République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 17 mai 2001 à 17h
54e législature - 4e année - 8e session - 26e séance
PL 8348-A et objet(s) lié(s)
15. Rapport de la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil chargée d'étudier les objets suivants :
RAPPORT DE LA MAJORITÉ
Rapporteur : Mme Catherine Passaplan
Sous la présidence de Mme Mireille Gossauer-Zurcher, la Commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil a étudié, lors de sa séance du 31 janvier 2001, ces deux projets de lois ayant pour objet l'exercice des droits politiques dès l'âge de 16 ans.
MM. Patrick Ascheri et René Kronstein ont participé à nos travaux et M. Carlos Orjales en a rédigé le procès-verbal. Qu'ils soient ici tous trois remerciés de leur aide.
La Commission a tout d'abord auditionné Mlles Louise Kasser et Adrienne Mattmuller, coprésidentes de la Fédération suisse des parlements des jeunes (FSPJ).
Mlle Louise Kasser (15 ans) a été présidente du Parlement des jeunes de la Ville de Genève et est très active dans diverses associations. Mlle Adrienne Mattmuller (19 ans) est coprésidente du Parlement des jeunes de Bâle-Ville d'où elle est venue tout exprès pour être entendue par notre commission. Celle-ci l'en a remerciée.
L'audition des deux jeunes femmes a permis aux membres de la commission de se faire une idée précise sur la situation actuelle des démarches entreprises par la FSPJ.
Après le refus des Chambres fédérales d'entrer en matière sur le droit de vote à 16 ans, la FSPJ a engagé ses membres à solliciter les cantons individuellement. C'est le cas pour Genève par le biais de ces deux projets de lois.
Mlles Kasser et Mattmuller, et les jeunes qu'elles représentent, sont d'avis que, dès 16 ans, les jeunes doivent pouvoir participer à la vie active. Les choix qui doivent être faits à cet âge sont assez importants pour les rendre aptes à exprimer leur avis de citoyens à part entière. Cela aiguiserait le sens des responsabilités de la jeunesse et permettrait le renforcement de la démocratie et une meilleure représentation populaire, estiment-elles.
A nos questions, Mlles Kasser et Mattmuller ont répondu comme suit :
Nombre de Parlements de jeunes à Genève : une demi-douzaine
Membres de ces parlements (nombre, tranches d'âge, composition) :
Exemples :
A Genève, Meyrin et Vernier, la tranche d'âge est de 12 à 25 ans, dans les autres parlements du canton, de 13 à 20 ans.
Les étudiants sont plus nombreux que les apprentis mais il est souligné que les professeurs de ces derniers les font bénéficier d'activités plus nombreuses dans le domaine politique.
L'assemblée générale de la FSPJ prendra du reste position sur l'éducation civique dès l'âge de 11 ans dans les écoles dans le courant du mois d'avril 2001.
Par ailleurs, il est relevé que certains sujets politiques intéressent les jeunes plus que d'autres (dépénalisation du cannabis entre autres).
A la question de savoir si la majorité civile à 16 ans est souhaitée, il est répondu que ce sujet n'est pas d'actualité à la FSPJ.
Mlle Mattmuller fait encore remarquer que la Constituante, récemment nommée à Bâle-Ville, a balayé le droit de vote à 16 ans, tout comme celui des étrangers, en matière communale.
En préambule, une majorité de commissaires a jugé que les cours d'instruction civique (ou citoyenne) étaient, de manière générale, insuffisants. Cependant il faut veiller à ne pas faire entrer la politique dans nos écoles afin d'en garantir la neutralité et le respect de toutes les opinions.
En outre, la question d'assortir le droit d'éligibilité (dès 16 ans également) au droit de vote, est rapidement résolue par la négative.
Si les commissaires sont convaincus que la jeunesse actuelle dispose de plus d'informations et est plus mature qu'eux-mêmes au même âge, ils estiment toutefois qu'elle n'est pas plus responsable ni intéressée pour autant par la politique locale. Les grands débats mondiaux rencontrent un meilleur écho auprès des jeunes et cela est normal.
Les jeunes de 16 ans sont visiblement plus intéressés par d'autres activités en dehors de leurs cours et formation professionnelle, de leur vie familiale même. Cet avis est étayé par des commissaires qui citent leurs expériences personnelles à cet égard, ayant eux-mêmes sondé de nombreux jeunes en diverses occasions. De l'avis des ces jeunes, 18 ans est un bon âge pour commencer à voter.
L'inadéquation entre le fait de pouvoir voter et d'être soumis à l'autorité parentale pour le reste de ses activités est aussi relevée.
Mlles Kasser et Mattmuller sont perçues par bon nombre de commissaires comme faisant exception, remarquable certes, mais exception tout de même.
Bien que les jeunes semblent se désintéresser de plus en plus de la politique, la majorité des commissaires pense que le fait d'abaisser l'âge à 16 ans pour exercer ses droits politiques ne saurait régler ce problème pour autant. Un sérieux effort d'éducation en milieu scolaire est par ailleurs souhaité.
Aussi, Mesdames, Messieurs les députés,
la majorité de la commission a-t-elle refusé l'entrée en matière par
6 non (3 L, 2 DC, 1 Ve) contre 5 oui (2 AdG, 2 S, 1 Ve)
et vous prie de bien vouloir la suivre dans ses conclusions.
Projet de loi constitutionnelle(8348)
modifiant la Constitution de la République et canton de Genève (A 2 00) (pour l'exercice des droits politiques dès 16 ans)
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article unique
La Constitution de la République et canton de Genève, du 24 mai 1847, est modifiée comme suit :
Art. 41 Droits politiques (nouvelle teneur)
Les citoyens, sans distinction de sexe, âgés de 16 ans révolus, ont l'exercice des droits politiques, à moins qu'ils ne se trouvent dans un des cas prévus par l'article 43.
Projet de loi(8349)
modifiant la loi sur l'exercice des droits politiques (A 5 05) (pour l'exercice des droits politiques dès 16 ans)
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article unique
La loi sur l'exercice des droits politiques, du 15 octobre 1982, est modifiée comme suit :
Art. 1 En matière fédérale (nouvelle teneur)
Sont électeurs et électrices en matière fédérale :
Art. 1A En matière cantonale (nouveau)
Sont électeurs et électrices en matière cantonale :
RAPPORT DE LA MINORITÉ
Rapporteur : M. Alain Charbonnier
L'origine de ces deux projets de lois fût la décision de la FSPJ (Fédération suisse des parlements des jeunes) de soutenir et d'inciter toutes initiatives, au niveau communal, cantonal et national, d'abaisser l'âge de la majorité civique à 16 ans.
