République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 23 mars 2001 à 17h
54e législature - 4e année - 6e session - 14e séance
PL 8368-A
RAPPORT DE LA MAJORITÉ
Rapporteur : M. Alain Etienne
Ce projet de loi, déposé le 1er novembre 2000, a été envoyé à la Commission de l'aménagement du canton le 16 novembre 2000. Cette dernière l'a traité lors de sa séance du 13 décembre 2000 sous la présidence de M. Olivier Vaucher, en présence de M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat, chef du DAEL, de Mme Anni Stroumza, chargée de mission, de M. Gilles Gardet, directeur et urbaniste cantonal, de M. Georges Gainon, chef de la Division de l'information du territoire et des procédures, de M. Jean-Charles Pauli, juriste et de M. J. Moglia, chef du Service des études et plans d'affectation.
Le périmètre faisant l'objet du présent projet de loi est situé entre la route de Ferney, le chemin du Pommier, la route des Morillons et le chemin de la Riole sur la commune du Grand-Saconnex. Il est constitué de trois terrains, appartenant pour partie à l'Etat de Genève, au Conseil oecuménique des églises et au domaine public communal. Ce périmètre représente une superficie de 89 600 m2.
Le présent projet de loi fait suite, dans un périmètre restreint, à l'important projet qui couvrait l'ensemble du secteur des organisations internationales qui a été mis à l'enquête publique en 1992. Cependant, en raison du préavis défavorable des communes du Grand-Saconnex et de Pregny-Chambésy, ce projet a été mis en suspens.
Le Conseil d'Etat entend continuer de donner la priorité aux projets d'implantation d'activités internationales. C'est la raison pour laquelle il a décidé de poursuivre la procédure mais en la limitant au périmètre déjà cité et de créer une zone de développement 3 destinée prioritairement à des organisations internationales. Cette procédure permet également de mettre en conformité le régime des zones avec l'affectation actuelle des terrains déjà occupés par le Conseil oecuménique des églises et par l'Oganisation internationale pour les migrations (OIM).
Le terrain situé au centre du périmètre est destiné à une extension de l'Ecole internationale de Genève. Cette école est une fondation de droit suisse, placée sous la surveillance du Conseil fédéral. C'est une institution sans but lucratif qui compte parmi son conseil d'administration un représentant de la Confédération et des représentants des Conseils d'Etat genevois et vaudois.
Pour répondre à la demande croissante d'inscriptions, le Conseil de fondation de cette école a décidé d'envisager la réalisation d'un nouveau campus, d'une capacité maximale de 1000 élèves, afin de diminuer la surcharge sur les établissements existants notamment sur celui de la Grande-Boissière. Après étude, le site situé à la route des Morillons a été retenu pour l'implantation de ce nouveau campus en raison de sa proximité avec les organisations internationales et l'aéroport de Genève. Il évitera du même coup le trafic pendulaire des parents qui emmènent leurs enfants sur la rive gauche et reviennent travailler sur la rive droite. Le site est aussi bien desservi par les transports publics.
La parcelle concernée devait recevoir le débouché du tunnel d'évitement du Grand-Saconnex ainsi qu'un grand giratoire nécessitant une importante surface pour sa réalisation. Le département a ainsi donné un mandat à un bureau d'urbanistes afin qu'il étudie une solution qui hypothéquerait moins les terrains de l'Etat. La solution choisie est de prévoir un débouché qui se situerait entre l'actuelle sortie pour l'OMS et les bâtiments existants.
Cette parcelle de 17 000 m2 n'a pas de contraintes particulières. Un concours sera lancé et jugé cette année. Un PLQ sera dressé par la suite. Lors de l'enquête publique de 1992, la commune du Grand-Saconnex s'inquiétait du droit de préemption étendu sur l'ensemble du grand périmètre. Ici, cette clause a été supprimée puisque que la parcelle vide concernée appartient à l'Etat. Il a été décidé de la remettre en droit de superficie à l'Ecole internationale.
Concernant les autres terrains, une étude sur l'accueil des organisations internationales est en cours pour tenter de régler le devenir de ce large périmètre.
Un commissaire de l'Alliance de gauche estime que le terrain est trop vaste pour implanter une école à cet endroit, actuellement en zone villa, et demande à avoir un comparatif avec le Cycle d'orientation de Montbrillant. M. Gardet indique que les surfaces sont variables selon les situations.
Huit personnes acceptent l'entrée en matière (2 L, 1 R, 1 DC, 3 S, 1 Ve) et 5 personnes s'abstiennent (AdG) dont deux pour incompatibilité (1 Ve, 1 L).
L'article 1 est accepté par 8 oui (2 L, 1 R, 1 DC, 3 S, 1 Ve), 3 non (AdG) et 2 abstentions pour incompatibilité (1 Ve, 1 L).
L'article 2 est accepté par 7 oui (2 L, 1 R, 1 DC, 3 S, 1 Ve), 3 non (AdG) et 3 (1 S) dont 2 abstentions pour incompatibilité (1 Ve, 1 L).
L'article 3 est accepté par 8 oui (2 L, 1 R, 1 DC, 3 S, 1 Ve), 3 non (AdG) et 2 abstentions pour incompatibilité (1 Ve, 1 L).
Les chiffres attendus sont donnés lors de cette séance avant le vote final. Les dimensions de la parcelle du Cycle d'orientation de Montbrillant sont de 19 000m2 y compris la parcelle de l'église, ou de 15 876 m2 sans celle-ci.
Le projet de loi 8368 est accepté par 8 oui (2 L, 1 R, 1 DC, 3 S, 1 Ve), 3 non (AdG) et 2 abstentions pour incompatibilité (1 Ve, 1 L).
Pour ces raisons, la majorité de la commission vous demande, Mesdames et Messieurs les députés, d'accepter ce projet de loi.
RAPPORT DE LA MINORITÉ
Rapporteur : M. Rémy Pagani
Face à la pénurie de terrains répondant aux besoins d'extension des organisations internationales qui est apparue au début des années 1990, le Conseil d'Etat a mis à l'enquête publique en 1992 un projet de plan de zone portant sur un périmètre s'étendant de la place des Nations jusqu'aux alentours des bâtiments de l'OMS, dans le but d'affecter les terrains privés non bâtis de ce secteur à une zone de développement destinée aux organisations internationales. Ce projet de loi n'a jamais été déposé devant le Grand Conseil.
Ce projet de plan de zone s'étendait sur le territoire des communes du Grand-Saconnex, de Pregny-Chambésy et de la Ville de Genève. La procédure a été suspendue suite à un préavis défavorable des communes du Grand-Saconnex et de Pregny-Chambésy. Ces communes semblaient redouter que l'Etat, fort d'un droit de préemption inscrit explicitement dans ce plan pour les besoins des organisations internationales, ait la possibilité de construire en catimini des logements sociaux. Depuis lors, une petite partie seulement du projet de changement de zone a été votée le 24 mai 1996 et concrétisée pour la parcelle dite de la Pastorale, permettant l'implantation de trois immeubles destinés à des missions diplomatiques.
Plus généralement, une étude sur l'accueil et les besoins des institutions internationales est en cours et, selon l'administration, elle devrait être terminée dans les prochains mois. Cette dernière étude a été lancée à la suite du refus par le corps électoral de la Ville de Genève de valider l'aménagement de la place des Nations proposé par l'ancien conseiller d'Etat Philippe Joye.
Bref, la création de réserves de terrains pour répondre aux besoins des organisations internationales et la rigueur semblaient dominer jusqu'à ce jour la politique foncière en la matière, pilier essentiel pour pérenniser la tradition d'accueil de ces institutions dans notre cité, mais tel n'est plus le cas avec le présent projet de loi.
Aujourd'hui, le Conseil d'Etat propose une modification du régime des zones d'une partie du secteur étudié dans le cadre du vaste plan évoqué ci-dessus portant sur un périmètre situé sur le territoire de la commune du Grand-Saconnex. Ce déclassement de zone villas en zone de développement 3 destinée prioritairement à des organisations internationales concerne trois fractions de terrain représentant une superficie totale de 89 600 m2.
Pour la première surface, ce déclassement a comme objectif de mettre son utilisation actuelle en conformité avec les terrains affectés au siège du Conseil oecuménique des églises ainsi qu'une bande de ce même terrain situé au nord et encore vierge de toute construction. Le deuxième secteur concerne une parcelle centrale sur laquelle il est envisagé de construire un campus pour l'Ecole internationale. Enfin, la troisième surface est constituée d'un terrain situé à l'est, totalement construit, qui devrait être lui aussi mis en conformité au niveau du régime des zones et sur lequel se trouve un bâtiment de la Fondation du Centre international de Genève (FCIG). L'ensemble de ces terrains est propriété de l'Etat de Genève, sauf la parcelle propriété du Conseil oecuménique des églises.
Contrairement à ce qu'ont affirmé devant la commission les représentants du DAEL, la parcelle centrale a été acquise par l'Etat en 1993 dans le but exclusif de permettre l'implantation d'organisations internationales (comme cela ressort de l'arrêté ci-annexé du Conseil d'Etat du 13 octobre 1993 ainsi que de l'exposé des motifs du projet de loi 6968 du 26 avril 1993 destiné à financer des acquisitions immobilières) et non, par exemple, pour accueillir la sortie du tunnel d'évitement du Grand-Saconnex et un grand giratoire. En effet, c'est bien avant que l'Etat ne se porte acquéreur de cette parcelle que le département a procédé à l'étude du projet d'évitement routier du Grand-Saconnex en retenant une solution comportant un faible empiétement sur ce terrain. En l'occurrence, la solution choisie fut de prévoir un débouché qui se situera entre l'actuelle sortie pour l'OMS et les bâtiments existants, en dehors et à l'extrémité est de ces parcelles.
