République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 15 février 2001 à 17h
54e législature - 4e année - 5e session - 5e séance
M 1140-A
La Commission de l'économie a traité la proposition de motion 1140, déposée devant le Grand Conseil le 13 mai 1997, au cours de la séance du 23 octobre 2000. M. Carlo Lamprecht, conseiller d'Etat en charge du Département de l'économie, de l'emploi et des affaires extérieures, MM. Jean-Charles Magnin, directeur des affaires économiques et Christian Goumaz, directeur des affaires juridiques, DEEE ont suivi les travaux lors du débat sur le texte de la motion. M. Jean-Luc Constant a été le procès-verbaliste de la séance, qu'il trouve là les remerciements pour la qualité et la précision de son travail.
Il est constaté que cette motion a été déposée lorsque les banques se montraient réticentes en matière d'aide aux entreprises et d'une manière générale, c'est durant cette même période que différents outils ont été mis en place sur les plans cantonal et communal, en particulier la LAPMI, Start-PME et la Fondetec.
La mise en place de ces structures a connu un bilan positif malgré quelques échecs enregistrés.
Plus récemment, il a été procédé à l'ouverture d'un guichet destiné aux entreprises, qui a répondu à 800 demandes en une année et demie et à la création d'un site Internet permettant la connexion entre des entreprises qui recherchent des capitaux et d'autres qui cherchent à les placer.
M. Lamprecht souligne de plus qu'un tissu de soutien aux entreprises a vu le jour, qu'une importante relance économique est apparue et, qu'à son sens, cette motion n'est plus d'actualité.
Lors de la discussion, il est mentionné que cette motion donnerait l'occasion d'établir un recensement de tous les outils mis à disposition, permettant d'examiner si les objectifs convergent tous dans le même sens et de relever les doublons.
La troisième invite est devenue le point central de cette motion et y amène toute l'actualité, je cite :
« à proposer toute mesure législative utile pour abolir les concurrences fiscales, immobilières, etc., intercantonales dans le développement économique afin de créer en 5 ans une politique régionale commune de développement. »
Pour la dimension régionale soulignée par cette invite, il faut notamment relever que les cantons de Genève et Vaud essayent de promouvoir leur savoir-faire industriel, tout en sachant que chacun des deux cantons connaît des caractéristiques différentes.
Cette invite pose toute la question de l'avenir de l'Arrêté Bonny, lequel offre des facilités dont profitent, entre autres, les cantons de Neuchâtel, du Jura et, dans une moindre mesure, le canton de Vaud.
Il faudrait laisser, comme le souhaite le département, les diverses expériences se poursuivre puisqu'il est considéré que celles-ci se trouvent au début d'un processus par lequel les collectivités se réapproprient une activité dévolue jusqu'alors aux banques.
La demande d'audition n'est pas retenue.
Il est suggéré de suspendre le traitement de cet objet et le vote d'entrée en matière jusqu'à la prochaine séance.
La présidente met au vote la proposition ci-dessus :
Ce vote permet la poursuite des travaux.
En résumé, il est constaté que cette motion devient obsolète avec les différentes structures mises en place depuis lors ; il est proposé de suivre l'avis du département et de refuser cette motion.
La présidente met aux voix la proposition :
Comme il en est ressorti des travaux de la commission, la majorité de celle-ci vous recommande, Mesdames et Messieurs les députés, de rejeter la motion 1140.
- le besoin de gérer de façon partenariale, entre entreprises, secteur public et société civile, la création d'emplois et le développement d'un tissu socio-économique;
- la nécessité de soutenir des projets entrepreneuriaux, par l'apport de fonds propres de lancement, dits capital-risque;
- que la région formée par la Suisse occidentale permet une gestion du développement innovant, grâce à un bassin de population de 1,5 à2 millions d'habitants;
- le soutien apporté par de nombreux cantons et autres pouvoirs publics au capital-risque,
1. à établir dans un délai de 2 ans un Conseil régional du capital de lancement ou toute autre institution remplissant les mêmes fonctions, disposant d'un capital de dotation pour assurer son fonctionnement;
2. à coordonner, par un pool ou réseau de compétences professionnelles apolitiques, les soutiens publics romands au capital-risque afin de rechercher les synergies les meilleures; le cas échéant, par la création d'un fonds romand d'investissement, et avec l'appui des banques cantonales;
3. à lui proposer toute mesure législative utile pour abolir les concurrences fiscales, immobilières, etc., intercantonales dans le développement économique afin de créer en 5 ans une politique régionale commune de développement.
