République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 1 décembre 2000 à 17h
54e législature - 4e année - 2e session - 57e séance
PL 8215-A
La Commission de l'économie a étudié ce projet de loi lors de ses séances des 2 et 9 octobre derniers, sous l'excellente présidence de Mme Loly Bolay, et en présence de M. Christian Goumaz, chef du service juridique du DEEE.
I. Présentation du projet
Il s'agit d'un projet de loi qui a pour objet d'autoriser le Conseil d'Etat à adhérer à l'Accord intercantonal sur l'élimination des entraves techniques au commerce (AIETC). Ce projet comprend trois articles. L'article 1 prévoit le principe de l'adhésion à l'AIETC. L'article 2 a trait à la publication de directives d'exécution et de prescriptions obligatoires. Enfin, l'article 3 fixe l'entrée en vigueur de l'AIETC.
Il nous est précisé que notre compétence consiste, dans le cas d'espèce, à accepter ou à refuser le projet de loi. Le Parlement ne peut pas amender le texte de cet accord. La seule solution qui se présente à nous est d'accepter ou de refuser la participation à l'AIETC.
Le projet de loi s'inscrit dans un mouvement général d'élimination des entraves techniques au commerce, notamment pour permettre aux produits de voyager plus facilement à travers les frontières. Ce mouvement général se matérialise en Suisse par l'un des sept accords bilatéraux conclu avec l'Union européenne. Cet accord bilatéral ne touche cependant pas tous les domaines du commerce, mais seulement quinze domaines particuliers ou déjà harmonisés, principalement, un domaine important échappe à cet accord, à savoir les produits de la construction.
Tant que ce domaine ne sera pas harmonisé, l'Union européenne n'entend pas entrer en matière sur un accord bilatéral. Si l'on veut donc harmoniser le volet relatif aux ouvrages en matière de construction, deux solutions seraient envisageables. On pourrait confier à la Confédération le soin d'édicter des dispositions ou demander aux cantons de prendre en charge la gestion de ce domaine. Les cantons, très attachés au fédéralisme, ont donc élaboré cet accord intercantonal.
Une harmonisation était nécessaire afin de garantir aux producteurs suisses un accès au marché non discriminatoire et de renforcer ainsi la position de la place de production suisse dans ce domaine.
Les décisions se prendront à une majorité de dix-huit cantons. Dans son ensemble, l'accord intercantonal soutiendra d'une manière efficace les efforts des cantons visant à l'élimination des entraves techniques au commerce entre la Suisse et l'étranger et également entre les cantons eux-mêmes.
En ce qui concerne la procédure d'adoption, une disposition prévoit que l'accord intercantonal entrera en vigueur dès que dix-huit cantons au moins y auront adhéré. La Conférence des gouvernements cantonaux souhaite que cet accord entre en vigueur le 1er janvier 2001.
Il n'est pas envisageable que le canton de Genève reste à l'écart des efforts d'harmonisation dans un domaine aussi important que les entraves au commerce. Une adhésion, qui ne peut être que globale et sans réserve, est par conséquent inévitable, faute de quoi le canton de Genève se verrait contraint de s'adapter aux décisions de l'autorité intercantonale sans avoir pu participer à leur élaboration.
Il y a lieu de signaler, au surplus, que « l'accord bilatéral entre la Suisse et l'Union européenne sur la reconnaissance mutuelle en matière d'évaluation de la conformité » ne concerne pas, en l'état, les produits de construction, domaine plus particulièrement touché par l'accord qui vous est aujourd'hui soumis.
II. Les auditions
La CGAS a estimé qu'il n'était pas nécessaire d'être auditionnée, n'ayant aucune remarque à formuler sur ce projet de loi.
La CCIG, bien que n'estimant pas nécessaire d'être auditionnée puisqu'elle ne s'opposait pas à ce projet de loi, a cependant accepté de développer son point de vue devant la commission. Vous trouverez ces remarques, par la voix de son secrétaire, en annexe III de mon rapport.
M. Yves Meylan, représentant de l'UAPG et de la FSP, constate que cet accord intercantonal a fait l'objet d'une première consultation en 1995. La FSP avait alors posé un certain nombre de questions à ce sujet, relatives notamment au respect des normes européennes, aux organes compétents et à la limitation des entraves techniques. Aujourd'hui, l'UAPG ne s'oppose pas à l'adhésion à l'AIETC. De son côté, l'Association genevoise des fournisseurs de la construction n'émet aucune objection. Aucun problème n'est soulevé par rapport au fond, si ce n'est les questions mentionnées.
