République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 7757-B
13. Rapport de la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Pierre Meyll, Magdalena Filipowski, Dolorès Loly Bolay, Régis de Battista, Mireille Gossauer-Zurcher, René Longet, Fabienne Bugnon, David Hiler et Antonio Hodgers modifiant la loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève (B 1 01). ( -) PL7757
 Mémorial 1997 : Projet, 9491. Renvoi en commission, 9493.
 Mémorial 2000 : Rapport, 1809. Renvoi en commission, 1819.
Rapport de M. Alain Charbonnier (S), commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil

C'est sous l'excellente présidence de Mme Mireille Gossauer-Zurcher, que la Commission des droits politiques et règlement du Grand Conseil s'est réunie à trois reprises, les 22 et 29 novembre 2000, ainsi que le 6 décembre 2000, afin de débattre à nouveau du projet de loi 7757 concernant la motion communale.

La commission a pu compter, lors de ses travaux, sur l'aide précieuse de M. René Kronstein, directeur de l'administration des communes et de M. Patrick Ascheri, chef du service des votations et élections. Les indispensables et excellents procès-verbaux furent tenus par M. Christophe Vuilleumier et M. Carlos Orjales.

Le projet de loi 7757 a été déposé le 7 novembre 1997 par les partis de l'Alternative et un premier rapport seulement le 27 janvier 2000. A la suite de ce premier débat et grâce à une majorité de circonstance, le vote d'entrée en matière fut refusé par la commission. Il y eut donc un « aller-retour » de la commission à la plénière et la commission a repris donc les débats sur ce projet de loi 7757 en novembre 2000.

Ce projet de loi a été déposé afin de donner la possibilité à une commune de rédiger une motion, directement à l'intention du Grand Conseil. Ce dernier, selon le texte du projet de loi, doit l'envoyer en commission et celle-ci auditionne les auteurs. Ce droit de motion communale est exercé par le conseil municipal, sur proposition d'un de ses membres ou de l'exécutif communal.

L'exposé des motifs du projet de loi décrit comme analogue à la possibilité qu'a le Parlement cantonal de déposer des initiatives cantonales auprès de l'Assemblée fédérale, ce nouveau droit institutionnel réservé au communes. Les auteurs expliquent que les liens entre le Grand Conseil et les communes sont d'une importance croissante et qu'il faut trouver de nouveaux moyens pour garantir le dialogue entre les autorités communale et cantonale.

Le vote d'entrée en matière est tout de suite accepté par une majorité, les partis de l'alternative (8 OUI) l'acceptant, ceux de l'entente (6 NON) la refusant. Le projet de loi 7757 modifie en fait deux lois. D'abord celle portant règlement du Grand Conseil et ensuite celle portant sur l'administration des communes. Un commissaire pense qu'il eut été plus logique d'effectuer ces changements dans le sens inverse. Cette proposition est acceptée, ainsi l'ordre entre les deux lois est inversé. Dans la foulée, une proposition de changement du titre est également acceptée et ce titre devient : Projet de loi (7757) modifiant la loi sur l'administration des communes (droit de motion communale)

La loi sur l'administration des communes, du 13 avril 1984 est modifiée comme suit :

Il aura donc pratiquement fallu une législature pour que le vote sur ce projet de loi ait lieu au sein de notre Parlement. Ce nouveau droit, accordé aux communes, permettrait, si le Grand Conseil l'accepte, de créer un lien direct entre les Conseils municipaux et notre Parlement.

Les partis de l'Alternative, dépositaires de ce projet de loi, souhaitent rapprocher les communes de notre Parlement. En effet, le travail toujours plus important imposé aux élus communaux et cantonaux, rend les doubles mandats de plus en plus difficiles, voir impossibles à assumer. Le lien entre les Conseils municipaux et le Grand Conseil s'en trouve péjoré et ce projet de loi est un instrument afin de le renforcer. La majorité de la commission vous prie donc de bien vouloir la suivre et d'accepter ce projet de loi instaurant la motion communale.

ANNEXE

Secrétariat du Grand Conseil

Proposition de Mmes et M. Pierre Meyll, Magdalena Filipowski, Dolorès Loly Bolay, Régis De Battista, Mireille Gossauer-Zurcher, René Longet, Fabienne Bugnon, David Hiler, Antonio Hodgers

Dépôt: 7 novembre 1997

PL 7757

PROJET DE LOI

modifiant la loi portant règlement du Grand Conseil de la Républiqueet canton de Genève

(B 1 01)

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article 1

La loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève, du 13 septembre 1985, est modifiée comme suit:

Art. 147 A (nouveau)

1 Lorsqu'une proposition de motion émane d'une commune, au sens de l'article 37A de la loi sur l'administration des communes, le renvoi en commission est obligatoire.

2 La commission désignée par le Grand Conseil pour l'examen de la proposition en entend les auteurs. Pour le reste, la procédure est la même que pour une motion d'origine parlementaire.

Art. 2

La loi sur l'administration des communes, du 13 avril 1984, est modifiée comme suit:

Art. 30, al. 1, lettre z (nouvelle)

z) l'exercice du droit de motion auprès du Grand Conseil.

Chapitre V ADroit de motion (nouveau)

Art. 37 A (nouveau)

1 Toute commune dispose, au même titre que tout député au Grand Conseil, du droit de proposer une motion auprès du Grand Conseil, avec les mêmes effets.

2 Ce droit est exercé par le conseil municipal, sur proposition d'un de ses membres ou de l'exécutif communal.

Premier débat

M. Alain Charbonnier (S), rapporteur. Ce projet de loi, je le rappelle, a été déposé le 7 novembre 1997. Les années ont passé, mais ce projet de loi reste très actuel.

Lorsque j'étais conseiller municipal de la commune suburbaine dans laquelle je réside, quel n'a pas été mon étonnement de constater l'opposition des partis de l'Entente sur ce projet de loi ! En effet, ce texte demande seulement le rapprochement entre les communes et l'autorité cantonale en donnant la possibilité aux conseillers municipaux d'envoyer une motion sur la proposition d'un des ses membres ou de l'exécutif au Grand Conseil et que cette dernière soit traitée comme toute autre motion déposée par un ou des députés.

