République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 8189-A
Projet de loi de Mmes et MM. Christian Grobet, Rémy Pagani, Magdalena Filipowski, René Ecuyer, Dolorès Loly Bolay, Pierre Vanek, Anita Cuénod, Jean Spielmann, Gilles Godinat, Jeannine de Haller, Luc Gilly et Cécile Guendouz instituant la commission cantonale de partenariat avec la Poste. ( -) PL8189
Mémorial 2000 : Projet, 2010. Renvoi en commission, 2019.
Rapport de majorité de Mme Stéphanie Ruegsegger (DC), commission de l'économie
Rapport de minorité de M. Rémy Pagani (AG), commission de l'économie
R 418-A
Proposition de résolution de Mme et MM. John Dupraz, Jean-Marc Odier, Roger Beer, Thomas Büchi, Hervé Dessimoz, Marie-Françoise de Tassigny, Daniel Ducommun, Pierre Froidevaux, Bernard Lescaze, Jean-Louis Mory, Louis Serex, Charles Seydoux, Walter Spinucci et Pierre-Pascal Visseur demandant la mise sur pied d'une table ronde au sujet de la réorganisation de la Poste. ( -) R418
Mémorial 2000 : Développée, 2019. Renvoi en commission, 2025.
Rapport de majorité de Mme Stéphanie Ruegsegger (DC), commission de l'économie
Rapport de minorité de M. Rémy Pagani (AG), commission de l'économie
R 438
b) Proposition de résolution de Mmes et MM. Stéphanie Ruegsegger, Dolorès Loly Bolay, Anne Briol, Pierre-Pascal Visseur et Claude Blanc demandant aux autorités fédérales d'associer la Conférence des directeurs cantonaux aux travaux de révision législative touchant les grands services publics, notamment celui de la Poste. ( )R438

6. a) Rapport de la commission de l'économie chargée d'étudier les objets suivants :

RAPPORT DE LA MAJORITÉ

Rapporteur : Mme Stéphanie Ruegsegger

La Commission de l'économie s'est réunie à trois reprises sous la présidence de Mme Loly Bolay pour discuter du projet de loi 8189 instituant la Commission cantonale de partenariat avec La Poste et la résolution 418 demandant la mise sur pied d'une table ronde au sujet de la réorganisation de La Poste. Les procès-verbaux ont été tenus avec précision et compétence par M. Jean-Luc Constant.

Les commissaires ont consacré le début de leurs travaux à faire le point de la situation concernant la poste de Saint-Jean. Une solution concernant cet office se faisait alors jour, par le biais d'une ouverture à mi-temps de l'établissement.

Au niveau des objets étudiés par la commission, il est rapidement apparu que la problématique soulevée par le projet de loi relevait davantage de la compétence fédérale. Par ailleurs, la solution proposée ne convainquait pas l'ensemble des commissaires, en raison notamment de sa lourdeur et de son inadéquation à la situation. Si c'est une même inquiétude qui sous-tendait la résolution, celle-ci pouvait être modifiée en reprenant une partie des buts du projet de loi, et être adressée directement aux autorités fédérales.

Si d'aucuns, au sein de l'Alliance de Gauche, redoutaient le peu de cas fait à Berne des résolutions émanant de notre canton, la majorité de la commission était d'avis qu'une action conjointe du Parlement genevois unanime et d'autres autorités politiques genevoises aurait plus d'impact qu'un projet de loi au sujet duquel les commissaires étaient partagés.

Mise aux voix, l'entrée en matière du projet de loi 8189 était rejetée par 5 non (2 DC, 1 R, 2 L), 3 oui (3 AdG) et 5 abstentions (3 S, 2 Ve).

Revenant sur la proposition conjointe d'un député vert et d'un député socialiste suggérant de modifier la résolution en la complétant avec des considérations contenues dans le projet de loi, le groupe radical annonçait qu'il était prêt à entrer en matière sur une telle proposition et à retirer sa résolution.

Un nouveau texte fut par conséquent soumis à la commission, qui l'adoptait par 5 oui (1 AdG, 1 S, 1 Ve, 2 DC) et 3 abstentions (3 L).

Projet de loi(8189)

instituant la Commission cantonale de partenariat avec La Poste

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :

Art. 1 But

Il est institué une commission dénommée « Commission cantonale de partenariat avec La Poste » (ci-après la Commission) ayant notamment pour but de :

Art. 2  Organisation

1 Le Conseil d'Etat nomme les membres de la Commission qui est formée de :

2 Les membres de la Commission sont nommés pour une période de quatre ans. Ils sont rééligibles au terme de leur mandat.

3 La commission élit son Président et les membres de son bureau formé de cinq membres. Elle décide pour le surplus de son mode de fonctionnement.

4 La Commission est soumise à la loi concernant les membres des commissions officielles (A.2.20). Ses membres touchent des jetons de présence. Son secrétariat dépend de la Chancellerie.

Art. 3 Entrée en vigueur

La présente loi entre en vigueur le … (à préciser)

Proposition de résolution(418)

demandant la mise sur pied d'une table ronde au sujet de la réorganisation de La Poste

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant :

les nombreux débats suscités à la suite de l'annonce de la fermeture de l'office postal du Beulet ;

l'inquiétude de la population face au projet Optima de La Poste ;

l'absence d'information des collaborateurs, des usagers, des communes et de l'Etat ;

la nécessité de maintenir le service public de La Poste sur tout le territoire du canton ;

invite le Conseil d'Etat

à mettre sur pied, sous l'autorité du Conseil d'Etat, une table ronde réunissant le canton, les communes, La Poste et les usagers pour assurer le maintien du service public postal en milieu urbain et rural à Genève.

RAPPORT DE LA MINORITÉ

Rapporteur: M. Rémy Pagani

La Commission de l'économie n'a consacré que trois séances au projet de loi 8189 et à la résolution 418 qui se voulaient deux moyens de réagir face au plan dits de « restructuration » (mais en fait de démontage à grande échelle) du réseau des offices de poste mis en avant il y a déjà une année par M. Reto Braun (ex directeur général de La Poste) sous l'appellation de projet Optima.

Les commissaires ont même refusé d'auditionner qui que ce soit, sous prétexte que M. Braun avait quitté La Poste son projet sous le bras et que le problème leur paraissait ainsi avoir disparu. Pourtant - contrairement à cette vision naïvement optimiste - le projet présenté jeudi dernier par le directeur général de La Poste, M. Ulrich Gygi, ressemble dans ses grandes lignes à celui défendu par M. Braun, en en reprenant l'esprit et les lignes directrices fondamentales.

On peut donc légitimement et rétrospectivement déplorer le peu de considération de la Commission de l'économie quant aux préoccupations de l'Alliance de Gauche, dont le mouvement déclenché autour de la poste de Saint-Jean avait pourtant montré qu'elles étaient très largement partagées, et regretter le refus de député-e-s d'entrer en matière quant aux mesures proposées dans ce projet de loi pour que Genève se mette simplement en état de défendre le service postal sur son territoire, de manière conséquente et systématique, face à des autorités fédérales et postales en rupture avec la logique même de service public.

En refusant d'entrer en matière sur le projet de loi que nous proposions, la minorité de droite et les commissaires unanimement abstentionnistes des Verts et du PS n'ont pas compris (ou pour d'autres feignent sans doute de ne pas comprendre) que la volonté de démantèlement des services publics est une tendance lourde des milieux économiques suisses relayés majoritairement au Parlement fédéral. Un choix politique qui impose aux collectivités publiques communales et cantonales - si elles veulent répondre aux attentes des citoyen-ne-s - une résistance déterminée pour sauvegarder le service public, en matière postale notamment.

Le plan que les responsables de La Poste veulent imposer aujourd'hui vise à supprimer, dans les cinq prochaines années, entre 700 et 900 bureaux de poste de village en Suisse, pour cause d'« insuffisance de rentabilité », et à transformer 670 à 870 bureaux supplémentaires en filiales de postes plus importantes ou en agences exploitées par les communes ou des commerces. De plus, ce plan prévoit la suppression de 500 emplois fixes à La Poste, sans compter les résiliations de contrats d'auxiliaire.

Dans un deuxième temps, il est question de supprimer 80 bureaux de poste dans les villes et de réduire les heures d'ouverture de 1500 autres bureaux, à savoir tous ceux qui ne figureront pas parmi les 50 à 100 super-bureaux de poste appelés à fournir toute la gamme des prestations.

