République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1203-A
20. Rapport de la commission d'aménagement du canton chargée d'étudier la proposition de motion de Mme et MM. Christian Brunier, Laurence Fehlmann Rielle, Alberto Velasco, Alain Etienne et Albert Rodrik concernant la répartition des compétences entre l'Etat et les communes en matière d'aménagement du territoire. ( -) M1203
Mémorial 1998 : Développée, 2900. Renvoi en commission, 2908.
Rapport de M. Hervé Dessimoz (R), commission d'aménagement du canton

La motion 1203, présentée par les députés Brunier, Fehlmann-Rielle, Velasco, Etienne et Rodrick, a été déposée le 23 mars 1998.

A cette date, la Commission d'aménagement du canton venait d'engager les études du nouveau concept d'aménagement cantonal et c'est la raison de l'instruction tardive de cette motion.

Rappelons qu'à Genève, cas unique en Suisse, toutes les compétences en matière d'aménagement du territoire et de police des constructions sont confiées à l'Etat.

Depuis 1993, les communes bénéficient d'un droit d'initiative en matière d'aménagement du territoire.

Les proposants souhaitent qu'il soit établi un rapport sur l'usage fait par les communes de leurs nouvelles compétences.

Soucieux d'alléger les procédures, de les optimiser, d'améliorer la rapidité d'élaboration des projets, de freiner la bureaucratie et de diminuer les coûts, ils demandent au Conseil d'Etat des propositions de répartition des compétences entre l'Etat et les communes basées sur le principe de subsidiarité.

Dans cet esprit, ils suggèrent une nouvelle répartition entre l'Etat et les communes des instruments de gestion de l'aménagement du territoire avec les adaptations conséquentes des compétences politiques, techniques et administratives.

Il est intéressant de citer, par exemple, l'une des suggestions qui vise à confier aux communes l'élaboration et l'approbation des plans directeurs de quartier, des plans localisés de quartier et des plans d'utilisation du sol, processus dans lesquels l'Etat n'interviendrait qu'en émettant des préavis.

Sous la présidence de M. Pagani, la commission a étudié la motion en date du 13 septembre 2000.

En guise d'introduction, les proposants rappellent leurs ambitions mais regrettent le temps passé entre le dépôt de la motion et le débat de ce jour puisque, dans l'intervalle, les événements politiques lui ont fait perdre de la pertinence.

Pourtant, ils relèvent que les postulats de base restent d'actualité. Ils souhaitent que la commission accepte la motion.

Le débat est riche en arguments divers. Il en est cité quelques uns de manière non exhaustive :

les propositions sont en contradiction avec le nouveau plan directeur ;

la décentralisation pourrait aller à l'inverse des ambitions des proposants en allongeant encore la durée des procédures ;

la répartition des compétences n'améliorerait pas la démocratie locale puisque le concept d'aménagement, le régime des zones, la Police des constructions … seraient toujours de la compétence de l'Etat dont l'autorité prévaudrait de manière identique à l'existant !

In fine, M. Moutinot, président du DAEL, propose d'accepter la motion mais avec un amendement sur la deuxième invite comme suit :

« invite le Conseil d'Etat à étudier la faisabilité d'une procédure en vue de donner une base légale aux plans directeurs communaux ».

Les motionaires acceptent cette proposition.

Mises au vote, la première invite, la deuxième invite modifiée comme ci-dessus et enfin la motion amendée sont acceptées à l'unanimité.

Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, la commission vous propose d'accepter la motion telle qu'amendée et de la renvoyer au Conseil d'Etat.

Débat

M. Alain Etienne (S). Les socialistes étaient très ambitieux lorsqu'ils ont déposé cette motion concernant la répartition des compétences entre l'Etat et les communes en matière d'aménagement du territoire. Et je regrette que le rapporteur n'ait pas jugé utile d'en dire plus sur nos propositions contenues dans l'exposé des motifs accompagnant la motion...

Certes, ces propositions ont fait sursauter plusieurs personnes, notamment au sein de l'administration cantonale. Il s'agissait entre autres de déléguer aux communes un certain nombre de compétences et de répartir différemment les instruments de gestion de l'aménagement du territoire. Nous avons été jusqu'à proposer, pour les communes de plus de dix mille habitants, la constitution d'un service municipal d'urbanisme ou donner des mandats extérieurs pour l'élaboration des plans relevant de la compétence communale. Pour les communes de moins dix mille habitants, cette mission pourrait être donnée à l'association des communes genevoises.

En définitive, cette motion devait permettre de poursuivre le débat sur la démocratie locale. Mais le débat n'a pas vraiment eu lieu : personne ne voulait s'engager sur ce terrain, et la minceur du rapport l'atteste...

Il est vrai qu'avant de traiter cette motion notre canton a connu le débat sur la fusion entre le canton et la Ville de Genève, ainsi que le traitement du concept d'aménagement cantonal. Nous n'en resterons pas là et nous reviendrons sur le sujet à une autre occasion.

