République et canton de Genève

Grand Conseil

P 1229-A
12. Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition relative au statut d'utilité publique de l'Association genevoise du Coin de Terre. ( -)P1229

Dans sa session de décembre 1998, le Grand Conseil renvoyait la pétition susmentionnée du 15 décembre à la Commission des pétitions qui l'étudia sous les présidences de M. Louis Serex et de Mme Louiza Mottaz lors de ses séances des 11 et 18 janvier, 22 février, 31 mai, 13 et 20 septembre 1999.

Les procès-verbaux ont été rédigés par Mme Pauline Schaefer et M. Lionel Ricou que nous remercions pour la clarté de leurs travaux.

Pétition(1229)

Mesdames etMessieurs les députés,

En 1994, l'assemblée générale de l'ACGT a nommé une commission composée d'un représentant par groupement, chargée de procéder à la révision de nos statuts qui ne correspondent plus à la situation actuelle. Après deux ans de travaux, la commission a rendu ses propositions au comité de direction.

A l'assemblée générale du 28 mai 1997, nous avons eu la surprise de constater que des modifications fondamentales avaient été apportées aux propositions de la commission par le comité de direction de l'ACGT. De plus, le président central a affirmé que les nouveaux statuts qu'il présentait avaient été soumis pour approbation au Conseil d'Etat et avaient reçu son aval. Induits en erreur, nombre de sociétaires en déduisaient que le Conseil d'Etat les avait acceptés, ce que celui-ci a formellement démenti.

A cette assemblée, un certain nombre de membres ont protesté en vain contre les manoeuvres inacceptables de l'ACGT. En conséquence, nous ne demandons pas à l'Etat de se substituer aux dirigeants de l'ACGT, mais de dégager sa responsabilité le plus rapidement possible afin que nous soyons en mesure, comme tout citoyen, de faire valoir nos droits.

Reconnue d'utilité publique par la loi du 10 juin 1933, l'Association du Coin de Terre (ci-après AGCT) a notamment pour vocation de mettre en vente à des prix modestes des logements familiaux. Pour cela, elle peut bénéficier de subventions, d'allègements de taux d'intérêts et est exemptée d'impôts, des frais de timbre et d'enregistrement, ainsi que des émoluments du Registre foncier.

Le Conseil d'Etat a la charge d'approuver les statuts de l'association ainsi que les achats de terrains, en particulier les emplacements, les prix et les modalités.

Un principe de base permettant à l'association de mettre à disposition de ses membres ayants droit des objets à prix modestes consiste à utiliser le droit de réméré. Le droit de réméré permet au vendeur de racheter le bien au prix d'origine ou au prix prévu dans le pacte de réméré.

En 1994, l'article 216a du Code des obligations a été modifié de sorte que le droit de réméré ne peut plus être convenu pour une durée illimitée, mais seulement pour une durée maximum de 25 ans. Cette modification contraindra l'association à introduire un nouveau système contractuel afin de garantir son but social en empêchant ses membres de se défaire à terme de leur bien au profit d'un tiers non membre de l'AGCT et à un prix non plafonné.

L'AGCT bénéficiant du statut d'utilité publique et de certains avantages offerts par la loi de 1933, les pétitionnaires estiment que la responsabilité de l'Etat est engagée. Ils s'adressent aux autorités pour qu'elles interviennent dans le conflit qui les oppose à l'AGCT et plus particulièrement à son comité.

Invoquant un dysfonctionnement et des irrégularités, les reproches au comité sont les suivants :

modification du rapport de la commission chargée de la révision des statuts avant la présentation à l'assemblée générale ;

désinformation sur la prétendue approbation des statuts par le Conseil d'Etat ;

deux procès entre des membres propriétaires et l'AGCT relatifs aux refus du comité d'accepter la transmission du bien aux enfants des propriétaires ;

frais de justice de l'AGCT trop élevés, 150 000 F en trois ans ;

manque de transparence dans la gestion en général et dans le choix des acquéreurs des biens disponibles, faveurs aux familles des membres du comité ;

l'association réalise un bénéfice annuel de 200 000 F. Elle ne mérite plus d'être reconnue d'utilité publique et de bénéficier d'avantages fiscaux ;

lorsqu'un bien est attribué à une famille dont le revenu mensuel est 20 000 F, le but visé de doter des familles à ressources modestes n'est plus poursuivi.

