République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 10 mai 2001 à 17h
54e législature - 4e année - 8e session - 21e séance
RD 398
Suite du débat
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons reprendre nos débats sur ce point. Madame Gobet, voulez-vous redire quelques mots sur ce rapport, ou pouvons-nous continuer le débat tel qu'il a été initié lors de la dernière session ?
Mme Alexandra Gobet (S), rapporteuse. Je ne vais pas m'attarder sur les constatations qui occupent les septante premières pages du rapport et que nous avons déjà évoquées dans la séance précédente, mais je vais toutefois faire un petit résumé pour passer aux conclusions de la commission.
La première constatation qui a été faite est que la direction du département de justice et police n'avait pas relayé, lorsqu'il en était encore temps, les demandes de personnel stable et qualifié qui étaient formulées par les préposés des offices de poursuites et faillites. Elle n'a pas non plus suivi les recommandations correspondantes de l'ancienne commission de contrôle de gestion et d'Arthur Andersen. La raison de ce refus tient en fait à une décision du gouvernement monocolore que M. Ramseyer a mise en avant pour contrer les propositions de dotations du personnel : je veux parler de la décision de réduction linéaire du personnel de l'Etat, et je me réfère à cet égard à la note plus qu'explicite que M. Ramseyer avait envoyée à ses collègues du Conseil d'Etat en octobre 1995, à la suite du rapport de l'ancienne commission de contrôle de gestion.
La deuxième constatation est que ce refus de fournir du personnel convenable et stable a contraint les préposés - pas tout seuls, bien sûr - à imaginer des stratagèmes, hors budget, parfaitement illégaux, pour garder à leur service des personnes qu'ils recevaient en occupation temporaire. Alors, dans la mesure où le système mis au point n'obligeait pas le chef du département à revenir sur une demande de personnel stable et dans la mesure où les recettes des offices de poursuites et faillites couvraient les salaires, eh bien le chef du département a explicitement couvert ces procédés.
Troisième constatation : le défaut de contrôle sur le fonctionnement des OPF a permis l'installation d'un trafic d'influence, en tout cas un : celui dont il est question ce soir. Ce régime de faveur a été exercé par un préposé dans l'attribution du marché des temporaires.
Quatrième constatation - et c'est grave - l'absence de réaction du département des finances et du Conseil d'Etat aux conclusions des audits qui concernaient les OPF ainsi qu'aux rapports successifs de l'inspection cantonale des finances : personne n'a bougé au niveau du gouvernement ! En fait, cette carence n'a d'égal à nos yeux que l'inertie de l'autorité de surveillance. Cette autorité de surveillance n'a de la fonction qu'une étiquette sur quelques organigrammes, mais elle ne remplit pas cette fonction.
Alors, qu'y a-t-il aujourd'hui à tirer de la mise au jour de ces dérapages ? Eh bien, cette mise au jour représente une chance inestimable d'infléchir ces modes de fonctionnement pervers qui, en définitive, n'auront servi les intérêts que d'une pincée d'individus au lieu de servir les intérêts de la collectivité.
Certains d'entre nous se sont demandé pourquoi le conseiller d'Etat chargé du DJPT et pourquoi les membres du Conseil d'Etat n'étaient pas intervenus eux-mêmes pour redresser cette situation. Mesdames et Messieurs, tous ces rapports d'audit pouvaient d'autant plus être ignorés qu'ils demeuraient confidentiels à leurs destinataires, qu'ils renvoyaient précisément les membres du gouvernement à leurs insuffisances, qu'ils les renvoyaient à tout ce qui leur échappe, à tout ce qu'ils n'avaient pas réalisé, à toutes les mesures qu'ils n'avaient pas prises... Alors, franchement, chacun d'entre nous sait ce que peut être l'amour-propre : est-il facile de mettre le nez dans ses propres insuffisances et d'agir ? Ceci est peut-être une part de l'explication de cette inertie.
Aujourd'hui, la ferme volonté de la commission de contrôle de gestion de remplir quant à elle pleinement ses fonctions de surveillance de la gestion du gouvernement est en quelque sorte une nouvelle donne, un genre de stimulant ou de cordial que le Conseil d'Etat prendra peut-être un peu à son corps défendant... Mais, enfin, les choses sont ainsi ! Des contacts sont maintenant établis avec les deux départements qui sont concernés par la gestion de ce problème. Et nous essayerons de revenir avec différentes propositions à l'automne.
En l'état actuel des choses, ces propositions visent :
- à édicter des règles d'intégrité pour régir les relations entre les représentants de l'Etat et leurs partenaires du secteur privé;
- à poser la dotation qui serait réellement nécessaire en personnel pour que les offices fonctionnent;
- à mettre sur pied des filières de formation qui valident et renforcent les compétences du personnel des offices de poursuites;
- à revoir et simplifier, peut-être, l'organisation de ces offices;
- à établir les modalités d'un véritable contrôle transversal en matière financière et de gestion du personnel;
- à régler aussi les problèmes posés par le statut précaire d'une partie des gens qui travaillent aux offices de poursuites et faillites.
Et, en fonction des conclusions du groupe d'experts mis en oeuvre par la commission de contrôle de gestion, il pourra peut-être y avoir d'autres pistes à explorer.
Mais le rapport comportait encore deux autres points : l'autonomisation des offices : le concept OPF 41, et la présence permanente d'Atag dans les offices. Alors, sur ces deux points, la commission confirme qu'avant d'autonomiser il faut restaurer la confiance dans les offices et le choix des mandataires, à l'avenir, devra scrupuleusement respecter les procédures mises en place au sujet des marchés publics. Ces procédures constituent un garde-fou important contre les dérapages et les malversations. Dans les pays qui nous entourent, c'est dans les adjudications directes que l'on est le plus souvent confronté à des abus de pouvoir et des trafics d'influence. Il convient que, quant à nous, nous nous en prémunissions à l'avenir.
Je vous remercie de votre attention.
Mme Jeannine de Haller (AdG). Lorsque M. Ramseyer est venu à la commission de contrôle de gestion, il nous a dit que la réforme OPF 41 était adressée au département des finances pour préavis. Nous aimerions donc savoir si la cheffe du département des finances est en mesure de dire au Grand Conseil si elle a examiné ce projet et, si oui, quelles sont ses conclusions. Je lui saurais gré de nous les communiquer ce soir.
Mme Stéphanie Ruegsegger (PDC). En préambule, le groupe démocrate-chrétien tient à souligner l'immense travail effectué par la rapporteure, Mme Alexandra Gobet Winiger, à travers la rédaction de son rapport qui est fort complet et, plus largement, à travers son engagement au sein de la commission. Elle a été la véritable cheville ouvrière de cet immense travail, qui demande aujourd'hui à être approfondi dans le calme et la sérénité.
Pour mémoire, la commission de contrôle de gestion s'est saisie de la motion dont il est question dès le début de son fonctionnement. Et je dois dire que ce projet, pour un premier projet, était important et pas des plus faciles à traiter. A partir d'une motion qui était apparemment anodine, elle s'est retrouvée face à une série de dysfonctionnements, supposés ou avérés selon les cas et d'une gravité qu'il conviendra encore d'établir.
Pour rappel, le but de la commission de contrôle de gestion est de se saisir de projets et d'émettre des propositions constructives en vue d'une meilleure maîtrise de la gestion des affaires de l'Etat. La commission se doit d'être la plus neutre possible et doit absolument laisser les esprits partisans de côté. Ce n'est qu'ainsi qu'elle pourra fonctionner avec le calme et l'efficacité nécessaires.
Or, force est de constater qu'après avoir fourni un travail qui, je le répète, est véritablement immense et efficace, notre commission se retrouve aujourd'hui face à ses propres limites. Des fuites ont alimenté avec régularité les journaux de la place. Les rumeurs et les on-dit ont également circulé dans les couloirs et les bistrots de la République. En fait, les conditions d'un travail serein et impartial ne sont aujourd'hui, à notre sens, plus réunies.
La commission de contrôle n'a ni pour vocation ni les moyens de mener une instruction et ne peut en aucun cas s'ériger en juge. Ce travail doit être fait par une institution indépendante du pouvoir politique, qui pourrait sans problème revêtir les traits d'une Cour des comptes, que notre Grand Conseil a renvoyée pour examen devant la commission des finances.
Pour l'heure, le groupe démocrate-chrétien approuve la décision du Conseil d'Etat de transmettre ce dossier aux autorités judiciaires qui pourront, elles, établir, avec toute la sérénité et la compétence nécessaires, la véracité des dysfonctionnements supposés.
M. Rémy Pagani (AdG). Je trouve un peu facile, Madame Ruegsegger, de parler de «dysfonctionnements supposés», alors que le rapport, qui est à notre avis effectivement très bien construit et dont les conclusions sont évidentes, démontre le contraire. Non seulement les dysfonctionnements sont avérés, notamment un trafic d'influence, mais encore et surtout des sonnettes d'alarme ont été tirées à plusieurs reprises par l'inspectorat cantonal des finances, et ce au temps du gouvernement monocolore et, ces quatre dernières années, sous la responsabilité de M. Ramseyer ! Alors, je trouve un peu facile que le Conseil d'Etat «shoote la balle en touche» et transmette toute cette affaire au procureur général en attendant que justice se fasse ! C'est un volet de cette affaire - c'est vrai - mais l'autre volet auquel le gouvernement ne peut pas échapper, c'est de mettre de l'ordre immédiatement dans ces affaires : c'est sa responsabilité !