Débat
M. Alain Charbonnier (S), rapporteur ad interim. Ces derniers temps en commission, nous avons eu à examiner deux ou trois objets plus ou moins sur le même thème que celui de cette motion. Nous souhaiterions donc pouvoir renvoyer cette motion en commission pour pouvoir la traiter en même temps que ces objets.
M. Carlo Lamprecht. Je rappelle tout de même que cette motion a été déposée le 13 mai 1997, c'est dire que de l'eau est passée sous les ponts depuis. Toutefois, un certain nombre de choses ont été effectuées dans le sens de cette motion.
Tout d'abord des instruments ont été mis en place pour favoriser la création d'entreprises et le financement de ces créations d'entreprises à travers Start-PME, la LAPMI, Fondetec et, dernièrement, nous avons mis en place un projet de microcrédit destiné à financer des auto-emplois.
Cette motion parlait aussi d'une politique régionale de promotion économique... Eh bien, je rappelle que le canton de Vaud est partie prenante à l'office de la promotion industrielle depuis peu de temps.
Enfin, le Conseil d'Etat est intervenu à plusieurs reprises aussi bien à Berne qu'auprès de la Conférence des gouvernements de la Suisse occidentale à propos de l'arrêté Bonny. Et, même si nous n'avons pas eu satisfaction sur ce point, je considère néanmoins que le travail a été fait. La majorité de la commission a d'ailleurs estimé que cette motion n'avait plus lieu de figurer à l'ordre du jour, puisque le travail avait été effectué.
Alors, je ne sais pas si vous voulez, quatre ans après, renvoyer cette motion en commission. Pour ma part, je ne m'y oppose pas si c'est votre volonté, mais j'aimerais bien savoir à quoi elle peut bien correspondre aujourd'hui étant donné le travail qui a déjà été fait dans ce sens. A-t-elle vraiment encore lieu d'exister ? Je le répète, je veux bien en parler à nouveau en commission si vous le désirez, mais je trouve que cela n'en vaut pas la peine eu égard au fait que la motion a été déposée il y a quatre ans, que le travail a été effectué depuis et que la majorité de la commission pense qu'elle n'a plus sa raison d'exister. Mais, si vous voulez revenir sur l'avis de la commission, ou la commission maintient ce qu'elle a décidé ou elle change d'avis aujourd'hui et elle décide de renvoyer cette motion en commission. Nous sommes prêts à recommencer le travail s'il y a de nouveaux arguments à mettre sur le tapis.
M. Armand Lombard (L). Comme le dit très justement M. Lamprecht de l'eau a coulé sous les ponts... Ce n'est pas forcément une mauvaise chose... D'abord, cela arrive assez souvent, et puis, je le répète, ce n'est pas forcément une mauvaise chose.
Etant donné que le département a entrepris de nombreuses actions, comme c'est d'ailleurs le cas dans d'autres cantons - j'entendais il y a quelques jours le chef du développement vaudois, M. Sermet, dire combien son canton avait réussi à développer des structures intéressantes et dynamiques - je trouve choquant que la commission n'ait même pas fait une audition à ce sujet.
Je vous le rappelle, pour ceux qui ne le savent pas, le but est de coordonner au niveau romand les politiques de développement, de transferts technologiques, etc. Et, puisque des relations sont véritablement établies, comme M. Lamprecht l'a bien précisé, il me semble pour le moins frappant que certains d'entre nous ne s'engagent pas pour discuter avec Fribourg et le Valais alors qu'ils s'engagent dans le combat pour l'Europe !
Comme d'autres objets sont en cours de discussion à la commission de l'économie sur le financement des entreprises privées et des jeunes entreprises qui démarrent, je pense que ce serait une bonne chose de renvoyer cette motion en commission. Peut-être pourrait-on modifier cette motion qui, comme le dit M. Lamprecht, est un peu dépassée...