Mme Pascale Vuillod, juriste au DAEL, distingue les produits de la construction et les ouvrages. La réglementation des produits de la construction relève de la compétence de la Confédération. Quant aux ouvrages, il font l'objet de l'article 6 de l'AIETC. Cette disposition précise que l'autorité intercantonale pourra édicter des directives sur les exigences en matière d'ouvrage qui s'avéreront nécessaires pour l'élimination des entraves techniques au commerce. Le DAEL est favorable à l'AIETC dans la mesure où il permet d'harmoniser les dispositions en matière d'ouvrage.
A l'interpellation d'un commissaire, Mme Vuillod indique que l'introduction de normes plus restrictives constitue justement une entrave au commerce qui devra être abolie.
En réponse aux commissaires, elle précise ensuite que les normes adoptées en matière d'ouvrages publics ne pourront continuer d'exister que pour autant qu'elles soient justifiées par des particularités locales, comme le prévoit l'article 6, alinéa 2 AIETC. Pour bénéficier de l'application de cette disposition, il faudra pouvoir justifier d'éléments particuliers de protection du patrimoine.
Mme Vuillod signale en outre que la loi sur les constructions contient des dispositions relatives aux économies d'énergie, dispositions qui sont devenues de véritables normes constructives. Si l'autorité intercantonale est amenée à légiférer en la matière et à adopter des normes moins sévères que les dispositions genevoises, le canton de Genève devra s'aligner sur ces normes.
Elle précise qu'il peut y avoir des cas particuliers où il n'y a pas d'entrave technique au commerce. Les normes en vigueur pourront alors subsister.
A l'interrogation d'un commissaire sur le pouvoir des autorités fédérales et cantonales par rapport à l'autorité intercantonale, Mme Vuillod explique que l'autorité intercantonale représente un échelon supplémentaire dans la hiérarchie. Cette autorité intercantonale permet aux cantons d'éviter d'adopter des normes différentes.
Ainsi, Mme Vuillod a clarifié l'enjeu de ce projet de loi dans l'esprit des commissaires, en ayant répondu à leurs principales interrogations. A la question pour savoir dans quelle mesure une décision de l'organisme créé par l'AIETC pourrait obliger le canton à modifier sa législation, M. Goumaz indique que les dispositions visées par l'AIETC sont plutôt de nature technique, c'est-à-dire du niveau des ordonnances ou des règlements. S'il devait y avoir une contradiction entre une disposition cantonale et une décision émanant de l'autorité intercantonale, c'est cette dernière qui primerait.
Forte de toutes ces explications, la Commission de l'économie, par 7 voix pour (1 S, 1 Ve, 2 DC, 2 R et l L) et 4 abstentions (2 AdG, 2 S), vous recommande, Mesdames et Messieurs les députés, de réserver un accueil favorable à ce projet de loi.
Projet de loi(8215)
autorisant le Conseil d'Etat à adhérer à l'accord intercantonal sur l'élimination des entraves techniques au commerce (L 5 07.0)
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève,
décrète ce qui suit :
Art. 1 Adhésion
Le Conseil d'Etat est autorisé à adhérer, au nom de la République et canton de Genève, à l'accord intercantonal sur l'élimination des entraves techniques au commerce (ci-après : l'accord intercantonal), adopté le 23 octobre 1998 par la Conférence suisse des gouvernements cantonaux. Le texte de l'accord est annexé à la présente loi.
Art. 2 Publication
La publication des directives d'exécution et prescriptions obligatoires, conformément à l'article 11 de l'accord intercantonal, est régie par la loi sur la forme, la publication et la promulgation des actes officiels, du 8 décembre 1956 et son règlement d'exécution, du 15 janvier 1957.
Art. 3 Entrée en vigueur
L'entrée en vigueur pour le canton de Genève de l'accord intercantonal est fixée conformément à l'article 13 dudit accord.
Art. 2 Définitions
Art. 3a, lit. a, de la loi fédérale sur les entraves techniques au commerce (LETC) du 6 octobre 1995, en vigueur depuis le 1er juillet 1996; RS 946.51
Art. 3b, lit. b, LETC
Art. 3a, lit. c, LETC
Art. 3 Organisation
Art. 4 Tâches et compétences
Art. 5 Prise de décisions
Art. 6 Principes
Art. 7 Principes
Art. 8 Directives dans le domaine de la mise sur le marché des produits de construction
Art. 4 (5) de la Directive sur les produits de construction (Directive 89/106/CEE relative au rapprochement des prescriptions juridiques et administratives des Etats membres de l'UE sur les produits de construction; JOCE no L 40 du 12.2.1989, p. 12, modifiée par la directive 93/68/CE du Conseil du 22.7.1993 (JOCE no L 220 du 30.8.1993, p. 1); cette directive peut être obtenue auprès de l'Office central fédéral des imprimés et du matériel, 3003 Berne ou auprès du Centre suisse d'informations pour les règles techniques (switec), Mühlebachstrasse 54, 8008 Zurich)
Déclaration no 2 au procès-verbal de la directive sur les produits de construction
Art. 9 Principes
Art. 10 Répartition des coûts
Art. 11 Publication des prescriptions et des directives
Art. 12 Adhésion et dénonciation
Art. 13 Entrée en vigueur
Premier débat
M. Bernard Clerc (AdG). Ce projet de loi qui vise à ce que notre canton adhère à l'accord intercantonal sur l'élimination des entraves techniques au commerce, je vous le dis d'entrée, n'a pas notre approbation.