Après le refus des Chambres fédérales, la FSPJ s'est décidée à porter le débat au niveau des cantons. Ce ne serait pas la première fois, qu'un projet refusé au niveau fédéral, soit discuté et accepté par un canton, l'exemple de l'assurance-maternité en est le dernier en date. Il n'y a donc aucune volonté démagogique derrière ces projets de lois.
L'audition de la coprésidente de la FSPJ et d'une de ses collègues de comité, ainsi que l'argumentaire de la FSPJ en faveur de la majorité civique dès l'âge de 16 ans révolus (distribué lors de la commission), nous a résumé clairement la position des jeunes. Pour eux, l'élargissement du droit de vote sert la démocratie. Dans toute les générations on trouve des gens désintéressés par la politique, il n'est pourtant pas question de restreindre leurs droits politiques. Les jeunes adhèrent évidemment à la limitation de ces droits, mais ils considèrent que la limitation à 18 ans est trop élevée et qu'elle ne se justifie pas.
Dans un ancien rapport de la commission du Conseil national pour l'abaissement de la majorité civique de 20 à 18 ans, il est évoqué un « état de maturité politique » qui est atteint dès que « l'on est capable d'identifier et de formuler ses intérêts personnels aussi bien d'un point de vue matériel que spirituel ». Cette maturité doit être donnée pour une majorité de la catégorie d'âge envisagée. Les jeunes sont amenés à prendre des décisions importantes pour leur avenir bien avant 18 ans, notamment quant au choix d'une filière de formation ou d'une profession. Les Eglises, elles aussi, demandent depuis très longtemps aux jeunes de confirmer leur engagement entre 16 et 18 ans.
Les personnes auditionnées, nous ont exprimé leur certitude quant à un intérêt plus important des jeunes pour la politique, s'ils pouvaient y participer pleinement. De plus, pour eux, l'abaissement de la majorité civique « est un puissant ferment du renouvellement du contrat social entre les générations ».
L'audition a aussi porté sur l'instruction civique. Il semble effectivement, qu'un effort très important devrait être consenti dans ce domaine et que l'âge de 16 ans serait idéal pour mettre tout de suite en pratique ce qui pourrait être appris lors de l'école obligatoire.
Le débat en commission après 45 minutes d'audition, n'a duré qu'une demi-heure et c'est par une majorité de circonstance que l'Entente a refusé l'entrée en matière de ces deux projets de lois. Nous ne trouvons pas très sérieux le sort qui a été réservé en commission à ces projets de lois, sur un sujet aussi important que la participation des jeunes de 16 à 18 ans à la vie politique de notre canton. C'est pourquoi, nous vous demandons instamment, d'accepter l'entrée en matière de ces projets de lois 8348 et 8349.
Premier débat
Mme Catherine Passaplan (PDC), rapporteur de majorité. Je n'ai rien à ajouter à mon rapport, par contre, la lecture du rapport de minorité m'inspire quelques remarques dont je voudrais vous faire part, surtout en ce qui concerne le dernier paragraphe. Monsieur Charbonnier, vous indiquez que le débat en commission a duré une demi-heure seulement, après 45 minutes d'audition des personnes que nous avions reçues, et que c'est par une majorité de circonstance que l'Entente a refusé l'entrée en matière de ces deux projets de lois...
Si vous ne trouvez pas très sérieux le sort qui a été réservé à ces projets de lois en commission sur un sujet aussi important que la participation des jeunes de 16 à 18 ans à la vie politique de notre canton, en ce qui me concerne je ne peux pas rejoindre votre rapport. Et si mes souvenirs sont bons, lors de cette séance de commission, ce sont les membres des partis de l'Entente qui sont intervenus, qui ont posé des questions aux personnes auditionnées et qui ont participé à ce débat de façon active et non la majorité de l'Alternative, dont vous et votre groupe politique... Alors, je ne voudrais pas que l'on nous reproche d'avoir traité ce sujet par-dessous la jambe !
Cela dit, Monsieur Charbonnier, vous êtes membre de la commission au même titre que les partis de l'Entente, et je m'étonne donc que vous disiez que vous n'avez pas vraiment pu participer à ce débat, comme vous le laissez entendre dans votre rapport, d'autant que votre manque de réaction pour ne pas dire votre profond silence en commission sont assez éloquents.
Je propose donc à cette assemblée de bien vouloir suivre les conclusions du rapport de majorité.
M. Alain Charbonnier (S), rapporteur de minorité. Madame Passaplan, vous parlez de notre passivité en commission... Je tiens à signaler à cet égard qu'en fin de débat un commissaire de l'Alternative a proposé de reporter le vote d'entrée en matière à une séance suivante et d'aller de l'avant sur ce projet de loi, ce qui a été refusé par la majorité du moment. Nous n'avons donc pas pu aller plus avant au niveau du débat sur ce sujet !
Je voulais revenir sur le rapport de majorité et sur certaines remarques faites durant le débat de la commission. A propos des deux jeunes qui ont été auditionnés, l'Entente a dit qu'ils étaient des «exceptions»... Moi, je veux bien, mais pour le certifier, il faudrait tout de même avoir des points de comparaison, que nous n'avons pas eus... Ce sont les deux seuls jeunes que nous avons pu auditionner, et nous serions, comme par hasard, tombés sur les deux exceptions, les perles rares : tant mieux ! Il s'agissait de deux jeunes filles effectivement très motivées par la politique. Je veux bien qu'elles ne soient pas très représentatives de la jeunesse mais, en tout cas, elles nous ont donné plein d'arguments qui abondent dans le sens de ce projet, soit d'octroyer l'exercice des droits politiques aux jeunes dès 16 ans.
L'Entente nous a également dit que les jeunes se désintéressaient de toute façon de la politique... Alors, que dire des autres générations ! A voir les taux de participation à tous les niveaux en Suisse, que ce soit cantonal ou communal, je ne vois pas pourquoi on en demanderait plus aux jeunes !
