République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1390
33. Proposition de motion de Mmes et MM. Dolorès Loly Bolay, Roger Beer, Fabienne Bugnon, Pierre Marti, Gilles Godinat et Laurence Fehlmann Rielle : Antennes et téléphonie mobile. ( )M1390

EXPOSÉ DES MOTIFS

Les antennes-relais, on le sait, émettent des champs électromagnétiques nuisibles à la santé de ceux qui habitent dans leur voisinage.

La société Diax a installé en novembre 1998 cinq antennes-relais pour la téléphonie mobile, à l'insu des habitants, sur le toit d'un immeuble, au centre du quartier la Tour, au Grand-Saconnex.

L'association des locataires des ces immeubles mène une action pour obtenir le démontage de ce site, afin de défendre le droit à la santé, et a récolté des preuves nécessaires en vue des recours judiciaires.

Après une première promesse de démontage pour septembre 1999, la société Diax s'est engagée par écrit à les démonter pour le 30 juin 2000. Mais aucun de ces engagements n'a été tenu , bien que le second ait été confirmé au conseiller d'Etat en charge du département concerné.

Par arrêt du 31 janvier 2001, la Commission de conciliation en matière de baux et loyers donne raison aux plaignants et ordonne le démontage immédiat de toutes les antennes sur l'immeuble du quartier de la Tour, au Grand- Saconnex.

C'est une première en Suisse. Mais la société Diax, et la régie propriétaire de l'immeuble, menacent de porter l'affaire jusqu'au Tribunal fédéral, afin d'obtenir gain de cause.

Combien faudra-t-il de victimes des effets nocifs de ces antennes, installées en zone habitée, afin qu'il soit remédié à cet état de choses ? et pourquoi le principe de précaution qui figure pourtant dans la déclaration de Rio sur l'environnement, ne serait-il pas applicable, à plus forte raison lorsqu'il s'agit de la santé et de la sécurité des citoyens et de leurs familles ?

C'est pour cette raison, mais aussi pour éviter une prolifération de ces antennes sur notre canton que nous vous demandons, Mesdames et Messieurs les députés, de réserver un bon accueil à cette motion.

Débat

Mme Dolorès Loly Bolay (HP). Il y a deux mois, M. Roger Beer et moi-même avions interpellé le Conseil d'Etat concernant la problématique de la téléphonie mobile, plus précisément sur les problèmes qui sont arrivés dans le quartier du Grand-Saconnex.

J'aimerais juste, à ce stade, faire un petit rappel historique. En novembre 1998, la société Diax installe tout à fait en catimini cinq antennes relais sur les toits d'un immeuble au Grand-Saconnex. Cela s'est fait sans l'avis des locataires, à leur insu, et sans qu'aucune publication ne soit faite dans la «Feuille d'avis officielle».

Ces antennes ont été posées avant l'entrée en vigueur de l'ORNI, l'ordonnance fédérale sur la protection contre les rayonnements non ionisants. Les locataires se sont très vite constitués en association, suite à des problèmes de santé. D'ailleurs, un certificat d'un médecin généraliste du Grand-Saconnex l'atteste, je cite : «J'ai constaté une augmentation significative des consultations, et les plaintes sont mises en rapport avec l'installation d'antennes de téléphonie mobile au chemin Taverney. Les symptômes les plus fréquents évoqués sont les troubles du sommeil, la nervosité, les céphalées et la fatigue.»

Les habitants membres de cette association interviennent auprès de Diax, auprès de la régie et même auprès du Conseil d'Etat, mais, rien n'y fait ! Pourtant, Diax s'engage à trois reprises à démonter ces antennes. Toutefois, malgré la lettre envoyée par Diax au Conseil d'Etat le 30 juin 2000, ces antennes sont toujours là. Mais un événement exceptionnel est arrivé : les plaignants se sont adressés au Tribunal des baux et loyers et celui-ci a rendu un arrêt qui donne raison aux plaignants, ce qui est une première en Suisse. En effet, il a ordonné à Diax d'enlever ces antennes, dans les meilleurs délais.