Je le rappelle, le Grand Conseil possède le même droit vis-à-vis de l'autorité fédérale que celui que nous proposons d'offrir ce soir aux communes. Alors, quel est le problème ou le danger que les partis de l'Entente peuvent craindre ? Les outils de la démocratie ne seraient-ils bons que pour certains ! Je crois que les conseillers municipaux et les membres des exécutifs communaux, qu'ils soient de droite ou de gauche, auront des objets importants à nous soumettre et que le choix de la motion, qui, je le souligne, n'est pas véritablement contraignante, est très important pour le rapprochement entre ces deux autorités, ce qui ne sera pas superflu, c'est le moins que l'on puisse dire...

D'autre part, je trouve blessant, pour les autorités municipales, de leur refuser cet outil démocratique. Je vous encourage donc à changer d'avis et à suivre la majorité de la commission. 

M. René Koechlin (L). Je voudrais tout de suite rassurer M. le rapporteur : nous ne voyons aucun danger au sens où vous l'entendez ! Seulement nous ne sommes pas d'accord, parce qu'on est en train de mélanger les genres...

Au plan de l'efficacité parlementaire, une motion équivaut à une pétition : il s'agit d'un texte que l'on renvoie au Conseil d'Etat qui est chargé de le traiter et d'y répondre. Mais la motion en tant qu'outil est mis à disposition des députés que nous sommes et qui représentons l'ensemble de la population du canton. La pétition est à disposition des citoyens ou des communes... (L'orateur insiste sur le mot «communes».) Toute commune peut adresser au Grand Conseil une pétition ! D'ailleurs, certaines communes ont déjà utilisé cet instrument, mais il faut bien reconnaître que ces cas sont assez rares, ce qui veut dire que les communes éprouvent rarement le besoin viscéral de venir s'exprimer devant ce parlement pour que leurs demandes soient transmises à l'exécutif cantonal. On peut donc penser que ces demandes ne sont pas fondamentales pour le bon fonctionnement des communes et pour le rapprochement de celles-ci avec l'exécutif et le législatif de ce canton.

Les instruments en place sont clairs. Ils sont largement suffisants. Ils ne prétéritent personne, pas plus les communes que les députés; alors, s'il vous plaît, ne mélangez pas tout ! Si les communes peuvent déposer des motions et des pétitions - elles ne sauront d'ailleurs pas très bien s'il vaut mieux l'une ou l'autre, d'où le risque de confusion - il arrivera un moment où des députés se demanderont à quoi ils servent. Il faudra inventer une nouvelle formule... Ce sera une interrogation «machin-chose», que les députés auront eux le privilège et le droit exclusif d'adresser au Conseil d'Etat ! Enfin, bref, c'est sans fin !

Nous avons déjà les interpellations et les interpellations urgentes qui nous prennent beaucoup de temps, alors n'en rajoutons pas, s'il vous plaît ! Restons-en aux outils dont ce parlement dispose et dont disposent les citoyens et les communes ! De grâce, ne compliquons pas et, surtout, ne mélangeons pas les genres ! 

M. John Dupraz (R). Ce qu'il y a de meilleur dans ce rapport, ce sont les louanges adressées à la présidente de la commission, à M. René Kronstein, directeur de l'administration des communes, et à M. Patrick Ascheri, chef du service des votations et élections, ainsi qu'aux auteurs des excellents procès-verbaux... (Rires.) En dehors de cela, ce n'est que verbiage politique et déliquescence des pouvoirs...

M. Daniel Ducommun. Absolument !

M. John Dupraz. L'interlocuteur privilégié du canton, c'est le maire ou le conseiller administratif. Alors, vouloir donner aux conseils municipaux la possibilité de déposer une motion pour s'adresser directement au Grand Conseil, voire au canton, c'est admettre que le fonctionnement des communes est inadéquat et que leurs structures politiques sont inadaptées.

En fait, cette idée vient des gens de gauche, imbus du pouvoir, qui l'ont déjà partiellement et qui veulent se l'approprier un peu plus ! Ce n'est qu'un projet de gringalets politiques, que nous refuserons ! (Exclamations et rires.)

Une voix. Et il a été gentil ! (Exclamations et commentaires.)

La présidente. Monsieur Dupraz, vous avez eu la parole, maintenant, vous la laissez à M. Blanc ! Merci !

M. Claude Blanc (PDC). Merci, Monsieur Dupraz, de me laisser... (Exclamations.)

La présidente. Monsieur Ducommun, laissez M. Blanc parler ! (Exclamations.)

M. Claude Blanc. Bon ! Je vous remercie, Monsieur Dupraz, de me laisser enfin la parole ! Moi, je ne me suis pas permis de vous interrompre, mais vous, évidemment, vous avez votre propre loi !

Mesdames et Messieurs les députés, je vous avouerai franchement que ce projet de loi ne me fait ni chaud ni froid... Comme disait ma grand-mère, il ne mange ni foin ni avoine...

M. John Dupraz. Il y a des ânes !

M. Claude Blanc. Vous ferez ce que vous voulez de ce projet, mais je tiens à vous faire part de mon amusement en entendant le préambule de M. Charbonnier, qui accusait les députés de l'Entente, qui se sont opposés à ce projet de loi en commission, de faire fi de l'importance des communes, de vouloir ignorer les conseils municipaux et, dans le fond, de faire bon marché de l'existence des communes...

Fort bien ! Je vous rappellerai seulement que les conseils municipaux s'expriment de plusieurs manières et que l'expression la plus importante, la plus décisive et la plus solennelle de la volonté d'un conseil municipal, c'est la délibération. Or, à ce niveau-là, Mesdames et Messieurs, je constate que la majorité parlementaire «s'en fout» !

Il n'y a pas quinze jours, Mesdames et Messieurs les députés, vous vous êtes assis sans vergogne sur une délibération du Conseil municipal de la commune de Chêne-Bougeries, considérant que ses membres n'avaient pas le droit de décider de ce qui devait se passer chez eux et que vous vous sentiez plus en mesure qu'eux de savoir quel allait être leur bonheur... Et vous leur avez imposé d'être heureux malgré eux !

Mme Catherine Passaplan. Et comment !