Voilà les commentaires que je voulais faire pour l'instant.
M. Pierre-Alain Cristin (S). Le groupe socialiste ne peut qu'exprimer sa surprise, voire son désappointement, vis-à-vis du rapport de majorité sur l'abaissement de l'âge de l'exercice des droits civiques à 16 ans. En effet, nous trouvons désolant le manque d'intérêt suscité par ce sujet.
La non-entrée en matière de la commission des droits politiques est une véritable baffe pour les jeunes adultes, et nous aurions aimé que les travaux de la commission durent un peu plus que le temps d'une séance d'audition de deux heures...
Le groupe socialiste persiste à penser que l'abaissement de l'âge de la majorité civique aurait un effet positif à moyen et à long terme, en ce sens qu'il serait un pas important en direction d'une meilleure participation des jeunes aux grands thèmes de société. De plus, nous pensons que le fait d'intégrer les jeunes le plus tôt possible à la vie politique permettrait un vrai dialogue entre les générations et une meilleure intégration sociale.
Pour finir, nous pensons que la conclusion du rapport de majorité disant que les représentants de la Fédération suisse des parlements des jeunes auditionnés par la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil sont des exceptions est totalement erronée. Quoi de plus visible que tous ces jeunes qui se mobilisent, soit en politique soit par le biais des associations !
C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe socialiste vous recommande de voter ces deux projets de lois.
Mme Esther Alder (Ve). Les Verts soutiendront le rapport de majorité. La raison principale est que nous pensons que la situation actuelle présente l'avantage d'une certaine cohérence qui veut que l'on fasse coïncider majorité civile et majorité civique, la capacité de légiférer allant de pair avec l'accès à la plénitude de la vie citoyenne.
Par ailleurs, pour les Verts, droit de vote et éligibilité sont indissociables. Et si l'on considère qu'une personne est en mesure de légiférer, donc de voter, il n'y a aucune raison de lui refuser l'éligibilité.
En conclusion, nous vous proposons de refuser l'entrée en matière de ces projets de lois.
M. Thomas Büchi (R). La question est simple : à 16 ans, a-t-on la maturité suffisante pour exercer ses droits civiques, oui ou non ?
A notre sens, la réponse est non, parce que, dans cette période de l'adolescence, on est encore a priori totalement dépendant de l'autorité parentale. Et les préoccupations sont souvent bien différentes, même si quelques cas isolés manifestent un intérêt pour la chose publique. Jouir des droits politiques à 16 ans n'a aucun sens et n'est pas en harmonie avec les préoccupations de la majorité des jeunes. Je dois vous dire, ayant un fils qui arrive à cette tranche d'âge, que j'ai interrogé ses amis et camarades à ce sujet : la plupart n'en ont absolument rien à cirer de la politique !
Je crois donc que ce projet de loi tombe totalement à côté de la réalité vécue par l'adolescent.
De plus - Mme Alder l'a rappelé tout à l'heure - l'âge de la majorité a déjà été abaissé de 20 à 18 ans, et il est évident que l'exercice des droits politiques va de pair avec la majorité. C'est un non-sens de les dissocier. Et cet aspect est particulièrement symbolique et fondamental.
A mon avis, vous qui, habituellement, foisonnez de bonnes idées, Monsieur Brunier, vous deviez être en panne d'inspiration ce jour-là pour nous avoir pondu un tel projet ! Je dois même dire, Monsieur Brunier, que ce n'est pas la meilleure idée que vous ayez eue dans cette législature !
M. Christian Brunier. Je peux faire mieux !
M. Thomas Büchi. Vous pouvez faire mieux, oui ! (Rires.) J'aimerais aussi vous dire que ces processus un petit peu extrêmes qui mènent à déposer ce genre de projets de lois sont les mêmes que celui qui nous a malheureusement empêchés d'aboutir à un consensus sur le droit de vote des étrangers, que nous étions pourtant très proches d'obtenir, avec le résultat qu'on sait...
Mesdames et Messieurs les députés, le groupe radical vous enjoint de rejeter ce projet de loi qui n'apporte rien de nouveau ni d'intéressant, qui n'est pas adéquat pour les jeunes et qui n'est pas au centre de leurs préoccupations. En fin de compte, je crois que c'est le projet de loi qui manque de maturité !
M. Pierre Vanek (AdG). Je l'avais déjà dit en préconsultation, notre groupe ne s'opposera pas à cette mesure et, aujourd'hui, concrètement, nous voterons donc l'entrée en matière sur ce projet de loi.
Néanmoins, je tiens à déclarer que nous ne sommes pas enthousiasmés par une telle mesure, et nous ne combattrons pas pour abaisser l'âge requis pour exercer les droits politiques au même titre et avec la même vigueur que nous continuerons par contre à nous battre pour le droit de vote et d'éligibilité des résidents étrangers.
En effet, il ne nous semble pas que cela représente une restriction majeure qui nuise à une démocratie qui fonctionne de manière conséquente. Parce que nous considérons aussi que la démocratie et la politique en général ne se pratiquent pas seulement sur les bancs d'un parlement et qu'effectivement, dès l'âge de 16, 15 ou même 13 ans, on peut et on doit commencer à faire de la politique. Au contraire, un engagement dans une assemblée élue pour représenter des citoyennes et des citoyens demande en quelque sorte un prérequis qui est un engagement de terrain sur le plan politique, sur le plan syndical, sur le plan associatif, et le fait que des jeunes de 16 ans doivent attendre deux ans pour pouvoir, cas échéant, siéger avec nous ou voter ou élire ne les empêche pas d'avoir toutes sortes de formes d'engagement, qui leur permettent d'acquérir de l'expérience et de prétendre ensuite à représenter, par exemple dans une assemblée élue, les citoyens qui les auraient élus, et qui leur donnent aussi les points de repère nécessaires pour voter en connaissance de cause.
De ce point de vue, si nous soutenons ce projet de loi, nous n'en faisons pas un cheval de bataille.
Par contre, j'aimerais intervenir sur un ou deux points du rapport de majorité, même si c'est un rapport qui provient des bancs de l'Entente, que je n'aimerais pas laisser passer. Vous dites, Madame Passaplan, par exemple, qu'il faut donner des cours d'instruction civique supplémentaires dans les écoles, mais aussi, je cite : «Cependant, il faut veiller à ne pas faire entrer la politique dans nos écoles, afin d'en garantir la neutralité et le respect de toutes les opinions.»
