mettra en péril ce que nous avons voulu préserver, à savoir les ressources énergétiques indigènes et renouvelables, telles que l'hydroélectrique. Alors continuez à jouer les matamores et les va-t-en-guerre ; faites des déclarations dans la presse au niveau mondial contre la mondialisation, contre les libéralisations ! Vous êtes des inconscients et vous êtes en train de saper les moyens de production d'énergies renouvelables dont nous disposons en Suisse. Votre attitude est irresponsable et vous le savez, mais, dans votre comportement politique, ce n'est pas tellement la responsabilité qui vous intéresse : ce qui vous intéresse, c'est de semer la pagaille dans le pays. Plus il y aura de pagaille, plus vous serez heureux. Encore une fois, l'attitude de Velasco et de ses petits copains dans cette affaire est suicidaire, nous ne suivrons pas votre proposition. Ce rapport, vous pouvez l'envoyer où vous voulez, il ne changera rien au problème.

M. Pierre Vanek (AdG). Mon préopinant M. Dupraz m'accuse de vouloir semer la pagaille dans le pays, je cite ses termes élégants... (L'orateur est interpellé.) Eh bien non, je pense que c'est précisément le projet de loi sur le marché de l'électricité qui est de nature effectivement à semer la pagaille dans l'économie électrique de ce pays, dans les économies d'énergie, dans le développement des énergies renouvelables. C'est ce projet de loi qui est réellement un fauteur de troubles. Il entraînera une concurrence effrénée, des spéculations sur l'électricité. Je suis un partisan d'un certain nombre de mesures d'ordre et de régulation, dont certaines sont incluses dans la constitution genevoise qui ont fait l'objet de nombreux débats ici et qui sont remises en cause au profit du désordre marchand. Ce désordre marchand profitera en dernière instance à des grands groupes et des grands monopoles, comme par exemple l'EDF que nous avons eu à affronter sur un certain nombre de sujets nucléaires. Ce groupe acquerra une position dominante et est aujourd'hui en train de payer pour pouvoir pénétrer sur le marché helvétique.

Ensuite, Monsieur Dupraz, vous avez dit que le vote était retardé parce que des problèmes complexes se posent au niveau des ordonnances, etc. Certes, mais s'il y a des problèmes complexes et que la loi n'a pas été bien examinée aux Chambres fédérales, alors vous étiez des inconscients, Monsieur Dupraz et consorts qui avez voté cette loi aux Chambres fédérales. Pour vous, à ce moment-là, les problèmes n'étaient pas complexes, ils étaient idéologiques et dogmatiques et il fallait voter cette loi idéologique, dogmatique et néolibérale. Ensuite, les problèmes d'intendance devaient suivre. (Brouhaha.) Par contre, lorsqu'il s'agit de laisser les citoyens se prononcer, avec les mêmes informations et sur le même sujet, alors on prétend que le problème est complexe et qu'il faut attendre le bon moment. Si le Conseil d'Etat s'amusait, au niveau cantonal, à jouer avec le droit de référendum de cette façon-là, eh bien, on entendrait nombre de députés et de partis politiques s'opposer à cette manière de faire. Et ces oppositions seraient justifiées. Ce procédé n'est pas démocratique : un référendum est censé reproduire, à l'échelle de tous les citoyen-ne-s, un vote des députés, avec les mêmes informations. Il n'est pas question d'attendre de meilleures conditions. Que diriez-vous si le Conseil d'Etat retardait les scrutins d'une année ou deux, sous le prétexte que le règlement d'application n'est pas prêt, ou parce qu'il faut consulter les milieux concernés, ou encore parce qu'ils n'ont pas bien réfléchi à la question ? Tous ici, nous dirions que ce sont des guignols! Alors, je dis aujourd'hui : qui sont ces guignols qui ont voté aux Chambres et qui n'osent pas affronter le peuple ?

J'aimerais répondre encore à M. Roulet, qui réclame le renvoi en commission en prétendant que j'aurais fait état d'informations fallacieuses sur les Etats-Unis. Les informations soi-disant fallacieuses dont je dispose sont disponibles pour le public, publiées dans ce petit bulletin intitulé Energie Panorama que vous recevez en tant que député et qui est édité par les électriciens romands. On peut discuter en effet du contenu de ces articles, mais je ne pense pas qu'il soit indispensable de renvoyer ce rapport en commission pour discuter de ces informations. Les informations sont convergentes des quatre coins de la planète. Ainsi, par exemple, en Norvège où la libéralisation s'est faite rapidement et où, effectivement, le problème n'est pas analogue à celui de la Californie. Cependant, en Norvège, où le potentiel hydroélectrique est énorme, on développe maintenant des turbines à gaz pour des raisons de durée d'amortissement des investissements, qui doit être courte dans le contexte du marché libre. C'est une absurdité crasse sur le plan écologique et sur le plan économique à long terme. Alors, bien sûr, on peut ouvrir un débat permanent à la commission de l'énergie sur cette question-là, mais je crois qu'aujourd'hui ce débat se déroule face à l'opinion publique. Il est donc inutile de renvoyer ce rapport à la commission de l'énergie qui, je n'en doute pas, sera saisie à nouveau de cette question sous un angle ou sous un autre. Je propose ainsi de prendre acte de ce rapport aujourd'hui et de passer à la suite de l'ordre du jour.

M. Alberto Velasco (S). J'aimerais que M. Dupraz applique les principes mêmes qu'il vient d'énoncer pour le marché de l'électricité dans le cas de l'agriculture. Je ne comprends pas pourquoi il s'oppose à la libéralisation du marché des produits agricoles. Là, vous voulez justement que l'on régule; par contre, s'agissant de la libéralisation de l'électricité, vous êtes d'accord. Il faut être cohérent, Monsieur Dupraz : vous ne pouvez pas à la fois être dans les manifs contre l'OMC en septembre dernier et vouloir aujourd'hui le contraire lorsqu'il s'agit de l'électricité et de l'environnement... (L'orateur est interpellé.) Ceci dit, nous ne sommes pas contre la mondialisation. Nous sommes contre la mondialisation libérale. Si la mondialisation était sociale, tenant compte de l'environnement, alors peut-être pourrions-nous discuter. Mais libéraliser alors que les deux tiers de la planète crèvent de faim, ça n'a pas de sens.

