République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 8415-A
13. Rapport de la commission des transports chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Jean Spielmann, Bernard Clerc, Pierre Meyll, Salika Wenger, Pierre Vanek, Luc Gilly, Jeannine de Haller, Rémy Pagani, Cécile Guendouz, Christian Grobet, Françoise Schenk-Gottret, Christian Brunier, Laurence Fehlmann Rielle et Charles Beer modifiant la loi sur les Transports publics genevois (H 1 55). ( -) PL8415
Mémorial 2001 : Projet, 327. Renvoi en commission, 334.
Rapport de M. Pierre Vanek (AG), commission des transports

La Commission des transports s'est réunie à cinq reprises, sous la présidence de M. Odier, pour examiner le projet de loi modifiant la loi sur les Transports publics genevois.

En application de l'article 160A de la Constitution, les Transports publics genevois (ci-après TPG), établissement de droit public genevois, ont pour but de mettre à la disposition de la population du canton de Genève un réseau de communications, exploitées régulièrement, pour le transport des voyageurs et de pratiquer une politique tarifaire incitative.

L'alinéa 5 de l'article premier de la loi sur les TPG précise que les TPG peuvent acquérir, créer, louer, exploiter directement ou indirectement tout moyen de transport, atelier de fabrication, de transformation et de réparation, chemins de fer, véhicules autonomes et, d'une manière plus générale, tout équipement se rapportant à la réalisation de leur but. Le volume des activités pouvant être donné en sous-traitance ne doit pas dépasser 10 % du montant des charges totales des TPG. Les activités autres que l'exploitation de lignes à titre provisoire ou transfrontalières ne devant pas dépasser 4 % de ces charges.

Lors des débats sur les accords bilatéraux le Conseil d'Etat, le Grand Conseil et les partenaires sociaux ont insisté pour que soient mises en vigueur des mesures d'accompagnement qui exigent le respect des conventions collectives et des contrats-types pour réduire les risques de dumping salarial. C'est précisément le but du présent projet de loi qui fixe de telles règles dans la loi sur les Transports publics genevois.

Ce projet de loi est issu d'un cas particulier. Les TPG ont remis au concours une ligne dans la campagne et c'est une nouvelle entreprise qui s'est vu attribuer la sous-traitance. Il est apparu lors de l'examen des offres faites que l'entreprise ayant obtenu le contrat avait fait une offre inférieure de plus de 40 % aux autres entreprises qui ont répondu à l'appel d'offre. Cette réalité pose avec force la nécessité de mettre en place des mesures contre le dumping social et salarial lors de la soumission d'offres de transports par les TPG. C'est dans ce but que le projet de loi 8415 propose de fixer le principe que seules les entreprises signataires d'une convention collective pourront bénéficier d'un contrat de sous-traitance lorsqu'il y a appel d'offre.

Ce projet de loi vise un second objectif, celui de modifier l'art. 19 pour donner une compétence supplémentaire au conseil d'administration des TPG, afin qu'il soit compétent pour l'attribution de contrats de sous-traitance. Jusqu'à présent, c'est la direction qui procède à ces adjudications.

Les membres de la commission ont souhaité avoir des explications de la part des entreprises de transports concernées, de la direction des TPG ainsi que de l'Office cantonal de l'emploi. Il semble normal aux yeux de la majorité de la commission que l'on donne une réponse cohérente aux promesses faites dans le cadre des accords bilatéraux. Des mesures d'accompagnement ont été prévues pour lutter contre le dumping salarial et notamment encourager la création et l'extension des CCT et des contrats-types de travail. L'article proposé dans ce projet de loi est conforme au droit actuel, et s'inscrit dans la droite ligne des mesures d'accompagnement prévues avec les accords bilatéraux. Fixer dans la loi la nécessité de créer des CCT' incitera les transporteurs privés genevois à se rassembler pour élaborer une telle CCT répondant ainsi aux objectifs voulus par les autorités politiques et les partenaires sociaux.

La deuxième proposition du projet de loi sur le transfert de compétence ne pose visiblement pas de problèmes puisque, suite aux incidents survenus lors des dernières adjudications aux TPG, la pratique a été changée et correspond déjà aux propositions contenues dans le projet de loi 8415.

Après un premier débat sur ce projet de loi, la commission a décidé de procéder à l'audition des parties concernées par ce projet de loi.

L'entreprise des TPG était représentée par M. Eric Grasset, directeur Développement réseau et infrastructures des TPG.

Pour ce qui concerne les différences de salaire entre la Suisse et la France, les TPG expliquent que le coût des transporteurs suisses était il y a quelques années en moyenne 4 fois supérieur à celui des Français, mais dernièrement, dans le cadre de l'adjudication de la ligne Ferney - Saint-Genis, une entreprise suisse s'est intercalée parmi les françaises. Les entreprises françaises ne pratiquent pas les mêmes salaires. Les procédures d'adjudication tiennent compte du critère salaire qui est décisif dans la procédure d'adjudication, le choix se faisant sur cette base.

En tant qu'entreprise publique, les TPG trouvent normal que l'on cherche dans le cadre des contrats de sous-traitance à éviter le dumping social et salarial.

Le 30 janvier 2001, la commission a auditionné MM. Pierre Hiltpold, président du conseil d'administration, Michel Jaquet, vice-président du conseil d'administration des TPG et Mme Brigitte Beaud, en charge des adjudications.

Concernant le projet de loi, le conseil d'administration ne s'est pas penché sur le problème, mais le conseil de direction l'a fait. Sur le fond il le juge acceptable et comprend la motivation des auteurs.

Le conseil de direction est favorable au principe de subordonner les contrats de sous-traitance à l'adoption d'une convention collective de travail (ci-après CCT), du moment que celle-ci est reconnue par le conseil d'administration des TPG. Par ailleurs, il indique que le conseil de direction estime que le fait de confier les adjudications pour des montants supérieurs à un million au conseil d'administration ne pose pas de problème.

Le conseil de direction comprend l'objectif des auteurs, qui est de rendre transparentes les adjudications à des sous-traitants. Sur la forme, en revanche, il remarque qu'il existe déjà des normes et des procédures qui découlent des accords du GATT, de la loi fédérale sur les marchés publics, de la loi fédérale sur le marché intérieur et de l'accord intercantonal et signale que les adjudications sont soumises à ces normes. La conformité de l'adjudication est examinée par rapport à un cahier de charges, un rapport est ensuite transmis au conseil de direction.

