République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 17 novembre 2000 à 17h
54e législature - 4e année - 1re session - 53e séance
PL 8261-A
La Commission des finances a étudié le projet de loi 8261 lors de sa séance du 28 juin 2000 sous la présidence de M. Bernard Lescaze.
MM. Robert Cuénod, directeur de l'Hospice général et Bruno Florinetti, chef des opérations foncières / DAEL, ont assisté à la séance.
Présentation du projet
Le Conseil d'Etat propose d'autoriser la vente d'un dixième de la parcelle No 1058, fe 15 du cadastre de Cologny, propriété de l'Hospice général.
La parcelle 10886, d'une surface totale de 1'744 m2, est située en zone agricole. Le 1/5 de la part de copropriété a été léguée à l'Hospice général par testament de Mme J. Brüggisser, décédée en 1982. L'Hospice général ne retire pas de revenu de ce bien et assure son entretien grâce aux fonds également légués par Mme Brüggisser.
Les 4/5 de la part de copropriété pour moitié appartiennent à des associations qui souhaitent réaliser leurs parts de ce bien.
L'autre part de copropriété pour moitié appartient à un particulier.
Ce dernier a récemment manifesté son désir de réaliser sa part et une offre d'acquisition aurait été formulée par un acheteur potentiel au prix de 510 F / m2.
M. Florinetti précise que la parcelle est entourée d'une zone de villas et tout est pratiquement construit aux alentours.
Une procédure de déclassement en 5e zone résidentielle est en cours, ce qui explique le prix élevé de 510 F / m2.
Travaux de la commission
Les membres de la Commission des finances se sont interrogés au sujet de l'opportunité pour l'Etat d'autoriser l'Hospice général à vendre sa part de cette parcelle. Ils ont notamment examiné les points suivants :
Autres possibilités d'utilisation/mise en valeur
Il n'y en a pas pour l'Hospice général, compte tenu qu'il ne possède qu'un dixième de la parcelle en question.
Prix de vente
La commission a fait part de son étonnement quant au prix offert, manifestement exagéré pour un terrain en zone agricole. Le représentant du DAEL répond que les autres terrains dans les environs ont apparemment toujours été considérés en zone résidentielles de villas et qu'ils ont été négociés à des prix du marché et non pas à des prix « agricoles » et qu'il y a donc eu des précédents.
Le prix de vente proposé est de 510 F / m2, ce qui représenterait un total de 88'000 F pour le dixième que possède l'Hospice général.
Il convient de préciser qu'il s'agit ici d'autoriser la vente d'un dixième de la parcelle propriété de l'Hospice général et non de fixer un prix de vente.
Conclusions
Malgré la réticence d'une bonne partie de la commission quant au principe de vendre des terrains appartenant à des collectivités publiques, il apparaît qu'il s'agit de peu de choses (174 m2) et que la part de la parcelle (1/10) propriété de l'Hospice général ne permet pas une autre mise en valeur.
Compte tenu de ce qui précède, c'est finalement par 7 oui (2 S, 1 Ve, 2 R, 1 L, 1 DC) et 2 abstentions (2 AdG) que la commission vous recommande d'autoriser cette vente et d'accepter ce projet de loi.
Premier débat
Mme Marianne Grobet-Wellner (S), rapporteuse. L'Hospice général a reçu par testament, il y a dix-huit ans, une part de propriété d'une parcelle à Cologny, qui correspond à un cinquième d'une copropriété pour moitié, c'est-à-dire à un dixième du tout. Tous les autres copropriétaires sont aujourd'hui d'accord de réaliser leur part de la parcelle, ce qui n'était pas le cas auparavant. Aucune autre utilisation n'est envisageable sur ces 174 m2, correspondant à 10% du tout. Le Conseil d'Etat et la commission des finances, moins deux abstentions, vous recommande donc de voter ce projet de loi.
