République et canton de Genève

Grand Conseil

RD 383
a) Rapport du Bureau du Grand Conseil (Mmes et MM. Daniel Ducommun, Elisabeth Reusse-Decrey, Janine Berberat, Catherine Passaplan, Marie-Paule Blanchard-Queloz et Antonio Hodgers) au Grand Conseil concernant le rapport de la Commission d'experts instituée par la résolution 413 (situation de la prison de Champ-Dollon). ( ) RD383
 Mémorial 2001 : Rapport divers, 52.
RD 384-1
b) Rapport de la commission des visiteurs officiels du Grand Conseil (3e année de la législature 1997-2001). ( -) RD384
 Mémorial 2001 : Rapport divers, 52.
Rapport de M. Dominique Hausser (S), commission des visiteurs officiels du Grand Conseil
P 1303-A
Pétition : Enseignant à Champ-Dollon. ( -) P1303
 Mémorial 2001 : Rapport, 52.
Rapport de M. Jean-Marc Odier (R), commission des visiteurs officiels du Grand Conseil
P 1305-A
Pétition concernant l'autorisation pour les détenus de Champ-Dollon à disposer d'ordinateurs personnels équipés de CD-Rom et d'imprimantes. ( -) P1305
 Mémorial 2001 : Rapport, 52.
Rapport de M. Jean-Marc Odier (R), commission des visiteurs officiels du Grand Conseil
P 1306-A
Pétition pour autoriser les détenus à apporter des friandises à leurs enfants lors des visites. ( -) P1306
 Mémorial 2001 : Rapport, 52.
Rapport de M. Jean-Marc Odier (R), commission des visiteurs officiels du Grand Conseil

11. Suite du débat sur les objets suivants :

 c) Rapport de la commission des visiteurs officiels du Grand Conseil chargée d'étudier les objets suivants :

Suite du débat

Mme Jeannine de Haller (AdG). Je voudrais commencer par le rapport de la commission des visiteurs pour remercier M. Hausser, qui a rédigé un rapport absolument remarquable, et remercier toute la commission pour le travail passionnant que nous avons pu accomplir l'année passée.

Je parlerai surtout du rapport de la commission d'experts, experts indépendants nommés par le Grand Conseil. Je voudrais les remercier pour la qualité de leur travail, pour le temps consacré - absolument considérable - aux auditions, aux rencontres et aux discussions. Par leur travail approfondi, ils ont répondu à nos attentes. Il nous faut relever la pertinence de nos demandes réitérées d'enquête, malgré l'attitude totalement inadéquate du conseiller d'Etat en charge du département de justice et police et le non-respect des décisions prises par le Grand Conseil. Nous avions voté au mois de décembre en faveur d'une commission d'experts indépendants. M. Ramseyer a nommé en janvier deux autres commissions d'experts, dont nous n'avons pas vu les rapports. La commission d'experts nommée par le Grand Conseil a elle-même dû attendre trois mois avant de pouvoir commencer son enquête. Entre-temps, les deux rapports commandités par le Conseil d'Etat à MM. Pettmann et Dysli n'ont pas été communiqués à cette commission d'experts, alors que celle-ci a été mandatée par le Grand Conseil, et le rapport de M. Pedrazzini ne lui a été fourni que caviardé, comme il l'a d'ailleurs été à la commission des visiteurs officiels. Il manque douze pages à ce rapport, qui n'ont été transmises ni à la commission des visiteurs ni à la commission d'experts nommée par la résolution 413.

Il est absolument scandaleux de traiter de cette façon-là des députés et des experts mandatés. Malgré toutes nos demandes, nous n'avons pas pu obtenir ces deux rapports, ni les pages manquantes du rapport Pedrazzini. Par son refus d'ouvrir les yeux, le conseiller d'Etat M. Ramseyer a laissé la situation se détériorer.

Même si la plupart des faits décrits aujourd'hui dans le rapport d'experts appartiennent heureusement au passé, il est quand même nécessaire d'en reparler aujourd'hui. Il est précisé, dans l'introduction du rapport de la commission d'experts : « Il lui paraît important d'insister sur les dysfonctionnements qui sont apparus sous la précédente direction, pour contribuer à éviter leur éventuelle réapparition à l'avenir. » C'est également pour éviter la réapparition de la cécité du Conseil d'Etat que nous nous devons d'insister ce soir ! Ce rapport mentionne également dans son introduction le caractère obsessionnel que revêtait la sécurité aux yeux de l'ancien directeur ainsi que « le détestable climat de vive tension et d'incitation à la délation », déjà relevé par Mme Bugnon. Quant à certains projets de l'ancien directeur, ils étaient, selon le rapport, à tel point irréalistes ou inopportuns qu'ils perturbaient non seulement nombre de professionnels, mais bien entendu aussi les détenus. Il est intéressant de relever que le directeur d'alors avait récupéré des grades et les avait octroyés à divers gardiens, sans toutefois procéder à des évaluations sérieuses de leurs compétences. Il leur avait confié des responsabilités pour lesquelles ils n'étaient pas formés et qu'ils avaient de la peine à assumer. La défiance est devenue la règle entre les collègues, ce d'autant que la délation était ouvertement encouragée. On ne parlera même pas du système d'évaluation mis en place par la direction à la suite du cours pour futurs cadres supérieurs, où les copies étaient détruites sitôt corrigées et notées, alors que l'échec à ces examens avait pour conséquence de bloquer tout avancement pendant une année.