A défaut de CCT, les TPG appliquent la loi genevoise ou fédérale. Ils proposent de compléter le texte en précisant qu'à défaut de CCT, les conditions genevoises ou suisses dans la profession sont applicables.

Les TPG ont une concession ; ils doivent fournir des prestations de qualité (cela fait partie des conditions figurant dans le contrat de prestation), ils n'ont donc pas intérêt à sous-traiter à des entreprises de moins bonne qualité. Les sous-traitants ne peuvent pas tout sous-traiter, notamment les grandes lignes, qui exigent une infrastructure lourde. En revanche, pour les lignes frontalières qui ne requièrent pas cela, les sous-traitants parviennent à offrir le trajet 3 ou 4 francs moins cher.

Le 6 février 2001, la Commission des transports a auditionné l'entreprise Dupraz Bus Genève SA, représentée par M. Tissières. L'entreprise Dupraz Bus est une société privée de transport qui est au bénéfice de contrats de sous-traitance depuis plusieurs années. Avec la certification ISO, Dupraz Bus doit rendre compte de la qualité et de l'efficacité de ses prestations.

La convention collective vise à assurer une égalité de la qualité parmi les sous-traitants, ainsi que des niveaux de prix corrects, eu égard notamment à l'entrée en vigueur des accords bilatéraux et des mesures d'accompagnement. Les prix doivent en effet permettre aux entreprises sous-traitantes de vivre, et leur permettre de proposer des améliorations et fournir un travail de qualité, tant à leur client (les TPG) qu'à la clientèle et aux contribuables.

Par ailleurs, une convention collective faciliterait le choix des TPG en cas de soumission et de décision d'adjudication, les sous-traitants devant alors fournir des efforts pour proposer des améliorations.

Enfin, la convention collective représente un garde-fou pour les travailleurs, notamment en matière d'horaires et de salaires minimaux, garants d'un bon travail. Un texte de convention collective est en phase d'élaboration depuis septembre 2000, par le syndicat SEV et l'entreprise Dupraz Bus. Cette convention représente un mélange entre la situation actuelle au sein de Dupraz Bus et celle des autres entreprises de la profession, avec quelques améliorations.

Les conventions collectives permettraient aux entreprises genevoises de rester concurrentielles. La différence en matière de salaires de base et de charges salariales n'étant pas le seul critère d'attribution des lignes ; un autre critère important est celui de la qualité. Une telle convention collective ne prétériterait pas les entreprises genevoises d'autant plus que les conséquences des accords bilatéraux seront importantes pour le marché genevois des transports.

En matière salariale, le secteur d'activité transports privés de personnes se rapproche des dispositions de la convention applicable aux déménageurs rédigée par l'OCIRT et aux conditions en vigueur (masse salariale et conditions de travail). Il précise encore les temps de travail hebdomadaires respectifs, soit 38 ou 39 heures aux TPG et 45 heures chez Dupraz Bus.

Il existe actuellement deux conventions collectives déménagement et transports. Une CCT est en voie d'élaboration au niveau fédéral, la situation étant complexe car les activités de transports sont à la limite du droit public et du droit privé. Ce qui peut poser problème pour la signature de conventions collectives, à l'exemple de ce qui se fait à Berne et à Zurich.

Pour ce qui concerne la deuxième proposition du projet de loi, il semble important que la décision d'adjudication, pour des montants importants, ne soit pas laissée à une ou deux personnes, mais plutôt à un collège, mieux à même de peser le pour et le contre dans l'intérêt de tous.

Le 6 février 2001, la Commission des transports a procédé à l'audition de l'entreprise de transports Beck, représentée par MM. Gérard Laederach et Jean-Pierre Beck. Cette entreprise est active dans le transport des produits chimiques et de différentes matières, ainsi que de personnes dans le cadre du transport touristique et, plus récemment, dans les transports urbains.

Après avoir exposé les activités de sous-traitance assurées par l'entreprise Beck, les représentants de cette entreprise relèvent qu'en ce qui concerne la « convention collective de travail » il ressort de l'exposé des motifs que la volonté des initiants est de contraindre les TPG à sous-traiter certaines lignes aux entreprises signataires d'une convention collective. Les entreprises soumissionnaires ont différentes activités. Les contrats avec les TPG sont actuellement de 5 ans. Le personnel de Beck est en grande partie polyvalent et peut être affecté à d'autres tâches en cas de non-reconduction d'un contrat. La décision d'établir une convention collective reviendrait aux organismes professionnels de la branche. Les TPG ne sont pas soumis à une convention collective, mais ils ont leurs propres statuts. Tant que les entreprises de transport françaises pourront soumissionner à Genève, il serait illusoire de croire qu'elles voudront signer un tel document dans le canton.

Sur la question du dumping salarial, l'entreprise Beck a toujours pratiqué une politique salariale lui permettant de fidéliser son personnel. Pour la durée du travail, Beck est même en-dessous des TPG pour les heures de conduite dites heures commerciales. L'entreprise Beck établit un programme tournant sur 18 semaines, avec une moyenne de 39,5 heures de présence et 32,5 heures de conduite. Dans ce calcul interviennent des pauses supérieures à 30, voire 45 minutes.

L'écart de près de 40 % lors de la dernière soumission ne résulte pas de la masse salariale, mais du calcul des marges. Cinq sous-traitants (3 français et 2 suisses) ont pris part à la dernière soumission (Cornavin-Ferney-Gex). Ils devaient s'engager à acheter des bus pour renouveler le parc. Le cahier des charges était extrêmement rigide et les différences du coût de la vie se sont avérées déterminantes. Là aussi, Beck s'était engagé à reprendre le personnel travaillant sur ces lignes aux conditions salariales en vigueur à Genève.

M. Beck fait partie de l'Association suisse des transporteurs. Il déclare que son entreprise ne fait partie ni de la convention collective applicable aux transports, déménageurs et taxis, ni de l'AETG. M. Beck déclare qu'il conviendrait de ne pas trop alourdir les charges sociales déjà élevées, mais qu'une convention collective ne peut être que bénéfique, dans la mesure où elle permet d'évoluer sur de nombreux points. Il conviendrait toutefois qu'elle soit capable de traiter les différentes activités, les conducteurs de bus urbains n'ayant pas la même profession que les transporteurs de produits. Il insiste sur la nécessité d'une convention large, permettant de conserver la richesse que représente la polyvalence au sein d'une entreprise.

Les trois entreprises françaises citées dans les dernières soumissions ne devraient-elles pas se voir imposer des conventions collectives afin d'assurer une égalité de conditions qui s'appliquerait à toutes les entreprises françaises y compris ?