Si les revendications des pétitionnaires dénonçant l'intervention de l'AGCT dans le choix du successeur sont compréhensibles, une liberté totale en cas de revente ne peut être admise. Les pétitionnaires ont bénéficié du Coin de Terre et, le jour où ils se défont de leur maison, ils veulent modifier le système.

Les décisions sont prises par un comité et une assemblée générale. La minorité peut s'attaquer aux décisions de l'assemblée générale devant un juge, mais il n'appartient pas au DAEL, ni à l'Etat de trancher ce type de conflits. Le contrôle du département porte sur les transactions et sur les comptes.

L'utilité publique et les avantages attribués à cette association répondent à des préoccupations d'intérêt général. La demande des pétitionnaires signifie la remise en question des objectifs concrétisés par la loi de 1933. Sans ce statut, l'AGCT est vouée à disparaître.

S'agissant de la modification des statuts, M. Mottiez indique qu'à sa connaissance, aucune modification statutaire n'a été soumise au Conseil d'Etat et il n'y a par conséquent pas eu d'approbation formelle.

Dans le cas où la minorité au sein de l'association deviendrait majoritaire M. Moutinot estime que le Conseil d'Etat devrait intervenir pour rappeler le statut d'utilité publique et les buts de l'AGCT.

M. Nydegger rappelle les raisons de l'AGCT s'agissant de l'utilisation du droit de réméré ainsi que les modifications législatives fédérales rentrées en vigueur en 1994. Il déplore l'absence de droit transitoire. Actuellement, personne ne peut dire à partir de quel moment le délai de 25 ans débute. Est-ce à partir du 1er janvier 1994, la fin du droit prenant effet en 2019, ou la rétroactivité s'applique-t-elle ?

C'est cette modification législative qui provoque depuis 1994 un grand tumulte au sein de l'AGCT ainsi que le recours aux conseils de juristes et d'avocats pour la défense des intérêts de l'association. Le remplacement du droit de réméré par d'autres dispositions contractuelles garantissant les buts de l'AGCT a été étudié. Une possibilité proposée à l'AGCT, celle du droit de superficie, a été refusée en raison du sentiment de ne pas être réellement propriétaire. Le droit de préemption a l'inconvénient de ne pas être applicable en cas de succession ou de donation.

Le droit de réméré peut être exercé dans quatre situations : le décès du propriétaire, sa démission de l'AGCT, son exclusion ou lors d'une violation répétée des statuts, ce qui ne s'est jamais produit.

S'agissant des critiques sur les comptes, les bénéfices et la fortune accumulée, les comptes sont présentés comme il se doit à l'Assemblée générale qui les a toujours approuvés à la quasi-unanimité. L'AGCT réalise en moyenne 2 % de bénéfice sur ses ventes, il y a effectivement des transactions déficitaires. En 1998, les charges de fonctionnement s'élevaient à 374 000 F et le produit des transactions à 26 000 F. Si l'association ne pouvait pas bénéficier du rendement de sa fortune pour payer ses charges, elle ne pourrait poursuivre son activité.

A la question des conditions financières confortables plutôt que modestes de certains bénéficiaires, et du montant élevé des ventes, il est répondu que l'AGCT gère une situation. Ces bénéficiaires ont peut-être bénéficié de ce revenu après l'acquisition du logement, ou ce dernier est le fruit d'une succession. Le prix des transactions n'est pas uniquement déterminé par l'AGCT, mais simplement par l'évolution du prix du marché. Il est vrai qu'en 1987, au moment où la conjoncture était la plus haute, un appartement a été vendu 750 000 F pour être revendu par la suite 620 000 F, mais le prix moyen des transactions de maisons se monte à 250 000 F et reste dans chaque cas moins élevé que le prix du marché.

