République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 8195-A
5. Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat ouvrant un crédit d'investissement de 1 936 300 F au titre de subvention cantonale à l'Association Exposition nationale (Fonds «art, culture, événements»). ( -) PL8195
Mémorial 2000 : Projet, 2136. Renvoi en commission, 2141.
Rapport de M. Claude Blanc (DC), commission des finances

La Commission des finances a examiné le projet de loi 8195 au cours de ses séances des 5 et 19 avril 2000 tenues sous la présidence de M. Bernard Lescaze, avec la participation de Mme Micheline Calmy-Rey et M. Laurent Moutinot, conseillers d'Etat, M. Denis Duffey, secrétaire général du DAEL, Mme Christine Serdaly du Service des affaires culturelles du DIP et M. Olivier Brun, membre du Groupe interdépartemental, architecte au DAEL.

Plusieurs documents ont été remis à la commission dont celui intitulé : Expo 01 Viv(r)e les frontières (annexe 1) et l'autre donnant le détail des contributions (annexe 2).

M. Brun présente les enjeux du projet. La demande de crédit de 1 930 300 F est la contribution du canton de Genève au pot commun du fonds « Arts, culture, événements » de l'Exposition nationale. Le détail des contributions a été donné par la Direction de l'exposition nationale, soit la Confédération, les cantons et les villes organisatrices ou non. La répartition a été calculée selon le nombre d'habitants et la capacité financière de chaque canton. Le canton de Genève est un des derniers à accorder ce crédit, la plupart des autres cantons ayant déjà octroyé leur part.

Les quatre feuillets extraits du journal « Le Temps » résument le projet global avec le contenu des différentes arteplages. Le projet genevois prendra place sur l'arteplage de Bienne. Les contributions cantonales au fonds « Arts, culture, événements » complétées par la Confédération représentent une somme de 30 millions que la direction d'Expo.01 a décidé de diviser en 4 parts de 7,5 millions, destinées aux expositions thématiques, soit « L'eau » pour la Suisse orientale, « L'enfance » pour la Suisse centrale, « La régionalisation des frontières à géométrie variable » pour Mitteland et « Viv(r)e les frontières » qui regroupe les cantons de Bâle-Ville, Bâle-Campagne, Jura, Neuchâtel, Tessin, Valais, Zurich et Genève.

A l'origine, le président du Comité de pilotage d'Expo.01, Francis Matthey, avait proposé le thème « Au-delà des frontières ». Les discussions sur cette thématique ont évolué depuis 1997 mais l'originalité du projet est restée, soit une réflexion commune de huit cantons, de trois cultures et trois langues, pour en faire ensuite la synthèse. Un séminaire à Neuchâtel, réunissant les délégués de tous les cantons concernés ainsi qu'un certain nombre d'experts a mené au canevas d'un contenu présenté au jury de l'exposition, institué pour examiner tous les projets individuels, privés et publics. Le projet « Viv(r)e les frontières » a été accepté sous la réserve de quelques modifications. Il a constitué la base d'un concours d'idée, selon les normes OMC (cf. extrait FAO) qui comportait non seulement un appel d'offres sur la mise en oeuvre d'un contenu mais également sur sa réalisation sur place, son exploitation et son démontage.

L'association d'un atelier allemand de Stuttgart et d'une maison suisse spécialisée dans la réalisation d'expositions a gagné le concours et le groupe en est au stade de devoir engager un projet de collaboration définitif avec ces mandataires.

Contenu du projet et pourquoi « Viv(r)e les frontières »

Il est proposé au visiteur de suivre un parcours exploratoire où il va faire des expérimentations. Il va notamment expérimenter la frontière dans le domaine social, culturel et politique et non dans le domaine géographique. Pour ce faire, il lui sera proposé de se confronter à différents types de frontières et de les transgresser afin de les expérimenter. L'idée est de lui faire suivre un parcours où il pourra mener des expériences individuelles et collectives et il aura le choix, en passant par différentes étapes, de continuer ou non son parcours, de transgresser ou non une frontière ou de s'y confronter de manière totale, autant avec ses sens qu'avec sa raison. Quelques exemples de frontières sont suggérés dans le document Expo.01 « Viv(r)e les frontières », ghettos urbains, rapport à l'étranger ou handicaps. Il sera soit laissé à l'imagination du visiteur de faire des propositions de transgression de frontières, soit on lui proposera différentes solutions.