La difficulté d'établir une concordance entre les salaires genevois et français se refléterait nécessairement dans une convention collective cantonale ou fédérale. Par ailleurs, ses contacts avec les représentants des communes françaises dans le cadre de la soumission évoquée lui ont fait prendre conscience d'une pression politique considérable. La concurrence est difficile à ce niveau-là, et l'entreprise Beck imagine mal une solution à court terme.

Face aux difficultés rencontrées par les entreprises genevoises d'obtenir une adjudication en France, en raison des multiples règles non écrites, il est demandé si une convention collective ne mettrait pas tout le monde sur un pied d'égalité. La concurrence pose tout le problème de l'ouverture des marchés, avec des appels d'offres et des charges salariales différentes selon la localisation de l'entreprise.

Le 13 février 2001, la Commission des transports a auditionné les représentants de l'AGPA représentée par MM. Christian Jouvenoz, président et directeur de Touriscar et Jean Piffaretti, vice-président de l'association et directeur de JP Excursions.

La création de l'AGPA remonte à environ un an. L'association regroupe tous les transporteurs genevois (Beck, Dupraz Bus, JP Excursions, Odier, OM Voyages, Startour et Touriscar) sauf deux, dont l'un rejoindra les rangs de l'AGPA lors de sa prochaine séance. En tout, ces entreprises comptent 60 autocars de luxe, dits de tourisme. Le coût d'un car est d'environ CHF 450'000 et l'amortissement se fait sur 6 à 7 ans suivant l'utilisation, la durée de vie d'un car étant moins longue dans le cadre du tourisme que du transport d'enfants. Les charges journalières (salaires, taxes poids lourds depuis le 1er janvier 2001, gasoil, assurances, etc.) s'élèvent à CHF 400./jour/car. Suivant le type d'activité, les cars roulent à quelque CHF 700 à 800 par jour. L'AGPA tente de regrouper les transporteurs pour leur permettre de se défendre contre les nombreuses taxes. Un certain succès a été remporté en ce qui concerne la taxe poids lourds, pénalisante pour les transporteurs, dans la mesure où les cars paient moins que les camions.

En ce qui concerne la problématique de la concurrence extérieure dans le domaine des bus, au-delà de la question de l'inégalité de traitement et de distorsion de concurrence en matière de TVA par exemple, l'AGPA n'est pas contre un éventuel élargissement de la convention collective existante, mais précise que les entreprises sont déjà tenues par l'EPR en matière d'horaires, les 'mouchards' étant soumis à un contrôle de police annuel. Malgré l'absence de convention collective, les chauffeurs sont protégés. En effet, leur recrutement est de plus en plus difficile au niveau national et en cas d'embauche de frontaliers, l'OCE impose un salaire minimum de CHF 4'000. Une convention collective ne fera que confirmer la situation actuelle.

L'AGPA déclare que le salaire mensuel moyen des chauffeurs français est d'environ FRF 7.000. Elle estime que les TPG devraient être rigoureux et exiger le respect de conditions salariales minimales pour les chauffeurs embauchés dans le cadre d'opérations de sous-traitance.

Actuellement les salaires à l'embauche sont de CHF 4'000. Rares sont les chauffeurs à Genève qui changent d'entreprise, les conditions étant pratiquement identiques et jugées raisonnables. La concurrence des chauffeurs étrangers éveille une certaine crainte, notamment ceux employés par des entreprises allemandes (les moins chères sur le marché), où le personnel, souvent originaire de pays de l'Est, travaille pour « trois fois rien ».

La sous-traitance pour les TPG est un autre métier, qui exige la mise en place d'une structure et d'un personnel différent. Seules les entreprises Beck et Dupraz s'y intéressent, Dupraz depuis bien longtemps, à une époque où il n'existait même pas de procédure d'appel d'offres. L'AGPA est intervenue auprès des TPG pour obtenir des procédures plus précises et améliorer la transparence. Depuis, les choses se font dans les règles avec l'insertion dans le Journal officiel, etc.

Avec ce projet de loi, l'AGPA craint qu'une de leurs entreprises qui ne souhaite pas son rattachement à une convention collective, soit pénalisée et ne puisse jamais faire de soumission auprès des TPG.

Pour le projet de loi, l'AGPA estime que, dans le cadre des attributions, les TPG devraient préciser le salaire des chauffeurs, l'employeur devant le confirmer en produisant une attestation en bonne et due forme.

Le 3 avril 2001, la Commission des transports a auditionné le responsable des activités des inspecteurs du travail qui contrôlent les usages de travail en vigueur à Genève. Il explique qu'une entreprise qui souhaite bénéficier de commandes de services publics doit être signataire de la convention collective en vigueur dans son secteur d'activité ou, le cas échéant, doit être signataire d'un engagement de respect des usages.

Une fois que l'entreprise a pris contact, l'OCIRT s'intéresse aux activités principales de l'entreprise en question ainsi qu'aux travailleurs concernés. De nombreux renseignements sont exigés : les documents d'attestations sociales, les fiches de salaires du mois de décembre et du dernier mois écoulé, les qualifications professionnelles des travailleurs, leur nombre d'années de service ainsi que la durée hebdomadaire de leur travail. La raison de ces renseignements est le contrôle du respect des usages et des salaires minima genevois. L'OCIRT procède alors à un contrôle suivi. Puis, l'entreprise doit signer un engagement de respect des usages. Si l'entreprise répond aux attentes et qu'elle s'est engagée, l'OCIRT lui délivre une première attestation et la revoit douze mois plus tard (échéance maximale) afin de vérifier si les usages sont toujours respectés. Si les usages sont respectés, le prochain contrôle est fixé à trois ans. Si ce n'est pas le cas, des ajustements sont demandés et une nouvelle visite se déroule à nouveau une année après. Ainsi, il y a en tout quatre contrôles qui s'effectuent sur une période de quatre ans. Le premier contrôle est fait par un inspecteur qui se rend au siège de l'entreprise pour une interview et un contrôle du dossier, les renseignements sont saisis sur portable. Les deux autres contrôles se font généralement par correspondance.

L'OCIRT n'a pas la volonté de procéder à un contrôle aigu. Le travail se fait en toute objectivité face au dossier. Les objectifs sont le respect du salaire minimal et l'égalité de traitement entre les travailleurs. Leur souhait est « de convaincre plutôt que de contraindre » ! Cependant, si le respect des usages n'est pas effectué, l'autorité de l'OCIRT exerce tout de même une certaine pression et peut refuser l'octroi d'attestation.

