République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 29 juin 2001 à 17h
54e législature - 4e année - 10e session - 36e séance
PL 8523 et objet(s) lié(s)
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article unique
La Constitution de la République et canton de Genève, du 24 mai 1847, est modifiée comme suit :
Art. 74, al. 1, lettre f (nouvelle)
Art. 106, al. 1, lettre c (nouvelle)
al. 4 et 5 (abrogés)
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article 1
La loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève, du 13 septembre 1985, est modifiée comme suit :
Art. 21 (nouvelle teneur)
1 Sont incompatibles avec le mandat de député les fonctions :
de collaborateur du service du Grand Conseil ;
de cadre supérieur de la fonction publique ;
de magistrat municipal ;
de magistrat du pouvoir judiciaire, à l'exception des juges suppléants et des juges prud'hommes.
2 Les personnes concernées par l'alinéa 1 sont néanmoins éligibles mais elles doivent, après les élections, opter entre les deux mandats.
Article 2 Modifications à une autre loi (B 1 12)
La loi sur l'incompatibilité de fonctions des conseillers d'Etat, du 12 janvier 1963, est modifiée comme suit :
Art. 1, al. 2 (nouvelle teneur)
2 Ils ne peuvent en conséquence pas être membres du Conseil national et du Conseil des Etats.
Ces projets de lois visent clairement trois objectifs :
stimuler la démocratie en élargissant la sphère des personnes exerçant une responsabilité politique ;
respecter le principe de rang constitutionnel qu'est le principe de la séparation des pouvoirs ;
améliorer la qualité du travail politique en évitant la dispersion et la multiplication d'activités.
De plus en plus, les démocraties modernes tentent d'empêcher la concentration des pouvoirs dans les mains d'une seule personne. La monopolisation des pouvoirs n'est d'ailleurs pas saine pour la démocratie. En outre, le cumul de rôles différents assumés par une même personne peuvent amener celle-ci à devoir résoudre des conflits d'intérêt et des dilemmes de loyauté difficiles.
La limitation des mandats politiques par personne est donc un but à atteindre pour renforcer la qualité de la pratique politique. Ceci est d'autant plus urgent que la charge de travail des gouvernements et des parlements communaux, cantonaux et nationaux a augmenté considérablement ces dernières années.
Ces projets de lois empêcheraient une personne d'être à la fois :
membre du Conseil d'Etat et des Chambres fédérales ;
membre du Grand Conseil et d'un Exécutif communal.
Nous considérons que ces dispositions sont minimalistes et vous pouvez constater que nous nous sommes limités aux cas où, par les différents niveaux décisionnels existants, le cumul des mandats correspondait à une entorse au principe de la séparation des pouvoirs.
Le texte de l'article 21 de la loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève (B 1 01) tel qu'il vous est proposé intègre les modifications amenées par le projet de loi 8367, déposé par le bureau du Grand Conseil à la fin de l'année dernière et voté par notre Grand Conseil récemment.
En espérant que nos arguments vous auront convaincus et dans l'attente d'en débattre plus largement en commission, nous vous remercions d'avance, Mesdames et Messieurs les député-e-s, de soutenir ce projet d'amélioration de la vie politique.
Préconsultation
M. Christian Brunier (S). Mesdames et Messieurs les députés, nous vous l'avions annoncé il y a quelque temps : nous sommes inquiets du fonctionnement des institutions et du désintérêt de plus en plus grandissant de la population envers le monde politique. A cet égard, ce n'est pas avec le spectacle que nous avons donné hier soir que nous allons motiver la population à s'intéresser à notre travail...
Nous avions décidé de lancer un certain nombre de débats durant cette législature. Notre but n'était pas d'imposer des solutions, mais bien de lancer le débat sur les limites de durée des mandats, sur les limites de cumul des mandats, sur l'élargissement des droits civiques aux étrangers, aux plus jeunes. Nous avons tenu parole et avons déjà présenté un certain nombre de projets, qui ont reçu trop peu d'écho de la part du monde politique, preuve que le monde politique a de la peine à se réformer, à faire son autocritique. Néanmoins, les messages de la population sont de plus en plus clairs. A ce sujet, je vous demande de vous référer notamment aux élections municipales qui viennent de se dérouler en France, où la population française a donné un message très clair contre le cumul des mandats, contre les gens vissés à leur siège et à leur pouvoir. Cela devrait nous pousser à méditer un peu sur le travail politique à Genève.