C'est donc bien aux fins de favoriser l'implantation exclusive d'organisations internationales que l'Etat a acquis cette parcelle, numéros 159 et 1052 sur le plan, pour le prix de 671 F/m2.
Aujourd'hui, néolibéralisme oblige, on nous propose de brader ce terrain, acquis pour plus de 11,5 millions (montant auquel il faut ajouter 7 ans d'intérêts à 5 %, soit 4 millions), à autre chose qu'une organisation internationale, qui plus est, à une école privée. Quant à la justification invoquée par le Conseil d'Etat (répondre aux besoins des membres des familles de fonctionnaires internationaux), il ressort de l'exposé des motifs du projet de loi que sur les 3500 élèves de l'Ecole internationale, il y a actuellement moins de 30 % d'enfants d'employés d'organisations internationales et missions diplomatiques. La majorité des élèves de cette école est constituée d'enfants de parents employés par des entreprises multinationales ou tout simplement de parents qui veulent mettre leurs enfants dans une école privée au lieu d'une école publique.
La parcelle qui fait l'objet de nos préoccupations et de ce rapport de minorité représente une surface de plus de 17 000 m2 (la partie centrale du plan identifiée aussi par le chiffre 5). L'Ecole internationale envisagerait d'y implanter une sorte de campus pour 1000 élèves. Cette parcelle n'a pas de contrainte particulière, nous dit-on dans l'exposé des motifs du Conseil d'Etat, et pour cause. Si on la compare aux 10 000 à 12 000 m2 destinés d'habitude à un collège ou aux 15 876 m2 qui correspondent à l'assiette sur laquelle est implanté le Cycle d'orientation de Montbrillant avec les contraintes relatives à ce site, on comprend bien que la place ne manquera pas pour construire. En effet, en commission, les représentants du Conseil d'Etat n'ont pas contredit cette vision des choses et ont même expliqué dans quelle mesure le programme envisagé pourrait être intégré sans problème aux dimensions de ce terrain. Un concours est à l'examen et sera jugé l'année prochaine. Un PLQ serait alors dressé.
Lorsqu'on met en regard ce large périmètre accordé - plus de 17 000 m2 - et la pénurie de terrains disponibles pour les organisations internationales (pénurie sur laquelle il a été fortement insisté lors de la campagne référendaire sur la place des Nations), on doit se poser plusieurs questions : soit il existe de nombreux terrains pour les organisations internationales et alors les autorités se moquaient du monde lorsqu'elles opposaient aux référendaires la pénurie de terrains disponibles, soit il est effectivement difficile de trouver des terrains répondant aux besoins des organisations internationales et alors la proposition qui nous est faite ne relève que du gaspillage, et surtout ne poursuit pas les objectifs fonciers prioritaires définis de longue date et qui semblaient faire l'unanimité : réserver dans ce secteur des terrains répondant aux besoins exclusifs des organisations internationales comme le Conseil d'Etat lui-même le prévoyait dans son projet de plan de zone mis à l'enquête public en 1993 et curieusement mis en suspens depuis lors.
De plus, en décidant de remettre en droit de superficie à l'Ecole internationale cette parcelle de 17 000 m2, le Conseil d'Etat subventionnerait une institution privée, ce qui nous parait inacceptable, même si la fondation dont elle dépend est placée sous la surveillance du Conseil fédéral et ne poursuit en principe pas de but lucratif. De plus, il faut relever que, selon la législation fédérale sur le droit de superficie, ce terrain restera indéfiniment aux mains de cette institution privée. En effet, selon les dispositions actuelles du Code civil et contrairement aux dispositions précédentes, son propriétaire, en l'occurrence l'Etat, devra verser une indemnité substantielle correspondant à la valeur des constructions réalisées pour récupérer son bien au terme de la durée de ce droit de superficie.
Les élèves et les futurs élèves de cette école privée dont les parents travaillent dans cette zone pourront rationaliser leur déplacement du fait de l'implantation de ce campus proche des institutions internationales, a-t-on prétendu devant la Commission de l'aménagement. L'argument paraît bien faible surtout si on le met en relation avec l'ensemble des besoins encore insatisfaits des organisations internationales et le petit nombre d'élèves de cette école dont les parents travaillent effectivement dans une organisation internationale (environ 25 %). En conséquence, nous considérons que l'ensemble de ces largesses (espace largement dimensionné, parcelle de très grande qualité, droit de superficie) ont été promises sans qu'un intérêt public puisse justifier un cadeau aussi somptueux.
De plus, cette nouvelle orientation foncière créera un grave clivage entre enfants de ce milieu international et ceux de notre République. Ainsi, par cette opération le Conseil d'Etat nous propose, ni plus ni moins, de permettre, à terme, de rajouter à la capacité d'accueil actuelle de cette école privée, un millier d'élèves sous prétexte qu'une forte demande existe.
En effet, on assiste ces dix dernières années à une explosion de la demande pour ce type de scolarisation. Il est admis comme normal que la nouvelle économie planétaire, imposée au pas de charge par les milieux financiers, a tellement déstructuré l'ensemble des politiques publiques d'enseignement que beaucoup de parents, dans ces milieux d'entreprises transnationales, considèrent qu'ils ne peuvent plus faire confiance au système éducatif public y compris à sa capacité de s'adapter, en termes de programme, à la flexibilité des parcours scolaires de leurs enfants, ce qui n'est pas acceptable.
A notre avis, à l'heure où l'on discute des nouvelles formes d'intégration de l'école publique et des efforts qu'elle doit continuer d'entreprendre dans ce domaine, il est totalement malvenu de proposer de dépouiller cette institution d'une fraction encore plus grande de ses élèves qui lui ont pourtant apporté depuis des années une partie de sa diversité.
Le cas échéant, le Conseil fédéral, qui exerce la haute surveillance de l'Ecole internationale, pourrait demander que celle-ci donne la priorité à l'inscription des enfants de fonctionnaires internationaux.
Enfin, même si le développement d'une école à deux vitesses et deux catégories sociales nous paraît hautement préjudiciable pour les jeunes de ce canton et contraire à sa vocation de l'école publique unique pour toutes et tous, nous n'entendons pas nous opposer au développement de l'Ecole internationale. Nous considérons qu'il n'appartient pas à l'Etat d'encourager cette évolution et encore moins de la subventionner ou de se départir à son profit de terrains qui s'avèrent indispensables pour des besoins d'intérêt public évidents.
Au vu de l'impact foncier de cette opération et de la nouvelle orientation prise par le Conseil d'Etat, les commissaires de l'AdG ont proposé en commission de surseoir au vote, ce d'autant que le président de la commission n'a consacré qu'une petite demi-heure à cet objet et que la procédure d'opposition se terminait le jour précédant le vote de la commission. En effet et sur ce dernier sujet, les responsables du département ont affirmé, la bouche en coeur, qu'aucune observation n'était arrivée au département et que si, par impossible, une opposition leur parvenait, elle serait communiquée à la commission de l'aménagement à la première séance de janvier. Notons pour la petite histoire que les rapports devant être déposés le 9 janvier, on voit mal comment la commission aurait pu se ressaisir le 10 janvier de ce dossier pour traiter une éventuelle opposition, si ce n'est en la rejetant de manière expéditive.
Ainsi, nous constatons que le travail que la Commission de l'aménagement a effectué au pas de charge sur ce changement de zone n'est pas sérieux. Nous n'avons même pas eu le temps de demander si le montant du droit de superficie avait été fixé.
Une demi-heure a suffi à un président débonnaire pour emballer le tout et dénigrer ceux parmi les commissaires qui rechignaient à voter la tête dans le sac. Ledit président a même soutenu les rires de fonctionnaires du département qui s'offusquaient des questions, pourtant rares, des commissaires.
Quant à nous, nous estimons inacceptable qu'une des plus belles parcelles propriété de l'Etat, se prêtant particulièrement bien aux organisations internationales soit affectée, vu son emplacement, à une école, alors que la presse a fait état de l'intention de l'Etat d'implanter dans la zone industrielle de Sécheron un bâtiment pour les institutions rattachées au désarmement et à la paix, démontrant, dans une incohérence totale en matière d'aménagement du territoire, l'acuité de la pénurie de terrains destinés aux organisations internationales.
On sait par ailleurs que la Maison de l'Europe n'a toujours pas trouvé de site adéquat, ni le bâtiment pour les missions diplomatiques des pays défavorisés. De plus, le Conseil fédéral a fait acte de candidature pour l'implantation à Genève d'un nouvel institut important lié au contrôle des armes chimiques.
C'est pourquoi nous vous proposons, dans un premier temps, de renvoyer ce projet de loi à la commission de l'aménagement pour qu'elle soit renseignée de manière précise sur les questions suivantes :
quels sont actuellement les terrains non bâtis propriété de l'Etat pouvant accueillir des organisations internationales (lieu de situation et superficie) ?
quels sont les besoins des organisations internationales, tant pour leur extension que pour les besoins de nouvelles organisations dont l'implantation est pressentie à Genève ?
en quel endroit seront implantés les bâtiments prévus à la place des Nations et dont la réalisation avait été déclarée indispensable et urgente ?
le changement de zone proposé et surtout l'implantation d'une école privée répondent-ils aux besoins prioritaires dûment établis pour les organisations internationales, et uniquement pour elles ?
l'implantation et l'extension de l'Ecole internationale privée correspondra-t-elle à un besoin reconnu et prépondérant dans la politique éducative du canton ?
les conditions du droit de superficie concédé à la Fondation Ecole internationale de Genève ont-elles été fixées et, si oui, à quel prix se monte la rente foncière ?