Et puis, la coordination, la nécessité de mettre en commun des outils, de ne pas se faire des concurrences indues inutilement, d'une politique régionale commune de développement - ce qui est un gros bateau - ne sont pas réalisées, de mon point de vue. Je trouve donc que ce serait une bonne chose d'examiner à nouveau cette motion en commission, en prévoyant une ou deux auditions sur le sujet.
M. Carlo Lamprecht. J'accepte très volontiers le renvoi en commission de cette motion.
La présidente. Monsieur Pagani, je vous donne la parole, mais uniquement sur le renvoi en commission.
M. Rémy Pagani (AdG). Je m'étonne de la réaction de M. Lamprecht ! Pour une fois, j'allais le soutenir sur sa première position et, tout d'un coup, il change d'avis : il dit être d'accord avec le renvoi de cette motion en commission !
Je fais partie de cette commission depuis peu, mais il est certain qu'elle avance à pas de sénateur. Nous avons auditionné le département, et nous nous sommes rendu compte en commission que tout ce que vient de dire M. Lamprecht était vrai, s'agissant non pas de la coordination de la politique vis-à-vis du capital-risque mais de tout ce qui a déjà été fait depuis quatre ans pour mettre sur pied des procédures et des protocoles dans ce domaine. Nous avons pris acte de la position du gouvernement qui est tout à fait convaincu de la nécessité de coordonner l'ensemble des politiques au niveau intercantonal.
Je vois donc mal, Messieurs des bancs d'en face, comment nous pourrions, simplement en renvoyant cette motion en commission et en auditionnant les personnes intéressées, coordonner ces actions, alors que le gouvernement s'est déjà engagé à le faire ! Cette motion va être renvoyée en commission, M. Lamprecht va nous redire qu'il est d'accord de tout mettre en oeuvre pour coordonner les politiques cantonales, et nous traiterons à nouveau cet objet en plénière pour le renvoyer au Conseil d'Etat... Je trouve cela aberrant ! Je préférerais renvoyer immédiatement cette motion au conseiller d'Etat pour qu'il nous fasse un rapport dans six mois, comme il se doit, sur la politique qu'il s'est engagé à mettre en oeuvre devant la commission !
M. David Hiler (Ve). J'ai tout de même l'impression qu'en ce qui concerne le capital-risque proprement dit les outils qui ont été développés à Genève sont encore très limités... L'ensemble du développement de ces outils concerne l'aide au crédit. Mais l'aide au crédit, ce n'est pas le capital-risque... Le capital-risque, c'est dangereux et compliqué. Cela consiste à prendre des participations, à perdre huit à neuf fois sur dix, et à faire, une fois sur dix, un gain important - c'est un envol - ce qui permet de faire tourner le tout... Ce ne sont probablement pas des cantons qui peuvent se lancer dans de telles opérations. Seules les caisses de pension étatiques ensemble et les banques cantonales peuvent dégager une certaine somme et des compétences pour se lancer. Tout cela reste à faire !
De ce point de vue, je soutiendrai plutôt la proposition de M. Pagani. Nous vous envoyons le bébé en vous disant que nous ne sommes pas prêts pour le capital-risque en raison du manque d'instruments et de la complexité de la matière et en vous suggérant d'essayer, si c'est votre souhait. Vous nous direz ensuite ce qu'il est possible de faire avec les instituts existants pour avoir le capital de base mais, surtout, les compétences - ce qui me paraît le plus délicat...
A mon avis, nous devons voter cette motion et la renvoyer au Conseil d'Etat - c'est une bonne solution - tout en ayant admis - mais cela ne ressort pas du rapport - que pour ce qui est du capital-risque nous nous situerions à peu près à 2,5 sur une échelle de 1 à 10, c'est-à-dire presque rien...
M. Charles Beer (S). Il serait possible de suivre la proposition de M. Pagani et de M. Hiler de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat, mais, au départ, M. Pagani semblait soutenir M. Lamprecht qui, lui-même, refuse la motion... Il faudrait, me semble-t-il, lever les équivoques sur ce point !
Maintenant, s'il s'agit de renvoyer cette motion telle quelle au Conseil d'Etat, il faut juste prendre conscience du fait qu'effectivement la motion n'est plus tout à fait actuelle, pour dire les choses comme elles sont.