Lorsque nous avons proposé notre projet de limitation des mandats à douze ans, des députés de tous les rangs ont dit que limiter la durée n'était peut-être pas la meilleure des choses, mais que, par contre, la limitation des cumuls était une bonne chose. Eh bien, on verra en commission si nous sommes suivis sur cette piste et si vous êtes suffisamment ouverts pour mener un débat plus intéressant que ceux qui ont eu lieu sur les objets que nous avons présentés jusqu'à présent, objets qui ont été blackboulés en moins d'une heure en commission, ce qui n'est franchement pas normal pour des sujets de ce type.
M. John Dupraz (R). Ce projet de loi socialiste est typiquement une proposition dogmatique. En fait, chaque parti édicte des règles concernant son fonctionnement, des règles régissant les mandats exercés par ses militants et ses membres. Or, ce projet veut codifier, contraindre, empêcher la discussion et la souplesse dans l'exercice de certains mandats. Je vous citerai un simple exemple, celui de notre collègue M. Hubert Dethurens, qui est adjoint dans sa commune de Laconnex et en même temps député. En vertu de ce projet de loi et de ses dispositions, il ne pourrait pas siéger au Grand Conseil. Or, je peux vous dire, d'après mon expérience personnelle, que le fait qu'un membre de l'exécutif d'une petite commune soit député est très précieux pour la commune et lui facilite bien la tâche. Ce d'autant plus qu'une petite commune n'a pas l'armada administrative et les services des grandes communes, et qu'un magistrat communal qui est député peut faciliter les démarches de la commune auprès de l'administration et du Conseil d'Etat et contribuer ainsi à une gestion bien plus efficace de sa commune.
Le deuxième exemple que je voudrais citer est celui de M. Spielmann, qui exerce un double mandat de conseiller national et de député... (Commentaires et rires.) En principe, on ne parle pas de soi, ce d'autant plus que je ne suis pas un modèle, je le sais parfaitement...
M. Spielmann exerce parfaitement bien son mandat au Conseil national et au Grand Conseil et je ne vois pas pourquoi on voudrait empêcher un tel double mandat. On empêcherait celui-ci et pas celui d'un conseiller d'Etat ? Pourquoi ? Quant à moi, je verrais bien M. Cramer aux Chambres fédérales à Berne. J'aimerais autant que ce soit lui plutôt que le président Baumann, qui ne fait que nous encrasser : avoir des écolos intelligents à Berne, ce ne serait pas plus mal! (Exclamations.)
Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi est typique de l'esprit socialiste dogmatique et totalitaire qui veut tout réglementer, rendre tout obligatoire ou tout interdire. C'est pourquoi nous nous opposerons à ce projet. Si, par malheur, il venait à être voté durant cette législature, nous le balaierions - car nous espérons bien reprendre la majorité dès cet automne - d'entrée de cause au mois de novembre!
La présidente. La parole n'est plus demandée... Ah, si, Monsieur Blanc...
M. Claude Blanc (PDC). Madame la présidente, vous pensez bien que je n'allais pas laisser passer cela! Je ne peux pas m'empêcher «d'admirer» l'outrecuidance du parti socialiste qui ne prétend rien moins que faire de ses statuts la constitution de la République et canton de Genève. Mesdames et Messieurs les socialistes, je sais que vous avez beaucoup souffert de mandats qui duraient trop longtemps, vous en souffrez encore d'ailleurs, vous ne vous en êtes toujours pas remis! Vous avez donc beaucoup souffert de doubles mandats et vous avez pris, en interne, les mesures que vous jugiez utiles. Comme vous étiez incapables de régler ce problème autrement que par des mesures statutaires drastiques, vous avez mis la tête dans le sac et avez voté ces mesures qui ont provoqué une dissidence dont on parle encore douze ans après! C'est votre problème, mais quant à transposer cela dans la constitution de la République, il y a un pas qu'on ne saurait franchir.