Alors, moi je vous invite à renvoyer cette motion au Conseil d'Etat pour plusieurs raisons que je vais vous donner.

Tout d'abord, nous sommes étonnés - M. Roger Beer l'avait dit dans son interpellation urgente - que M. Segond n'ait même pas daigné répondre aux locataires qui l'avaient interpellé par lettre, à plusieurs reprises, sur les conséquences de ces antennes sur la santé. C'est d'ailleurs surprenant, au moment où tout le monde reconnaît qu'il faut diminuer les coûts de la santé et que ces personnes se plaignent de plus en plus des effets nocifs de ces antennes. Il faut du reste souligner la décision courageuse de la Ville de Genève qui a décidé d'enlever ces antennes sur les toits de ses immeubles. C'est vous dire si ce problème est aigu.

Ensuite, il a fallu se demander si les valeurs limites de l'ORNI n'étaient pas trop basses. Il a été répondu à mon interpellation urgente, adressée à M. Moutinot, que la réglementation suisse est déjà une des plus sévères en Europe, ce qui n'est pas tout à fait juste, puisque la réglementation en vigueur en Autriche est bel et bien plus sévère.

D'ailleurs, la Fédération des médecins atteste que ces ondes magnétiques sont effectivement nocives pour la santé. Il faut donc se poser des questions par rapport à la santé publique.

Le règlement actuel est-il assez précis ou le flou existant permet-il justement à ces opérateurs d'en profiter ?

Le principe de précaution qui apparaît dans la Déclaration de Rio a-t-il été appliqué dans le cas d'espèce ?

Nous aimerions avoir des réponses à toutes ces questions. C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, vu la nature des problèmes que pose cette affaire, je vous demande de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat.  

M. Jean Rémy Roulet (L). Le groupe libéral a pris note de l'intérêt que portaient les motionnaires à la problématique des antennes de téléphonie mobile à Genève.

Concernant les invites de la motion 1390, le groupe libéral considère que celle qui vise à améliorer la protection de la santé des citoyens - il s'agit, sauf erreur, de la deuxième invite - en limitant la pose d'antennes de téléphonie mobile sur les lieux d'habitation, est la plus importante.

S'il s'avère exact que la santé des gens est mise en danger par la proximité des rayonnements émis soit par les téléphones soit par les antennes émettrices et réceptrices, alors le groupe libéral entrera en matière sur une éventuelle réglementation de la pose d'antennes. A ce moment-là, une telle pose revêtirait un aspect de santé publique que l'on ne saurait subordonner à une ouverture des marchés des télécommunications, qui, rappelons-le tout de même, profite à un nombre croissant de nos concitoyennes et de nos concitoyens.

C'est pour cette raison que le groupe libéral juge utile de renvoyer cette motion à la commission de la santé.

Encore un mot, Madame la présidente. Il conviendra, dès le traitement de cette motion en commission, d'auditionner toutes les parties qui sont à la base de cette motion : les habitants du quartier de la Tour du Grand-Saconnex, l'opérateur Sunrise, puisque tel est son nom aujourd'hui - ce n'est plus Diax, mais bien Sunrise - ainsi que les régisseurs concernés.

Tous les partis de ce parlement ont en effet reçu un courrier du 21 mars dernier émanant des représentants de la société Sunrise à propos de la motion 1390. Ce texte donne toute une série d'informations pertinentes concernant les différentes mesures qui ont été prises, tant au niveau de la Confédération que du canton, en matière d'installations de téléphonie mobile. On y apprendra notamment que la Suisse et notre canton font oeuvre de pionniers notamment en matière d'application du principe de précaution. Rappelons que ce principe dit à peu près la chose suivante : «Les pouvoirs publics ne prennent aucun risque en matière de santé publique, et ils limitent donc drastiquement la pose d'installations de téléphonie mobile, au-delà de certaines normes techniques, et ce, par pure précaution à l'endroit des concitoyens.»

Or, répétons-le, la Confédération a proposé des normes telles qu'à première vue l'application du principe de précaution peut se discuter. Et c'est cette discussion que nous aimerions engager en commission de la santé.