En l'occurrence, je citerai un seul cas : celui de l'office cantonal de l'assurance-invalidité, où certains événements se sont déroulés à peu près de manière similaire, il y a une année de cela. En effet, un directeur pas très compétent - je mesure mes mots - a été l'objet d'une série de dénonciations et M. Segond, contrairement à M. Ramseyer, chef du département de justice et police, a pris le dossier en main et mis sur pied une commission de pilotage remarquable. Il a ouvert une enquête par le biais d'un organisme indépendant, un audit qui a auditionné tout le personnel et aujourd'hui, une année après, cet office fonctionne à peu près correctement.
Que fait M. Ramseyer ? Tout d'abord, il prétend que l'affaire de l'office des faillites est un gag, ensuite il se replie - évidemment, il n'a pas d'autre choix dans la situation dans laquelle ce rapport le place - et, enfin, comme le gouvernement, il renvoie en touche ce dossier auprès du procureur général ! Je trouve cela parfaitement inadmissible et irresponsable !
Que vous le croyiez ou pas, il y a des personnes ayant fait faillite qui sont, elles, grugées d'un certain nombre de leurs droits; il y a les acheteurs à l'office des poursuites qui sont, eux aussi, grugés d'un certain nombre de leurs droits ! Et d'ailleurs, depuis que cette affaire est sortie sur la place publique, ces mêmes acheteurs se réjouissent du contrôle qui est fait et qui, d'une certaine manière, fonctionne à nouveau à peu près correctement depuis deux à trois semaines.
Seulement, je trouve un peu facile d'éluder la souffrance des personnes qui travaillent à l'heure actuelle dans de telles conditions, notamment des employés des offices de poursuites et faillites en ce qui concerne les ventes aux enchères, qui subissent des pressions encore aujourd'hui pour se taire, voire pour accepter les systèmes en place, et notamment les comptes occultes de cet office ! Je trouve cela extrêmement grave et si M. Ramseyer devait ne pas apporter de réponse claire aujourd'hui, je trouverais cela déplorable et irresponsable de la part d'un gouvernement qui se veut l'expression de la République !
Mme Jeannine de Haller (AdG). J'apprends que la réponse de Mme Calmy-Rey est contenue dans une lettre... Je vous demanderai donc, Madame la présidente, de bien vouloir la faire lire.
La présidente. Madame la députée, si vous n'y voyez pas d'inconvénient, nous finissons d'abord le premier tour des interventions, et nous procéderons à cette lecture ensuite. Monsieur le député Béné, vous avez la parole.
M. Jacques Béné (L). Je n'avais pas spécialement l'intention de prendre la parole, parce que je cautionne tout ce qui a été dit par Mme Gobet, avec laquelle j'ai travaillé sur cette question.
Je ne suis pas étonné que vous preniez la parole, Monsieur Pagani : vous avez l'air de connaître le dossier beaucoup mieux que la majorité d'entre nous, et mieux en tout cas que les commissaires... Ce qui est irresponsable, Monsieur Pagani, c'est d'avoir jeté l'opprobre publique, par l'intermédiaire des médias, sur l'ensemble des employés des offices, avec toutes les erreurs qu'on a pu lire dans les journaux : ce n'était pas le bon office, ce n'étaient pas les bonnes personnes, etc. Malheureusement, pour l'opinion publique, ces employés sont tous de mauvais fonctionnaires corrompus. C'est ce que l'on a pu retirer de ce qui a paru dans la presse, et c'est en tout cas comme cela que ça a pu être interprété par la population.
Mesdames et Messieurs les députés, la commission de contrôle de gestion avait au départ clairement déterminé que ses travaux ne devaient pas prendre un tour politique, ce qu'elle a effectivement pu maintenir en partie jusqu'à aujourd'hui. Ce que mon groupe regrette c'est de sentir venir la dérive et que les moyens dont nous disposons pour assurer la confidentialité de nos débats ne sont malheureusement pas ou peu respectés. Et ça, Monsieur Pagani, c'est effectivement irresponsable, en dehors de la responsabilité qui est celle du Conseil d'Etat ! S'il y a effectivement responsabilité du Conseil d'Etat, on le saura après vérification - c'est aussi le but de la commission de contrôle de gestion de déterminer ce qui s'est passé et pourquoi. C'est ce que nous continuons à faire avec Mme Gobet.
Mais je trouve totalement irresponsable - j'insiste - de lancer des accusations et de les faire parvenir à la presse avant même que les rapports ne soient déposés devant l'ensemble des députés : certains membres de la commission ont appris certaines données sur ce dossier par l'intermédiaire des journaux... Laissez-moi vous dire que ça, c'est irresponsable !
M. Pierre Froidevaux (R). Je ne puis que m'élever aussi contre les propos tenus par M. Pagani, qui s'érige en juge, alors que nous assistons en fait au premier travail de la commission de contrôle de gestion, auquel ont participé des députés de tous bords : nous avons tous oeuvré dans la tâche qui nous est dévolue vis-à-vis de la population, c'est-à-dire le contrôle de l'activité du gouvernement.
Mais, Monsieur Pagani, lorsque vous utilisez les résultats de ce travail de la commission de gestion pour faire de la politique politicienne, vous torpillez malheureusement le travail de cette commission ! Je prends un exemple, Monsieur Pagani. Vous le savez, le prochain point à l'ordre du jour n'est autre que le projet de loi 7976-A, qui montre un dépassement de crédit d'un million à propos de la salle de l'Arena. On avait voté six mille places : dix mille places ont été construites ! C'est un véritable scandale ! Nous n'avons pas pu effectuer de contrôle ! Vous élevez-vous de la même manière contre ce mode de faire ?
Nous sommes là pour essayer d'apprendre à faire fonctionner cette commission, alors, je vous en supplie, Monsieur Pagani, arrêtez ! Nous voulions que cette affaire soit transmise au juge : le dossier a été élaboré et l'affaire suit son cours. Alors, maintenant continuons à apprendre à fonctionner pour que notre travail de parlementaires s'améliore encore !
M. Charles Beer (S). Je souhaitais intervenir pour rétablir certains faits au niveau du débat qui nous occupe ce soir.
Premier élément : la motion de départ - une motion du groupe socialiste - dénonçait très clairement un certain nombre de scandales dans l'utilisation abusive du personnel temporaire, via l'absence de procédure, via le copinage, via des bas salaires, via des violations du droit du travail et via une absence de protection sociale issue du fait que la maison de travail temporaire en question était elle-même cliente de l'office des poursuites et faillites. Ce sont les faits de départ qui nous ont conduits à mener une enquête. Certes c'est un premier travail de la commission de contrôle de gestion, mais un travail important qui a été effectué - comme cela a été dit - principalement par Mme Gobet Winiger, avec énormément de compétence.
Aujourd'hui, nous arrivons à ce résultat. Ce résultat nous a montré, comme la motion nous invitait à le faire, d'autres types de dysfonctionnements dont certains sont étayés dans le rapport et dont d'autres doivent être repris et complétés par un rapport complémentaire, d'où le fait que le rapport qui nous occupe est un rapport intermédiaire. Voilà pour le débat de ce soir.
Il est vrai que des informations nouvelles, qui ont été divulguées dans la presse par un certain nombre de députés ici présents, notamment par le député Pagani, se sont ajoutées au débat de ce soir. Les informations qu'il a données méritent évidemment un travail extrêmement sérieux et nourri, de manière à connaître la vérité, pour savoir si les faits que nous avons effleurés pour le moment sont prouvés. Telle est la tâche que nous avons entreprise dans cette deuxième partie, qui ne devait pas faire l'objet du débat de ce soir. Et maintenant on s'ingénie - principalement Mme Ruegsegger - à mélanger les deux débats. Et quand on mélange les deux débats on crée l'amalgame et quand il y a amalgame, on le dénonce et certains s'en servent justement pour mettre en évidence les faits qu'ils ont eux-mêmes dénoncés... Eh bien, je trouve le tour de passe-passe un peu grossier !
Et je me permettrai d'insister pour dire ce qui suit : nous devons mener un travail dans la sérénité. Le parti démocrate-chrétien - Madame Ruegsegger - comme le parti radical et le parti libéral représentés dans la commission de contrôle de gestion, jouent un rôle extrêmement constructif. Ils se félicitent des initiatives du Conseil d'Etat, non seulement en ayant transmis au procureur général le soin d'enquêter, mais également en participant à la nomination d'experts de manière à pouvoir enquêter sur les faits dénoncés par le député Pagani. Vous avez apporté votre pierre. Vous avez été vous-même, Madame, extrêmement constructive, comme l'ensemble des députés de l'Entente en commission, et je tiens à saluer cela ici avec d'autant plus de sincérité que je suis quelque peu heurté, tout à coup, par le tour de passe-passe que vous essayez d'utiliser en disant que le rapport est excellent, que le gouvernement non moins excellent le transmet au procureur général et que nous-mêmes avons fait la démonstration de notre nullité... Alors, ça - excusez-moi - c'est la fausse note de la plénière !