Vous nous dites que, si nous n'acceptons pas cette libéralisation, elle sera chaotique. Monsieur Dupraz, est-ce qu'actuellement le marché de l'électricité est chaotique ici? Il n'y a pas de liberté du marché, c'est un marché public, il y a des compagnies publiques qui produisent. Est-ce que, pour autant, ce marché est chaotique? Dites-le-moi! Il ne l'est pas et c'est un des meilleurs marchés régulés de toute l'Europe en qualité et en prestation. Ce que vous dites est donc totalement mensonger. Je m'étonne qu'un conseiller national, qui devrait être plus informé que nous sur la politique nationale, tienne de tels propos. C'est tout à fait incroyable.

Je terminerai en disant qu'à une époque vous affirmiez, Monsieur Dupraz, être sorti de la commission, à Berne, catastrophé par le contenu de cette loi. Je vois que depuis vous avez fait du chemin, peut-être à cause de notre référendum qui a permis à certains de réfléchir, au point que maintenant on parle du mois de juin de l'année prochaine comme date pour la votation. Il faut dire aussi que, grâce à notre référendum, certaines compagnies de production électrique ont pu amortir une partie de leurs investissements. Je crois notamment que la compagnie EOS aujourd'hui nous doit une fleur, parce que notre référendum lui a permis de gagner au moins 60 millions de francs suisses.

M. John Dupraz (R). Il ne s'agit pas de court-circuiter les droits populaires : le référendum aura bien lieu, mais en mars de l'année prochaine plutôt qu'en décembre de cette année. Alors, quand M. Vanek crie au loup, je m'insurge un peu ! Il ne s'agit pas d'empêcher le peuple de se prononcer, ce d'autant moins que la décision a été prise, en accord avec les milieux intéressés - notamment la commission des Chambres fédérales qui s'occupe de ce dossier - de terminer la rédaction des ordonnances avant d'aller en votation populaire.

Alors, Monsieur Vanek, vous vous insurgez, très bien, mais que vous traitiez les gens de guignols, c'est un peu fort. Je vous rappelle que c'est M. Leuenberger qui est en charge du dossier et que c'est un homme de gauche... (Commentaires et rires.) Je trouve un peu étonnant que vous jouiez les matamores dans cette affaire, alors que c'est un homme de gauche qui est chargé du dossier.

Par ailleurs, il a été fait allusion à EDF tout à l'heure et ça me fait vraiment sourire! EDF est en effet la seule entreprise qui n'applique pas les directives européennes d'ouverture du marché, c'est une entreprise d'Etat. On sait en outre que la CGT, d'obédience communiste, mène le bal à EDF qui prend des participations partout. Voyez-vous, Monsieur Vanek, lorsque vous nous donnez des leçons de moralité à propos de la libéralisation du marché, lorsque vous prétendez que vous êtes du bon côté et nous du mauvais, vous devriez commencer par faire le ménage auprès de vos amis de l'EDF et de l'étranger.

Pourquoi est-ce que j'affirme que le marché sera chaotique si cette loi est rejetée ? Tout d'abord, vous ne le dites jamais, mais cette libéralisation ne concerne que le tiers du prix payé. Ensuite, nous sommes dans une économie globalisée et cette libéralisation est rendue nécessaire par cette situation. Enfin, pour les entreprises grosses consommatrices d'énergie électrique, les prix suisses sont un peu chers et cela les pénalise par rapport au marché européen. Pénaliser ces entreprises, c'est mettre en péril des emplois et des places pour les travailleurs! Alors, si vous ne voulez pas maintenir des places pour les travailleurs, c'est, encore une fois, votre responsabilité! Je répète que cette libéralisation n'est pas sauvage : elle est étalée sur six ans et des mesures d'accompagnement sont prévues qui concernent essentiellement les énergies hydroélectriques. Ces mesures consistent en des prêts ou des soutiens. Si vous faites capoter la loi, ces mesures aussi disparaîtront et c'est à ce moment-là, que vous le vouliez ou non, que le politique ne décidera plus. C'est la Commission de la concurrence qui décidera d'ouvrir le marché sans garde-fous, sans mesures d'accompagnement, sans étalement dans le temps. Si vous ne voulez pas comprendre ça, eh bien foncez la tête contre les murs, allez-y! Mais vous porterez la responsabilité du chaos dans le marché de l'électricité et de la mise en péril de cette énergie renouvelable qu'est l'énergie hydroélectrique.

M. Alberto Velasco (S). Une seule précision, Monsieur Dupraz. Le coût de l'énergie sur le prix des produits manufacturés est en général de l'ordre de 1 à 2%. Si notre compétitivité dépend de 1 à 2%, alors notre économie se porte très mal, Monsieur Dupraz. Je croyais que la Suisse était un pays qui était concurrentiel par sa matière grise avant tout.

M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. Une brève intervention après ce long débat pour vous dire tout d'abord que ce rapport est exactement celui que nous nous étions engagés à vous remettre au moment où vous aviez renvoyé cette motion au Conseil d'Etat. Ainsi, nous nous étions engagés à vous le remettre rapidement : c'est fait. De plus, ce rapport ne devait pas coûter trop cher, sans quoi il aurait fallu déposer un projet de loi pour le financer. Et, finalement, ce devait être un rapport de compilation de ce qui existe dans la littérature et un essai d'appliquer cela à la situation genevoise. C'est dire que si l'on devait aller au-delà et transformer ce rapport, non pas en un rapport qui contient une étude prospective portant sur les effets socio-économiques et environnementaux de la libéralisation du marché de l'électricité, mais en une étude sur les ménages, leur consommation et la structure du prix de l'électricité pour eux, je crois qu'il faudrait déposer une autre motion. Si vous voulez avoir la réponse à d'autres questions, il faut déposer une autre motion. Faites-le : si elle est votée et si vous êtes prêts à financer les travaux nécessaires pour vous répondre, c'est bien volontiers que l'on vous répondra. J'observe d'ailleurs qu'une motion similaire est pendante devant la commission de l'énergie : ce serait peut-être le lieu de revenir sur ces questions. Je ne crois pas qu'il serait très utile pour vos travaux de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat qui ne pourra pas vous en dire plus.

