République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1409
24. Proposition de motion de Mmes et MM. Nelly Guichard, Pierre Marti, Luc Barthassat, Philippe Glatz, Etienne Membrez, Pierre-Louis Portier, Catherine Passaplan, Claude Blanc et Henri Duvillard demandant au Conseil d'Etat la mise sur pied, dans les meilleurs délais, d'«états généraux du logement», afin de réunir tous les partenaires intéressés et d'élaborer de concert des solutions pour remédier à la crise du logement sévissant actuellement à Genève. ( )M1409

EXPOSÉ DES MOTIFS

Le phénomène est suffisamment rare dans le monde politique genevois pour être signalé : quel que soit le courant politique, tous s'accordent à reconnaître la gravité de la crise du logement sévissant actuellement à Genève.

Citons pour mémoire quelques chiffres qui indiquent l'ampleur du problème auquel les résidants de notre canton - et ceux qui souhaiteraient le devenir ! - sont aujourd'hui confrontés :

depuis le début de la reprise économique, on enregistre un nombre toujours croissant de nouveaux arrivants à Genève. Si ce nombre a longtemps frôlé les 5'000 personnes, ce seuil a été récemment franchi, puisqu'ils furent près de 5'300 en 1999 ;

le taux de logements vacants en 2000 est l'un des plus bas que nous ayons connu puisqu'il atteint à peine 0,80 %, soit un niveau indiquant clairement une pénurie ;

si l'on dénombrait 6'000 nouveaux logements mis sur le marché en 1973, ils n'étaient plus que 2000 par an - ou à peine - dans les années 1980 et 1990.

Au vu du contexte économique actuel, une amélioration rapide de la situation ne peut guère être envisagée. En effet, la reprise de l'économie - dont personne ne saurait décemment se plaindre - a entraîné une augmentation du nombre d'emplois sur notre canton et donc un accroissement de ses habitants, que leur séjour soit temporaire ou s'inscrive dans la durée.

Un autre facteur, plus rarement évoqué, développera lui aussi ses effets, dès 2002 en principe. Après l'entrée en vigueur des accords bilatéraux, un certain nombre de personnes arriveront à Genève, notamment par le biais du regroupement familial. D'où des besoins encore accrus en matière de logement.

Face à ces échéances, la majeure partie des acteurs impliqués y va de sa proposition, dans son coin, mais sans jamais chercher à se rassembler pour trouver une stratégie concertée.

Les trois solutions les plus fréquemment évoquées sont très brièvement citées ci-après, sans entrer en matière quant à leur faisabilité, leurs avantages et leurs inconvénients :

assouplissement des conditions imposées par l'Etat pour la construction de logements (1/3 de logements libres, 2/3 de logements subventionnés) ;

densification de la zone villas. Une récente proposition du DAEL a en quelque sorte « mis le feu aux poudres » en demandant le déclassement en zone de développement d'un certain nombre de zones villas de la périphérie. Ce changement d'affectation permettrait d'édifier des immeubles locatifs. Avantage ? On pourrait ainsi exploiter un certain nombre de terrains aujourd'hui réservés aux villas. Inconvénient ? Un accroissement massif de communiers n'est pas sans impact sur les structures d'une commune, notamment pour tout ce qui concerne les enfants.

Déclassement de la zone agricole. Cette zone pour le moins sensible - doux euphémisme ! - occupe près de 50 % du territoire cantonal. Le déclassement de quelques parcelles déterminées ô combien attentivement permettrait la réalisation d'une partie de ces logements qui font aujourd'hui cruellement défaut. Mais quid du rôle fondamental que joue cette zone agricole dans l'équilibre économique et environnemental de Genève, de son importance cruciale pour cette qualité de vie dont nous sommes fiers, et à juste titre ? Le risque de voir ces changements d'affectation faire jurisprudence n'est pas non plus à négliger.

La 7e matinée du logement organisée en mars dernier par l'Etat de Genève a contribué à dresser un constat : celui de la pénurie. C'est bien, c'est un début, mais il ne faudrait surtout pas s'arrêter à cela.

Une situation tendue sur le marché du logement n'est en effet bonne pour personne : ni pour le locataire qui peine à trouver l'objet correspondant à ses besoins ; ni pour le propriétaire, mis sous pression par les inévitables mesures contraignantes instaurées par les autorités pour essayer de remédier au problème ; ni pour les professionnels, qui ne peuvent plus investir - ou construire - au vu des obstacles dressés sur leur chemin.

Le concept d'aménagement cantonal adopté par notre Grand Conseil au printemps 2000 n'est pas non plus d'une grande aide, par défaut de principes clairement déterminés.

C'est pourquoi la présente motion a pour but de relancer le débat, en l'élargissant à tous les partenaires concernés par la problématique du logement : Etat, communes, investisseurs privés, associations de locataires et de propriétaires, syndicats ouvriers et patronaux, professionnels du bâtiment, Chambre genevoise immobilière, Chambre genevoise d'agriculture, milieux de la protection de l'environnement, etc.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous demandons, Mesdames et Messieurs les députés, de réserver un accueil favorable à cette proposition de motion et de la renvoyer au Conseil d'Etat.

Débat

M. Etienne Membrez (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, cette motion est bien modeste comparée à toutes les discussions que nous avons eues, notamment en ce qui concerne le logement. Elle n'a d'ailleurs pas de grandes ambitions, c'est plutôt une déclaration d'intention et, si vous m'accordez une minute à cette heure aussi tardive, je vais vous dire en deux mots de quoi il s'agit.