M. Claude Blanc. Voilà dans quelle estime vous tenez en réalité les conseils municipaux : vous vous asseyez sur l'expression la plus solennelle et la plus importante de leur volonté et, ensuite, vous leur donnez du «pipi de minet» comme ersatz, en pensant qu'ils vont s'en contenter. Vous leur jetez cette proposition à la figure leur signifiant ainsi qu'ils doivent s'en contenter, que c'est vous qui décidez de ce qui est important.

Mesdames et Messieurs les députés, vous êtes tous des tartufes ! Et je pense que le peuple saura s'en souvenir ! 

M. Antonio Hodgers (Ve). Si ce soir nous cherchons à donner des droits supplémentaires aux communes, il nous semble que ces droits devraient être supprimés à certains députés après 20 h 30...

Une voix. Très bien ! (Exclamations.)

M. Antonio Hodgers. J'aimerais revenir sur les propos tenus... (Exclamations.) (La présidente agite la cloche.) J'aimerais revenir tout d'abord sur vos propos, Monsieur Koechlin, car vous nous dites que nous voulons, en somme, donner aux communes un droit qu'elles ont déjà par le biais de la pétition...

Monsieur Koechlin, vous connaissez bien notre règlement et vous savez que les effets d'une pétition ne sont pas les mêmes que ceux d'une motion ! La motion invite le Conseil d'Etat à étudier une question déterminée en vue de présenter un projet de loi, d'adopter ou modifier un règlement, ou prendre un arrêté, présenter un rapport sur un objet déterminé... C'est l'article 143 de notre règlement, Monsieur Koechlin !

Vous dites que, vu le nombre peu important de pétitions que les communes nous adressent, ce droit serait inutile... Je crois qu'il faut différencier les choses ! La pétition est un droit pour tout citoyen et pour tout habitant : c'est un droit universel, puisque même les personnes qui n'habitent pas notre canton peuvent en déposer une ! C'est un observatoire très important pour les autorités politiques, un moyen de connaître les gens composant la société civile. Mais il ne faut pas reléguer les institutions communales à ce rang-là, car ce sont des institutions importantes de notre République qui méritent, de ce fait, notre haute considération.

Vous dites par ailleurs que les communes n'ont pas besoin de ce droit... Je vous rappelle un exemple parmi d'autres : souvenez-vous qu'entre 1996 et 1998 notre Conseil a reçu neuf résolutions communales demandant qu'il soit légiféré pour que les étrangers puissent obtenir des droits politiques au niveau communal ! Qu'a-t-il répondu ? Qu'il ne pouvait pas être saisi par des résolutions communales !

Pour que le Conseil d'Etat procède à une entrée en matière, il a fallu la présence d'esprit de ma collègue Bugnon pour transformer ces résolutions communales en une motion parlementaire, afin qu'elle soit formellement prise en compte par le Conseil d'Etat ! On peut donc se rendre compte, dans la pratique, que des demandes sont effectivement formulées par les communes et que ce projet de loi permettrait qu'elles soient directement prises en considération par le Conseil d'Etat.

J'allais répondre aux propos de M. Dupraz, mais je crois que cela ne vaut pas la peine...

Le rapport de M. Charbonnier est excellent. Je regrette que des élus qui se disent issus des communes ne veuillent même pas considérer ce projet avec bienveillance alors qu'il vise, justement, à renforcer un petit peu le pouvoir de ces communes. Regardez les choses en face, Mesdames et Messieurs les députés : à chaque communiqué du Conseil d'Etat, tous les mercredis, des «viennent ensuite» sont nommés par le Conseil d'Etat parce que les listes sont épuisées après deux ans de législature communale ! Cela montre bien le désintérêt de la part des citoyens à l'égard de la politique communale ! Nous devons donc renforcer le rôle de cette politique.

M. John Dupraz. J'en ai marre, moi !

M. Antonio Hodgers. Mesdames et Messieurs, je crois que ce projet ne va rien bouleverser dans la République, si ce n'est donner des droits supplémentaires aux communes pour permettre une meilleure communication entre nos instances municipales et nos autorités cantonales. 

M. Claude Blanc (PDC). Je vous ai entendu avec intérêt, Monsieur Hodgers... Vous avez répondu à tout le monde, mais vous êtes passé comme chat sur braise sur ce que j'ai dit à propos du respect que la majorité parlementaire accordait aux conseils municipaux !

Vous vous êtes étendu longuement sur le droit de déposer des pétitions qui appartient à tout le monde. Vous vous êtes étendu longuement sur le droit de motion que vous voulez donner aux communes, mais vous avez absolument ignoré mes propos sur le fait que l'expression la plus importante et la plus solennelle d'un conseil municipal était la délibération... Quand les délibérations des conseils municipaux ne vous conviennent pas, vous les méprisez, vous vous asseyez dessus... Vous n'avez rien répondu à cela !

Monsieur Hodgers, vous feignez de vouloir soutenir les élus communaux, mais, en réalité, vous les soutenez pour des broutilles et vous les méprisez pour les choses importantes ! 

M. John Dupraz (R). Mon intervention va dans le même sens que celle de mon préopinant M. Blanc.

J'ai vous écouté avec beaucoup d'intérêt, Monsieur Hodgers, parler de donner des pouvoirs aux communes pour leur permettre de s'exprimer... Alors moi, je vais retourner le problème, Monsieur Hodgers... Comme vous avez la majorité, vous allez maintenant imposer la motion communale en donnant le pouvoir aux conseillers municipaux de déposer une motion. Que feriez-vous si le Conseil municipal de la commune de Chêne-Bougeries déposait une motion pour la destruction du goulet ? Vous vous assiériez dessus, comme vous vous êtes assis sur la délibération du conseil municipal !

En fait, dans cette affaire vous êtes des hypocrites : vous suivez l'avis des communes lorsqu'il correspond à votre dogme totalitaire politique, mais, lorsqu'il s'agit de problèmes concrets à régler dans les communes, vous faites valoir le dogme qui vous anime, car vous êtes incapables de régler les problèmes qui intéressent la population de ce canton ! (Exclamations.) 