Certes nous parlons pour le Mémorial, mais le Mémorial n'est pas toujours égal à l'histoire : il y a en effet quelquefois certains problèmes de «bégaiements», puisque nous n'avons pas la sincérité et la constructivité à laquelle vous nous avez habitués.
Maintenant, il est vrai que, si nous tenons à la rigueur et à la qualité du travail, à l'impartialité de l'enquête, il n'est pas possible, à terme, de permettre encore les pollutions que constituent les fuites systématiques de nos documents vers l'extérieur et vers la presse... Cela est bien entendu de nature à dénaturer notre travail et nos intentions. Et je tenais à dire cela clairement, de manière à éviter que certains puissent, à partir d'un rapport extrêmement précis, concret et non contesté de la part du parlement, créer une gigantesque mêlée dans laquelle gauche et droite pourraient se renvoyer quelques salades en pleine figure, pour éviter de continuer notre enquête... Nous sommes en effet - et vous le savez bien tous ici - loin d'être au bout de notre travail !
Pour accomplir notre tâche, nous avons besoin de sérénité, nous avons besoin d'impartialité, nous avons besoin de confidentialité et nous avons besoin - ce qui n'est pas le cas à l'heure actuelle - de la participation du Conseil d'Etat.
M. Claude Blanc (PDC). Monsieur Beer, vous venez de faire allusion à l'amalgame qui est fait aujourd'hui entre les faits qui avaient provoqué le dépôt de la motion et d'autres faits qui sont apparus par la suite. Je voudrais simplement vous rappeler que cet amalgame ne date pas d'aujourd'hui.
Je ne suis pas membre de la commission, mais j'ai eu l'occasion de remplacer l'un ou l'autre de mes collègues à la fin 99 et au début 2000. Je débarquais - innocent, si j'ose dire... (Rires et exclamations.) - disons que je débarquais sans avoir d'idées préconçues sur ce dossier, et je me suis tout de suite rendu compte que les éléments qui avaient motivé la motion étaient vrais, mais que, déjà à ce moment-là, les autres éléments apparaissaient gros comme des maisons ! J'ai du reste dit aux membres de la commission qu'à leur place je me dessaisirais de ce dossier et que je l'enverrais tout de suite au Parquet... En effet, vous n'avez pas les moyens, mes chers collègues, d'élucider les problèmes qui apparaissent en filigrane dans ce dossier. Les faits sont vrais ou faux... S'ils sont faux, les personnes qui les ont avancés n'auront qu'à en supporter les conséquences. S'ils sont vrais, alors, il appartient à la justice de décider.
Quinze mois après, je remercie le Conseil d'Etat d'avoir fait ce que la commission aurait dû faire il y a quinze mois : c'est-à-dire d'avouer que dans ce dossier certaines choses la dépassaient, des vérités qu'elle n'était pas à même de mettre au jour, car tout le monde sait bien qu'en interrogeant des gens sans la pression de la contrainte judiciaire, on n'obtient que les réponses que l'on veut bien nous donner... Quand j'ai vu que la commission allait se casser le nez, je lui ai recommandé de renvoyer le dossier au procureur général. Mais la commission a continué ses travaux pendant quinze mois et les travaux ont du reste un peu dégénéré en raison de diverses fuites à gauche à droite...
Une voix. A gauche !
M. Claude Blanc. Oui, plus à gauche qu'à droite, vous avez raison ! (Rires.) On a fait de ce dossier une affaire politique, alors que ce dossier aurait dû devenir une affaire judiciaire. Bon, vous ne l'avez pas voulu : maintenant vous vous êtes cassé le nez ! Et le Conseil d'Etat - que je remercie - a eu le courage de dire qu'au point où nous en étions, il fallait faire établir la vérité par ceux qui ont les moyens de l'établir, et que nous verrions bien ce qu'il en sortirait.
M. Philippe Glatz (PDC). J'apprécie beaucoup votre grand talent diplomatique, Monsieur Beer, quand vous cherchez à ne pas dire les choses comme elles l'ont été... Vos propos sont un délicat euphémisme !
Ma collègue a dit tout à l'heure combien le groupe démocrate-chrétien avait apprécié le travail de fond qui avait été fait, en particulier par Mme Gobet et par M. Béné. Vous parlez des faits dénoncés par M. Pagani... Mais les faits n'ont pas été dénoncés par M. Pagani ! Les faits mis en évidence sont la résultante de l'immense travail qui a été accompli par Mme Gobet et M. Béné, et certains ont cherché à l'exploiter de manière à se mettre en avant ! Et voilà pourquoi nous nous trouvons dans une telle situation ! Monsieur Pagani, vous aimez faire la une de la presse...
Une voix. Ce n'est pas la première fois !
M. Philippe Glatz. ...alors que le but de la commission de contrôle de gestion était de faire un travail de fond sérieux. Vous avez empêché le fonctionnement harmonieux de cette commission en divulguant des informations, alors que le travail de fond est apparu aujourd'hui : celui-ci est le résultat d'un immense travail - des heures et des heures de travail ! Mais vous, vous trouvez plus facile de vous en emparer, comme cela, et de vous parer des plumes du paon en vous érigeant en grand justicier de la République ! Eh bien, non, ce n'est pas tout à fait cela ! Il faut que le peuple sache que ce travail a été accompli par Mme Gobet et par M. Béné, à l'initiative de M. Beer !
M. Michel Balestra (L). Je pense, pour avoir succédé à Mme Gobet à la présidence de cette commission, puis l'avoir laissée à Mme Wenger, que la commission a fait du bon travail, et j'aimerais féliciter le rapporteur pour la qualité de ce rapport tout de précision, tout de nuance, tout de rigueur.
Le débat politique qui a suivi - malheureusement - n'a pas gardé la même distance par rapport à la politique partisane, et nous sommes aujourd'hui en train d'apprendre à travailler avec un outil nouveau : la commission de contrôle de gestion dans sa nouvelle structure. Et nous devons apprendre à travailler selon le principe de la séparation des pouvoirs. Nous sommes le législatif. Nous votons les lois, nous votons les budgets pour atteindre les objectifs de ces lois et nous contrôlons la bonne gestion du Conseil d'Etat. Et c'est dans le cadre de ce contrôle de la bonne gestion du Conseil d'Etat que la commission de contrôle de gestion a parfaitement fait son travail.
Or, les faits qui sont dénoncés dans le rapport présenté par le rapporteur concernent la gestion administrative du Conseil d'Etat, contrairement à ce que M. Blanc a laissé entendre. Il est évident qu'au fur et à mesure du développement de nos travaux nous avons recueilli des témoignages qui pouvaient laisser supposer que d'autres éléments méritaient d'être creusés.
L'exécutif, qui a la responsabilité de la gestion de l'Etat, a très justement et très courageusement, lorsqu'il a été averti de ces éléments, transmis le dossier à l'autorité judiciaire dont c'est la responsabilité de faire la lumière sur les faits ou les rumeurs - ça, nous n'avons pas qualité pour le dire - et très objectivement la commission de contrôle de gestion, au cours de ses travaux, a été souvent à la limite d'établir une liste à transmettre au Parquet, mais elle n'était pas suffisamment et pas intimement convaincue de la réalité des faits pour pouvoir le faire en conscience.
La difficulté que nous avons eue avec le premier dossier, à mon sens, c'est que les OPF appliquent le droit fédéral avec comme autorité de contrôle, la Cour de justice et comme autorité de gestion pour le personnel, le Conseil d'Etat. Alors, évidemment, dans ce cas, les marges de liberté, de manoeuvre et de non-contrôle, sont importantes et demandent plus que partout ailleurs des gens d'une qualité exceptionnelle. Et je crois pouvoir dire qu'il en existe parmi les collaborateurs des OPF. Mais ces différentes confusions entre les trois pouvoirs, entre les deux droits et entre les deux organes de surveillance, sont de nature à créer la confusion dans l'esprit de Mmes et MM. les députés qui n'ont pas suivi l'ensemble des travaux et des débats.
Je crois néanmoins pouvoir affirmer que la commission a su raison garder, qu'elle a bien fait son travail, et je félicite le rapporteur pour son rapport.
Maintenant, Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais apporter une note plus politique : les offices des poursuites et des faillites ont été le casse-tête de tous les conseillers d'Etat qui ont eu à les gérer - qu'ils soient socialistes ou radicaux. Ce n'est pas un domaine facile : il est sensible en raison de sa forte connotation émotionnelle. Une personne qui est cliente de l'office des poursuites et des faillites se trouve dans une situation de détresse qui fait qu'elle n'a plus un jugement aussi rationnel et aussi précis qu'une personne qui se trouverait dans une situation différente.