Les fondations de droit public auxquelles doivent s'appliquer le règlement sont listées. Il explique que des entreprises privées s'intéressent également à l'octroi d'une telle attestation prouvant ainsi la qualité de leur dossier. Même des architectes privés et des propriétaires en ont fait la demande. Il ajoute que certaines entreprises, refusant une adhésion individuelle, contactent directement l'OCIRT, car elles préfèrent adhérer au siège étatique. Cependant, il poursuit en déclarant que ce type de demandes est à éviter : plus le cercle de travail est restreint, meilleur en sera le travail.

Sur la question du droit en usage en cas de contrôles français ou suisses, il est expliqué aux membres de la Commission des transports que la convention collective de travail, définie comme constitutive de l'usage, est privilégiée. Dans le cas contraire, la convention la plus proche de la collectivité est adoptée. Il ajoute que si le secteur n'a pas de convention collective de travail (par exemple, les petits épiciers ou les opticiens), une enquête de longue haleine est entreprise. Ces enquêtes doivent, selon lui, être renforcées dans le cadre de l'entrée en vigueur des accords bilatéraux. L'objectif de l'enquête est de prélever les conditions de travail en usage sur un échantillon représentatif afin d'affiner une grille d'évaluation permettant le choix d'une méthode applicable. Les contrôles sont ensuite poursuivis par correspondance ou lors de visites. Les principaux contrôles se font sur les salaires, la durée des vacances, l'octroi de garanties et la perte de gains en cas de maladie. L'équipe de l'OCIRT est actuellement constituée d'une juriste et d'un avocat et sera prochainement renforcée par des licenciés SES (de licences différentes) afin de former une équipe pluridisciplinaire et de développer une manière de travailler plus performante, notamment sur le plan technique.

Une entreprise qui effectue un travail sur Genève pendant quelques mois doit respecter les minima durant la totalité de la période. Cependant, une fois que l'entreprise retourne travailler sur France, l'OCIRT ne peut plus effectuer de contrôles. Pourtant, il ajoute que même si des contrôles pointus sont effectués, contrôle de l'état des comptes, contrôle de chantiers, etc., la garantie d'une parfaite égalité n'existe pas comme le démontre l'exemple d'une entreprise étrangère qui travaille à la « raclette » et verse les CHF 3'600 minima (chiffre donné à titre d'exemple) - en ajoutant les charges, la différence sera très nette par rapport à une entreprise qui verse plus. C'est pourquoi l'OCIRT travaille au niveau brut et ne tient pas compte des charges sociales.

Les accords bilatéraux engendreront des conséquences sur les relations de travail entre la Suisse et la France et augmenteront le risque de dumping salarial. L'OCIRT travaille sur des bases réglementaires qui imposent le respect, quelle que soit la nationalité et le type de séjour. Cependant, il poursuit en admettant que certaines entreprises respectent les conditions de travail seulement lorsqu'elles ont affaire à des permis C ou suisses. Il y a ainsi une inégalité de traitement. Ainsi, en privilégiant les contrats-types de travail, toutes ces obligations vont déployer leurs effets pour l'ensemble des travailleurs. Il y aura plus de moyens pour contrôler un plus grand nombre de travailleurs.

Le Département de justice et police et des transports a présenté une note juridique portant sur un examen de ce projet de loi en ce qui concerne le droit des marchés publics ainsi que celui des conventions collectives de travail. Cette note du département conclut que le projet de loi 8415 serait illégal et qu'il n'apporterait pas de plus-value par rapport à la législation cantonale en vigueur. Cette note précise encore que si le besoin d'établir des conventions collectives se fait sentir à Genève suite aux accords bilatéraux, cela doit se faire dans le cadre de la loi fédérale. Il ne peut s'agir que de mesures d'ensemble, qui ne peuvent pas toucher uniquement une entreprise particulière dans une loi spécialisée, ainsi, selon cette note du département, « le projet de loi 8415 vise à imposer une extension partielle sans tenir compte de ces conditions et semble ainsi contourner la loi fédérale permettant d'étendre le champ d'application de la convention collective de travail, du 28 septembre 1956 » (Lecques).

Les auteurs du projet de loi contestent l'analyse juridique du projet de loi 8415 présentée par le département. Les conclusions de cette note juridique interne estiment que « la disposition prévue par le projet de loi 8415, à savoir l'obligation indirecte d'adhérer à une CCT sous peine d'exclusion de certains marchés publics, est illégale. Elle viole tant le droit fédéral que le droit cantonal régissant les marchés publics ». Elle serait de plus, toujours selon cette note juridique, inutile, dans la mesure où le but qu'elle vise fait déjà l'objet de l'art. 25 du règlement qui exige soit que le soumissionnaire soit lié par la CCT de la branche concernée, soit qu'il respecte les usages de ladite branche, et que ce respect soit soumis à des contrôles par l'OCIRT. De plus cette note considère que le projet de loi visé impose une extension partielle de la CCT sans tenir compte de ces conditions et semble ainsi contourner la LECCT.

La note présentée fonde en fait toute son argumentation sur la base du règlement cantonal sur la passation des marchés publics en matière de fournitures et de services, du 23 août 1999 (L 6 05.03) et notamment de ses articles 1 à 8. Ce règlement concrétise les dispositions de l'accord intercantonal sur les marchés publics (AIMP). Les TPG sont explicitement mentionnés parmi les autorités adjudicatrices figurant à l'annexe 2 du règlement.

Or, l'exigence de convention collective formulée dans le projet de loi 8415 qui se fonde sur une loi et un règlement, est située hiérarchiquement au-dessous de la loi. L'argument que cette loi serait illégale ne peut donc se fonder sur un règlement comme le fait la note « juridique ».

Dans le cas de l'accord GATT/OMC, les lois fédérales s'appliquent et il n'y a aucune contradiction. D'ailleurs la note admet la possibilité d'une CCT, puisque qu'elle précise : « le but qu'elle vise fait déjà l'objet de l'art. 25 du règlement qui exige soit que le soumissionnaire soit lié par la CCT de la branche concernée, soit qu'il respecte les usages de ladite branche, et que ce respect est soumis à des contrôles par l'OCIRT ». Comment déclarer simultanément une disposition illégale et inutile car faisant déjà l'objet d'une disposition pouvant être appliquée !