Ce type d'accord est dans la droite ligne des accords de l'OMC, l'Organisation mondiale du commerce. Son objectif est de supprimer les barrières non tarifaires au commerce et je tiens à cet égard à expliciter ce que les chantres de l'OMC entendent par barrières non tarifaires au commerce : ce sont toutes les mesures de protection qui existent en matière de protection de la santé, en matière de protection de l'environnement ou en matière de protection sociale. Et c'est dans cette logique-là que cet accord intercantonal va fonctionner !
Nous sommes par ailleurs assez surpris par ce projet, puisqu'il y a deux ans maintenant le Conseil d'Etat avait pris une position critique vis-à-vis de cet accord. Et, du reste, mon collègue Pierre Vanek, qui a une bonne mémoire, a retrouvé le texte du Conseil d'Etat de l'époque, je cite : «Les remarques formulées par les cantons, dont Genève, n'ont pas été prises en compte par la Conférence des gouvernements cantonaux dans le compte rendu des résultats de la procédure de consultation relative à l'accord intercantonal sur l'élimination des entraves techniques au commerce, dues aux disparités entre les systèmes de prescriptions et de normes cantonaux. Cet accord se traduit en fait par la création d'un organisme appelé «autorité intercantonale», chargé d'effectuer ce travail à la place des collectivités parties à l'accord. Le gouvernement genevois, dans sa réponse du 6 mai dernier, avait déploré que ce projet ne contienne aucune règle de droit commune aux cantons signataires et se contente d'instituer une pure délégation de compétence en faveur de cette autorité intercantonale. Le Conseil d'Etat souhaite connaître les tenants et les aboutissants de son engagement et pas seulement conférer un mandat d'agir à une autorité intercantonale. Il informe donc la Conférence des gouvernements cantonaux que son adhésion sera subordonnée - en évidence dans le texte - à la prise en compte de ses remarques fondamentales.» Ceci est le point de presse du Conseil d'Etat du 14 octobre 1998 !
Or, nous constatons, dans le projet de loi qui nous est soumis, que l'accord intercantonal a été adopté le 23 octobre 1998, sans aucune modification par rapport à ce que disait le Conseil d'Etat moins de dix jours auparavant !
Cet accord prévoit donc la primauté de l'autorité intercantonale, qui décidera évidemment des normes. Je tiens à lire, pour ceux qui n'auraient pas lu le rapport, l'article 4 qui prévoit que l'autorité intercantonale est compétente pour «édicter des prescriptions concernant les exigences en matière d'ouvrages ; édicter des directives pour l'exécution des prescriptions sur la mise sur le marché des produits ; édicter des prescriptions concernant la mise sur le marché de produits...». Et à l'article 6, alinéa 2 : «Elle tient compte de normes internationales harmonisées...».
Qu'est-ce que cela veut dire ? Eh bien, nous savons comment fonctionne ce type d'harmonisation, que ce soit au niveau international ou que ce soit au niveau intercantonal : l'harmonisation se fait toujours vers le bas, vers les normes minimales ! Cela veut dire, par exemple, que les dispositions du canton de Genève en matière d'économies d'énergie, si elles étaient meilleures que celles d'autres cantons, seraient revues à la baisse... Et l'accord prévoit explicitement que les cantons seront obligés de revoir leur législation à la baisse !
Mesdames et Messieurs les députés, ce type d'accord intercantonal n'est pas acceptable pour notre groupe, et nous vous invitons à le refuser.
M. Pierre Vanek (AdG). Je serai bref, puisque je m'inscris dans le droit fil de l'excellente intervention de mon collègue Bernard Clerc.
Je dirai simplement que cet accord n'est pas bon. Il porte - on s'en rend compte dès la lecture du titre - la marque de l'OMC et du type de processus de normalisation internationale - ici intercantonale - dans laquelle cette organisation veut nous entraîner.
