République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 6 avril 2001 à 17h
54e législature - 4e année - 7e session - 19e séance
PL 8393-A et objet(s) lié(s)
4. Suite du débat sur le rapport de la commission des finances chargée d'étudier les objets suivants :
Suite du premier débat
M. Alain-Dominique Mauris (L). Mesdames et Messieurs les rares députés présents dans la salle, devons-nous oui ou non adapter le statut de la fonction publique aux évolutions du marché du travail ? La réponse est claire, c'est oui! Oui, il faut doter l'administration d'un statut efficace et adapté. Il doit répondre effectivement à la recherche de conditions qui permettent d'optimiser la qualité des services rendus aux citoyens et aux citoyennes et de sans cesse revaloriser la perception de la population s'agissant du rôle et de la mission des collaborateurs de l'Etat. Le faire évoluer, pour certains, c'est l'enfermer dans des barrières rigides et diminuer le temps de travail, sans toucher aux salaires. Pour d'autres, c'est le calquer sur les conditions de travail du secteur privé. A mon avis, c'est mal poser la question que d'aller dans ce sens ou dans l'autre.
Depuis longtemps, on le sait, la diminution du temps de travail passe par une augmentation de la productivité, c'est-à-dire de l'efficacité des moyens employés pour réaliser les buts recherchés. Il est facile de dire : «Passons à 36 heures, ou à 35 heures», sans tenir compte des conséquences. Cette diminution du temps de travail ne peut se faire qu'en tenant compte de l'ensemble des conséquences et des spécificités de chacun des services. La commission s'est ainsi appliquée, lors de ses travaux, à mettre d'un côté les parties concernant l'organisation administrative et de l'autre la rémunération.
En ce qui concerne l'organisation, elle doit faciliter la responsabilisation de chacun et lui permettre d'avoir les moyens de mener à bien sa tâche. De plus, la communication entre les individus est primordiale. Chacun donc, grâce à une organisation adaptée, doit avoir les possibilités d'être performant et d'être écouté, ce qui ne signifie pas aller vers un surcroît de travail, des délais plus serrés ou des heures supplémentaires, mais au contraire augmenter son efficacité, mieux organiser son travail et se donner des objectifs réalisables et solidaires avec l'équipe du service. Sans esprit d'équipe, tout n'est que théorie. Voilà pourquoi il est essentiel aussi que les personnes concernées par les réformes de l'organisation administrative participent au débat. Le pire est d'imposer des réformes sans le soutien d'un maximum de personnes concernées. Plusieurs expériences de modernisation de la fonction publique ont déjà été tentées. Celles qui ont réussi sont celles qui sont basées sur le rassemblement et la concertation des collaborateurs autour d'un projet dynamique, d'un projet qui permet à chacun de travailler avec motivation.
C'est ce qui m'amène à la deuxième partie des travaux de la commission : la rémunération. D'emblée, je dirai que je ne sais pas si une rémunération à deux vitesses est la meilleure des solutions. Mon entreprise, par exemple, regroupe plus de 60 000 collaborateurs et la tendance aujourd'hui est plutôt à uniformiser les systèmes de rémunération en fonction des capacités et des efforts des individus. Toutefois, il faut arrêter de croire que le salaire est la clé de la motivation. Une littérature abondante de spécialistes a clairement démontré que non. Cette idée était inspirée par Taylor et date d'un autre siècle. Aujourd'hui, la motivation est d'abord liée à des aspects tels que la qualité du travail et les possibilités pour chacun de se réaliser dans son travail. La rémunération est plus souvent un facteur de mécontentement. D'ailleurs, parmi nous, qui est satisfait de son salaire ? Ne veut-on pas toujours gagner plus ?
C'est pour cela qu'aujourd'hui la notion de salaire au mérite, qui est déjà vieille de vingt ans, est bientôt dépassée au profit d'une approche de revenu global, lié à un apport dans l'équipe et à ses efforts à faire progresser son engagement. Le collaborateur veut être apprécié et obtenir les récompenses appropriées à ses réalisations. Il doit donc participer activement à l'établissement des objectifs de son service. De même, si l'erreur ou l'échec auparavant étaient souvent sources de blâmes, aujourd'hui on se rend compte que des erreurs peuvent être des tremplins vers la croissance, en permettant de corriger l'organisation. Un bon statut est donc celui qui encourage les employés à atteindre leurs idéaux personnels, en accord avec ceux de leur service. Est-ce le cas pour nos fonctionnaires ?
Vous voyez donc, Mesdames et Messieurs, pourquoi un débat trop court en commission sur un tel sujet amène aujourd'hui un affrontement politique gauche-droite qui, certainement, ne peut que nuire à nos fonctionnaires. Un débat plus profond sur les véritables enjeux, dont le fonctionnaire est le centre, doit être repris en commission. Nos fonctionnaires ont le droit d'être traités comme des collaborateurs d'une entreprise performante, valorisée auprès de la population, et non comme l'objet de propositions clientélistes, contre-productives à moyen terme. Nous soutenons donc le renvoi des ces projets en commission.
