République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 8530
6. Projet de loi de MM. Christian Grobet, Rémy Pagani et Jean Spielmann modifiant la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l'emploi) (L 5 20). ( )PL8530

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :

Article 1

La loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l'emploi), du 25 janvier 1996, est modifiée comme suit :

Art. 12 Durée du contrôle (nouvelle teneur)

1 Les loyers et les prix de vente maximaux ainsi fixés sont soumis au contrôle de l'Etat, pendant une période de dix ans pour les constructions nouvelles, pendant une période de cinq ans pour les immeubles transformés et pendant une période de trois ans pour les immeubles rénovés, c'est-à-dire ceux dont les structures n'ont pas été modifiées.

2 Pendant toute la durée du contrôle des loyers, les propriétaires des logements soumis au contrôle doivent communiquer, à fin mars de chaque année au plus tard, à l'office cantonal du logement, les états locatifs des logements précités de l'année précédente. L'office s'assure que les loyers perçus par le propriétaire sont conformes à ceux fixés par le département et prend, le cas échéant, une décision de réajustement de loyer.

Art. 39, al. 7 Commission consultative (nouveau)

7 Une commission paritaire, formée de représentants des associations de locataires et de propriétaires, est chargée de préaviser les requêtes en aliénation d'appartements.

Article 2 Entrée en vigueur

La présente loi entre en vigueur le lendemain de sa promulgation.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Avec la pénurie de logements, la pression s'accentue sur les loyers. Le projet de loi vise en conséquence à prolonger la durée de contrôle des loyers institué par la LDTR.

Nous profitons de l'occasion du dépôt de ce projet de loi pour proposer la création d'une commission consultative formée de représentants des milieux des locataires et des milieux des propriétaires pour préaviser sur les demandes de vente d'appartements locatifs.

Au bénéfice de ces explications nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à réserver un bon accueil à ce projet de loi.

Préconsultation

M. Christian Grobet (AdG). Mesdames et Messieurs les députés, inutile de vous dire que le présent projet va exactement à l'opposé des projets de lois des députés promoteurs que nous venons de discuter!

Le seul point sur lequel nous sommes d'accord avec les députés de droite, c'est qu'effectivement il y a actuellement un resserrement sur le marché du logement à Genève. La conséquence immédiate en est que les abus se multiplient et que les loyers sont en train de prendre l'ascenseur. On a l'habitude de cette situation... (Commentaires.) Je ne sais pas quel est le promoteur qui vient de s'exprimer, mais il connaît bien mal la situation des locataires à Genève… (L'orateur est interpellé.) Oui, pour ma part, je connais assez bien la situation des locataires. Cela fait trente-cinq ans que je les défends, aussi je crois savoir de quoi je parle!

Notre projet de loi demande que le contrôle des loyers, instauré par la LDTR en cas de transformation de logements, soit prolongé dans la durée. Mais j'aimerais profiter de cette occasion, Monsieur Moutinot, pour aborder deux problèmes concernant ce contrôle.

Je disais que les abus s'accentuent : j'avoue que je ne m'attendais pas à ce qu'ils s'accentuent au point qu'on doive déplorer des violations extrêmement graves de la LDTR de la part d'un certain nombre de propriétaires, plus particulièrement d'agents immobiliers. Quand la LDTR a été votée par le peuple en 1983, instaurant ce contrôle, j'étais parti de l'idée que les agents immobiliers pratiquaient leur profession d'une manière correcte et respecteraient la loi. Mais nous nous sommes aperçus, au bout d'un certain temps, que les loyers fixés n'étaient pas respectés et que des logements étaient, après travaux, mis en location à des loyers plus élevés que ceux fixés par le département. A partir de ce moment-là, nous avons instauré un contrôle, dont je crois savoir qu'il a été supprimé - cela n'étonnera personne - par M. Joye.

Je ne sais pas dans quelle mesure, Monsieur Moutinot, vous avez repris ce contrôle. Je sais, en revanche, que vos services sont présentement contactés par une fondation de droit public, qui a repris un certain nombre d'immeubles et qui a constaté que les montants fixés par le département dans le cadre d'autorisations LDTR n'ont pas été respectés et que les loyers sont plus élevés. J'ai appris, encore récemment, que dans d'autres immeubles également les loyers fixés par le département ne sont pas respectés.