Enfin, pour les milieux économiques du canton de Genève, une véritable catastrophe est annoncée, la Douane-Poste située à Montbrillant et à Cointrin (trafic postal aérien) risque d'être déplacée à Bâle et à Zurich. Ainsi, après les habitants de Saint-Jean, ces milieux se mobilisent pour dénoncer les pertes de temps, les frais supplémentaires, l'obligation d'utiliser des intermédiaires, sans omettre les risques accrus de vols et de dommages dus à l'allongement des distances que les marchandises devraient parcourir (pierres précieuses, bijoux, montres notamment).

De manière générale, cette restructuration aboutira à un recul grave des prestations à la population par la liquidation d'un réseau de services publics de proximité, liquidation qui constitue en même temps un bradage du patrimoine de la collectivité. Elle durcira le rapport entre la direction et les salarié-e-s et générera une insécurité d'emploi accrue parmi ces derniers. La notion même de service public est ainsi de plus en plus vidée de son sens et La Poste, comme les CFF, ne se distinguera bientôt en rien d'une entreprise privée axée sur le profit. A ce moment-là, il n'y aura - objectivement - guère de raison de ne pas passer à la privatisation intégrale, comme on le propose aujourd'hui pour les télécoms.

Les personnes âgées seront tout particulièrement touchées par ces tendances au démantèlement, de même que les habitant-e-s des régions périphériques du pays.

Il est, par ailleurs, inacceptable que les communes, en particulier les communes financièrement les plus faibles, soient désormais appelées à prendre en charge elles-mêmes le loyer des locaux et les frais de personnel, en échange d'une somme forfaitaire versée par La Poste. Comme l'a indiqué avec arrogance M. Gygi à la SonntagsZeitung : « nous n'accepterons des agences que si cela rapporte pour nous » ! Avec l'aplomb d'un dirigeant d'entreprise privée, il a confirmé cette position lors de l'émission « Droit de Cité » diffusée par la TSR le dimanche 21 janvier 2001.

Malheureusement, il faut constater que l'adoption de la nouvelle loi sur le personnel fédéral a accentué toutes ces tendances à la dérégulation et à l'« autonomisation », dans un sens capitaliste, des entreprises fédérales, en supprimant un cadre unitaire pour la fonction publique, en ouvrant sur la possibilité de licenciements économiques massifs et en subordonnant aux exigences du marché la fixation des conditions de travail du personnel dans toutes les entreprises.

Il est impensable que le syndicat de la communication, le principal syndicat de la branche, puisse longtemps donner son aval à une telle restructuration qui va accentuer toutes les pressions sur les emplois, les salaires et les conditions de travail du personnel, tout en ouvrant la porte à des pressions renforcées de la hiérarchie sur les employé-e-s pour qu'ils/elles acceptent des postes moins bien payés ou impliquant des déplacements importants. Une telle position, qui entérine par ailleurs une importante dégradation des prestations à la population, tendrait en effet à jeter le discrédit sur le syndicalisme en général. Ce d'autant plus que même si ce syndicat pensait avoir, pour l'instant, préservé l'emploi, des centaines de postes de travail non remplacés (départs à la retraite) seront irrémédiablement perdus.

Depuis le rejet de notre projet de loi par la Commission de l'économie, en juin de l'an passé, La Poste a donc remis sur le métier son projet de restructuration. Il est navrant de constater que le Conseil d'Etat lui-même s'est laissé berner dans cette affaire. En effet, dans la lettre qu'il vient d'adresser à la direction générale de La Poste (voir annexe), il constate que les responsables de cet établissement « avaient donné la garantie que toute décision serait prise après négociation avec les différents partenaires économiques politiques et sociaux ».

Or La Poste - une fois de plus, ça devient une habitude - n'a pas respecté ses engagements ! Pour remédier à cet état de fait, le Conseil d'Etat propose en urgence pour l'essentiel ce que nous proposions il y a un an déjà, soit « la constitution de groupes ad hoc composés des différents partenaires concernés », mais ceci avec près d'un an de retard, de manière ad hoc, et sans que les instances mises en place bénéficient de la légitimité de la base légale explicite que nous proposons et d'une représentativité clairement établie.

Ainsi, si nous nous réjouissons qu'enfin le Conseil d'Etat se rallie largement à notre proposition, nous vous invitons bien sûr aussi, Mesdames et Messieurs les député-e-s, à en faire de même et à voter (enfin !) le présent projet de loi qui instituera une Commission cantonale de partenariat avec La Poste qui aura, on le voit bien, beaucoup de grain à moudre.

EXPOSÉ DES MOTIFS DU PL 8189

Mesdames et

La fermeture de l'office postal de Saint-Jean a provoqué un vent d'indignation non seulement dans ce quartier, mais encore dans tout le canton et au-delà. Le plan de restructuration de La Poste, qui préconise la fermeture de nombreux offices postaux, notamment dans les centres urbains, a exacerbé les esprits.

Face à ces projets de démantèlement d'un service public fondamental, le présent projet de loi propose de créer une commission officielle formée de représentants des différents milieux intéressés, afin d'analyser la situation, les besoins du canton et les intentions de La Poste et, à partir de là, de définir une stratégie et d'engager les démarches nécessaires pour sauvegarder les intérêts du canton et de sa population.

Au bénéfice de ces explications, nous espérons, Mesdames et Messieurs les députés, que le présent projet de loi recevra un bon accueil de votre part.

Premier débat

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, je souhaiterais un peu de silence, s'il vous plaît ! Il est extrêmement difficile de travailler dans ces conditions... Avez-vous quelque chose à ajouter à votre rapport, Madame Ruegsegger ?

Mme Stéphanie Ruegsegger (PDC), rapporteuse de majorité. Oui, Madame la présidente. J'aimerais insister sur un point qui ne ressort absolument pas du rapport de minorité de M. Pagani. Je rappelle que la majorité de la commission a refusé d'entrer en matière sur le projet de loi, non pas par manque de considération envers les problèmes liés à la poste, mais bien parce qu'elle considérait que le projet de loi apportait de mauvaises réponses à un vrai problème. Nous avons estimé que la résolution, telle que proposée par un représentant de la majorité parlementaire en commission, était une bien meilleure réponse, qui aurait davantage d'impact que le projet de loi.

Je voudrais également m'étonner que le rapport de M. Pagani reflète si peu les travaux de la commission - j'ai l'impression que nous n'avons pas assisté aux mêmes travaux - et commente en fait des événements qui sont, pour la plupart, postérieurs au vote de la commission.

M. Rémy Pagani (AdG), rapporteur de minorité. S'agissant du refus d'entrer en matière sur le projet de loi de l'Alliance de gauche, je crois que Mme Ruegsegger oublie une chose essentielle, à savoir que la commission était alors persuadée que le projet Optima - projet très radical visant la suppression de nombreuses postes dans notre pays, notamment la poste de Saint-Jean - avait été abandonné.

Pour notre part, nous avions compris que les processus économiques en cours, soit la scission entre les télécom et la poste, ainsi que la frénésie du Conseil fédéral à vouloir tout privatiser dans ce pays, mèneraient à la situation actuelle. Nous avions compris qu'on ne pourrait pas échapper à la restructuration nécessaire de la Poste, sachant que la Poste a toujours été déficitaire et que c'est grâce aux télécommunications qu'elle a pu maintenir son efficacité durant ces trente ou quarante dernières années.

Nous étions donc certains que le projet Optima rénové reviendrait sur le tapis et c'est pourquoi nous avions proposé ce projet de loi qui, je le rappelle, demandait simplement de : a) dresser un inventaire des services postaux desservant le canton et des besoins de la population dans ce domaine ; b) prendre position sur les projets de réorganisation des services postaux et examiner les mesures qui pourraient être envisagées pour améliorer la qualité des prestations de la Poste dans ce canton ; c) recueillir l'avis de la population à ce sujet ; enfin, d) négocier avec la direction de la Poste toute question relevant du fonctionnement de celle-ci dans le canton. Or, c'est cela que la majorité de la commission a refusé, pour voter une résolution croupion qui, on le sait, finira dans la poubelle des autorités fédérales...

Cela dit, quelle n'a pas été notre surprise quand nous sommes tombés sur la lettre qu'a adressée le Conseil d'Etat à M. Ulrich Gygi, lettre signée par M. Carlo Lamprecht. Nous avons été fort surpris de voir le Conseil d'Etat reprendre tout à coup nos préoccupations, reprendre avec énergie nos motivations et demander à la Poste de pouvoir négocier le maintien de la douane-poste. Sa disparition créerait en effet un déséquilibre grave pour toute la région genevoise, et là les milieux économiques se sont enfin mobilisés. Je rappelle que notre économie est principalement basée sur la production de petits objets à forte valeur ajoutée, montres, bijoux et autres produits, ce qui nécessite d'avoir une Poste efficace qui puisse livrer partout dans le monde les produits que nous manufacturons.