M. Roger Beer (R). J'aimerais tout d'abord faire une remarque à propos de l'organisation de notre travail. Madame la présidente, vous avez interrompu le débat à 19 h pile, sous prétexte, j'imagine, que vous aviez faim. Nous le reprenons à 20 h 30 et il n'y a personne dans la salle, alors que ce débat est très important. Ce que je ne comprends pas, c'est qu'hier soir, plutôt que de lever la séance à 23 h, vous avez insisté pour bâcler le DIP en vingt minutes, alors que d'habitude, le jeudi soir, on finit à 23 h. Pour ma part, j'étais particulièrement vexé, parce que je devais intervenir sur un point qui me concernait, mais je reconnais que vous avez bien joué... Voilà ce que je voulais dire en préambule.
Maintenant, concernant les projets de lois de nos collègues PDC, j'ai déjà eu l'occasion de m'exprimer sur le fait qu'ils arrivent sur les pupitres du Grand Conseil six mois avant les élections. Comme je l'ai déjà dit, je pense que c'est dû au hasard ou au rythme de travail de certains groupes, mais je rappelle quand même qu'il est extrêmement malsain d'essayer de prendre la fonction publique en otage quelque temps avant les échéances électorales.
En commission des finances, nous avons passé un certain temps sur ces projets, nous avons écouté vos arguments, Mesdames et Messieurs. Mais ce qui est un peu dommage pour vous, c'est que ces projets aient été déposés au moment où le département des finances et le Conseil d'Etat en général avaient entamé un processus de révision et d'amélioration du statut de la fonction publique, à savoir le fameux SP 2005, dont nous avons parlé récemment en commission des finances et pour lequel, sauf erreur, nous avons même voté les crédits nécessaires. Face à vos propositions, nous trouvions que cela faisait un peu trublion de vouloir tout déranger alors que l'Etat poursuivait sa démarche.
Monsieur Glatz, lors de la dernière législature - vous n'étiez pas encore député - nous avons passé de nombreuses séances à revoir le statut du personnel. Pour d'aucuns, c'était beaucoup trop léger, pour d'autres, c'était beaucoup trop important. Finalement un consensus a été trouvé qui convenait à tout le monde et qui a été voté quasiment à l'unanimité de ce Grand Conseil. Alors, il est vrai qu'on pourrait imaginer de revoir le statut de la fonction publique tous les deux ou trois ans, mais je ne crois pas que ce soit judicieux. Par ailleurs, quand je vous ai entendu tout à l'heure, Monsieur le rapporteur de minorité, j'ai eu l'impression que vous ne connaissiez vraiment pas la fonction publique. La fonction publique que vous décrivez, c'est la fonction publique des années vingt! Il ne faudrait quand même pas oublier que cela a un peu évolué depuis!
D'autre part, je suis aussi persuadé que lorsqu'on veut imposer des réformes telles que les vôtres - qui sont toujours les mêmes : évaluer, payer mieux les bons, s'occuper de ceux qui sont moins bons, faire participer, qui on ne sait pas trop... - quand ces réformes sont imposées, elles ne marchent jamais. Je crois que vos différents projets de lois auraient plutôt tendance à braquer la fonction publique, alors qu'il faudrait essayer de la motiver pour qu'elle participe à une amélioration. Mais enfin, là, je vous égratigne un peu...
S'agissant de M. Brunier, je rejoins un des préopinants qui le trouvait un peu arrogant. C'est vrai que dans votre rapport, Monsieur Brunier, et ce n'est pas la première fois, vous jouez de votre large majorité - qui risque bien de disparaître bientôt, mais cela l'avenir nous le dira! - et que vous employez parfois des termes injustes, sachant que les auteurs des projets ont quand même fait un effort et proposé quelque chose d'important.
Cela dit, je crois que Mme la conseillère d'Etat Calmy-Rey - encore qu'il lui reste des tendances qui lui viennent bien sûr de sa formation... - a compris ce qu'il faut à la fonction publique : il faut bien sûr faire participer la base, donner la parole aux syndicats, demander à tout le monde ce qu'il en pense, mais surtout il faut nommer des responsables compétents, des gens qui soient à même d'assumer leurs responsabilités. En effet, je reste persuadé que c'est cela, le problème. On peut évidemment décider à quarante, mais c'est encore mieux quand une personne décide et qu'elle convainc les trente-neuf autres. Ce n'est pas toujours évident, mais je suis persuadé que cela marche mieux quand cela se passe ainsi.
Enfin, certains ont utilisé la presse pour se moquer de l'abstention de M. Lescaze et de moi-même en commission des finances. La grande différence par rapport à notre abstention dynamique de l'année passée, c'est que cette fois-ci, par rapport à vos projets de lois, Mesdames et Messieurs, notre abstention était une abstention sympathique!
La présidente. Monsieur le député, je répondrai juste à votre préambule : nous avons convenu de toujours stopper nos travaux à 19 h, en accord notamment avec Léman Bleu qui arrête impérativement la diffusion des débats à 19 h et qui la reprend à 20 h 30. D'autre part, hier soir, la proposition a été faite de traiter le DIP et il n'y a eu aucune objection, aucune! Voilà donc les raisons des décisions que nous avons prises.
M. Bernard Clerc (AdG). Je vais commencer par répondre à M. Beer. Ce soir, il parle de son abstention sympathique, mais on ne sait pas très bien de quel côté, finalement, penche sa sympathie et si elle est liée à l'approche des élections... Quoi qu'il en soit, j'ai le sentiment que son abstention, comment dirais-je, ne correspond pas tout à fait à l'orientation, par exemple, du futur candidat radical au Conseil d'Etat, M. Kunz, qui lui, j'en suis certain, voterait des deux mains ces projets de lois!
Venons-en maintenant à d'autres choses qui ont été dites ce soir. Mme Spoerri, comme d'habitude, a été claire. Elle trouve que les décisions prises par le Conseil d'Etat d'octroyer cinq jours de congé par an pour exercer les droits syndicaux, sont un scandale, que c'est invraisemblable... Madame Spoerri, je comprends fort bien que vous soyez contre le développement des droits syndicaux, cela fait partie de vos orientations. En ce qui nous concerne, nous pensons que c'est un minimum et que les délégués syndicaux reconnus de la fonction publique doivent avoir les moyens d'exercer leur mandat.
Mme Spoerri regrette aussi qu'on reparle d'adaptation au coût de la vie, alors que, pendant les bonnes années où l'Entente était hégémonique dans ce Grand Conseil et au Conseil d'Etat, elle a su ne pas adapter les salaires de la fonction publique. En l'occurrence, chacun peut juger pourquoi les libéraux soutiendront ce soir ces projets de lois démocrates-chrétiens : le fait qu'ils les soutiennent sur ce type d'orientation montre bien quelle est la nature de ces projets de lois!
M. Glatz nous dit qu'on va mettre la fonction publique devant la possibilité de choisir. Ah, c'est magnifique, vive la liberté, chacun pourra choisir son mode de rémunération, soit l'ancien mode, soit le nouveau! Mais ce que vous ne dites pas, c'est que, comme par hasard, le nouveau sera plus intéressant. Ainsi, au moment d'engager des employés, on leur demandera de choisir entre gagner, par exemple, 5 000 F au départ - je parle là des petites classes - ou bien gagner 5 200 F. Eh bien, je vous dis tout de suite, Monsieur Glatz, que 99,9% des futurs engagés choisiront le système où ils gagneront 5 200 F. Votre objectif est donc bien de supprimer le système actuel de rémunération, pour le remplacer par un autre qui est basé sur le salaire au mérite. Pour notre part, nous n'en voulons pas, bien sûr, et votre soi-disant liberté est un marché de dupes.
M. Mauris nous a parlé de révolution dans le marché du travail. Je suis heureux de voir que, du côté des libéraux, on ne craint pas d'utiliser le mot révolution, mais j'ai l'impression que, dans votre bouche, il s'agit plutôt d'une contre-révolution qui consiste finalement à flexibiliser au maximum les conditions de travail. Sur cette question de la flexibilité, nous pensons qu'il doit y avoir flexibilité par rapport aux besoins sociaux et aux prestations aux usagers. Il est évident qu'il y a nécessité de flexibilité lorsqu'on s'occupe de malades dans un hôpital, mais il n'y a pas nécessité de flexibilité dans d'autres activités de l'Etat. Vous, vous souhaitez flexibiliser au maximum les conditions de travail dans tous les secteurs.
A notre avis, la véritable mini-révolution dans la fonction publique consiste à remettre en cause les pouvoirs hiérarchiques. Il faut démocratiser les rapports de travail au sein de la fonction publique, car c'est la seule garantie que nous ayons contre certains dysfonctionnements. On le voit aujourd'hui, on l'a vécu dans le passé : un certain nombre de services ont dysfonctionné parce que la structure hiérarchique avait certaines d'orientations et que les critiques émises par le personnel de base ne passaient pas la rampe de la hiérarchie, de sorte que les dysfonctionnements ont continué. Si on veut changer un certain nombre de choses, c'est à ce niveau-là qu'il faut agir : il faut donner davantage de droits au personnel, il faut démocratiser les rapports de travail. Il n'y a pas besoin de s'acheminer vers une flexibilisation qui vise finalement à diminuer les coûts salariaux au sein de la fonction publique. (Applaudissements.)