Si, par impossible, le Grand Conseil venait à entrer en matière sur ce projet de loi, nous proposons l'amendement suivant pour respecter la politique foncière définie jusqu'à ce jour, à savoir réserver dans ce périmètre les terrains propriété de l'Etat exclusivement aux organisations internationales.
Nous proposons de modifier en conséquence l'article 1 du projet de loi 8368 « (création d'une zone de développement 3 destinée au Centre oecuménique des églises, à la Fondation du Centre international de Genève (FCIG) et exclusivement à des organisations internationales interétatiques à la route des Morillons) ».
De plus, compte tenu du fait qu'une importante parcelle au nord de la parcelle du Conseil oecuménique, sauf erreur cédée en son temps par l'Etat de Genève, est en mains privées, nous considérons que les articles sur le droit de préemption de l'Etat figurant dans le projet de loi initial doivent être repris dans le présent projet de loi.
Nous proposons donc de compléter l'article 1 du projet de loi par un alinéa 3 nouveau ayant la teneur suivante :
« 3 L'Etat de Genève dispose, aux fins d'atteindre le but poursuivi par la zone créée, d'un droit de préemption sur les terrains compris dans la zone de développement 3 figurée sur le plan visé à l'alinéa 1 ; ce droit est mentionné au registre foncier. Les articles 3 à 5 de la loi sur le logement et la protection des locataires, du 4 décembre 1977, sont applicables par analogie. »
Enfin, on ne peut que s'étonner du fait que le Conseil d'Etat n'ait toujours pas saisi le Grand Conseil du solde de ce projet de loi portant sur le territoire de la Ville-de-Genève et de la commune de Pregny-Chambésy, qui répond à un besoin évident.
Tels sont en substance, Mesdames et Messieurs les députés, les motifs pour lesquels nous avons rédigé ce rapport de minorité et nous espérons que, fort de son argumentation, le Grand Conseil fera siennes nos conclusions.
16
Premier débat
M. Alain Etienne (S), rapporteur de majorité. Suite au dépôt du rapport de minorité de M. Pagani, nous avons demandé, en commission d'aménagement, que des renseignements complémentaires nous soient donnés par le DAEL. Un document nous a été remis.
Celui-ci confirme qu'une étude de développement du secteur des organisations internationales est actuellement en cours. Celle-ci permettra entre autres de déterminer le potentiel d'aménagement des parcelles concernées. Un recensement des besoins des organisations internationales a été engagé dans le cadre de la préparation de l'étude du secteur des organisations internationales. Le Conseil d'Etat s'est engagé également à trouver des solutions pour des besoins qui sont encore d'actualité, tels que l'implantation de la Maison de la Paix et de l'IUHEI. Il faut également rappeler que la création, en 1924, de l'Ecole internationale de Genève avait justement pour but de répondre aux besoins induits par le développement du rôle international de Genève.
Concernant le droit de superficie, les conditions ont été clairement définies dans le courrier du 25 octobre 2000 que le Conseil d'Etat a adressé à l'Ecole internationale.
Enfin, le tableau qui nous a été remis en annexe dénombre 100 663 m2 de terrain non bâti, propriété de l'Etat, pouvant accueillir des organisations internationales, ceci uniquement dans le périmètre d'étude du site central des organisations internationales et uniquement en zone à bâtir.
Voilà, Madame la présidente, ce que j'avais à ajouter, pour le moment, à mon rapport.
M. Rémy Pagani (AdG), rapporteur de minorité. Il y a deux volets dans la problématique qui nous est soumise ce soir. Le premier volet concerne l'aménagement du territoire. Considérant que la rareté des terrains à Genève est une réalité, il s'agit de les gérer de manière parcimonieuse. Or, dans le projet qui nous est proposé, sur 89 000 m2 à déclasser, une surface d'à peu près 17 000 m2 est dévolue à l'Ecole internationale. Au vu des explications qui nous ont été données en commission, nous estimons qu'un certain nombre de besoins des organisations internationales ne seront pas satisfaits et que le droit de superficie accordé à l'Ecole internationale est du gaspillage par rapport aux besoins de ces organisations, notamment l'ONU, l'UNICEF, l'OMPI, le CICR, pour ne citer que les plus importantes. Nous allons donc nous retrouver dans quelques années, si ce n'est aujourd'hui déjà, avec une pénurie de terrains. A cet égard, je vous rappelle le projet assez important qui avait été soumis au corps électoral pour permettre l'implantation de ces organisations autour de la place des Nations.
Aujourd'hui, on nous propose tout bonnement de donner un terrain largement surdimensionné à l'Ecole internationale, organisme privé qui pourrait évidemment trouver à se loger ailleurs. On nous propose de sacrifier quasiment ce terrain en faveur d'un organisme privé, alors qu'il y a une forte demande à satisfaire pour perpétuer la tradition genevoise d'accueil des organisations internationales. Et demain, on va bien évidemment nous demander de déclasser d'autres terrains, et notamment des terrains agricoles, pour accueillir ces organisations internationales.
Notre position est très claire : nous estimons que ce terrain doit être principalement affecté à des organisations internationales, comme c'était prévu lors de l'achat du terrain par l'Etat. On nous dit que l'école va accueillir des enfants de fonctionnaires internationaux. Je rappelle ici une donnée qu'il faut connaître : 25% seulement des enfants de fonctionnaires internationaux sont et seront effectivement accueillis dans cette école, le reste étant des enfants d'employés des multinationales, comme Procter et Gamble... (Commentaires.) Non, c'est une entreprise privée jusqu'à preuve du contraire. C'est une multinationale qui n'a rien à voir avec les objectifs d'une organisation internationale, Monsieur Vaucher!
Cela étant, un autre volet doit aussi être pris en considération, c'est la question du subventionnement indirect à une école privée. Bien que nous n'ayons rien, je le précise d'emblée, contre l'Ecole internationale, nous estimons que ce n'est pas le rôle de l'Etat de favoriser le fait qu'un certain nombre d'élèves, enfants d'employés de ces multinationales, puissent «échapper» à l'école publique. Comme les émigrés, comme les enfants de notre République, ils peuvent aller à l'école publique et ils n'ont pas à avoir de privilèges. Autrement, on risque de plus en plus de voir une école à deux vitesses : ceux qui auront les moyens de se payer une formation dite internationale pourront accéder à ce genre d'écoles privées - qui foisonnent aux Etats-Unis ou en Angleterre - et les autres auront le restant de la colère de Dieu, c'est-à-dire ce qu'il sera encore possible d'offrir dans les écoles publiques... (Exclamations.)
Nous estimons donc que ce subventionnement indirect d'une école privée ne correspond pas à la tradition de notre canton en matière d'école publique et de service public.
C'est pour ces deux raisons fondamentales que nous nous opposons à la remise en droit de superficie de ce terrain, qui est un des derniers terrains de grande capacité qui puisse accueillir les organisations internationales.
Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Le projet de déclassement dont nous sommes saisis a donc pour objectif de permettre l'extension de l'Ecole internationale qui, rappelons-le, est une institution à but non lucratif. Dans sa charte, il est dit que son but est de «servir la communauté internationale et tous ceux qui sont attachés à une conception de l'éducation internationale».
Il est vrai que le débat en commission a été assez bref, car le dossier ne semblait pas comporter de problème majeur. Le rapport de minorité ne reflète donc pas cette discussion, mais des réflexions qui ont été menées en dehors des travaux de la commission. Néanmoins, on peut reconnaître que les questions soulevées par M. Pagani avaient une certaine pertinence et qu'elles ont permis au département de clarifier certains points lors d'une séance ultérieure.
On a ainsi pu mettre en évidence plusieurs aspects, à savoir qu'une étude est en cours pour préciser le potentiel existant en matière de terrains disponibles dans le secteur des organisations internationales et dégager des priorités pour de futures acquisitions. Qu'un recensement des besoins a été engagé pour le secteur des organisations internationales et qu'il a montré la grande difficulté d'établir des prévisions pour l'extension desdites organisations et l'accueil de nouvelles organisations. Que l'implantation de l'Ecole internationale favorisera une diversification des activités dans ce secteur, tout en lui gardant sa vocation d'accueil de la communauté internationale; qu'enfin, aspect qui n'est pas négligeable, l'établissement d'une annexe de l'Ecole internationale permettra de réduire le trafic des pendulaires, car on sait qu'une grande partie des internationaux résident sur la rive droite.
Contrairement à ce qui figure dans le rapport de minorité, les enfants des fonctionnaires internationaux et des représentations diplomatiques représentent 50% des élèves, les autres étant effectivement des enfants d'employés de multinationales, ou des privés.
Genève a fait le choix d'être une ville internationale : elle doit aussi se doter des infrastructures nécessaires à l'accueil d'une communauté dont les représentants ne résident parfois que temporairement dans notre cité. Je pense donc que les accusations qui sont portées dans le rapport de minorité, où il est question de bradage de l'école publique, sont largement exagérées, si ce n'est plus, et qu'à cet égard elles n'ont pas du tout lieu d'être dans ce débat.