Mais plus grave encore, le climat malsain s'est répercuté sur les détenus. Les relations entre le personnel et les détenus se sont terriblement dégradées. D'ailleurs, le temps consacré à parler avec les personnes détenues était considéré par le directeur comme une perte de temps. Ce qui, bien évidemment, s'est avéré lourd de conséquences, puisqu'il n'a plus été possible, pour les gardiens, de gérer ce qu'ils faisaient précédemment, c'est-à-dire des conflits en puissance ou des situations de détresse. Mentionnons encore une croissance extrêmement importante des heures supplémentaires, M. Hausser en a parlé tout à l'heure. Il s'agit de plus de 40 000 heures ! Un autre point absolument incroyable est à relever dans le rapport des experts. Il l'a en fait été par les éducateurs et les animateurs de la prison. Ceux-ci avaient élaboré un projet d'atelier du livre. Ce projet était dans leurs ordinateurs. Personne ne sait très bien comment, mais c'est la direction qui s'est saisie de ce projet sans demander leur autorisation. La direction est entrée dans les ordinateurs de ces gens sans leur en avoir parlé auparavant.

En résumé, le constat généralisé tiré des nombreuses auditions effectuées par la commission d'experts relève les simulacres de concertation, les faits accomplis, les sanctions ou les représailles en cas de protestation. Les conclusions auxquelles les experts sont arrivés montrent que les tensions rencontrées à Champ-Dollon ont pour principale raison une conception erronée de la mission de l'ancien directeur, couplée à une gestion du personnel qui n'a pas tenu compte des contraintes en vigueur dans l'administration, ce d'autant que la prison est un service public et non une entreprise visant la productivité. Cette gestion inappropriée a déstabilisé le personnel. Les détenus ont subi des restrictions dans leurs droits. Les investigations de la commission l'ont convaincue que ni la surpopulation, par ailleurs réelle et préoccupante, ni la provenance des personnes incarcérées, pays en guerre, ni un manque d'effectif du personnel, réel lui aussi, ne sont de nature à expliquer les problèmes rencontrés. Ainsi, malgré tout ce que M. Ramseyer a voulu faire croire à ce Grand Conseil, la commission a constaté que les problèmes évoqués, pas plus que leurs solutions, n'avaient de connotation politique. Pour preuve, les deux rapports consacrés aux conditions de détention dans les établissements pénitentiaires français, déposés en juin 2000, qui démontrent à satisfaction que l'analyse approfondie des problèmes pénitentiaires n'a strictement rien à voir avec des clivages politiques simplistes.

Les recommandations des experts indépendants touchent tous les problèmes qu'ils ont relevés. Certains de ces points sont actuellement à l'étude au sein de la commission des visiteurs. D'autres ont déjà trouvé une solution ou sont en voie d'en trouver une. Par contre, concernant la nomination d'un ou d'une futur(e) directeur ou directrice de Champ-Dollon, il nous faut aujourd'hui nous montrer particulièrement attentifs à ne pas répéter les erreurs du passé. Selon les recommandations du rapport 383, un soin particulier doit être apporté quant au choix du directeur et aux garanties de formation. L'exigence d'une formation universitaire complète doit être posée clairement, l'expérience ne devant en aucun cas primer cette exigence. Nous ajoutons quant à nous ce que nous avions déjà exprimé dans l'exposé des motifs de la motion 1297, déposée en juin 1999. Le choix de la personnalité d'un directeur de prison mérite d'être traité avec un soin exceptionnellement approfondi. Il faut notamment que cette personne fasse preuve d'un sens aigu des rapports humains et d'une éthique remarquable quant au respect des droits humains. Cela suppose une personnalité psychologiquement équilibrée qui n'évolue pas dans le registre de l'insécurité et d'une peur génératrice d'attitudes autoritaires et donc provocatrices. Ce n'est qu'ensuite que ses capacités de gestionnaire et d'organisateur doivent être prises en considération. J'espère que le Conseil d'Etat tiendra compte de ces exigences pour la nomination du futur directeur !

Mme Esther Alder (Ve). En premier lieu, j'aimerais remercier le rapporteur, M. Dominique Hausser, pour son excellent rapport qui retrace parfaitement les travaux de la commission. J'aimerais également remercier la commission d'experts, cela a déjà été fait, pour son précieux travail. Sans revenir sur ce qui a été dit, j'insisterai, en ce qui concerne Champ-Dollon, sur le fait qu'il s'agit aujourd'hui de tirer les leçons du passé, à savoir de mesurer combien il peut être destructeur, déstabilisant et perturbateur lorsqu'il y a inadéquation entre une direction inappropriée et un établissement tel que Champ-Dollon. Selon nous, une prison ne se manage manifestement pas comme une entreprise. Dans une prison autant qu'ailleurs, les sensibilités sont à fleur de peau. Aussi est-il impératif qu'un esprit humaniste en soit le ciment.

Concernant les mineurs, le problème est enfin en voie de résolution avec l'agrandissement de la Clairière. Mais même si les mineurs ne seront plus, dans le futur, incarcérés à Champ-Dollon, ni à Riant-Parc, cela ne doit pas nous satisfaire. En effet, d'autres pistes doivent être explorées. Par exemple la création de postes de médiateur culturel, en relation notamment avec la question des enfants manouches arrêtés à Genève.

Un autre point a été mis en évidence par plusieurs rapports. C'est la question des délinquants sexuels. Il nous apparaît vraiment impératif que le concordat puisse disposer de moyens suffisants pour une prise en charge adéquate, à l'instar de ce qui se fait dans d'autres pays, je pense notamment au Canada. Il en va de même pour l'article 43 du Code pénal, soit les « mesures concernant les délinquants anormaux », pour lesquels l'encadrement psychosocial devrait largement l'emporter sur l'enfermement.

Aujourd'hui plus que jamais, la prison représente l'envers du décor, constituant le réceptacle de tout ce que la société rejette. Or, il est impératif que des réponses plus pointues et plus différenciées soient apportées et que l'enfermement ne constitue pas la seule réponse. Nous vous invitons donc, Mesdames et Messieurs, à accepter les conclusions de ce rapport !

Mme Jacqueline Cogne (S). Je serai beaucoup plus brève que mes préopinants. Leurs propos montrent bien ce qui s'est passé pendant longtemps à Champ-Dollon, avant que notre commission ne travaille sur le problème existant.