M. Rémy Pagani (AdG). Nous avons étudié ce projet de loi. Comme il ressort que la commission a eu des réticences et que le propriétaire s'est engagé à ne rien construire sur cette parcelle, nous proposons un amendement qui vise à pérenniser cette situation, puisque les voeux d'un propriétaire, s'il vient à disparaître, ne sont pas forcément une garantie dans le temps. Nous vous proposons donc un amendement à ce projet de loi qui vise simplement à garantir que cette parcelle resterait non bâtie. Je vous le lis : «La vente de la parcelle est subordonnée à l'inscription sur celle-ci d'une servitude de non bâtir au profit de l'Hospice général, de l'Etat et de la commune de Cologny.»
Mme Marianne Grobet-Wellner (S), rapporteuse. Je dois préciser, pour avoir participé aux travaux de la commission, rédigé le rapport et avoir sous les yeux le procès-verbal, qu'il n'y a nulle part une quelconque indication que le propriétaire s'engage à ne rien construire sur cette parcelle. Je ne sais pas d'où M. Pagani tient ce renseignement, ni sur quoi il se base. Pour le surplus, s'agissant d'une vente d'un dixième de la parcelle, soit de 174 m2, il ne me semble pas raisonnable d'exiger que cette parcelle devienne inconstructible, faute de quoi le Grand Conseil n'autoriserait pas la vente. Je vous propose donc de rejeter cet amendement.
M. Bernard Lescaze (R). Le groupe radical acceptera ce projet de loi tel qu'il est présenté et refusera l'amendement de M. Pagani. Il convient de rappeler qu'il ne s'agit pas d'une parcelle distincte, mais du droit de l'Hospice général sur un dixième de la parcelle. Il est pour le moins étonnant de voir que, d'une manière indirecte, M. Pagani se fait l'excellent avocat des propriétaires voisins, qui ne souhaitent peut-être pas voir se construire une villa à côté d'eux - il est évident qu'à Cologny on ne va pas construire un immeuble de dix étages. Je suis heureux de voir que les propriétaires de Cologny sont défendus par M. Pagani, mais je crois qu'ils ne l'ont pas attendu ! En l'occurrence, il s'agit simplement de permettre à l'Hospice général et aux autres copropriétaires, puisqu'ils sont en indivision, de pouvoir bénéficier de la vente de cette parcelle. J'invite donc le Grand Conseil à voter ce projet de loi tel qu'il est issu des travaux de la commission.
M. Claude Blanc (PDC). Une fois de plus, le dogmatisme de M. Pagani l'aveugle ! Vouloir, à l'occasion de la vente d'un dixième de la parcelle, bloquer toute construction sur cette parcelle, c'est vouer l'opération à l'échec, puisque les autres propriétaires ne pourront pas construire non plus. Vous voulez empêcher que quelque chose se réalise sur ce terrain et vous voulez, par le même biais, obliger l'Hospice général à rester propriétaire du dixième de cette parcelle, dont la vente pourrait lui rapporter 88 000 F, qui seraient alors perdus. Une fois de plus, votre dogmatisme vous aveugle. Vous avez pour principe que les collectivités publiques ne doivent jamais se défaire d'un mètre carré de terrain. Ici, ce sont 174 m2 qui ne servent à rien ni à personne, mais qui pourraient, s'ils étaient vendus, compléter une parcelle où on pourrait réaliser quelque chose. Au nom de votre dogmatisme, vous stérilisez toute l'opération et vous faites perdre 88 000 F à l'Hospice général : c'est vraiment suicidaire, c'est de la schizophrénie !
M. Rémy Pagani (AdG). J'ai effectivement bien compris les enjeux de cette affaire ! Dans le projet de loi qui nous est soumis, il est dit qu'aujourd'hui cette parcelle est en zone agricole ; un certain nombre de personnes nous ont garanti qu'il s'agissait simplement de racheter ce terrain, mais de ne rien construire. Ce soir, M. Blanc parle d'une possibilité de construire et, donc, d'une possibilité de déclassement. Par conséquent, je demande à M. Moutinot s'il y a effectivement une procédure de déclassement prévue, auquel cas il est urgent d'attendre pour pouvoir vendre ce terrain au prix où il se trouvera dans quelques mois, quand il aura été déclassé.