Mesdames et Messieurs les députés, la commission de contrôle de gestion ne prendra de l'importance qu'en gardant du recul par rapport aux problèmes de politique partisane. Elle devra toujours, dans le cadre de son travail, ne réfléchir qu'en termes de qualité de la gestion et de qualité de l'utilisation des deniers de l'Etat. Parce qu'il n'y a pas, Mesdames et Messieurs les députés, un seul groupe politique dans cette enceinte qui a un intérêt politique à une mauvaise gestion : ça n'existe pas !
Nous sommes donc solidaires pour que la qualité de la gestion s'améliore.
Mais je dois élargir le raisonnement au Conseil d'Etat : il n'y a pas un groupe politique ni un conseiller d'Etat qui ait un intérêt politique à une mauvaise gestion, comme certains dans cette enceinte peuvent le laisser accroire !
Mesdames et Messieurs les députés, je le répète, pour que la commission de contrôle de gestion prenne sa place, qu'elle soit forte, qu'elle soit importante, qu'elle soit crédible, elle doit se distancer de la politique partisane, parce que l'importance de la commission de contrôle de gestion va dans le sens de l'intérêt général pour lequel nous oeuvrons tous ! (Applaudissements.)
Mme Alexandra Gobet (S), rapporteuse. Je vous remercie, Monsieur Balestra, de votre propos. En effet, je désirais intervenir dans le même sens, suite aux propos de M. Blanc. J'aimerais qu'il n'y ait pas de confusion ce soir : dans le dossier des OPF, il ne faut pas tout renvoyer à la justice pénale !
Il faut très clairement comprendre que nous avons été avertis dès le début que s'il y avait des choses relevant du pénal nous devions les instruire jusqu'à la vraisemblance : il n'était pas question de rapporter tous les ragots que nous pouvions recueillir tels quels sans un minimum de vérification. Car on aurait pu nous reprocher d'être les calomniateurs, si nous nous étions contentés de nous décharger.
C'est la raison pour laquelle nous n'avons adressé au Parquet qu'une partie de nos observations à la fin de nos travaux, après avoir réuni les éléments, étant précisé que nous avions demandé des vérifications à l'inspection cantonale des finances pour avoir un minimum de crédibilité sur ce qui pouvait paraître pénal. J'insiste, car j'aimerais que les choses soient claires pour tous ici ce soir : tous les dysfonctionnements qui ont été constatés ne relèvent pas du pénal. Ce serait véritablement noircir les personnes qui travaillent dans les OPF que de se risquer sur ce terrain...
J'aimerais dire une deuxième chose : le Conseil d'Etat a décidé d'envoyer au Parquet les éléments à sa disposition lors d'une séance au cours de laquelle j'ai dû téléphoner pour confirmer que la commission était elle aussi disposée à les envoyer au Parquet. Je n'aimerais donc pas que l'on se fasse des «guéguerres» pour savoir qui est mieux que l'autre, qui a fait quoi, qui a fait plus vite ou qui a traîné... Nous étions exactement sur la même longueur d'onde ! La voie qui a été suivie l'a été en toute connaissance de cause par les deux instances, à une semaine d'intervalle. Je n'aimerais donc pas que des procès d'intention soient faits à cet égard !
D'autre part, il ne faudrait pas s'affoler ! Beaucoup de choses n'aboutiront peut-être pas devant la justice pénale, et il ne faut pas imaginer que l'on va condamner les gens sur la base de quelques éléments ! Nous, nous sommes allés jusqu'à la vraisemblance, mais, enfin, il faut aller bien au-delà pour incriminer quelqu'un, et certains comportements méritent un acquittement au plan de la justice pénale même s'ils constituent une violation des obligations de service au plan du statut du personnel de l'Etat.
Alors nous devons nous occuper de l'aspect administratif de cette affaire, tout en étant conscients que d'autres points ne doivent pas être évoqués ce soir, puisqu'ils sont à l'examen à l'inspection cantonale des finances, au Parquet, dans une certaine mesure à la commission d'experts de la commission. Nous ne devons pas faire cette grosse salade selon laquelle un dysfonctionnement serait un fait relevant du pénal qui doit immédiatement être communiqué.
On a eu un parfait exemple de ce que je viens de dire dans une autre situation qui est décrite dans la pétition 1167. Il s'agissait d'un fonctionnaire d'un office qui avait indûment délogé des locataires et qui a été acquitté au plan pénal, parce qu'il n'y avait pas de preuve de l'intention qui était visée dans la disposition pénale. Il n'en demeure pas moins qu'il est possible, voire probable, que cette personne n'a pas géré correctement, en tant que fonctionnaire, les obligations dont elle avait la charge. Je vous mets donc vraiment en garde : le pénal - et c'est son rôle - n'est vraiment que le point d'orgue, l'extrémité de l'iceberg.
J'aimerais donc bien que l'on revienne sur le terrain qui est le nôtre et qu'on essaye de se calmer avec ce «tout au pénal» !
M. Christian Grobet (AdG). Ce débat - tout particulièrement les interventions des députés du groupe PDC - me rappelle tout d'un coup d'autres débats que nous avons eus dans cette enceinte sur d'autres problèmes de gestion particulièrement graves... (Commentaires.) Voyez à quoi je pense ! (Rires et exclamations.) Eh, oui ! Ce sont les mêmes débats que pour la Banque cantonale de Genève, parfaitement ! (Exclamations.)
Vous avez un certain culot, Monsieur Glatz, de venir ce soir injurier un député de nos bancs, en prétendant qu'il veut se mettre en avant dans cette affaire ! Vous nous avez abreuvés des mêmes critiques dans cette enceinte parce que, pendant quatre ou cinq ans, nous avons dénoncé une série de dysfonctionnements très graves au niveau de la Banque cantonale de Genève. Et vous disiez que tout allait très bien et qu'il ne fallait surtout pas s'en occuper... Surtout pas ! Un contrôle du Grand Conseil, c'était impensable ! C'était le rôle de la Commission fédérale des banques, qui fait son travail, comme le Conseil d'Etat, d'ailleurs ! Et puis, vous disiez que nous avions d'excellents administrateurs et qu'il n'était vraiment pas possible de continuer à dénigrer la Banque cantonale de Genève ! (Exclamations.) Ni la traîner dans la boue !
Et finalement, le pot aux roses a été découvert ! Ce n'est pas un milliard de dettes qu'on a trouvé, mais quatre ! (Exclamations.) Et la banque était sur les genoux... (Commentaires.) Et vous qui pendant toutes ces années n'avez pas voulu que la moindre enquête soit faite sur la Banque cantonale de Genève, aujourd'hui vous faites exactement le même numéro avec l'office des poursuites ! Vous avez bien raison, Monsieur Balestra, de dire que cela fait des années que de graves dysfonctionnements ont lieu à l'office des poursuites, et j'adhère totalement aux propos que vous avez tenus tout à l'heure !
Le malheur est que ces dysfonctionnements ont été mis en évidence au sein de ce Grand Conseil. Un certain nombre de députés les ont évoqués. Et que s'est-il passé ? Rien du tout ! Monsieur Ramseyer, j'ai le regret de vous le dire, car j'ai beaucoup de respect à votre égard, mais dans ce dossier vous n'avez rien fait du tout, et vous n'avez procédé à aucune enquête sur ces dysfonctionnements et les éventuelles - je remercie Mme Gobet de l'avoir dit avec prudence - malversations qui ont pu avoir lieu.
Je rappelle que l'Alliance de gauche a déposé un projet de loi au moment où nous discutions de l'initiative sur l'audit de l'Etat, visant à instaurer un meilleur contrôle des activités de l'Etat. Ce Grand Conseil a voté un projet de loi qui n'allait pas aussi loin que nous le souhaitions, mais qui représente néanmoins un très grand progrès par rapport aux moyens dérisoires dont disposait le parlement précédemment pour tenter de contrôler les activités de l'Etat. La commission de contrôle de gestion a été créée. Elle a fait, j'estime, sur ce dossier - et j'ai eu l'occasion d'assister à deux ou trois séances - un travail remarquable, et j'entends remercier tout particulièrement Mme Alexandra Gobet pour l'énorme travail de synthèse qu'elle a effectué à partir des travaux de la commission. Ces travaux ne sont bien entendu pas terminés, parce qu'au fur et à mesure de leur avancement des faits nouveaux arrivaient à la connaissance de certains députés.
Ces faits, Mesdames et Messieurs les députés, sont-ils venus uniquement à la connaissance des députés de l'Alliance de gauche ? Ou d'autres députés en ont-ils eu connaissance ? Alors de deux choses l'une : ou bien effectivement beaucoup de députés étaient au courant de ces faits et ils se sont tus, ou bien - ou bien ! - on s'adresse à certains députés et pas à d'autres ! Et ce n'est peut-être pas par hasard que certains renseignements arrivent chez nous depuis plusieurs années !
Et nous nous faisons un point d'honneur, Messieurs les démocrates-chrétiens, de mettre sur la table les dysfonctionnements de l'Etat ! Et ce ne sont pas vos propos de ce soir qui nous arrêteront ! Et je remercie publiquement M. Pagani pour être venu devant ce parlement dire courageusement et clairement en public ce qu'il avait appris ! Et ne venez pas dire qu'il a perturbé les travaux de la commission ! Il n'y a jamais mis les pieds, Monsieur Glatz ! Alors, je vous en prie ! Vous vous laissez intimider par des gens de l'extérieur ? C'est grotesque !