J'aimerais toutefois rendre hommage - même si nous avons eu des mots tout à l'heure - à M. Vaucher, qui a fait un excellent rapport dans ce sens qu'il s'est fait le fidèle porte-parole - je n'y étais pas, mais je présume que c'est le cas - des propos d'une juriste du département de M. Moutinot, qui est tout à fait claire sur un des points que vient d'évoquer mon collègue Bernard Clerc. Cela figure en page 3, pour ceux qui ont le rapport sous les yeux. Il est dit ce qui suit tout à fait explicitement - ce ne sont donc pas des allégations de mon collègue Bernard Clerc, mais bien les propos d'une juriste du département de M. Moutinot rapportés par l'excellent rapporteur M. Vaucher, peu suspect d'être hostile aux idées libérales. Dans les deux derniers paragraphes de la page 3, cette juriste précise, je cite, «que les normes adoptées en matière d'ouvrages publics ne pourront continuer d'exister que pour autant qu'elles soient justifiées par des particularités locales, comme (...) la protection du patrimoine.»
Nous sommes certes attachés à la protection du patrimoine, mais nous sommes aussi attachés à d'autres considérations, de politique énergétique, par exemple, auxquelles nous entendons prêter une attention particulière pour des raisons dont je vous ferai grâce et dont vous savez que je suis le porte-parole.
Or, on lit ensuite, je cite la juriste, que «Mme Vuillod signale en outre que la loi sur les constructions contient des dispositions relatives aux économies d'énergie, dispositions qui sont devenues de véritables normes constructives. Si l'autorité intercantonale est amenée à légiférer en la matière et à adopter des normes moins sévères que les dispositions genevoises, le canton de Genève devra s'aligner sur ces normes».
Cela signifie que nous devrons, en matière de normes de constructions, d'exigences concernant les économies d'énergie, nous aligner sur le niveau du plus petit dénominateur commun, et vous savez bien que c'est comme ça que cela fonctionnera ! Ce ne sont pas les autres cantons qui vont spontanément adopter les normes genevoises, qui sont les meilleures en la matière. Ce n'est évidemment pas comme ça que cela va fonctionner !
Vous me direz peut-être que les normes genevoises ne sont pas les meilleures en la matière... Eh bien, si elles ne le sont pas, elles devraient l'être ! Et nous avons un engagement du Conseil d'Etat, qui a été réitéré cet après-midi par M. Robert Cramer, à resserrer les boulons du dispositif législatif et des procédures administratives en matière d'énergie précisément, pour obtenir une plus exacte adéquation entre ce dispositif, y compris ses aspects opérationnels, et les objectifs généraux de notre constitution en matière de politique énergétique. Alors, nous ne pouvons accepter le démontage, sur ce point précis - je parle d'énergie - qui est induit par cette disposition.
M. Blanc nous a fait la leçon hier sur des questions de flacons et d'étiquettes, sur le libellé d'un projet de loi qui ne correspondait selon lui pas à son contenu... Ici, le titre du projet de loi est : «...autorisant le Conseil d'Etat à adhérer à l'accord intercantonal sur l'élimination des entraves techniques au commerce». Il peut paraître innocent et positif. Mais, ensuite, on apprend qu'il s'agit pour cette autorité d'édicter des prescriptions concernant les exigences en matière d'ouvrages de constructions dans ce canton... Ce n'est pas tout à fait ce qui peut être déduit du titre du projet ! Les normes qui sont - je le rappelle - selon la juriste du département, devenues de véritables normes constructives au nom des économies d'énergie pourraient être liquidées. Elles ne sont peut-être pas très bonnes; elles doivent peut-être être adaptées; elles doivent peut-être être renforcées, mais elles doivent en tout cas être faites dans le cadre des intentions du souverain genevois et du dispositif législatif de ce canton !
Or accepter cet accord intercantonal, comme tant d'autres, c'est mettre le doigt dans un engrenage dans lequel nous n'aurions aucune liberté de l'amender, d'aucune manière possible. Et nous serions tenus par nos propres lois, par cette délégation que nous aurons votée pour nous lier pieds et poings, de respecter les normes imposées par cette instance intercantonale !
Mesdames et Messieurs, l'excellent rapport de notre collègue Vaucher est de nature à vous persuader, si vous voulez être cohérents, qu'il faut, comme l'a dit Bernard Clerc, rejeter ce projet de loi.
M. Charles Beer (S). J'afficherai d'emblée un point de désaccord avec M. le député Pierre Vanek, qui vient de s'exprimer et dit qu'il s'agit d'un excellent rapport...
M. Pierre Vanek. Je suis trop bon !
M. Charles Beer. Je ne m'en prends pas directement au rapporteur, qui a probablement essayé de faire le travail du mieux qu'il a pu. Mais il faut reconnaître une chose dans cette enceinte, c'est que le débat - c'est le moins que l'on puisse dire - n'a pas du tout été clair en commission. Nous savons que nous ne pouvons pas amender cet accord intercantonal. Nous savons qu'il découle logiquement d'un des accords bilatéraux. Mais nous n'en connaissons pas, pratiquement et dans les détails, les conséquences.