L'OCIRT a expliqué devant la commission on ne peut plus clairement qu'il existe une convention collective à Genève servant de base pour l'attestation de l'OCIRT et qu'il n'y a pas de problèmes d'extension comme le prétend la note juridique et que cette décision est parfaitement dans les compétences du législateur cantonal. Il est nécessaire de définir la forme de l'application des conventions collectives. Ainsi, il n'y a pas de convention collective qui fasse de la surenchère et ce plancher ne peut et ne doit pas être abaissé. C'est exactement ce que propose le projet de loi. Les entreprises qui postulent à Genève doivent fournir une attestation de l'OCIRT, une convention collective telle que prévue dans ce projet de loi répond parfaitement à cette exigence et facilitera les démarches administratives pour toutes les parties concernées.

L'objectif de cette loi est d'éviter que des mises au concours qui favorisent le dumping salarial et social soient un élément constitutif de mauvaises conditions de travail. A cet égard, l'audition de l'OCIRT a permis d'éclaircir les conditions exigibles lors d'adjudication d'offres de sous-traitances par l'entreprise des TPG. Pour la majorité de la commission il était dès lors nécessaire de mettre en vigueur le présent projet de loi car il n'est pas possible de tenir un double langage dans un domaine aussi important que le respect des conditions de travail. Il en va aussi de la crédibilité de tous ceux qui ont soutenu les accords bilatéraux et les mesures d'accompagnement qui sont liées et qui prévoient précisément la mise en place de conventions collectives de travail.

Art. 1, al. 6

Pour :   6 (3 S, 3 AdG)

Contre :   4 (2 R, 1 DC, 1L)

Abstentions :   2 (1 DC, 1 Ve)

Art. 19, al. 2

Pour :   8 (3 S, 3 AdG, 2 DC)

Contre :   3 (2 R, 1 L)

Abstentions :   1 (1 Ve)

Art. 2

Pour :   6 (3 S, 3 AdG)

Contre :   5 (2 R, 1 L, 2 DC)

Abstentions :   1 (1 Ve)

Pour :   6 (3 S, 3 AdG)

Contre :   5 (2 R, 1 L, 2 DC)

Abstentions :   1 (1 Ve)

Au bénéfice de ces explications, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à suivre les recommandations du rapport de la Commission des transports et à voter le présent projet de loi.

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :

Article 1

La loi sur les Transports publics genevois, du 21 novembre 1975, est modifiée comme suit :

Art. 1, al. 6  (nouveau, les al. 6 à 8 anciens devenant les al. 7 à 9)

6 Les activités de sous-traitance prévues à l'alinéa 5 ne peuvent être attribuées par les TPG qu'à des entreprises signataires d'une convention collective de travail reconnue.

Art. 19, al. 2, lettre s (nouvelle, les lettres s et t anciennes devenant les lettres t et u)

Article 2

La présente loi entre en vigueur le lendemain de sa promulgation.

Premier débat

La présidente. Voulez-vous compléter votre rapport, Monsieur Vanek ?

M. Pierre Vanek (AdG), rapporteur. Non, je n'ai pas de complément à apporter à ce rapport ! Le projet de loi parle de lui-même.

Mme Anne Briol (Ve). Les Verts souhaitent bien évidemment que tout risque de dumping social ou salarial soit écarté lorsque les TPG concluent des contrats de sous-traitance. Sur ce point, nous ne sommes malheureusement pas satisfaits du projet de loi tel qu'il ressort de la commission. En effet, il reste beaucoup trop de zones d'ombre qui n'ont pas pu être éclaircies lors des travaux de commission.

Nous aurions bien voulu avoir davantage de précisions pendant ces travaux, mais nous n'avons pas pu les obtenir. Par exemple, une note juridique transmise à la commission par le département nous indiquait que l'article 1, alinéa 6 de ce projet de loi n'était pas conforme à la disposition fédérale. D'autres voix de la commission nous ont déclaré l'inverse. Nous n'avons finalement pas pu trancher ce point et nous sommes restés dans le vague. Autre exemple, l'audition des TPG nous a révélé que la formulation du projet de loi risquait de mettre un terme à l'exploitation des lignes transfrontalières selon le modèle actuel. D'autres informations, parvenues après les travaux de commission, laisseraient entendre qu'il ne poserait pas de problème, mais nous n'avons pas reçu d'information officielle sur ce point.

Nous estimons ainsi que beaucoup de questions, très controversées, sont restées sans réponse. Voter le projet de loi dans ces conditions reviendrait à prendre le risque d'enterrer brutalement des lignes transfrontalières, ce qui a été relevé par les TPG lors de leur audition, même s'ils se sont déclarés favorables au principe du projet de loi. Ils ont cependant précisé que la rédaction du projet de loi pouvait donner lieu à ce problème. Nous pensons que ce n'est pas la volonté de ses auteurs.

Pour toutes ces raisons, nous vous proposons de renvoyer ce projet de loi en commission et de le traiter très rapidement. Je pense que nous devrions y parvenir en une séance, en demandant notamment à l'OCIRT une note écrite concernant ce projet de loi, puisque les contacts ont apparemment montré qu'il ne posait pas de problème. Mais nous ne disposons, comme je l'ai dit tout à l'heure, d'aucune décision officielle sur ce point. Une audition, avec des indications claires, de l'OCIRT serait donc utile, afin que l'on puisse voter un projet de loi qui aille dans le sens de ses auteurs, mais qui soit conforme à 100% avec le droit fédéral et avec le projet des TPG, à savoir la poursuite des lignes transfrontalières.

Je vous propose donc un renvoi en commission ! 

M. Jean Spielmann (AdG). Je crois que la proposition qui vient d'être faite, un renvoi en commission, n'est pas judicieuse. Ceux qui auront lu le rapport auront en effet constaté que l'OCIRT a été auditionné, que trois pages du rapport concernent l'audition de l'OCIRT, que les problèmes soulevés par rapport aux lignes transfrontalières peuvent être résolus et que M. Michel Ducret a proposé un amendement.

Je m'empresse de dire ici qu'une discussion a eu lieu à l'OCIRT, à la suite des travaux de la commission - M. le président du Conseil d'Etat y a fait allusion ce matin - entre les entreprises de transport et les syndicats. La discussion a porté sur l'application de ces dispositions au regard d'une convention collective et les conséquences d'une telle convention sur le domaine des transports. Il a été dit qu'il n'y avait pas de problème. Le seul problème constaté concernait en fait la limitation de la disposition sur le plan cantonal, par une convention collective cantonale de branche, qui ne spécifie pas le nom d'une entreprise, mais qui permette à toutes les entreprises d'être dans le coup de cette convention collective et par conséquent de répondre au dispositif de la loi sur les TPG.