J'aimerais dire la chose suivante au Conseil d'Etat...
Une voix. Faut pas t'énerver ! (Rires.)
M. Christian Grobet. Je m'énerve, parce que je trouve effectivement la manière d'agir du Conseil d'Etat dans cette affaire assez déplaisante...
La commission de contrôle de gestion a travaillé avec méthode, avec rigueur : elle progresse et a retenu certains faits qui pourraient - Mme Alexandra Gobet l'a relevé - constituer des malversations. Elle a écrit une lettre au procureur général de trois pages, en indiquant très précisément quels étaient les faits qui pourraient être constitutifs de ces malversations. Nous avons encore travaillé à la forme le texte de cette dénonciation en commission pour ne pas accuser nommément des personnes, mais pour demander au procureur général si oui ou non ces faits pouvaient être constitutifs de délits. Et cela a été fait sérieusement.
Mais qu'est-ce que cette lettre du Conseil d'Etat qu'on nous donne ici ? Une lettre écrite au procureur général lui communiquant les textes des interpellations de M. Pagani - merci beaucoup ! - les rapports de la commission de gestion - enfin, tout le boulot fait par le Grand Conseil - et lui demandant d'examiner s'il y a des délits...
Ce n'est pas sérieux, Mesdames et Messieurs les conseillers d'Etat ! J'ai le regret de vous le dire : il y a parmi vous des gens de droit, qui savent que cela ne constitue pas une dénonciation sérieuse. Et je suspecte fort que le Conseil d'Etat - comme M. Pagani l'a dit tout à l'heure à juste titre, parce que vous aviez déjà utilisé ce procédé dans un autre cas - a voulu saisir le procureur général de ce dossier pour tenter d'en décharger la commission de contrôle de gestion ! Et on entend déjà des députés dire que, puisque le dossier est entre les mains du procureur général, la commission n'a plus à s'en occuper ! (Exclamations.)
Alors, je terminerai mon intervention en m'adressant au Conseil d'Etat pour dire la chose suivante : vous avez indiqué... (L'orateur est interpellé par M. Daniel Ducommun.) Ça vous gêne, Monsieur Ducommun ? Eh bien, sortez de la salle ! Allez à la buvette ! Allez finir votre coup de rouge à la buvette ! (Exclamations.)
La présidente. Monsieur Ducommun ! S'il vous plaît, laissez M. Grobet s'exprimer ! (M. Ducommun continue à interpeller l'orateur.) Monsieur Ducommun, c'est moi qui préside, ce n'est plus vous ! Je vous remercie !
M. Christian Grobet. Tu es gelé dans toutes les affaires !
La présidente. Monsieur Grobet, je vous demande de conclure, vous arrivez au bout de votre temps de parole !
M. Christian Grobet. J'arrive au bout, Madame la présidente... (Vacarme, exclamations. ) Rassurez-vous, Monsieur Balestra, je connais le règlement ! Je m'inscrirai, si vous le voulez, pour un second tour ! J'en ai pour trente secondes... (Chahut.) Le Conseil d'Etat a demandé au procureur général d'examiner la constitution... (Chahut, le député hausse le ton.) ...et l'utilisation d'une réserve occulte pour payer les fonctionnaires de l'office des poursuites...
La présidente. Monsieur Grobet, s'il vous plaît ! Je vous demande d'arrêter ! Cela ne sert à rien de continuer dans ces conditions !
M. Christian Grobet. Je me réinscris, Madame la présidente !
Une voix. Ne te laisse pas faire !
M. Christian Grobet. Mme la présidente n'a pas envie de maintenir la discipline : je me réinscris !
La présidente. Monsieur Grobet, vous savez pertinemment que le fait que vous prolongiez votre temps de parole anime le débat de manière très désagréable, alors que je vous ai demandé plusieurs fois de conclure !
M. Jean Spielmann (AdG). Nous avons eu l'occasion de parler à plusieurs reprises de l'office des poursuites et de ses dysfonctionnements dans le cadre d'une motion déposée en 1984... A ce moment-là, c'était M. Vodoz, député, qui demandait que des mesures soient prises rapidement pour pallier ces dysfonctionnements. Qu'il fallait, face à la situation économique et aux besoins de ce service, le doter du personnel nécessaire pour lui permettre simplement de fonctionner.
On parle aujourd'hui des responsabilités... Permettez-moi dans ce cadre de parler aussi des responsabilités de la majorité politique qui a pris les décisions de procéder à des réductions linéaires de postes, sans réfléchir aux conséquences, au fait que certains secteurs avaient des besoins et d'autres pas. Et que s'est-il passé ? Fort des premiers rapports déposés sur les dysfonctionnements à l'office des poursuites, à l'époque avec M. Fontanet à la tête du département, il avait été décidé de créer une commission d'enquête chargée de faire rapport au Grand Conseil.
Parallèlement, le Conseil d'Etat avait mandaté une société pour faire un rapport d'enquête également sur le fonctionnement interne du département.
Que s'est-il passé avec ces rapports ? Après la présentation d'un premier rapport préliminaire, qui exposait les problèmes internes à l'office des poursuites disant qu'il fallait maintenant aller au fond du problème et faire des propositions concrètes, le signataire du rapport Atag de l'époque, qui était aussi le responsable d'une partie de la commission d'enquête, a été nommé préposé et chef de l'office. On a enterré le rapport de la commission d'enquête - aucun rapport n'a été présenté - on a tué dans l'oeuf toutes les propositions formulées et on a occulté le problème, mais on a continué, au niveau de la majorité politique, à réduire progressivement le personnel en empêchant ce service de fonctionner normalement.
En 1992, on a pris la décision d'une réduction linéaire de 1% appliquée avec toute la stupidité dont on peut se rendre compte maintenant. En 1993, on a supprimé 12,5 postes à l'office des poursuites, alors que cet office disait qu'il ne pouvait plus fonctionner, qu'il croulait sous les dossiers et qu'il fallait le doter du personnel nécessaire pour effectuer le travail, mais la majorité a continué dans le même élan, en 1994, 1995, 1996, 1997, à appliquer une réduction linéaire de 2%...
Que s'est-il passé alors ? Le préposé que l'on avait engagé en échange du silence du rapport de la commission de gestion a eu la responsabilité de l'office des poursuites et de l'engagement du personnel. En même temps, la majorité politique, qui tenait davantage à sa volonté de réduction linéaire - son dada politique - qu'à la bonne gestion des affaires de la République, a dit au préposé qu'elle n'avait pas d'autre solution que de continuer ces réductions linéaires et qu'il n'avait qu'à trouver du personnel temporaire. Le préposé s'est donc exécuté et a agi dans les milieux qu'il connaissait bien. Mais la situation n'a pas évolué, et on n'a pas trouvé d'autre solution que de couper l'office des poursuites en trois en donnant une enveloppe de fonctionnement à ne pas dépasser pour payer du personnel temporaire. On a dit au préposé que, entre le maximum et le minimum, il ne devait pas modifier le ratio et qu'il n'avait qu'à gérer la situation comme il l'entendait...
Voilà la décision politique prise par la majorité qui nous fait face aujourd'hui et qui est, bien sûr, à l'origine d'une bonne partie des problèmes de l'office des poursuites ! En effet, non seulement pendant toute une période il y a eu des dysfonctionnements qu'on a voulu occulter mais on n'a pas donné les moyens à la commission de contrôle de gestion de faire son rapport : on a suspendu ses travaux ! On a nommé, je le répète, le responsable de la fiduciaire chargée de faire le rapport d'enquête responsable de l'office et on n'a donc pas eu de rapport ! La majorité du Grand Conseil s'est pliée à cette décision et a laissé le système pourrir. En effet, parallèlement, la situation économique continuant à se dégrader, le nombre de poursuites a augmenté de manière exponentielle et la solution n'était toujours pas trouvée. Alors, évidemment, quelques années après, le problème du personnel auxiliaire, le problème du traitement des dossiers et le problème du fonctionnement interne se sont posés avec une acuité beaucoup plus grande.
Alors, envoyez le dossier au pénal ! Mais peut-être, Mesdames et Messieurs les députés, devriez-vous réfléchir aux véritables responsables de la situation : je veux parler de la majorité qui me fait face et qui a aveuglément décidé les réductions linéaires de personnel, parce qu'elle est incapable de faire les choix politiques nécessaires au bon moment, alors qu'il était nécessaire à une époque de donner la possibilité à cet office de fonctionner.
Alors après, évidemment, on n'a plus voulu regarder ce qui s'y passait, puisqu'on s'était dégagé de toutes les responsabilités... Et maintenant les problèmes resurgissent ! Ils sont en priorité - c'est en tout cas mon analyse - dus à votre politique à la petite semaine, aux réductions linéaires que vous avez décidées et au manque de transparence qui a toujours caractérisé votre gestion.
M. Philippe Glatz (PDC). Ce qu'il y a de formidable, c'est que quand le député Grobet s'énerve, il laisse apparaître son vrai visage : celui de l'outrance et de l'exagération... (Rires.)