Alors, certes, l'institution de l'école doit respecter une certaine «neutralité» politique, mais on ne peut pas à la fois déplorer, comme je l'ai entendu sur des bancs de l'Entente, le manque de maturité des jeunes et dire ensuite que la politique ne doit surtout pas rentrer dans les écoles... Bien sûr que la politique doit rentrer dans les écoles ! Bien sûr que dans les collèges, dans les écoles d'apprentissage et autres, les jeunes de 15, 16, 17, 18 ans, doivent s'engager politiquement ! Ils ont le droit et le devoir civique de débattre de questions politiques sur le lieu de leur formation ! Mais, évidemment, il faut fixer des barrières pour que ce débat ne soit pas biaisé par l'imposition autoritaire, sous prétexte de grades académiques, de professeurs, d'opinions arrêtées. Nos écoles doivent être un lieu de débats politiques et civiques. On ne peut pas se contenter d'attendre que les jeunes aient deux ans de plus et un peu plus de «maturité» ! Non, précisément - et je rejoins mon propos initial - c'est en ayant une activité politique, mais pas forcément institutionnelle, que les jeunes se forment à la politique. C'est une nécessité pour que les combats démocratiques à la hauteur des enjeux sociaux de la collectivité puissent se mener à Genève.
Vous dites, Madame Passaplan - je suis très gêné par ce paragraphe de votre rapport - que la politique ne devrait pas rentrer dans les écoles, comme si la politique était quelque chose de sale... D'ailleurs, on entend souvent sur certains bancs dans cette enceinte qu'il faut discuter sérieusement d'une question et ne pas en faire un enjeu politique... Non ! On doit au contraire faire de la politique sérieusement ! Discuter d'enjeux sociaux d'une manière non politique, c'est précisément ne pas être sérieux ! Dans nos écoles comme ailleurs, nous avons droit à ce que les choses se passent comme cela !
Vous dites encore, Madame Passaplan, que les jeunes de l'âge visé par ce projet de loi sont intéressés par les grands débats mondiaux qui rencontrent un écho auprès de ces jeunes - ce qui est normal - et qu'ils ne sont pas pour autant intéressés par la politique locale... Vous faites là, à mon avis, une dichotomie qui est inadmissible et que certains tentent de reproduire, en disant qu'il y a d'un côté les grands enjeux mondiaux et de l'autre la «vraie» politique locale... Non, ce n'est pas vrai !
Mon groupe tente de le faire et moi-même, l'autre fois, sur un objet sur lequel je ne reviendrai pas, j'ai fait ces relations : il y a des liens étroits entre les grands enjeux des contradictions internationales, l'orientation néolibérale, qui vise à imposer certaines formes de la globalisation capitaliste, et tous les débats, pratiquement sans exception, que nous avons dans ce parlement. L'idée qui consiste à différencier les deux choses et à dire que c'est normal que les jeunes s'intéressent aux grandes causes mais pas à la politique locale, provient justement des «politiciens», entre guillemets, et des politiciennes ou des politicards et des politicardes, qui font cette distinction ! Alors que faire de la politique, c'est précisément être capable de faire la connexion entre ces contradictions sociales plus générales et les enjeux politiques concrets dont nous discutons jour après jour dans cette enceinte !
Voilà ce que j'avais à dire à ce propos. Vous l'aurez compris, nous ne nous battrons donc pas autour de ce projet-ci : c'est une simple intervention modeste et calme... (Rires et exclamations.) ...que je fais ici pour dire que nous voterons l'entrée en matière de ce projet de loi, comme je l'ai indiqué et pour les raisons que j'ai indiquées.
Mme Janine Hagmann (L). Aujourd'hui, à 12 h 30, j'ai eu le temps d'allumer la télévision. Au journal télévisé de la Télévision romande, qu'y avait-il ? Vous ne pourrez pas, Mesdames et Messieurs des bancs d'en face, dire que la Télévision romande n'est pas crédible : il y avait un reportage tourné à l'école Nicolas-Bouvier !
Le journaliste y interviewait des jeunes qui sortaient en leur demandant : «Que pensez-vous du projet de loi qui va être débattu cet après-midi dans l'enceinte du Grand Conseil et qui fera de Genève, peut-être, le premier canton à abaisser le droit de vote des jeunes à 16 ans ?» Eh bien - et vous pourrez vérifier ce que je vous dis ce soir - tous les jeunes interrogés, tous, sauf une jeune femme - et je vous dirai pourquoi après - ont répondu qu'ils ne voyaient, je cite, «aucun intérêt à ce qu'on leur donne le droit de vote à 16 ans».
Leurs arguments étaient grosso modo les suivants :
1. «Non, je ne suis pas mature, ça ne m'intéresse pas !»;
2. «Non, la politique ce n'est pas ma tasse de thé !»;
3. Un autre a dit quelque chose que j'ai trouvé intéressant : «Vous savez, Monsieur, on est souvent rebelle à cet âge, et, quand on est rebelle, on a des théories complètement opposées à celles de ses parents. Donc, si j'avais le droit de vote, je sais que je voterais automatiquement à l'opposé de mes parents !»
Et j'en passe... Ce sont les arguments que l'on nous a donnés. La jeune femme qui a dit y être favorable était la représentante du parlement des jeunes. Evidemment, elle ne pouvait pas avoir une autre opinion, puisqu'elle est déjà engagée politiquement !
J'ai eu l'impression en regardant cette émission qu'on voulait faire le bonheur des gens malgré eux... Il y a quelque temps un journaliste titrait : «Laissez-les vivre !» C'est juste, Mesdames et Messieurs les députés ! Il y a un âge pour chaque chose !
Monsieur Brunier, je suis totalement sidérée qu'on ose proposer un projet de loi aussi important que celui-là, qui porte sur la constitution et sur lequel la population devra se prononcer, sans avoir procédé au moindre sondage d'opinion... (L'oratrice est interpellée.) Avez-vous fait un sondage d'opinion auprès des jeunes, pour avoir au moins une idée de leur position à ce sujet ? Est-ce vous qui avez raison ou est-ce le reportage de la télévision ? Ce n'est vraiment pas réaliste ! C'est mettre en avant un concept politique !