Qu'y a-t-il dans cette réponse? Il y a, il me semble, des choses qui devraient nous réjouir. On nous dit qu'au point de vue socio-économique on a le sentiment que les SIG sont prêts à affronter cette libéralisation. Il y a là de quoi se réjouir! Je vous rappelle que le conseil d'administration des SIG est présidé par quelqu'un qui, je crois, appartient au même parti politique que M. Roulet et que c'est sous l'impulsion de ce conseil d'administration et de son dynamique président M. Fatio que les Services industriels ont fait les efforts nécessaires pour préparer l'entreprise à affronter le marché. Ce rapport dit autre chose dont personne n'a parlé jusqu'à maintenant, c'est que si les SIG sont plutôt prêts, pour les communes en revanche ça risque d'être un peu douloureux. Il y a en effet toutes sortes d'avantages dont bénéficient actuellement les communes qui seront remis en cause. Sur ce point, bien sûr, la discussion devra un jour ou l'autre se prolonger au cas où les marchés devaient être libéralisés.

J'ajouterai un point : je regrette que l'on oppose les SIG - dont on prendrait en compte les intérêts - aux ménages. Les SIG, et je tiens à le dire fortement, sont au service des ménages de ce canton. C'est une entreprise publique qui appartient à l'Etat, à la Ville et aux communes et elle est là pour travailler au bénéfice de la collectivité. Il va de soi que la politique que mènent les SIG doit être une politique au service de la collectivité dans son entier, c'est-à-dire des industries, du secteur tertiaire, des ménages et aussi du secteur agricole. Voilà pour qui travaillent les SIG. Ils ne travaillent pas pour eux-mêmes. Ils n'ont pas pour but d'exister, ils ont pour but d'être au service de la collectivité et des ménages en particulier. Je vous demande donc de prendre acte de ce rapport.

Le Grand Conseil prend acte de ce rapport. 

M 1412
7. Proposition de motion de Mmes et MM. Nelly Guichard, Luc Barthassat, Claude Blanc, Hubert Dethurens, Henri Duvillard, Pierre Marti, Etienne Membrez, Michel Parrat, Catherine Passaplan, Pierre-Louis Portier et Stéphanie Ruegsegger demandant la création d'un fonds cantonal destiné à faciliter (sous conditions) la reconversion des exploitations agricoles conventionnelles désireuses de passer à un mode de culture biologique. ( )M1412

Si la politique agricole fait partie des thèmes récurrents traités par la classe politique, la maladie de la vache folle - et plus récemment la fièvre aphteuse - ont hélas largement contribué à l'installer sur le devant de la scène dans le long terme.

Toujours présente, mais jamais immobile, l'agriculture a vécu en constante évolution tout au long de son histoire. Le rythme de ses mutations s'est toutefois singulièrement accéléré depuis quelques années. C'est notamment le cas en Suisse, où ce domaine d'activité a passé d'un statut subventionné et très protégé à celui d'un secteur soumis lui aussi aux conditions de l'offre et de la demande, bref à l'économie de marché.

La transition ne s'est pas faite sans douleurs, tant les conditions-cadres se sont drastiquement modifiées. Les agriculteurs d'aujourd'hui sont confrontés à une problématique qui n'a plus grand-chose à voir avec celle de leurs prédécesseurs.

Ils doivent en effet relever de nombreux défis, dont certains revêtent une importance cruciale pour l'avenir de leur profession : d'une part, les exploitations doivent s'engager à respecter tant l'environnement que les animaux, tout en étant économiquement rentables. D'autre part, elles doivent produire de façon à répondre aux désirs des consommateurs soucieux de trouver des aliments simultanément bon marché et de qualité.

La stratégie appliquée par l'Office fédéral de l'agriculture (OFAG) en matière d'environnement trouve son origine dans l'article constitutionnel adopté par le peuple suisse le 9 juin 1999 (art. 104 Cst fédérale).

Ce texte, qui consacre la multifonctionnalité de l'agriculture, donne également un signal clair pour que celle-ci soit dorénavant plus orientée vers l'écologie et donc plus soucieuse de l'environnement au sens large du terme.

Les compétences de la Confédération en la matière sont les suivantes :

compléter le revenu paysan par des paiements directs pour rémunérer les prestations fournies, selon des critères écologiques spécifiés ;

encourager les formes d'exploitations respectueuses de la nature, de l'environnement et des animaux, au moyen d'incitations économiquement rentables ;

protéger l'environnement contre les atteintes liées à l'utilisation abusive de produits chimiques et auxiliaires divers.

Les agriculteurs satisfaisant aux conditions édictées dans l'Ordonnance sur les paiements directs peuvent ainsi obtenir le versement de ceux-ci, en échange de la fourniture d'un certain nombre de prestations, comme par exemple :

assurer l'approvisionnement de la population ;

conserver et/ou utiliser les ressources naturelles dans la perspective d'un développement durable ;

entretenir les paysages ruraux et occuper le territoire de manière décentralisée ;

élever des animaux selon un mode de garde respectueux de l'espèce ;

instaurer des compensations écologiques ;

sélectionner et/ou utiliser de manière ciblée les produits de traitements nécessaires à la production des plantes.

D'une manière générale, l'introduction de paiements directs liés à des prestations écologiques semble avoir entraîné une augmentation générale de l'efficacité dans les exploitations... même si elle a aussi eu pour corollaire une inflation du travail administratif et de la paperasserie.

Les terres productives occupent 68 % du territoire suisse. En 1998, approximativement 80 % des surfaces agricoles utiles étaient exploitées en production intégrée « contre » 8 % selon les méthodes de l'agriculture biologique.

Rappelons brièvement les principales différences existant entre ces deux écoles.

La PI se situe dans une voie médiane entre l'agriculture conventionnelle et l'agriculture biologique. Globalement, elle cherche à agir selon le principe suivant : utiliser aussi peu d'agents de production que possible, mais autant que nécessaire.

Lorsqu'un apport extérieur s'avère indispensable, l'agriculteur n'aura ainsi recours qu'à des produits qui se dégradent rapidement, et le plus parcimonieusement possible.

Signalons au passage qu'avec l'entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l'agriculture (1999), la PI est d'ailleurs devenue une norme agricole standard, norme dont le respect est essentiel pour obtenir les contributions et paiements directs évoqués plus haut.