En effet, Monsieur Grobet, vous faites l'amalgame avec la Banque cantonale de Genève et vous dites que j'ai un sacré culot de parler parce que je n'ai pas dénoncé la Banque cantonale de Genève en son temps. Or, il se trouve que je n'étais pas membre de cette enceinte à cette époque : je ne pouvais donc pas le faire !
Par ailleurs, lorsque vous étiez conseiller d'Etat à l'époque où des crédits exagérés ont été accordés par la Banque cantonale de Genève, on ne vous a pas beaucoup entendu, et vous portez à ce titre une grande responsabilité... (L'orateur est interpellé.) Pour ma part, j'habitais dans un autre canton pour des raisons professionnelles, et je ne savais même pas ce qui se passait à Genève. Vous êtes donc un homme outrancier quand vous dites que j'ai du culot !
J'ai du culot, oui, mais parce que je dénonce aujourd'hui l'exploitation éhontée que vous faites d'un travail sérieux, à l'initiative - il faut le souligner - d'une motion qui est partie de M. Beer. Et c'est en creusant que la commission de gestion a réussi à apprendre un tas de choses. Ce travail a été fait - je l'ai dit et je le répète - mais pas par M. Pagani ! Il a été fait par les commissaires de la commission de contrôle de gestion ! Mme Gobet nous a ramené des pièces, a constaté des faits : elle a fait ce travail de fond avec sérieux et sérénité.
Car la mission de la commission de contrôle de gestion ne consiste pasr à faire une exploitation politique de certains faits, comme l'a déjà dit mon excellent collègue M. Balestra, mais à faire des propositions constructives, afin que les dysfonctionnements constatés ne puissent pas se répéter : c'est ça l'intérêt de notre mission ! L'intérêt n'est pas de conduire une exploitation politique en année électorale, mais d'apporter des mesures correctives. Mais vous, vous voulez exploiter la situation, et c'est dans ce sens-là que j'ai dit que vous aviez nui au travail sérieux qui a été fait par cette commission de contrôle de gestion ! Celle-ci se prépare à faire des propositions concrètes, précisément pour enrayer les dysfonctionnements constatés.
M. René Koechlin (L). Je ne pensais pas intervenir dans ce débat... (Exclamations.) Je prends la parole pour demander instamment à M. Grobet de tenir des propos un peu moins outranciers. Je lui dirai - c'est biblique - que celui qui n'a jamais péché lance la première pierre...
Ce soir, vous avez lancé une poignée de pierres à un conseiller d'Etat, à quelques députés, mais je crois savoir qu'il n'est pas vrai que vous n'ayez jamais péché, quand vous étiez conseiller d'Etat; on en a évoqué quelques bribes, lors de l'examen de projets bouclant certains crédits de construction; vous avez laissé passer quelque 400 millions de dépassement...
Des voix. 500 millions !
M. René Koechlin ...sur quatre-vingt-sept projets de lois de bouclement que vous vous êtes bien gardé de soumettre à ce Grand Conseil, qui auraient dû faire pour 400 millions et plus - nous avons fait le compte en commission des travaux - l'objet de demandes de crédit complémentaire au Grand Conseil. Il était plus pratique pour vous de dépenser l'argent et de laisser à vos successeurs le soin de déposer des projets de bouclement. Je n'insisterai pas. Je vous accorde mon pardon, cher Monsieur... (Rires.) ...mon frère, parce que je sais qu'il n'est pas facile de gérer les affaires publiques, et particulièrement des crédits de construction qui portent sur des dizaines de chantiers.
Vous avez laissé aller les choses, soit ! Mais soyez, s'il vous plaît, un peu plus modéré dans vos propos, lorsque vous jugez les autres ! Merci d'avance ! (Applaudissements.)
La présidente. Je souhaiterais, Mesdames et Messieurs les députés, que l'on revienne sur le fond du débat, et non sur la Banque cantonale de Genève ou les dépassements de crédits de construction. Je vous donne la parole, Monsieur Grobet.
M. Christian Grobet (AdG). J'essayerai, Monsieur Koechlin, d'être plus modéré que vous ne l'avez été tout à l'heure lorsque vous avez parlé de l'élargissement de la rue de Chêne-Bougeries...
Cela étant dit, je conteste formellement vos propos sur les soi-disant «dépassements de crédits qui auraient exigé des demandes de complément de crédits devant ce Grand Conseil», parce que vous savez très bien qu'il s'agissait de hausses de coût ! (Exclamations.)
Une voix. C'est faux ! C'est faux ! (Vacarme.)
La présidente. Monsieur Koechlin ! Monsieur Koechlin ! Si ça continue comme cela, j'interromps la séance ! Monsieur Ducommun ! Arrêtez, Monsieur Ducommun ! (Le vacarme redouble.) Bien, je lève la séance ! Nous reprendrons la séance dans dix minutes, avec, je l'espère, un petit plus de calme.
La séance est suspendue à 21 h 50.
La séance est reprise à 22 h.
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, nous reprenons nos travaux. J'aimerais réitérer ma demande pour que nous parlions du sujet qui nous occupe. Je me verrais dans l'obligation d'utiliser l'article 91 du règlement du Grand Conseil si des députés devaient encore se conduire comme ils l'ont fait tout à l'heure, pour les inviter à quitter la salle...
Monsieur Grobet, je vous passe la parole.
M. Christian Grobet (AdG). Madame la présidente, je vous remercie de me rendre la parole. Je dois dire que je trouvais comique, après les leçons que M. Koechlin venait de me donner en matière de modération, qu'il ait lui-même complètement perdu la boule... Mais enfin, cela peut arriver à tout le monde ! (Rires.) Contrairement à lui, je ne lui adresserai pas mon pardon, parce que je le trouve assez ridicule...
Je vais clore l'aspect du problème qu'il a lui-même soulevé, en disant que la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat a été modifiée en septembre 1993, un mois et demi avant que je ne quitte le Conseil d'Etat. Elle est devenue applicable à partir du 1er janvier 1994 et fixait effectivement des règles nouvelles en ce qui concerne les cas pour lesquels il fallait demander des crédits complémentaires. Je constate tout simplement que tout à l'heure M. Koechlin et ses amis politiques sont restés totalement muets sur un crédit de bouclement qui concernait leur ami, M. Joye...
Mais enfin, bref, je ne veux plus polémiquer sur ce sujet et je reviens à l'essentiel du débat.
J'aimerais d'abord souligner un point important : il me semble que c'est à la commission de contrôle de gestion de signaler les éventuelles infractions pénales ou les faits tombant sous le coup de la loi pénale qu'elle aurait découvert. Ce n'est pas au Conseil d'Etat de jouer au grand frère et de se substituer à cette commission...
D'autre part, ce qui m'amène à penser que le Conseil d'Etat a malgré tout, dans toute cette affaire, une arrière-pensée, c'est que nous avons reçu - en tout cas, j'ai reçu en tant que chef de groupe - une note de M. Raphaël Martin, qui est un excellent juriste, à l'intention du Conseil d'Etat prétendant - ce que nous contestons formellement - qu'en vertu de la séparation des pouvoirs le Grand Conseil ne serait pas en droit de procéder au contrôle de la gestion du Conseil d'Etat... Je dois dire que j'ai été assez étonné de lire une note pareille, alors que la commission de contrôle de gestion ne fait que remplir la mission qu'on a voulu lui donner et qui lui appartient : celle de contrôler la gestion. Alors, on ne peut pas s'empêcher de voir aujourd'hui une manoeuvre de la part du Conseil d'Etat, notamment à travers la note de M. Raphaël Martin, visant à tenter d'empêcher la commission de contrôle de gestion de faire son travail !
Et c'est la raison pour laquelle nous avons préparé un projet de loi dont nous aurons tout loisir de discuter en commission - et je ne doute pas que des améliorations pourront lui être apportées - dont le but est effectivement de viser les dispositions constitutionnelles qui impliquent que le Grand Conseil est bel et bien l'autorité de contrôle de la gestion de l'administration cantonale et qu'il ne saurait être question de lui enlever ses prérogatives.
Cela étant dit, le Conseil d'Etat a bien entendu lui également l'obligation de veiller à la bonne gestion de l'administration et de procéder à des enquêtes lorsque cela se justifie. Oserais-je vous demander, Monsieur Ramseyer - mais je vois que vous avez fini votre conversation particulière - de prêter attention à mon intervention ? A cet égard, vous indiquez dans la lettre adressée au procureur général qu'il y a constitution et utilisation d'une réserve occulte formée de loyers de parking payés par les fonctionnaires de l'OPF Rhône-Arve. J'aimerais savoir quelle enquête vous avez effectuée à ce sujet et si ce compte occulte, comme le compte occulte qui est en train de verser des rémunérations à du personnel qui est utilisé en sous-traitance - vous avez maintenant la connaissance de ces comptes depuis plusieurs mois - ont été fermés et quelles sont les mesures que vous avez prises notamment par rapport à l'existence de comptes de masses en faillite fictifs. Vous évoquez un certain nombre de choses, mais vous ne dites en effet absolument pas ce que vous avez fait sur le plan interne.