Je tiens évidemment beaucoup à remercier notre rapporteur, même s'il est de mon propre parti, parce que son rapport est excellent ! Je tiens surtout à remercier les experts pour leur très bon travail. J'ajouterai juste quelque chose à propos du quartier cellulaire de l'hôpital. Lors de la dernière législature, un rapport d'expert a été déposé sur le bureau de Mme Anni Stroumza, alors directrice au DASS, rapport qui proposait semble-t-il au département un meilleur emplacement géographique et un meilleur plan financier du quartier cellulaire de l'hôpital. Je dis « semble-t-il », car aucun commissaire ne l'aurait apparemment lu ! Mais M. Segond, sur la lancée de la victoire de l'assurance-maternité, va poursuivre dans son élan de générosité et nous remettre ce rapport avant la fin de cette législature... Ce serait vraiment sympathique !

Je continue aussi sur ma lancée à propos de l'hôpital. Il s'agit d'un petit complément d'information concernant la pétition 1305 et les imprimantes. Depuis le dépôt de cette pétition, vingt PC viennent d'être loués à Champ-Dollon et une quinzaine d'imprimantes ont été réadaptées par la division informatique de l'hôpital cantonal et données à la prison. Un suivi est ainsi assuré entre les deux établissements. Par ailleurs, le service informatique de l'hôpital cherche actuellement à assurer une plus grande confidentialité pour les détenus hospitalisés, notamment à Belle-Idée. Il me semble dès lors nécessaire de remercier également l'hôpital cantonal pour sa participation. Nous pourrons par la suite travailler sur les conditions de détention au quartier cellulaire.  

Mme Janine Berberat (L). Je remercie tout d'abord M. Hausser pour son rapport qui reflète effectivement tous nos travaux et qui a permis d'aboutir à un vote consensuel. Mes propos se référeront aux travaux des experts.

Il y a un an, ce parlement, tous partis confondus, souhaitait trouver des solutions pour sortir l'établissement de Champ-Dollon de la crise qu'il traversait. Mais le harcèlement politique de certains, les méthodes employées, plus proches d'une république bananière que de gens civilisés, nous ont divisés sur la nécessité d'une nouvelle expertise. Quatre raisons ont alors motivé le refus de l'Entente. La première, c'était l'ingérence du Grand Conseil dans la gestion du personnel par le Conseil d'Etat. La deuxième, la multiplication des expertises - il y en avait déjà trois - et l'absence de base légale pour la quatrième, proposée par un groupe de députés. En troisième lieu, il y avait aussi et surtout un doute quant à la notion de neutralité et d'indépendance de certains experts désignés. Enfin, il y avait la non-reconnaissance du travail effectué par la commission des visiteurs, commission qui procédait alors aux auditions des différents intervenants sur le terrain et des détenus.

Votre majorité, Mesdames et Messieurs des bancs d'en-face, l'a emporté. Le rapport est aujourd'hui déposé. Nous ne sommes pas déçus quant à nos doutes et quant aux raisons qui nous ont poussées à nous y opposer. Par rapport à notre premier doute, nous restons convaincus que le Conseil d'Etat est et doit être le seul responsable des nominations et non-nominations de son personnel et de ses cadres. Il lui incombe de prendre ses décisions et ses responsabilités dans le calme et le respect des personnes qu'il emploie. S'agissant de notre deuxième doute, la multiplicité des expertises a fait que vos experts ont dû attendre leur tour. Ils le déplorent d'ailleurs dans leur rapport, car il y avait, disent-ils, embouteillage. Cela pourrait prêter à rire si ce n'était déstabilisant, voire humiliant pour les personnes travaillant sur le terrain et qui ont été expertisées au peigne fin. Et puis, il faut bien le dire, cela coûte cher aux contribuables. Pour ce qui est de notre troisième réserve, nous vous avions fait part de nos doutes sur le choix de vos experts, soi-disant neutres, mais qui, comme l'avait dit un député, avaient déjà rendu leur verdict avant de commencer. Je vous rappelle aussi que l'une des membres de la commission d'experts est à l'origine de plusieurs articles de presse, de dénonciations et auteur d'une pétition contre le directeur de Champ-Dollon. On peut bien sûr passer outre ce genre de détail, surtout lorsque le but poursuivi est clairement annoncé, celui de placer le directeur que l'on veut !

Je me permets quelques remarques et interrogations sur le rapport présenté. Premièrement, s'agissant de la référence aux noms des membres de la direction à propos de leur audition, il n'était franchement pas nécessaire de les retranscrire dans le texte, ce d'autant qu'il n'est pas évident d'opérer clairement la distinction entre ce qui est réellement dit par les personnes questionnées et les commentaires personnels des experts. Les noms auraient pu être cités en annexe du rapport. Cela aurait amplement suffit. Par ailleurs, une grande part du rapport est dévolue à l'audition des gardiens. Lorsque nous avons demandé aux experts combien de gardiens ils avaient auditionnés, quels étaient leur représentativité dans la hiérarchie, les tranches d'âge concernées par rapport à leur formation par exemple, quelles étaient les demandes spontanées ou celles sollicitées, les experts nous ont répondu qu'ils n'avaient pas tenu de comptabilité, qu'ils avaient plutôt été un bureau de réclamations, recevant les doléances et l'expression du ras-le-bol de ceux qui voulaient bien venir s'exprimer. Nous regrettons pour notre part ce manque de rigueur qui nous laisse sur notre faim et engendre un doute. Troisièmement, il manque dans ce rapport un élément important. C'est le cahier des charges ou, si vous voulez, les objectifs demandés par le Conseil d'Etat à M. Jean-Michel Claude. Tout nouveau directeur reçoit de son supérieur hiérarchique des directives plus ou moins précises, des objectifs à atteindre. Rien n'est dit là-dessus ! Cela me paraît pourtant important dans la mesure où M. Claude n'était pas un étranger pour le Conseil d'Etat, puisqu'il avait occupé des postes à haute responsabilité dans la fonction publique. Sa façon d'être et sa façon de travailler étaient donc connues et nous aurions souhaité, de la part des experts, qu'elles soient mises en regard des attentes que l'on avait de lui et aussi des difficultés qu'il a rencontrées à Champ-Dollon à cette époque, comme la surpopulation, les violences entre détenus d'ethnies différentes et aussi, Mesdames et Messieurs, le culte quasi mythique du directeur précédent.