En commission de l'enseignement, nous nous sommes préoccupés à plusieurs reprises de l'éducation citoyenne, car il est évident que ce sujet est important. Celle-ci doit faire partie de la culture de nos jeunes : elle ne doit pas commencer à 16 ans, elle doit commencer avant ! «Pratiques citoyennes», le nouveau livre que nous avons du reste parcouru, permet aux jeunes de comprendre la politique, l'ensemble des choses publiques, mais de là à leur donner des droits et des devoirs avant l'âge requis, il y a un pas qui ne me semble pas opportun.
A mon avis, le rapport de majorité de Mme Passaplan doit être suivi et l'entrée en matière de ce projet de loi doit être refusée, dès lors qu'on ne sait pas du tout si la majorité des jeunes désire qu'une telle mesure soit appliquée. Depuis quand propose-t-on une mesure à une population qui ne la désire pas ? Ce n'est pas crédible ! Alors, refusez l'entrée en matière et remettez cet ouvrage sur le métier une autre fois, en ayant réfléchi sérieusement au sujet !
M. René Koechlin (L). «On s'en fout !» (Exclamations.) «Je m'en fous, je m'en fous et je m'en contrefous !» Voilà la réponse que l'on recueille des jeunes de 16 à 18 ans lorsqu'on leur pose la question contenue dans le projet de loi que nous traitons ce soir. Moi aussi, Monsieur Büchi, j'ai eu des enfants qui ont traversé l'adolescence - j'en ai eu quatre...
Une voix. Tu as bien bossé ! (Rires.)
M. René Koechlin. J'ai interrogé beaucoup de jeunes sur ce qu'ils pensaient de la politique et tous, sans exception, comme ce matin à la Télévision romande, m'ont répondu : «On s'en fout ! Mais vous ne pouvez pas savoir à quel point on s'en fout de la politique et des droits civiques !»... n'en déplaise à M. Etienne, qui, évidemment, est désolé parce qu'il aimerait bien que les jeunes soient vieux avant l'âge ! Car les droits civiques ce n'est qu'à partir d'un certain âge qu'on peut s'y intéresser : quand on est engagé dans la vie professionnelle ou dans la vie tout court. Mais quand on est encore adolescent, Monsieur Etienne... Vous étiez adolescent, il n'y a pas si longtemps ! Essuyez-vous, Monsieur, il y a encore la goutte de lait qui pend au coin de vos lèvres ! (Rires.) Alors, essuyez-la ! Allez, Monsieur Etienne, un petit effort ! Vous ne vous souvenez pas de votre adolescence ? Vous n'en gardez aucune image ? Belle évidence ! Vous souriez ! ? Ah, vous en conservez quand même quelque chose de relativement positif, puisqu'elle vous incite à sourire !
En tout cas, quand nous étions adolescents... Je vous en prie, Mesdames et Messieurs, souvenez-vous de ce temps-là...
Une voix. On était heureux !
M. René Koechlin. Quand vous aviez 16 à 18 ans, que pensiez-vous de la politique ?
M. Rémy Pagani. On en faisait déjà !
M. René Koechlin. Oui, Pagani faisait de la politique ! (Exclamations.) Mais Pagani faisait de la politique déjà au berceau ! (Rires.) Il ne savait pas encore parler qu'il agitait déjà de la politique, comme son hochet ! Il faisait encore dans ses culottes, qu'il faisait déjà de la politique ! D'ailleurs, ça n'a pas changé ! (Rires.)
Non mais, s'il vous plaît ! Soyons sérieux : à chaque âge suffit sa peine, à chaque âge, ses responsabilités !
Par contre, je suis d'accord avec M. Vanek - une fois n'est pas coutume ! - il y a un problème didactique, et je souscris sur ce point : je pense qu'il n'est pas inutile de préparer les jeunes à la politique, parce que 16 ans, c'est l'âge de préparation, d'éducation. Il y a un rôle didactique à jouer : avec le parlement des jeunes, d'une part, mais aussi en introduisant des simulations de parlement dans les écoles pour préparer à l'exercice des droits politiques...
Une voix. Ça se fait déjà !
M. René Koechlin. Ça se fait déjà ? Eh bien, ce mode de faire pourrait être développé ! Préparons une motion à l'intention de notre excellente conseillère d'Etat pour qu'elle renforce les programmes dans les écoles visant une éducation civique plus approfondie ! D'accord; mais, s'il vous plaît, ne confondons pas les responsabilités des uns et des autres ! La responsabilité des adolescents doit se limiter à une préparation didactique : jusque-là, je vous suis; mais je ne vous suis pas sur le contenu du projet de loi qui nous est soumis ce soir !
Je vous invite donc à le refuser avec fermeté et, pourquoi pas, avec une pointe d'humour !
M. Christian Brunier (S). Nous vous avons entendus, Madame Hagmann et Monsieur Koechlin, qui êtes certainement les mieux placés dans ce parlement pour parler au nom des jeunes... (Rires et applaudissements.) ...dire que les jeunes «s'en foutent» ! Ce sont les termes que vous avez utilisés...
Madame Hagmann, Monsieur Koechlin, si vous demandez aux jeunes de plus de 18 ans, qui ont les droits civiques, ce qu'ils pensent de la politique et de la démocratie directe, ils vont - malheureusement - vous répondre qu'ils «s'en foutent». On entend cela partout, dans la rue, dans les bistrots... Pour autant, doit-on interdire la démocratie directe ? Eh bien, non !
Vous nous avez demandé, Madame Hagmann, si nous avions fait des sondages... Un homme politique en Europe défend ses idées à partir de sondages, je veux parler de M. Berlusconi : mais ce n'est pas notre exemple politique ! (Exclamations.) Nous, nous avons plutôt l'habitude de défendre des valeurs et nous croyons que le fait d'essayer de revitaliser la démocratie par tous les moyens - celui-ci n'est qu'un moyen parmi d'autres - est une chose éminemment importante.
Certains nous ont aussi dit qu'à 16 ans les jeunes ne sont pas capables d'exercer leurs droits politiques... Mais les mêmes qui nous critiquent considèrent tout à fait normal que les jeunes soient capables de faire un choix religieux au même âge, alors que c'est éminemment difficile ! Et ce sont les mêmes qui pensent qu'il faut sélectionner les jeunes de plus en plus tôt, que les jeunes sont capables de faire des choix de formation très tôt ! Par contre, ils pensent qu'ils n'arriveraient pas à voter en raison de leur trop jeune âge et de leur manque de maturité...