Un certain nombre de questions ont été posées en commission, sur l'énergie et d'autres sujets. J'ai par exemple posé une question précise sur les normes de sécurité des ascenseurs, qui est une norme cantonale... Coluche disait en parlant des technocrates que, quand on pose une question à un technocrate et qu'il a fini de répondre, on ne sait plus quelle est la question qu'on a posée... Eh bien, je ne voudrais pas parodier Coluche, mais c'est à peu près ce qui m'est arrivé ! Et moi je prétends que nous ne savons pas clairement sur quoi nous avons voté en commission... J'estime ne pas avoir eu des réponses claires aux questions que j'ai posées, qui me permettraient de me déterminer positivement ou négativement sur cet objet, comme plusieurs de mes collègues de l'Alliance de gauche ou du parti socialiste.
Quelle est notre marge de manoeuvre réelle ? Quels sont les enjeux réels derrière les mots «élimination des entraves techniques au commerce», qui ne laissent pas apparaître les droits populaires ou politiques qui pourraient être enlevés à notre canton ? Il faut que les enjeux soient mis en lumière.
Pour ma part, de manière à rendre les choses lisibles et pour permettre aux différentes formations de ce Grand Conseil de faire des choix politiques clairs, je demande formellement le renvoi en commission.
La présidente. Monsieur le rapporteur, vous avez la parole. Je vous prie de vous exprimer sur le renvoi en commission seulement.
M. Olivier Vaucher (L), rapporteur. Comme M. Beer l'a dit, la compréhension d'un tel accord, très particulier - j'y reviendrai tout à l'heure si nous continuons le débat - est pour le moins peu évidente...
Mais je pense, Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, que le renvoi en commission de ce projet de loi ne nous apportera rien de nouveau.
En effet et comme je l'ai dit dans mon rapport, nous ne pouvons que dire oui ou non. Alors, libre à chacun de dire non. Il en sera pris acte, et le Conseil fédéral en fera ce qu'il doit en faire, puisqu'une majorité de dix-huit cantons est suffisante pour pouvoir mettre cet accord en application. C'est pour cela qu'en réalité, Madame la présidente, je n'ai pas voulu approfondir le sujet et partir dans des méandres inextricables, technico-économiques, pour faire ce rapport, car cela n'aurait rien ajouté à la compréhension de cet accord intercantonal.
C'est la raison pour laquelle je vous suggère, Mesdames et Messieurs les députés, de refuser ce renvoi en commission qui n'apportera rien de nouveau.
M. Claude Blanc (PDC). Nous nous trouvons aujourd'hui devant un projet de concordat intercantonal... Il faut bien appeler les choses par leur nom ! Nous en avons eu un hier, nous en avons déjà eu un aujourd'hui, et il faut savoir que nous en aurons encore d'autres.
Vous avez fait allusion, Monsieur Vanek, aux accords OMC. Ceux-ci espèrent régler les relations commerciales entre les nations. Mais ici il s'agit de relations commerciales entre les cantons suisses ! Alors, avant de vouloir nous mêler du commerce international, il faudrait d'abord que nous puissions avoir les mêmes normes à l'intérieur de notre pays, c'est-à-dire que pour des marchés publics, par exemple, les normes officielles soient les mêmes dans tous les cantons !
Mais comment les déterminer ? Les cantons ont ressenti le besoin de se mettre ensemble pour les déterminer, plutôt qu'une législation fédérale ne les leur impose. La question qui s'est posée était de savoir si les cantons allaient en prendre l'initiative. C'est ce qu'ils ont fait. Il y a vingt-six ou plutôt vingt-trois cantons, alors, évidemment, il a fallu trouver une cote plus ou moins bien taillée à leur usage.
Il est exact - cela nous a été dit en commission - que le canton de Genève n'a pas obtenu tout ce qu'il avait souhaité obtenir, mais il nous a été dit aussi qu'il suffisait que dix-huit cantons adhèrent au concordat pour que celui-ci entre en vigueur. Et une fois qu'il sera entré en vigueur, nous devrons en supporter les conséquences, parce qu'il faudra bien que les normes soient appliquées. Nos entreprises, par exemple, ne pourront pas aller soumissionner dans d'autres cantons avec d'autres normes que celles qui auront été acceptées et ce ne seront pas les nôtres. Alors, nous n'aurons que les inconvénients, sans avoir eu l'avantage de participer à la discussion.
Et puis, il faut savoir que ces normes seront évolutives et que, le jour où il faudra en changer l'une ou l'autre, ce sont les autres cantons signataires de la convention qui auront voix au chapitre.