Pour l'heure, il s'agit de s'en tenir aux invites. Nous attendons donc du Conseil d'Etat un rapport sur l'usage fait par les communes depuis 1993 de leurs nouvelles compétences, des propositions en matière d'aménagement du territoire, et d'étudier la faisabilité d'une procédure en vue de donner une base légale aux plans directeurs communaux.

Je ferai juste remarquer au rapporteur que la deuxième invite a été proposée par les commissaires socialistes et que celle-ci a été reprise par le président du DAEL.

Je vous remercie d'accepter cette motion ainsi amendée et de la renvoyer au Conseil d'Etat. 

M. Hervé Dessimoz (R), rapporteur. Je n'ai pas l'habitude d'être malmené lorsque je fais un rapport...

Monsieur Etienne, si vous trouvez que je n'ai pas été assez ambitieux, vous aurez au moins pu relever que j'ai été plutôt poli à l'égard des motionnaires, compte tenu de l'accueil et de l'intérêt que cette motion a suscité en commission, et que j'ai vraiment dû faire un effort pour arriver à vous présenter un rapport qui soit plutôt présentable...  

M. Michel Parrat (PDC). Cette motion et les discussions qu'elle a suscitées sont révélatrices des problèmes bien présents dans la répartition des tâches au niveau de l'aménagement du territoire entre les compétences de l'Etat et celles des communes.

En effet, nous ne pouvons pas reporter sans cesse les problèmes d'aménagement liés à la répartition des compétences au niveau communal et au niveau cantonal. L'Etat devrait comprendre que son expertise devrait se limiter à l'établissement des grands axes et priorités au niveau de l'aménagement du territoire et à en assurer leur cohérence et reconnaître - enfin - la qualité d'expertise aux communes, pour développer et inscrire au niveau local les orientations et priorités fixées par l'Etat au niveau général, c'est-à-dire au niveau cantonal.

Cela serait un grand pas absolument nécessaire, avant de pouvoir nous pencher sur les éventuels doublons entre les services cantonaux et communaux d'aménagement du territoire. Sans ce travail absolument nécessaire - j'insiste - nous ne pourrons pas analyser sereinement le problème des doublons.

L'objectif de cette motion, sur proposition de M. le président Moutinot, est de donner enfin une base légale aux plans directeurs communaux. Cet objectif doit être fortement soutenu, car il faut savoir qu'actuellement les communes qui établissent leur plan directeur, ce qui est un travail important, très coûteux et fortement conseillé par l'Etat, établissent un document qui n'a aucune base légale. Et la prise en considération de ce document dépend du bon vouloir de l'Etat...

Cette situation assez humiliante - il faut le dire - pour les communes est aussi génératrice de conflits entre l'Etat et celles-ci. Il faut impérativement que cela cesse !

Ainsi, le parti démocrate-chrétien soutiendra cette motion qu'elle considère comme un premier pas timide dans le bon sens d'un aménagement du territoire où les décisions doivent être prises, enfin, à chaque fois, au bon niveau et en utilisant au mieux les compétences aussi bien étatiques que communales.  

M. Alain-Dominique Mauris (L). Cette motion ainsi amendée trouve effectivement notre totale approbation.

Néanmoins, je demande à celui de nos collègues qui a évoqué l'ACG de faire très attention... En effet, l'ACG n'est pas une structure qui doit devenir une super commune ou une super organisation : le but unique de l'ACG est de pouvoir réunir l'ensemble des magistrats communaux pour favoriser les discussions entre eux et, surtout, d'avoir un minimum de structures administratives. Vous avez raison de relever qu'il y a de grandes communes dans le canton mais aussi des petites et des moyennes, et qu'effectivement cette diversité pose problème pour un canton aussi petit que le nôtre. Mais ce n'est pas en donnant la possibilité à l'ACG de devenir un énorme «machin» qu'on va pouvoir résoudre ces problèmes de différences entre les communes. Il faut trouver des solutions, mais elles sont ailleurs.

Par rapport au renforcement des pouvoirs de proximité - tout le monde l'aura compris - c'est le goût du jour : il faut aller de l'avant. C'est vrai que nous sommes mieux à même, lorsque nous sommes tout proches de la population, de savoir ce qui se passe et de faire des propositions concrètes et qui soient respectées. Il n'y a en effet rien de plus frustrant pour une commune que de prendre des décisions qui sont mises ensuite dans un tiroir et d'avoir l'impression que, quoi qu'on dise et quoi qu'on fasse, les décisions se prennent ailleurs.

Nous nous réjouissons donc de voir cette motion être renvoyée au Conseil d'Etat et des mesures qui en découleront. 

Mme Janine Hagmann (L). Chacun sait qu'à Genève les pouvoirs des exécutifs communaux sont très limités. D'ailleurs, c'est très amusant car les maires français que nous rencontrons nous disent qu'ils peuvent donner des autorisations de toutes sortes dans leur commune et qu'ils sont étonnés de nos pouvoirs limités. Nous ne pouvons que le reconnaître. Nous voudrions au moins obtenir une chose - l'ACG le demande depuis très longtemps et l'a d'ailleurs dit à M. le président qu'elle a rencontré récemment - la reconnaissance légale du plan d'aménagement territorial des communes. Parce que sinon à quoi cela sert-il de faire faire des études par des urbanistes - presque toutes les communes en ont - si une fois qu'elles sont faites on s'aperçoit qu'elles ne sont pas reconnues et qu'elles n'ont pas de valeur ?