Eh bien, le parti socialiste en élaborant ce projet n'était pas inconditionnel sur le droit de vote à 16 ans, mais nous pensons que le politique a le devoir de faire des propositions, le devoir de lancer des débats. Nous voulions simplement, à travers ce projet, lancer un débat et ce débat n'a pas eu lieu, puisque - cela a été dit tout à l'heure - la commission a traité le sujet en trente minutes, qu'il n'y a quasiment pas eu de discussion et que les auditions ont été limitées... Je trouve cela tout à fait regrettable !
Une chose est sûre : la démocratie s'essouffle et nous avons intérêt - nous tous - à essayer d'inventer des solutions nouvelles, et il n'y a pas de solution miracle ! Je ferai simplement un catalogue des propositions du parti socialiste : droit de vote à 16 ans : blackboulé en commission; limite de durée des mandats politiques à douze ans : blackboulé en commission; limite des cumuls de mandats politiques : pour le moment, pas de grand soutien de ce parlement; droit de vote et d'éligibilité pour les étrangers : toute une partie du parlement s'y est opposée !
Chaque fois que le parti socialiste fait une proposition pour améliorer la démocratie, nous qui représentons le monde politique, nous sommes incapables de relever le défi, nous sommes incapables d'essayer de réinventer la politique, ce qui est grave pour la démocratie ! Nous devrions pouvoir débattre de ces sujets, même si, en fin de compte, nous ne sommes pas d'accord. Il n'y a jamais eu de débats sérieux dans ce parlement, ce que je regrette vraiment, parce que c'est la démocratie qui va le payer.
J'espère que ce projet de loi passera la rampe et qu'il sera un des moyens de stimuler un peu cette démocratie bien essoufflée. (Applaudissements.)
M. Antonio Hodgers (Ve). Contrairement à mon groupe, je soutiendrai ce projet de loi.
Et je ne crois pas, comme vous le prétendez, Monsieur Brunier, que la démocratie soit si vieillotte que ça : elle fonctionne, et les enjeux de sa revitalisation passent essentiellement par l'accès de 40% de la population de notre territoire à ses droits !
Monsieur Koechlin, Madame Hagmann, les arguments que vous avez avancés sont vraiment fallacieux... Je pense, et c'est pour cela que je voterai ce projet de loi, que la plupart des jeunes «se foutent» effectivement de la politique. A voir l'attitude de certains et la manière de faire de la politique d'un bon nombre d'entre nous dans ce parlement, je comprends aussi pourquoi les jeunes «se foutent» de la politique !
A partir de là, il y a deux options : soit on les laisse tranquillement dans leur coin, soit on essaye d'avoir une démarche qui les amène dans le système, qui les fait entrer dans le jeu que l'on estime juste et qui est celui par lequel fonctionne notre République.
Madame Hagmann, vous avez donné un exemple : moi, je vais vous en donner un autre ! Lors de la campagne pour les droits politiques communaux des étrangers, les élèves de l'école Jean-Piaget, une école secondaire, organisaient un débat contradictoire sur ce sujet m'opposant à M. Blaise Matthey des Syndicats patronaux. Au tout début du débat, j'ai demandé qui avait le droit de vote : une moitié seulement a répondu oui, vu que l'autre moitié était étrangère - il est déjà difficile de faire une éducation citoyenne quand la moitié des élèves majeurs ne peuvent pas voter... Ensuite, j'ai demandé qui allait voter aux prochaines élections : environ 10% des élèves ont répondu qu'ils pensaient aller voter.
Après une heure de débat au cours duquel les élèves ont pu s'exprimer, donner leurs opinions, les confronter à celles de leurs camarades, j'ai reposé la même question et, là, 90% de ces mêmes élèves qui avaient le droit de vote pensaient aller voter... Cet exemple montre que s'il est vrai que les jeunes «se foutent» de la politique de prime abord, avec une approche intelligente - ce qui ne consiste pas seulement à abaisser l'âge de l'exercice des droits politiques mais aussi à prévoir des mesures d'accompagnement, en renforçant, par exemple, les cours d'éducation citoyenne - on peut amener les jeunes à s'intéresser davantage à la politique.
Et c'est dans cet esprit d'apprentissage de la démocratie que je vois un intérêt à ce projet de loi. Même si je comprends que vous votiez non - c'est d'ailleurs l'option de la plupart des gens de mon groupe et je respecte votre choix - par contre, je pense que vous avez tort de ne pas leur donner le droit de vote sous prétexte qu'ils «s'en foutent»... C'est un argument réducteur, et le problème de la citoyenneté des jeunes, c'est-à-dire leur citoyenneté active en tant que membres de la communauté genevoise, est essentiel. Avec votre discours, vous évacuez ce problème complètement !
M. Philippe Glatz (PDC). Au-delà du très théâtral «on s'en fout» de M. Koechlin qui pourrait être mal interprété, je ne crois pas que le «on s'en fout» dont il se faisait l'écho puisse signifier «ça ne m'intéresse pas». Cela veut simplement dire, Mesdames et Messieurs les députés : «Le temps de l'adolescence est aussi celui du droit à l'insouciance. Pourquoi voulez-vous nous faire porter des responsabilités que vous n'êtes plus capables d'assumer tout seuls ?»
Le temps de l'adolescence n'est pas celui de l'âge adulte. Les adolescents et les enfants ont le droit légitime, profond, à ce que les adultes prennent leurs responsabilités. Or, s'il est une responsabilité que nous devons prendre, c'est bien celle de gérer les affaires publiques.
Ne serait-ce pas l'art de se défausser que de vouloir donner le droit de votes aux jeunes de 16 ans, et de n'être ainsi plus responsables ? M. Brunier l'a dit : «Ce sera un des moyens de sauver cette démocratie ! Moi, député Brunier, une fois que les adolescents auront le droit de vote à 16 ans, je ne serai plus responsable, puisqu'ils devront voter !»... Non, les adolescents ont encore droit à l'insouciance et il faut leur laisser cette possibilité, ce qui ne veut pas dire du tout qu'ils doivent se désintéresser de la chose publique, mais il est un temps pour l'insouciance et un temps pour prendre ses responsabilités !