M. René Koechlin (L). Dans la foulée de ce que viennent de dire M. Blanc et M. Dupraz, je voudrais simplement dire aux motionnaires et à ceux qui soutiennent cette motion que, s'ils étaient vraiment honnêtes dans leurs intentions, ils proposeraient un projet de loi qui autorise les communes à adresser des motions directement au Conseil d'Etat... Alors, oui, ce serait un moyen efficace ! Et cela donnerait peut-être quelques chances d'obtenir des résultats et de faire en sorte que les communes soient un peu plus écoutées !

Mais leur donner le pouvoir d'envoyer des motions à ce Grand Conseil... A voir ce que vous faites, vous, de la volonté communale - on vient de vous citer quelques exemples flagrants - il y a de quoi rire ! C'est de l'hypocrisie pure et politicarde !

Une voix. Bravo ! 

M. Antonio Hodgers (Ve). Messieurs Blanc, Dupraz et Koechlin, je crois que vous confondez les débats... (Rires.)

Effectivement, avec ce projet de loi nous cherchons à introduire dans notre législation le droit aux communes d'être entendues par le biais d'une procédure, comme c'est le cas pour nous, canton de Genève, à Berne. A ce titre, je peux vous dire que quand nous avons voté des résolutions qui ont force d'initiative cantonale - et que vous avez votées avec nous, Mesdames et Messieurs les députés - le Bureau a pu déléguer quelqu'un à Berne. Une fois, j'ai été entendu par une commission du Conseil aux Etats et une fois par une commission du Conseil national. Malheureusement, nos propositions qui ont été adoptées ici à l'unanimité ont été refusées par les Chambres de Berne... Eh alors ? C'est le jeu de la démocratie !

Messieurs, nous instaurons un droit pour que les communes puissent être entendues : nous n'instaurons pas un droit pour que les autorités cantonales aillent forcément dans le sens qu'elles souhaitent ! Vous citez abondamment ce soir un exemple qui n'a rien à voir avec le débat : il ne faut pas confondre les sujets ! Certes, la commune de Chêne-Bougeries a exprimé un avis ; notre Conseil en a un autre : c'est la démocratie, et ce n'est pas l'objet de ce projet de loi ! 

M. Alain Charbonnier (S), rapporteur. Je vais intervenir dans le même sens que M. Hodgers.

Je crois effectivement qu'entre donner le droit de déposer une motion et imposer certaines propositions des communes au Grand Conseil il y a un pas. Nous proposons simplement qu'un débat puisse s'ouvrir entre les communes et notre Grand Conseil. Nous ne sommes pas naïfs au point de proposer d'accepter toutes les propositions des communes. Ce n'est pas notre propos.

Nous n'avons pas la même vision des choses que les communes. Nous, nous devons appréhender les problèmes du canton de façon globale, ce qui n'est pas toujours le cas des communes. Je suis bien placé pour le savoir, puisque je fais encore partie du comité de notre section de Vernier, et je vois bien que sur pas mal de points il peut devenir gênant de jouer sur les deux tableaux, car il y a des moments où il faut bien prendre des décisions. Il y a deux autorités : il me semble justement qu'elles peuvent prendre des décisions différentes.

Il me semble toutefois dommage de ne pas ouvrir les débats et de traiter les communes à un autre niveau que le nôtre.   

Mme Janine Hagmann (L). Depuis quelque temps, il me semble que ce Grand Conseil a un nouveau dada : celui d'imposer des idées aux communes sans leur demander leur avis... Alors, c'est tout de même un petit peu fort ! Vous n'avez même pas auditionné le comité de l'ACG ! Il vous a pourtant fait savoir qu'il était opposé à ce projet de loi ! Je ne vois pas pourquoi vous voulez toujours imposer aux autres ce dont ils ne veulent pas !

Vous êtes tout à fait en dehors de la réalité, Monsieur Hodgers, lorsque vous parlez de la manière dont fonctionnent les communes... On ne peut pas comparer les communes au Grand Conseil ! Les maires et leurs adjoints sont très respectés par la population et les choses se font par osmose, car tout le monde est très lié. Et il est très rare qu'un conseil municipal n'arrive pas à demander à son exécutif de faire savoir au Grand Conseil ce qu'il voudrait lui faire savoir...

Pour ma part, je trouve tout à fait dommage que vous vouliez toujours imposer aux communes des choses qu'elles ne désirent pas.  

M. Jean-Louis Mory (R). En tant qu'exécutif d'une commune, je peux vous dire qu'en quatre ans de législature je n'ai jamais constaté qu'une commune ait été entendue...

Des voix. Bravo !

M. Jean-Louis Mory. Sur tous les projets de lois concernant des déclassements, etc., approuvés par la majorité des conseils municipaux, vous n'avez jamais donné raison à une commune ! Pas une seule fois, en quatre ans ! Je vous assure que c'est désolant ! Pensez-vous que c'est en leur donnant le droit de déposer des motions que les communes auront plus de poids devant le Grand Conseil ? Mais, réfléchissez ! C'est une plaisanterie...

M. Daniel Ducommun. Une dysenterie cérébrale ! (Rires.)

M. Jean-Louis Mory. Voilà, mon copain a tout dit ! (Rires.) Vous pouvez prendre n'importe quelle décision au sujet de ce projet : quand les communes déposeront des motions au Grand Conseil, elles ne seront pas mieux écoutées que par le passé !

C'est ma conclusion, je n'ai rien d'autre à ajouter ! (Applaudissements.)

M. Pierre Vanek (AdG). Ce débat est un peu surréaliste. On entend les députés de droite accuser les députés de gauche d'hypocrisie, d'être des tartufes... C'est une expression de M. Blanc, et il s'y connaît pour le pratiquer dans l'art de la tartuferie !

Une voix. C'est le champion !

M. Pierre Vanek. C'en est le champion, en effet ! Je trouve toutefois qu'il en décerne le prix avec un peu trop de facilité à la gauche qui propose et défend ce projet de loi  !

D'abord sur la question de fond de l'extension d'un certain nombre de droits aux communes, comme nous l'avons fait en matière de zone piétonne par exemple... Et qui a-t-on trouvé dans les rangs des référendaires ? Eh bien, ces messieurs dames des bancs d'en face, qui refusent effectivement cette extension, certes bien modeste, du droit des communes !

On nous dit que les communes n'en veulent pas... Peut-être que Vandoeuvres n'en veut pas : je crois savoir que la Ville de Genève, en tout cas...