Je demande donc, Monsieur le conseiller d'Etat, au nom de l'Alliance de gauche, qu'il soit procédé à un contrôle de tous les loyers qui ont été fixés ces cinq dernières années. Dans la mesure où certains loyers dépasseraient la norme, il s'agira non seulement de les ramener aux montants fixés pour la durée de trois, cinq, voire dix ans, mais surtout d'infliger des amendes exemplaires aux agents immobiliers. En effet, il est insupportable, en pleine crise du logement, que des agents immobiliers profitent de la situation pour louer des logements à des loyers plus élevés que ceux fixés dans l'autorisation.

Conscients que la police des constructions n'est pas faite pour procéder à des contrôles de conformité des loyers, nous suggérons dans ce projet de loi que ceux-ci soient contrôlés par l'office financier du logement, comme cela se passe pour les autres logements soumis au contrôle de l'Etat. Je crois qu'il est plus urgent que jamais d'établir un système uniforme, comme M. Ischi l'avait déjà demandé. Je vous remercie de la suite que vous donnerez à cet examen de situation.

M. Alberto Velasco (S). Les signatures du groupe socialiste ne figurent pas sur ce projet de loi, mais nous y avons collaboré quand même et nous y adhérons. En l'occurrence, M. Grobet a tout à fait raison : on m'a informé d'un cas à Saint-Jean où un logement avait été offert à quelqu'un à 2 000 F et, quelques semaines plus tard, était offert à quelqu'un d'autre à 2 600 F. En l'espace de quelques semaines, ce cinq pièces avait passé de 2 000 à 2 600 F, et il y a d'autres exemples de ce type. Je trouve donc que ce projet de loi est effectivement bienvenu, à voir ce qui se passe à l'heure actuelle dans notre République. On revient à la situation des années 80, ces tristes années qui ont vu les loyers prendre l'ascenseur et l'Etat devoir aider les petits revenus à travers les subventions, à travers la caisse de l'Etat.

Aujourd'hui, il s'agit d'éviter que l'Etat ne doive intervenir par le biais des deniers des citoyens. Ce projet de loi est donc bienvenu et nous, les socialistes, nous le soutiendrons.

M. Pierre Ducrest (L). Ainsi donc, pour la énième fois, par la grâce de l'Alternative, cette fameuse LDTR revient devant ce parlement. Revient-elle pour être allégée, pour être assouplie ? Non, bien entendu! L'objectif est de la rendre plus coercitive, en modifiant certains articles. On pourrait ici se demander pourquoi la majorité actuelle n'a pas bouclé le tout, à l'occasion des réitérés passages de la LDTR devant ce parlement. Pourquoi n'a-t-elle pas présenté tous les articles coercitifs qu'elle souhaitait, au lieu qu'il faille y revenir en juin 2001, sous prétexte qu'il resterait encore une petite faille potentielle dans cette loi ?

J'ai entendu tout à l'heure le président du DAEL, M. Moutinot, nous dire que c'était la faute de la droite, que 99% des lois ayant trait à la construction avaient été formulées et modifiées par la droite. Est-ce à dire que la LDTR ne représente que 1% de toutes celles-ci ? J'en doute. Actuellement, le nombre de demandes d'autorisations de démolir, de transformer ou de rénover est presque de zéro : à qui la faute, Mesdames et Messieurs ? A ceux qui ont rendu cette loi fort coercitive! Voilà pour le fond.

Cela dit, je suis vraiment étonné de voir, parmi les signataires de ce projet de loi, le nom d'un ancien magistrat... qui ne m'écoute pas, étant en discussion avec notre collègue Koechlin... Les arcanes de la politique sont un peu troublantes, pour ne pas dire autre chose, mais en l'occurrence cet ancien magistrat qui se vante de soutenir les locataires depuis trente-cinq ans, notamment lorsqu'il faisait partie de l'Asloca, est devenu vendeur d'immeubles! Or, que penser d'un vendeur d'immeubles qui signe un tel projet de loi coercitif ? Que peuvent penser ses collègues de la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe, qui savent que la vente de certains objets est malheureusement quelque peu bloquée par la LDTR ? Il faudra qu'il s'en explique!

D'autre part, que penser de cet ancien magistrat, Mesdames et Messieurs les députés, lorsqu'il propose une modification de la LDTR qui va faire perdre de l'argent à l'Etat ? Car les ventes ne pourront pas se faire, puisque l'article 39 qui concerne les ventes d'immeubles est ici amélioré par un alinéa 7 - vous avez tous lu la «Tribune de Genève» de ce matin qui parlait de l'alinéa 6...