Mais il serait injuste de ne voir dans ce rapport que ce qui ne s'y trouve pas. Le directeur de Champ-Dollon ayant été relevé de ses fonctions dès le début du mandat des experts, ceux-ci ont souhaité apporter une contribution constructive en proposant des recommandations très pertinentes, recommandations que vous retrouvez aussi dans les rapports de MM. Odier et Hausser. Ce qui vous prouve, Mesdames et Messieurs, que la commission des visiteurs n'a pas démérité dans son travail d'investigation et dans ses recommandations.

Je voudrais pourtant relever un passage qui n'a échappé à aucun et qui souligne, pour moi, toute la valeur de l'analyse pertinente que représente ce document. Il se trouve à la fin de la page 36 du rapport d'expertise : « Les juges d'instruction qui ont reçu notre commission - donc la commission des experts - expriment certaines réserves à l'égard de la commission des visiteurs de prison du Grand Conseil qui, à leurs yeux, ne remplit pas exactement son office. Ils souhaitent une solution nouvelle, plus efficace, plus disponible et plus professionnelle, donc expérimentée. » En sport, cela s'appelle, Mesdames et Messieurs les députés, un autogoal !

Il faut bien le dire, la remarque des juges d'instruction est pleinement justifiée. Depuis le début de cette législature, la commission des visiteurs a connu des dérives politiques qui l'ont éloignée des buts qu'elle poursuit et de ses compétences. Pour commencer, il y a eu le rapport Ruchat, qui n'a su que caricaturer le monde carcéral au lieu de l'aider, puis il y a eu la ruée, pour ne pas dire la curée, sur la direction de Champ-Dollon, avec la multiplication de commissions d'enquête, dont aucune ne nous apparaît vraiment impartiale dans son approche et inventive dans ses propositions. Les juges d'instruction, comme les experts et comme les autres intervenants que nous entendons aujourd'hui, ont raison de nous rappeler à nos réalités. Nous sommes, la commission des visiteurs, une commission politique, qui doit, à ce titre, apporter sa contribution aux décisions politiques. Nous sommes une commission unique en Suisse dans cette composition. Tout nous encourage à jouer les ambassadeurs pour trouver des synergies entre institutions et cantons et à encourager les concordats.

Mesdames et Messieurs les députés, tout ne peut pas être partout, que ce soit dans la politique de détention des mineurs ou dans la difficulté à créer des établissements appropriés pour accueillir les personnes au bénéfice d'une mesure au sens de l'article 43 du Code pénal. Nous avons donc une place à occuper. Vouloir se substituer au Conseil d'Etat pour l'engagement d'un directeur, expliquer les jugements et l'application des peines, se transformer en assistants sociaux, c'est tout simplement entrer dans une dérive qui conduira à terme à la professionnalisation de la commission de visiteurs de prison et, surtout, à l'extinction de notre commission. C'est une sérieuse réflexion que nous menons en commission en ce moment. Toutes les auditions nous démontrent que nos moyens et nos compétences de députés de milice ne sont pas en adéquation avec nos nouvelles ambitions. Sommes-nous complémentaires ou devons-nous nous substituer aux autres instances ? A nous de savoir ce que nous voulons réellement et de prendre nos responsabilités ! Comme l'a dit M. Lescaze à propos de ce sujet justement : « Si les Hollandais ont de belles tulipes, c'est parce qu'ils s'occupent de leurs oignons ! » Le groupe libéral prend acte de ce rapport !

M. Albert Rodrik (S). Mme Cogne s'étant exprimée au nom du groupe socialiste, j'aborderai un point particulier. L'automne dernier, dans le rapport du groupe d'experts en psychiatrie, comme dans le rapport du groupe d'experts que nous traitons aujourd'hui, est revenue la question, pour ce que la loi sur les affections mentales appelle l'établissement psychiatrique d'accueil, des détenus purgeant leur peine après avoir été jugés sous l'empire de l'article 43 du Code pénal suisse. Le poids de ces présences dans la clinique psychiatrique a été signalé dans les deux rapports et n'est plus anodin.

On ne répétera jamais assez que nos hôpitaux sont des lieux de soins, d'enseignement et de recherche et non pas des lieux de détention. Que la solution ne soit pas simple, c'est évident et personne ne va préconiser des ghettos d'article 43. A cela s'ajoute ce que M. Segond connaît bien, c'est-à-dire à quel point le Tribunal tutélaire est friand des articles 397A et suivants du Code civil, soit de la privation de liberté à des fins d'assistance, et à quel point il a une passion fatale pour nos hôpitaux et nos EMS pour y placer les personnes faisant l'objet de cette privation de liberté à des fins d'assistance. Il est donc temps que soit abordée cette question de l'exécution de peine en lieux inadéquats, pour que l'on s'occupe enfin de ces personnes, dans des lieux conçus pour cela. Tout métier est respectable, mais les professionnels de la santé sont des professionnels de la santé, comme dirait M. de La Palice, et ce poids devient trop important pour la seule clinique psychiatrique du canton. S'il y avait au moins un choix, une diversité... Je recommande donc au Conseil d'Etat de ne pas oublier, puisque nous avons, à intervalle de trois mois, une conjonction de rappels à ce sujet.

Enfin, je voulais corroborer les propos de Mme Berberat. Les compétences du Conseil d'Etat sont les compétences du Conseil d'Etat, à charge pour lui de savoir les appliquer... 

M. Jean-Marc Odier (R), rapporteur. Je ne prends pas la parole au sujet des pétitions, mais pour faire un commentaire sur l'ensemble des travaux de la commission des visiteurs.

Tout d'abord, on peut effectivement remercier M. Hausser pour son rapport, M. Hausser qui, tout au long de l'année, a été assidu à relever nos travaux et à les retransmettre dans un rapport sur lequel la commission est tombée d'accord, avec pour ma part un bémol concernant le passage un peu polémique et accablant sur le directeur de l'établissement. Ce n'était plus nécessaire de revenir sur le sujet et dans ces termes dans le rapport.

Il y aura effectivement un problème à régler concernant les heures supplémentaires. La direction de Champ-Dollon doit s'en occuper impérativement. C'est quelque chose qui est nécessaire au niveau de l'administration et du fonctionnement de la prison, afin que l'on puisse retrouver le calme et un climat serein dans l'établissement.

Je rejoins par ailleurs M. Rodrik sur l'importance de la prise en considération des personnes faisant l'objet d'un internement au sens de l'article 43 du Code pénal. Ce sera un aspect important qui devra, à mon avis, plutôt être confié au milieu médical. Il faudra que le parlement lui en donne les moyens. Quant à la seconde piste, les mineurs, la commission poursuit son travail à ce sujet. C'est un dossier que l'on doit aussi suivre afin qu'il n'y ait plus de mineurs à Champ-Dollon, à part les cas exceptionnels, mais en tout cas pas dans la proportion observée à la fin de l'année dernière, soit une centaine de mineurs incarcérés à Champ-Dollon.

J'ai également réfléchi au travail de la commission. Celle-ci a en effet consacré, durant la dernière année, un nombre incalculable d'heures aux visites, à Champ-Dollon ou dans les établissements concordataires romands, ainsi qu'aux auditions d'experts. La commission a énormément travaillé. On se rend ainsi compte que le domaine est vaste et que le sujet est très lourd à porter si l'on fait correctement son travail. Or, la mission de la commission s'arrête théoriquement au contrôle des conditions de détention, mais ne touche pas vraiment au fonctionnement des établissements. Tout ceci reste donc à évaluer. La commission devait faire quelques recommandations dans ce sens.

Un tout petit rappel historique pour dire que la commission des visiteurs était à l'origine une commission des visiteurs de prisons, mais aussi de visiteurs de malades en hôpitaux. Ces personnes étaient nommées par le Conseil d'Etat et rendaient visite aux personnes seules, à savoir aux détenus seuls ou aux malades hospitalisés. Ceci pour vous dire que le travail de la commission s'est profondément développé depuis le temps où cet organisme a été créé, non pas que le travail actuel ne doive pas être fait, mais je me demande s'il relève vraiment du rôle du parlement. On ne parle plus seulement des conditions de détention, mais on évoque beaucoup plus les questions de fonctionnement. La commission des visiteurs a tendance à se transformer en commission d'enquête, ce qui devient assez courant pour le parlement. Je peux tout à fait l'admettre, mais une commission d'enquête parlementaire permanente apparaît déjà plus discutable. Une commission d'enquête implique à mon avis une objectivité. Or, lorsqu'on mêle politique et enquête, cette objectivité n'est pas forcément respectée. Une commission parlementaire doit prendre des dispositions, légiférer, faire des propositions de législation sur la base de constats, des constats qu'elle n'a pas forcément formulés elle-même, mais qui peuvent provenir d'ailleurs.

Si je n'étais, à l'origine, pas forcément favorable à la création de la commission d'experts, j'y adhère de plus en plus sur le principe, car le domaine pénitentiaire est un sujet vaste que l'on doit confier à des spécialistes. Maintenant, le choix des spécialistes reste effectivement discutable. Je verrai beaucoup plus un travail de spécialistes déposant un rapport au parlement, lequel prendrait ensuite des dispositions en fonction de ce rapport. Cela d'autant plus que la commission des visiteurs n'est pas la seule à effectuer des visites à Champ-Dollon. Mandat est en effet aussi donné aux juges d'instruction de rendre mensuellement visite aux détenus. Nous allons visiter les détenus pour parler des conditions de détention. De leur côté, les juges d'instruction vont parler aux détenus qui rencontrent un problème de procédure. Lorsque les juges ont affaire à des détenus qui parlent de conditions de détention, ils les invitent à s'adresser à la commission des visiteurs. Quant à nous, nous expliquons que ce n'est pas à nous de parler de la procédure et nous invitons les détenus concernés à poser leurs questions aux juges. Il y a donc un véritable doublon, ce qui n'est pas normal. Il serait donc bien d'améliorer le système en procédant différemment. Ce qui m'amène à penser qu'il serait bon de supprimer la commission des visiteurs, de confier ce travail à des spécialistes, des experts en la matière, qui rendraient un rapport à la commission des Droits de l'Homme, qui, elle, statuerait sur la base d'un constat. C'est une proposition qui pourra bien entendu faire l'objet d'une réflexion en commission. 

M. Pierre Froidevaux (R). Le groupe radical prend acte du RD 383 et du RD 384. Concernant le rapport au Bureau de la commission d'experts concernant la résolution 413, cette commission fait référence à la gestion antérieure de la prison et rappelle que Denis Choisy avait établi un climat de confiance. Ce n'est évidemment pas le groupe radical qui s'opposera à de telles conclusions, vu le soutien que nous avons toujours apporté à la politique de Denis Choisy. Nous avons eu quelques réflexions lorsque M. Claude a été nommé. Il a fallu laisser du temps au département pour se déterminer. Nous avons pris acte du fait que l'ensemble des difficultés ont été gérées, à notre satisfaction, et nous n'entendons pas revenir sur le passé.

Quant au RD 384, nous pouvons encore relever l'ensemble des propositions formulées dans ce rapport. Nous constatons que vous faites beaucoup référence, Monsieur le rapporteur, au problème de la direction de la prison de Champ-Dollon, qui est à ce jour réglé. Afin d'envisager une vision politique, je propose que nous parlions plutôt d'avenir. Or, ce rapport contient très peu de propositions. L'essentiel a été réglé lors du travail concernant les pétitions.