M. Olivier Vaucher. C'est pas la seule !

M. Pierre Vanek. Non, ce n'est pas la seule, mais c'est une commune qui a son importance dans cette République, et elle est preneuse de ce droit !

On nous dit d'autres choses tout à fait surprenantes sur les bancs d'en face : que cela ne sert à rien, que nous sommes des hypocrites, parce que nous ne voterons pas les motions qui nous seront soumises si nous ne sommes pas d'accord, etc. Il est certes très possible que nous ne votions pas certaines de ces motions sur lesquelles nous ne serons pas d'accord.

On nous propose d'éluder complètement le débat parlementaire autour d'une motion. Je ne sais plus qui, mélangeant ainsi complètement les genres, a proposé l'idée saugrenue que ces motions devraient être renvoyées directement au Conseil d'Etat sans débat parlementaire ! C'est complètement absurde !

Pourquoi ne pas dire alors que les motions du parti démocrate-chrétien devraient être envoyées directement et automatiquement au Conseil d'Etat sans débat parlementaire ! C'est évidemment parfaitement absurde et parfaitement antidémocratique ! Vous avez un droit en tant que députés, Mesdames et Messieurs de l'Entente, de déposer des motions... Alors, si c'est complètement inutile et inintéressant, sous prétexte que la majorité ne les vote pas, pourquoi continuez-vous, bon sang, à encombrer les travaux de ce parlement en déposant des motions ! Vous le faites pourtant, et vous avez raison de le faire ! Nous l'avons fait quand nous étions dans l'opposition, parce que cela permet un débat politique, démocratique, d'échanger des idées sur des questions importantes qui relèvent des compétences de ce Grand Conseil. C'est évidemment dans ce sens-là que les motionnaires communaux acquerront le droit que vous avez - comme vous l'avez, Monsieur Blanc - en tant que députés.

Effectivement, Monsieur Blanc, je ne vote pas une bonne partie des motions dont vous êtes l'initiateur ou le signataire, mais je me battrai pour que, dans cette enceinte, au nom de la défense des droits démocratiques, chaque député, chaque groupe... (Exclamations.) ...puisse déposer des motions, puisse provoquer des débats, puisse chercher à convaincre ses adversaires politiques, soit pour remporter une majorité soit pour voir sa motion refusée. Donc, le fait qu'un certain nombre de ces motions provenant de certaines communes, dont la majorité vous est proche, ne seront pas acceptées par ce parlement - par la majorité du moment ou la majorité reconduite - n'est pas une raison pour les priver de ce droit dont elles sont demandeuses, pas plus que vous n'en êtes privés, Mesdames et Messieurs des bancs de l'Entente !

J'ai entendu M. Dupraz dire hors micro - mais assez fort pour qu'à mon avis se soit enregistré au Mémorial - que, de toute façon, les motions, le Conseil d'Etat s'assied dessus ! (L'orateur est interpellé par M. Dupraz.)

Il y a effectivement dans ce Grand Conseil un problème de traitement des motions dans les délais légaux - soit six mois - par le Conseil d'Etat. Ainsi, un certain nombre de motions s'accumulent en effet et ne reçoivent pas de réponse dans les délais. Si le Conseil d'Etat viole la loi parce qu'il est surchargé ou pour d'autres raisons, ça n'est pas un motif valable pour ne pas donner ce droit aux communes, qui a été approuvé au vote par la majorité de la commission, pas plus que ça n'est une raison pour supprimer ce droit aux députés que nous sommes dans cette salle !

Monsieur Dupraz, si vous avez à vous plaindre du Conseil d'Etat, à majorité de droite, qui s'assied sur un certain nombre de motions qui lui sont renvoyées, alors interpellez-le ! Secouez le cocotier, comme il m'est arrivé de le faire, pour obtenir que l'exécutif fasse son travail et remplisse les conditions de la loi portant règlement du Grand Conseil en matière de motions !

Mais, cessez de nous accuser d'hypocrisie ! Nous proposons un droit supplémentaire aux communes ! C'est vous qui le refusez ! C'est vous qui êtes des hypocrites ! Nous, nous voterons ce projet de loi. (Quelques députés chantent l'Internationale.) 

M. Claude Blanc (PDC). Je ne vais pas continuer à polémiquer avec M. Vanek, parce que quand il parle des droits démocratiques je crois que tout le monde aura compris...

M. Pierre Vanek. On ne sait pas ce que c'est ! (Exclamations.)

M. Claude Blanc. Dupraz, silence ! ...la manière dont M. Vanek conçoit les droits démocratiques. (Rires.)

Je voudrais simplement essayer de ramener le débat sur un plan technique. En effet, dans ce projet de loi, à l'article 37A, vous dites : «Toute commune dispose, au même titre que tout député au Grand Conseil, du droit de proposer une motion auprès du Grand Conseil avec les mêmes effets.» Qu'est-ce qu'une motion au niveau cantonal ? Une motion au niveau cantonal, c'est un acte de notre parlement par rapport à l'exécutif. Vous, vous proposez un acte de l'organe délibératif d'une commune par rapport à notre législatif ! Quelle suite le Grand Conseil devra-t-il donner à une motion qu'il aurait, par exemple, acceptée ?

A l'article 147A, vous dites : «Au moment fixé par le Grand Conseil - vous reprenez le règlement du Grand Conseil - il est ouvert un débat sur la motion émanant d'une commune. Le renvoi de cette motion en commission est obligatoire, à moins que le Grand Conseil ne l'adopte immédiatement sans modification.» Alors, s'il l'adopte, que va-t-elle devenir ? Où doit-elle aller ? Les motionnaires communaux auront-ils droit à un rapport du Grand Conseil leur disant pourquoi nous avons accepté ou pourquoi nous avons refusé leur motion ?

Un représentant de la commune de Collonge-Bellerive est venu tout à l'heure déposer une pétition pour la traversée de Vésenaz... Imaginez qu'à la rentrée, lorsque cette loi sera entrée en vigueur, il vienne déposer une motion du conseil municipal allant dans le même sens... Vous la renverrez en commission, puisque vous obligez soit de la voter immédiatement soit de la renvoyer en commission. Si la commission se réunit avant les élections, elle dira que cette motion est inacceptable et qu'elle la refuse. La commission devra donc faire un rapport à la commune pour lui dire que vous la refusez... Mais vous n'écrivez nulle part dans le texte de loi que la commission devra rapporter à la commune ! Vous ne l'avez pas prévu !