Je vous remercie pour votre attention. 

M. Roger Beer (R). Ma préopinante, Mme Loly Bolay, a dit tout ce qu'il fallait par rapport à cette motion.

Je suis un peu étonné, par contre, des propos de M. Roulet, même si je peux le comprendre. C'est vrai que Genève se targue d'être le centre mondial des télécommunications : nous avons Télécom et nous avons d'ailleurs fait de gros investissements pour cela. Nous nous sommes mis d'accord, difficilement du reste, s'agissant des financements pour les infrastructures destinées à accueillir la prochaine exposition mondiale des télécommunications. Et je peux bien imaginer l'importance des intérêts financiers que représentent ces antennes.

Maintenant, un certain nombre de députés ont été saisis par un problème qui se pose en milieu urbain. En effet, des personnes habitant dans des immeubles se plaignent d'avoir des problèmes de santé qui ont été constatés par des médecins. Je ne vous cache pas que le groupe radical - notamment nos représentants du monde médical - éprouve des doutes sur le bien-fondé de ces maladies. Personnellement, j'ai rencontré des personnes qui se plaignaient de problèmes extrêmement sérieux et certains de leurs représentants. Je suis moi-même un grand utilisateur du natel, et je suis perplexe par rapport aux avis et, surtout, par rapport aux doutes exprimés par les médecins sur place. Monsieur Roulet, nous devons être extrêmement attentifs par rapport à ces doutes !

Comme vous l'avez rappelé, Madame Bolay, j'avais développé une interpellation urgente à ce sujet adressée à M. Segond, à laquelle, d'ailleurs, celui-ci n'a pas répondu, estimant que c'était à M. Cramer de le faire. Malheureusement, il n'est pas là ce soir, mais j'imagine que nous aurons de toute façon une réponse à ce sujet. Vous pensiez, Madame, renvoyer cette motion au Conseil d'Etat, et je pense aussi que c'est une bonne idée.

Le groupe libéral a proposé la commission de la santé... Visiblement, les réponses n'ont pas été satisfaisantes au niveau du Conseil d'Etat, et je trouve qu'à l'heure où le Conseil d'Etat s'engage à fond sur l'Agenda 21, il serait intéressant d'utiliser ce fameux principe de précaution - beaucoup évoqué à Genève ces derniers temps - également dans le cas présent, puisque des doutes existent quant aux effets négatifs de ces antennes sur la santé. C'est pour cela que je ne suis pas très sûr que ce soit une bonne chose de renvoyer cette motion à la commission de la santé.

Je suis plutôt favorable à son renvoi directement au Conseil d'Etat. A celui-ci de régler ce problème ou, en tout cas, de nous donner une réponse valable, vu que les tribunaux se sont déjà prononcés dans cette affaire. Cette motion est devenue publique, ce qui lui donne une envergure et une audience quasiment nationale, et les gens se rendent bien compte que la téléphonie mobile a de l'avenir et que ces poses d'antennes représentent un intérêt économique évident.

Notre président du Conseil d'Etat, qui, lui-même, représente le département de l'économie, de l'emploi et des affaires extérieures, voit bien tout l'intérêt économique que représente ce marché, par rapport aux entreprises qui aimeraient s'installer à Genève ou qui y sont déjà mais qui veulent développer ce marché.

Dans le cadre de la commission de l'énergie - vous êtes parfaitement au courant, Monsieur Roulet - le problème s'est posé par rapport à des entreprises qui veulent s'installer à Genève, qui représentent des plus-values énormes et qui sont donc extrêmement intéressantes pour le canton. Seulement, elles posent un problème d'utilisation d'énergie... Nous avons entrepris une démarche par rapport à cette problématique : nous estimons en effet qu'il est intéressant pour Genève d'accueillir de telles entreprises, mais que leur installation a un prix. Toutes proportions gardées, je pense que le marché de la téléphonie mobile a un intérêt comparable et pose le même type de problème.