On nous parle beaucoup de l'ONU ces temps. L'ONU a beaucoup de défauts, mais ceux qui en font partie ont le droit de dire quelque chose et ceux qui n'en font pas partie ont juste le droit de se taire, mais ils sont tout de même obligés, dans la plupart des cas, d'appliquer les normes que l'ONU décide ! Pour l'Union européenne, c'est la même chose ! Vous connaissez mon scepticisme, en tout cas en ce qui concerne l'ONU, mais je n'ai pas le pouvoir de la supprimer et je ne peux rien changer au fait que nous n'avons rien à y dire, puisque nous n'y sommes pas...
Alors, bien sûr, nous pouvons refuser ce projet, le renvoyer en commission pour gagner du temps. Il n'en reste pas moins que, si nous voulons avoir voix au chapitre dans la définition de ces normes, il faut que nous soyons signataires de la convention. Ma foi, Mesdames et Messieurs les députés, prenez vos responsabilités, mais sachez que si vous vous tenez volontairement en dehors de cet accord, vous risquez de prétériter nos entreprises, car nous devrons de toute façon appliquer des normes au sujet desquelles nous n'aurons rien eu à dire, je le répète ! Je ne vois donc pas ce que nous pourrions faire d'autre en commission que de reprendre ce même projet. Tant qu'à faire, il vaudrait mieux le voter aujourd'hui !
La présidente. Monsieur le député Velasco, je vous prie de vous exprimer sur le renvoi en commission.
M. Alberto Velasco (S). Monsieur Blanc, vous tenez le même raisonnement que certains pays sur les accords multilatéraux en matière d'investissements, auxquels la France n'a pas souscrit. Et pourtant, parce que la France n'y a pas souscrit, ces accords ont été caducs. Par analogie, on peut penser que si le canton de Genève n'accepte pas cet accord, il ne se fera pas.
Cela dit, je tiens à rappeler que nous venons d'accepter une loi, la LGL, qui contient des dispositions visant à ce que soient appliqués, par exemple, des considérants écologiques, environnementaux, à l'heure de construire certains ouvrages. Nous serions donc déjà en contradiction avec certaines des propositions que nous avons introduites dans nos lois de construction de logements.
D'autre part, la tendance actuelle est de vouloir réformer notre LCI, afin, justement, de tenir compte de toute la problématique de la conservation et des économies d'énergie. Et, là encore, à quoi servirait de modifier nos lois LCI et LGL comme on l'a fait, si elles sont affaiblies par des accords intercantonaux ?
En ce qui me concerne, je propose, comme mon collègue Beer, de renvoyer ce projet de loi en commission.
M. David Hiler (Ve). Je ne me prononcerai que sur le renvoi en commission. En réalité, pourquoi renvoyer ce projet de loi en commission ? Pour faire un véritable état des lieux de ce que nous risquons, me semble-t-il ! Les arguments de M. Blanc militent du reste dans ce sens, puisqu'il s'agit d'une pesée des risques. Ne pas en faire partie, c'est prendre le risque que dix-huit cantons veuillent en faire partie et que, de ce fait, cet accord ait force obligatoire. Accepter d'en faire partie en pensant que les autres cantons se posent les mêmes questions que nous, c'est prendre un risque exagéré de se trouver les mains liées.
Sur le fond, je pense qu'il faut vérifier de façon très précise l'état des législations sur les questions de sécurité et les questions énergétiques. En effet, contrairement à Pierre Vanek, je ne suis pas sûr qu'une harmonisation fédérale, compte tenu de ce qui est généralement la norme des constructions en Suisse alémanique, soit forcément négative sur le plan énergétique... Je n'en suis pas sûr du tout ! Mais je ne suis pas sûr de l'inverse non plus !
Je souhaite donc que ce projet de loi soit renvoyé en commission pour que toutes les questions puissent être posées au département, pas seulement sur des arguments juridiques, mais sur le contenu actuel des législations des principaux cantons suisses. Je souhaite également que les services compétents puissent être auditionnés, tant du DAEL que du DIAE, sur cette question. Cela me paraît la moindre des choses, et je crois que le lièvre soulevé par notre collègue Charles Beer prouve que cela est nécessaire.
Il faut aussi que nous soyons bien sûrs de notre coup pour ce qui est de la question de la sécurité. En effet, il y a malgré tout quelques arguments en faveur d'un tel accord, comme, par exemple, le prix des logements futurs - il faut le rappeler. Mais comme d'aucuns avant moi, j'estime que le travail de la commission - je ne parle pas du travail du rapporteur - n'a pas été suffisamment approfondi et qu'il est difficile, à ce stade, de faire une véritable pesée des intérêts.
C'est la raison pour laquelle je vous invite à renvoyer ce projet en commission, non pas dans un but dilatoire, mais pour que d'ici deux ou trois mois nous puissions prendre nos responsabilités et nous prononcer en toute connaissance de cause.