Sans revenir sur ce que disait M. Dupraz, nous croyons, quant à nous, qu'il est bon que les communes puissent se faire entendre dans ce Grand Conseil autrement que par de vagues motions dont on ne sait pas très bien comment elles vont aboutir, qu'elles puissent se faire entendre par la voix de députés qui soient conseillers administratifs ou conseillers municipaux dans leur commune et qu'on puisse réellement entendre, par ce biais-là, la voix des autorités communales dans ce parlement. En transposant, je dirai qu'il est aussi absolument indispensable que des membres de notre parlement ou du gouvernement siègent à Berne. Je ne dis pas que tous les conseillers d'Etat devraient être conseillers nationaux - il faut savoir raison et mesure garder - mais je trouve regrettable qu'aujourd'hui le Conseil d'Etat ne soit représenté dans aucune des Chambres. Il conviendrait qu'à la Chambre des cantons, au Conseil des Etats, il y ait au moins un conseiller d'Etat qui puisse relayer la manière de voir les choses du gouvernement cantonal. Cela me paraît absolument indispensable au bon fonctionnement de notre démocratie, de haut en bas, et je ne comprends pas que vous puissiez en douter.
S'agissant des doubles mandats, il y en a un peu partout. A l'époque, les mauvaises langues disaient que votre collègue de parti, Mme Yvette Jaggi, avait un pied à Lausanne et un pied à Berne, je ne vous raconterai pas le reste... En fait, il était très utile et pour la Ville de Lausanne et pour le canton de Vaud que la syndique de Lausanne soit la représentante du canton de Vaud au Conseil des Etats, cela constituait une vraie liaison entre le canton et la Confédération. On dit toujours que Berne, c'est loin, que Berne ne nous écoute pas... Eh bien, il faut être à Berne, il faut que, parmi les gens impliqués dans la vie du canton, quelques-uns d'entre eux puissent représenter ceux qui sont en charge de la politique locale. Voilà pourquoi ce projet, que vous pouvez bien renvoyer en commission, est ridicule et est déjà mort-né.
Mme Janine Hagmann (L). Evidemment, c'est avec un certain sourire que je prends la parole, car j'imagine déjà ce que vous allez dire...
M. John Dupraz. C'est la Fête des maires!
Mme Janine Hagmann. Merci, Monsieur Dupraz, c'est un bon jeu de mots! Ce qui m'amuse, c'est que le groupe socialiste a très souvent à la bouche le mot «déficit démocratique». Dieu sait si on l'a entendu! Or, là, Mesdames et Messieurs, que nous présentez-vous ? Un exemple réel de déficit démocratique! Si la population choisit quelqu'un pour la représenter au sein d'une commune et ensuite comme relais au sein du Grand Conseil, de quel droit pourriez-vous l'en empêcher ?
Par ailleurs, je ne vois pas tellement la différence entre M. Charles Beer - que j'apprécie beaucoup - ou M. Pagani, qui sont des représentants de groupes constitués et qui siègent tout à fait normalement au sein de cette enceinte, et des gens comme moi qui représentent une commune. Quand on a la chance de pouvoir siéger aux deux endroits - il faut évidemment disposer d'un peu de temps - cela n'offre que des avantages. Premièrement, nous sommes toujours, je tiens à le relever, très bien reçus par les conseillers d'Etat, que ce soit d'un département ou d'un autre. Quand le moindre problème se présente, ou même pour des problèmes parfois un peu difficiles, nous bénéficions toujours d'une écoute très attentive. Ensuite, je ne crois pas qu'on puisse nous reprocher de faire preuve d'idées butées sous prétexte que nous représentons un groupe de gens qui nous ont élus au sein de la commune et ici aussi.
Mesdames et Messieurs, ce que vous proposez représente un déficit démocratique et vous imaginez bien que le groupe libéral, sans s'opposer au renvoi de ce projet de loi en commission, refusera son entrée en matière.
Ces projets sont renvoyés à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil.