République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 8486
30. Projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi concernant le traitement et les diverses prestations alloués aux membres du personnel de l'Etat et des établissements hospitaliers (B 5 15). ( )PL8486

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :

Article 1 Modifications

La loi concernant le traitement et les diverses prestations alloués aux membres du personnel de l'Etat et des établissements hospitaliers, du 21 décembre 1973, est modifiée comme suit :

Art. 11, al. 2 (nouvelle teneur sans modification de la note)

2 L'autorité ou l'organe d'engagement ou de nomination fixe la durée de la période probatoire. Il détermine également le traitement initial en tenant compte, notamment, de l'âge de la personne candidate, des années consacrées à l'éducation des enfants, de l'absence de qualifications professionnelles requises ou, à l'inverse, de l'expérience professionnelle antérieure à l'engagement.

Art. 17, al. 2 (nouvelle teneur) ; al. 3 et 4 (nouveaux)

2 S'il n'y a pas d'interruption entre les 2 emplois, les années passées au service de la Confédération, du canton ou d'une commune genevoise, ainsi que d'une fondation ou d'un établissement de droit public genevois sont prises en considération.

3 Les années consacrées exclusivement à l'éducation des enfants ne constituent pas une interruption au sens de l'alinéa 2.

4 La progression de la prime de fidélité est maintenue pour les personnes bénéficiant d'un congé parental. L'article 18 demeure réservé.

La question de l'égalité entre hommes et femmes demeure d'actualité en dépit des progrès déjà réalisés.

Le Conseil d'Etat, qui poursuit une politique active en faveur de l'égalité dans la fonction publique, a mandaté un groupe paritaire réunissant des représentants de l'Etat et des organisations du personnel. La tâche confiée consistait à formuler des propositions tendant à remédier, dans les rapports de service au sein de l'administration cantonale et des établissements hospitaliers, à des situations présentant des discriminations directes ou indirectes fondées sur le sexe.

A l'issue de ses travaux, le groupe paritaire a préconisé deux types de mesures avec, sur un plan général, l'inscription dans la loi d'une disposition posant les principes essentiels d'une politique égalitaire en matière de personnel de la fonction publique (cela fait l'objet d'un autre projet de loi modifiant la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale et des établissements publics médicaux, du 4 décembre 1997 (B 5 05), que le Conseil d'Etat déposera devant le Grand Conseil), et, sur le plan concret un catalogue de mesures représentant un pas supplémentaire sur la voie d'une plus grande égalité entre hommes et femmes dans le statut du personnel de l'Etat.

La réflexion a notamment porté sur la manière de contrer les effets induits de la prise en charge des activités éducatives des enfants assumées, actuellement encore, pour l'essentiel par les femmes, sur leur vie professionnelle. Par leur engagement, pour le plus grand bénéfice de l'ensemble de la société, les femmes sont prétéritées dans la conduite de leur vie professionnelle. Atténuer, au sein de la fonction publique déjà, les effets discriminatoires de cet état de choses bien connu est nécessaire. L'Etat et le service public ont un rôle exemplaire à jouer pour initier un changement attendu vers une société plus égalitaire.

Parmi les propositions faites, qui prennent en compte des situations où les fonctions éducatives assumées par le parent côtoient la vie professionnelle (l'engagement à un poste, la maternité, la petite enfance), il en est deux qui concernent directement la loi concernant les traitements et les diverses prestations alloués aux membres du personnel de l'Etat et des établissements hospitaliers, du 21 décembre 1973, (B 5 15) avec :

Concernant la première mesure, soit la fixation du traitement initial, le Conseil d'Etat entend traiter deux situations.

Pour une personne n'ayant jamais travaillé pour l'Etat de Genève, il est prévu que, dans la fixation du salaire initial, aux critères actuels que sont l'expérience professionnelle utile au poste, l'âge, la qualification professionnelle, s'ajouterait la prise en compte des années consacrées aux tâches éducatives par la candidate ou le candidat avec l'attribution d'une demi-annuitée supplémentaire par année consacrée à l'éducation des enfants. Il est prévu que 5 annuitées au plus pourraient être accordées.

Pour une personne ayant déjà exercé une activité à l'Etat de Genève et atteint la classe de traitement de la fonction précédemment occupée, à fonction égale, seraient garantis le maintien du traitement et de la prime de fidélité acquis lors de la démission. Dans ce cas, le traitement ne pourrait être inférieur à celui qui serait fixé pour un premier engagement.

Pour la deuxième mesure, il est question de compléter les dispositions sur le congé maternité et le congé d'une année sans traitement avec l'instauration d'un congé parental avec pour contenu les éléments suivants.

Le bénéficiaires de ce congé serait le père ou la mère qui le désire (il s'agirait alors d'un droit et non d'une simple possibilité impliquant l'accord de l'employeur). La durée du congé serait de 2 ans au maximum, dès la fin du congé maternité pour la mère. Aucun traitement ne serait versé pendant le congé. La possibilité d'un temps partiel, selon entente avec la hiérarchie, est prévue. Cela permettrait une grande souplesse dans l'aménagement du congé parental. Il serait ainsi possible de concilier, selon besoins, les nouvelles tâches familiales à assumer et la poursuite d'une activité réduite mais rémunérée qui pourrait s'avérer nécessaire, par l'obtention d'un gain accessoire, pour atténuer la charge économique que représente le congé.

A l'expiration du congé parental, la réintégration dans la fonction occupée précédemment serait garantie. Sur le plan pécunier le principe de continuité dans la progression salariale s'appliquerait pour les annuitées et la prime de fidélité.