L'amendement de M. Michel Ducret, prévoyant qui doit exercer sur le territoire suisse, est à mon avis une première démarche, mais qui n'est pas complètement cohérente. On nous a en effet expliqué que les conventions collectives relevaient du droit cantonal. Par conséquent, si l'on veut qu'elles débordent sur le canton de Vaud, il faudrait un accord intercantonal Vaud - Genève. Je propose donc que l'amendement de M. Ducret précise que les sous-traitances, prévues à l'alinéa 5, sont exercées sur le territoire du canton de Genève. La situation serait ainsi claire et nette et l'on n'aurait plus de problème, ni avec les lignes transfrontalières, ni avec les lignes du canton de Vaud. Cela permettrait de résoudre les problèmes et surtout de mettre en place un dispositif qui protège aussi bien les entreprises genevoises de transport que les employés de ces entreprises et qui évite, chaque fois qu'il y a sous-traitance, que l'on prenne un risque de dumping social et salarial. Lors de l'importante série d'auditions menées par la commission, aussi bien les Transports publics genevois, représentés par le président de leur conseil d'administration, que les autres représentants ont été favorables à la disposition prévue. Les entreprises de bus ne s'y sont pas toutes opposées. Elles ont exposé les problèmes de fonctionnement. Les autocaristes ont indiqué qu'ils n'étaient pas touchés par cette convention. Elle touche effectivement les lignes de bus.

Il me semble particulièrement important de dire ici que si l'on veut que le domaine du transport public à Genève, le transport via des lignes sous-traitées, soit protégé et qu'il n'y ait pas de dumping à ce niveau-là qui vienne de l'extérieur, que les entreprises puissent faire des adjudications et répondre aux besoins des TPG dans les 6% de lignes sous-traitées par ceux-ci, il faut mettre en place des règles qui évitent un tel dumping salarial. Les propositions qui sont faites ici sont parfaitement adéquates, approuvées par l'OCIRT, aussi bien dans le contenu du rapport que dans les auditions que nous avons eues. Je ne vois donc pas ce qu'un renvoi en commission pourrait apporter de plus. Il a été répondu aux questions posées au niveau de l'OCIRT. On répondra aux questions transfrontalières si l'on accepte l'amendement de M. Ducret. Ainsi, cette loi peut parfaitement être votée et entrer en vigueur.

Mme Françoise Schenk-Gottret (S). Ainsi que vous l'avez vu, ce projet de loi comporte deux volets. Nous nous félicitons qu'ils aient reçu l'aval du conseil d'administration des TPG, ainsi que nous l'avons appris lors de leur audition.

L'article 1, alinéa 6 a mobilisé à lui seul la majorité du temps lors des travaux de la commission. Nous avons dû procéder à de nombreuses et longues auditions, aussi bien celles des TPG que celles de plusieurs entreprises de transport. Si la direction des TPG nous a paru pour le moins confuse, l'audition du responsable des activités des inspecteurs du travail, qui contrôlent les usages de travail en vigueur à Genève, nous a apporté les éclaircissements dont nous avions besoin pour aboutir dans nos travaux. Les risques de dumping salarial sont une des conséquences des accords bilatéraux. Certaines entreprises ne respectent les conditions de travail que lorsqu'elles ont affaire à des permis C ou à des Suisses. Il y a inégalité de traitement. En privilégiant les contrats-types de travail, toutes ces obligations vont déployer leurs effets pour l'ensemble des travailleurs. Il y aura plus de moyens pour contrôler un plus grand nombre de travailleurs.

Je fais remarquer au passage que ce rapport est remarquable de par son sérieux, sa qualité et sa vision complète de la problématique. L'argumentation en droit, telle qu'elle est développée à la page 11 du rapport, est parfaitement convaincante. Elle nous permet de conserver nos convictions europhiles et nos convictions de députés de l'Alternative, attachés à défendre les droits des travailleurs. Il s'avère que l'article 1, alinéa 6 du projet de loi a toute sa pertinence. Aussi, le groupe socialiste votera ce projet de loi dans son entier et vous recommande de faire de même. 

M. Michel Ducret (R). Quels sont les buts de cette proposition ? En fait, c'est de protéger les travailleurs qui ne sont pas aux Transports publics genevois, les travailleurs qui ne sont pas eux-mêmes correctement protégés sur le plan des conditions d'emploi. Le résultat, c'est une exclusion totale des entreprises françaises du marché des transports sur territoire genevois. On peut comprendre ce désir, puisque les conditions d'emploi sont différentes. Il y a donc une crainte que l'on casse quelque part le marché. Seulement, cette perspective fusille également, dans la foulée, probablement - la question n'est pas complètement tranchée, mais très probablement - la possibilité d'une réelle gestion transfrontalière des transports, tant il est vrai que l'on ne peut pas, nous, depuis Genève, assurer une desserte au-delà de la frontière dans des conditions concurrentielles par rapport à ce qui est offert de l'autre côté de cette frontière. Dès lors, le danger est très grand, en acceptant tel quel ce projet de loi, d'exclure de facto tout avenir transfrontalier à nos transports collectifs. Nous ne pouvons pas prendre ce risque. Je ne pense pas que c'est ce que voulaient les proposants. Ce n'est en tout cas pas ce que veut le groupe radical !

Tout le monde se réclame sans cesse de l'ouverture à la région et à l'Europe, mais l'on ne peut pas prendre des décisions qui risquent, je dis bien qui risquent, c'est encore à démontrer, mais qui risquent de fermer ces possibilités.

C'est pourquoi, afin d'éviter ce risque, je me suis permis de déposer une proposition d'amendement qui complète simplement le texte prévu :

« Les activités de sous-traitance prévues à l'alinéa 5 et exercées sur le seul territoire suisse ne peuvent... »

M. Spielmann m'a cependant fait remarquer ce matin - j'accepterai volontiers cette modification - que les conventions collectives de travail faisaient effectivement partie d'un droit d'obédience cantonale et qu'il fallait modifier cet amendement en parlant du seul territoire genevois au lieu du seul territoire suisse, ce qui est beaucoup plus clair et beaucoup plus juste. Je me rallie bien évidemment à cette modification. Si l'on peut, Madame la présidente, modifier immédiatement ma proposition d'amendement dans ce sens, cela m'évitera de faire un sous-amendement.

