République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1378
6. Proposition de motion de Mmes et MM. Marie-Françoise de Tassigny, Philippe Glatz, Nelly Guichard, Roger Beer, Mariane Grobet-Wellner et Alexandra Gobet concernant les mesures de soutien scolaire et parascolaire pour les enfants et les adolescents à QI élevé ou «surdoués». ( )M1378

EXPOSÉ DES MOTIFS

Quel que soit le modèle pédagogique choisi, un principe d'épanouissement voudrait que l'on distingue les besoins scolaires spécifiques des enfants dit « surdoués » de ceux ayant un QI dans la moyenne. L'attention qui leur sera portée bénéficiera aussi aux autres élèves car il a été observé qu'en retour, ces élèves pouvant en entraîner d'autres, c'est le niveau de réussite aux examens de toute une école qui peut augmenter (DES 1992).

Quelles que soient les définitions de l'intelligence et les modèles pédagogiques relatifs, il convient d'intégrer la quantification de l'intelligence la plus répandue dans le monde en intégrant la notion de QI dans les programmes scolaires genevois. Cela permettra alors de bénéficier directement de l'apport considérable d'études scientifiques déjà pratiquées à ce sujet.

Si tous les élèves surdoués étaient reconnus, environ 3000 situations seraient signalées à Genève. La reconnaissance des enfants « surdoués » par les enseignants à partir de certains traits de personnalité (plus grande curiosité, caractère autodidacte, ennui à l'école…) et de leur mode d'apprentissage représente une marque d'équité entre enfants, en particulier envers ceux provenant de milieux moins favorisés dont les parents sont parfois moins sensibilisés à la surdouance, et par conséquence une meilleure prévention de l'échec scolaire.

Pour autant, un haut QI ne se voit pas forcément lors d'un entretien psychologique ou par un comportement en classe car des enfants très intelligents (QI à 200) peuvent même mimer les comportements de cancres en refusant l'école ou en s'enfermant dans la solitude (Gross 1992). Or ce QI n'est pas de pratique courante dans les services compétents à Genève. En le devenant et en l'effectuant notamment à la demande des intéressés ou de leurs familles, on éviterait l'écueil de formuler de faux préavis négatifs. En rendant libre la pratique de ce test au coût d'environ 250 F en pratique privée, on donne au système scolaire la possibilité de prendre plus facilement conscience des différences entre enfants sans discriminer ceux dont les parents ont des revenus modestes.

Les surdoués pensent et apprennent différemment des autres enfants. Cela signifie qu'ils ont des stratégies générales propres, incluant la planification, le contrôle et l'évaluation. Ces différences provoquent pour eux une plus grande souffrance psychologique : comprenant vite, ils deviennent inattentifs dès qu'un professeur répète les connaissances à apprendre au point de se mettre dans un état de rêverie et de perdre en définitive le fil du discours. Il existe des techniques dites « d'entretiens guidants » assurés par les enseignants permettant à ces élèves d'utiliser et d'organiser leurs propres capacités autodidactes sans les « étouffer » dans un modèle d'enseignement (Wertsch 1990).

Les filles « surdouées » font facilement l'objet de discriminations entre élèves car on leur reproche de ne pas être assez « féminines » (Freeman 1983). Ceci est responsable d'un taux de troubles dépressifs supérieur aux garçons. Les conseils personnalisés donnés par des enseignants formés à la notion de surdouance aident ces jeunes filles à renforcer leur estime propre et à mieux s'accepter (Arnold et al. 1994).

Comme les autres enfants, les surdoués doivent aussi affronter de vrais défis intellectuels. Fonctionner en permanence à un niveau intellectuel inférieur au sien peut être cause de stress supplémentaire (Freeman 1995). Même s'il ne mentionne pas le cas des « surdoués » et qu'il ne concerne pas toute la scolarité, le projet de programme d'enrichissement scolaire à la carte contenu dans le Projet de réforme de l'enseignement primaire est déjà appréciable. Mais il convient d'offrir des enrichissements scolaires aux élèves qui en font la demande durant toute leur scolarité et non pas seulement au cours de l'enseignement primaire. Pour en faciliter l'accès, il convient également d'organiser des campagnes d'information envers les parents, les élèves et les enseignants quant à la liberté de réaliser jusqu'à deux sauts de classe si les facultés personnelles d'assimilation le permettent.