M. Alain-Dominique Mauris (L). En fait, prendre ses responsabilités, c'est savoir de quelle manière on est le plus efficace...
On peut en effet être tenté de renvoyer ce projet de loi en commission, au vu des questions qui se posent encore dans un domaine aussi complexe et technique que celui-ci. Mais reprendre ce dossier en l'état actuel des choses ne serait pas très efficace par rapport à l'accord intercantonal qui pourra être discuté par les dix-huit cantons qui, eux, vont trouver une majorité. Et nous, nous passerons à côté, comme souvent d'ailleurs, d'autant que nous avons déjà beaucoup d'objets à traiter !
Les questions ont été posées dans le cadre des travaux de la commission de l'économie. Le rapport a été très bien fait : il est très explicite. Il montre tout à fait les points sur lesquels nous pouvons encore intervenir et ceux sur lesquels ce n'est plus possible. Et ce soir la question qui se pose, c'est de savoir si nous répondons oui ou non. Alors, bien sûr, il est possible de dire non et de reprendre ce projet en commission, mais, en attendant, le train va continuer à avancer et nous, nous l'aurons loupé... Nous devons donc refuser le renvoi en commission de ce projet de loi et nous devons souscrire au rapport tel qu'il est présenté.
M. Claude Blanc (PDC). J'interviens rapidement car il ne faut tout de même pas passer l'après-midi à discuter de ce projet.
Je reviens au cas précis soulevé par M. Beer concernant la sécurité des ascenseurs. Il est bien possible que les normes sur la sécurité des ascenseurs soient plus laxistes dans d'autres cantons que chez nous et, en l'état, nous ne pouvons rien y changer. Si nous n'adhérons pas à cet accord, nous ne pourrons rien y changer non plus, mais cela sera définitif, alors que, si nous y adhérons, nous pourrons soulever le problème, rediscuter de ces normes et faire valoir le bien-fondé des nôtres par rapport aux autres. Et peut-être arriverons-nous à convaincre la majorité des autres cantons de modifier les normes en fonction de nos arguments justifiant notre position sur la sécurité des ascenseurs. Ça n'est qu'un exemple, mais il y en a une multitude d'autres.
En commission, nous allons prendre des cas particuliers et constater probablement que nous ne sommes pas sur la même longueur d'onde que la majorité des autres cantons. Ce n'est malgré tout pas une raison suffisante pour refuser d'adhérer à ce concordat ! Au contraire, c'est une bonne raison pour y adhérer et essayer de faire valoir notre point de vue ! Autrement - excusez-moi de me répéter ! - nous devrons subir, sans avoir rien à dire sur la définition de ces normes ! Alors, si nous voulons avoir notre mot à dire sur la définition de ces normes, il faut que nous fassions partie du groupe qui va les définir. C'est exactement ce que je vous disais tout à l'heure en parlant de l'ONU et de l'Union européenne.
Vous avez la majorité, alors renvoyez ce projet en commission ! Nous allons gagner ou perdre du temps... Ce n'est pas mon problème, après tout... Prenez vos responsabilités !
La présidente. Monsieur Vanek, vous avez la parole, mais je vous demande de vous exprimer sur le renvoi en commission. Prendront encore la parole le rapporteur et M. Lamprecht et, ensuite, nous voterons sur le renvoi en commission.
M. Pierre Vanek (AdG). Ce que vient de dire M. Blanc me touche particulièrement, parce qu'au-delà du problème de l'énergie j'étais l'un des auteurs du projet de loi qui a conduit au durcissement des normes de sécurité concernant les ascenseurs. M. Joye nous disait que cela n'était pas possible, mais, à la suite d'un certain nombre d'accidents graves, dont un petit voisin à moi qui s'était fait arracher les doigts d'une main, les choses ont tout de même changé...
Ce que vous dites est bien joli en théorie, mais nous avons un problème concret dans le canton de Genève concernant les ascenseurs. Dans le cadre d'un processus démocratique et suite à une pétition initiée par des citoyens, cette assemblée a décidé d'une norme concernant les ascenseurs, norme qui a été mise en oeuvre. Et on voudrait que nous adhérions à cet accord - car c'est tout à fait explicite et je donne volontiers acte à mes collègues d'en face qu'ils ont sans doute raison - et que nous nous y soumettions, alors que nous avons voté cette norme de sécurité sur les ascenseurs, norme que le peuple a voulue à travers nous !
Cette norme devrait «péter» au nom de l'opportunité de pouvoir discuter avec les autres cantons et de voir s'ils seraient d'accord, dans le futur - ce qui resterait hypothétique - d'introduire cette norme à une échelle plus large ! Rien ne nous empêche aujourd'hui d'aller faire du prosélytisme concernant les normes d'ascenseurs dans d'autres cantons !