En l'occurrence, c'est au moment où les milieux économiques ont été touchés que M. Carlo Lamprecht a enfin pris le taureau par les cornes et s'est quasiment saisi de notre projet de loi, puisqu'à la fin de sa lettre il informe les autorités fédérales qu'il va «constituer deux groupes ad hoc composés des différents partenaires concernés pour traiter de ces deux questions». A notre sens, Monsieur le président, deux groupes ad hoc ne suffisent pas. Ces groupes doivent non seulement être représentatifs de la population et des milieux économiques, comme nous le disions dans le projet de loi, mais ils doivent augmenter la pression pour défendre les intérêts de l'ensemble du canton, que ce soit les personnes âgées qui habitent Gy ou Saint-Jean, les milieux économiques actifs au centre-ville, ou les milieux économiques installés au Petit-Lancy. C'est pour cette raison que le deuxième volet de notre projet de loi visait à instaurer une commission suffisamment représentative pour appuyer, de manière ferme et efficace, les démarches du Conseil d'Etat et nos positions dans les négociations futures, car nous n'allons pas nous laisser faire ! C'était en tout cas l'esprit du projet de loi, c'est la volonté de l'Alliance de gauche, et c'est maintenant la volonté du Conseil d'Etat telle qu'elle s'exprime dans la missive adressée au directeur général de la Poste.

Ainsi donc, notre projet de loi et les deux volets qui le constituent nous semblent parfaitement adaptés à la situation et aux difficultés à venir. C'est pourquoi nous vous demandons, Mesdames et Messieurs les députés, contrairement à ce que la commission a décidé, d'entrer en matière sur ce projet de loi et de le voter.

M. Pierre Vanek (AdG). Je serai bref ! J'ai été surpris par l'intervention de Mme Ruegsegger et je lui trouve un certain culot de reprocher à Rémy Pagani de ne pas avoir rendu compte de l'ensemble des travaux de la commission. Madame, c'est votre rapport de majorité qui ne donne pratiquement aucun renseignement sur les travaux de la commission, ni dates, ni arguments, si ce n'est celui consistant à dire, à propos du projet de loi que nous défendons, «qu'au niveau des objets étudiés par la commission, il est rapidement apparu que la problématique soulevée par le projet de loi relevait davantage de la compétence fédérale». En l'occurrence, vous considérez que le canton a les mains liées et qu'il n'aurait pas à s'occuper de la problématique de la Poste.

Or, en janvier de l'an passé, nous nous sommes réunis ici, tous partis confondus - sauf Mesdames et Messieurs les libéraux - en séance extraordinaire du Grand Conseil pour nous opposer précisément à une politique dont on peut estimer en effet qu'elle est du ressort de la Confédération, mais qui est une politique de démontage à grande échelle du service public postal. Le symbole, la pointe émergée de l'iceberg en était la fermeture du bureau de poste de Saint-Jean, qui a fait des vagues à travers l'ensemble du pays et qui a même amené M. Leuenberger sur le terrain ici. C'est dans la foulée que ce projet de loi a été déposé.

Madame, vous dites dans votre rapport que ce projet de loi est inadéquat et qu'il relève de compétences fédérales. Eh bien, je dis ici très calmement que la commission que nous proposons aurait dû être instituée il y a une année, que nous avons pris un an de retard parce que des députés et des députées ont arsouillé pendant une année en commission de l'économie, au lieu d'aller de l'avant sur ce sujet. Aujourd'hui, nous sommes exactement dans la même situation que l'année passée, face à une autorité fédérale, à une direction de la Poste qui envisagent, certes en prenant quelques gants supplémentaires, un démontage du service postal public. L'Alliance de gauche demandait, il y a une année, que les services de ce canton, les élus de ce canton se préoccupent, avec les milieux intéressés, de faire une chose à laquelle, Madame Ruegsegger, vous ne pouvez pas vous opposer, une chose qui est éminemment raisonnable et infiniment nécessaire, à savoir dresser l'inventaire des services postaux desservant le canton et des besoins en la matière de la population au sens large, y compris ceux de l'économie. Je vois que M. Roulet se félicite que j'évoque les milieux économiques : s'il se reporte à la séance extraordinaire du 14 janvier 2000, il verra que nous nous préoccupions déjà du tissu économique local à ce moment-là.

En l'occurrence, il faut que ce canton mette en place une commission composée de travailleurs de la Poste, de représentants des associations d'habitants, des milieux économiques... La liste que nous avons proposée n'est pas forcément la meilleure, mais apparemment la commission de l'économie n'a pas voulu l'améliorer puisqu'elle n'est pas entrée en matière. Si elle avait dit qu'à son avis il fallait un représentant de telle organisation plutôt que de telle autre, nous serions bien sûr entrés en discussion sur ce point. Aujourd'hui, il est tard, une année a été perdue, mais il faut dresser cet inventaire des services postaux et prendre position sur la base de cette information, non pas au coup par coup, parce qu'il y a une émotion autour du bureau de poste de Saint-Jean ou de telle commune rurale, mais en ayant une conception d'ensemble de la desserte nécessaire du territoire genevois et de l'impact négatif que pourrait avoir l'offensive de démantèlement de la Poste qui est en cours.

La tâche de cette commission serait, point c), de recueillir l'avis de la population à ce sujet. Madame Ruegsegger, ne voulez-vous pas qu'on écoute nos concitoyens sur cette question-là ? Pensez-vous que c'est inutile ? Nous, nous pensons qu'il est utile de les écouter, qu'il ne convient pas d'attendre passivement qu'ils se mettent en mouvement et qu'ils manifestent dans la rue comme l'ont fait les habitants de Saint-Jean, y compris les personnes âgées qui manifestaient pour la première fois dans la rue. Nous ne devrions pas avoir à réunir des séances extraordinaires du Grand Conseil pour enfin entendre ce que disent les habitants sur telle ou telle poste : ce devrait être le pain quotidien de l'Etat que d'écouter les citoyens. C'est pourquoi nous avons proposé un instrument à cette fin.

Un des mandats de cette commission dont nous devrions voter la mise en place serait de négocier avec la direction de la Poste toutes les questions relevant du fonctionnement de celle-ci dans le canton. Voter ce projet, c'est nous donner une légitimité légale, fût-elle cantonale, pour ouvrir un dialogue avec la Poste qui soit marqué d'un certain poids du côté du canton. Le Conseil d'Etat nous a avoué, en début d'année, qu'il était extrêmement déçu, qu'il se sentait floué, la Poste n'ayant, pour la deuxième fois, pas respecté les engagements qu'elle avait pris. S'agissant des engagements au sujet de Saint-Jean, Monsieur Lamprecht, vous nous avez dit que la Poste n'avait pas tenu parole. Au début de cette année, vous nous disiez que la Poste s'était engagée à consulter les autorités locales et elle ne l'a pas fait. Maintenant, il faut donc agir et ne plus attendre de manière passive, comme nous l'avons fait pendant une année, aveuglés, pour certains, par je ne sais quoi, peut-être par le changement de directeur de la Poste alors que le pedigree de M. Gygi était bien connu, ou par Dieu sait quel intérêt.

Aujourd'hui, il s'agit donc d'agir enfin dans ce dossier et de dire que nos concitoyens et nos concitoyennes ne sont pas d'accord avec le démantèlement de la Poste. Je vous assure que c'est une certitude que je tiens, non pas de convictions idéologiques que j'aurais sur cette question, mais de discussions au quotidien, ces dernières semaines, avec des citoyens, puisque je récolte des signatures pour le référendum contre la loi sur le marché de l'électricité, qui est aussi une loi de démontage d'un service public...

La présidente. Il vous faut conclure, Monsieur Vanek...

M. Pierre Vanek. Je vous assure, et je conclus là-dessus, que les Genevoises et les Genevois sont fortement opposés au démantèlement de la Poste et du service public en général. Nous devons, pour leur donner un outil de lutte dans cette affaire, voter ce projet de loi de l'Alliance de gauche et créer cette commission de concertation, de partenariat avec la Poste.