Il est donc évident que l'ACG soutient cette motion et demande son renvoi au Conseil d'Etat. Elle sait que M. Moutinot porte une attention particulière à cette motion parce qu'il sait que cette reconnaissance des plans directeurs communaux est nécessaire, sinon les communes n'auront plus du tout envie de faire ces études.  

M. René Koechlin (L). Je ne reviendrai pas sur tout ce que mes préopinants ont dit, propos que je partage presque entièrement.

Il est déjà possible de répondre à la première invite; car il existe de nombreux exemples qui démontrent que les communes ont déjà très fréquemment fait usage des compétences qui leur ont été attribuées en 1993. Certaines communes ont donné suite à cette possibilité sur l'instigation du DAEL qui, dans un certain nombre de cas, s'est rendu compte qu'il fallait que les communes entreprennent des études de plans localisés de quartiers ou d'autres plans d'aménagement pour clarifier une situation qui n'était pas satisfaisante.

En ce qui concerne la deuxième invite, il serait utile, comme l'ont dit les préopinants, de donner une base légale aux plans directeurs communaux. Mais alors, j'insiste sur un point : il faut de la concertation car actuellement ce qui fait encore défaut dans bien des cas précis, c'est précisément la concertation entre les communes d'une part et le département en tant que représentant de l'Etat. A mon avis, la responsabilité de cet état de fait est partagée : on ne peut pas jeter la pierre uniquement au département ou seulement aux communes. Mais, trop souvent, soit le département impose une solution à une commune qui n'en veut pas ou, inversement, une commune, qui va de l'avant avec une étude, est surprise que le département y voie toutes sortes d'objections et finisse par la refuser, ou du moins ne l'accepte qu'avec beaucoup de réserves.

Ces phénomènes résultent d'un manque de concertation. Il est heureux que le plan directeur cantonal propose des périmètres d'aménagement concertés. Ce mot «concertés» a tout le poids du sens de la consultation réciproque du département et des communes. Espérons que cette motion permette au département de répondre et de nous éclairer sur l'organisation de cette concertation qui mérite d'être coordonnée, d'être structurée, à défaut de quoi elle ne se fera que de façon occasionnelle et sporadique, donc sans l'efficacité que nous attendons. 

M. Laurent Moutinot. J'accepte bien volontiers les deux invites de la motion. Il vous sera donc présenté un rapport sur la manière dont les communes exercent leurs compétences en matière d'aménagement. Pour une part, d'ailleurs, cela se fait en harmonie effectivement avec le département. Dans d'autres cas, certaines communes agissent, précisément, parce qu'elles entendent faire valoir un point de vue qu'elles supposent ou pensent à raison ne pas être celui du département.

En toute hypothèse, nous ferons la description de ce qui s'est produit, en donnant les résultats.

En ce qui concerne la base légale pour les plans directeurs communaux, pour les excellentes raisons rappelées par Mme et MM. les députés maires de ce parlement, nous allons bien entendu vous faire des propositions. Mais, afin d'éviter tout malentendu aussi, il est évidemment exclu que le plan directeur communal devienne un instrument de combat et de contestation du plan directeur cantonal.

Ces plans communaux devront par conséquent s'inscrire dans les lignes du plan directeur cantonal qui est suffisamment large pour permettre à la commune de procéder à tous les aménagements spécifiques qui tiennent compte de sa situation. Et comme l'a dit M. Koechlin, cela doit se faire dans la concertation, ce qui implique presque toujours que les deux parties fassent des efforts. J'ai quelquefois l'impression que d'aucuns confondent le mot «concertation» avec «droit de veto»... 

Mise aux voix, cette motion est adoptée.

Elle est ainsi conçue :

Motion(1203)

concernant la répartition des compétences entre l'Etat et les communes en matière d'aménagement du territoire

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant :

- que la question de la répartition des compétences entre l'Etat et les communes, notamment en matière d'aménagement du territoire, est en discussion dans notre canton depuis plusieurs d'années ;

- que le groupe de travail ad hoc chargé depuis 1994 de l'étude de la répartition des compétences entre l'Etat de Genève et les communes préconise une extension des compétences communales en matière d'aménagement du territoire sans pour autant les préciser ;

- que les seules propositions concrétisées à ce jour sont celles qui en 1993 accordaient des compétences de proposition d'avant-projets aux communes ;

- que plusieurs communes, particulièrement les villes, ont des structures techniques et administratives qui leur permettraient de bien exercer une extension de leurs compétences (par exemple : service d'urbanisme, mandataires extérieurs) ;

- que de nouvelles compétences communales permettraient de stimuler la démocratie locale ;

invite le Conseil d'Etat

- à présenter un rapport sur l'usage fait par les communes depuis 1993 de leurs nouvelles compétences de proposition en matière d'aménagement du territoire ;

- à étudier la faisabilité d'une procédure en vue de donner une base légale aux plans directeurs communaux.