Toutefois, l'effet concret de l'adhésion à cet accord serait probablement, en ce qui concerne les ascenseurs, une péjoration des conditions de sécurité dans un domaine important qui n'a rien à voir avec le commerce intercantonal ou autre, mais qui a à faire avec les réalisations d'ouvrages construits dans notre canton. Je suis persuadé que les entreprises genevoises ne sont pas les seules à pouvoir mettre des portes dans les ascenseurs... Le fait que cette norme doive être appliquée à Genève n'empêche pas nos entreprises actives dans le domaine des ascenseurs d'aller faire leur travail ailleurs !
Alors, moi, je partage sur le fond le point de vue de M. Vaucher et de M. Mauris, qui disent que c'est à prendre ou à laisser. Il faudrait voter oui ou non maintenant et, pour ma part, je voterais non.
Mais il est difficile de refuser une demande de renvoi en commission, car de bonnes questions ont été posées. Et il est vrai que ce renvoi aura le mérite de permettre - de mon point de vue et du point de vue de mon groupe - de faire plus sérieusement le procès de cet accord, tel qu'il a été ficelé. Nous nous plierons à ce jeu et nous l'accepterons donc, mais ne comptez pas nous convaincre de voter oui au retour de commission... En effet, Messieurs d'en face, vous avez raison : c'est à prendre ou à laisser, et nous ne prendrons pas de cette potion prescrite par le Dr OMC !
M. Olivier Vaucher (L), rapporteur. Je vais m'exprimer sur le renvoi en commission et uniquement sur le renvoi en commission...
Comme cela a été dit, les remarques que le canton a émises par la voix du Conseil d'Etat n'ont pas été prises en considération. Dont acte, et c'est important de le faire remarquer. De nombreux préopinants ont montré, ce que je peux comprendre personnellement, leur mécontentement ou leur opposition à de tels procédés. Pour ma part, je leur suggère de refuser ce projet de loi. Cela serait un signe beaucoup plus fort que de le renvoyer en commission pour refaire la même chose.
M. Carlo Lamprecht. Cela a déjà été dit, la Suisse compte vingt-six législations cantonales en matière de produits de construction. Le but de cet accord intercantonal est d'harmoniser les différentes législations cantonales concernant les prescriptions relatives aux mises sur le marché de tels produits et de les rendre compatibles avec les prescriptions européennes en la matière.
En page 2 du rapport, il est bien dit : «Tant que ce domaine ne sera pas harmonisé, l'Union européenne n'entend pas entrer en matière sur un accord bilatéral. Si l'on veut harmoniser le volet relatif aux ouvrages en matière de construction, deux solutions seraient envisageables. On pourrait confier à la Confédération le soin d'édicter des dispositions ou demander aux cantons de prendre en charge la gestion de ce domaine. Les cantons, très attachés au fédéralisme - tout comme vous - ont donc élaboré cet accord intercantonal.» C'est vrai et cela a été dit, le canton de Genève a toujours été favorable à une telle démarche, mais, dans un premier temps, s'est opposé à la teneur même de l'accord qui avait et a toujours comme conséquence la délégation des compétences cantonales à une autorité intercantonale chargée d'effectuer les différentes prescriptions en lieu et place des cantons.
Mais aujourd'hui, Mesdames et Messieurs, le Conseil d'Etat vous demande la chose suivante : il nous paraît indispensable de ne pas rester seuls à l'écart des efforts d'harmonisation, car cela nous contraindrait à nous adapter aux décisions de l'autorité intercantonale sans possibilité d'y participer, sans pouvoir dire ce que nous pensons dans les différents domaines que vous avez évoqués tout à l'heure. C'est la raison pour laquelle notre adhésion à cet accord intercantonal semble incontournable au Conseil d'Etat.
Je précise - c'est important, il faut le dire - que cette adhésion est formellement indépendante de la conclusion des accords bilatéraux et, par voie de conséquence, de leur sort futur. Toutefois, l'harmonisation des cantons sur ce point permettra une intégration ultérieure de ce domaine à l'accord sur la reconnaissance mutuelle en matière d'évaluation de la conformité. Et, vous le savez, cet accord est très important pour l'économie suisse en particulier, mais aussi pour les marchés de la construction.
Cela étant, il est vrai que nous ne pouvons pas amender ce projet de loi puisqu'il fait l'objet d'un accord intercantonal, mais, au nom du Conseil d'Etat, je vous demande - puisque, je le précise, la Conférence des gouvernements cantonaux souhaite que cet accord entre en vigueur le 1er janvier 2001 et que, si dix-huit cantons y adhèrent, il se fera sans nous - de voter ce projet de loi tel quel.
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, je mets aux voix la proposition de renvoyer ce projet de loi en commission.
Mise aux voix, la proposition de renvoyer ce projet à la commission de l'économie est adoptée.