M. John Dupraz (R). La Poste est, dans les communautés villageoises et en milieu urbain, un signe d'identification pour la population, au même titre que le sont la mairie, l'école, la salle des fêtes, le terrain de jeu, l'église ou le temple... Aussi, je dois dire que je suis abasourdi de voir l'acharnement des autorités postales et des socialistes - là, je ne comprends plus - à savoir M. Leuenberger, le responsable politique, et M. Gygi, à mettre en pièces le service public.

Dans les documents que j'ai pu lire, on parle d'un déficit de fonctionnement de 500 millions. L'on est prêt à sacrifier le tiers des bureaux postaux de ce pays pour économiser 100 millions, c'est-à-dire que l'on ne résout pas le problème de rentabilité de ce service public et que si la Poste et M. Leuenberger poursuivent leur raisonnement, il faudra fermer les trois quarts des bureaux de poste pour atteindre le seuil de rentabilité.

Il y a un peu plus d'une année, lorsque nous avions proposé notre résolution, les radicaux estimaient qu'il fallait mettre autour d'une table les gens concernés - sous l'autorité du Conseil d'Etat car celui-ci a des entrées que les communes n'ont pas - pour trouver des solutions. Au niveau de la Confédération, je pense que la Poste est aussi un élément de la cohésion nationale. Je citerai, à titre de comparaison, la politique agraire, où on a décidé de maintenir une agriculture dans les régions décentralisées, dans les régions de montagne, par le biais des aides et des paiements directs. Or, en ce qui concerne la Poste, on fait exactement le contraire, à savoir qu'on veut absolument économiser, qu'on est prêt à fermer les bureaux de poste dans les régions décentralisées où ils sont le moins rentables, au titre de l'équilibre financier de la Poste, équilibre qui n'est pas atteint malgré les mesures proposées.

Mesdames et Messieurs, je crois qu'il faut savoir quelle société on veut. Veut-on une société basée sur le profit immédiat, au détriment de toute considération sociale et de protection de l'environnement ? Ou bien veut-on une société équilibrée, où l'on prend en compte des paramètres sociaux et environnementaux, en contrepartie des règles du marché ? Les radicaux estiment que la Poste est un service public qui doit couvrir tout le pays, non seulement Genève et les régions rurales de ce canton, mais aussi les régions décentralisées de notre pays. Nous estimons que grâce à cette résolution, en mettant en place cette table ronde, nous atteindrons cet objectif.

Maintenant, s'agissant de vos remarques, Monsieur Pagani, ce que je regrette chez vous, c'est votre entêtement. Nous poursuivons le même objectif, mais votre projet de loi est beaucoup plus rigide que ne l'est la résolution sur la table ronde; celle-ci est à géométrie variable, car elle permet de réunir les gens concernés, telle commune plutôt qu'une autre, alors que votre projet de loi propose une structure figée, une espèce de monument monolithique, sans aucune souplesse par rapport au problème à traiter.

Encore une fois, je dois dire qu'il serait regrettable qu'au nom de la rentabilité on ferme des bureaux de poste qui, pour certains, ont été exigés par la Poste il y a très peu de temps. Dans ma commune, lorsque nous avons reconstruit l'école il y a vingt ans - ce n'est quand même pas si vieux - la Poste avait des exigences telles que nous n'avons pas pu toutes les remplir. Depuis, un local a été mis à la disposition de la Poste, qui est apprécié par la population de la commune. Or, au nom de la rentabilité, on va le fermer et mettre en place un système de «poste voyageuse», tournante, de poste à domicile, alors que le bureau de poste, dans les communautés villageoises et urbaines, joue un rôle essentiel. C'est là où les gens se rencontrent - comme les mamans se rencontrent à la sortie de l'école lorsqu'elles attendent leurs enfants - c'est là où les personnes âgées vont recevoir leur AVS, c'est là où les gens vont faire leurs paiements. De plus, fermer ces bureaux de poste est un non-sens par rapport à l'objectif recherché, puisque l'équilibre budgétaire de la Poste n'est toujours pas atteint.

Je considère donc qu'il faut lutter contre cet objectif de rentabilité à tout prix visé par la Poste et trouver les moyens nécessaires pour maintenir le service public tel qu'il est. Ceci évidemment n'exclut pas des rationalisations entre communes ; il pourrait y avoir un buraliste postal pour deux ou trois villages, ou pour deux ou trois quartiers urbains, on peut trouver des solutions comme cela a été fait au Beulet, dans le quartier de Saint-Jean.

Mesdames et Messieurs, suite au rapport de la commission de l'économie, il faut nous en tenir à la résolution issue des travaux de la commission. Le groupe radical la soutiendra et je demanderai à l'Alliance de gauche de faire preuve de raison et de se rallier à cette solution, qui est suffisante, pragmatique et efficace pour atteindre l'objectif que nous poursuivons, vous et nous !

M. Alberto Velasco (S). Monsieur Dupraz, les socialistes sont effectivement en train de mettre en place ces réformes de la Poste que vous décriez. Mais ces réformes, voyez-vous, ont été votées par le parlement fédéral et par une majorité dont vous faites partie, Monsieur Dupraz...

M. John Dupraz. Nous n'avons jamais dit qu'il fallait fermer les bureaux de poste !

La présidente. Monsieur Dupraz, veuillez laisser parler M. Velasco, s'il vous plaît !

M. Alberto Velasco. L'article 18 de la loi fédérale consacre que la Poste doit s'autofinancer. Le directeur actuel de la Poste et le conseiller fédéral de tutelle doivent appliquer la loi, mais cette loi a été votée par un parlement à majorité de droite. Chacun a donc sa part de responsabilité ; n'essayons pas de diluer les responsabilités, Monsieur Dupraz, vous en avez une part comme les autres.

Cela dit, le projet de loi de l'Alliance de gauche, bien que j'y adhère moralement, pose un problème, à savoir que la commission prévue se substitue au Conseil d'Etat. C'est en effet la tâche du Conseil d'Etat de s'adresser à Berne, de négocier et d'obliger la Poste à remplir sa fonction de service public, de régie fédérale. C'est le Conseil d'Etat qui doit intervenir et non une commission, dont je ne vois pas comment elle pourrait infléchir les autorités fédérales. Quant à nous, parlement, associations de quartier ou autres, nous devons pousser le Conseil d'Etat à aller dans ce sens, comme nous l'avons fait à l'époque avec la Ville de Genève.

Enfin, j'aimerais attirer l'attention du Conseil d'Etat sur un point. Aujourd'hui, la Communauté européenne, Monsieur le président du Conseil d'Etat, fait marche arrière concernant la Poste. Elle avait édicté des directives de libéralisation mais revient maintenant en arrière et arrête ce processus. Je vous engage donc, Monsieur le président, à prendre exemple sur ce qui se passe en Europe et à agir auprès de la Confédération pour arrêter le processus en cours, qui me semble tout à fait mal emmanché.

En conclusion, pour les raisons que je viens de dire, le groupe socialiste, comme il l'a fait en commission, votera la résolution 438 et s'abstiendra sur le projet de l'Alliance de gauche.

Mme Stéphanie Ruegsegger (PDC), rapporteuse de majorité. Evidemment, les préoccupations de MM. Vanek et Pagani sont partagées par tous. Comme je l'ai dit dans ma première intervention, le refus de la majorité de la commission d'entrer en matière sur le projet de loi ne signifiait absolument pas que nous ne nous préoccupions pas de la situation. Simplement, et M. Velasco l'a rappelé, la solution proposée par le projet de loi, qui demande que l'on négocie «avec la direction de la Poste toute question relevant du fonctionnement de celle-ci dans le canton», est une solution lourde et inefficace. Le projet de résolution, lui, ne tombera pas dans les poubelles des autorités fédérales. Il est vrai, Monsieur Pagani, que de nombreux projets passent directement à la poubelle, mais c'est parce que nous usons et abusons de cette méthode.

Là, en l'occurrence, cette résolution sera certainement accueillie avec beaucoup d'attention par Berne. Je vous rappelle qu'elle demande que l'on intervienne auprès des autorités fédérales «afin qu'un droit d'information préalable et d'intervention en faveur de la Conférence des directeurs cantonaux concernés soit inclus lors de toutes les révisions législatives à venir touchant les grands services publics, notamment celui de la Poste». Cette solution est plus souple dans son application et en même temps plus contraignante que celle proposée par votre projet de loi. C'est donc la sagesse que de voter cette résolution et de rejeter le projet de loi.