Alors, ce soir, c'est le moment de vous expliquer à ce sujet et de nous dire si vous entendez simplement vous débarrasser du brûlot, comme vous l'avez fait avec cette lettre adressée au procureur général, ou si vous êtes déterminé - le président du Conseil d'Etat devrait aussi s'exprimer à ce sujet, me semble-t-il - à mettre de l'ordre maintenant sur les points qui vous ont été indiqués par la commission de contrôle de gestion.
Enfin, je vous remercie, Monsieur Glatz, pour l'hommage indirect que vous avez rendu à M. Pagani en relevant la grande qualité de toutes les informations qui figurent dans le rapport de Mme Alexandra Gobet, qui vous confirmera certainement qu'elle a complété ses propres informations par un certain nombre d'informations qui lui ont précisément été communiquées par M. Pagani... Merci d'avoir rendu hommage à mon collègue !
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, il reste cinq intervenants inscrits. Je vous propose pour l'instant de clore la liste de manière à pouvoir procéder à la lecture de la lettre de Mme Calmy-Rey et à laisser M. le conseiller d'Etat Ramseyer répondre. Je vous passe la parole, Monsieur Pagani.
M. Rémy Pagani (AdG). Madame la présidente, comme vous avez clos la liste des intervenants, il me semble délicat de laisser la parole en dernier à M. Ramseyer... (Exclamations.) Il a en effet un certain nombre d'explications à donner...
Une voix. C'est la coutume !
M. Rémy Pagani. C'est peut-être la coutume, mais, alors, nous nous réservons la possibilité d'intervenir après les réponses de M. Ramseyer ! Je ne trouverais pas très normal que M. Ramseyer s'exprime et que le débat soit clos juste après, car j'espère bien avoir des réponses très précises aux questions qui ont été posées.
Cela étant, Monsieur Koechlin, vous qui vous êtes emporté tout à l'heure, je trouve un peu facile de comparer un dépassement de budget qui est transparent, puisque aujourd'hui nous pouvons, comme vous, examiner les comptes, alors qu'à l'office des poursuites - il faut vous imprégner de cela, Monsieur Koechlin, et vous rendre compte de la réalité ! - il y a des comptes occultes dont on ne sait pas très bien ce qu'il en est. La commission a très bien décrit dans son rapport d'où provient l'argent, c'est-à-dire qu'on se sert sur les faillites des gens, sans leur donner d'explications. Et on ne sait pas où va l'argent et à quoi il sert ! Si cela n'est pas extrêmement grave, que vous faut-il ? Et ça n'a rien à voir avec des dépassements de budget, je suis au regret de vous le dire !
Ce n'est pas faire de la politique politicienne, comme le dit M. Balestra : faire de la politique, c'est avoir une certaine rigueur et une certaine exigence. Au niveau de n'importe quelle association, comme une chorale par exemple, qui peut aujourd'hui admettre que dans une association populaire quelqu'un décide de prendre de l'argent à gauche pour le mettre à droite sans que personne ne sache d'où provient l'argent ? Je trouve cela inadmissible ! Le moindre des réflexes, en dehors de toute argumentation politique et de tout esprit partisan, c'est de réagir quand on a connaissance d'une telle situation. Or, M. Ramseyer et le Conseil d'Etat n'ont rien fait jusqu'à maintenant ! Et c'est sur ce point qu'ils sont responsables politiquement : ils n'ont rien fait pour remettre de l'ordre ! (Applaudissements.)
La présidente. Monsieur le député Pagani, j'ai proposé tout à l'heure de clore «pour l'instant» la liste des intervenants, de manière à procéder à la lecture de la lettre et à laisser M. Ramseyer répondre, sachant bien qu'après l'intervention de M. Ramseyer des députés voudraient probablement s'exprimer...
M. Claude Blanc (PDC). Je ne peux pas laisser passer sans réagir les propos de M. Grobet, qui croit qu'il a le droit de dire n'importe quoi, parce qu'il a la langue bien pendue et qu'il «gueule» plus fort que les autres...
M. Grobet quand il était au pouvoir, de 1981 à 1993, c'est-à-dire durant les années les plus folles, était censé contrôler le marché immobilier à Genève et disait... (Exclamations.) ...qu'il le contrôlait... C'est pourtant durant ces années les plus folles que les faits les plus graves, auxquels il faisait allusion tout à l'heure, sont survenus ! J'aimerais dire également que si le budget de l'Etat a été plombé comme il l'a été à partir du début des années 90, c'est quand même «grâce» aux énormes dépassements de crédits qui ont été accumulés sous le règne Grobet, qui n'avaient été ni comptabilisés ni prévus... Et il a bien fallu assumer des crédits d'investissement qui ont été surfaits et surfaits ! M. Grobet prétend que la loi de l'époque l'autorisait à le faire... Mon oeil ! Il a fallu faire une loi plus restrictive à la fin de son «règne», parce qu'on commençait à s'apercevoir à ce moment-là qu'il nous dansait sur le ventre ! C'est pour cette raison que cette loi a été faite !
Il fallait voir le mépris qu'il affichait à l'égard du Grand Conseil à l'occasion des crédits qui ont été examinés en commission des travaux ! M. Grobet commandait des travaux nouveaux en sachant parfaitement que les crédits seraient dépassés ! Il imaginait des choses ! Il donnait des passe-droits à quelques-uns de ses amis pour faire des palaces, là où ce n'était pas nécessaire, tout en sachant qu'un jour il faudrait revenir devant le Grand Conseil... Mais il n'est jamais revenu devant le Grand Conseil du temps de son règne : il a fallu qu'on le vide pour que ses projets réapparaissent !
Et dans l'affaire de la Cluse-Roseraie, Monsieur Grobet, par un tour de passe-passe, vous avez même réussi à échapper à l'article 80A de la constitution en revendant en catimini environ cent cinquante appartements PPE que vous aviez repris de l'UBS dans une opération dont je ne sais pas très bien comment elle a été menée !
M. Christian Grobet. C'est Maitre !
M. Claude Blanc. C'est Maitre, oui ! Maitre n'est pas là : c'est facile de l'accuser ! Ce n'est pas Maitre qui était...
La présidente. Monsieur Blanc, s'il vous plaît, revenez au sujet !
M. Claude Blanc. Madame la présidente, ce n'est pas moi qui ai débordé du sujet ! Alors, si vous le permettez, moi je parle, et si M. Grobet m'interrompt, comme vous avez menacé de le faire pour les députés qui ne se conduisent pas bien, j'imagine que vous le viderez, n'est-ce pas ?
Alors, je trouve un peu facile d'accuser Maitre qui n'est pas là ! En réalité, ce n'est pas Maitre qui était au département des travaux publics, ce n'est pas Maitre qui dominait les magouilles du département des travaux publics : c'est Grobet qui magouillait, c'est Grobet qui a chargé l'Etat d'environ 500 millions de crédits non budgétisés, non prévus, et qui ont plombé les comptes de l'Etat au début des années 90 ! Voilà la réalité !
Mesdames et Messieurs les députés, je ne pouvais pas laisser passer les propos outranciers de M. Grobet sans lui rappeler cela ! (Applaudissements.)
M. Albert Rodrik (S). Même s'il s'agit d'un rapport intermédiaire, au terme de nos débats, il a vocation d'aller au Conseil d'Etat. Or, ce qui m'intéresse moi, avant la clôture de ce débat, c'est que le Conseil d'Etat nous dise à claire et haute voix l'usage qu'il fera de ce rapport, puisque Mme Gobet a excellemment bien indiqué la différence entre le plan pénal et le plan administratif. Si ce rapport n'avait pour vocation que d'enrichir la bibliothèque du Conseil d'Etat, nous n'aurions pas atteint notre but. Mesdames et Messieurs les députés, ce qui doit clore ce débat, à mon sens, c'est la déclaration claire du Conseil d'Etat disant les conclusions qu'il entend tirer, même à ce stade intermédiaire, de choses que l'on peut éviter de laisser empirer.
M. René Koechlin (L). Monsieur Pagani, je n'avais pas du tout l'intention de comparer la gravité des manquements - appelons ça comme cela ! Je suis intervenu pour inviter M. Grobet à tenir des propos un peu plus modérés quand il s'érige en juge ! C'était ma seule intention !
Je me vois maintenant obligé d'apporter un rectificatif, parce que M. Grobet a prétendu tout à l'heure que les dépassements évoqués étaient des hausses légales, ce qui est absolument faux ! Nous avons étudié cela très en détail : 11% de ces dépassements représentaient des hausses légales; tout le reste constituait des dépassements purs et simples ! (Exclamations.)
Monsieur Pagani, il ne s'agit pas «d'un» dépassement de crédit mais de 87 projets de bouclement de lois, soit 87 dépassements de crédit ! Voilà, j'en ai fini !
La présidente. Monsieur le secrétaire, j'aimerais que vous procédiez à la lecture de la lettre de Mme Calmy-Rey. Comme cette lettre fait trois pages, nous avons obtenu l'accord de Mme Calmy-Rey, auteur de la lettre, et de la personne qui a demandé la lecture de cette lettre pour supprimer quelques passages qui ne présentent aucun intérêt dans ce débat. (Exclamations et protestations.) Mais l'intégralité de la lettre figurera au Mémorial... Maintenant, s'il y a des contestations et que vous voulez siéger bien tard ce soir, on peut la lire en entier !