L'Assemblée générale a refusé une proposition d'audit de l'AGCT. Le vote effectué en tenant compte des abstentions pour déterminer la majorité a été contesté alors que l'avocate de l'AGCT affirmait que le mode de vote était correct. Au surplus, le coût de cet audit estimé entre 50 000 F et 100 000 F aurait considérablement alourdi les charges de fonctionnement. La Commission de contrôle dans ses rapports a constaté que la gestion financière du comité se faisait dans un souci constant de défense de l'intérêt des membres de l'association.

La suppression du droit de réméré pose effectivement un problème de pérennité pour l'AGCT. Pourtant, ce droit est un moyen permettant d'assurer une défense collective contre la tendance spéculative des promoteurs. En l'état, l'AGCT ne pourra continuer à exister que si les gens ont une volonté associative, car elle ne pourra plus contraindre ses membres en se basant sur la loi.

L'exonération fiscale dont bénéficie l'AGCT a été accordée par la loi de 1933, ce qui est un cas rare puisque de nos jours, l'exonération en matière d'utilité publique est accordée par le Conseil d'Etat.

Un contrôleur des services du DF en 1996 a estimé que les comptes de l'AGCT étaient peu clairs. En fait, elle dispose de millions de fonds propres mais ne construit que peu en raison d'une conjoncture offrant des logements relativement peu chers. Les prix pratiqués par l'AGCT sont effectivement bas et pour des villas de 5 personnes avec 400 à 500 m2 de terrain, les coûts se situent entre 260 000 F et 390 000 F.

L'exonération fiscale est donc toujours légitime car l'intérêt général est respecté, les objets sont vendus à des personnes de condition modeste et les membres travaillant au sein du comité sont désintéressés. Ils perçoivent des indemnités non imposables, mais ne s'enrichissent pas.

En préambule M. Föex tient à préciser que son avis de droit sur la question a été rédigé pour le compte de l'AGCT qui le délie du secret professionnel.

En 1993, la durée du droit de réméré n'était pas limitée par le droit fédéral, alors que l'annotation au registre foncier l'était pour une durée de 10 ans. Les modifications législatives de 1994 ont procédé à l'unification de la durée du droit et de l'annotation.

Etant donné que le législateur n'a pas tranché la question sur l'éventuelle rétroactivité de la loi lors de son remaniement, cette dernière doit être interprétée. Le Tribunal fédéral aurait prétendu qu'il n'y avait pas nécessité de trancher en l'espèce. M. Föex soutient que le droit ne devrait pas être rétroactif. La nouvelle législation fragilise l'AGCT car elle devra dorénavant se conformer à cette durée de 25 ans.

S'agissant de relations entre les citoyens, c'est du droit privé régi par le droit fédéral. Cependant, il n'est pas impensable que l'Etat puisse instituer des droits de préemption fondés sur le droit public.

La marge de manoeuvre reste très mince et d'autres solutions telles l'usufruit et le droit de superficie ne rencontrent pas l'approbation des membres de l'AGCT qui veulent être réellement propriétaires.

Quant aux solutions envisageables pour garantir la pérennité de l'AGCT, faisant état du conflit d'intérêt avec l'association s'il répondait, M. Föex doit s'abstenir.

Au terme des auditions au cours desquelles les commissaires ont recueilli les informations complémentaires nécessaires à la compréhension du fonctionnement de l'AGCT, un sentiment unanime se dégage très nettement.

Des personnes ayant profité de conditions avantageuses offertes par l'AGCT contestent les contraintes du système au moment de se défaire de leur bien. Les pétitionnaires dénoncent le dysfonctionnement et les manoeuvres inacceptables des organes dirigeants.

Les pétitionnaires n'ont pas obtenu de soutien majoritaire de l'assemblée générale souveraine dans les conflits de relations entre les membres. Si le comité ne fait pas preuve dans tous les cas d'une totale transparence, le processus légal et statutaire fonctionne correctement. Les transactions sont contrôlées par l'Etat, les comptes sont contrôlés par les vérificateurs, et l'assemblée générale approuve les comptes.