M. Pierre Vanek (AdG). Que ne faut-il pas entendre ! Madame Ruegsegger, soyez un peu sérieuse, ayons un débat d'une certaine tenue ! (Protestations.) Mesdames et Messieurs, vous êtes témoins : Mme Ruegsegger dit que la résolution est beaucoup plus contraignante que la loi qui, par hypothèse, serait votée par ce parlement ! Tout le monde dans cette salle, y compris les huissiers, y compris le public, sait pertinemment qu'une résolution du Grand Conseil n'est pas contraignante, en aucune manière, que c'est une simple expression d'opinion ! Nous avions été nombreux déjà à exprimer notre opinion le 14 janvier 2000, certes sans les libéraux qui babollent dans leur coin et qui avaient eu l'élégance de ne pas venir ce soir-là. D'ailleurs, cela prouvait bien leur désintérêt concernant ce problème. Ce soir, nous avons abordé cette question en fin de soirée et quelques-uns d'entre eux sont restés... Quoi qu'il en soit, c'est une évidence que la résolution n'a rien de contraignant. C'est, comme l'année dernière, une simple manifestation d'opinion dans laquelle on demande que les autorités fédérales informent au préalable les cantons touchés, soit exactement ce que la Poste et l'autorité fédérale avaient dit qu'elles feraient et qu'elle ne font pas. Donc, cette résolution, c'est vraiment pisser dans un violon !

Par contre, notre projet de loi, lui, est accusé de tous les maux. Instituer une commission de concertation, ciel, quelle lourdeur bureaucratique ! Pourtant, on fait cela dans bien des domaines, Messieurs les socialistes : il y a bien d'autres commissions, comme le Conseil économique et social et autres, que vous avez soutenues à l'époque... (Exclamations.) En l'occurrence, nous demandons qu'on institue une commission en essayant de la rendre représentative.

Bien sûr, on peut discuter de sa représentativité. On peut trouver qu'il n'est pas utile de consulter l'AVIVO et ses 18 000 membres, parce que l'affaire de la Poste ne les concerne pas... Ou que, par exemple, le représentant de la Chambre de commerce et d'industrie, comme il n'en a rien à foutre, n'a pas à siéger dans cette commission... Ou encore que la Ville de Genève ne s'occupant pas de ces questions de Poste, un représentant désigné par le Conseil administratif n'a rien à faire dans cette commission... De même, on peut juger que les travailleurs, les syndiqués du secteur ne sont pas concernés, ni les associations de quartier et d'habitants, puisqu'il n'y a pas eu, n'est-ce pas, de mobilisation à Genève sur cette question de la Poste !

Bref, on peut discuter de tout cela, mais dire que le propos de cette commission instituée par notre projet de loi n'est pas utile, c'est une grosse connerie ! (Exclamations.) C'est une grosse connerie, puisque vous-mêmes demandez qu'il y ait une discussion avec les cantons concernant le démantèlement de la Poste - car c'est de cela qu'il s'agit, même si, par pudeur, vous n'employez pas ces termes. Pour notre part, nous voulons que les cantons, que notre canton en particulier soit armé pour une telle négociation. Jusqu'à maintenant, M. Lamprecht, qui est là et qui est adorable... (Exclamations.) ...a fait preuve de beaucoup de bonne volonté, mais il n'était manifestement pas armé pour négocier avec la Poste, parce qu'il n'avait pas de mandat clair du parlement et qu'il ne se fondait pas sur une enquête précise concernant les besoins en matière de service postal.

Pour répondre à M. Velasco, je dirai que dresser cet inventaire est absolument indispensable. Madame Ruegsegger, vous dites que notre projet de loi demande simplement de négocier avec la direction de la Poste : ce n'est pas vrai, vous déformez les faits. Parmi les buts de cette commission, au point a), figure celui de dresser un inventaire précis des besoins du canton en matière postale. Aucun rapport à ce sujet ne nous a été présenté par le Conseil d'Etat depuis une année, Monsieur Velasco, alors que c'était un boulot qu'il aurait pu faire. S'il en avait eu la volonté politique, il aurait pu le faire, mais manifestement il n'en a pas eu la volonté politique, ou alors il était préoccupé par d'autres questions. Nous voulons donc l'assister, afin qu'il fasse ce boulot avec les secteurs réellement concernés.

Mesdames et Messieurs, nous ne retirerons pas notre projet de loi au profit de la résolution, qui s'en inspire par ailleurs. Nous voulons bien voter votre résolution comme énième manifestation d'opinion, mais nous voulons aussi qu'un travail réel soit fait sur ce dossier, travail qui n'a pas été fait depuis une année et qui demande une structure, que nous proposons. Nous demanderons donc l'appel nominal sur ce projet de loi ! (Brouhaha.)

La présidente. Il vous faut conclure, Monsieur Vanek !

M. Pierre Vanek. Je conclus aisément, Madame la présidente, puisque notre collègue M. John Dupraz a dit largement ce que j'aurais pu dire sur la défense du service public, sur le refus de la marchandisation de celui-ci, sur le fait que les 100 millions gagnés par la Poste en regard de la suppression du tiers des bureaux de poste dans ce pays sont vraiment inacceptables. Il a parfaitement raison. Je lui demande donc d'être conséquent jusqu'au bout et de donner à Genève les moyens de lutter contre ce processus qu'il décrit avec beaucoup de pertinence.

M. Claude Blanc (PDC). Ce débat est évidemment extrêmement passionné. J'entends bien M. Vanek quand il dit qu'il n'y a que son projet de loi qui soit capable de faire avancer les choses. Mais si les multiples résolutions que notre parlement a déjà eu l'occasion d'envoyer à Berne n'ont pas eu l'effet escompté, je me demande ce qu'aura comme effet sur la Poste une loi cantonale qui n'est applicable qu'à Genève... En fait, cette loi que vous voulez nous faire voter est surtout un moyen d'agitation. Vous voulez créer une cellule d'agitation par le biais d'une loi. D'habitude, vous êtes capable de créer des cellules d'agitation sans loi, mais aujourd'hui vous demandez à la puissance publique de donner à celle-ci une légitimité publique.

Ce que vous proposez est faux, d'autant qu'aujourd'hui le problème n'est plus le même qu'il y a une année, lorsque ce projet a été déposé. Ce n'est plus tant un problème Ville de Genève. Le problème Ville de Genève au Beulet a été résolu, à satisfaction de tous, et aucun autre bureau de poste de la Ville de Genève n'est menacé. Maintenant, ce sont les petites communes qui sont dans le collimateur. La Poste se base en effet sur un certain nombre de paramètres, notamment le nombre et le montant des opérations financières, pour déterminer si un bureau de poste doit être conservé ou pas. En Ville de Genève, les bureaux de poste qui existent actuellement ne risquent pas grand-chose, pas plus que les deux bureaux de poste que nous avons dans ma commune, à Meyrin : ces deux bureaux sont largement rentables et par conséquent nous n'avons aucun souci à ce sujet. En revanche, ceux qui ont du souci à se faire, ce sont les petites communes, celles précisément à qui, dans votre machin, vous donnez un siège, un seul siège pour les représenter toutes, alors qu'elles ont des problèmes spécifiques à défendre.

Je crois savoir que le Conseil d'Etat ne vous a pas attendu pour convoquer ces communes, pour leur demander de se grouper en vue de défendre leurs intérêts spécifiques, la situation se présentant différemment dans chaque village. Il y a une quinzaine de jours, j'ai rencontré certains magistrats communaux au bistrot d'en face, où j'attendais une séance de commission. Je leur ai demandé d'où ils venaient et ils m'ont dit qu'ils avaient été convoqués par M. Lamprecht pour constituer un groupe de travail réunissant tous les magistrats concernés par les fermetures annoncées, de façon à faire valeur leurs droits, chacun les siens car ils sont tous différents.

Je crois que c'est là la vraie voie : les magistrats communaux représentant les villages qui vont être privés de poste doivent être en première ligne, avec l'appui du Conseil d'Etat. A cet égard, votre machin n'a pas la portée que vous voulez bien lui accorder, sinon une portée agitatrice. Or, ce n'est pas par l'agitation que vous arriverez à trouver une solution, c'est par un travail en profondeur, mené par les magistrats communaux directement responsables, avec l'appui ferme et décidé du Conseil d'Etat. C'est ainsi que nous aurons le plus de chances d'y arriver. D'autant plus que nous ne sommes pas les seuls : le problème se pose dans toute la Suisse, dans tous les autres cantons. Il y a d'ailleurs des cantons, comme le Valais, le Jura ou Neuchâtel, qui sont bien plus lourdement atteints que nous. Et ce sont toujours les petites communes qui trinquent : c'est donc au niveau des petites communes qu'il faudra agir d'une manière générale, dans toute la Suisse.