Coût du projet

Le projet lui-même a un prix plafond de 5 millions. Un montant de 2 millions est payé à Expo.02 pour la location des surfaces et infrastructures mises à disposition et une somme de 500 000 F est conservée comme réserves et pour payer un bureau de direction de projet qui assurera le suivi du travail des mandataires.

Organisation du projet

Il convenait de trouver des modalités qui conviennent à une organisation nouvelle entre des cantons qui n'ont pas l'habitude de travailler ensemble. Expo.02 a demandé à chaque canton d'avoir un référent, délégué cantonal qui assure la liaison entre elle-même et les cantons concernés. C'est la tâche que M. Brun assume pour Genève au sein d'un Comité de pilotage destiné à fixer les orientations du projet et à suivre son évolution. Des conventions ont été mises au point qui statuent et fixent les droits et les devoirs de chacun, le principe adopté étant que le projet devait être une collaboration avec Expo.02. C'est dans ce sens que le projet « Viv(r)e les frontières » se différencie des autres projets où les cantons concernés ont désiré avoir la mainmise totale de l'exposition qu'ils réalisent. Il est apparu notamment nécessaire, au vu du large regroupement de cantons, qu'il y ait un partenariat véritable avec la direction d'Expo.02 et un partage des responsabilités. Ces principes sont fixés dans une convention intercantonale qui est en train d'être signée par les représentants des gouvernements concernés. Une autre convention entre le regroupement des cantons et Expo.02 statue sur l'organisation à mettre en place, le Comité de pilotage, les responsabilités des cantons, la somme à disposition de 5 millions, l'entreprise adjudicataire prenant la responsabilité de la réalisation du projet sur place.

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Ce qui a intéressé le groupe est la double histoire de la forme et du contenu ; c'est le fait de se mettre à travailler à 8 cantons autour de la même table sur le thème de la frontière qui est à lui seul un défi. Partager la notion de frontière telle qu'elle est abordée - non pas la frontière géographique - mais « Où est la limite des autres », « Qu'est-ce qui est un tabou pour toi, pour moi ? », « A quelles conditions je prends, qui est le garant ? », « Je suis ton étranger, tu es mon étranger », de la Suisse romande à la Suisse alémanique en passant par le Tessin et le Valais, évidemment, personne n'a le même point de vue là-dessus. Il y a une dimension de négociation et de gestion d'identité culturelle différente qui fait vraiment une grosse partie du corps du projet. Chaque canton a donc choisi sa façon d'alimenter le thème pour arriver à une grande discussion commune, armé de ses propres idées. Curieusement, chacun était au moins d'accord sur le sens qu'il voulait donner à la frontière. Ensuite, les problèmes ont commencé parce que les Zurichois ne travaillent pas comme les Genevois, ni comme les Bâlois : ils souhaitaient ficeler le tout d'abord et mettre en oeuvre ensuite. Le groupe genevois a préféré garder des plages pour la discussion, au fur et à mesure de l'avancement de la réflexion. Dans une première étape, le projet est devenu celui de tout le monde.

Les Genevois se sont bien reconnus dans l'histoire et, forts des réflexions qu'ils avaient entamées, ils ont décidé d'y mettre ce dont ils avaient envie et de « garder une sorte de proximité, proche de leurs préoccupations ». Ils ont eu envie d'articuler la journée genevoise et de défendre les deux histoires jusqu'au bout. Au fond, tout le monde est d'accord, même si, lorsque l'on dit « Citoyenneté », « Bürgerschaft » n'est pas vraiment la même chose en Suisse allemand. Les deux termes ne recouvrent pas la même notion. Le côté extrêmement intéressant du projet est de dire qu'on vit tous dans ce pays, et c'est bien là, la difficulté de faire les choses ensemble. Le projet est conçu comme un lieu où l'on tente de le faire. C'est à la fois un projet de tous mais où les négociations sont âpres, et en même temps, c'est un projet où les Genevois se reconnaissent pleinement, avec leurs propres questions autour de la différence d'identité culturelle. Ce n'est pas le noman's land mais ce n'est pas le consensus non plus. Les séances sont plutôt tendues et on est loin d'une chose molle dans laquelle personne ne se reconnaît. Il s'agit plutôt d'une chose pour laquelle chacun des partenaires va se battre jusqu'au bout, pour être sûr qu'un bout de sa vision et celle des personnes qui ont des compétences dans beaucoup de territoires soient prises en compte.

M. Brun précise que le pot commun, établi en fonction de la capacité contributive des cantons et complété par la Confédération, se situe à hauteur de 30 millions. Il a été destiné, dès le départ du processus de l'Exposition nationale, au financement des projets d'exposition cantonaux. Il appartenait aux cantons de définir les thèmes des expositions. Sur ce plan, il n'y a pas eu beaucoup de directives de la part de la Direction générale de l'exposition qui a fait un appel aux cantons, d'une part pour qu'ils se regroupent, évitant ainsi 26 projets différents, et, d'autre part, pour qu'ils fournissent des idées de thèmes. Au cours des discussions avec d'autres cantons, le groupe genevois a envisagé la possibilité de réaliser un projet commun, avec des cantons de trois cultures différentes, sur le thème de la frontière dont « Viv(r)e les frontières » est l'aboutissement. Le contenu est donc moins avancé que celui du projet « De quoi GE me mêle » puisque le mandataire vient d'être désigné. Au plan du concept, il s'agit d'aborder la notion de la frontière, dans son contenu culturel et social, et non pas au sens de la frontière géographique. L'idée est de faire expérimenter aux visiteurs différents types de frontières auxquelles il peut se confronter dans la société, que ce soit par rapport à une langue, à des coutumes qui ne sont pas les siennes, à d'autres usages, à des personnes différentes par l'âge ou par un handicap. Chacun s'est mis d'accord sur cette idée fondamentale dès le départ. Par la suite, chaque canton a développé la discussion interne à sa manière et s'est organisé comme il l'entendait pour développer ce contenu de base. Finalement, le séminaire de Neuchâtel qui a réuni des participants de chaque canton, a tenté de faire une synthèse qui figure dans le document « Expo.01 Viv(r)e les frontières ». Il s'agit d'un contenu général qui ne constitue pas le projet définitif. Le mandataire désigné pour élaborer l'exposition a été choisi à partir d'un certain nombre d'idées qu'il a amenées, autant sur le contenu que sur la forme. Il a notamment réalisé une exposition de ce type dans un autre canton et elle a connu un énorme succès.

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Ce qui a intéressé le groupe dans cette histoire est d'abord le fait d'avoir un thème à nouveau proche des préoccupations genevoises - comment on vit la différence avec l'autre - et l'idée était de faire un projet où chaque personne serait confrontée à ses valeurs. Il s'agissait d'abord d'un dispositif d'exposition qui permettrait à chacun de se situer, de dire « Où est-ce que je suis, moi, en termes de valeur, par rapport à toutes sortes de notions ? » et d'avoir ensuite quelque chose d'extrêmement interactif, avec un renvoi à soi et un renvoi aux autres. Il est vrai aussi que les deux projets sont peu comparables puisque l'un était censé recouvrir une journée - et le groupe a construit une dynamique - tandis que l'autre est une exposition qui va durer six mois, avec un dispositif comme à la Villette où on entre en quelque sorte par une porte et on ressort par l'autre. Il s'agit d'une problématique et de conditions générales très différentes. L'avancement du projet « Viv(r)e les frontières » est également différent puisqu'il en est au stade de l'esquisse. Un autre aspect qui est apparu intéressant au groupe, dans la démarche, est le fait de se dire que dans une exposition nationale, chaque canton aurait pu contribuer à sa réalisation, comme cela, d'une manière ou d'une autre. Pour « Viv(r)e les frontières », c'est un peu « donnant, donnant », on contribue mais en échange, on va pouvoir avoir la maîtrise d'un bout des contenus. De plus, lorsque l'on dit « multiculturalité », on pense « machin », « on sait bien faire », etc. mais le constat genevois est que l'on a un peu tendance à se croiser les uns et les autres. Or, qu'en est-il de la Suisse - notamment lorsqu'on examine la question des systèmes éducatifs - force est de reconnaître qu'on vit dans un cloisonnement fort, d'un canton à l'autre. Ce qui a intéressé le groupe dans le projet était précisément d'aller, au travers d'une action concrète, « vers une tentative concrète de décloisonnement pour construire un objet concret, commun, ensemble ; c'était finalement de voir si on pouvait retirer quelque chose de se mettre ensemble, ensuite en Suisse, avec cette diversité linguistique qui a évidemment des frontières, pour un bout d'idées de notre rapport à l'étranger, la question ne se pose pas de la même manière ; y a-t-il un intérêt à être ensemble et à essayer de partager un certain nombre de points de vue, de construire quelque chose ou alors, est-ce irréconciliable et ne vaut-il pas mieux que chacun reste dans son coin ? C'est cette question au centre du projet qui est apparue suffisamment stimulante pour que la condition « donnant, donnant » de l'exposition soit alimentée par un engagement pratique ».

M. Brun reconnaît que c'est une expérience nouvelle pour lui, en tant qu'architecte. Les constructions sont en général des programmes qui sont définis dès le départ. Une école est un contenu, un certain nombre de classes doivent être réalisées sous une certaine forme pour pouvoir dispenser un enseignement. C'est un contenu culturel qui va se transformer en bâtiment scolaire. Dans le cadre de « Viv(r)e les frontières » un processus est engagé qui n'a pas d'histoire, qui part de zéro, avec une thématique globale et un contenu général. Il va falloir ensuite lui donner forme. On peut imaginer un auteur qui écrit une pièce de théâtre, qui a un contenu à donner et qui va ensuite demander à un scénariste de mettre en scène ce contenu. Le contenu de « Viv(r)e les frontières » a été défini, le scénariste choisi et ce dernier va devoir mettre tout cela en scène. Il a été choisi sur la base de ses compétences, de ses capacités et de son imagination puisque, dans le concours d'idées, il a déjà proposé une certaine mise en scène qui est apparue intéressante, soit d'essayer de produire un parcours dans lequel le visiteur va être appelé à faire des expériences. Collectives ou individuelles, se confrontant, soit à des objets, soit à d'autres visiteurs ou à des animateurs qui vont le provoquer. Il va être interpellé dans des langues qu'il ne connaît pas, il va être projeté dans des espaces qui lui semblent étranges, etc., et toutes ces idées doivent encore prendre forme. Le livret est en quelque sorte écrit et il s'agit de le mettre en scène. C'est la raison pour laquelle il n'est pas possible d'en dire plus pour l'instant. Quant à l'utilisation du pot commun, il est lié aux quatre projets et non pas à autre chose.

Mme Serdaly souhaiterait ajouter que l'ambiance catastrophique de l'automne dernier, ce dont elle a pris conscience est le fait qu'une grande partie des gens ne savent pas ce qu'est la dynamique de projet. Or, cette attitude est tout à fait normale. Lorsqu'on va à une « expo », on en voit le « bout fini », prêt à consommer alors que ce qui est en amont est un processus énorme. Ce qui est particulier à l'Exposition nationale est le fait que, pour une fois, le phare est mis dès le début du processus et on n'a peut-être pas l'habitude de voir ce travail en amont. « Plus quelque chose est vulgarisé intelligemment, plus il est ludique, plus il est intelligent pour le public, plus le travail de pensée et de recherche en amont est immense ». Ce qui est particulier dans cette histoire est le fait qu'on n'ait pas expliqué aux gens que c'était ce travail qu'on leur montrait et que le projet corps était braqué sur ce processus, dès la première seconde, sans qu'on dise pour autant qu'il s'agissait de la phase de recherche de quelque chose qui va mener à un produit concret. Dans « l'usine à presse-citron », il y a une phase de recherche et de développement et même là, pour développer le produit adéquat, - mais cela, on ne le voit jamais - cela coûte très cher et cela prend beaucoup de temps. C'est aussi une caractéristique de l'expo - d'ailleurs M. Nissim l'a relevé - d'avoir peut être des « trucs » qui sont périmés mais il y a là une collection d'idées qui sont au stade des concepts, qui sont en travail, dans les étapes de recherches. C'est vrai qu'il y a un côté « intello » et abstrait, on ne voit pas bien où cela va mener mais il est vrai aussi, que d'habitude, ce travail ne se voit pas. Ce qui est particulier à Expo.02 est que cela a été mis au grand jour.

Débat et vote

Le président s'interroge de savoir quel pourcentage de travail le DAEL délègue à M. Brun dans le cadre du projet.

M. Brun répond que la part de son travail au projet est très inégale. Il a comptabilisé ses heures l'an passé et est arrivé à un pourcentage de 16 %. Ce pourcentage va probablement s'accentuer d'autant plus qu'il préside le Groupe intercantonal et fait partie du Comité de suivi du projet.

Le moins que l'on puisse dire, c'est que toutes ces explications qui ont été fidèlement rapportées par notre procès-verbaliste, Mme Monnin, ce dont je la remercie, n'ont pas déclenché l'enthousiasme et que les députés craignent que l'on se dirige vers une manifestation intellectuelle qui passera largement au-dessus de la compréhension moyenne du peuple suisse.

Certains ajoutent même - et le rapporteur se doit de le relever - qu'il leur paraît contradictoire de dépenser près de 2 millions pour « Viv(r)e les frontières » alors que dans le même temps on réduit les montants alloués aux requérants d'asile.

En résumé, on achète un produit sans le voir et le président de la commission rappelle fort opportunément qu'un article paru récemment sur Expo.02 dans « Construire » rend compte du fait que les visiteurs pénétreraient dans l'Arteplage d'Yverdon dans un nuage artificiel de vapeur !

Cela dit, il est évident que Genève ne peut pas se singulariser une fois de plus en refusant sa participation à l'Exposition nationale.

C'est pourquoi, la Commission des finances vous recommande, Mesdames et Messieurs les députés, d'accepter le projet de loi 8195 tel que présenté par le Conseil d'Etat par 5 voix (2 L, 2 DC, 1 R) contre 1 (AdG) et 5 abstentions (3 S, 1 Ve, 1 R).

ANNEXE 1

12

1314ANNEXE 2

Premier débat

M. Claude Blanc (PDC), rapporteur. J'espère que la majorité d'entre vous aura eu le courage et la persévérance de lire le rapport que je vous ai infligé. Je dois vous dire qu'il n'est pas de moi. En effet, j'aurais été bien incapable de faire une synthèse de ce que nous avons entendu en commission et, par conséquent, je l'ai reproduit in extenso en espérant que vous arriveriez à vous y retrouver.

Évidement, je n'ai pas caché un certain scepticisme de la commission devant ce que je pourrais appeler : l'intellectualisme de la conception du projet. On peut imaginer que ce scepticisme est lié à tout ce que l'on apprend sur l'organisation de l'Expo. Toutefois, malgré ce que nous entendons actuellement, nous serons peut-être agréablement surpris par le résultat de l'Exposition nationale. D'autre part, je crois, Mesdames et Messieurs les députés, que, même si le thème et la présentation ne nous enthousiasment pas, notre solidarité confédérale nous oblige à nous rallier à ce projet et, avec les autres cantons, à y participer.

M. Bernard Clerc (AdG). Le projet que l'on nous propose de financer ce soir a pour titre : «Vivre les frontières !». C'est une exposition dans laquelle il est permis aux visiteurs de vivre de manière virtuelle les frontières dans les domaines social, culturel et politique. Parmi ces frontières, il en est une qui représente le rapport avec l'étranger, avec les étrangers.

Or il y a là évidemment un paradoxe que nous tenons à souligner. On nous propose de dépenser 2 millions pour ce projet, alors que, dans le même temps, on diminue de manière drastique les prestations aux requérants d'asile. Je vous cite quelques chiffres. Pour les requérants d'asile, entre 1981 et 2000, la prestation d'entretien de base pour une personne seule a diminué de 56%, passant de 744 F par mois à 325 F. Entre 1999 et 2000, la baisse est de 35%. Tout cela, bien sûr, est en terme nominal sans tenir compte de l'inflation.

Mesdames et Messieurs les députés, qui d'entre nous accepterait une baisse aussi considérable de ses revenus ? Bien entendu, il est plus facile de s'attaquer à la part de la population la plus fragile qui n'a aucun moyen de défense et qui se trouve à la merci des renvois ! En tout cas, le Conseil d'Etat ne craint pas de souffrir de schizophrénie en la matière : 2 millions pour une exposition virtuelle, 6 millions d'économies sur le dos des requérants d'asile.

En ce qui nous concerne, nous refusons ce double discours qui consiste, d'un côté, à prôner le dépassement des frontières et, de l'autre, dans le concret de la vie des requérants d'asile, à imposer des conditions de vie matérielles intolérables, à l'origine du renforcement de la xénophobie.

Le projet qui nous est soumis invitera le visiteur à transgresser les frontières s'il le souhaite. En ce qui nous concerne, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à transgresser immédiatement la frontière mise par le Conseil d'Etat entre le discours et la pratique et à refuser le présent projet de loi. (Applaudissements.)

M. Albert Rodrik (S). Ce n'est pas avec un enthousiasme délirant que certains d'entre nous voteront ce projet et d'autres s'abstiendront. C'est à peu près ce qui est sorti au caucus. Nous ne pensons pas que Genève peut être absente de l'Exposition nationale. Nous ne pensons pas que Genève peut s'abstraire de la communauté confédérale.

Qu'il me soit permis de rappeler ici, comme l'a dit en longueur mon collègue Clerc, que l'année où est sorti le barème du 1er mars concernant les normes d'assistance aux requérants d'asile nous bâtissons un projet, pour le moment abstrait, sur l'importance des communautés étrangères dans notre canton; ce qui est fort juste. Elles sont fort importantes. Elles contribuent à faire Genève et nous en sommes fiers, mais cela signifie aussi que nous savons leur accorder la place qui leur revient.

Eh bien, cette coïncidence chronologique que personne n'a voulu rend la déglutition difficile, mais encore une fois, nous ne pensons pas que cette boule que nous avons là dans le creux que je vous montre doive nous amener à empêcher que Genève soit présente dans une entreprise qui entraîne la Suisse.

Permettez-moi aussi de dire que, pour le moment, nous avons du mal à voir comment ces choses extrêmement abstraites et très «sur le papier» vont devenir des réalités, mais nous sommes optimistes parce que nous essayons de vouloir l'être.

M. Claude Blanc (PDC), rapporteur. Je suis du même avis que M. Rodrik. Il faut être optimiste, même si, à première vue, on ne sait pas encore exactement ce qu'il va sortir de tout cela. Je vous ai bien entendu, Monsieur Clerc, et j'ai bien compris ce que vous avez dit.

Cependant, Mesdames et Messieurs les députés, si vous voulez faire avancer les idées que vous venez d'émettre, il faut que le peuple, d'une manière ou d'une autre, les voient, les sentent. Or l'Exposition nationale, quoi qu'on puisse en penser, est un élément vecteur. C'est pourquoi le raccourci que vous faites entre les 2 millions proposés dans ce projet et les 6 millions rabotés aux requérants d'asile me paraît un peu réducteur. Il ne s'agit pas de dire simplement que vous ne voterez pas ces 2 millions. Encore faudrait-il travailler davantage afin de mieux expliquer la situation.

Comme vous le savez, si les autorités responsables peuvent aussi facilement raboter des millions pour les réfugiés, c'est qu'elles savent que, parmi la population, il y a des personnes qui ne sont pas aussi convaincues que vous l'êtes vous-même, Monsieur Clerc. Je crois que si vous étiez conséquent avec vous-même, vous voteriez ces 2 millions qui pourraient peut-être contribuer à faire évoluer l'opinion publique dans ce domaine.

M. Laurent Moutinot. A l'heure actuelle tous les cantons, à l'exception du Tessin, ont versé leur quote-part dans ce fonds «art, culture, événements» de 30 millions. Si le Tessin ne l'a pas fait, c'est que, malheureusement, le conseiller d'Etat en charge de ce dossier, comme vous le savez, est décédé récemment. Par conséquent, et comme cela a été dit, nous ne pouvons pas être absents de cette exposition nationale.

S'agissant de l'argumentation de M. Clerc, je m'y rallierais si le sujet traité dans le groupe auquel participe Genève n'avait précisément pas trait à la question des étrangers. Dans cette mesure, ce projet peut contribuer à mieux faire comprendre à la population en général, à ceux en particulier qui ont tendance à la fermeture, que la présence d'étrangers en Suisse, loin d'être un danger ou un risque, est une chance et un bénéfice.

Je le dis d'autant plus que, le 24 septembre, nous aurons à nous prononcer sur cette question et que la position du Conseil d'Etat est claire et catégorique. Nous devons rejeter cette initiative. Nous devons aussi travailler à la bonne intégration des étrangers. Plus ils sont intégrés plus il est facile de faire en sorte que les statuts des uns et des autres soient améliorés, y compris sur le plan financier, comme vous le releviez, à juste titre, Monsieur Blanc. Si le thème choisi avait été des gaudrioles, Monsieur Clerc, je n'aurais pu que m'incliner devant votre argument, mais, compte tenu du choix de ce thème, je vous demande de bien vouloir voter ce projet de loi.

Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue :

Loi(8195)

ouvrant un crédit d'investissement de 1 936 300 F au titrede subvention cantonale à l'Association Exposition nationale(Fonds ";art, culture, événements")

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :

Art. 1 Crédit d'investissement

Un crédit d'investissement de 1 936 300 F est ouvert au Conseil d'Etat au titre de subvention cantonale à l'Association Exposition nationale.

Art. 2 Budget d'investissement

Ce crédit est réparti en tranches annuelles inscrites au budget d'investissement en 2000, 2001 et 2002 sous la rubrique 53.02.00.561.03.

Art. 3 Financement et couverture des charges financières

Le financement de ce crédit est assuré par le recours à l'emprunt dans le cadre du volume d'investissement "; nets-nets " fixé par le Conseil d'Etat, dont les charges financières en intérêts et en amortissements sont à couvrir par l'impôt.

Art. 4 Amortissement

1 Compte tenu de la nature de cet investissement, l'amortissement doit être effectué dans l'année de versement de chacune des trois tranches de subvention.

2 L'amortissement est porté au compte de fonctionnement.

Art. 5 But

Cette subvention représente la participation de l'Etat de Genève au fonds "; art, culture, événements " de l'exposition nationale suisse, géré par l'Association Exposition nationale.

Art. 6 Durée

Cette subvention doit prendre fin soit par l'utilisation du montant figurant à l'article 1, soit par l'extinction préalable des engagements et obligations du canton.

Art. 7 Loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat

La présente loi est soumise aux dispositions de loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève, du 7 octobre 1993.