Quant à moi, je dis qu'il faut savoir raison garder. En effet, que penser d'un député qui a deux casquettes, qui a deux discours ? D'un côté, il défend prétendument les locataires et, de l'autre, il vend des immeubles... Que penser d'un ancien magistrat qui parle de lois, mais qui, en tant que député, les rend coercitives et fait ainsi perdre de l'argent à l'Etat ?

Nous pourrons discuter de tout cela en commission mais, pour ma part, je réserve mes arguments.

M. Thomas Büchi (R). Chaque semaine, bientôt, amène un projet concernant la LDTR - heureusement d'ailleurs que nous ne nous réunissons pas chaque semaine! - ce qui veut dire quatre projets par mois! Après avoir passé près de deux ans à modifier la LDTR, vous n'êtes toujours pas satisfaits, Mesdames et Messieurs, et vous continuez à alourdir un carcan législatif qui, au bout du compte, produira des effets contraires. En effet, à force de trop légiférer, vous découragez les gens d'entreprendre quoi que ce soit dans ce canton. Le but que nous poursuivons est d'amener des logements sur le marché : ce n'est pas en procédant de la sorte qu'on va faire avancer d'un seul pouce la problématique.

Je vois, par exemple, que vous proposez, dans ce projet de loi, de soumettre des immeubles rénovés à un contrôle des loyers, alors que la LDTR que vous avez modifiée a justement consacré une zone extrêmement floue entre rénovation et entretien. Je suppose que, bientôt, quand un propriétaire changera trois tuiles sur son toit qui coule, vous le soumettrez au contrôle des loyers et, ainsi, plus personne n'entreprendra rien dans ce canton.

Je constate aussi que vous voulez, systématiquement, créer de nouvelles commissions de contrôle. Nous avons bientôt plus de commissaires et de contrôleurs dans ce canton que de travailleurs qui réalisent quelque chose de productif.

Je dois dire que cela devient vraiment de plus en plus lamentable. Nous ne pourrons pas soutenir ce projet, parce qu'il est absolument inapproprié et trop lourd.

M. Laurent Moutinot. Il est vrai que ce projet de loi durcit la LDTR... (Brouhaha. La présidente agite la cloche.) Mais toute l'histoire de la LDTR est là : un certain nombre d'abus entraînent une réaction législative. Ainsi, il n'y aurait jamais eu de loi sur les congés-ventes s'il n'y avait eu les congés-ventes de Jürg Stäubli, ni ce projet-ci si nous ne constations pas, malheureusement, que les conditions de loyers ne sont pas respectées dans un certain nombre de dossiers LDTR - limités, il est vrai, mais bien réels.

Pour répondre à M. Grobet, je dirai que, depuis quelques mois déjà, nous procédons à certains contrôles par sondage, que nous allons mettre en place un système d'information aux locataires pour tenter d'empêcher ce genre d'abus et que, bien entendu, nous sanctionnons ceux dont nous avons connaissance. Mais de grâce, si l'on veut que la LDTR ne devienne pas un instrument trop contraignant, faites en sorte, Mesdames et Messieurs de l'immobilier, d'éviter que des moutons noirs - minoritaires, une fois encore - viennent troubler systématiquement le jeu. C'est d'autant plus dommage que l'écrasante majorité des bailleurs de ce canton, j'en suis persuadé, respecte la loi. Mais on constate toujours certains débordements, qui entraînent naturellement des réactions, tel ce projet de loi. Nous essayons, au niveau du département, de maîtriser la situation, mais il est possible, effectivement, que des mesures dures de ce genre doivent finalement être votées.

En ce qui concerne la remarque de M. Büchi sur la commission, je le rejoins parfaitement : le nombre de cas traités par le département qui peuvent poser problème est faible, le nombre de recours encore plus faible et je ne pense pas qu'une commission en la matière apportera quoi que ce soit. S'il fallait vraiment nantir une commission, autant donner alors à une commission existante le soin de jeter un coup d'oeil sur les très rares cas qui se produisent, plutôt que d'envisager la création d'une commission particulière.

En l'état, je le répète, c'est toujours le même schéma qui fait que cette loi se durcit : à un abus répond une loi. Et ce n'est pas l'histoire de l'oeuf et de la poule : c'est toujours l'abus qui précède la loi!

Ce projet est renvoyé à la commission du logement.