Encore une fois, votre truc passe à côté d'une grande partie du sujet, parce qu'il n'atteint pas les personnes qu'il devrait atteindre. Voilà pourquoi ce projet de loi est inutile ; il faut au contraire créer une structure qui permette au Conseil d'Etat d'agir avec efficacité.

M. Carlo Lamprecht. J'ai été très sensible au compliment - je serais «adorable» - de M. le député Pierre Vanek : c'est la première fois qu'on me dit cela dans une enceinte politique, j'en suis très flatté !

Cela dit, j'aimerais préciser ici qu'en dehors du démantèlement des bureaux de poste, nous avons un deuxième problème, celui de la douane-poste. Sur ces deux problèmes bien distincts, ma préoccupation rejoint la vôtre : faire en sorte de trouver les meilleurs interlocuteurs pour parvenir à nos fins.

Par rapport à la douane-poste, nous avons réuni le 17 janvier les milieux économiques concernés par ce problème - qui, Monsieur Pagani, touche l'économie non seulement genevoise mais lémanique - ainsi que le syndicat de la communication, concerné au niveau des postes de travail et qui sait de quoi il parle s'agissant des conséquences de la suppression de la douane-poste. Nous avons aussi écrit à la Conférence des gouvernements de la Suisse occidentale. Mme Jacqueline Maurer, conseillère d'Etat en charge de l'économie du canton de Vaud, s'est jointe à ce groupe de travail, qui devra rencontrer la direction de la Poste. Nous avons déjà eu une première réunion avec M. Hürni, bras droit de M. Gygi qui a mis en place le concept, et nous lui avons fait part fermement de notre position. Le 18 janvier, nous avons rencontré, ici à Genève, le président de la Confédération, M. Leuenberger, pour lui faire part de nos préoccupations. Il nous a dit qu'il ne laisserait pas passer cette affaire de douane-poste, parce que sa suppression créerait véritablement un déséquilibre sur le plan confédéral. En conclusion, nous avons donc constitué ce groupe de travail - qui est plutôt économique, j'en conviens, mais qui comprend également des représentants du personnel de la Poste - pour intervenir sur ce premier problème.

Concernant le deuxième problème, la commission a refusé d'entrer en matière sur le projet de loi, mais pour ma part je n'ai pas attendu que les travaux de commission soient terminés pour agir. En l'occurrence, j'ai réuni les représentants du syndicat de la communication, le président de l'ACG et tous les maires des communes concernées, sauf la Ville de Genève, mais M. Tornare va se joindre à nous pour tout ce qui concerne le réseau de la Ville de Genève. J'en ai parlé avec lui et il m'a donné son approbation. Nous avons donc constitué un groupe de travail qui s'est déjà réuni, qui a rencontré les responsables de la Poste de la Suisse romande. Nous avons déjà eu un échange à ce niveau et nous avons pu voir quelles étaient les vraies intentions de la Poste, quelles étaient aussi les solutions que la Poste proposait. Ce groupe de travail doit maintenant rendre, après s'être concerté, une espèce de thèse de défense, ou plutôt d'attaque, à présenter à Berne pour défendre les bureaux de poste menacés.

Pour faire ce travail, qui est mieux armé que les maires des communes ? Ils connaissent les usagers, les personnes âgées de leur commune, ils savent quels problèmes poserait la fermeture du bureau de poste, ils savent ce qu'ils peuvent éventuellement faire avec la commune voisine et ce qu'ils ne peuvent pas faire. Ce sont des interlocuteurs, des élus comme vous et moi, qui prennent leurs responsabilités et qui doivent être associés ; c'est ce que j'ai voulu faire dans un premier temps. La Ville de Genève va se joindre à ce groupe, car elle sera également touchée et fortement : de nombreux bureaux de poste, et pas un seul comme à Saint-Jean, seront touchés.

Une structure est donc déjà en place, vous pourrez toujours la compléter si vous le voulez, mais je pense que les personnes qui la composent actuellement sont les mieux à même d'intervenir. Nous avons aussi écrit aux députés aux Chambres fédérales et je souhaite que tous puissent agir ensemble. Dans ce sens, il serait bon que le Grand Conseil, à travers une résolution forte, votée à l'unanimité, donne son appui à ce groupe de travail, lui permettant d'avoir le poids nécessaire. Le Conseil d'Etat, les maires des communes, le syndicat de la communication, la Ville de Genève et le Grand Conseil doivent, ensemble, faire valoir leur opposition au démantèlement du service public.

Voilà ce que nous avons fait ces deux derniers mois sur ce sujet. Ces groupes de travail sont en place, je ne sais pas s'il est très utile, pour l'instant, d'y ajouter du monde. Par contre, une ferme résolution de ce Conseil, votée à l'unanimité pour appuyer ces groupes de travail, me semble une excellente chose. (Applaudissements.)

M. Jean Spielmann (AdG). Je suis bien sûr tout à fait d'accord avec les propos de M. Dupraz concernant le rôle social de la Poste, du service public, son analyse sur le problème du marché et de sa suprématie, tout cela est bel et bon... Cela dit, j'assiste depuis maintenant plus d'une dizaine d'années au démantèlement des services publics les uns après les autres, sous prétexte d'améliorer, de rentabiliser, et je dois dire que relativement peu de personnes s'y sont opposées. Sur 246 élus nationaux, moins d'une dizaine se sont opposés aux premiers projets de privatisation des télécom avec séparation de la Poste. S'agissant des derniers projets de privatisation des chemins de fer, j'ai rappelé dans mon interpellation hier que les CFF étaient passés de 41 000 employés à 28 000, qu'on continue à réduire les effectifs, à réduire la sécurité, à réduire l'entretien des trains. Puis, tout d'un coup, on se rend compte qu'on a trop diminué le personnel, qu'on n'arrive plus à assurer le service, alors on va chercher des gens à l'extérieur de nos frontières pour les faire travailler à meilleur marché, tout en continuant à s'acharner sur la réduction des effectifs...

A un moment donné, il faut bien que la population ait connaissance de cette politique. M. Blanc parle d'agitation : je parlerai quant à moi d'une mobilisation nécessaire. En effet, il n'est pas possible de continuer dans cette direction sans que la population se prononce sur ce problème et sur son service public. Il est quand même nécessaire d'en discuter. Sans allonger sur les personnages clés qui sont en train de mettre en route cette politique, je rappellerai que le dernier nommé s'occupait auparavant de finances sous M. Otto Stich, qu'il s'était opposé à la mise en place de la nouvelle comptabilité permettant de voir la réalité des comptes de la Confédération, qu'il s'était obstiné jusqu'au bout à refuser tout changement dans le modèle financier. On a vu le résultat pour les comptes de la Confédération ! Depuis il a été éjecté et il s'acharne maintenant sur le service public de la Poste ! Ce sont là des gens dont il faut dénoncer non seulement l'incompétence, mais aussi l'arrogance et le rôle politique qu'ils entendent jouer.

Dans la bataille politique que nous menons pour le maintien du service public et, en ce moment même, contre la privatisation du service de l'électricité, il y a une réalité qu'il nous faut répéter sans arrêt, à savoir qu'il y a des secteurs d'activité qui échappent aux lois du marché, tels que la Poste, le service de l'électricité, les transports. Ces secteurs ne peuvent pas être soumis aux simples lois du marché, car il en va de l'équilibre économique de notre pays. Je crois qu'en Suisse on a su, comme nulle part ailleurs, maintenir l'équilibre du pays grâce aux services publics, grâce à des prestations qui soient les mêmes pour l'ensemble de la population dans toutes les régions périphériques. Et c'est ce qui nous a permis de bénéficier pendant des années d'une situation économique favorable. Saboter tout cela sans même réussir, comme l'a dit M. Dupraz, à réduire les déficits, c'est vraiment la plus grande des absurdités !

Face à cela, quelle décision prendre ? On peut bien sûr parler avec le syndicat de la communication, mais, pour avoir été longtemps président d'une des sections, je peux dire que ce syndicat a toujours soutenu toutes les réformes, toutes les privatisations. A propos de la dernière, il a encore déclaré que ce qui était en train de se mettre en place n'était pas si mal... C'est dire qu'il y a réellement nécessité de se tourner vers la population et un des moyens, c'est le projet de loi que nous proposons. Il ne s'agit pas là d'agitation, mais de mobilisation.