M. Philippe Glatz (PDC), rapporteur de minorité. En fait, pour commencer par vous, Monsieur Roger Beer, votre abstention sympathique, c'est, comme d'habitude, ni oui ni non, surtout ne pas se mouiller... Vous nous dites que, six mois avant les élections, il est extrêmement malvenu de discuter un problème tel que celui-là : c'est extrêmement malsain, cela fait trublion..., nous avons trouvé un consensus, alors surtout ne bougeons rien, tout est bien comme cela...
Je ne pense pas que ce soit faire preuve de sens des responsabilités que de ne pas vouloir envisager l'avenir de façon un peu plus dynamique. Il ne faut pas avoir peur, Monsieur Beer, d'empoigner les vrais problèmes. Vous dites que je ne connais pas la fonction publique, mais j'y ai travaillé pendant très longtemps et je la connais certainement aussi bien que vous, et je connais sa qualité. C'est vous qui n'avez pas confiance en la qualité de la fonction publique, qui croyez que la fonction publique est frileuse : la fonction publique n'est pas frileuse, elle est courageuse et elle sait voir l'avenir et les enjeux liés à une amélioration de son statut - car ce dont nous parlons, c'est bien d'une amélioration du statut de la fonction publique.
Maintenant, Monsieur Krebs, j'ai entendu vos arguments. Vous dites que ce sont de bien modestes réformettes que le PDC propose par rapport au plan du Conseil d'Etat : si ce sont des réformettes aussi modestes que cela, je trouve qu'il est incohérent de votre part de ne pas vouloir en discuter. Il y aurait possibilité d'en discuter et de les adjoindre au projet du Conseil d'Etat.
Quant à M. Hausser, il dit que les propositions du PDC viennent d'en haut, que c'est absolument insupportable et que ce n'est pas ainsi que cela doit se passer. Monsieur Hausser, je vous rappellerai les responsabilités de l'employeur : l'Etat employeur a la responsabilité de faire des propositions à ses collaborateurs, de leur offrir un cadre de travail qui soit épanouissant, avec une véritable reconnaissance des efforts faits et des services rendus à la collectivité. En l'occurrence, vous refusez cette reconnaissance. Il est vrai que nous proposons une reconnaissance un peu formelle, sous la forme sonnante et trébuchante d'une gratification supplémentaire. Pour le surplus, Monsieur Hausser, vous faites l'impasse sur tout le volet organisationnel, où nous ouvrons des portes sur les possibilités de télétravail, d'annualisation ou de gestion plus souple et plus dynamique du temps de travail. Pour votre part, vous préférez peut-être les horaires 8 h-12 h, 14 h-18 h, mais je suis sûr qu'un certain nombre de collaborateurs savent qu'ils pourraient travailler dans d'autres conditions et avec un bien meilleur profit pour l'ensemble de la collectivité.
En ce qui concerne l'intervention de M. Clerc, je préfère sa position, parce qu'au moins elle est tranchée : à propos du nouveau système de rémunération proposé, dont il reconnaît qu'il serait bien plus intéressant, M. Clerc dit qu'il n'en veut surtout pas. Essayons de comprendre pourquoi : s'agit-il, pour M. Clerc, de garder les fonctionnaires dans un carcan impliquant la subordination perpétuelle à l'employeur, alors que nous cherchons à leur donner un peu plus d'autonomie ?
En fait, Mesdames et Messieurs les députés, le parti démocrate-chrétien connaît la qualité des collaborateurs engagés au service de l'Etat, au service de la communauté. Nous croyons en leurs qualités, nous croyons qu'ils sont capables d'appréhender le système proposé avec un regard bien plus positif que le vôtre ce soir!
Mme Janine Hagmann (L). J'aimerais apporter un témoignage très bref. Avant la pause, j'ai entendu mon excellent collègue M. Krebs dire que les fonctionnaires ne voulaient plus du NPM. Personnellement, j'ai eu la chance cette année, grâce à la commission de contrôle de gestion, de passer trois matinées dans un service qui applique le NPM, à savoir la voirie - où nous avons rencontré des fonctionnaires heureux et dynamiques. Au service de la voirie, le NPM s'est basé - je vais vraiment vulgariser - sur deux clés très simples qui étaient : 1. motivation, 2. concertation. Evidemment, en plus, on a instauré le sucre du bonus, ce bonus qui a tellement été contesté. Mais est-ce vraiment faux de promettre quelque chose ? A la voirie, les gens se sont réunis pour savoir comment serait réparti ce bonus et ils ont pris des décisions qui ont pu étonner, en ce sens que la première année on a donné exactement la même chose à chacun, et que l'année d'après on a donné au prorata des heures. C'est la preuve qu'on peut motiver du personnel dès lors qu'on le fait participer.