D'après les statistiques, près de 5'300 exploitations agricoles étaient converties au « bio » en 1999 (soit un peu moins de 10 % au total ), dont environ 500 en Suisse romande.

Ces exploitations obéissent à trois principes fondamentaux :

un cycle fermé des éléments nutritifs ;

des techniques de traitement douces contre les parasites, champignons et mauvaises herbes, afin de ménager autant que faire se peut les ressources naturelles impliquées dans l'exploitation ;

un élevage le plus naturel possible.

Né en 1981, le Bourgeon est l'emblème créé par l'Association suisse des organisations agricoles biologiques (ASOAB) ; celle-ci regroupe aujourd'hui plus de 30 organisations bio sur le plan national, soit près de 5'300 exploitations.

Pour pouvoir se prévaloir de ce label bio, les exploitations doivent respecter un cahier des charges extrêmement strict et des exigences très sévères.  En principe, le Bourgeon garantit aux consommateurs une biodiversité naturelle dans les fermes bio, un élevage respectueux des animaux, l'abandon de traitements chimiques, ainsi que la transformation soigneuse des denrées alimentaires.

Le rendement des cultures bio est inférieur à celui de l'agriculture conventionnelle de 20 à 40 %, mais leur qualité justifie, selon les consommateurs, un niveau de prix pouvant aller de 15 à 50 % au-delà des prix du marché. A titre d'information, le chiffre d'affaires du bio a atteint 656 mios en 1999 !

Née avec la maladie de la vache folle - puis encore accentuée par la récente épidémie de fièvre aphteuse - la fracture est profonde entre producteurs et consommateurs. Ces derniers marquent désormais une nette préférence pour les produits bio, avec pour conséquence une inflation considérable de la demande en la matière.

Cette nette croissance incite de plus en plus d'exploitations à franchir le pas et à s'engager dans la voie de l'agriculture biologique. Mais la conversion est loin d'être aisée.

Le principal écueil demeure le volet financier. Il faut en effet savoir qu'une exploitation qui veut se convertir à la culture biologique doit observer un délai « de latence » de deux ans. Pendant ce laps de temps, elle devra produire selon les normes bio, sans pouvoir pour autant faire usage de ce label pour vendre les marchandises. Le manque à gagner qui résulte de cette période transitoire est tel qu'il peut constituer un frein sérieux, voire dissuader les agriculteurs intéressés d'entreprendre la démarche.

Lors d'un récent débat, le Grand Conseil a fait inscrire dans le Concept cantonal de la protection de l'environnement une formule consistant à « promouvoir une agriculture plus respectueuse de l'environnement », renonçant au passage à lui adjoindre la notion de compétitivité.

Aujourd'hui, il convient de prendre toutes les mesures nécessaires afin d'appliquer les principes contenus dans ce concept. C'est bien là le but de la présente motion : en créant un fonds cantonal destiné à faciliter la reconversion des exploitations agricoles, il serait ainsi possible d'apporter une aide ponctuelle - sous conditions bien entendu - aux exploitations pendant leur statut « intermédiaire », leur permettant ainsi de limiter le manque occasionné par le changement de régime.

La réorganisation sur le plan pratique ne va pas non plus sans peine, dans la mesure où il est très compliqué - pour ne pas dire tout simplement impossible - de transformer en une fois une exploitation afin de la mettre en conformité avec les prescriptions de l'agriculture biologique. La tâche s'avère particulièrement difficile lorsque l'exploitation comporte plusieurs types de culture différents, par exemple des vignes et des grandes cultures ou de l'élevage et des fruitiers.

La loi fédérale sur l'agriculture a bien édicté quelques principes sur la possibilité de créer des désignations pour les produits agricoles - selon leur origine ou leur mode de culture - mais ceux-ci restent peu précis. C'est donc dans l'ordonnance sur l'agriculture biologique et la désignation des produits et des denrées alimentaires biologiques (Ordonnance sur l'agriculture biologique du 22 septembre 1997) que l'on trouve des indications plus précises sur le sujet qui nous occupe, en particulier en ses articles 6 et 7.

Pour être complet, il faut encore citer l'article 9 de la même ordonnance:

L'OFAG peut donc, sous certaines conditions, autoriser une reconversion par étape pour certaines exploitations. Celles-ci doivent cependant démontrer auparavant que la reconversion complète et immédiate ne peut être raisonnablement exigée.

On peut ainsi en déduire qu'il est possible, d'un point de vue légal, de pratiquer aujourd'hui la PI sur les grandes cultures et le bio sur la vigne (jusqu'en 2006) ou l'inverse.

Un problème majeur demeure toutefois : les labels bio porteurs actuellement - le Bourgeon en particulier - exigent la production biologique sur l'ensemble de l'exploitation. En d'autres termes, la loi autorise bel et bien l'utilisation du terme biologique pour la production citée plus haut, il n'y a pas pas pour autant de marchés pour ces produits non labelisables... C'est la quadrature du cercle !

Avant de conclure, il convient encore d'attirer l'attention sur un autre phénomène, qui contribue lui aussi à la complexité régnant dans le domaine de l'agriculture biologique.

Les produits « bio » importés sont-ils vraiment compatibles avec les normes édictées en Suisse, par exemple avec l'exigence d'une exploitation 100 % biologique ? On peut très sérieusement en douter, dans la mesure où des professionnels de l'agriculture tels que les membres de l'AGCETA confirment que, en Europe, le bio parcellaire est autorisé et certifié ! En d'autres termes, un produit certifié « Nature & Progrès » ou « Ecocert » français est un produit issu d'une entreprise qui n'a pas forcément toutes ses cultures en culture biologique.

L'Association des organisations agricoles biologiques mentionnée plus haut assure apposer son label sur les produits importés et commercialisés en Suisse uniquement si leurs conditions de production répondent aux mêmes exigences que son propre cahier des charges pour la Suisse.

Sans mettre en doute la bonne foi de cette association, on peut toutefois sérieusement s'interroger sur l'efficacité de cette politique, en particulier lorsque les produits viennent de régions éloignées d'Europe, où les contrôles sont pour le moins rares, voire franchement inexistants.

Cette différence de traitement manifeste place l'agriculteur bio suisse dans une position inéquitable, en faussant les conditions de concurrence.