Quoi qu'il en soit, il n'appartient pas à l'Etat d'intervenir dans la gestion de litiges entre membres d'associations de droit privé et dans le cas précis en dehors de ses prérogatives relatives aux transactions. 

S'agissant de la responsabilité engagée de l'Etat par l'octroi du statut d'utilité publique, il faut rappeler la loi du 10 juin 1933 qui dit ceci :

Art. 7 Une participation officielle de quelle nature qu'elle soit, en faveur de l'Association pour la création de jardins et logements familiaux n'engage en aucune mesure la responsabilité de l'Etat dans l'entreprise quant aux conflits de tous ordres qui pourraient naître à son occasion tant du fait de ses membres que du fait des tiers et cela pour n'importe quelle cause.

La commission est unanime dans la volonté de maintenir le statut d'utilité publique de l'AGCT lui permettant d'atteindre les objectifs sociaux de la loi votée par le Grand Conseil en 1933.

En ce qui concerne la modification législative fédérale introduisant une limitation de la durée du droit de réméré à 25 ans, l'ensemble de la commission est d'avis que cette nouvelle disposition législative menace à terme l'existence de l'AGCT. Il est par conséquent nécessaire que le Conseil d'Etat étudie juridiquement les solutions et les éventuelles modifications législatives cantonales garantissant la pérennité de l'AGCT.

L'ensemble des députés est d'accord sur le fond des recommandations que la commission entend exprimer. Cependant, étant donné que cet avis ne rejoint pas les revendications des pétitionnaires, une partie des députés opte pour une proposition de dépôt de la pétition et d'élaboration d'une motion énonçant la teneur des conclusions du présent rapport. L'autre préfère le renvoi au Conseil d'Etat en indiquant distinctement la volonté de la commission.

Au vote, la proposition de dépôt est refusée par 8 non (1 L, 2 R, 3 S, 2 Ve), contre 4 oui (2 AdG, 1 DC, 1 L) et une abstention (1 DC).

La proposition de renvoi au Conseil d'Etat est acceptée par 9 oui (1 DC, 1 L, 2 R, 3 S, 2 Ve) et 4 non (2 AdG, 1 DC, 1 L).

Si ces votes partagent les commissaires sur la forme de la suite à donner à cette pétition, la question de fond fait l'unanimité. La commission propose le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat et manifeste sa volonté sur les points suivants :

L'Etat, et dans le cas particulier le Conseil d'Etat, ne doit pas intervenir dans le conflit entre les pétitionnaires et l'AGCT.

Le statut d'utilité publique et les facilités accordées par la loi de 1933 à l'AGCT pour concrétiser le but social de son activité doivent être absolument conservés.

Le Conseil d'Etat doit étudier les solutions juridiquement envisageables et les éventuelles modifications législatives cantonales garantissant la pérennité de l'AGCT.

Au bénéfice de ces explications, la commission des pétitions vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à approuver la conclusion et les recommandations du rapport en votant son renvoi au Conseil d'Etat.

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Débat

M. Jean-Marc Odier (R), rapporteur. Je donnerai quelques précisions sur le vote de la commission, qui était unanime sur le fond, mais partagée sur la forme de la suite à donner à cette pétition. La commission propose de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat, mais elle ne va pas dans le sens des pétitionnaires. C'est un peu paradoxal et j'aimerais à cet égard revenir sur le fond du problème.

La pétition évoque des problèmes entre des membres de l'Association du Coin de Terre et le comité, notamment s'agissant des statuts. En fait, ce qui n'est pas explicitement indiqué dans le texte de la pétition, c'est que ces membres cherchent à se soustraire à un droit sur lequel se base le fonctionnement de l'Association du Coin de Terre, qui est le droit de réméré. Le code des obligations a été modifié en 1994, de telle manière que la durée de ce droit n'est plus illimitée, mais limitée à vingt-cinq ans. Les pétitionnaires souhaitent bénéficier de l'abolition du droit de réméré, de manière à pouvoir utiliser leur bien comme bon leur semble, le revendre au prix qu'ils l'entendent et à qui ils le souhaitent. La commission y est évidemment totalement opposée, mais elle estime que cette pétition a soulevé un problème sur lequel le Conseil d'Etat devrait se pencher. En effet, le fait que le droit de réméré est dorénavant limité à vingt-cinq ans aura pour conséquence qu'en 2019 les propriétaires du Coin de Terre pourront se soustraire à ce droit et revendre leur bien à qui ils l'entendent, ce qui signifierait la fin de l'Association du Coin de Terre.