Je livre ce témoignage, parce que je trouve dommage, Mesdames et Messieurs, que vous n'ayez pas étudié cela d'une façon un peu plus approfondie en commission, alors que c'était votre but. Mme la présidente des finances a dit que le NPM était abandonné, mais je sais que si elle l'abandonne, c'est parce qu'elle a une conception du statut de personnel qui est tout de même moderne et qui se base sur les expériences NPM qui ont été faites et qui étaient intéressantes.
J'ai beaucoup aimé l'intervention de M. Alain-Dominique Mauris. Il était juste 20 h 30 et nous étions peu dans cette salle à l'écouter, mais j'ai vu des gens en face hocher la tête et j'ai entendu Mme Sayegh dire : «Tiens, il pourrait être des nôtres.» Croyez-vous, Mesdames et Messieurs, que vous avez l'apanage du bon statut du personnel ? Non, excusez-nous! M. Mauris et moi-même, dans ma petite structure communale, avons des fonctionnaires, à qui nous avons donné un statut du personnel moderne et dynamique, pour les motiver. Ce soir, je pense qu'il est dommage de ne pas renvoyer ces projets de lois en commission, parce qu'il y aurait vraiment beaucoup à faire sur ce sujet. Je propose donc que vous suiviez la recommandation de les renvoyer en commission.
M. Christian Brunier (S), rapporteur de majorité. J'aimerais décortiquer un peu le discours du rapporteur de minorité, ou plutôt la leçon du rapporteur, puisqu'il a donné une leçon quasiment à chaque groupe!
Première arme du rapporteur de minorité : caricaturer le débat, en disant qu'il y avait eu un abus de pouvoir de la majorité de gauche, qui aurait essayé de jeter vulgairement ces projets de lois. Ce soir, on a pu constater que le débat n'est pas simplement un débat gauche-droite, puisqu'on a entendu Roger Beer, au nom des radicaux, expliquer ce qu'il appelle son abstention sympathique - en l'occurrence, je pense qu'il s'agit plutôt d'une abstention polie par rapport à des alliés politiques... On a entendu aussi le Conseil d'Etat, qui n'est pas à majorité de gauche, nous demander, en commission, de le laisser travailler sur la réforme et de ne pas ajouter des projets de lois qui risquent de créer des tensions avec la fonction publique. C'est dire que nous ne sommes pas dans un débat gauche-droite, mais dans un débat entre ceux qui veulent défendre une réforme participative et d'autres qui ont choisi un autre moyen, pas très efficace.
Deuxième arme du rapporteur de minorité : essayer de nous culpabiliser en disant que nous résistons à tout changement et que nous sommes les adeptes du statu quo. Monsieur Glatz, vous étiez en commission : aucun parti n'a défendu le statu quo, tous les partis, de gauche comme de droite, ont dit qu'il fallait réformer l'Etat. D'ailleurs, les syndicats de la fonction publique y travaillent actuellement, de manière continue, avec le gouvernement. Et, Madame Spoerri, si aujourd'hui les syndicalistes bénéficient de temps libre, ce n'est pas pour s'amuser, c'est pour négocier un nouveau statut de la fonction publique plus moderne, et la réforme de la fonction publique en cours. Eh oui, à cet égard, les droits syndicaux exigent que les gens soient payés pendant qu'ils militent pour la réforme de l'Etat!
Ensuite, quand M. Glatz a vu qu'il allait un peu loin dans la caricature et qu'il risquait de se mette toute la fonction publique à dos, il nous a dit que la fonction publique était courageuse, qu'il la connaissait, qu'il y avait travaillé... Mais alors, Monsieur Glatz, pourquoi ne pas l'impliquer dans la réforme ? Vous êtes en train de décréter une réforme de vous-même, sans consulter la fonction publique, alors que vous nous dites que celle-ci a plein de qualités... Impliquons les gens, c'est ainsi que nous réussirons à changer la fonction publique!
Vous parlez d'un système de rémunération qui serait nouveau : à vrai dire, votre modèle équivaut à une multiplication des systèmes. Au sein du groupe socialiste, nous pensons que le système de rémunération actuel n'est sans doute plus adapté, mais ceci ne veut pas dire qu'il faille tout casser, pour arriver à un système qui, comme je l'ai entendu, collerait au marché, où on accorderait aux dirigeants des salaires indécents, comme on a pu le voir dans certaines régies publiques nationales... (L'orateur est interpellé par M. Blanc.) Eh oui, ce sont des socialistes et je le regrette amèrement, Monsieur Blanc!