Il me semble que j'ai mis là le doigt sur un problème important et que vous n'allez pas pouvoir faire passer la pilule comme vous vouliez le faire, en prétendant que rien ne se construira jamais sur ce terrain. Soit rien ne se construira sur ce terrain et notre amendement est alors tout à fait valable. Soit quelque chose va se construire, il y aura une procédure de déclassement et, dans ce cas, je demande le renvoi en commission, parce qu'il est urgent d'attendre, le prix du terrain qui est offert ne correspondant pas au prix qui suivra un futur déclassement.
M. Albert Rodrik (S). Mesdames et Messieurs les députés, je puis vous certifier, ès fonctions, que l'Hospice général a autre chose à faire que de charrier des lopins de terre ! S'il y a d'autres querelles et d'autres problèmes à régler, il ne faut pas que cela se fasse au détriment de cette opération, il ne faut pas que l'Hospice général en fasse les frais. Le problème soulevé par M. Pagani a peut-être un mérite en soi, mais, en l'occurrence, permettez à l'Hospice de se défaire de ce dixième dont il n'a pas l'usage !
M. Christian Grobet (AdG). En attendant M. Rodrik, je crois me retrouver il y a vingt ans, lorsque le Conseil d'Etat voulait avaliser la vente, certes beaucoup plus importante, d'une parcelle dont on ne savait pas non plus quoi faire et que nous avons récupérée : la parcelle de Pinchat sur laquelle se trouve un important foyer pour handicapés. L'argument que vous invoquez, Monsieur Rodrik, est donc un peu court, quand on sait ce qui s'est passé avec certains biens de l'Hospice général. Je pourrais vous rappeler aussi le terrain qui a été vendu à l'Institut Battelle et que l'Etat a racheté... Vous n'allez donc pas nous donner des leçons quant à la rigueur dont il faut faire preuve à l'égard de ce genre de vente immobilière !
En l'occurrence, je ne dirai pas que le pot aux roses est découvert, mais les propos de M. Blanc sont clairs : ce terrain risque d'être déclassé. C'est là qu'un problème réel se pose. Quelqu'un veut rapidement acheter, à un prix certes confortable, ce terrain qui se trouve aujourd'hui en zone agricole, mais il est évident que la situation sera fort différente si ce terrain est effectivement déclassé. En effet, je peux vous dire que, sur le coteau de Cologny, la valeur des terrains dépasse aujourd'hui 500 F le m2 et, sur les bancs d'en face, il y a assez d'agents immobiliers qui le savent !
M. Claude Blanc (PDC). Nous n'avons jamais dit que ce terrain ne serait pas déclassé. C'est d'ailleurs écrit en toutes lettres dans le rapport de Mme Grobet et c'est ce qui justifie ce prix de 510 F le m2. On peut évidemment discuter pour savoir si le prix doit être de 510, 550 ou 600 F, mais je vous rappelle que si ce terrain reste en zone agricole il vaut tout au plus 8 F le m2. C'est-à-dire que ces 174 m2 valent 1 500 F en zone agricole. Alors, vous pouvez le laisser en zone agricole et le vendre à 1 500 F !
En revanche, si une opération se réalise sur ce terrain, l'Hospice général, qui ne peut rien faire de sa part de copropriété, a l'occasion de récupérer 88 000 F, en vendant 510 F le m2 un terrain en cours de déclassement en zone villas. Ce n'est peut-être pas le prix maximum qu'on pourrait imaginer à Cologny, mais c'est déjà très confortable pour la zone villas. Quant à moi, je ne vois pas où est le problème. Si on bloque l'opération, ce terrain vaut 1 500 F en tout, alors que si on la laisse se réaliser il vaut 88 000 F : appréciez ces chiffres comme vous voulez !