Vous, Mesdames et Messieurs, vous offusquez très souvent et avec raison du fait que l'on fasse travailler parfois des enfants trop tôt, à l'âge de 14 ans, voire 12 ans, dans certains pays du monde, et demandez que l'on prenne des mesures très sévères pour éviter, justement, que ces enfants soient obligés d'assumer de telles charges, de telles responsabilités, et vous avez raison. Les adolescents ont encore droit aujourd'hui à un temps de paix et il semble que ce temps de paix et d'insouciance puisse encore durer jusqu'à l'âge de 18 ans, ce qui ne signifie pas qu'ils ne doivent pas s'intéresser à la chose publique. Bien au contraire, s'ils s'y intéressent ils peuvent largement déjà y participer de diverses manières. (Applaudissements.)
M. Roger Beer (R). Nous débattons une fois de plus d'un sujet important et j'aimerais rendre hommage à M. Brunier et à ses troupes de se préoccuper de l'avenir de notre démocratie : c'est bien sympathique !
Le problème de M. Brunier - comme l'a fait la dernière fois M. Hodgers - est qu'il croit savoir de quoi le peuple a envie... Mais la démocratie, ça ne marche malheureusement pas comme cela ! Ce projet de loi veut donner le droit de vote à 16 ans, or les jeunes «s'en foutent» : c'est dramatique, mais c'est comme cela et ce n'est pas le Grand Conseil ni la population qui vont changer les choses en votant ce projet de loi, même si c'est désolant. C'est plutôt à nos instances, à nos partis, de faire en sorte d'intéresser les jeunes.
Ce que je trouve dramatique, avec votre projet de loi et votre discours absolutiste, Monsieur Hodgers - on l'a vu avec le droit de vote des étrangers à propos duquel vous avez fait du forcing pour faire passer le droit d'éligibilité, alors qu'il était évident qu'il ne passerait pas, ce qui a probablement empêché le reste du projet de passer - c'est que vous allez arriver à tout faire capoter encore une fois !
Vous voyez, Monsieur Brunier, je pense que provoquer le débat est une bonne chose, mais il est certain que vous allez vous casser le nez en proposant une votation populaire, qui sera inévitable puisqu'il s'agit d'une modification de la constitution. Alors, je ne sais pas si c'est faire avancer la démocratie que de provoquer une discussion et un vote populaire sur un projet dont on est presque sûr qu'il ne va pas passer - je dis presque, car on est en effet jamais complètement sûr des choses ! Pour ma part, je trouve dommage d'utiliser cette démarche. Attendez que les choses mûrissent et, ensuite, présentez un projet qui tienne la route ! Si on avait accepté le projet du Conseil d'Etat, la population aurait probablement accordé le droit de vote aux étrangers ! Les grandes communes auraient pu le mettre en place et la suite serait venue naturellement dans les six à dix ans... Vous voulez aller plus vite, mais ça ne marche pas. Je le regrette, mais dans le cas présent, ce sera exactement la même chose !
Nous devrions normalement garder la majorité qui s'est dégagée en commission, mais, si ce n'est pas le cas, nous nous casserons le nez devant le peuple.
M. Jean-François Courvoisier (S). Si les jeunes des milieux que fréquente M. Koechlin disent qu'ils «se foutent» de la politique, moi je peux vous dire que mes trois petits-fils, qui ont de 14 à 17 ans, se passionnent pour la politique même s'ils ne sont pas d'accord avec moi... L'aîné m'a dit que, s'il pouvait voter, il ne voterait pas pour moi parce qu'il trouve que les socialistes sont nuls... (Exclamations.) ...et qu'il voterait pour SolidaritéS ! (Exclamations et applaudissements.)
Encore une chose : ce sont les jeunes qui supporteront les conséquences des décisions que nous prenons aujourd'hui. Il serait donc normal qu'ils décident un peu de leur avenir maintenant et que nous ne soyons pas les seuls à tout décider pour eux en matière d'environnement, d'instruction publique et le reste. C'est pour cette raison qu'il faut absolument soutenir ce projet de loi.
M. Antonio Hodgers (Ve). Monsieur Beer, vous essayez de nous donner des leçons, ce que je ne peux pas laisser passer comme cela...
Vous dites qu'il faut attirer les jeunes dans nos partis et mener une politique active à ce niveau-là... Mais, Monsieur Beer, avez-vous calculé la moyenne d'âge de votre groupe par rapport au mien ? (Rires.)
Vous nous donnez une deuxième leçon au sujet des droits politiques des étrangers... Vous êtes-vous demandé, Monsieur Beer, ce qui se serait passé si votre parti avait finalement soutenu la mouture du projet de loi sur le droit de vote et l'éligibilité des étrangers qui est partie devant le peuple ? Ne pensez-vous pas qu'il aurait pu ramener les deux mille cinq cents voix qui nous ont manqué ? Moi, je pense que le parti radical mobiliserait facilement deux mille cinq cents personnes... (Exclamations.) C'est donc très facile de nous faire porter la responsabilité de cet échec, alors que vous auriez pu, si vous aviez été cohérents depuis le début, mener ce projet à bien !
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, il y a encore quatre députés inscrits. Je vous propose de clore la liste. Je vous passe la parole, Monsieur Blanc !
M. Claude Blanc (PDC). Je ferai simplement quelques remarques.
Il y a quelques années, le peuple suisse avait accepté de donner les droits civiques dès 18 ans. Et puis, on s'est vite rendu compte que, ce faisant, on créait un déséquilibre entre les droits civiques et les droits civils. Car comment peut-on disposer du bien de l'Etat, si on n'est pas en mesure de disposer de ses biens propres ?
Si bien qu'on a été amené à rétablir l'équilibre et à accorder les droits civils à ceux à qui on venait d'accorder les droits civiques.
J'ai bien peur, si on se lance dans l'expérience dans laquelle vous voulez nous entraîner, c'est-à-dire donner les droits civiques aux jeunes de 16 ans, qu'on soit sans tarder appelé à rétablir l'équilibre pour leur donner les droits civils. Nous nous trouverions alors dans un grave déséquilibre, car les droits civils sont très importants et les jeunes n'ont certainement pas la possibilité, à 16 ans, d'apprécier les décisions qu'ils prennent quant à leurs droits civils. Comment voulez-vous qu'ils puissent, de la même manière, apprécier les droits qui leur seraient conférés par les droits civiques ?