Si on retrouve cette motion aujourd'hui avec la proposition qui est faite, c'est simplement parce qu'elle a été, à mon avis, traitée en dehors de la vision générale qui aurait voulu qu'on inclue, au moment de l'étude, la question du financement des entreprises innovantes que nous devons également traiter. D'où la proposition de renvoyer cette motion en commission pour traiter la question du financement des entreprises innovantes en parallèle à la question du capital-risque. En effet, il faut avoir une vision globale s'agissant du financement des PME pour obtenir un tissu relativement dynamique; il ne faut pas uniquement se reposer sur les multinationales et les apports indéniables de la promotion économique.
M. Claude Blanc (PDC). J'avoue que je comprends de moins en moins...
En commission il était apparu que cette motion était effectivement obsolète. D'ailleurs ce sont les trois partis de gauche - la majorité parlementaire - qui ont fait la différence ! Deux AdG, deux socialistes et deux Verts ont décidé qu'il fallait refuser cette motion ! Et maintenant, ils viennent nous dire qu'il faut la renvoyer au Conseil d'Etat !
Alors, que les libéraux, fidèles à eux-mêmes, aient voté pour le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat, je peux le comprendre... Pour notre part, nous nous sommes abstenus, car, comme vous, nous pensions que cette motion était devenue obsolète mais comme elle était signée par quelques-uns de nos amis, nous n'avons pas voulu leur faire de peine... Mais que vous, Mesdames et Messieurs de la majorité parlementaire qui avez refusé cette motion, qui faites un rapport par la voix de M. Richard, étrangement relayé aujourd'hui par son collègue de parti pour dire qu'il faut refuser cette motion, vous nous disiez maintenant qu'il faut l'accepter... (Exclamations.) Mais oui, M. Pagani et M. Hiler ont dit qu'il fallait l'accepter ! C'est ce que j'ai compris ! ...j'aimerais bien que vous m'expliquiez cette volte-face !
Mais peut-être les libéraux vous ont-ils soudoyés... (Rires.) Je ne sais pas, mais j'aimerais bien savoir !
M. Alain-Dominique Mauris (L). Non, Monsieur Blanc, ce ne sont pas les libéraux qui les ont soudoyés, parce qu'ils n'ont plus de sous... (Rires.)
Je crois que c'est plutôt la sagesse qui l'emporte ! La remise en question de ce soir me semble intéressante. Cette motion n'a absolument rien d'obsolète. Je l'ai relue et je n'y ai rien vu d'obsolète. C'est vrai que l'économie a repris, c'est vrai que tout le monde a retrouvé le sourire, et cette motion garde son actualité.
Pour notre part, nous soutenons le renvoi de cette motion en commission, car nous estimons que l'approche par rapport au capital-risque doit à nouveau être examinée. Il faut aussi bien garder présent à l'esprit, Mesdames et Messieurs, que le canton de Genève avait beaucoup de retard par rapport à l'aide aux entreprises et que, même si des pièces ont été mises en place dans ce puzzle et que le département a fait un énorme travail, il reste encore beaucoup à faire.
La motion propose trois domaines d'actions, et il serait bon qu'ils soient correctement examinés en commission, notamment la troisième invite. Et je m'étonne que certains d'entre vous n'aient pas retenu cette invite dont le but est d'abolir les concurrences fiscales, immobilières, etc., intercantonales ! En effet, combien de fois dans ce parlement avons-nous critiqué cette surenchère en matière de concurrence ! Eh bien, la commission pourrait se donner également les moyens d'étudier correctement cette invite, faire un rapport circonstancié et l'envoyer, ensuite, au Conseil d'Etat.
Je vous remercie donc de renvoyer cette motion en commission.
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, je mets aux voix la proposition de renvoyer cette motion en commission.
Mis aux voix, le renvoi de cette proposition de motion à la commission de l'économie est adopté.
La présidente. Nous saluons à la tribune la présence d'un groupe de personnes qui suit un cours sur le fonctionnement politique de la Suisse : rôle et pouvoir des instances politiques et des citoyens et citoyennes. (Applaudissements.)