Je constate qu'il y a toujours une confusion dans le rôle de l'établissement pénitentiaire de Champ-Dollon. Il faut savoir que cet établissement joue un rôle de prévention. Les personnes y sont incarcérées pour un temps très court, souvent pour les besoins de l'instruction uniquement. Elles sont relâchées après un court laps de temps. On ne peut donc pas envisager la mise en place de programmes tels que ceux que l'on peut trouver dans des établissements d'exécution de peines, comme à Bellechasse ou à Bochuz. Il y a donc, à mon sens, une confusion dans l'esprit de nos commissaires qui souhaiteraient que l'ensemble des performances que peuvent atteindre ces établissements se retrouve à Champ-Dollon.

Il existe, M. Rodrik l'a évoqué, la possibilité pour Genève d'accueillir spécifiquement des personnes faisant l'objet d'une mesure au sens de l'article 43 dans le cadre d'un concordat intercantonal. Il faut cependant rappeler, s'agissant de la réflexion lancée par M. Rodrik, qu'il est extrêmement difficile de rassembler tous les articles 43, la plupart des personnes concernées étant poursuivies pour des infractions d'origine sexuelle. Les spécialistes nous ont rapporté à quel point il était plus utile de pouvoir les répartir dans les différents établissements, avec à chaque fois un programme adapté. Un rassemblement de ces personnes risquerait au contraire de les exclure à jamais de la société, puisqu'ils peuvent se confronter ensemble et se rassurer ensemble d'un certain degré de perversité. Voilà comment les experts nous ont présenté ce projet il y a quatre ans. C'est pour cela que je mets un bémol sur la proposition que vous avez formulée, Monsieur Rodrik.

Quant aux autres propositions, le groupe radical en prend acte et propose à ce parlement d'en faire autant. 

M. Pierre-Alain Cristin (S). Je ne peux m'empêcher d'intervenir suite aux propos de Mme Berberat et de M. Froidevaux sur le rapport de la commission d'experts. Cette commission nous a quand même rendu un rapport affligeant sur la gestion de Champ-Dollon sous l'ère de son ancien directeur. A ce propos, j'aurais quelques remarques à formuler comme ancien commissaire de la commission des visiteurs de prison. J'aimerais d'abord rappeler combien il aura fallu se battre en commission et en coulisse pour connaître certains détails de la gestion de Champ-Dollon. Il nous aura fallu beaucoup de sagacité pour transpercer le rideau de fumée mis en place par le département de justice et police. Pour obtenir enfin certaines informations, nous nous rappellerons de la mise en place de la commission d'experts proposée par ce parlement, court-circuitée par le département avec le rapport de M. Pedrazzini, rapport remis caviardé à la commission après un bras de fer incroyable.

Nous voilà enfin avec un rapport complet et indépendant qui met le doigt sur plusieurs dysfonctionnements. Les gardiens, par exemple, nous expliquaient à l'époque, lors des visites à Champ-Dollon, que tout se passait très bien et que l'ensemble du personnel soutenait M. Claude. Il se trouve, en lisant le rapport des experts, que l'on comprend exactement le contraire. Que s'est-il passé ? Changements de grades, désorganisation générale des horaires de travail avec une importante augmentation des heures supplémentaires, la restructuration du service social concernant le sport, le cinéma, l'impossibilité d'utiliser le terrain de football ont entraîné des manifestations de détenus et encore bien d'autres conséquences sur lesquelles je ne m'étendrai pas. Ce que nous pouvons remarquer en tout cas, et avec enchantement, c'est la modification qui a suivi le changement de direction. Le calme est revenu parmi les détenus et une gestion moins militaire fait aujourd'hui que la prison a retrouvé un calme relatif.

Pour terminer, je persiste à constater qu'il a fallu, pour en arriver à cette réforme, un temps extrêmement long, malgré les avertissements et les recommandations d'un certain nombre de députés membres de la commission des visiteurs et issus de tous les bords politiques. Le résultat étant là, nous sommes satisfaits du travail de la commission d'experts. Mais une fois de plus, ceux qui ont le plus souffert de cette situation, qui a trop duré, sont les premiers intéressés, c'est-à-dire les détenus eux-mêmes. 

M. Dominique Hausser (S), rapporteur. Mesdames et Messieurs les députés, permettez-moi d'apporter quelques éléments complémentaires suite aux diverses interventions que nous venons d'entendre.

Je rappelle que le rapport de la commission des visiteurs a été adopté à l'unanimité de ses membres et que les membres unanimes de cette commission recommandent de prendre acte du rapport de la commission d'experts. C'est un point extrêmement important.

J'aimerais par ailleurs soulever trois aspects. Le premier concerne le rôle de la commission parlementaire des visiteurs de prisons. Il est vrai qu'il s'agissait historiquement - M. Odier l'a rappelé - d'aller visiter les personnes seules dans les divers établissements publics de ce canton. Aujourd'hui, les règles sont totalement différentes. C'est une commission qui a pour but de vérifier le respect des conditions de détention dans tous les lieux de privation de liberté en vertu du droit pénal ou administratif. Bien entendu, cela implique non seulement de relever d'éventuels abus, mais aussi, pour prévenir les problèmes de détention, de vérifier de quelle manière fonctionnent ces établissements, contrairement à ce que disait Mme Berberat. L'engagement du personnel relève de la seule responsabilité du Conseil d'Etat, puisqu'il s'agit effectivement d'un service de l'administration et donc de l'Etat. Il n'empêche. Lorsqu'on constate des déficiences, il est de notre devoir, en tant que parlementaires, de relever les problèmes, il est de notre devoir, lorsqu'on a été trompé, de nous montrer un tout petit peu plus prudent et d'essayer, en amont, d'obtenir des garanties afin que soient résolus les problèmes que nous avons soulevés dans ce parlement, qui n'est pas une république bananière ! Il y a en effet vote selon des processus démocratiques. Une majorité et une minorité se forment. Les minorités sont par définition des mauvaises perdantes, les majorités décident. Cela fait partie des règles démocratiques telles qu'elles sont instituées par la constitution et telles qu'elles sont répercutées au niveau de la loi portant règlement du Grand Conseil.