Le système de rémunération n'est donc certainement pas idéal et il faut le réformer, mais la réforme ne passera pas par les présents projets de lois. Les communes qui ont réformé leur système de rémunération l'ont fait directement en lien avec les syndicats. Les deux entreprises publiques qui ont réformé ou qui sont en train de réformer leur système de rémunération ne l'ont pas fait par le biais de décisions du conseil d'administration ou de décisions parlementaires : elles l'ont fait par le biais de l'implication, du dialogue avec les syndicats. C'est le seul moyen de réussir une réforme.
En l'occurrence, votre méthode, vous l'employez pour tout : le télétravail, vous le décrétez! Le télétravail, c'est magnifique, nous parti démocrate-chrétien, nous le décrétons! Eh bien, non, cela ne se passe pas comme cela. Le télétravail peut être une chose intéressante pour bien des emplois, mais il faut qu'il soit basé sur la confiance. Si vous le décrétez, on risque de tomber très vite dans un système de travail à la tâche, qui serait bien entendu inacceptable pour les employés comme pour nous.
En conséquence, je crois qu'il faut vraiment suivre le conseil du Conseil d'Etat et le laisser travailler avec les partenaires sociaux. Le travail est en cours et il a été approuvé par l'ensemble des partis politiques. Il faut aller dans la direction que M. Clerc a indiquée et que le Conseil d'Etat suit, à savoir impliquer les employés dans la réforme et démocratiser l'Etat, qui est beaucoup trop hiérarchique et qui a été construit sur un système qui est le vôtre, un système militariste... (Rires et exclamations.) Enfin, troisième chose qu'on a oubliée ce soir : il faut décloisonner les sept départements pour qu'ils deviennent enfin une entité au service de la population!
M. Alain-Dominique Mauris (L). M. Clerc a, sauf erreur, prononcé le mot de révolution : il s'agit plutôt d'évolution. Cela dit, vous avez effectué ce soir, Mesdames et Messieurs, une révolution dans la pensée à propos de la hiérarchie, qui m'étonne énormément. Si vous lisez le dernier numéro de «Bilan», vous apprendrez qu'une grande entreprise - que certainement vous n'aimez pas beaucoup et qui est Nestlé - s'est attaquée au problème de la hiérarchie il y a longtemps, qu'elle l'a réduite à trois niveaux, avant de la supprimer totalement et d'arriver à une organisation horizontale. D'autre part, un best-seller, issu de la politique néolibérale il y a plus de vingt ans, s'intitulait déjà : «Retourner la pyramide». Je vois donc avec admiration que vous vous inspirez du secteur privé s'agissant de la hiérarchie, et notamment notre collègue rapporteur de majorité. C'est en l'occurrence un sujet sur lequel nous pourrons certainement discuter, puisqu'il semble que nous arriverons à nous entendre sur certains points.
Concernant les syndicats, j'apprécie tout à fait leur rôle, mais je ne crois pas qu'ils aient l'apanage de la solution. Ils sont des partenaires sociaux au même titre que d'autres, et plus nous serons nombreux à avoir des idées pour faire avancer le statut de la fonction publique, mieux nous parviendrons à des résultats concrets, pour le bien de la collectivité publique. Arriver à nous distancer de la politique serait, dans ce cas, une bonne chose.
M. Dominique Hausser (S). «C'est sans doute naïveté que de croire que les représentants de la majorité parlementaire de notre commission des finances puissent reconnaître un quelconque intérêt aux propositions qui leur étaient ici soumises...» et patati et patata : j'ai cité, page 32, le rapporteur de minorité! Vous l'avez entendu tout à l'heure : je ne pense pas que le rapporteur de minorité ait la quelconque naïveté de croire quoi que ce soit. Il sait très bien où il veut aller, il sait très bien ce qu'il défend et, dans son texte, il joue sur les mots!
M. Glatz nous dit qu'il est de la responsabilité de l'employeur de faire des propositions : bien sûr et jusqu'à preuve du contraire le Grand Conseil n'est pas l'employeur de l'administration! Le Grand Conseil a la responsabilité de contrôler la gestion du Conseil d'Etat - nous nous sommes d'ailleurs dotés, il y a quelques mois, d'un instrument nous permettant d'améliorer notre contrôle.
Il est donc de la responsabilité du Conseil d'Etat d'assumer son rôle d'employeur. Notre responsabilité à nous est de lui donner un certain nombre de pistes. En l'occurrence, nous avons des possibilités de le faire autrement que par des projets de lois sectoriels, qui ne sont issus d'aucune réflexion autre que celle de placer le personnel de l'Etat dans une situation de dépendance, de fragilité, et de le faire travailler dans un système tout sauf productif, innovateur et imaginatif. En effet, vous ne définissez en aucun cas, dans vos projets de lois, la manière dont le personnel - je l'ai dit tout à l'heure - pourrait apporter, sur la base de son expérience, des propositions concrètes, pratiques, applicables, qui permettent de répondre aux besoins et aux demandes de la population.