En conclusion, le groupe socialiste maintient sa position et vous engage, Mesdames et Messieurs les députés, à accepter ce déclassement et à voter ce projet de loi. (Applaudissements.)
Mme Dolorès Loly Bolay (HP). Je relèverai aussi plusieurs éléments en ce qui concerne le rapport de minorité. Tout d'abord, Monsieur le député Pagani, je rappellerai que l'article 1 du projet de loi 8368 parle de la création d'une zone de développement 3 destinée prioritairement à des organisations internationales, et pas exclusivement!
Ensuite, ce terrain qui servira à construire cette école n'est pas soustrait aux organisations internationales : cette école est au contraire un outil, une infrastructure nécessaire auxdites organisations. J'aimerais souligner que cette école est particulièrement attrayante pour les fonctionnaires internationaux, du fait qu'elle existe dans tous les pays du monde. Ainsi, un élève dont les parents doivent, pour une raison ou une autre, quitter Genève, dont les parents sont des fonctionnaires internationaux qui sont appelés ailleurs, retrouvera la même école, retrouvera l'équivalent de ce qu'il a laissé à Genève. C'est là un argument extrêmement important en faveur de cette école internationale.
Par ailleurs, vous dites dans votre rapport que seulement 23% environ des élèves de l'Ecole internationale ont des parents fonctionnaires internationaux. Ceci est erroné : le pourcentage n'est pas de 23%, mais de 37,5%, c'est-à-dire que sur 3 450 élèves, 1 300 élèves ont des parents fonctionnaires internationaux ou des parents qui travaillent dans les ONG.
Je ne reviendrai pas sur l'aspect environnemental. Mais je suis très étonnée que quelqu'un comme vous dise, à la page 11 du rapport de minorité, que le fait de rationaliser les déplacements est un argument qui vous paraît «bien faible»! Le fait qu'on réduise le trafic de la Ville au Grand-Saconnex est extrêmement important, vous le savez très bien. Pour ma part, j'habite la commune du Grand-Saconnex, je suis entourée de fonctionnaires internationaux - qui habitent soit le Grand-Saconnex, soit Vernier, soit Meyrin, soit la France voisine - et je sais que le fait qu'ils puissent disposer d'une école à portée de leur lieu de travail, est un élément extrêmement important.
Pour conclure, je dirai que la commune du Grand-Saconnex soutient ce projet de loi, raison pour laquelle je soutiendrai et je voterai le rapport de majorité de M. Alain Etienne. (Applaudissements.)
M. Christian Grobet (AdG). En ce qui nous concerne, nous considérons que cette affaire est lamentable et s'inscrit dans une politique d'aménagement incohérente menée par le Conseil d'Etat... (Exclamations, applaudissements.) ...incohérence que nous paierons au prix fort. Je vois certains Verts qui ricanent : vous ricanerez moins quand on vous proposera des déclassements de terrains agricoles, Monsieur Hiler!
En effet, on a gaspillé du terrain dans les zones à bâtir de logement et on va se retrouver en situation de pénurie. De même, on a gaspillé du terrain en zone industrielle, jusqu'à favoriser des opérations spéculatives telles que celle des terrains Pfister à Vernier, où nous avons été totalement dupés et où le Grand Conseil, une fois trompé, n'a même pas eu le courage de revenir sur le déclassement de cette parcelle! On est aujourd'hui en train de procéder au bradage des terrains de l'Etat : nous sommes saisis de toute une série de projets de lois du Conseil d'Etat qui nous demande de vendre des parcelles, certes de petites parcelles aujourd'hui, mais demain ce seront des grosses parcelles. Le Conseil d'Etat est en train de réamorcer la pompe de la vente de terrains publics, scandale des années 50 et 60 qui a conduit à l'adoption de l'article 80A de la constitution. Le Conseil d'Etat est en train de reprendre cette politique et la pseudo mise en droit de superficie du terrain de Morillon constitue de fait une aliénation de ce terrain pour des décennies, au profit d'une école privée!
Alors, je vous demande, Monsieur Moutinot... (Exclamations, protestations.) ...ce que vous ferez le jour où il vous sera difficile de trouver des terrains pour des écoles publiques. Aujourd'hui, on construit des pavillons provisoires sur un certain nombre de sites; vous êtes en train, à juste titre, de remettre en zone de verdure un terrain à Montbrillant, pour lequel il faudra trouver des compensations... En l'occurrence, je crois qu'à aucun moment vous ne proposeriez pour une école publique le terrain que vous proposez aujourd'hui à l'Ecole internationale. C'est cela, la réalité : ce terrain est trop beau pour une école publique! (Protestations, chahut.)
Par contre, vous êtes d'accord de l'attribuer à une école privée, accueillant principalement des enfants dont les parents ne sont précisément pas des fonctionnaires internationaux. Que cette école accueille, Madame Loly Bolay, 37% ou 27% d'enfants de fonctionnaires internationaux, on ne va pas se disputer sur les chiffres : ce qui est sûr, c'est qu'ils sont une minorité. Par voie de conséquence, cette opération revient simplement à créer une école privée supplémentaire sur un terrain public.
Quant à diminuer la circulation, c'est une vue de l'esprit. En fait, ce qu'il faut éviter, c'est de construire des écoles réservées à certaines catégories de la population - que ce soit à Veyrier, ou au Grand-Morillon, ou à Lancy - qui précisément provoquent des déplacements en voiture, ce qui n'est pas le cas lorsque les enfants fréquentent les écoles publiques du quartier.
Mais le plus grave dans toute cette affaire, c'est qu'il y a tromperie. Lorsqu'on parle de répondre aux besoins des organisations internationales, ce n'est pas du tout le cas : l'école accueillera d'autres enfants. Par contre, on est bien en train de brader un des rares terrains qui restent à disposition pour les organisations internationales et probablement une des plus belles parcelles.
J'ai lu avec attention le document qui a été remis à la commission d'aménagement concernant les parcelles restant à disposition pour les organisations internationales. Monsieur Etienne, c'est une plaisanterie lorsque vous dites qu'il y a 100 000 m2 de terrain à disposition : quatre parcelles ont été évoquées devant la commission d'aménagement, dont une sur la commune de Chambésy, affectée à une zone non bâtie et dont on prétend qu'elle servirait pour des organisations internationales! Je dois dire qu'il est véritablement incroyable de nous présenter ce terrain-là comme un terrain de réserve. En réalité, le seul terrain de réserve est celui situé derrière le Centre oecuménique des Eglises.
De même, vous avez dit tout à l'heure, Monsieur Etienne, que le problème de la Maison de la Paix allait être résolu : en fait, cette réalisation se fera, une fois de plus, au détriment d'une zone industrielle.
Je rappelle que, lorsqu'on a proposé de construire des bâtiments sur la place des Nations - dont aujourd'hui on ne sait toujours pas où ils vont être relocalisés - on prétendait qu'il n'y avait pas d'autres terrains disponibles pour les organisations internationales. Or, aujourd'hui, on prétend qu'il y en a! En l'occurrence, il y a peut-être des terrains propriété de l'Etat, mais de parcelles effectivement disponibles, il n'y a que cette parcelle-ci et c'est celle que vous voulez brader!
En ce qui nous concerne, nous ne sommes pas d'accord avec une politique d'aménagement du territoire aussi incohérente. Nous ne sommes pas d'accord qu'une des plus belles parcelles de l'Etat soit donnée en cadeau à une école privée, comme on le propose ce soir! (Applaudissements.)
M. Olivier Vaucher (L). L'entreprise de démolition Rémy Pagani SA et sa holding, l'Alliance de gauche... (Exclamations.) ...auront à l'issue du vote, je l'espère, donné une fois de plus un fort coup de boulet dans l'eau!
M. Pagani, dans son rapport de minorité, n'hésite pas, selon une coutume qui lui est propre, à aligner les affirmations et argumentations aussi erronées que fallacieuses. C'est une pratique fort courante de ce collègue néo-démolisseur... Les fausses affirmations que vous faites dans votre rapport de minorité, Monsieur, ne vous gênent point, que ce soient les affirmations concernant le prix du terrain ou les intérêts y afférents, que ce soient les affirmations selon lesquelles, à l'échéance du droit de superficie, les terrains et constructions resteront en main des privés... Non, non et non, Monsieur Pagani, ceci est faux et archifaux, et vous le savez! Le président du département nous a répondu, Monsieur, mais malheureusement, quoi qu'on vous explique, vous ne voulez entendre et écouter que vous-même.
On vous a démontré qu'en comparaison avec le cycle de Montbrillant que vous avez évoqué l'indice d'utilisation du sol, aussi surprenant que ce soit, cher Monsieur, est supérieur pour l'Ecole internationale. Une fois de plus, vous affirmez donc quelque chose de totalement faux.
Pour ce qui est du nombre d'enfants qui fréquentent cette école et des questions que vous avez posées au chef du département, il vous a été répondu clairement. Vous avez également reçu l'avis de l'ONU, qui confirme le besoin, pour les enfants des internationaux de Genève, d'avoir une école dans ce quartier.
Pour le surplus, je vous prie, Mesdames et Messieurs de l'Alliance de gauche, de vous référer à l'excellent document que le président Moutinot nous a fait parvenir et qui répond, point par point, aux préoccupations de M. Pagani et de ses collègues.