M. John Dupraz (R). Madame la présidente, rien ne vous autorise à censurer une lettre du Conseil d'Etat ! Qu'est-ce que c'est que ça !
La présidente. Si, avec son accord, Monsieur Dupraz !
M. John Dupraz. Eh bien, vous n'avez pas l'accord du Grand Conseil ! Je trouve cela inadmissible !
La présidente. Bien, nous allons lire la lettre en entier !
M. John Dupraz. Voilà !
La présidente. Monsieur le secrétaire, veuillez procéder à la lecture de la lettre, dans son intégralité...
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M. Gérard Ramseyer. Le département de justice et police est une entreprise de deux mille six cents personnes avec une trentaine d'offices et de services.
Et si un office est soumis à huit contrôles financiers en sept ans, que les remarques et les critiques formulées ont fait l'objet de corrections immédiates, si aucun problème grave n'a été souligné, si aucune alarme n'a été tirée, est-ce un scandale d'imaginer que j'ai pu nourrir des soucis normaux quant au fonctionnement d'un de mes offices ?
Si trois offices sont soumis à l'autorité de surveillance qui dépend de la justice, que le nombre de plaintes en justice est en diminution, que le taux de succès est extrêmement élevé dans les tribunaux, que les rapports que je reçois sont rassurants, est-ce un scandale de penser que la situation m'est apparue comme étant sinon parfaite du moins sous contrôle ?
Voilà ce qui explique mon attitude au début de ce dossier.
Quant à votre travail, Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais dire ceci sur le fond : c'est un travail parfaitement correct, rigoureux, approfondi. Vous avez discerné, identifié, un certain nombre de dysfonctionnements dont j'ai évidemment pris note.
Sur la forme, Madame la présidente de la commission, vous savez bien que j'ai eu quelques difficultés à rappeler à certains de mes cadres que Torquemada était mort en 1498...
J'ai pour votre travail, Madame la présidente, et pour celui des membres de votre commission un grand respect. A la réception de ce rapport, j'ai donné comme mission à un team de travail :
1. de vérifier chaque allégué pour qu'il corresponde bien à des faits établis;
2. que chaque allégué soit expliqué, car j'aimerais dire de la manière la plus nette que nous n'avons jamais rien fait tout seuls;
3. que chaque allégué soit examiné au plan de ses conséquences, car si l'examen des chiffres est ce qu'il est, il faut alors admettre que, autant les créanciers, les débiteurs, que l'Etat, y ont trouvé leur compte.
A partir de cela, j'aimerais, en réponse à une question qui m'a été posée, dire que ce rapport sera disponible d'ici la fin du mois de mai et que, par ailleurs, l'inspectorat cantonal des finances a été chargé d'examiner tous les problèmes de caractère financier. Ce rapport sera transmis à M. le procureur général ainsi qu'au Conseil d'Etat.
Pourquoi M. le procureur général ? Vous avez, Madame la présidente de la commission, Mesdames et Messieurs les députés, enquêté, instruit, à charge : vous ne pouviez pas faire différemment, sans quoi les travaux auraient duré indéfiniment. D'un autre côté, mes collaborateurs n'ont pas pu se défendre faute d'avoir pris connaissance des allégués : c'est ce qu'ils vont pouvoir faire devant M. le procureur général qui, lui, forcément, pourra instruire à charge et à décharge, ce qui prendra quand même un certain temps. Et puis, si des dysfonctionnements devaient présenter un caractère pénal, il faudra établir certaines responsabilités dont la plupart sont fort anciennes, puisqu'elles remontent au milieu des années 80.
Quel sera le suivi que j'entends donner à votre rapport ? Je m'exprimerai à ce sujet envers le Conseil d'Etat. D'abord, je tiens à dire de la manière la plus solennelle ma totale détermination à toute transparence sur ce qui peut être reproché à l'un ou l'autre de mes services. Encore faut-il - encore faut-il... - que je dispose d'éléments probants ou d'états de faits ! Et comme vous, Madame la présidente, comme les membres de votre commission, je ne peux évidemment pas me satisfaire de on-dit ou de «j'ai entendu dire que» ou d'allégués de ce genre, et c'est bien la difficulté que nous rencontrons les uns et les autres.
Le rapport que Mme Calmy-Rey a évoqué dans la lettre dont lecture vient de vous être donnée est un rapport intermédiaire. Nous étions convenus, et vous en avez été informés, que le rapport OPF 41, dernière phase, ferait l'objet de deux rapports : un rapport intermédiaire permettant de voir si notre intention était en adéquation avec le rapport «Service public 2005», dont Mme Calmy-Rey avec l'office du personnel de l'Etat sont les leaders. Nous avons donc transmis ce rapport et vous avez pris connaissance de la réponse faite par Mme Calmy-Rey, cheffe du département des finances. Elle vous a dit, je relis ce passage : «Je vous dirai ma conviction que les besoins des OPF, tels qu'ils ont été exprimés dans le rapport intermédiaire qui nous a été soumis, rejoignent les besoins des différents services de l'Etat. (...) Le projet de réforme des OPF pourrait parfaitement s'y intégrer moyennant les correctifs que j'ai résumés dans cette lettre», correctifs avec lesquels, bien sûr, je suis d'accord.
Nous allons donc ensemble - parce que, je le répète, il n'y a pas un département qui fait tout tout seul - soumettre au Conseil d'Etat le suivi du rapport OPF 41, et, dans cet esprit, je reste totalement à disposition et de ma collègue et de votre commission, bien sûr.
En conclusion, Mesdames et Messieurs les députés, je suis le premier intéressé à ce que les services de l'Etat fonctionnent bien. Je suis le premier intéressé à ce que le travail de la commission de gestion attire notre attention - celle de mon département mais aussi de ceux qui contrôlent ce département - sur d'éventuels dysfonctionnements. Ce travail ne peut pas se faire - et je rejoins en ceci nombre d'avis qui se sont exprimés - dans un climat de lynchage politique ou de lynchage - ce qui est plus grave - de collaborateurs de l'un ou l'autre département. C'est le sens de l'Etat qui nous condamne à cette attitude.
J'aimerais vous dire, Madame la présidente de la commission, combien j'espère partager avec vous ce sens de l'Etat en rendant hommage à votre parfaite rectitude morale. Si les contrôles institués qui fonctionnent, au nombre d'une centaine par année, sont insuffisants, alors il faudra les corriger. Devrons-nous les corriger au niveau transverse de l'Etat ? Devrons-nous créer dans nos départements - d'autres départements se trouveront aussi dans la même situation - des sortes d'ICF départementaux qui peuvent contrôler transversalement les différents offices et services ? C'est une question sur laquelle nous devrons discuter à la lumière des différents rapports qui nous seront soumis.
J'aimerais affirmer tout aussi solennellement, Madame la présidente - parce que lors d'un téléphone récent vous avez exprimé votre souci à ce sujet - que si des mesures doivent être prises elles le seront, que si des mesures doivent corriger ce que vous avez appelé des dysfonctionnements, des dérapages, mais dont vous avez très justement, et je vous en sais gré, rappelé qu'ils pouvaient ne pas être pénaux - et c'est bien l'impression qui prédomine - ces mesures seront prises avec la commission de contrôle de gestion dont j'estime que le rôle essentiel est de m'aider, de nous aider - membres du gouvernement - à améliorer, corriger, les processus administratifs de nos différents départements.
Pour ce qui est du domaine pénal, alors, je m'en remets à M. le procureur général : c'est ce que vous aviez l'intention de faire, c'est ce que j'avais l'intention de faire aussi, c'est ce que j'ai applaudi lorsque le Conseil d'Etat en a débattu. Pourquoi ? Parce qu'on ne pouvait pas saisir M. le procureur général sur des rumeurs, sur des déclarations fracassantes de l'un ou de l'autre. On ne peut le faire que sur un état de fait. Votre rapport à cet égard est le premier élément d'état de fait qui est allégué.
Conclusion, Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, quand on affronte un problème, il y a une attitude qui consiste à se dérober : ça n'a jamais été le genre de la maison ! Une autre attitude consiste à trouver des palliatifs, des solutions, et cela ne peut se faire qu'ensemble, dans une estime réciproque, dans le respect mutuel qui doit nous lier. Si ce respect mutuel, si cette confiance réciproque, sont rompus parce que les règles du jeu ne sont pas respectées, je n'en suis pas responsable. Ça ne m'empêche pas de travailler avec ceux qui ont sincèrement l'intention de faire progresser la marche de nos différents départements. Et je vous remercie à cet égard de la confiance que vous en particulier, Madame la présidente de la commission, avez tenu à me témoigner. (Applaudissements.)
Ce rapport intermédiaire est renvoyé au Conseil d'Etat.
La présidente. Nous passons maintenant au huis clos. Je prie donc les personnes à la tribune de bien vouloir nous quitter, ainsi que les journalistes.
La séance publique est levée à 22 h 35.
Le Grand Conseil continue de siéger à huis clos.