Monsieur Brunier, il est vrai qu'un certain nombre de députés disaient, s'agissant de la 7e hétérogène, qu'il fallait reculer l'âge du choix et que nous disions qu'il fallait avancer l'âge de ce choix. Vous disiez à ce propos que les jeunes n'étaient pas capables de faire des choix trop jeunes et qu'il fallait leur laisser plus de temps pour les faire... Et vous dites maintenant que les jeunes peuvent faire des choix plus vite !
M. Christian Brunier. Au cycle, ils ont 11 ans !
M. Claude Blanc. C'est dire qu'il est toujours possible de se retourner les arguments les uns les autres, et nous ne changerons jamais rien à cela !
Monsieur Brunier, vous disiez aussi que le fait d'accorder le droit de vote à 16 ans serait une sorte de régénération de notre démocratie - c'est bien comme cela que vous l'avez dit, en tout cas c'est comme cela que je l'ai compris... Mais alors, vous auriez dû aller jusqu'au bout de votre raisonnement : le meilleur moyen de rajeunir notre démocratie c'est d'enlever le droit de vote aux vieux ! (Exclamations et rires.) C'est peut-être bien l'étape suivante à laquelle vous avez pensé... Et c'est contre cela que je m'élève, parce que j'estime qu'on a encore le droit de dire ce que l'on pense ! Si la régénération de la démocratie consiste à donner des droits civiques dès le berceau, alors il faut aussi les donner jusqu'à la fin, ce qui ferait un peu trop de monde...
Donc, Monsieur Brunier, il faudrait choisir, et moi je choisis le statu quo, jusqu'à ce qu'on nous prouve que les vieux ne doivent plus avoir le droit de vote !
Mme Myriam Sormanni-Lonfat (HP). Mettons d'abord l'accent sur une instruction civique digne de ce nom dans nos écoles et dans nos cycles ! Cela commence par un minimum d'éducation et de savoir-vivre. Par exemple, comme je l'ai déjà dit, ne pas resquiller dans les bus - ce n'est pas gratuit - ne pas voler; faire preuve d'un minimum de politesse vis-à-vis des personnes plus âgées, vis-à-vis de ses camarades de classe, vis-à-vis de tout le monde d'ailleurs...
En ce qui me concerne, j'ai eu la majorité civique à l'âge de 20 ans, et le droit de vote seulement en 1971, en tant que Valaisanne... Nous avions la tradition de maintenir ce que l'on appelait la rencontre annuelle des classes de contemporains. J'ai une tante qui a maintenant bientôt 80 ans, qui continue à s'y rendre régulièrement... Nous avons reçu une solide instruction civique dans les classes que j'ai fréquentées. Vous me direz peut-être que j'ai eu de la chance, car j'ai pu fréquenter des pensionnats privés. Je veux bien, mais ça n'empêche pas qu'on accordait une certaine importance aux choses et qu'on savait ce que cela voulait dire.
Actuellement, il y a un problème : on a abaissé l'âge de ces droits de 20 à 18 ans. Vous les descendrez plus tard à 16 ans et, avec la révolte des adolescents à cet âge-là, cela posera peut-être de sérieux problèmes... A mon avis - et croyez-moi, je vais bientôt avoir 50 ans - on avait autant besoin de s'exprimer que les jeunes de maintenant, mais si on ne taguait pas les murs, c'est tout simplement parce que nos parents nous apprenaient le sens de la propriété : il ne fallait pas y toucher, tout simplement ! Aujourd'hui, la Ville va devoir investir des millions pour nettoyer les bâtiments ! Maintenant, il n'y a plus ce minimum de respect, alors croyez-vous que les jeunes auront suffisamment le sens des responsabilités pour pouvoir prendre des décisions ?
Cela me fait un peu peur. Je suis désolée, mais je ne peux pas soutenir ce projet !
Mme Catherine Passaplan (PDC), rapporteur de majorité. Je ne voudrais par rallonger les débats, mais je voulais simplement vous répondre, Monsieur Vanek, car vous m'avez soupçonnée de penser que la politique était sale et qu'elle ne devait par conséquent pas entrer dans les écoles... J'aurais dû spécifier qu'il n'était pas souhaitable de faire entrer la politique «partisane» dans nos écoles ! Car il est évident que je fais quand même la distinction entre l'éducation politique en tant que telle et la politique partisane.
Vous avez aussi dit que je portais un jugement de valeur sur la politique locale et la politique mondiale... Lorsqu'on est adolescent et pour autant que ma mémoire soit fidèle, bien que ma jeunesse soit déjà lointaine...
Des voix. Mais non !
Mme Catherine Passaplan, rapporteur de majorité. ...je crois que les centres d'intérêt politique sont bien plus axés sur les grands sujets de préoccupation au niveau mondial que sur la politique locale. Ce n'est pas de ma part un jugement de valeur, c'est une simple constatation !
Par ailleurs, je doute fort effectivement que l'image que nous donnons de la politique, surtout dans notre enceinte, soit assez enthousiasmante pour séduire et convaincre les jeunes qui nous entourent de s'y intéresser de façon beaucoup plus active entre 16 et 18 ans !
D'autre part, vous avez dit que M. Pagani et vous-même, Monsieur Vanek, faisiez déjà de la politique lorsque vous étiez très jeunes... Je suis convaincue que vous êtes tombés dans la marmite, probablement à l'image d'un célèbre héros de bande dessinée, mais, à mon avis et à cette différence près, vous n'êtes pas tombés dans la marmite qui contenait la bonne formule magique ! (Rires.)
PL 8348-A
Mis aux voix, ce projet est rejeté en premier débat.
PL 8349-A
M. Claude Blanc (PDC). Madame la présidente, dès l'instant où la modification constitutionnelle est refusée, le projet de loi qui en découle n'a plus sa raison d'être !
La présidente. Il devrait donc être retiré par les auteurs, mais, s'ils ne le font pas, je le mettrai tout de même au vote formellement... Monsieur Brunier, vous avez la parole.
M. Christian Brunier (S). M. Blanc a raison : nous retirons donc ce projet de loi.
Le Grand Conseil prend acte du retrait du projet de loi 8349-A.