La situation tendue sur le marché du logement n'est bonne pour personne, surtout pas pour les locataires. On l'entend et on le lit tous les jours. L'exposé des motifs détaille tout cela et je vous y renvoie. En l'état, cette proposition de motion demande tout simplement que le Conseil d'Etat mette sur pied des états généraux du logement, partant du constat que chacun a sa solution, la meilleure, la bonne, la seule, et que la somme des idées émises s'annule au lieu de s'additionner. On a encore pu très largement s'en rendre compte dans les discussions de ce soir. Dans ces conditions, pourquoi ne pas essayer de débloquer le débat qui doit pourtant impérativement avoir lieu ? Toute une population l'attend. Il faut sortir d'un contexte polémique, chercher le consensus, il faut aller plus loin que les matinées du logement, il faut lancer la concertation, c'est le but de cette proposition de motion. C'est pourquoi le parti démocrate-chrétien vous demande de la renvoyer au Conseil d'Etat.

Mme Alexandra Gobet (S). Cette motion est tout à la fois délicieuse comme une crème pour le teint et anachronique comme beaucoup d'autres motions que nous avons eu l'occasion d'examiner... Elle est d'une part cosmétique, parce que, comme le parti démocrate-chrétien l'indique fort modestement dans son texte, il y a déjà des états généraux du logement et depuis fort longtemps. Chaque année, de mars à octobre, tous les milieux concernés se réunissent sous la houlette du DAEL : l'on reconnaît là les promoteurs, les syndicats, les milieux du logement, les coopératives... Enfin, tout le monde est là, c'est la grand-messe annuelle, après laquelle tout le monde va manger, et c'est très sympathique!

Par conséquent, cette motion, comme d'autres, a une allure un peu cosmétique, puisqu'à ces séances personne n'est empêché d'exprimer ses positions, personne n'est empêché de formuler les solutions miracles qui aideraient le DAEL à trouver la voie. Donc, ce que demande cette motion se fait déjà.

Je disais aussi que cette motion est anachronique. En effet, avec un peu de mémoire, on peut se souvenir qu'il y a quelques années il y a eu une interruption de ces états généraux du logement - mais alors, ce n'était pas un conseiller socialiste qui était en fonctions... - et que c'est peut-être à ce moment-là que le parti démocrate-chrétien aurait dû présenter sa motion! Près d'une décennie plus tard, cette motion est bel et bien anachronique et le parti socialiste vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à la refuser.

M. Etienne Membrez (PDC). J'ai voulu tout exprès être extrêmement bref tout à l'heure et je répondrai en deux mots. Je ne sais pas, Madame la députée, ce qui s'est passé autrefois : je suis relativement nouveau dans ce parlement, c'est la raison pour laquelle je ne suis pas concerné par les propos que vous venez de tenir...

Cela dit, si j'avais voulu développer complètement le sujet, j'aurais souligné qu'il fallait précisément sortir du carcan passé. Il faudrait imaginer des règles du jeu qui ne permettent pas simplement aux gens de se rencontrer, de discutailler, de boire un verre et manger un bon morceau, mais bien qui les mettent en condition pour que la parole donnée soit tenue. Je n'ai pas la solution concernant ces règles du jeu et je pensais que le Conseil d'Etat pourrait la trouver.

L'esprit de cette motion n'est pas de jeter de la poudre aux yeux ou de proposer la panacée. Il s'agit simplement d'imaginer, dans la situation où nous nous trouvons, une approche nouvelle qui n'a jamais été faite jusqu'ici et qui pourrait permettre de résoudre la crise du logement.

M. Claude Blanc (PDC). Cela ne vaut sans doute pas la peine de se battre contre des moulins à vent, mais il y a tout de même, dans l'exposé des motifs, deux points précis qu'il me faut relever : densification de la zone villas et déclassement de la zone agricole. Le Conseil d'Etat vient de déposer une série de projets sur la densification de la zone villas et vous savez, Mesdames et Messieurs, que ces projets n'ont pas déclenché l'enthousiasme partout! Un certain nombre de communes se battent pour conserver leur zone villas et on peut les comprendre. En l'occurrence, il va y avoir un affrontement sur ces projets cet automne, on ne sait pas comment cela va tourner, mais ne vaudrait-il pas mieux, plutôt que de s'affronter sur la zone villas et la zone agricole, s'asseoir ensemble et discuter ?

Je connais un peu la situation dans différentes communes concernées, dont la mienne qui va poser problème : je suis convaincu qu'en mettant tous les acteurs autour d'une table, on pourrait trouver des solutions. Elles ne seraient pas forcément celles imaginées par le département, mais on pourrait peut-être en trouver une ou deux autres. Au lieu de se heurter sur des projets qui, s'ils débouchent, ne déboucheront que dans quatorze ou seize ans, comme le disait M. Koechlin tout à l'heure, je suis convaincu qu'une discussion qui se voudrait plus technique que politique nous ferait gagner du temps et ouvrirait peut-être des voies où nous engager.

Par conséquent, je trouve dommage que vous refusiez cette proposition. Vous la refuserez, c'est entendu, mais sachez que vos projets de densification de la zone villas n'ont pas encore abouti! M. Kochelin a fait une très bonne démonstration tout à l'heure : dans seize ans, pour ma part, je ne sais pas où je serai!

Mise aux voix, cette proposition de motion est rejetée.

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, je vous informe que notre prochaine session débutera jeudi 28 juin à 17 h.  

La séance est levée à 23 h 10.