A partir de ce moment-là, lorsqu'on nous roule dans la farine, il est logique que l'on s'interroge sur les problèmes, non pas après coup en terme de dénonciation, mais que l'on essaye de voir de quelle manière les choses peuvent être réglées autrement. M. Odier parle de la nomination d'experts. On ne sait pas en quoi ils sont compétents ou incompétents, plus compétents ou plus incompétents que des élus du peuple. A ce niveau-là, il convient de rappeler le rôle du parlement, qui est bien entendu le législateur, mais qui a aussi un rôle de contrôle de gestion à assumer. C'est là un des aspects importants de la commission des visiteurs officiels : pour respecter les droits de la personne, il est nécessaire que le fonctionnement soit approprié. C'est le premier point.

Le deuxième point concerne le rôle des juges d'instruction et leur obligation, en vertu de l'article 148 du Code de procédure pénale, d'aller visiter, non pas l'ensemble des personnes détenues, mais l'ensemble des personnes détenues préventivement par décision de l'autorité judiciaire, et de contrôler dans quelle mesure ces personnes sont correctement détenues, avec la compétence supplémentaire de vérifier dans quelle mesure la procédure est respectée. La commission des visiteurs a reçu, voici quelques semaines, les juges d'instruction. Ceux-ci sont effectivement convaincus qu'il y a doublon. Ils pensent que ce contrôle des conditions de détention relève bel et bien de la compétence de la commission des visiteurs et non pas de leur compétence. Ils doivent trouver d'autres procédures pour s'assurer du respect des lois par leurs collègues. Parce que c'est de cela qu'il s'agit. Lorsqu'un juge contrôle une procédure judiciaire, il examine en fait si le juge d'à côté a correctement fait son boulot. Il me semble cependant que cette compétence relative à la procédure judiciaire relève aussi du Conseil supérieur de la magistrature. Par contre, en termes de conditions de détention, cette compétence est bel et bien parlementaire. Ce ne doit pas être une compétence d'experts, aussi bons soient-ils. Nous pouvons nous associer le concours d'experts. La loi portant règlement du Grand Conseil le prévoit. Nous pouvons faire appel à des personnes qui ont de l'expérience dans ce domaine-là, mais je crois très clairement que le contrôle de gestion de cette activité spécifique relève, comme l'ensemble des activités de l'administration publique, des compétences du Grand Conseil. Il est vrai que nous sommes aujourd'hui limités, parce que nous sommes un parlement de milice. Nos tâches se complexifient à un point tel qu'elles nous demandent un temps de travail et de réflexion qui empiète sur nos nuits, sur nos week-ends et sur nos loisirs. Il y a peut-être là une piste de réflexion qu'il conviendra d'emprunter.

Dernier point, la commission d'experts mandatée par le Grand Conseil a été la troisième. Son attente n'a cependant pas été liée à la collision des experts nommés par le Conseil d'Etat ou le Grand Conseil, mais est due à un conseiller d'Etat qui a essayé de lui mettre les bâtons dans les roues. Lorsque M. Pedrazzini, expert nommé par M. Ramseyer, a rendu son rapport, financé par des deniers publics, il nous a fallu plusieurs semaines pour en obtenir une copie. La copie que nous avons reçue était cependant caviardée ! Que l'on ait caviardé des noms, c'est normal. Le caviardage des douze pages de recommandations faites à la direction nous a quand même mis la puce à l'oreille et nous a fait comprendre qu'il y avait probablement des problèmes plus importants que ceux qui étaient apparus jusque-là. En lisant les blancs, nous avions plus d'informations qu'en lisant l'ensemble du texte. C'était d'ailleurs plus vite fait. Dans ce sens, il a fallu taper sur le clou pour parvenir à une régularisation de la situation et à une diminution des tensions.

M. Laurent Moutinot. S'agissant tout d'abord du rapport de la commission des visiteurs, le département de justice et police et des transports lui réserve bon accueil. Il constate que l'ensemble des propositions de la commission entre dans le cadre de la création de l'office pénitentiaire, que vous avez approuvé en même temps que le budget, ou fait partie des objectifs de cette nouvelle instance. Le département vous remercie par conséquent, Mesdames et Messieurs les députés, de la qualité de votre travail qui témoigne d'un retour à la rigueur et au sérieux dans un domaine qui fut, malheureusement, quelquefois trop conflictuel.

S'agissant du rapport des experts désignés par votre Grand Conseil, de la même manière, le département considère que ses conclusions ont d'ores et déjà été prises en compte dans les missions et objectifs de l'office pénitentiaire. Le département entend travailler dans le sens de l'ensemble des recommandations formulées par votre commission à l'unanimité et par les experts nommés par votre Grand Conseil.

Il est normal - c'est votre rôle - que vous vous montriez critiques à l'égard du gouvernement ou de l'administration. Vous me permettrez d'ajouter tout de même une petite remarque optimiste : même si le temps a probablement été trop long, le fonctionnement d'ensemble des institutions -Grand Conseil, Conseil d'Etat, département - a permis, après un certain nombre d'aléas, de revenir à une situation normale, puisque nous nous retrouvons aujourd'hui sur les conclusions que vous formulez et que vous admettez que la situation à Champ-Dollon s'est très notablement améliorée.