M. Albert Rodrik (S). Les exemples sont toujours très édifiants, mais les terrains cités étaient dix, quinze, vingt, cent cinquante fois plus étendus que ce petit bout de chose que j'ai appelé un lopin de terre. Vous avez peut-être raison, Messieurs Grobet et Pagani, il y a peut-être un problème, mais ce que je vous demande, c'est de ne pas prendre en otage l'Hospice général, qui doit se défaire d'un tout petit quadrilatère. S'il y a un autre problème, il doit faire l'objet d'un autre projet de loi, d'un autre souci, d'une autre affaire... Vous avez peut-être beaucoup de mérite à soulever ce problème, mais laissez l'Hospice conclure cette affaire !
M. Rémy Pagani (AdG). M. Blanc met en avant la possibilité de passer de 8 F à 510 F le m2, mais le véritable enjeu, puisque la procédure de déclassement est en route, c'est de passer de 510 F à 700 ou 800 F le m2, quand le déclassement aura eu lieu ! Aujourd'hui, vous nous proposez d'accepter un prix qui n'est pas avantageux, par rapport à celui d'après le déclassement. Voilà tout ce que je constate. C'est pourquoi je demande qu'on attende que la procédure de déclassement soit définitivement achevée, pour pouvoir en bénéficier, comme en bénéficiera le propriétaire lorsqu'il aura acquis cette parcelle, si vous lui en donnez la possibilité ce soir.
M. Claude Blanc (PDC). Je rappellerai quand même que nous discutons d'un amendement de M. Pagani qui consiste à introduire une clause de non bâtir. Si nous introduisons cette clause de non bâtir, nous réduisons à néant tout possibilité de déclassement. En effet, comment voulez-vous déclasser un terrain qui est frappé d'une servitude de non bâtir ? C'est donc le serpent qui se mord la queue, Monsieur Pagani : vous voulez tellement brouiller les cartes que vous finissez par vous brouiller vous-même !
M. Laurent Moutinot. Mesdames et Messieurs les députés, il nous arrive souvent de nous plaindre que, par le biais de servitudes privées, des objectifs d'aménagement ne puissent pas être réalisés. En l'occurrence, s'il y a un projet d'aménagement sur cette parcelle, il devra forcément être voté par votre Grand Conseil et il serait bon qu'il soit voté sur un terrain nu et pas sur un terrain entrelacé de servitudes croisées.
Sur le fond, ce n'est pas à l'Hospice général - auquel ce terrain non seulement ne rapporte rien, mais semble même coûter quelque chose aujourd'hui - de faire les frais d'une politique qu'on peut, au demeurant, mener autrement qu'en s'opposant à ce projet de loi. En l'occurrence, c'est une situation étonnante que nous devons liquider dans l'intérêt de l'Hospice. L'Etat n'est pas en cause, si ce n'est qu'il participe au financement de l'Hospice. C'est la raison pour laquelle je vous demande de voter ce projet de loi tel qu'il est ressorti des travaux de la commission.
Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat.
Deuxième débat
M. Rémy Pagani (AdG). Madame la présidente, nous demandons formellement le renvoi de ce projet à la commission d'aménagement, pour être cohérent avec ce que nous avons expliqué tout à l'heure.
La présidente. Je mets aux voix la proposition de renvoyer ce projet à la commission d'aménagement du canton.
Mise aux voix, cette proposition est rejetée.
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
Article unique (souligné)
La présidente. Nous sommes saisis d'une proposition d'amendement qui consiste à ajouter, à la fin de l'article, la phrase suivante :
«La vente de la parcelle est subordonnée à l'inscription sur celle-ci d'une servitude de non bâtir au profit de l'Hospice général, de l'Etat et de la commune de Cologny.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté.
Mis aux voix, l'article unique (souligné) est adopté.
Troisième débat
Ce projet est adopté en troisième débat, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève,
décrète ce qui suit :
Article unique
L'aliénation par l'Hospice général de sa part de copropriété dans la parcelle no 1058, fe 15, de Cologny, est autorisée.