A ce moment-là, nous n'aurons pas ce problème transfrontalier, problème que je n'avais pas vu et que nous aurions aussi avec le canton de Vaud. On évite donc complètement ce genre de problème. Nous gérons les nôtres dans un premier temps. Et les relations avec nos voisins, qu'ils soient vaudois ou qu'ils soient français, peuvent être examinées dans un deuxième temps.

Il est évident que si la proposition de Mme Briol de renvoyer en commission venait à être acceptée, on pourrait tout à fait discuter de cela en commission. En ce qui le concerne, le groupe radical ne voit pas d'objection à un renvoi en commission pour traiter cela rapidement, ainsi que cela a été suggéré tout à l'heure. 

M. Pierre Ducrest (L). Je m'exprimerai simplement sur le renvoi en commission demandé par Mme Briol. Il est vrai que la paix du travail passe par des conventions entre le patronat et les employés, que ce soit au niveau des TPG ou au niveau des entreprises privées. Il est vrai aussi que lorsqu'on fait un projet et que l'on en arrive à l'aboutissement d'une modification de loi, telle qu'on nous la propose aujourd'hui, il faut qu'elle tienne la route. Or, je crois que peu de gens, dans cette enceinte, sont spécialistes de la question. Les propos tenus par mon préopinant, Michel Ducret, démontrent à l'envi que le problème est relativement compliqué. Sa proposition est intéressante, mais l'étude que l'on pourrait en faire en commission, d'une manière fort rapide - je rappelle les paroles de Mme Briol - permettrait à ce parlement d'être saisi d'un projet de loi qui tienne la route. En effet, pour le moment l'on est en train de s'enliser dans des amendements, des sous-amendements et autres. On refait le débat de commission en plénière. Ce n'est pas un bon travail !

Je vous demande donc, mon groupe aussi, de renvoyer ce projet en commission des transports. 

M. Jean Spielmann (AdG). Lors des discussions en commission, tout le monde savait pertinemment quel était le problème. Ces discussions ont d'ailleurs été assez longues, avec les auditions des personnes intéressées, entreprises, etc. Il est donc clair que le problème qui nous est posé, aussi bien pour les TPG que pour le canton de Genève, est le problème des lignes transfrontalières. Ce problème concerne aussi les entreprises de cars et les entreprises de transports publics, qui ne peuvent pas se rendre sur le territoire français, parce que celui-ci est protégé. On peut par contre venir dans le canton de Genève depuis l'autre côté de la frontière sans qu'il y ait de protection par rapport aux bilatérales. Il s'agira donc bien, à un moment donné, que des dispositifs légaux existent et qu'ils puissent être utilisés - dans les discussions que nous avons eues avec l'OCIRT, on a vu qu'il y avait des possibilités dans les accords - mais ce sera long et il faudra négocier avec les collègues français pour arriver à trouver des solutions. Ce sera possible dans un deuxième temps.

En ce qui concerne le canton de Vaud, une convention est en train d'être mise en place dans le contexte du Noctambus et de la ligne de nuit reliant Lausanne et Genève. Des conventions sont mises en place dans le canton de Vaud. On arrivera probablement, dans un avenir relativement proche, à un accord intercantonal par rapport à ce domaine et à l'extension de cette convention collective. Mais le problème qui nous occupe aujourd'hui, c'est celui des lignes sous-traitées par les TPG et du personnel concerné des différentes entreprises qui travaillent sur le canton de Genève. Ce personnel attend maintenant cette convention. Il connaît le projet de loi. Les entreprises ont préparé les documents, l'OCIRT les a contrôlés et tout le monde attend une réponse claire de notre part.

Si on renvoie ce projet en commission, on pourra certes faire un autre projet de loi, qui prenne en compte le problème interrégional et le problème avec les Vaudois, mais je vous demande instamment, au nom d'une bonne partie des travailleurs de ce secteur, au nom des entreprises qui travaillent dans ce secteur-là, de voter aujourd'hui cette convention applicable sur le territoire du canton de Genève. Dans un deuxième temps, je suis prêt à déposer le plus rapidement possible, avec la signature de tous ceux qui seront d'accord de le faire, un projet de loi prévoyant une possibilité de convention collective transfrontalière et intercantonale. Mais franchissons déjà cette première étape sur le canton de Genève ! Elle ne pose pas de problème et les gens ne comprendraient pas que vous refusiez ce qui a déjà été mis en route depuis de nombreux mois. On ne peut pas, sur ce terrain-là, faire plus que ce qui a été fait en commission.

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, trois orateurs ont encore demandé la parole. Je demande vraiment que l'on se prononce sur le renvoi en commission, de manière à ce que l'on puisse déjà voter sur ce premier point !

M. Rémy Pagani (AdG). Nous sommes au pied du mur avec ce projet de loi. Mesdames et Messieurs, je vous rappelle vos déclarations tonitruantes lors de la campagne sur les bilatérales : vous alliez protéger le marché contre le dumping salarial. J'étais personnellement opposé à ces bilatérales, parce que je savais qu'un jour ou l'autre, lorsque les problèmes se poseraient, au moment de choisir entre la protection des travailleurs, la protection du cadre de vie de ces travailleurs, notamment de leur salaire, et le dumping salarial, vous choisiriez le dumping salarial. Or, effectivement, ce projet de loi constitue les prémices de la situation à laquelle nous aurons affaire d'ici deux ans, voire trois ans ou plus, soit la venue d'entreprises extérieures au canton et travaillant à des conditions nettement moindres, notamment à des salaires nettement inférieurs aux salaires de l'ensemble des professions actuellement pratiqués dans notre canton. J'en veux pour preuve le débat actuel !

Lorsqu'on vous demande une protection contre le dumping salarial, dumping que les entreprises frontalières ont la possibilité de pratiquer dans le cadre légal actuel, vous refusez cette protection minimum des contrats-types prévus par la convention collective. Demain, lorsqu'il s'agira de protéger l'ensemble du marché cantonal, j'ose à peine imaginer ce que seront les réactions de la majorité de ce parlement, ou en tout cas des partis de droite représentés en son sein et des milieux économiques. Il est évident que vous choisirez le dumping salarial ! C'est pourquoi il faut aujourd'hui donner un signe clair à ceux qui ont suivi la campagne de votation sur les bilatérales, qui ont fait confiance à ceux qui proclamaient qu'il n'y aurait pas de dumping salarial. Il faut donner un signe clair pour dire que la concurrence, dans notre canton, s'exercera dans d'autres domaines que l'activité des employés et notamment leur salaire.