Cela dit, je suis bien sûr content de voir que le Conseil d'Etat prend ce problème au sérieux, avec d'autres conseillers d'Etat d'autres cantons, notamment ceux qui sont le plus touchés comme le Jura ou le Valais. Il est bien sûr judicieux d'aller dans cette direction. Mais il faudrait aussi que, dans les partis politiques, on cesse l'hypocrisie de se déclarer, ici, pour le service public et de voter, à Berne, toutes les privatisations. Encore une fois, sur 246 élus nationaux, moins d'une poignée s'opposent à ces privatisations.

D'autres problèmes ont été relativement peu évoqués dans ce processus de démantèlement des services postaux, qui concernent plus particulièrement la région frontière qu'est Genève, ce sont ceux liés à nos échanges avec la région. Depuis la mise en place des accords de Schengen et du dispositif européen sur la poste, le courrier ou la fiche de paie d'un frontalier qui travaille à Genève ne passent plus par la poste, directement de Genève à Annemasse, comme c'était le cas il y a quelques années, où des camions postaux acheminaient le courrier et les petits paquets. Aujourd'hui, le courrier passe obligatoirement par Bâle et par Lyon et met une dizaine de jours pour arriver à quelques kilomètres, de l'autre côté de la frontière. Il y a donc aussi une réalité frontalière qu'il faut prendre en compte. Si on veut développer la région, il faut aussi lui assurer les moyens de fonctionner : la poste, les transports, les services publics sont indispensables à une société pour fonctionner normalement.

La commission que nous proposons aujourd'hui est un instrument adéquat, nécessaire pour débattre avec la population du maintien du service public, à travers les contacts avec les communes, avec le Conseil d'Etat, avec les élus, avec les milieux économiques et les milieux syndicaux. Rien ne doit nous empêcher de renforcer au maximum la mobilisation contre ceux qui, dans ce pays, sont malheureusement prêts à continuer sur la voie du démantèlement des services publics. Pour notre part, notre combat est clair depuis le début. Cette proposition que nous faisons aujourd'hui fait partie d'un arsenal nécessaire, indispensable pour nous battre en faveur du service public.

M. Rémy Pagani (AdG), rapporteur de minorité. Je crois que l'intervention de M. Lamprecht était très significative, après celle de M. Dupraz qui, lui, parce qu'il est en campagne électorale... (Exclamations.) ...expliquait combien il s'était opposé, à Berne, à cette privatisation, alors que concrètement il n'a pas levé le petit doigt !

J'aimerais revenir sur l'intervention de M. Lamprecht. Il nous annonce que deux groupes seront mis en place et c'est bien là tout le problème : un groupe s'occupera de la douane-poste et l'autre des démantèlements que vont subir d'abord les petites communes et ensuite la Ville de Genève - car il est certain que les bureaux de poste en Ville de Genève vont aussi subir cette restructuration. Or, Mesdames et Messieurs, sans vous faire l'injure de vous expliquer ce qu'est une négociation puisqu'une majorité d'entre nous la pratiquons tous les jours, je rappellerai qu'au début de toute négociation on définit un cadre et des principes. Dans la proposition qui nous est faite par M. Lamprecht, un principe est déjà défini, c'est celui de la non-transparence et surtout de la séparation de la problématique de la douane-poste et de celle de l'ensemble des bureaux de poste de notre canton. Pour nous, la véritable transparence et la véritable justice sociale implique qu'il y ait une seule commission. En effet, à la fin de la négociation il s'agira en définitive de jouer les épiciers, les marchands de tapis : pour garder la douane-poste, importante, vitale pour l'économie, céderons-nous, par exemple, les petites postes de Gy ou d'autres communes ? Ou allons-nous demander aux petites communes d'assumer l'ensemble des prestations ? M. Dupraz l'a expliqué : la Poste exige une rentabilité absolue de chaque bureau de poste. Cela veut dire que les petites communes devront cracher au bassinet pour assurer l'équilibre financier de leur petite poste communale, ou qu'elles en seront nécessairement privées.

Il arrivera un moment où le Conseil d'Etat devra faire la part des choses et nul doute que les petites communes seront alors défavorisées, parce qu'elles seront absentes, parce qu'elles feront partie de l'autre groupe ad hoc désigné. Elles ne pourront jamais faire valoir leurs droits en termes de justice sociale. Nous voulons donc imposer, par notre projet de loi, un cadre commun à l'ensemble des négociations qui vont avoir lieu, afin que soient mises au même niveau, dans le même cadre de négociations, la douane-poste et la plus petite poste du canton, afin que chacun puisse faire valoir ses droits dans un cadre commun. C'est le principe même de toute négociation. Je m'excuse de vous le dire, Monsieur Lamprecht, mais en créant deux groupes ad hoc, vous pipez le jeu dès le départ, vous vous réservez la possibilité de sacrifier plusieurs postes communales au maintien de la douane-poste.

M. Christian Grobet (AdG). J'ai écouté avec attention M. Lamprecht. Je ne doute pas de votre bonne volonté, Monsieur le conseiller d'Etat, mais je suis obligé de faire le constat suivant. Nous nous sommes réunis en assemblée extraordinaire il y a une année et depuis, que s'est-il passé ? Au niveau de l'Etat, j'ai le regret de vous dire que je n'ai rien vu du tout, en tout cas dans les médias.

Par contre, n'en déplaise à M. Blanc, ce qu'il qualifie d'agitation et qui était en fait une mobilisation des habitants a permis l'année dernière de sauver une poste de quartier. Monsieur Blanc, lorsque vous dites, j'allais dire naïvement mais vous avez une telle expérience politique que le terme est totalement inadéquat, lorsque vous dites non sans cynisme que ne seront touchées que les petites communes, vous feignez d'ignorer ce que la Poste a concocté. Quant à moi, je constate qu'après une année de palabres dans des commissions dont personne ne connaît la composition effective ni comment elles travaillent, un rapport de M. Leuenberger et du nouveau directeur général de la Poste est tombé il y a quelques jours, qui est clair et net. A cet égard, M. Dupraz a rappelé que les économies recherchées sont de 500 millions et que les mesures dans les petites communes ne sont que la première tranche. Nous en sommes tous conscients. La tranche suivante touchera les postes en ville, c'est sûr.

Dans ce contexte, que nous propose-t-on ce soir ? Je dirai que, comme modèle d'hypocrisie, on ne fait pas mieux et que cette résolution est en fait déshonorante pour le Conseil d'Etat. En effet, le Grand Conseil est invité à demander au Conseil d'Etat «d'intervenir auprès des autorités fédérales afin qu'un droit d'information préalable et d'intervention, etc.» soit accordé ! Faut-il déposer une résolution pour demander au Conseil d'Etat d'intervenir ? Mais enfin, le Conseil d'Etat n'est-il pas capable d'intervenir de lui-même, faut-il que le Grand Conseil vienne le lui demander ? C'est quand même extrêmement étonnant, mais connaissant les signataires de la résolution je sais que certains, sur les bancs d'en face, ont l'habitude de tenir ce double discours, de feindre de se préoccuper du démantèlement des services publics, alors que leurs représentants à Berne sont les premiers à souhaiter ce démantèlement et à le voter. Ce sont les auteurs du démantèlement qui nous font face actuellement.

Par contre, j'avoue être plus déçu de voir une partie de la gauche voter aujourd'hui cette résolution sans consistance. Je comprends que vous soyez gênés, Mesdames et Messieurs les socialistes, de la politique menée par le groupe socialiste aux Chambres fédérales, qui a effectivement voté le démantèlement de la Poste, des CFF, des compagnies électriques. Je comprends cette gêne, mais n'est-ce pas aussi gênant de tenir un double discours, de prétendre être contre ce démantèlement sans voter les mesures concrètes visant à mobiliser les gens ? Vous avez pourtant des élus actifs dans vos rangs. C'est M. Lamprecht qui m'y a fait penser en disant tout le bien qu'il pensait des magistrats communaux : effectivement, il y a un magistrat de la Ville de Genève auquel j'entends rendre hommage, c'est M. Manuel Tornare, qui s'est beaucoup dépensé. Si vous entrez en matière sur notre projet de loi, le fait est que le délégué de la Ville de Genève serait la personne la plus adéquate pour présider cette commission. Je ne sais pas si cela sera suffisant pour nous rallier nos amis socialistes, encore que ce ne soit pas le but de cette proposition.