Par ailleurs, Monsieur Pagani, vous avez eu le culot - je remercie d'ailleurs Mme Fehlmann de l'avoir aussi relevé - de dire que nous avions mené les discussions sur ce déclassement au pas de charge. J'ai eu la chance d'être votre vice-président, Monsieur Pagani, et il me semble que, pendant votre année de présidence, vous n'avez eu de cesse de nous demander d'avancer le plus rapidement possible, de manière à épuiser l'ordre du jour. Aujourd'hui, Monsieur Pagani, quand nous avançons, vous nous dites que nous avons été trop vite! Dois-je en conclure qu'il faut faire ce que vous dites, mais pas ce que vous faites ?
D'autre part, je vous rappelle, Monsieur Pagani, qu'à l'appui de nos discussions nous avons reçu un rapport des collaborateurs du département, extrêmement détaillé et complet, montrant que ceux-ci avaient passé du temps à étudier ce dossier. Il nous semblait que ce rapport était largement suffisant. Il était excellent et complet et il nous a permis de prendre rapidement une décision concernant ce déclassement. Or, d'après ce que vous dites, je dois en déduire que vous mettez en doute, une fois de plus, l'excellent travail fait par les collaborateurs du département.
Enfin, Monsieur Pagani, vous savez que les écoles ont des plannings à respecter, en fonction des inscriptions et des rentrées scolaires. Je ne vous apprendrai donc rien en vous disant que les semaines comptent, ce qui justifie une certaine rapidité dans nos travaux.
En conséquence de tout ce que je viens d'évoquer, je vous prierai, Mesdames et Messieurs les députés de l'Alliance de gauche, d'être raisonnables, de vous rallier à l'avis de la majorité de la commission et d'accepter que cette parcelle soit affectée à l'Ecole internationale.
M. David Hiler (Ve). J'aimerais revenir sur un point de l'argumentation des adversaires de ce projet de loi, à savoir celui d'un aménagement incohérent. Sur ce point précis et important, il me semble que nous sommes au contraire, par rapport à bien d'autres projets, dans le cadre d'un aménagement parfaitement cohérent.
Qu'est-ce qu'un aménagement cohérent ? C'est celui qui permet, après avoir amené un certain nombre d'activités et par conséquent de postes de travail, de disposer, sans massacrer le territoire, de parcelles pour construire des logements et les prolongements du logement, soit les infrastructures nécessaires pour que les gens vivent agréablement. S'occuper d'abord du nombre d'emplois et voir ensuite si on peut répondre aux besoins, c'est ce qu'on appelle un aménagement incohérent. De même, surdensifier une parcelle et ne plus avoir la place nécessaire pour réaliser une école dans un site agréable - c'est ce qui s'est fait dans l'opération des Charmilles de sinistre mémoire - ce n'est évidemment pas un aménagement cohérent.
Mesdames et Messieurs, nous savons tous qu'il faut choisir à un moment donné et assumer ensuite les choix qu'on fait. Nous sommes tous fiers ici d'accueillir les organisations internationales. Nous pouvons diverger sur certains projets d'aménagement - et nous ne nous sommes pas gênés, pour notre part, de combattre certains projets d'implantation - mais je n'ai entendu personne à ce jour protester quand de grandes compagnies multinationales se sont implantées sur notre territoire. On pourrait protester : je pourrais parfaitement concevoir qu'on dise - peut-être le dirai-je un jour, d'ailleurs - qu'il y a trop de sièges de multinationales dans le tissu économique genevois, qu'il faut être prudent... Mais lorsqu'on accepte un certain nombre de ces entreprises, lorsqu'une bonne partie de la population vit indirectement ou directement de ce type d'activité, l'on se doit de permettre à ces familles de mener une vie convenable dans notre canton. En l'occurrence, un certain nombre de gens, qu'ils travaillent dans des organisations internationales ou dans des sociétés multinationales, ne sont pas là pour le reste de leur vie. Ils souhaitent donc que leurs enfants puissent avoir un type de diplôme reconnu, notamment le baccalauréat international, qui leur permette de s'insérer facilement dans d'autres systèmes scolaires. Pour la même raison, certaines personnes souhaitent que la langue d'enseignement soit la langue anglaise.
Pour ma part, j'ai de la peine à comprendre qu'on puisse défendre la perspective d'une société multiculturelle - et nous sommes beaucoup à le faire ici - et dire, à la première occasion, que telle multiculturalité nous plaît, mais pas telle autre! La multiculturalité, ce sera peut-être un jour un collège islamique d'une certaine importance : on pourra aimer ou ne pas aimer, mais on n'aura pas le droit de le bloquer. De ce point de vue là, je crois donc que l'implantation proposée est parfaitement cohérente. Et, si un jour nous n'avons plus de place pour construire des écoles de ce type, cela signifiera que les perspectives du développement international à Genève, pour un temps, sont bloquées et qu'il vaut mieux s'en tenir là. Car rien n'est infini, pas même le développement des organisations internationales...
C'est la raison pour laquelle nous accordons une certaine importance symbolique à ce vote. Nous vous invitons chaudement à soutenir ce projet, qui s'inscrit dans une logique générale de projets pour Genève. Nous ne partageons pas tous les mêmes points de vue sur ces projets, mais dire oui aux organisations internationales à la condition que nous n'ayons pas à supporter le reste - sous-entendu les besoins de ces sales bourgeois qui y travaillent - ce n'est vraiment pas acceptable! (Applaudissements.)
M. Hubert Dethurens (PDC). J'aimerais juste revenir sur un point du rapport de minorité de M. Pagani. Vous donnez des arguments financiers, vous parlez de mètres carrés, mais au fond ce qui vous déplaît, Monsieur Pagani, et cela me déçoit, c'est qu'il s'agit d'une école privée. Vous avez la haine des écoles privées et vous l'avez démontré en commission : vous avez même regretté que le département ait envoyé deux infirmières à l'Ecole internationale pour une campagne antidrogue. Vous ne supportez pas cela, vous avez même parlé de subventionnement intolérable à l'école privée!
Ce n'est pas la première fois que nous débattons, dans ce parlement, de la construction d'une école privée. Il n'y a pas très longtemps, nous avions parlé d'une école à Veyrier et vous aviez déjà montré le bout du nez, mais sans oser aller trop loin, parce que c'était une école israélite. Ce soir, vous vous en donnez à coeur joie. Quant à moi, j'ai honte pour Genève du rapport que vous avez rédigé! (Applaudissements.)
M. Rémy Pagani (AdG), rapporteur de minorité. Avant d'entrer sur le fond du débat, j'invite mes collègues à être un peu plus respectueux des idées des uns et des autres... (Rires et exclamations.) ...avant de jeter en pâture à la vindicte populaire des arguments qui peuvent à terme se retourner contre ceux qui les ont avancés!
Monsieur Vaucher, vous êtes bien malvenu de me faire la leçon. En tant que président de la commission d'aménagement, une année avant vous, je me suis effectivement employé à faire avancer les dossiers, mais en respectant les avis des uns et des autres, en ne passant pas qu'une demi-heure sur un dossier. Jamais je ne me suis permis ce que vous vous êtes permis sur ce dossier-ci, Monsieur Vaucher, qui pose, on le voit, un certain nombre de problèmes de fond concernant l'aménagement du territoire et quelle école nous voulons. Je trouve parfaitement scandaleux que vous me reprochiez... (Commentaires.) Monsieur Vaucher, je vous ai laissé parler, laissez-moi argumenter sur cette question! Je ne me suis jamais permis de travailler comme vous avez osé le faire. En plus, vous poussez le cynisme jusqu'à me faire porter la responsabilité des éléments chiffrés que j'ai cités, notamment ceux concernant les élèves qui fréquenteront cette école internationale, alors qu'en une demi-heure nous n'avons obtenu aucuns chiffres! Il a précisément fallu que je dépose ce rapport de minorité pour que la commission se ressaisisse de ce projet et passe une heure à examiner les éléments concrets et précis fournis cette fois par le département et à approfondir la réflexion.
Sur le fond, Monsieur Hiler, vous posez un vrai problème : quelle école voulons-nous demain ? Vous avez tout à fait raison : nous avons accueilli un certain nombre d'organisations internationales - on ne va pas faire la distinction entre organisations internationales, ONG à but humanitaire ou autres, et sociétés multinationales pour l'instant - et il faut trouver de la place pour les infrastructures nécessaires. Il nous faut effectivement assumer l'aménagement urbain qui en découle. Sauf que la dérive, au niveau des idées, Monsieur Hiler, c'est de vouloir donner à chacun ce qu'il désire, c'est-à-dire une école pour le secteur international, puis une école disons islamique, comme vous l'avez dit, Monsieur Hiler, et ainsi de suite. Là, je ne vous suis plus.
Comme mes grands-parents et mes parents, je suis fondamentalement, pour une école publique et laïque et je trouve qu'un tel glissement sur cette question se révélera catastrophique pour notre communauté. Je suis fondamentalement pour intégrer dans l'école publique l'ensemble des enfants qui vivent dans ce canton, afin que nous apprenions à vivre ensemble, tout en respectant l'origine, la culture, les habitudes des gens. Je ne suis pas pour la ségrégation, ni parmi la population et encore moins parmi les enfants. Le glissement que vous opérez, Monsieur Hiler - j'insiste et je vous invite à y réfléchir - se révélera catastrophique. Il a ses origines dans la société multinationale, planétaire et néo-libérale qu'on nous promet : créons une société au-dessus de toutes les classes sociales, des gens qui n'ont plus aucune racine, et donnons-leur des écoles spéciales où ils vivront dans une bulle, avec toutes les dérives possibles qu'on constate déjà aujourd'hui, notamment les pilleurs de l'économie mondiale. Je trouve cela très grave et je profite de cette discussion pour remettre en quelque sorte - vous me permettrez l'expression - l'église au milieu du village!