S'agissant des différentes demandes de la pétition, les conclusions du rapport sont que le Conseil d'Etat ne peut ni ne doit intervenir dans le conflit entre les membres de l'association et le comité; que le statut d'utilité publique accordé à l'association doit être maintenu afin de garantir la pérennité de cette association; enfin, que le Conseil d'Etat doit se pencher sur les éventuelles modifications législatives qui pourraient permettre à l'association de continuer ses activités dans le futur.

Je vous invite donc, Mesdames et Messieurs les députés, à voter le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat avec, expressément, les volontés exprimées dans les conclusions.

Mme Janine Hagmann (L). La commission des pétitions s'est penchée avec intérêt sur cette pétition et a appris beaucoup de choses. Il était très intéressant de voir comment évoluait, grâce aux auditions menées, notre sympathie vis-à-vis de ce groupement. Je dois dire que la commission, à l'unanimité, a reconnu que l'Association du Coin de Terre méritait la sympathie. Certains des membres de la commission la connaissaient, parce qu'ils avaient eux-mêmes été intéressés à avoir une maison par le Coin de Terre. En revanche, là où la commission n'a plus été tout à fait d'accord, c'est sur la destination de cette pétition.

Le but de cette pétition est, en fait, d'arriver à faire supprimer le statut d'utilité publique de l'association. Il faut savoir que l'Association du Coin de Terre ne bénéficie d'aucune subvention de l'Etat, mais est par contre exonérée des impôts cantonaux et communaux, de tous les frais d'enregistrement ainsi que des émoluments du Registre foncier, pour les achats et les ventes à ses sociétaires. Si les immeubles de l'association sont évalués de façon modeste, ils sont soumis à un droit de réméré qui limite la spéculation, avec une prise en compte de la moitié de la plus-value sur le terrain. La suppression du statut d'utilité publique entraînerait la disparition de l'association, ce qui permettrait aux pétitionnaires de bénéficier d'une importante plus-value, car leur propriété tomberait dans le marché libre.

Cette pétition a été déposée en 1998. Quelle a été l'évolution de l'association depuis 1998 ? En novembre 1999, une nouvelle commission de révision des statuts, regroupant les représentants de tous les groupements de l'Association genevoise du Coin de Terre, dix-huit membres élus par les groupements sans intervention des membres des instances dirigeantes, s'est mise sur pied. Après étude de toutes les idées et propositions individuelles, la commission a rédigé un projet de nouveaux statuts, qui a été adopté à plus de 80% des membres présents - il y avait 338 membres à cette assemblée - le 26 mars 2001. Ce projet confirme le maintien du droit de réméré, mais pour une durée maximum de vingt-cinq ans, selon le même mode de calcul accepté jusqu'ici par l'Etat de Genève. Par ailleurs, il prévoit la création d'une commission de conciliation, fonctionnant comme organe de médiation en cas de litige entre les membres de l'association, ou entre ceux-ci et le comité central, dans le but d'éviter des procédures longues et coûteuses. Le projet de nouveaux statuts, adopté en assemblée générale extraordinaire du 26 mars, a été transmis au Conseil d'Etat immédiatement après l'assemblée, pour obtenir son aval en vue du maintien du statut d'utilité publique.

Je m'adresse ici aux députés qui ont participé aux travaux de commission : savez-vous ce qu'il est advenu des pétitionnaires auditionnés par la commission ? Eh bien, le couple Murrlé a quitté de son plein gré l'association, en obtenant pour sa propriété un prix correspondant à son attente. Quant à M. Walter Wenk, il a été condamné par les tribunaux genevois, condamnation confirmée par le Tribunal fédéral, à payer une indemnité ainsi qu'une partie des frais de procédure, parce qu'il n'avait pas respecté ses engagements, en donnant sa maison à sa fille et à sa petite-fille sans leur demander de signer le droit de réméré en faveur de l'Association genevoise du Coin de Terre.