Quoi qu'il en soit, j'aimerais souligner que la Ville de Genève et les habitants du quartier de Saint-Jean ont donné l'exemple de ce qu'il faut faire, à savoir que les autorités doivent travailler avec les habitants des quartiers, avec les associations, que les gens doivent se manifester. Seule cette voix-là sera entendue à Berne. Une résolution adressée au Conseil d'Etat pour lui rappeler ce qu'il aurait dû faire il y a déjà une année, n'aura aucun effet du tout !

Mme Myriam Sormanni-Lonfat (HP). Christian, tu as très bien dit ce que j'allais dire, aussi je ferai très court !

Pour répondre à M. Blanc qui parle d'agitation, je dirai que, si le mouvement citoyen de Saint-Jean n'avait pas agité la République, on n'en serait pas là aujourd'hui. Quant à sa deuxième remarque sur le fait que ce projet de loi ne serait valable que dans le canton de Genève, ce n'est pas important : cela ne peut qu'inciter les autres cantons à faire comme nous et à se débrouiller.

Mesdames et Messieurs, la résolution est relativement creuse, alors que le projet de loi est beaucoup plus pertinent. Je vous recommande de le voter.

La présidente. On me demande la lecture de la pétition 1338. Le bureau propose de faire figurer ce texte au Mémorial, mais de ne pas le lire maintenant... Monsieur Vanek, êtes-vous d'accord avec cette proposition ? Bien, nous procéderons ainsi.

Secrétariat du Grand Conseil

Date de dépôt: 7 février 2001Messagerie

Pétitionpour le maintien de la poste de la Plaine

Mesdames etMessieurs les députés,

Les 473 signatures représentent une prise de position qui, dans sa simplicité est d'une éloquence extrême. Les habitants et riverains de notre village souhaitent le maintien de notre bureau de Poste, non pas uniquement pour des raisons sentimentales, mais surtout pour des raisons pratiques et pragmatiques. Les industries et commerces locaux y trouvent de prestations indispensables sur leur lieu d'établissement. Pour des frontaliers c'est un service au guichet et des cases postales utiles. Pour les nombreux résidents de notre commune la Poste est une institution quotidienne de voisinage dont l'utilité fait la preuve par sa fréquentation. Une présence postale personnelle et compétente n'est pas un luxe pour nous. De plus, par sa situation au centre du village et adjacente à l'école, notre bureau postale assure ses fonctions postales et bancaires pour la plupart entre nous et fait partie de notre vie. Un conseilleur national valaisan a bien dit ces derniers jours que "la poste est au coeur de nos villages".

Les alternatives proposées par la direction des Postes nous ne semblent point convaincantes et ne remplaceront jamais les prestations d'un buraliste compétent et les connaissances du terrain d' un bon facteur. Au niveau des emplois, on prétend que ceux des postiers de la région seront déplacés dans d'autres services. Or le buraliste, tout comme le maire, le cantonnier, le cheminot et l'instituteur compte dans la communauté comme un personnage dont la fonction mérite un certain suivi et respect. II est douteux que l'administration postale, penchée sur ses feuilles de calcul, tienne suffisamment compte de cet aspect des choses. Un ancien directeur de la régie l'exprime ainsi: "La Poste a perdu la confiance de ses clients et démotivée son personnel." Faisons en sort de lui donner tort !

Le discours de la notion du service public réellement au service de la population (au lieu de se comporter comme une entreprise aux bénéfices faramineux pour ses actionnaires) a été suffisamment exposé ailleurs, mais mérite d'être rappelé, car ce débat est loin d'être clos.

Pour ces raisons nous vous demandons de tout mettre en oeuvre envers les autorités fédérales afin de maintenir notre Poste, tout comme les autres offices en sursis, et ainsi d'assurer l'identité et la qualité de notre village.

En conclusion nous comptons sur vous de donner suite à notre pétition et la transmettre aux instances compétentes. Vous remerciant d'avance de l'attention que vous voudrez bien porter à la présente, nous restons à votre disposition pour des plus amples renseignements.

PL 8189-A

La présidente. Nous passons au vote d'entrée en matière sur le projet de loi 8189. L'appel nominal a été demandé. (Appuyé.)

Celles et ceux qui l'acceptent répondront oui, et celles et ceux qui le rejettent répondront non.

Ce projet est rejeté en premier débat par 38 non contre 18 oui et 19 abstentions.

Ont voté non (38) :

Esther Alder (Ve)

Bernard Annen (L)

Florian Barro (L)

Luc Barthassat (DC)

Roger Beer (R)

Janine Berberat (L)

Claude Blanc (DC)

Fabienne Bugnon (Ve)

Caroline Dallèves-Romaneschi (Ve)

Gilles Desplanches (L)

Hervé Dessimoz (R)

Jean-Claude Dessuet (L)

Hubert Dethurens (DC)

Daniel Ducommun (R)

Pierre Ducrest (L)

Michel Ducret (R)

John Dupraz (R)

Jacques Fritz (L)

Pierre Froidevaux (R)

Philippe Glatz (DC)

Nelly Guichard (DC)

Michel Halpérin (L)

René Koechlin (L)

Bernard Lescaze (R)

Alain-Dominique Mauris (L)

Etienne Membrez (DC)

Jean-Louis Mory (R)

Geneviève Mottet-Durand (L)

Vérène Nicollier (L)

Jean-Marc Odier (R)

Michel Parrat (DC)

Catherine Passaplan (DC)

Pierre-Louis Portier (DC)

Jean Rémy Roulet (L)

Stéphanie Ruegsegger (DC)

Walter Spinucci (R)

Micheline Spoerri (L)

Pierre-Pascal Visseur (R)

Ont voté oui (18) :

Marie-Paule Blanchard-Queloz (AG)

Dolorès Loly Bolay (HP)

Bernard Clerc (AG)

Anita Cuénod (AG)

Jeannine de Haller (AG)

Erica Deuber Ziegler (AG)

René Ecuyer (AG)

Christian Ferrazino (AG)

Magdalena Filipowski (AG)

Luc Gilly (AG)

Gilles Godinat (AG)

Christian Grobet (AG)

Cécile Guendouz (AG)

Danielle Oppliger (AG)

Rémy Pagani (AG)

Myriam Sormanni-Lonfat (HP)

Jean Spielmann (AG)

Pierre Vanek (AG)

Se sont abstenus (19) :

Charles Beer (S)

Christian Brunier (S)

Nicole Castioni-Jaquet (S)

Alain Charbonnier (S)

Jacqueline Cogne (S)

Jean-François Courvoisier (S)

Pierre-Alain Cristin (S)

Régis de Battista (S)

Alain Etienne (S)

Laurence Fehlmann Rielle (S)

Mireille Gossauer-Zurcher (S)

Mariane Grobet-Wellner (S)

Dominique Hausser (S)

Antonio Hodgers (Ve)

Jacques-Eric Richard (S)

Albert Rodrik (S)

Christine Sayegh (S)

Françoise Schenk-Gottret (S)

Alberto Velasco (S)

Etaient excusés à la séance (5) :

Michel Balestra (L)

Jean-Pierre Gardiol (L)

Alexandra Gobet (S)

Yvonne Humbert (L)

Pierre Meyll (AG)

Etaient absents au moment du vote (19) :

Jacques Béné (L)

Anne Briol (Ve)

Nicolas Brunschwig (L)

Thomas Büchi (R)

Juliette Buffat (L)

Marie-Françoise de Tassigny (R)

Henri Duvillard (DC)

Anita Frei (Ve)

Morgane Gauthier (Ve)

Janine Hagmann (L)

David Hiler (Ve)

Georges Krebs (Ve)

Armand Lombard (L)

Pierre Marti (DC)

Louiza Mottaz (Ve)

Véronique Pürro (S)

Louis Serex (R)

Olivier Vaucher (L)

Salika Wenger (AG)

Présidence :

Mme Elisabeth Reusse-Decrey, présidente

R 438

Mise aux voix, cette résolution est adoptée. Elle est renvoyée aux Autorités fédérales.

Elle est ainsi conçue :

Résolution

(438)demandant aux autorités fédérales d'associer la Conférence des directeurs cantonaux aux travaux de révision législative touchant les grands services publics, notamment celui de La Poste

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant :

à intervenir auprès des autorités fédérales afin qu'un droit d'information préalable et d'intervention en faveur de la Conférence des directeurs cantonaux concernés soit inclus lors de toutes les révisions législatives à venir touchant les grands services publics, notamment celui de La Poste.

R 418

M. Daniel Ducommun (R). Madame la présidente, au nom du groupe radical, je vous informe que nous retirons la résolution 418-A.

La présidente. Je vous remercie. Il est pris acte de ce retrait.