Si vous l'acceptez... Imaginons que cela se passe après les élections et que le Grand Conseil accepte la motion de la commune de Collonge-Bellerive... Qu'en fera-t-il ? Le Grand Conseil n'a pas les moyens de réaliser lui-même l'objet de la motion ! Il faudra bien qu'il la renvoie quelque part !

Je vois donc assez mal, indépendamment du mal que certains ont dit à propos de ce projet par rapport à la séparation des pouvoirs des uns et des autres - et je vous ai précisé en début de débat qu'en ce qui me concernait il ne me dérangeait pas, car il ne mange ni foin ni avoine - comment vous allez pouvoir l'appliquer d'une manière précise, parce que, permettez-moi de vous le dire, il est très mal foutu ! Il manque des précisions, et je trouve, pour ma part, que la commission aurait pu faire son travail un peu mieux de manière que vous votiez une loi - puisque vous allez la voter - qui soit vraiment applicable et qui puisse donner satisfaction aux personnes concernées. En effet, si cette motion n'est que du bouillon pour les morts et qu'elle ne puisse de toute manière avoir aucune suite, tout cela ne sert à rien... Ce sera une tromperie de plus, Mesdames et Messieurs les députés ! 

M. Alain Charbonnier (S), rapporteur. Madame Hagmann, vous avez évoqué l'audition de l'Association des communes genevoises. Moi, je suis le rédacteur et le rapporteur du deuxième rapport sur ce sujet, puisque le premier rapport avait été fait par M. le député Marti, suite au rejet en commission de l'entrée en matière du projet. Et dans ce premier rapport - vous pourrez le voir si vous l'avez encore ou vous pourrez consulter le Mémorial - il se fait l'écho d'une audition de l'association des communes qui est la seule association de communes sur le canton. C'est, en fait, l'association des exécutifs. Or, cette association n'a pas rejeté le projet de loi. Elle a fait des remarques dont la principale est la suivante : associer les exécutifs pour la proposition de motion... C'est ce qui a été fait par la commission.

Monsieur Blanc, il serait bon que vous lisiez le projet de loi en entier. En effet, ce projet de loi modifie l'article 143, qui donne, en fait, la définition de la motion, qui est dans notre loi portant règlement du Grand Conseil, et son but. Nous avons simplement ajouté la définition, au début de l'article 143, je cite : «La motion est une proposition faite au Grand Conseil par un de ses membres ou par une commune en vertu de l'art. 37A de la loi sur l'administration des communes.» (Exclamations.) 

M. Robert Cramer. Quelques mots pour vous dire que le Conseil d'Etat ne s'opposera pas à ce projet de loi.

Cela dit, on peut effectivement se poser, Monsieur Dupraz, un certain nombre de questions quant à son utilité... Nous savons en effet bien les uns et les autres que lorsque les communes s'adressent au Conseil d'Etat elles sont écoutées. Et quand les communes ont sur un point ou sur un autre des observations à faire, soit en raison de lois que vous avez d'ores et déjà adoptées soit en raison de règlements, non seulement elles ont le droit de s'exprimer mais, surtout, leurs observations sont prises en considération.

Alors, donner un moyen supplémentaire aux communes de s'exprimer, même si on peut imaginer que, dans bien des cas, ce moyen sera moins efficace en pratique qu'un simple courrier, pourquoi pas ! En ce sens le Conseil d'Etat ne voit aucune raison de s'opposer à cette proposition qui vise à augmenter encore, pour les communes, cette faculté toute naturelle qui est de se faire entendre par l'autorité. Voilà la raison pour laquelle nous n'allons pas nous opposer à ce projet de loi. (Applaudissements.)  

M. Hervé Dessimoz (R). J'ai beaucoup apprécié votre ton conciliateur et votre esprit d'ouverture, Monsieur Cramer, mais vous n'avez pas répondu sur la manière dont vous alliez répondre aux demandes des communes sur la base de ces motions. Car, en fin de compte - M. Blanc l'a dit tout à l'heure - nous avons déjà toute une série de dispositions réglementaires légales qui permettent aux communes de se faire entendre. Nous avons - en tout cas, nous, les radicaux - défendu le droit d'initiative communale en matière d'aménagement du territoire, mais on a vu comment le Grand Conseil en a fait état, et ce, à plusieurs reprises, comme Chêne-Bougeries récemment... Alors, je le répète, même si j'ai apprécié votre discours conciliateur, j'aimerais savoir comment vous allez répondre, en tant qu'autorité de surveillance des communes, en tant que poulie de transmission entre les communes et le Grand Conseil, en cas d'application de cette motion. 

M. Robert Cramer. Excusez-moi, Monsieur le député, de ne pas avoir répondu à cette question, mais la réponse me semblait évidente ! Elle s'inscrit dans la loi portant règlement du Grand Conseil. Nous allons répondre à cette motion comme nous répondons à toutes les motions, c'est-à-dire dans un délai de six mois... (Rires et exclamations.) ...et sous forme d'une réponse écrite qui sera faite à l'attention du Grand Conseil.

Et puis, ma foi, il vous appartiendra, Mesdames et Messieurs les députés, de savoir si vous entendez prendre acte de cette réponse ou bien d'en faire autre chose. On rentre là dans un mécanisme institutionnel qui nous est bien connu... Et c'est la raison pour laquelle, comme je vous le disais tout à l'heure, si j'étais une commune, il me semblerait plus simple d'écrire une lettre au Conseil d'Etat ou au conseiller d'Etat concerné. Mais, si la commune entend employer ce nouvel instrument mis à sa disposition, elle pourra parfaitement le faire. Elle pourra y trouver un certain intérêt, peut-être l'intérêt que vous, Mesdames et Messieurs les députés, vous y trouvez lorsque vous vous adressez aux Chambres fédérales, c'est-à-dire l'intérêt de la publicité, l'intérêt d'avoir un rapport écrit, l'intérêt du débat ce qui, dans certains cas, peut aussi être un plus dans le cadre d'une dispute communale.