Cela étant, le seul argument à peu près convenable fourni en commission - au cours de nos discussions conduites de manière scandaleuse par M. Vaucher - était celui de la rationalisation du transport des enfants, en faisant en sorte d'éviter l'augmentation du trafic, d'éviter que les gens habitant Chêne-Bourg traversent la ville et inversement. En l'occurrence, une démonstration de cette rationalisation a été faite : la Ville de Genève a inauguré, le 20 février de cette année, une crèche pour Procter et Gamble, mais elle ne l'a pas inaugurée à côté de Procter et Gamble, elle l'a inaugurée au Grand-Saconnex! Donc, si c'est cela, rationaliser les déplacements, je crois qu'il y a des leçons à en tirer : pratiquer ce qu'on critique d'un autre côté, c'est tout à fait incohérent! Le seul argument qui tenait, à savoir éviter les passages d'une rive à l'autre, ne tient donc pas face à la réalité, face à certaines décisions qui sont mises en oeuvre aujourd'hui.
Enfin, comme mon collègue Christian Grobet l'a dit, les 100 000 m2 de terrain prétendument disponibles ne le sont pas, contrairement à ce que le responsable du département, M. Moutinot, nous a fait croire. Je prends un exemple que vous connaissez bien, celui du terrain de Pregny-Chambésy, juste derrière la station d'essence : ce terrain de 11 000 m2 figure dans la liste des 100 000 m2, alors qu'il est inconstructible parce que protégé par les rives du lac... Si c'est là du travail sérieux, je me demande vraiment ce que nous faisons en commission!
J'estime donc que notre point de vue est fondé, tant sur la question de l'avenir de l'école publique et laïque que sur celle des économies de terrains à disposition des organisations internationales. (Applaudissements.)
M. René Koechlin (L). Je croyais ne pas pouvoir intervenir dans ce débat : je pensais être sous le coup de l'article 24 de notre règlement, ayant participé à un jury chargé de juger un concours pour l'Ecole internationale. Le jury ayant rendu ses travaux, je suis démis de cette fonction et, dès lors, je me suis laissé dire qu'il m'était possible d'intervenir. Sachant que ce genre de scrupules n'étouffent guère le rapporteur de minorité à d'autres occasions, je me sens d'autant plus habilité à parler.
J'ai le plus grand respect pour les idées de M. Pagani, contrairement à ce qu'il affirmait, mais je constate que, dans ses idées, il y a un certain nombre de lacunes. Il ignore notamment les besoins de cette école, les besoins à venir, qui se chiffrent à plus de mille places, et le fait qu'actuellement une partie seulement de ces besoins est satisfaite, dans des baraquements indécents situés de surcroît dans le canton de Vaud! Merci le canton de Vaud! Honte à Genève!
Je rappellerai par ailleurs que la Confédération a reconnu d'utilité publique l'Ecole internationale en tant qu'institution. Or, je suis surpris d'entendre M. Grobet, sachant à quel point il a toujours été extrêmement attaché à la notion d'intérêt public : Dieu sait si, lorsque vous siégiez au Conseil d'Etat, Monsieur, vous vous battiez pour la défense de l'intérêt public! A tel point que vous cherchiez à déclasser tous les terrains possibles pour ce seul motif ! Aujourd'hui, vous vous battez contre ce même intérêt public pourtant reconnu par l'autorité suprême qu'est la Confédération. C'est pour le moins déroutant !
En l'occurrence, les besoins existent, l'emplacement est idéal, car il permet de limiter au strict minimum les déplacements des élèves et les mouvements pendulaires qui en découlent, comme le relevait tout à l'heure très justement M. Hiler.
Alors, de grâce, cessez votre combat doctrinaire et votez avec nous ce projet de loi dans la joie et la béatitude!
La présidente. Il reste deux députés inscrits, je propose de clore la liste des intervenants. Je passe la parole à M. Ducret.
M. Michel Ducret (R). On peut effectivement se poser la question de l'école publique et laïque et je rassure M. Pagani : le groupe radical se soucie et se souciera toujours de la défense de l'école publique et laïque.
Cela étant, quelle école voulons-nous pour demain à Genève ? Nous ne voulons pas une école en anglais, bien entendu. Mais en l'occurrence, l'anglais n'est pas une religion, que je sache! C'est un besoin pour une certaine catégorie de la population qui, travaillant dans des organisations internationales ou des entreprises multinationales, est appelée à beaucoup se déplacer. L'anglais n'est pas une religion : c'est un besoin pour ceux qui voyagent à travers le monde et pour leurs enfants, qui doivent pouvoir apprendre en anglais.
Finalement, que propose la minorité de la commission pour cette parcelle, qui est très belle, dit-elle ? Mais rien! Qu'a-t-on proposé jusqu'ici pour cette parcelle ? Rien du tout!
Tout le monde se gargarise de la Genève internationale : c'est merveilleux, on veut des organisations internationales, on veut des entreprises, on veut les emplois qui vont avec... Mais pour ces emplois, Mesdames et Messieurs, il faut des logements, des services, des écoles et notamment une école en anglais. Et la question qui se pose finalement dans ce dossier, c'est oui ou non à la Genève internationale et à tout ce qu'elle implique, oui à la Genève multinationale, à la Genève multiethnique. A cette question, implicitement, M. Pagani répond non!
Une fois de plus, on affirme être pour la Genève internationale, mais pas là, pas comme cela, bref, ailleurs...
Les mêmes disent être pour le logement social, mais pas là, pas comme cela, ailleurs...
On dit qu'on est pour la culture, pour les musées, mais pas celui-là, pas à ce prix, ailleurs si possible...
On est pour les emplois, mais pas comme cela, pas ici, ailleurs...
Les exemples abondent qui démontrent qu'au fond tout cela revient à flatter l'égoïsme de quelques-uns pour une minable victoire politique, en tentant de cacher l'insuffisance des propositions, voire l'absence de toute proposition! (Applaudissements.)
M. David Hiler (Ve). M. Pagani a dit clairement où il voulait en venir et le fond de sa préoccupation. Je respecte tout à fait son opinion, mais je crains de ne pas pouvoir la partager. Notre devoir ici, dans cette enceinte, et notamment le devoir du Conseil d'Etat est d'offrir en permanence une école de bonne qualité, qui soit gratuite, qui soit ouverte à tous, qui permette une facile intégration pour ceux qui viendraient d'ailleurs et qui souhaiteraient rejoindre cette école - ils sont d'ailleurs assez nombreux. A cet effet, nous dégageons des dotations financières d'une part, mais aussi des dotations en qualité qui sont à Genève, il faut le dire, supérieures à celles qu'offrent la plupart des écoles privées. Ainsi, le niveau de qualification de nos enseignants est en moyenne supérieur; en termes d'effectifs par classe, nous parvenons encore, au terme d'une période extrêmement difficile pour les finances publiques, à faire mieux que la plupart des écoles privées. On trouvera sans doute quelques exceptions, mais sur le plan statistique cela ne fait aucun doute.
Dès lors, ce devoir républicain est pleinement accompli. Pour autant je ne veux pas - et je m'y refuserai toujours - m'attaquer à la liberté des autres, ici de ceux qui préfèrent une école en anglais. Et, Monsieur Ducret, ce n'était pas par hasard que je citais l'école islamique : si demain certains veulent aller dans une telle école, ce sera leur droit. Nous devons, si nous voulons une société multiculturelle, offrir ces possibilités qui sont celles de la liberté. Autrement, il n'est plus question d'intégration, mais d'assimilation. Il existe à Genève des écoles catholiques, des écoles d'obédience protestante, des écoles israélites... Nous devons, non pas subventionner - nous ne le faisons pas, contrairement à la plupart des pays européens - mais rendre possible ce type d'établissement. Sinon, tout le discours sur la multiculturalité tombe et on retombe dans la bonne vieille assimilation, par ailleurs fort brillamment défendue par d'autres.
M. Rémy Pagani (AdG), rapporteur de minorité. M. Ducret étant nouveau dans ce parlement... (Exclamations et rires.) Oui, exactement, c'est un cheval de retour et les choses ont changé depuis la dernière législature : on essaie de réfléchir... (Exclamations et rires.) Vous pouvez rire! L'avenir de l'école publique et laïque est un problème très important, où le dénigrement n'a pas lieu d'être. Le niveau du débat était bon jusqu'à maintenant, Monsieur Ducret, je crois qu'il faudrait essayer de maintenir ce bon niveau.
Cela étant, Monsieur Hiler, vous devriez vous souvenir du passé : nous avons essayé, dans le cadre de l'école qu'on a appelée «l'école de Chavanne», d'intégrer l'ensemble des enfants qui arrivent dans notre canton, dans quelque circonstance que ce soit. On a ouvert des classes d'accueil au cycle d'orientation par exemple, pour accueillir les enfants de la guerre, les enfants qui avaient connu des situations difficiles. J'ai eu également des camarades de classe dont les parents travaillaient dans des organisations internationales ou des multinationales, c'était un enrichissement.
