République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 10 mai 2001 à 17h
54e législature - 4e année - 8e session - 20e séance
IU 1071
M. Claude Blanc (PDC). J'aurais deux questions, deux questions, deux questions vaches d'ailleurs!
La première s'adresse, soit au ministre de l'économie, soit au ministre de l'agriculture, comme vous pouvez bien le penser, puisqu'il s'agit d'une question vache !
Comme vous le savez ou ne le savez pas, le Ministère français de l'agriculture et l'Office vétérinaire fédéral sont actuellement en train de négocier au sujet de la reprise des échanges de bétail entre la Suisse et la France. Echanges qui, dans le sens Suisse-France, sont bloqués depuis 1996 pour les raisons que vous savez et, dans le sens France-Suisse, bloqués depuis janvier 2001, pour des raisons évidentes de fièvre aphteuse.
Or, il semble que le compromis qui ait été trouvé entre le ministère et l'office, soit reprise des échanges pour le bétail né après le 1er janvier 2001, ou le 1er janvier 2000 pour le bétail originaire des zones franches, ne convienne pas aux producteurs desdites zones franches.
Aussi ceux-ci ont-ils demandé aux préfectures de l'Ain et de la Haute-Savoie, en tant que mesure de rétorsion, de ne pas édicter l'arrêté préfectoral annuel nécessaire pour permettre le passage en douane du bétail suisse estivant sur lesdits départements.
Comme les préfets, apparemment, ont été sensibles à cette demande, ce sont quelque 8000 bovins et équins qui sont aujourd'hui bloqués sur sol suisse, alors que leurs propriétaires n'ont pris aucune autre disposition pour l'estivage cette année. On est donc à nouveau dans une épreuve de force entre les zoniens et les Suisses, particulièrement les Genevois. Je demande au Conseil d'Etat ce qu'il entend faire pour essayer de débloquer cette affaire qui est vraiment inacceptable.
Réponse du Conseil d'Etat
M. Robert Cramer. La question qu'aborde M. Blanc, même si elle touche un monde que la plupart des députés dans cette enceinte connaissent mal, porte réellement sur un problème important.
Il s'agit des conditions dans lesquelles aussi bien les agriculteurs genevois que vaudois et, de façon générale, les agriculteurs et les éleveurs qui se trouvent à proximité de la frontière peuvent continuer à exercer leur activité économique.
Je vois toujours arriver avec un peu d'inquiétude la date du 1er mai, non pas en raison du cortège auquel je me ferai un plaisir de participer, mais parce c'est la date du début de l'estivage et que, chaque année, de façon récurrente, nous avons de nouvelles difficultés à cet égard.
Cette année, on a le sentiment que les agriculteurs genevois, mais aussi les agriculteurs et les éleveurs français, de part et d'autre de la frontière, sont victimes de considérations politiques françaises et helvétiques qui n'ont strictement rien à voir avec la situation réelle des zones frontalières.
Le problème qui se pose, d'une part, est celui des abattoirs de Lausanne, qui accueillent le bétail de la région et notamment le bétail zonien. J'affirme qu'aujourd'hui il n'y a absolument aucune raison sanitaire qui interdirait aux abattoirs de Lausanne d'accueillir l'entier du bétail à abattre provenant de la zone franche. Pourtant, on a estimé au niveau fédéral que certaines normes internationales impliquaient que seul le bétail né après le 31 décembre 1999 pouvait être conduit aux abattoirs de Lausanne, ce qui bien sûr suscite toutes sortes de tensions dans les milieux de l'élevage en France.
Dans le même temps, la France interdit aux éleveurs suisses d'exporter leur viande et notamment leur bétail en France, également pour des raisons sanitaires liées à la vache folle. C'est une mesure qui remonte à 1997 et dont chacun est aujourd'hui certain qu'elle est infondée.
Il y a donc actuellement des négociations entre la Suisse et la France, en vue de faire lever cette mesure d'interdiction d'exportation de bétail, et les autorités helvétiques semblent vouloir utiliser, comme moyen de négociation dans les discussions en cours, l'interdiction d'abattage pour les animaux zoniens nés avant le 31 décembre 1999. En d'autres termes, le discours tenu par les autorités fédérales consiste à dire : «Si vous levez l'interdiction d'exportation, en contrepartie, nous pourrions autoriser le libre abattage aux abattoirs de Lausanne.»
Tout cela n'a rien à voir avec l'estivage, mais a pour conséquence que les éleveurs français zoniens, pour faire pression, demandent au préfet de Haute-Savoie et de l'Ain d'interdire l'estivage tant que la question de l'abattage à Lausanne n'est pas réglée.
Vous pensez bien que cette situation nous préoccupe au plus haut point. Nous sommes donc intervenus tant auprès de l'autorité fédérale qu'auprès des préfets français pour souligner l'aberration de cette situation.
Voilà où nous en sommes actuellement. En Haute-Savoie, le préfet a signé les actes réglementaires nécessaires pour autoriser l'estivage, mais le blocage se situe actuellement au niveau des services vétérinaires de Haute-Savoie qui n'exécutent pas la décision légale du préfet.
En ce qui concerne le département de l'Ain, où la situation est plus tendue encore, j'ai eu des contacts, pas plus tard que ce matin, avec M. le préfet Bich pour lui suggérer d'autoriser à tout le moins le préestivage. En effet, il n'est pas question d'amener les animaux à l'alpage avant deux ou trois semaines, parce que les conditions météorologiques ne le permettent pas, mais, en revanche, il est possible d'autoriser le préestivage qui intéresse un certain nombre d'éleveurs et qui permet d'éviter les intrants.
La question qui se pose est donc tout à la fois une question de bonnes relations de voisinage, des questions de haute politique, qui font obstacle à l'élevage de notre région, et enfin des questions d'ordre environnemental élémentaire, qui veulent que, dans la mesure du possible, les animaux se nourrissent des prairies et des pâturages, et non d'intrants, de fourrage tel que le soja ou je ne sais quoi, acheté je ne sais où et produit dans je ne sais quelles conditions.
C'est dire qu'il est important que cette interdiction soit levée. Je vous garantis, Monsieur Blanc, que nous nous y employons, mais nous sommes victimes de hautes considérations politiques, aussi bien françaises que suisses, et je le déplore!
Cette interpellation urgente est close.