Le travail n'est pas une marchandise, Mesdames et Messieurs les députés, et nous devons le protéger ! Il y a d'autres secteurs, d'autres portions de l'activité des entreprises qui peuvent faire l'objet d'une libre concurrence, mais en tout cas pas le travail. C'est pourquoi nous vous demandons de soutenir ce projet de loi ! 

M. Christian Brunier (S). En commission, le groupe socialiste a bien sûr soutenu ce projet de loi et a clairement dit qu'il fallait soutenir ces mesures pour honorer les promesses que l'ensemble des partis politiques de ce parlement avaient faites pendant la campagne sur les bilatérales. Nous avions même ajouté que si nous ne tenions pas parole, nous allions à nouveau favoriser l'émergence d'idées de repli et de protectionnisme. Il me semble avoir entendu cela dans l'intervention précédente. Je crois vraiment qu'il faut que l'on honore ses promesses pour barrer la route à ces idées de renfermement sur soi-même. La meilleure manière de barrer la route à ces idées, c'est premièrement de garantir les droits des travailleurs. Ce projet de loi permet de lutter contre le dumping social, mais il permet aussi aux entreprises, qu'elles soient françaises ou suisses, de pouvoir répondre à des soumissions avec les mêmes règles et les mêmes règlements. Je vous rappelle aujourd'hui que ces règles ne sont pas identiques pour tout le monde, puisque, on l'a entendu en commission, les salaires versés par les entreprises genevoises de transport privées, qui sous-traitent des lignes TPG, sont de l'ordre de 3 800 à 4 000 F, alors que les entreprises françaises, en concurrence avec ces entreprises, versent des salaires de 7 000 FF, c'est-à-dire largement moins. Nous devons donc permettre à ces entreprises de se battre avec les mêmes règles, avec les mêmes droits. Nous devons offrir aux travailleurs des droits suffisants pour être protégés contre une déréglementation qui serait dramatique pour l'ouverture des frontières et l'abolition progressive des frontières, pour le commerce, mais aussi pour les citoyennes et citoyens et les travailleuses et travailleurs.

Nous devons donc soutenir ce projet de loi. Il y a urgence. Le renvoi en commission n'amènera rien, d'autant plus que tant les fonctionnaires du département que les représentants des TPG n'ont pas vraiment collaboré avec les députés, ou en tout cas n'ont pas amené une expertise très convaincante, puisque l'avis de droit que nous avons reçu était contradictoire par rapport, entres autres, au témoignage de l'OCIRT, seul témoignage qui a permis d'éclairer un peu le dossier. Un retour en commission n'apporterait rien du tout, aucune valeur ajoutée ! 

M. Jean-Marc Odier (R). Je ne m'étendrai pas sur ce projet de loi sur lequel il y a beaucoup de choses à dire, puisque je suis directement concerné. Simplement, sur la forme, je ne peux quand même pas laisser dire à M. Spielmann que les autocaristes sont favorables à ce projet. C'est faux, c'est une tromperie ! C'est dit dans le rapport. J'estime que cela nécessite, au moins pour cela, un renvoi en commission. 

M. Gérard Ramseyer. Dans ce projet de loi, il y a deux propositions. La première ne pose aucun problème. C'est la redéfinition des compétences pour les adjudications, avec le conseil d'administration des TPG. Les TPG appliquent déjà ce que vous demandez. La deuxième proposition, l'obligation d'être partenaire à une convention collective de travail reconnue, pose un problème. Nous avons dit en commission que ce volet du projet de loi, en excluant les entreprises de la passation de marchés publics parce qu'elles ne sont pas signataires d'une convention collective de travail, créerait une obligation indirecte pour ces entreprises d'y adhérer et que nous court-circuiterions ainsi la législation fédérale en la matière. Nous avons précisé que la loi fédérale permettant d'étendre le champ d'application de la convention collective de travail posait des conditions précises qui ne sont pas, en l'espèce, respectées. Nous avons également indiqué qu'un arrêt récent du Tribunal fédéral, répondant à une problématique similaire, tranchait dans le même sens.

Par conséquent, nous estimons que ce deuxième volet est contraire à certaines dispositions légales. A partir de là, le groupe radical fait une proposition qui permettrait peut-être de déboucher plus rapidement sur une solution. Il y a une proposition de renvoi en commission et une autre proposition invitant à voter quand même ce projet, avec l'idée de voter par la suite un autre projet de loi venant compléter le premier. Je pense que ce n'est pas perdre beaucoup de temps que de retourner en commission, de se faire, par un avis qui soit neutre, expliquer si oui ou non ce deuxième volet viole des dispositions légales, ce qui nous mettrait à l'abri de problèmes ultérieurs. Ceci peut se faire en une seule séance à la rentrée de septembre. Ce dossier peut parfaitement revenir en septembre ou en octobre. Nous n'aurons perdu que quelques mois, mais pour une cause qui en vaut la peine. Car, j'aimerais le dire ici, il n'y a personne dans cette enceinte qui soit partisan de quoi que ce soit en ce qui concerne le dumping salarial. Raison pour laquelle le Conseil d'Etat ne s'oppose pas à un retour en commission. Cela ne le dérange pas.

La présidente. Monsieur le député Spielmann, sur le renvoi en commission exclusivement, afin que l'on puisse voter maintenant !

M. Jean Spielmann (AdG). L'argument développé par M. Ramseyer concernant la convention collective et les avis déposés par le département ne tiennent tout simplement pas la route !

La loi sur les marchés publics donne le droit de demander une convention collective. Cela a été dit et c'est marqué dans les règlements et les lois. La note juridique que vous avez sous les yeux, si vous la lisez comme il faut, précise que l'on ne peut pas modifier la loi parce que la modification viole un règlement... Depuis quand ne peut-on pas modifier une loi parce que la modification violerait un règlement ? Un règlement est d'un niveau inférieur à la loi et les règlements doivent être adaptés à la loi. Cela ne tient donc tout simplement pas la route. La note juridique, on l'a dit dans le cadre des travaux de la commission, on le sait déjà., tout le monde le sait, on l'a mis dans le rapport, ne tient pas la route ! Ce n'est donc pas un argument valable.

Mesdames et Messieurs, si vous ne voulez pas voter cette loi ce soir, cela signifie vraiment que vous n'êtes pas cohérents avec vous-mêmes dans ce domaine, que vous ne faites pas confiance aux partenaires sociaux et que vous ne voulez pas appliquer ce que vous aviez promis au moment des bilatérales. 

Mise aux voix, la proposition de renvoyer ce projet à la commission des transports est adoptée.