Deuxième point que j'aimerais souligner rapidement : en ce qui concerne la nouvelle organisation du travail - travail à domicile, télétravail, travail en horaire libre, etc. - c'est très bien pour un certain nombre de gens qui ont effectivement des tâches à produire dans des délais précis, qui doivent rendre des rapports, des propositions, des perspectives. Mais on ne doit pas oublier toute une autre série de tâches qui impliquent la présence, la disponibilité, qui impliquent que les guichets à la population soient ouverts de 8 h à 18 h, au-delà de l'horaire 8h-12 h, 14h-18 h. Pour ces cas-là, vous ne pouvez vous permettre de faire ces propositions, ce qui veut dire que vous sélectionnez déjà les professionnels qui pourraient profiter de ce type d'organisation.
Du reste, je peux vous dire qu'aujourd'hui, Mesdames et Messieurs les députés, les hauts fonctionnaires, qui ne comptent pas leurs heures, qui sont motivés dans le cadre du projet Service public 2005, qui réfléchissent, non seulement entre 8 h-12 h, 14 h-18 h, mais aussi à d'autres moments, utilisent ce système, y compris sur leur temps libre... Et là, on peut se poser la question de savoir si oui ou non on respecte un point fondamental, qui est celui d'essayer de diminuer le temps de travail nécessaire à vivre décemment dans la société qui est la nôtre.
Dans les années 70, un certain Jean Fourastier avait écrit un livre qui s'intitulait «Les 40 000 heures» : 40 000 heures de travail rémunérées suffisamment pour vivre durant l'ensemble de sa carrière professionnelle, soit durant quarante ans, 25 heures par semaine. On en est loin. Nous avions formulé cette proposition pour la précédente législature ou la législature qui se finit. Mais nous nous sommes rendu compte que le personnel de l'Etat n'était pas à même de réfléchir sur une diminution du temps de travail, suite aux pressions qu'il avait subies pendant les années qui avaient précédé. Il fallait d'abord stabiliser des situations difficiles, avant de parler de propositions qui soient envisageables et qui puissent devenir concrètes pour le personnel de l'Etat.
M. Philippe Glatz (PDC), rapporteur de minorité. Il conviendrait de revenir à un débat plus serein. Ce que je suis en train de défendre ici, c'est simplement la possibilité d'examiner les propositions du PDC. Vous reconnaîtrez, Monsieur Brunier et Monsieur Hausser, que, dès le commencement, j'ai dit qu'il s'agissait d'un certain nombre de propositions très concrètes qui devaient être envisagées comme base de travail. Je ne comprends donc pas pourquoi vous les rejetez d'un revers de la main. Je constate aujourd'hui le recours à une certaine tradition de dialectique qui consiste à discréditer pour rejeter. Monsieur Brunier, nous ne décrétons rien, nous faisons un certain nombre de propositions. Ce projet de loi porte bien son nom : c'est un projet. Pour que l'ensemble des partenaires sociaux, comme vous le souhaitez, puissent se prononcer, il faudrait au moins que ce projet soit pris en considération, afin d'être mis en consultation. On peut mettre un projet de loi en consultation, on peut demander l'avis des uns et des autres, mais en l'occurrence vous ne voulez pas de nos propositions constructives. Pour des raisons qui me paraissent évidentes, vous souhaitez conserver le statu quo.
Je le répète : nous ne décrétons absolument rien, nous n'avons pas du tout cette ambition. Nous avons la simple ambition de faire en sorte qu'on discute de ces problèmes et qu'on en discute ouvertement!
Mme Micheline Calmy-Rey. Je voudrais remercier ici le parti démocrate-chrétien d'avoir déposé ces projets de lois, parce que ce débat me permet de présenter la réforme en matière de politique du personnel de l'Etat et de démontrer que la nécessité de faire évoluer le statut de la fonction publique pour la faire correspondre aux réalités d'aujourd'hui n'est pas un débat gauche-droite, mais que cette idée est partagée sur tous les bancs du Grand Conseil.
Cela étant, je voudrais faire une remarque préalable. Madame Spoerri, les charges du personnel n'ont pas augmenté entre 1999 et 2000. Par rapport au budget 2000, les charges du personnel diminuent de 25 millions. Elles auraient diminué encore plus, si nous n'avions dû enregistrer des dépenses qui n'étaient pas prévues au budget, comme le paiement des heures supplémentaires de la police. Ce bon résultat est aussi dû, bien sûr, à l'accord avec la fonction publique : c'est ici l'occasion de lui rendre hommage.
J'en viens maintenant aux propositions du parti démocrate-chrétien. Deux points forts dans ces propositions : tout d'abord l'entretien individuel et l'entretien de service. Monsieur Glatz, l'entretien individuel et l'entretien de service existent déjà. On en améliore actuellement les règles de fonctionnement, mais ce sont deux choses qui existent et point n'est besoin de projet de loi pour les faire entrer en vigueur.