Afin de mettre tous les producteurs sur un pied d'égalité, le Conseil d'Etat pourrait intervenir auprès du Conseil fédéral, pour l'inciter à établir un cahier des charges de la production bio qui soit compatible à celui en vigueur au sein de l'Union européenne.

Au vu de l'importance que revêt aujourd'hui l'agriculture biologique pour les consommateurs - c'est-à-dire, vous, nous, tous les citoyens - et de l'enjeu que représente la transition plus généralisée vers une agriculture biologique sur le plan de la santé publique, nous vous remercions de faire bon accueil à notre projet de motion et de la renvoyer au Conseil d'Etat.

Débat

M. Hubert Dethurens (PDC). Cette motion n'a pas la prétention de vouloir régler le problème de la malbouffe même si ce dernier est aujourd'hui ressenti comme crucial par la population. Les épisodes tels que la crise de la vache folle, le poulet aux hormones ou la fièvre aphteuse ont encore contribué à accroître cette tendance. Si cette inquiétude est tout à fait naturelle et compréhensible, il faut cependant savoir qu'en Suisse l'agriculture est déjà soumise à des règles très strictes, certainement parmi les plus contraignantes au monde. De plus, une large partie de la production agricole suisse obéit aux conditions prévues par la production intégrée. Comparée aux méthodes qui étaient celles de l'agriculture traditionnelle il y a peu de temps encore la production intégrée produit aujourd'hui des biens d'une qualité très proche, voire supérieure pour certains produits, à celle prônée par l'agriculture biologique. Néanmoins, une partie non négligeable de la population s'est dirigée, ces dernières années, vers des produits bio. Pour répondre à cette demande toujours croissante, les agriculteurs s'interrogent sur l'opportunité de convertir leur exploitation au biologique. Parmi eux, on trouve notamment ceux dont les domaines ne sont plus assez grands pour perdurer.

Mais, car il y a un mais, la conversion à l'agriculture bio ressemble fort à un parcours du combattant. Outre un nombre incalculable de solutions à trouver sur le plan de l'organisation, il faut aussi se rendre compte que le virage est très délicat à négocier sur le plan financier. Lorsqu'il se convertit au bio, l'agriculteur doit attendre deux ans avant de pouvoir écouler ses produits sous un label. Vous imaginez aisément l'impact de cette mesure pour la trésorerie de l'exploitation. Les frais augmentent, mais les prix attendent deux ans pour s'adapter. La première invite de cette motion vise donc à faciliter cette transition. La seconde invite pose le problème de la traçabilité des produits qui doit assurer que tous les produits bio vendus en Suisse, quelle que soit leur origine, correspondent à leur étiquetage.

J'aimerais ajouter maintenant quelque chose concernant le département de M. Cramer. Il semble que, lors du renouvellement du bail d'une ferme de l'Etat, un agriculteur s'est vu imposer, comme condition au renouvellement de son bail, la conversion à l'agriculture biologique. Or, le fonctionnaire qui lui a signifié cette condition s'est appuyé sur cette motion pour le faire. Eh bien, ce fonctionnaire n'a pas dû lire la motion, car celle-ci n'est en aucun cas contraignante, elle est incitative. En outre, il est inacceptable qu'un petit chef, j'ignore d'ailleurs si c'en est un, qui ne dépend même pas du service de l'agriculture, mais de celui de la faune, se permette d'écrire à un exploitant agricole que la condition de reconduction du bail est la conversion à l'agriculture bio. Monsieur Cramer, je pense que vous avez compris le sens de la motion, elle est incitative et non pas contraignante. Je crois que vous devez faire passer le message au service de l'agriculture qui n'a pas dû la lire. Cette situation m'étonne.

Cela dit, Mesdames et Messieurs, j'espère que vous réserverez un bon accueil à cette motion et je demande qu'elle soit renvoyée directement au Conseil d'Etat.

M. Jean-Claude Dessuet (L). Mesdames et Messieurs, cette motion voudrait faire oublier les efforts des agriculteurs genevois et suisses lors de la mise en place de la production intégrée. Dans les exigences PER, il y a des surfaces de compensations écologiques qui s'appellent SCE. Si l'on considère le cahier des charges qu'elle s'impose, on peut dire que l'agriculture genevoise et suisse est très en avance sur celle des autres pays en matière de protection de l'environnement.

En ce qui concerne la production bio, il ne faudrait pas faire croire que cette manière de produire va nourrir le monde, dont une partie n'a pas de quoi manger à sa faim. Vous faites allusion à la vache folle et à la fièvre aphteuse. Croyez-vous vraiment que ces épidémies ont fait baisser les prix de la viande ? Certes elles ont peut-être eu un rôle, mais elles ont surtout contribué à la baisse soutenue et voulue par la politique fédérale et mondiale. Donc, si cette motion a pour effet à court terme d'aider les agriculteurs à transformer leur production dans l'intérêt d'une certaine catégorie de consommateurs, elle permettra surtout au producteur de vendre ses produits 15% plus cher que son collègue. Il ne faut donc pas oublier que la volonté au niveau mondial de libéraliser le marché va mettre en concurrence tous les agriculteurs du monde avec des prix à la baisse.

J'ai personnellement étudié en 1995 la transformation de mon exploitation. Le cahier des charges ne me permettait pas de transformer qu'une partie de l'exploitation, alors qu'une conversion aurait été possible pour l'élevage, moyennant un investissement important. Néanmoins, je crois que cette motion revient à mettre la charrue devant les boeufs. Il y a actuellement un viticulteur bio qui a de gros problèmes - on en parle beaucoup dans les journaux d'ailleurs - et qui a dû liquider plusieurs milliers de litres à 80 centimes. On voit bien qu'il n'est pas facile pour un producteur de vendre sa production. C'est pourquoi je crois que l'on doit réellement étudier une telle motion. La question du financement est une chose : aider les agriculteurs à se transformer en est une autre. Pour toutes ces raisons, je crois que l'intérêt pour les agriculteurs n'est pas de savoir combien ils vont toucher pour se convertir, mais qu'on leur permette de trouver des solutions pour adapter le cahier des charges à leur exploitation. Je pense qu'il faut l'étudier en commission certes, mais en commission de l'environnement et de l'agriculture. C'est là que l'on parviendra à aider les agriculteurs à mettre en place une certaine production.