C'est pour cette raison que nous devons ouvrir les bras à de telles entreprises, à la téléphonie mobile, et être conséquents avec nous-mêmes en tant que centre mondial des télécommunications, tout en prenant en considération - l'Agenda 21 nous le rappelle - ce principe de précaution. J'attends donc du Conseil d'Etat qu'il nous donne des réponses plausibles et qui tiennent la route par rapport aux décisions que nous devrons prendre.

M. Pierre Froidevaux (R). Comme on vous l'a rappelé, l'enjeu de cette motion est essentiellement sanitaire. Il s'agit de répondre à cette inquiétante question qui a été posée par certains et se demander si les ondes émises par les natels peuvent avoir un effet négatif sur la santé. Je ne puis donc que vous recommander que cette motion soit étudiée à la commission de la santé. En effet, les autres considérants sont devant les tribunaux en ce qui concerne les deux premiers arrêts et le reste concerne une procédure de construction qui dépend en fait autant d'une loi cantonale que d'une loi fédérale. Je ne crois donc pas qu'il sera possible de donner une réponse plus complète à la population.

D'emblée, en tant que médecin, je ne puis laisser passer certains propos sans réagir. En effet, dire que l'anxiété, les tremblements, les symptômes décrits sont des symptômes spécifiques qui permettraient d'être imputés à une antenne qui se trouverait sur les toits me laisse perplexe. Je voudrais vous rendre attentifs au fait que sur le plan scientifique il ne suffit pas qu'un médecin décrive des symptômes pour apporter une preuve, il faut qu'une étude extrêmement sérieuse soit effectuée. Certaines études sont déjà entreprises par l'OMS, et aucun argument valable ne prouve qu'une onde peut être dangereuse. Je vous rappelle du reste que nous sommes tous une onde électromagnétique et que nous sommes composés d'ondes... Même si c'est difficile à imaginer, nous émettons et nous recevons des ondes... Le problème des ondes, c'est la sommation : mais ceci est un problème particulièrement technique.

Aussi, je vous recommande, pour apaiser la situation, pour ne pas fantasmer négativement, d'étudier ce problème très correctement à la commission de la santé. Cela nous permettra de tenir des propos rassurants pour que ce développement puisse se faire de manière harmonieuse. 

La présidente. Monsieur Roulet, je vous prie de vous exprimer uniquement sur le renvoi en commission.

M. Jean Rémy Roulet (L). Madame la présidente, je soutiens le renvoi de cette motion à la commission de la santé.

Monsieur Beer, il n'y a pas lieu de faire un amalgame entre Télécom, Digiplex, la politique de l'énergie cantonale, les entreprises «énergivores» et la politique de développement économique ! Le seul souci des libéraux dans cette affaire est tout d'abord que toutes les parties concernées par cette problématique soient entendues - ce qui n'a pas été le cas - et que l'on traite uniquement l'aspect de santé publique. De là, découleront les lois ou les règlements nécessaires pour limiter ou non les antennes de téléphonie mobile, comme vient de le rappeler votre collègue Froidevaux.

J'insiste donc, Madame la présidente, pour que cette motion soit renvoyée à la commission de la santé. 

M. Carlo Lamprecht. Le Conseil d'Etat se rend bien compte que cette motion est tout à fait justifiée, qu'elle appelle des réponses de la part de plusieurs départements et vous demande de la renvoyer au Conseil d'Etat. 

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, une demande de renvoyer cette motion à la commission de la santé ayant été formulée, je la mets au vote.

Mise aux voix, la proposition de renvoyer cette proposition de motion à la commission de la santé est adoptée.

Mme Dolorès Loly Bolay (HP). J'ai indiqué tout à l'heure que des questions étaient restées sans réponse et qu'il fallait renvoyer cette motion au Conseil d'Etat ! 

La présidente. Madame Bolay, j'ai soumis la proposition de renvoyer cette proposition de motion en commission au vote, et personne ne s'y est opposé ! Personne n'a levé la main ! Cette motion est maintenant renvoyée en commission de la santé, suite à un vote qui a été clairement proposé et dont le résultat était sans équivoque !  

Nous passons maintenant aux naturalisations.

La séance publique est levée à 18 h 55.

Le Grand Conseil continue de siéger à huis clos.