Depuis la mise sur pied de la commission de révision des statuts, les assemblées générales annuelles sont beaucoup plus sereines. S'il est vrai que cette pétition a montré un léger dysfonctionnement du comité par rapport aux membres, depuis 1998 tout est rentré dans l'ordre et le Conseil d'Etat va maintenant adopter les statuts. Or, en envoyant cette pétition au Conseil d'Etat, il est évident, Mesdames et Messieurs les députés, qu'on donne raison aux pétitionnaires, dont le but est de supprimer l'utilité publique de l'Association du Coin de Terre. Nous reconnaissons tous, cela a été prouvé, l'utilité de cette association : si nous voulons qu'elle perdure, nous devons, sachant que le Conseil d'Etat va s'occuper des statuts, déposer la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement, pour ne pas donner un signal de victoire aux pétitionnaires.

C'est pour cette seule raison qu'une partie de la commission - en dehors de tout clivage politique : vous aurez vu que les regroupements sont assez étonnants - vous propose de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement.

M. Laurent Moutinot. La commission des pétitions propose effectivement le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat pour que celui-ci fasse le contraire de ce que demandent les pétitionnaires... Peu importe la procédure, sur le fond je suis extrêmement heureux de votre détermination. La longue bagarre qui a eu lieu au sein de cette association - dont m'ont parlé mes prédécesseurs, puisque cette bagarre remonte à de nombreuses années - est en train de trouver un terme et les principes énoncés aux pages 8 et 9 de l'excellent rapport de M. Odier sont ceux sur lesquels s'est toujours fondé le Conseil d'Etat et sur lesquels il peut maintenant se fonder avec votre appui.

Nous avons en effet reçu, Madame Hagmann, les nouveaux statuts de l'Association du Coin de Terre, mais avant de les avaliser, nous allons les examiner avec le plus grand soin, parce qu'il est exclu qu'une association ayant bénéficié de l'aide de l'Etat, d'un statut d'utilité publique, puisse se trouver dans la situation où les derniers acquéreurs seraient favorisés, alors que cela est contraire aux buts mêmes de l'association et aux raisons pour lesquelles elle a été aidée par l'Etat. Nous allons donc examiner ces statuts dans le sens de vos préoccupations. S'ils répondent, compte tenu des limites du droit fédéral, à ce que l'on peut attendre, ils seront approuvés. S'ils doivent être modifiés pour garantir le statut d'utilité publique, nous demanderons les modifications nécessaires, dans le sens même des conclusions de la commission des pétitions.

En l'occurrence, Madame Hagmann, que la pétition soit déposée sur le bureau du Grand Conseil ou renvoyée au Conseil d'Etat, je prends l'engagement de traiter ce dossier de la manière que je viens de vous indiquer.

La présidente. Mme Hagmann a proposé de déposer la pétition sur le bureau du Grand Conseil. Je vais donc opposer sa proposition à celle qui figure dans le rapport... Monsieur Odier ?

M. Jean-Marc Odier (R), rapporteur. Mesdames et Messieurs les députés, je ne suis pas d'accord avec la proposition de Mme Hagmann. Je ne pense pas que le renvoi au Conseil d'Etat soit un signe en faveur des pétitionnaires, puisque les conclusions du rapport expriment clairement la volonté de la commission. J'ajoute que le problème n'est pas résolu : le droit de réméré étant limité dorénavant à vingt-cinq ans et n'étant pas renouvelable, le problème se posera en 2019. Il se pourrait éventuellement que l'association doive racheter, en 2018, la totalité des biens. Je vous invite donc à refuser la proposition de dépôt sur le bureau et à voter le renvoi au Conseil d'Etat.

Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (renvoi de la pétition au Conseil d'Etat) sont adoptées.