Je pense donc que cette motion doit être prise au sérieux et envoyée à la commission de l'environnement et de l'agriculture. Il faudra ensuite étudier le cahier des charges des exploitations bio, faire venir des responsables et des producteurs qui sont déjà passés au bio et ensuite seulement voter un crédit.

M. Alain Etienne (S). Le PDC nous a habitués à ce genre de proposition de motion, notamment en cette période électorale... (L'orateur est interpellé.) J'aimerais cependant faire remarquer que le souci exprimé par le groupe PDC est déjà celui du Conseil d'Etat et de notre parlement. Nous avons déjà eu l'occasion de nous prononcer sur l'aide à l'agriculture biologique lors du vote sur le concept cantonal de protection de l'environnement, au chapitre «reconversion d'exploitations», précisément à la page 131 du document. Je me souviens aussi du débat que nous avons eu à ce sujet en commission de l'environnement, et de la position prise par le député John Dupraz qui considérait l'agriculture bio comme une forme de secte. Je ne sais pas si le groupe PDC a consulté John Dupraz pour la rédaction de cette motion, mais en tout cas les avis sont divergents au sein de l'Entente.

Par ailleurs, on peut se demander si la multiplication des fonds est une bonne chose pour une gestion efficace du budget de l'Etat. Il y a un fonds que nous aurions pu avoir, c'est celui sur les plus-values foncières qui aurait pu aider les jeunes agriculteurs au démarrage. Ce fonds, le PDC n'en a pas voulu à l'époque. Le groupe socialiste est donc plutôt favorable au renvoi de cette motion en commission, car nous voulons approfondir le sujet.

Mme Morgane Gauthier (Ve). Cette motion va dans le sens que les Verts ont toujours défendu. Nous nous sommes toujours prononcés en faveur d'une agriculture plus respectueuse de l'environnement et des animaux. Non seulement parce qu'aujourd'hui les consommateurs ne croient plus en l'agriculture traditionnelle, mais aussi parce que le mode de production bio ne se limite pas à une technique agricole : il s'agit aussi d'une philosophie. Ce mode de production permet de mieux respecter nos nappes phréatiques, notre air et notre sol qui est un des capitaux les plus précieux. Les invites nous semblent assez intéressantes car elles encouragent les agriculteurs à modifier leur mode de production. Quoi qu'il en soit, n'importe quel agriculteur doit être soutenu lors de son passage à la production biologique. Les Verts soutiennent donc cette motion et son renvoi au Conseil d'Etat.

Mme Myriam Sormanni-Lonfat (HP). Je dirai tout de même quelques mots, car il est évident que si j'avais vu passer cette motion je l'aurais signée. Je suis membre des Jardins de Cocagne depuis maintenant quinze ans. Les Jardins de Cocagne sont une coopérative qui possède plusieurs terrains et qui produit selon le mode biologique. Ces terrains fonctionnent de la façon suivante : en fonction des parts que l'on possède, on participe aux travaux agricoles et à la distribution des produits. Nous consommons des produits bio au prix du marché non bio car les jardiniers ne sont pas trop exigeants et ont un tout petit salaire. Nous pouvons influencer la production et intervenir sur les choix. Une année par exemple on a eu des haricots assez filandreux : j'ai demandé qu'ils soient changés.

Je suis favorable à l'agriculture biologique depuis au moins vingt ou vingt-cinq ans. je consomme des produits bio depuis autant d'années. Bien sûr, à l'époque c'était plus difficile que maintenant parce que les produits bio sont vendus plus cher en raison de leur bref temps de conservation. Cela dit, ce serait un peu court que d'envoyer cette motion directement au Conseil d'Etat : elle mérite d'être étudiée en commission. Au point de vue financier, il est clair qu'une conversion à l'agriculture biologique ne va pas sans poser quelques problèmes. L'idée de soutenir les agriculteurs est donc intéressante.

Aujourd'hui, les gens se tournent effectivement vers l'agriculture biologique parce qu'ils n'ont plus confiance. Pourtant, à l'origine il était difficile de les persuader, en particulier pour des raisons esthétiques : lorsque les consommatrices - puisque nous les femmes, en cuisinant, sommes les garantes de la santé familiale - voyaient des pommes ridées, flétries ou des pommes golden toutes petites et d'un jaune très foncé, elles ne comprenaient pas pourquoi il aurait fallu payer plus cher et acheter des produits moins beaux, moins attirants.

S'agissant de la production de bétail dans des conditions plus vivables, je pense que c'est une bonne chose. Vous n'ignorez sans doute pas qu'autrefois on transportait des chevaux en leur cassant les pattes pour les empêcher de bouger, par exemple. Beaucoup de souffrances ont été infligées aux animaux. Je voudrais enfin attirer votre attention sur le fait qu'il faut seize kilos de céréales pour faire un kilo de viande. J'aime la viande, mais c'est donc pour des raisons philosophiques et parce que je pense que c'est meilleur pour la santé que je suis végétarienne. C'étaient là quelques réflexions que je voulais vous livrer.

M. John Dupraz (R). Je dois dire que j'ai étudié cette motion avec une grande attention et tout d'abord je voudrais remercier M. Etienne de prêter autant d'attention à mes propos et à mes interventions. Vous devriez faire plus souvent référence aux radicaux, vous feriez sans doute moins de bêtises en politique... (L'orateur est interpellé.) Je ne parlais pas de M. Ramseyer, bien entendu.

Cela dit, il faut replacer dans son contexte la culture dite biologique. Les produits biologiques en Allemagne et en France représentent 2% du marché. En Suisse, ces produits occupent entre 5 et 7% du marché et on espère atteindre 10%. Cela signifie que c'est un marché très étroit qui restera une niche et je me demande si c'est vraiment une bonne idée que l'Etat, à coup de subventions ou d'aides, engage les agriculteurs à se convertir à ce mode de production. J'attends par exemple que les auteurs de cette motion se lancent eux-mêmes dans cette voie, comme je l'ai fait pour les énergies renouvelables en construisant une centrale photovoltaïque. Mesdames et Messieurs, nous ne nous opposerons pas à cette motion, mais un exemple récent nous montre qu'elle comporte quelques dangers. Vous avez pu voir les interventions fort à propos de M. Crettegny concernant la situation viticole. Or, précisément, cet agriculteur fait de la production biologique et il ne parvient pas à vendre son vin. Si le bio était vraiment la solution, lui aurait dû vendre son vin tandis que ses collègues non. C'est là un exemple concret.