M. René Koechlin (L). Je ne m'étais pas rendu compte, avant l'intervention de M. le conseiller d'Etat Cramer, à quel point ce projet de loi est grand-guignolesque... (Rires.) En effet, la commune va s'adresser au Grand Conseil pour que celui-ci demande au Conseil d'Etat de bien vouloir répondre dans les délais usuels à ce Grand Conseil, qui ne sera même pas tenu de faire part de cette réponse à la commune !

Alors moi, si j'étais une commune et que je voulais avoir une réponse du Conseil d'Etat, comme le disait très justement M. Cramer tout à l'heure, je m'adresserais directement au prince ! Sans passer par cette espèce de salmigondis de députés qui feront on ne sait quoi de sa motion, qui la renverront d'abord en commission, où elle moisira pendant des mois, voire des années, et, quand enfin elle reviendra dans ce Grand Conseil, on ne saura même plus de quoi il est question et peut-être que le sujet ne sera même plus d'actualité : mais tant pis ! Allez hop, on l'enverra au Conseil d'Etat qui attendra encore quelques années pour se prononcer... Le paquet reviendra à ce Grand Conseil, qui se demandera qu'en faire puisque le sujet ne sera plus d'actualité... Il décidera qu'il ne vaut même pas la peine d'en parler à la commune : il en prendra acte, on passera au sujet suivant et la motion disparaîtra dans les oubliettes ! On aura perdu plus de temps que nous n'en perdons en ce moment sur des sujets vraiment désuets et inutiles ! (Applaudissements et exclamations.)

La présidente. Je mets aux voix l'entrée en matière de ce projet de loi.

Le résultat est douteux.

Il est procédé au vote par assis et levé.

Le sautier compte les suffrages.

Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat par 46 oui contre 44 non.

M. John Dupraz (R). Madame la présidente, je constate une fois de plus que vous hésitez à décider pendant le vote initial, cela donne le temps à tous vos petits copains de gauche d'arriver, et la majorité bascule au vote assis debout. C'est une façon scandaleuse de présider que je réprouve ! Il n'est pas acceptable de travailler dans ces conditions ! Certains députés ne participent pas au débat, et ils faussent le vote en venant au dernier moment ! Il est inacceptable que vous utilisiez de tels procédés ! Ayez le courage de décider tout de suite ! Nous savons que la gauche est majoritaire à 51 contre 49, mais, quoi qu'il en soit, décidez d'entrée de cause au lieu de faire ce cinéma et de perdre du temps ! 

La présidente. Monsieur le député Dupraz, c'est une décision du Bureau, ce n'est pas une décision personnelle ! (La présidente est interpellée.) Si, tout à fait ! Nous n'allons pas ouvrir un débat maintenant sur cette question ! Monsieur Halpérin, vous avez la parole !

M. Michel Halpérin (L). Chacun a pu constater qu'entre le premier vote - le seul qui vaille - et le second au moins dix personnes des rangs d'en face sont entrées dans la salle ! Le résultat du premier vote étant à deux points près, cela prouve à l'évidence que la majorité était contre l'entrée en matière et que ce projet de loi était refusé. Par conséquent, c'est un abus de pouvoir de nous dire maintenant que l'entrée en matière est acceptée. Nous en avons assez de ces abus de pouvoir de la majorité ! 

M. Christian Grobet (AdG). M. Halpérin comme d'habitude a des écarts de langage qui lui sont propres... (L'orateur est interpellé par M. Halpérin.) Ce qui suffit, c'est votre arrogance, si vous voulez savoir ! (Exclamations.) Il est d'usage, en cas de doute sur un vote, de procéder à un vote assis debout. Pour ce deuxième vote, il est évident que les députés qui sont dans la salle à côté ont parfaitement le droit de venir voter, ce que, du reste, vous faites constamment ! Alors, ne venez pas prétendre qu'il s'agit d'une exception à la règle ! Ce que je demanderai, par contre, à la présidence de ce Conseil, c'est d'être attentive et de sonner avant un vote suffisamment à l'avance.

Monsieur Dupraz, vous êtes particulièrement mal placé pour venir donner des leçons ce soir, alors que vous savez que les votes se déroulent de manière parfaitement régulière au niveau du Conseil national...

M. John Dupraz. On n'est pas au Conseil national, Grobet !

M. Christian Grobet. Monsieur, je ne vous ai pas interrompu, alors arrêtez avec vos grossièretés ! (La présidente agite la cloche.) Je sais, Monsieur Dupraz, que le soir, quand vous avez bu, vous n'arrivez pas à vous contenir ! (Huées, les députés de l'Entente font claquer les pupitres.)

M. John Dupraz. Minable, minable !

La présidente. Monsieur Grobet, je vous demanderai de conclure... (Exclamations.)

M. Christian Grobet. Monsieur Lombard, je ne vous réponds même pas, ça n'en vaut pas la peine !

Je me réjouis simplement que nous ayons bientôt le vote électronique dans cette salle. Cela permettra effectivement de procéder comme au Conseil national : appel des députés, les députés appuient sur le bouton. Le résultat sera clair et net, ce qui évitera toute discussion, comme c'est malheureusement le cas ce soir. C'est tout ce que je voulais dire !

Je le répète, Monsieur Dupraz, je vous trouve mal placé pour nous donner des leçons ce soir, surtout que vous savez que le système de vote va être changé et que nous n'aurons plus ce genre de problème.  

M. John Dupraz (R). J'en ai assez d'entendre de la bouche de M. Grobet que j'ai bu lorsque les débats ont lieu après 20 h ! (Exclamations.) J'ai le droit de m'exprimer dans ce parlement avec le tempérament qui est le mien - certes, ce n'est pas celui des avocats, des magouilleurs et des utilisateurs du droit...

Je vous demande, Monsieur Grobet, de me faire des excuses, sinon nous quitterons cette salle ! (Exclamations et applaudissements.) 

M. Claude Blanc (PDC). Je crois qu'il faut arrêter de s'invectiver ! Tout le monde sait que M. Dupraz ne boit pas plus que vous tous et, d'ailleurs, j'ai appris il y a quelque temps - j'apprends beaucoup de choses - qu'il ne buvait plus que de l'eau de Lourdes... (Rires.) Je l'ai dit, je l'ai dit !