Parfois, la meilleure possibilité d'enrichissement de l'enseignement est encore apportée par les parents qui connaissent finalement mieux que quiconque la spécificité de leurs enfants (Freeman 1991). En étant soutenus matériellement par la mise à disposition de locaux et financièrement par un budget de fonctionnement, les groupes d'entraide de parents pourraient apporter un soutien nécessaire aux enfants à moindre frais pour le Département de l'instruction publique.

Trop peu est encore connu actuellement de manière fiable sur la qualité des tests de dépistage de la surdouance tels qu'ils sont pratiqués par l'entourage des enfants (on ignore par exemple combien d'élèves ils ne dépistent pas), sur la nature des différences d'intelligence entre enfants surdoués (car le QI n'a pas pour objet de décrire les « hautes » formes d'intelligence) et sur l'efficacité à long terme des modèles pédagogiques spécifiques. De telles voies de recherches devraient être encouragées et soutenues par le DIP.

En espérant que vous ferez bon accueil à cette motion qui détermine l'avenir de notre société, nous vous demandons, Mesdames et Messieurs les députés, de renvoyer cette motion à la Commission de l'enseignement et de l'éducation.

Débat

Mme Marie-Françoise de Tassigny (R). Cette motion a pour objectif de mettre en oeuvre des soutiens scolaires de différents types pour les enfants surdoués. Vous me direz : pourquoi aider les enfants surdoués ? Il s'agit en fait de soutenir des enfants ayant une grande soif d'apprendre et une intelligence qui permet de nourrir cet intérêt. A l'instar des enfants ayant des difficultés scolaires, nous nous devons de nous préoccuper de cette catégorie de la jeunesse - environ 3000 enfants à Genève - car, si nous ne le faisons pas, ces enfants peuvent dépérir et même devenir des cancres. Quel gâchis ! Il en va aussi de l'égalité de traitement : donner des moyens aux surdoués, tels qu'on en donne à ceux qui ont d'autres potentiels. De plus, nous devons être attentifs à ces enfants qui ont la chance d'avoir un QI supérieur : peut-être demain seront-ils les Nobel de Genève !

Premièrement, les enseignants sont actuellement démunis pour le signalement de ces enfants, dérangeants ou, pour certains, passifs. Deuxièmement, il serait indispensable d'offrir à ces enfants des programmes d'enseignement différents. Toutes ces spécificités devront être étudiées par la commission de l'enseignement et de l'éducation. Nous vous remercions, Mesdames et Messieurs les députés, de soutenir cette motion.

Mme Janine Hagmann (L). Cette motion est assez intéressante, car il est beaucoup plus habituel, dans cette enceinte, de parler des élèves à problèmes que des surdoués. Encore qu'on puisse se poser la question : un surdoué n'est-il pas aussi un cas quelque peu problématique ?

Les considérants de la motion indiquent que 3% à 5% des enfants sont surdoués, ce qui veut vraisemblablement dire qu'adultes ils vont le rester. Dans cette enceinte, il n'y aurait donc que 4% à 5% de gens surdoués ! Il faudra peut-être que les députés, qui ont facilement un complexe de supériorité, se posent des questions sur leur quotient intellectuel... (Exclamations.) Trêve de plaisanterie, je me réjouis d'étudier cette motion en commission, car je doute personnellement qu'il y ait vraiment 3000 élèves dans la scolarité obligatoire qui montrent des qualités de surdoués.

Je voudrais rappeler que toutes les réformes qui se mettent en place tendent à individualiser l'enseignement. Dans l'idéal, évidemment, aucun enfant ne devrait s'ennuyer à l'école. Dans l'idéal toujours, l'enseignement doit donner une formation équilibrée, qui englobe les savoirs, les savoir-faire et les savoir-être. Un enfant au quotient intellectuel supérieur éprouve peut-être d'autres difficultés relationnelles, physiques, ou manque de sens artistique... Il me paraît vraiment important que la «surdouance» figure dans les phases d'élaboration des projets pédagogiques et de recherche, mais il faudra étudier si la pratique de détection des quotients intellectuels n'offre pas des inconvénients et n'amène pas à des ghettos.

Par expérience, je sais que les parents ont souvent tendance à estimer que leurs enfants sont surdoués. Il est bon que cette motion soit renvoyée à la commission de l'enseignement, comme l'a demandé Mme de Tassigny, car nous pourrons voir, à cette occasion, si le DIP est capable de prendre les dispositions nécessaires pour faciliter la tâche des enseignants avec tous les élèves de leurs classes.

La présidente. La parole n'est plus demandée. Je mets aux voix le renvoi de cette motion en commission.

Mise aux voix, cette proposition de motion est renvoyée à la commission de l'enseignement et de l'éducation.