Je voudrais ensuite émettre quelques réserves, pour ne pas dire plus, quant à la culture biologique. Le cahier des charges recommande l'utilisation de produits qui sont prohibés ou largement réglementés et limités en prestation écologique requise. Par exemple, les métaux lourds comme le cuivre... (L'orateur est interpellé par M. Blanc.) Bon, voilà le dinosaure qui arrive! Comme modèle bio, c'est le plus beau des modèles! (Rires.) Voilà soixante ans qu'il mange de la vache folle et vous voyez où il en est...

J'ai donc quelques réserves concernant cette motion, quant à l'opportunité de créer un fonds, quant aux conditions du marché qui reste très limité et quant à certaines méthodes préconisées par le bio qui sont contraires à ce que nous faisons en prestation écologique requise. Nous ne nous opposons donc pas au renvoi en commission, bien au contraire, nous serons heureux de participer au débat. Toutefois, s'il faut créer un fonds, nous souhaiterions que la commission des finances donne son avis.

M. Hubert Dethurens (PDC). Je souhaite seulement répondre à M. Dupraz. Je ne pense pas que le vin de M. Crettegny peine à trouver des acheteurs parce qu'il est bio. Il y a sans doute d'autres raisons. En matière de viticulture, s'il suffisait de ne pas être bio pour vendre, je crois qu'on n'aurait aucun problème en Suisse.

S'agissant du concept de l'environnement qu'a brièvement évoqué M. Etienne, je crois que nous nous étions achoppés sur un terme : la compétitivité. Je regrette que nous n'ayons pas pu adopter ce concept à l'unanimité à cause de ce terme. La compétitivité n'est pas inconciliable avec l'agriculture biologique. Une agriculture biologique doit être compétitive. Autrement, et sur ce point je rejoins M. Dupraz, si elle n'est pas compétitive, elle n'a plus lieu d'exister. Elle n'existera pas uniquement grâce à la philosophie.

Nous ne nous opposerons pas au renvoi de cette motion en commission : en commission ou au Conseil d'Etat, c'est équivalent pour nous.

Mme Myriam Sormanni-Lonfat (HP). J'ai oublié une petite chose dans mon intervention. S'agissant du développement durable auquel on attache beaucoup d'importance, il est évident que soit l'agriculture biologique, soit l'agriculture intégrée, soit l'agriculture biodynamique, qui consiste à planter les fruits et légumes en fonction des lunaisons, est un point positif. Malheureusement - j'y viens puisque quelqu'un y a fait allusion - en France, où il y a une loi anti-sectes, tout ce qui est médecines naturelles, traitements parallèles ainsi que l'agriculture biologique est bel et bien considéré comme pratiques sectaires.

M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. Le Conseil d'Etat, vous le savez - et le concept cantonal de l'environnement a été rappelé à cet égard - adhère aux propositions qui sont développées dans cette motion. C'est donc dire que nous y donnerons suite, soit que vous préfériez tout d'abord l'envoyer en commission pour en approfondir encore les termes, soit que vous décidiez maintenant de la renvoyer directement au Conseil d'Etat.

Je préciserai seulement, au cas où vous souhaiteriez renvoyer cette motion directement au Conseil d'Etat, que pour ma part je comprends les mots «créer un fonds cantonal» comme mettre en oeuvre des aides. C'est-à-dire que je n'entends pas cela comme étant, au point de vue technique, la création d'un nouveau fonds. Dans ce cas-là, j'aurais quelques difficultés avec ma collègue en charge du département des finances. Vous savez que les fonds ont plutôt mauvaise réputation auprès de ce département. Si M. Dethurens insiste pour que l'on crée effectivement un fonds, il faudrait peut-être qu'il intervienne à nouveau pour le dire. S'il n'intervient pas, je partirai de l'idée que ce qui est demandé, c'est de créer des aides, sous une forme ou sous une autre, et de vous faire rapport sur les aides qui pourraient être instituées.

Je tiens à ajouter que de telles aides évidemment impliquent, et cela est essentiel, le volontariat des agriculteurs ou des agricultrices qui souhaitent s'engager dans une perspective de production biologique. Il n'est pas possible de l'imposer. Et s'il est exact que, dans les discussions qui ont eu lieu récemment au sujet du renouvellement d'un contrat de bail pour une parcelle propriété de l'Etat, la question de la production biologique a été évoquée - peut-être de façon un peu maladroite - vous savez aussi que tout cela est rentré dans l'ordre, parce qu'encore une fois, et je tiens à le dire avec force, une telle démarche implique le volontariat. On ne fait pas de bonne agriculture biologique sous la contrainte puisque cela exige un très fort investissement des agriculteurs qui se lancent dans cette voie. C'est dans cet esprit que le Conseil d'Etat est prêt à donner suite à cette proposition de motion.

M. John Dupraz (R). Je me permets d'intervenir sur la réponse que M. Cramer a donnée à M. Dethurens concernant une question bien précise de ce dernier. En effet, un des collaborateurs du département, qui n'est pas du service de l'agriculture mais du service des paysages et de la protection de la nature, a voulu imposer la culture biologique aux exploitants. Et il ne s'agit pas d'une petite parcelle, Monsieur Cramer : il s'agit d'un bail à ferme pour une exploitation agricole entière sur plusieurs dizaines d'hectares. Or ce petit monsieur, car il n'y a pas d'autre terme pour le qualifier, ce petit monsieur a agi sans l'accord du service de l'agriculture. Que ce fonctionnaire, ce sous-chef de service, ait pu mettre comme condition au renouvellement du bail la conversion à l'agriculture biologique, c'est inacceptable. Monsieur Cramer, vous le reconnaissez, c'est bien. Mais comment des fonctionnaires peuvent-ils, de leur propre autorité, dans des négociations avec un tiers, imposer de telles dispositions, alors que je croyais pour ma part que les problèmes agricoles étaient réglés par le service de l'agriculture ? Je poserai donc une question corollaire : est-ce qu'à terme votre département entend mettre le service de l'agriculture sous la direction de la protection des paysages et de la nature ?