Cela étant, Madame la présidente, je suis vraiment navré de la manière dont ce vote s'est déroulé... Je suis d'accord avec M. Grobet, pour une fois : j'attends avec impatience l'arrivée du vote électronique ! Si nous l'avions eu, cela aurait évité cette «cacade»... Ce soir, le Bureau a péché par faiblesse, parce que la majorité était évidente lorsque nous avons voté à main levée... Une dizaine de députés de gauche, entrés entre-temps, ont fait la différence au deuxième vote... Le Bureau, je le répète, a péché par faiblesse, et, malheureusement, un certain nombre de députés, parmi lesquels j'ai eu le chagrin de voir une ancienne présidente du Grand Conseil, ont péché par malhonnêteté... 

La présidente. Monsieur le député Fritz, je vous donne la parole et, ensuite, nous passerons au vote. La liste des intervenants est close.

M. Jacques Fritz (L). Je dois vous dire, en tant que l'un des doyens du Conseil municipal de Versoix, que je ne suis vraiment pas fier de la manière avec laquelle la majorité va accorder ce droit de motion aux conseils municipaux ! Je suis vraiment étonné de la manière dont les choses se passent... Et j'aurais une certaine peine à l'expliquer devant mes collègues du conseil municipal...

M. Jean-Marc Odier (R). M. Dupraz a raison : je pense effectivement que M. Grobet a été un peu trop loin - une fois de trop - dans ses paroles... (Exclamations.) Des excuses ont été demandées... En tant que présidente du Grand Conseil, je pense, Madame la présidente, que vous devriez surveiller les propos des députés qui dépassent les bornes et, en l'occurrence, exiger des excuses de M. Grobet. Nous demandons à nouveau à M. Grobet de s'excuser et d'en finir avec ses écarts de langage... C'est à chaque fois la même chose : il fait des remarques désobligeantes tout à fait injustifiées ! Nous vous demandons d'intervenir, sinon nous quitterons cette salle. 

La présidente. Non, je clos le débat à ce stade ! (Contestations.)

M. Christian Grobet (AdG). Madame la présidente, j'aimerais répondre à M. Odier...

Pour ce qui est des excuses, quand M. Dupraz se sera excusé de toutes les injures dont il abreuve un certain nombre de membres de ce Conseil, on pourra en discuter... (Applaudissements.)

Lorsque j'ai parlé tout à l'heure d'excès d'alcool, c'était pour vous trouver une excuse, Monsieur Dupraz, par rapport aux injures inqualifiables dont vous nous abreuvez ! (Applaudissements.)   

M. John Dupraz (R). Je vous demande bien pardon, Madame la présidente, mais j'aimerais savoir quels excès de langage ont choqué les députés de gauche... J'aimerais bien savoir lesquels ! (Rires.) Vraiment, Monsieur Grobet, moi qui croyais que vous aviez une peau de crocodile... Mais c'est une peau de bébé que vous avez ! Je n'ai jamais insulté nommément quelqu'un... (Rires.) Je suis désolé, mais je n'admets pas que l'on impute mes propos à un excès d'alcool. C'est inacceptable, et je demande des excuses, sinon je quitte cette salle. 

La présidente. Nous passons maintenant au deuxième débat. (Le groupe radical quitte la séance.)

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les articles 1 à 3 (soulignés).

Troisième débat

Ce projet est adopté en troisième débat, par article et dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue :

Loi(7757)

modifiant la loi sur l'administration des communes (B 6 05)(droit de motion communale)

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :

Article 1

La loi sur l'administration des communes, du 13 avril 1984, est modifiée comme suit :

Art. 30, al. 3 (nouveau)

3 Le conseil municipal peut exercer un droit de motion auprès du Grand Conseil.

Art. 37A Droit de motion auprès du Grand Conseil (nouveau)

1 Toute commune dispose, au même titre que tout député au Grand Conseil, du droit de proposer une motion auprès du Grand Conseil, avec les mêmes effets.

2 Ce droit est exercé par le conseil municipal, sur proposition d'un de ses membres ou de l'exécutif communal.

Article 2 Modifications à une autre loi (B 1 01)

La loi portant règlement du Grand Conseil de la République du canton de Genève, du 13 septembre 1984, est modifiée comme suit :

Art. 143, 1re phrase Définition (nouvelle teneur)

La motion est une proposition faite au Grand Conseil par un de ses membres ou par une commune en vertu de l'art. 37A de la loi sur l'administration des communes. Elle a pour but :

Art. 147 Procédure applicable à une motion émanant d'un membre du Grand Conseil (nouvelle teneur de l'intitulé)

Art. 147A Procédure applicable à une motion émanant d'une commune (nouveau)

1 Au moment fixé par le Grand Conseil, il est ouvert un débat sur la motion émanant d'une commune. Le renvoi de cette motion en commission est obligatoire, à moins que le Grand Conseil ne l'adopte immédiatement sans modification.

2 La commission désignée par le Grand Conseil pour l'examen de la proposition en entend les auteurs.

Article 3 Entrée en vigueur

Le conseil d'Etat fixe la date d'entrée en vigueur de la présente loi.

M. Michel Halpérin (L). Je voudrais signaler que le groupe libéral comprend parfaitement la décision qui vient d'être prise par ses collègues radicaux...

Je rends, Madame la présidente, votre Bureau, si soucieux du maintien de l'ordre, attentif à l'article 90 du règlement dont vous avez la garde, qui vous aurait imposé de rappeler à l'ordre le député qui prononce des paroles portant atteinte à l'honneur ou à la considération d'un d'entre nous. Je regrette, Madame la présidente, que vous n'ayez pas jugé bon de le faire !

La présidente. Nous passons au point 27 de notre ordre du jour. Monsieur Koechlin, le vote sur le point 26 est clos...

M. René Koechlin (L). Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, en tant qu'ancien président de ce parlement, au nom de M. Grobet - oui, au nom de M. Grobet... - je présente ses plus plates excuses à M. Dupraz ! Et, au nom de M. Dupraz, je présente ses plus plates excuses à M. Grobet ! Voilà !