Ce soir, je trouve un peu facile de résoudre le problème en invoquant la liberté de chacun de pouvoir choisir une école. L'école n'est pas un supermarché. Il est un peu facile de croire que la liberté se cache dans le choix d'une école particulière par rapport à une autre. Nous avons une tradition à Genève : l'école laïque, démocratique, le service public qu'elle représente doit permettre - et c'est cela, fondamentalement, la liberté - d'intégrer tous les élèves et de leur donner la même chance à tous. Je défends ce point de vue et j'espère que je ne serai pas le seul, parce que c'est cela la véritable liberté, contrairement à ce que vous venez de nous dire, Monsieur Hiler!
La présidente. Avant de donner la parole aux conseillers d'Etat, je passe la parole à M. le député Grobet... (Exclamations.)
M. Christian Grobet (AdG). Mesdames et Messieurs, je ne pense pas que l'Alliance de gauche abuse du temps de parole, par rapport à toutes les interventions qui ont été faites en faveur de cette école!
Monsieur Hiler, nous avons été très clairs et Rémy Pagani l'a dit au début de son intervention : nous n'avons aucune objection à l'égard des écoles privées... (Exclamations.) Je souhaiterais que vous ne déformiez pas nos propos à cet égard. Par contre, nous ne sommes effectivement pas d'accord de subventionner les écoles privées. Or, ici, il est question d'une subvention particulièrement importante. Je m'étonne que vous ayez l'air de le contester, car d'habitude vous faites preuve d'une grande rigueur en matière économique, ce dont nous vous sommes du reste reconnaissants... En l'occurrence, il s'agit d'un terrain d'une valeur de 15 millions environ qui est mis à la disposition de l'Ecole internationale. Il est clair que si l'Ecole internationale avait dû acheter un terrain comme celui-ci, elle n'en aurait pas eu les moyens.
Par ailleurs, quand vous dites, Monsieur Hiler, qu'on devrait laisser chaque communauté religieuse, chaque communauté d'intérêts, chaque groupe social, avoir son école, pourquoi pas ? On peut en effet imaginer qu'il y ait une école allemande, espagnole, italienne... (Commentaires.) Oui, je sais qu'il y en a; ne vous en faites pas, je les connais! Je relève simplement qu'en ce qui concerne l'école allemande, pour prendre un exemple, l'Etat de Genève n'a pas mis de terrain à sa disposition. Aujourd'hui, on est donc en train de créer un précédent que vous ne pouvez pas contester : si nous mettons une des rares et dernières parcelles non bâties de l'Etat, une des plus belles, à disposition de l'Ecole internationale, en vertu de quoi refuserions-nous l'égalité de traitement à d'autres écoles privées qui demanderaient la réciprocité ?
Pour notre part, nous ne sommes pas d'accord de mettre le doigt dans cet engrenage. Des écoles privées ont le droit de s'ouvrir sur le territoire de notre canton, nous ne le contestons pas; en revanche, nous estimons que ce n'est pas à l'Etat de les subventionner.
Mme Martine Brunschwig Graf. J'aimerais, pour commencer, me référer à un événement qui a eu lieu tout récemment dans le canton du Tessin, où un vote populaire a réellement remis en cause l'école publique. On m'a demandé un commentaire sur le résultat du vote et je me suis déclarée satisfaite du fait que le Tessin avait justement refusé le système du «supermarché» qu'un député évoquait tout à l'heure. J'ai eu l'occasion de me dire fière que, dans notre canton, il y ait une forme de consensus - dont jusqu'à ce soir je pensais qu'il était partagé sur tous les bancs - autour de l'école publique. J'ai déclaré que nous avions une école publique dont nous étions tous fiers, une école que chacun, fils de banquier ou fils d'ouvrier, avait la possibilité de fréquenter, une école que nous défendions comme un bien commun, sans que cela empêche les écoles privées du canton de remplir leur rôle, qui est un rôle complémentaire. Enfin, j'ai déclaré que j'avais le sentiment, à travers tous les débats que nous avions vécus, que cette école publique était un élément de notre appartenance commune.
Ce soir, j'aimerais répéter que personne n'a le monopole de l'école publique et que réduire le débat, dans ce parlement, à une opposition entre ceux qui la défendent et ceux qui ne la défendraient pas est faux. Ceci n'a pas eu lieu lors de débats beaucoup plus durs que nous avons eus ces derniers temps, et je trouve dommage que, sur une question de droit de superficie, nous en soyons arrivés là.
Deuxièmement, vous avez la mémoire courte ou peut-être n'en avez-vous pas du tout, mais l'école dont nous parlons n'est pas une école comme les autres. L'Ecole internationale a été créée dans les années vingt, d'entente entre l'Etat de Genève et ce qui était alors la SDN. Cette école a été voulue par les autorités de ce canton, conjointement avec les organisations internationales et la Société des nations de l'époque. Même si elle n'a jamais été subventionnée, elle a été soutenue de tout temps par les autorités, y compris dans les années soixante, septante ou quatre-vingts, par un magistrat qui avait la meilleure réputation, qui était, comme vous l'avez souligné tout à l'heure, le meilleur défenseur de l'école publique. Lui aussi a soutenu et défendu l'Ecole internationale, signant, au nom du gouvernement, des actes qui ont permis à cette école de s'ancrer sur les terrains qu'elle occupe à l'heure actuelle.
Aujourd'hui et ce soir en particulier, faire de cette discussion un débat sur le bradage de l'école publique, sur la violation de l'école républicaine, ou Dieu sait quoi d'autre, n'a véritablement pas de sens, si on s'en tient aux simples réalités de l'existence de l'Ecole internationale. Je vous le dis très clairement : je crois qu'il est faux d'entrer dans ce débat-là. Vous pouvez être d'accord ou non sur l'utilisation d'un terrain, sur l'octroi d'un droit de superficie, sur un aménagement, sur un plan localisé de quartier. Mais remettre en cause ce qui a été mis en place depuis les années vingt, par la volonté constante de tous les chefs de département, quelle qu'ait été leur appartenance politique, et dans une volonté concertée avec les organisations internationales, me paraît totalement hors de propos.
Je soulignerai un deuxième élément : depuis plusieurs années, nous savons - la crise nous l'a bien appris - que viennent à Genève, en termes d'organisations internationales, des institutions qui s'intéressent aussi, y compris pour leur extension, à l'offre de formation. Cette offre est actuellement diversifiée. Certains rendent hommage à l'école publique et l'utilisent largement lorsqu'ils le peuvent et surtout lorsqu'ils restent longtemps. D'autres font appel aux services de l'Ecole internationale. D'autres encore fréquentent des écoles privées auxquelles nous n'avons accordé, au fil des années, ni droits de superficie ni quoi que ce soit d'autre, puisque leur histoire n'est pas celle de l'Ecole internationale, que j'ai rappelée tout à l'heure. En l'occurrence, il est certain que discuter à perte de vue et vouloir réserver des terrains pour les organisations internationales sans jamais se soucier de compléter l'offre de formation, y compris celle de l'Ecole internationale, c'est réserver des terrains qui risquent bien de n'être occupés par personne.
Ce soir, Mesdames et Messieurs les députés, vous aurez à prendre la décision qui s'impose. Mais j'aimerais véritablement que nous ayons la décence, les uns et les autres, de ne pas faire de ce débat un combat qui n'a pas lieu d'être, une plate-forme électorale qui n'a pas de sens. Personne ne devrait attaquer l'école publique ou prétendre s'approprier l'école publique, qui jusqu'ici était le bien de chacun dans cette République! (Applaudissements.)
M. Laurent Moutinot. Mesdames et Messieurs les députés, après les propos de Mme Martine Brunschwig Graf, auxquels je souscris totalement, je dois revenir sur des questions d'aménagement.
En premier lieu, le vaste périmètre sur lequel sont implantées les organisations internationales leur est prioritairement réservé, mais cela implique aussi, par cohérence d'aménagement, qu'un certain nombre d'équipements qui leur sont liés puissent y trouver place. En l'occurrence, nous nous sommes posé la question de l'affectation de la parcelle en cause à une autre organisation, mais il nous est apparu que l'école, avec la problématique des transports que vous connaissez, pouvait trouver sa place à cet endroit et qu'elle était en quelque sorte le prolongement naturel de l'ensemble de la Genève internationale. Il est vrai, par ailleurs, que cette école accueillera des enfants de parents travaillant aussi bien dans des organisations internationales, gouvernementales ou non gouvernementales, que dans d'autres entreprises de la région.
Vous avez critiqué la liste des terrains disponibles que j'ai fournie à la commission. Cette liste, d'une part, n'est pas exhaustive et, d'autre part, dépend de vous, Mesdames et Messieurs les députés. En effet, ces terrains sont, pour une bonne part, dans des zones qui nécessitent des déclassements et, cas échéant, des approbations de commissions, qui sont soumises à des contraintes de patrimoine ou à des contraintes naturelles. Nous devrons tenir compte de ces contraintes. Je n'ai jamais prétendu que ces terrains pouvaient tous se prêter à des densités de 1,2 ou plus, et faire la liste des terrains disponibles, c'est aussi faire la liste de ce que vous êtes prêts, Mesdames et Messieurs les députés, dans vos compétences, à accepter pour l'un ou l'autre de ces terrains. J'ajoute que ceux-ci sont situés dans le périmètre qui avait été mis à l'enquête publique en 1992.