M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. Je ne pense pas que le Grand Conseil ait une passion particulière à découvrir dans quels termes tel ou tel contrat de bail à ferme a été négocié. Ce que je dois dire simplement, c'est que les propos de M. Dupraz dépassent assurément sa pensée lorsque, non seulement il s'en prend à un fonctionnaire qui n'est pas là pour se défendre, mais surtout il s'en prend à ce fonctionnaire dans des termes qui, je crois, ne sont pas dignes de cette enceinte. Pour le reste, il est clair que dans un processus de discussion, quel qu'en soit l'objet, toutes sortes d'hypothèses peuvent être évoquées. Ce qui importe, c'est la conclusion et la façon dont les choses se font. Encore une fois, dès l'instant où j'ai été alerté sur des questions qui pouvaient se poser, vous le savez bien, elles se sont réglées de telle sorte que personne ne s'est senti contraint à quoi que ce soit. Je crois que, sur ce point, on peut en rester là. (Applaudissements.)

Mise aux voix, cette proposition de motion est renvoyée à la commission de l'environnement et de l'agriculture.

M 1413
8. Proposition de motion de Mmes et MM. Pierre Vanek, Magdalena Filipowski, Jeannine de Haller, Marie-Paule Blanchard-Queloz, Christian Grobet, Anita Cuénod, Gilles Godinat et René Ecuyer pour le respect de la nouvelle loi sur les procédés de réclame. ( )M1413

EXPOSÉ DES MOTIFS

Le Grand Conseil a adopté une nouvelle loi importante en matière d'affichage, qui interdit notamment la publicité en faveur du tabac et de l'alcool. Il appartient au Conseil d'Etat de veiller à ce que cette loi soit respectée.

Au bénéfice de ces explications, nous espérons, Mesdames et Messieurs les députés, que vous réserverez un bon accueil à la présente motion.

Débat

Mme Magdalena Filipowski (AdG). Le Grand Conseil genevois a voté une loi sur les procédés de réclame. Dans cette loi, un principe important est introduit : le principe d'interdiction d'affichage en faveur du tabac et de l'alcool. Or, depuis l'adoption de cette loi, les auteurs de la présente motion se sont aperçus qu'aux différents emplacements visibles du domaine public des affiches en faveur du tabac subsistent. Nous considérons qu'il s'agit d'un problème important, dans la mesure où il touche la santé de notre population. Nous souhaitons que la loi votée soit respectée. C'est pourquoi nous vous demandons de voter la motion 1413 qui propose qu'un service cantonal, en coordination avec les communes concernées, garantisse l'application de la loi.

M. Gilles Desplanches (L). Voilà encore une motion qui ne tient pas compte du commerce de détail. Mme Filipowski ne l'ignore pas : aujourd'hui, pour les petits artisans et les commerçants, il ne reste que ce système pour pouvoir vendre leurs produits. Sous le couvert d'empêcher la vente de l'alcool ou du tabac, certains députés du Grand Conseil veulent carrément ignorer que le seul moyen de communication pour le commerce de détail dans les quartiers reste l'utilisation des panneaux mobiles. Il faut quand même savoir, Mesdames et Messieurs, que ces panneaux ne sont pas offerts aux commerçants mais qu'ils sont loués 300 F à l'année pour un mètre. Je pense que face à des propositions comme celle-ci, qui ne tiennent compte que d'une partie de la loi et qui pointent toujours les mêmes produits, le tabac et l'alcool, ce Grand Conseil devrait mettre en balance les intérêts des indépendants et particulièrement des commerçants qui gèrent un commerce de détail. Bien souvent, ces commerçants ne vivent pas de la vente de tabac, mais bien plutôt des journaux. Néanmoins, s'ils ne peuvent plus vendre de cigarettes, ils disparaîtront. Je trouve que cette motion est une mauvaise motion et je demande qu'elle soit refusée.

M. Jacques Fritz (L). Je voudrais rappeler en préambule que cette loi toute nouvelle est contestée au Tribunal fédéral. Je crois personnellement que les gens sont suffisamment adultes et responsables pour procéder à un affichage dans les limites imposées par la loi. Je me demande vraiment pourquoi on veut mettre en place un système de contrôle. Encore un système de contrôle ! Je pense aussi aux communes à qui on voudrait demander d'y participer. Je crois qu'en l'état et compte tenu du recours pendant, il n'est pas approprié de vouloir mettre en place un tel système. Je recommande donc à cette assemblée de refuser cette motion.

Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). A entendre M. Desplanches, on croit rêver. Il est tellement axé sur la défense des petits commerçants, que par ailleurs je soutiens dans certains cas, qu'il a simplement oublié deux choses : d'une part, il s'agit d'une loi qui a été votée il y a plus d'une année et qu'il s'agit de l'observer même si elle a été attaquée au Tribunal fédéral ; d'autre part, les produits dont il est question ne sont pas des pommes ou des tomates, mais des produits qui engendrent une dépendance et notamment les cigarettes, qui sont produites par des multinationales qui se livrent à de la contrebande. Je crois donc qu'il ne s'agit pas simplement de la défense des petits commerçants.

Il faut néanmoins reconnaître que cette loi est actuellement attaquée au Tribunal fédéral, mais il n'y a pas d'effet suspensif et il faut donc examiner les possibilités de l'appliquer. C'est pourquoi le groupe socialiste soutiendra le renvoi au Conseil d'Etat pour qu'il examine ces possibilités et qu'il prenne en compte sérieusement ce qui a été voté.

M. Luc Barthassat (PDC). La loi est certes nouvelle, il y a des recours, on l'a déjà dit, il y a aussi des délais à respecter quant à l'application de cette loi. Je pense donc qu'il est malvenu de mettre en place un organe de contrôle. Il faut laisser un peu de temps à ces choses-là pour se mettre en place. Ayons un peu de patience et de confiance.

La présidente. Je mets aux voix cette motion.

Mise aux voix, cette motion est adoptée. (Contestations à l'annonce du résultat.)

La présidente. Le résultat était très clair, Mesdames et Messieurs!

La motion est ainsi conçue :

Motion(1413)

pour le respect de la nouvelle loi sur les procédés de réclame

La séance est levée à 12h 10.