Si pour une large part, les mesures envisagées relèvent de la compétence réglementaire du Conseil d'Etat, sa responsabilité dans la gestion des rapports de service de la fonction publique et sa latitude dans la détermination des conditions d'emploi n'ont de légitimité que celle que leur accorde la loi. Quand celle-ci ne présente pas toutes les garanties d'une assise juridique suffisante, il convient, bien évidement, de modifier la loi pour y remédier.

C'est le cas de l'article 11, al. 2, qui détermine l'étendue des possibilités pour l'autorité ou l'organe d'engagement de déterminer le traitement initial en tenant compte d'une liste exemplative des critères déterminants (« notamment, de l'âge du candidat, de l'absence de qualifications professionnelles requises ou, à l'inverse, de l'expérience professionnelle antérieure à l'engagement »).

Certes, le caractère exemplatif pourrait laisser entendre que tout élargissement de liste est possible au libre arbitre des autorités désignées par la loi. Tel n'est pas le cas en matière de rémunération où l'exigence de clarté et celle de précision au regard du principe de légalité sont élevées, ce qui restreint d'autant la marge de manoeuvre de l'autorité qui ne pourra agir selon son bon vouloir. C'est pourquoi, dans ce projet de loi, la notion « d'années consacrées à l'éducation des enfants » est explicitement inscrite dans les critères entrant en ligne de compte dans la fixation du traitement initial. D'autres types d'activités ne répondant pas aux critères explicitement posés par la loi n'entrent pas en ligne de compte.

Des motifs identiques dictent les modifications proposées de l'article 17 sur le calcul des années de service dans l'octroi de la prime de fidélité. Si l'alinéa 2 subit un simple toilettage rédactionnel, l'alinéa 3 introduit la notion selon laquelle des années consacrées exclusivement à l'éducation des enfants ne constituent pas une interruption d'activité au sens de l'alinéa 2. Cela revient à dire qu'elles entrent en considération dans le calcul de la prime de fidélité, en cohérence avec ce que prévoit explicitement le nouvel alinéa 4. L'effet recherché, qui est de garantir à la personne au bénéficie d'un congé parental une continuité de progression de la prime de fidélité et son mode de calcul, trouve un ainsi un fondement légal.

S'agissant de la prise en compte des années d'activités consacrées à l'éducation des enfants, deux situations peuvent se présenter dont les mécanismes et leur coût peuvent être illustrés par les exemples suivants :

Première situation : attribution d'une demi-annuitée supplémentaire par année consacrée à l'éducation des enfants (5 annuitées au maximum).

Exemple : une personne va occuper un poste en classe de fonction 13. Elle sera initialement engagée en classe 11 (art. 11, al. 1 Ltrait).

1) le traitement de la personne au bénéfice de 5 ans d'expérience professionnelle et ayant consacré 4 années à l'éducation des enfants sera :

2) le traitement de la personne au bénéfice de 10 ans d'expérience professionnelle et ayant consacrés 4 années à l'éducation des enfants sera :

En effet, l'incidence financière ne se manifeste que pour des membres du personnel comptant moins de 10 ans d'expérience professionnelle.

La dépense peut être estimée à environ 500 000 F par an.

Deuxième situation : à fonction égale, maintien du traitement et de la prime de fidélité acquis lors de la démission.

Exemple : une personne en classe de fonction 16, avec 5 années d'expérience professionnelle acquise dans son activité à l'Etat, démissionne (situation acquise, classe 16, position 8, soit 88 784 F).

Elle est réengagée à l'Etat après 4 ans consacrés à l'éducation des enfants. Son traitement sera :

Il est à noter que ces cas sont relativement rares, d'autant qu'il sera possible d'obtenir un congé parental de 2 ans garantissant le maintien des droits salariaux antérieurs.

La dépense peut être estimée à environ 250 000 F par an.

S'agissant de l'instauration d'un congé parental de 2 ans au maximum, non payé, il est prévu que la garantie d'une continuité de la progression salariale (annuités, prime de fidélité) à l'expiration du congé est donnée.

Exemple : une personne prend un congé d'un an et se trouve en classe 13, position 5 (73 917 F).

A son retour, elle recevra un traitement correspondant à la classe 13, position 6 (75 560 F) d'où un coût supplémentaire annuel pour l'Etat de 1643 F, soit 2000 F avec les charges sociales.

Les congés sans traitement d'un an après un congé maternité sont l'exception (environ 30 par an actuellement); un congé de 2 ans sera vraisemblablement encore plus exceptionnel, la charge financière supportée par la personne étant importante. C'est pourquoi, on peut avancer un coût devant avoisiner les 100 000 F par an.

Les estimations sur les coûts liés aux deux mesures faisant l'objet du présent projet de loi devraient, au vu des éléments développés ci-avant, correspondre à une somme inférieure au million de francs.

Bien que les mesures envisagées, soit la fixation du salaire initial tenant compte des années consacrées aux tâches éducatives et l'instauration d'un congé parental sans effet sur la progression des droits salariaux, trouveront une formulation et un contenu explicites dans le cadre réglementaire, leur fondement doit se trouver dans la loi. Les deux modifications légales proposées sont donc une étape obligée pour que le Conseil d'Etat puisse poursuivre sa politique d'égalité entre hommes et femmes au sein de la fonction publique. L'accord du parlement constituerait un geste fort en faveur de cette politique que justifie le besoin d'une société démocratique pleine et entière intégrant la part féminine de la société.

Ce sont là, Mesdames et Messieurs les député-e-s, les considérations qui tendent à éclairer et à motiver les modifications légales proposées. Nous espérons, de votre part, un accueil favorable de ce projet de loi.

Personne ne demande la parole en préconsultation.

Ce projet est renvoyé à la commission des finances.