Vous avez dit, Monsieur Grobet, que je bradais les biens de la République, en particulier en proposant de vendre un certain nombre de villas. Je trouve le terme excessif. En effet, pendant cette législature, l'Etat a acheté la campagne du Pommier, a proposé à votre Grand Conseil d'acheter la campagne Battelle - dont j'espère qu'elle sera achetée - soit des surfaces qui se chiffrent par dizaines de milliers de mètres carrés et par centaines de logements. Quant aux huit projets de ventes qui vous sont soumis, ils atteignent 4 000 m2 et six ou sept villas. J'ai donc peine à croire qu'une politique qui a consisté à accroître pareillement le patrimoine de l'Etat puisse être considérée comme du bradage!
Quant à vous, Monsieur Pagani - ou était-ce M. Grobet ? - vous avez évoqué la qualité de cette parcelle, disant que je ne l'aurais pas mise à disposition d'une école publique, parce que, bien entendu, les belles parcelles seraient réservées aux seules écoles privées... Un peu de sérieux! Nous avons fait la démonstration que l'indice mètre carré/élève du cycle de Montbrillant et celui de l'Ecole internationale sont équivalents.
Enfin, toujours dans la rubrique bradage et spéculation, je rappelle que les conditions du droit de superficie accordé à l'Ecole internationale sont les conditions usuelles, calculées selon les normes usuelles. A l'échéance du droit de superficie, soit soixante ans, le bien-fonds et les bâtiments qui s'y trouveront à ce moment-là reviendront bien entendu au propriétaire, à moins qu'il ne consente un nouveau droit de superficie. Je ne sais pas qui a inventé - je n'ai trouvé cela nulle part dans la législation fédérale - qu'à l'issue d'un droit de superficie le superficiaire gardait la propriété qu'il avait reçue!
En conclusion, Mesdames et Messieurs les députés, du point de vue de l'aménagement, je défends la cohérence de ce déclassement, du point de vue de l'instruction publique aussi. Par conséquent, je vous demande de réserver bon accueil à ce projet de loi. (Applaudissements.)
La présidente. Nous passons au vote... Monsieur le député Blanc, peut-être pourriez-vous intervenir en deuxième débat ?
M. Claude Blanc (PDC). Madame la présidente, il vaudrait mieux que le vote de prise en considération du projet se fasse à l'appel nominal. Ainsi, on verra tout de suite qui est pour et qui est contre!
La présidente. Bien, nous votons donc à l'appel nominal. (Appuyé.)
Celles et ceux qui acceptent la prise en considération de ce projet répondront oui, et celles et ceux qui la rejettent répondront non.
Ce projet est adopté en premier débat par 63 oui contre 14 non et 1 abstention.
(Applaudissements à l'annonce du résultat.)
Ont voté oui (63) :
Esther Alder (Ve)
Bernard Annen (L)
Florian Barro (L)
Luc Barthassat (DC)
Janine Berberat (L)
Claude Blanc (DC)
Dolorès Loly Bolay (HP)
Anne Briol (Ve)
Christian Brunier (S)
Nicolas Brunschwig (L)
Fabienne Bugnon (Ve)
Nicole Castioni-Jaquet (S)
Alain Charbonnier (S)
Jacqueline Cogne (S)
Pierre-Alain Cristin (S)
Caroline Dallèves-Romaneschi (Ve)
Régis de Battista (S)
Marie-Françoise de Tassigny (R)
Gilles Desplanches (L)
Hervé Dessimoz (R)
Jean-Claude Dessuet (L)
Hubert Dethurens (DC)
Daniel Ducommun (R)
Pierre Ducrest (L)
Michel Ducret (R)
John Dupraz (R)
Henri Duvillard (DC)
Alain Etienne (S)
Laurence Fehlmann Rielle (S)
Anita Frei (Ve)
Jacques Fritz (L)
Mireille Gossauer-Zurcher (S)
Mariane Grobet-Wellner (S)
Nelly Guichard (DC)
Michel Halpérin (L)
Dominique Hausser (S)
David Hiler (Ve)
Antonio Hodgers (Ve)
Yvonne Humbert (L)
René Koechlin (L)
Georges Krebs (Ve)
Bernard Lescaze (R)
Pierre Marti (DC)
Etienne Membrez (DC)
Jean-Louis Mory (R)
Louiza Mottaz (Ve)
Vérène Nicollier (L)
Jean-Marc Odier (R)
Michel Parrat (DC)
Catherine Passaplan (DC)
Pierre-Louis Portier (DC)
Véronique Pürro (S)
Jacques-Eric Richard (S)
Albert Rodrik (S)
Jean Rémy Roulet (L)
Stéphanie Ruegsegger (DC)
Christine Sayegh (S)
Myriam Sormanni-Lonfat (HP)
Walter Spinucci (R)
Micheline Spoerri (L)
Olivier Vaucher (L)
Alberto Velasco (S)
Pierre-Pascal Visseur (R)
Ont voté non (14) :
Marie-Paule Blanchard-Queloz (AG)
Bernard Clerc (AG)
Anita Cuénod (AG)
Jeannine de Haller (AG)
Christian Ferrazino (AG)
Magdalena Filipowski (AG)
Gilles Godinat (AG)
Christian Grobet (AG)
Cécile Guendouz (AG)
Danielle Oppliger (AG)
Rémy Pagani (AG)
Jean Spielmann (AG)
Pierre Vanek (AG)
Salika Wenger (AG)
S'est abstenue (1) :
Erica Deuber Ziegler (AG)
Etaient excusés à la séance (10) :
Michel Balestra (L)
Jacques Béné (L)
Juliette Buffat (L)
Jean-Pierre Gardiol (L)
Morgane Gauthier (Ve)
Luc Gilly (AG)
Armand Lombard (L)
Alain-Dominique Mauris (L)
Pierre Meyll (AG)
Geneviève Mottet-Durand (L)
Etaient absents au moment du vote (11) :
Charles Beer (S)
Roger Beer (R)
Thomas Büchi (R)
Jean-François Courvoisier (S)
René Ecuyer (AG)
Pierre Froidevaux (R)
Philippe Glatz (DC)
Alexandra Gobet (S)
Janine Hagmann (L)
Françoise Schenk-Gottret (S)
Louis Serex (R)
Présidence :
Mme Elisabeth Reusse-Decrey, présidente
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
Art. 1
La présidente. Nous devons voter un amendement qui figure à la page 14 du rapport de minorité. Il s'agit d'ajouter un alinéa 3 ainsi rédigé :
«3 L'Etat de Genève dispose, aux fins d'atteindre le but poursuivi par la zone créée, d'un droit de préemption sur les terrains compris dans la zone de développement 3 figurée sur le plan visé à l'alinéa 1; ce droit est mentionné au registre foncier. Les articles 3 à 5 de la loi sur le logement et la protection des locataires, du 4 décembre 1977, sont applicables par analogie.»
M. Rémy Pagani (AdG), rapporteur de minorité. En commission, quand nous avons repris cet objet, le président du département n'était pas opposé à cet amendement. Si M. Moutinot pouvait nous donner son point de vue sur cet amendement, en fonction de nos débats, ce serait intéressant.
M. Laurent Moutinot. Il est exact que je ne m'oppose pas à cet amendement. Je rappelle qu'il n'a qu'une portée limitée, puisque l'Etat de Genève est en réalité d'ores et déjà propriétaire des trois quarts des terrains. Cet amendement ne concerne donc que le quatrième quart, si j'ose dire. Je conçois que, dans une zone dont il convient de contrôler le développement de manière stricte, un droit de préemption soit une précaution souhaitable. Je ne vois donc pas d'objection à cet amendement.
M. Hubert Dethurens (PDC). J'en ai discuté avec le président Moutinot tout à l'heure et je voudrais préciser que, lors de la mise à l'enquête, le Conseil oecuménique des Eglises n'a pas été averti de cette possibilité. Aussi, j'ai quand même un doute sur cet amendement. Je ne le voterai pas et je vous invite, Mesdames et Messieurs, à en faire de même. En dehors du fait qu'il pourrait y avoir une opposition - qui ne remettrait pas forcément toute la loi en cause, c'est vrai - on aurait dû, par simple mesure de politesse, avertir le Conseil oecuménique.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté.
Mis aux voix, l'article 1 est adopté, de même que les articles 2 et 3.
Troisième débat
Ce projet est adopté en troisième débat, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
Loi(8368)
modifiant les limites de zones sur le territoire de la commune du Grand-Saconnex à la route des Morillons
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Art. 1
1 Le plan N° 29141-534, dressé par le département de l'aménagement, de l'équipement et du logement le 30 juin 2000 (extrait du plan N° 28481 - 27/228/309/530/534, dessiné le 22 avril 1992), modifiant les limites de zones sur le territoire de la commune du Grand-Saconnex (création d'une zone de développement 3 destinée prioritairement à des organisations internationales à la route des Morillons), est approuvé.
2 Les plans de zone annexés à la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, du 4 juin 1987, sont modifiés en conséquence.
Art. 2
En conformité aux articles 43 et 44 de l'ordonnance sur la protection contre le bruit, du 15 décembre 1986, il est attribué le degré de sensibilité III aux biens-fonds compris dans le périmètre de la zone de développement 3, créée par le plan visé à l'article 1.
Art. 3
Un exemplaire du plan N° 29141-534 susvisé, certifié conforme par la présidence du Grand Conseil, est déposé aux archives d'Etat.
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