Deuxième point fort de vos propositions : la rémunération valorisante. La notion de rémunération valorisante a un certain nombre de défauts. D'abord, le système proposé avantage les collaborateurs et les collaboratrices qui sont sans expérience et défavorise les personnes qui ont de l'expérience, avec, comme résultat, que les gagnants choisiront le nouveau système et que les perdants choisiront l'ancien. Mais pas pour longtemps, parce que les personnes ayant opté pour le nouveau système ne vont en effet pas tarder à se rendre compte qu'elles sont gagnantes pendant quelques années et qu'elles vont perdre ensuite. Le système que vous proposez en matière de rémunération valorisante, Monsieur Glatz, est inapplicable. Il part d'un certain nombre de constats qu'il n'est pas possible d'appliquer ensuite.
Deuxièmement, vous proposez de laisser de côté les enseignants et la police : vous instaurez ainsi une inégalité entre les fonctionnaires et cela non plus n'est pas applicable.
En l'occurrence, Mesdames et Messieurs les députés, j'ai expliqué en commission quels étaient les principes de la politique du personnel que le Conseil d'Etat entendait appliquer.
A cet égard, nous avons effectivement mis fin à l'expérience NPM, parce qu'elle comportait un certain nombre de gros défauts, notamment la difficulté de pouvoir évaluer les performances des services à partir des enveloppes budgétaires, compte tenu de l'écart entre le budget et les comptes et du fait que les services ont des contraintes extérieures qui ne permettent pas d'évaluer cette performance de façon claire. Nous avons donc abandonné le système NPM et nous le remplaçons par un autre système qui se veut dynamique et motivant pour le personnel.
Je suis, Mesdames et Messieurs, convaincue qu'au centre de la réforme de l'Etat il faut mettre la politique du personnel. Le personnel, s'il est motivé, s'il travaille bien, si on lui donne l'occasion de s'exprimer et de participer aux réformes, va améliorer la performance. Lier la politique du personnel à la performance est un des objectifs que nous nous sommes fixés au travers de la réforme Service public 2005. De nombreux projets sont soit en cours, soit déjà réalisés.
Premièrement, nous avons mis l'accent sur la mobilité du personnel : le Carrefour mobilité démarre au mois de mars de cette année. C'est un des points sur lequel on devra faire encore de gros efforts, parce que, sur ce plan, les habitudes sont profondément ancrées et la mentalité d'entreprise est à changer.
Deuxièmement, nous avons commencé la réforme du système d'évaluation des fonctions en concertation avec le personnel. Nous allons maintenant fixer des règles pour améliorer la participation du personnel, notamment au travers des entretiens de service et des entretiens individuels. Les discussions avec les organisations représentatives vont démarrer pour mieux lier les entretiens individuels à la politique de formation, formation continue, plan de carrière, etc.
Tous ces projets sont en route à l'heure actuelle. Mon extinction de voix m'empêche de continuer, mais sachez, Mesdames et Messieurs, que le Conseil d'Etat est motivé. Il est convaincu que la politique du personnel est un élément essentiel de la réforme de l'Etat et de la performance. Pour faire le parallèle avec le NPM, si le personnel est motivé, qu'il travaille bien, le client sera satisfait, mais nous ne mettons pas d'abord le client et après le personnel, mais bien d'abord le personnel. Voilà, Mesdames et Messieurs les députés, je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de m'exprimer à ce sujet.
Mme Micheline Spoerri (L). J'aimerais juste ajouter un mot après l'intervention de Mme Calmy-Rey. Le débat de ce soir nous a donné le sentiment désagréable qu'à travers le rapport de majorité et à propos de la proposition du groupe démocrate-chrétien, la majorité de ce parlement s'emparait d'un certain nombre de critères concernant la réforme de la fonction publique. Madame, à nos yeux, il n'est pas possible que les choses se passent de cette façon. Si vous êtes capable de nous ôter ce sentiment désagréable et de nous assurer que, si le renvoi en commission n'est pas accepté, les travaux à propos de la fonction publique seront menés par consultation, par concertation et que chaque parti politique pourra donner son avis, je me satisferai de votre conclusion. Mais jusqu'à maintenant nous avons vraiment eu l'impression que ce sujet était l'objet d'une sorte de prise d'otage par la majorité parlementaire et ceci n'est tout simplement pas acceptable.
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, il y a eu une demande de renvoi en commission de ces projets de lois : je mets donc au vote cette proposition.
Mis aux voix, le renvoi en commission de ces projets est rejeté.
PL 8393-A, 8394-A, 8395-A et 8396-A
Mis aux voix, ces projets sont rejetés en premier débat.