Je vais reprendre maintenant, l'une après l'autre, les différentes remarques de fond que vous avez faites. S'agissant d'un certain nombre d'éléments extrêmement précis, que seul peut connaître le titulaire du département, vous me pardonnerez de ne pas pouvoir y répondre, mais en ce qui concerne vos préoccupations de fond, je puis vous répondre de la manière suivante s'agissant de vos conclusions. Vous souhaitez que le Conseil d'Etat reprenne les remarques de la commission des visiteurs de prisons des dix dernières années. Cela sera fait et vous aurez cette réponse dans le cadre de la motion 317, qui doit être fort ancienne d'après son numéro, mais à laquelle il sera répondu dans le courant du printemps 2001.

En ce qui concerne la problématique des mineurs, dont vous avez observé qu'elle avait fort heureusement évolué dans le bon sens, la demande de crédit pour entreprendre les travaux nécessaires à la maison de Montfleury sera déposée prochainement. Je puis le dire d'autant plus que cette demande de crédit est évidemment en préparation au sein du département que je dirige.

En ce qui concerne la nomination d'un nouveau directeur de Champ-Dollon, le département a décidé de ne pas se précipiter et de recourir aux conseils de professionnels en matière de ressources humaines pour découvrir le candidat idéal. Il faut bien avouer que ce candidat doit avoir de très nombreuses qualités. Vous aviez raison lorsque vous avez insisté sur les qualités humaines nécessaires dans une telle situation.

La problématique des heures supplémentaires n'a pas échappé à la direction ad interim, qui a informé le personnel, lors d'une séance qui s'est tenue le 5 décembre 2000, d'un certain nombre de mesures destinées à en réduire le stock. En ce qui concerne les conditions de détention et de travail dans le quartier cellulaire de l'hôpital, le département de justice et police et des transports est prêt à réétudier cette problématique en collaboration avec les hôpitaux universitaires de Genève pour trouver une solution qui devra forcément être plus conforme au respect des normes en la matière que ne l'est la situation actuelle.

Un point fait l'objet d'une divergence. Vous avez émis le souhait que la direction de l'office pénitentiaire soit assurée de manière collégiale. Ce n'est pas un mode de fonctionnement usuel de l'administration. Le département est opposé à une direction collégiale, quand bien même il tombe sous le sens que le directeur doit forcément collaborer avec ses subordonnés directs, de même qu'avec l'ensemble des collaborateurs de l'office.

Vous vous êtes étonnés qu'il se trouve encore des personnes condamnées ou au comportement violent à Champ-Dollon. Il s'agit de situations que l'on me décrit comme tout à fait exceptionnelles, que l'on ne tient pas à prolonger, qui sont circonstancielles pour des raisons de conflits dans l'établissement où était détenu l'intéressé ou de situations transitoires. Il ne s'agit en aucun cas d'une politique qui doit être suivie, mais une fois encore d'une politique qui peut être mise en place dans des cas exceptionnels.

S'agissant de la problématique très difficile des délinquants au sens de l'article 43 du Code pénal, une rencontre a eu lieu ce matin entre M. Guy-Olivier Segond, chef du département de l'action sociale et de la santé, et le Conseil de surveillance psychiatrique. Il se trouve qu'il y a effectivement, à l'heure actuelle, plus d'une centaine de personnes relevant de cette catégorie qui se trouve dans une situation manifestement impossible et qui doit être résolue. Par conséquent, cette problématique sera reprise à la fois par le département de justice et police et des transports, le DASS et l'ensemble des autres acteurs qui ont à intervenir dans ce domaine. C'est vous dire que cette problématique ne va pas demeurer en l'état. Elle doit être traitée, elle est traitée et elle le sera !

Voilà ce que je pouvais vous dire, Mesdames et Messieurs les députés, sur la base des connaissances que j'ai de ce dossier. A titre personnel, je considère que l'unanimité de votre commission, alliée au fait que, sur un point, et sur un point où il a raison, le département de justice et police est parfaitement d'accord avec vos conclusions, nous devrions effectivement pouvoir inaugurer une nouvelle ère s'agissant de la situation dans la prison de Champ-Dollon et des questions pénitentiaires.

Je rappelle juste encore une chose en ce qui concerne la nomination du directeur. Il va de soi qu'il s'agit d'une compétence qui relève du Conseil d'Etat. C'est une règle constitutionnelle qui met à charge du gouvernement la désignation des fonctionnaires. Si l'on joue avec cette règle, vous risquez de devoir affronter une situation parfaitement désagréable, en faisant face à des personnes désignées dont vous ne pourrez pas critiquer la responsabilité de ceux qui les ont désignées. Mieux vaut laisser le Conseil d'Etat accomplir son mandat constitutionnel, quitte à être critique avec lui lorsque ses choix s'avèrent mauvais, plutôt que d'inventer une formule qui n'est pas compatible avec nos institutions ! 

Mme Fabienne Bugnon (Ve). Je remercie M. Moutinot pour son intervention. J'imagine que sa situation - répondre à la place de M. Ramseyer - n'est pas des plus confortables. Un certain nombre de questions ont été posées directement à M. Ramseyer, questions qui relèvent de son département ou de lui-même à titre personnel. Je souhaiterais, Madame la présidente, que ces questions lui soient transmises et que le Bureau consacre, soit demain s'il est là, soit lors de la prochaine séance du Grand Conseil, un moment de réponse à toutes les questions posées, qui sont importantes et qui méritent de trouver réponses. Je vous en remercie !

La présidente. Nous verrons demain. Mais lorsqu'un objet est clos, il est difficile de l'ouvrir à nouveau devant le Grand Conseil. Par contre, le conseiller d'Etat pourrait peut-être venir s'exprimer devant la commission des visiteurs officiels et répondre à un certain nombre de questions. Nous verrons demain avec le conseiller d'Etat Ramseyer, s'il est là !

RD 383

Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.

RD 384

Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.

P 1303

Mises aux voix, les conclusions de la commission des visiteurs officiels du Grand Conseil (dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées.

P 1305

Mises aux voix, les conclusions de la commission des visiteurs officiels du Grand Conseil (dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées.

P 1306

Mises aux voix, les conclusions de la commission des visiteurs officiels du Grand Conseil (dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées.