République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 8073-B
4. Suite du premier débat sur le rapport de la commission d'aménagement du canton chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Christian Grobet, Jean Spielmann, Anita Cuénod, Fabienne Bugnon et Anne Briol modifiant la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire (L 1 30). ( -) PL8073
 Mémorial 1999 : Projet, 4932. Renvoi en commission, 4933.
 Mémorial 2000 : Rapport, 2408. Renvoi en commission, 2414.
 Rapport, 5695. Premier débat, 5700.
Rapport de Mme Laurence Fehlmann Rielle (S), commission d'aménagement du canton

Suite du premier débat

M. Laurent Moutinot. Mesdames et Messieurs les députés, vous avez la compétence de déposer des projets de lois sur tous les sujets, des plus importants aux plus mineurs. Vous pouvez déposer un projet de loi pour demander la fusion avec un canton voisin, vous pouvez déposer un projet de loi pour supprimer le statut de la fonction publique. Mais à l'heure actuelle, vous n'avez pas la possibilité de déposer un projet de loi pour déclasser ou reclasser un terrain. Vous pouvez seulement déposer une motion invitant le Conseil d'Etat à agir dans le sens de vos souhaits. Mais comme les motions n'ont pas d'effet contraignant, le Conseil d'Etat peut vous répondre qu'il n'entend pas, tout bien pesé, aller dans le sens que vous souhaitez.

Le projet de loi qui vous est soumis aujourd'hui vous donne la compétence d'initier une modification de zone, toujours par la voie d'une motion, mais une motion qui oblige le Conseil d'Etat à y donner suite. A y donner suite en respectant bien entendu la loi fédérale sur l'aménagement du territoire et toute la procédure démocratique qu'elle impose, soit notamment l'enquête publique, le préavis communal et la procédure d'opposition.

Il est vrai qu'il y a un risque de contradiction, avec cette nouvelle compétence, entre les exigences des communes, celles de votre Grand Conseil et celles du Conseil d'Etat. Je ne crois pas que nous soyons aujourd'hui dans une telle harmonie que ce risque ne puisse être pris. Cela ne fait que légèrement compliquer ma tâche. Mais, s'agissant d'une prérogative démocratique que vous réclamez pour vous-mêmes, je ne peux en définitive que m'y rallier.

J'ai attiré l'attention des auteurs de ce projet sur le fait que les majorités changent, aussi bien au parlement qu'au Conseil d'Etat, et que l'instrument en question ne constitue certainement pas, contrairement à ce que pensent M. Portier ou M. Spinucci, une arme en main d'une majorité contre une autre, puisque, par essence, les majorités passent et changent. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)

J'accepte de perdre certaines prérogatives, parce que le système que vous proposez revêt un caractère démocratique supplémentaire par rapport à l'ensemble de vos prérogatives et que je suis persuadé que nous pouvons gérer la République avec un tel système. Vous savez en effet qu'il y a deux verrous en main du Conseil d'Etat dans le système actuel. Le premier verrou, c'est tout simplement le fait que le Conseil d'Etat peut ne pas donner suite à la motion l'invitant à présenter un projet de loi de déclassement. Vous avez, à l'article 15A, alinéa 5, du projet qui vous est soumis, l'obligation pour le Conseil d'Etat de préparer un avant-projet de loi et de plan et de le soumettre à l'enquête publique. Il y a toutefois un garde-fou. Ce projet doit bien entendu être conforme au plan directeur cantonal. La procédure prévue par les règles d'aménagement du territoire doit aussi être suivie, y compris le préavis communal. Le deuxième verrou est à l'heure actuelle le suivant : le Conseil d'Etat, qui pourrait avoir donné suite à votre motion, n'a pas l'obligation, après l'enquête publique, de déposer le projet de loi.

L'article 16, alinéa 4, du projet de loi impose au Conseil d'Etat, de déposer ledit projet de loi. On le lui impose... Monsieur Dupraz, votre amendement va dans le sens contraire, vous le savez ! On impose donc au Conseil d'Etat de déposer ce projet de loi, mais on ne lui impose pas de le soutenir ! On lui impose de suivre la procédure jusqu'au bout, ce qui est parfaitement raisonnable. Il arrive d'ailleurs déjà que le Conseil d'Etat dépose des projets de lois à la demande des communes, projets dont il peut ne pas être toujours parfaitement convaincu.

En réalité, Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi vous donne une compétence supplémentaire, qui est celle d'obliger le Conseil d'Etat à préparer un projet de loi en matière de modification des limites de zones et à vous le présenter. Comme dans le système actuel, vous resterez en fin de course, vous et vous seuls, l'autorité décisionnelle. Comme dans le système actuel, mon département restera en charge de la totalité de la procédure, du dessin du plan, de la rédaction du projet, de la mise à l'enquête publique et de la sollicitation de l'avis communal.

Pour justifier votre amendement, vous avez expliqué, Monsieur Dupraz, qu'une contradiction pouvait apparaître avec les communes. Ce n'est pas certain. Dans le système actuel, il y a d'ores et déjà des contradictions possibles avec les communes. En pareil cas, le Conseil d'Etat a l'obligation d'entendre la commune. Il n'a par contre pas l'obligation de suivre l'avis qu'elle lui donne lors de cette audition. Et cela se produit parfois. S'agissant des deux derniers amendements de M. Pagani, ils ne changent rien à tout ce que je viens de vous expliquer. A l'article 15A, alinéa 1, il s'agit d'une précision de texte pour dire que la motion dont il est question est bien cette motion spéciale. Dont acte ! Quant à la modification de l'article 16, alinéa 4, c'est une pure modification de forme. En revanche, l'amendement de M. Dupraz consiste à laisser en main du Conseil d'Etat la possibilité de ne pas déposer un projet de loi. Je devrais normalement m'en réjouir, car, dit-on, plus nous avons de compétences, plus nous sommes heureux ! Mais je suis en l'occurrence prêt à y renoncer pour des raisons démocratiques. Je n'ai dès lors pas d'objection à ce que vous adoptiez ce projet de loi. 

Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat.

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.

Article unique (souligné)

Art. 15A, al. 1

Le président. Nous sommes saisis d'un premier amendement à l'article 15A, alinéa 1, présenté par M. Pagani. Il consiste à ajouter le texte suivant à l'alinéa actuel :

« ... d'une commune. La demande du Grand Conseil est exprimée sous la forme d'une motion traitée conformément à l'alinéa 5 ci-après. »

M. Rémy Pagani (AdG). Monsieur le président, une feuille d'amendements vient de nous être distribuée. Mon nom est inscrit à côté des deux amendements qui y figurent, alors que je ne suis l'auteur que du premier d'entre eux. Je ne comprends pas cette situation et je vous demande donc de bien préciser l'amendement que nous sommes en train de discuter. 

Le président. Monsieur Pagani, nous sommes en train de procéder à une lecture article par article du projet. Nous sommes saisis d'un premier amendement, que vous avez vous-même rédigé, concernant l'article 15A, alinéa 1, article qui ne fait pas partie du projet de loi que nous traitons actuellement. Il s'agit d'une phrase qu'il est proposé d'ajouter à la fin de l'article 15A, alinéa 1, actuel, lequel s'achève par : « La demande du Grand Conseil est exprimée sous la forme de motion. » Vous nous présentez un amendement qui précise en substance : « La demande du Grand Conseil est exprimée sous la forme d'une motion traitée conformément à l'alinéa 5 ci-après. » C'est cette dernière version que je vais mettre aux voix.

Mis aux voix, cet amendement est adopté.

Mis aux voix, l'article 15A, alinéa 1, ainsi amendé, est adopté.

Mis aux voix, l'article 15A, alinéa 5 est adopté, de même que l'article 16, alinéa 1.

Art.16, al. 4

Le président. Nous sommes saisis de trois amendements. Je mets tout d'abord aux voix l'amendement le plus éloigné du texte actuel. C'est celui présenté par M. John Dupraz. Il consiste à supprimer la fin de l'alinéa 4 :

« Au terme de la procédure prévue [...] ou du maire de la commune. »

M. John Dupraz (R). Si je suis bien informé, notre collègue, M. Barro, présente un amendement allant dans le même sens que moi. Son amendement est un peu plus modéré par rapport au texte du projet de loi. Je souhaite donc qu'il présente son amendement, auquel je me rallierai.

M. Claude Blanc (PDC). En ce qui concerne l'amendement de M. Dupraz, je voudrais profiter de l'occasion pour relever une chose que j'ai entendue dans l'exposé de M. le conseiller d'Etat Moutinot. Il disait il y a un instant que le Grand Conseil voulait en fait donner, par ce projet de loi, un supplément de démocratie au parlement. C'est à peu près cela que j'ai compris et je crois que c'est à peu près comme cela que vous l'avez dit. Je m'inscris en faux contre cette interprétation. Il s'agit en réalité pour le Grand Conseil de confisquer une partie de la démocratie locale à son profit. C'est du centralisme, que certains des bancs d'en face appellent centralisme démocratique et qui a fait ses preuves dans notre pauvre continent pendant 70 ans ! C'est exactement cela que vous voulez ! Vous voulez confisquer la démocratie locale, alors que vous n'arrêtez pas de vous gargariser de démocratie de quartier lorsque cela vous arrange. Il faut savoir ce que vous voulez. Je sais quant à moi ce que vous voulez ! Vous voulez la démocratie de quartier lorsque vous la contrôlez et vous voulez la confisquer lorsque vous ne la contrôlez pas ! Eh bien, Mesdames et Messieurs les députés d'en face, vous êtes des usurpateurs ! 

Le président. Je passe la parole à M. Barro qui va nous expliquer le sens de son amendement.

M. Florian Barro (L). Je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'expliquer, en particulier à M. Dupraz, le sens de mon amendement, mais je le fais tout de même bien volontiers ! Cet amendement part du principe suivant. Actuellement, les projets de lois de déclassement du Grand Conseil sont quasiment toujours précédés d'un préavis favorable de la commune ou, à défaut d'être favorable, d'une audition du Conseil administratif avant que le Conseil d'Etat ne dépose son projet de loi. Partant de ce principe, si notre Grand Conseil dépose par voie de motion, ce qui est tout à fait légitime, une proposition de déclassement, il serait à tout le moins courtois de prévoir que la commune soit consultée et que la commune préavise favorablement le projet. Ce serait à mon avis la réciprocité nécessaire à donner à votre proposition, pour que le projet du Grand Conseil soit au moins assorti d'un soutien communal. C'est pourquoi je propose le libellé suivant :

« Au terme de la procédure [...]. Si le projet de modification des limites de zone résulte d'une demande du Grand Conseil, le Conseil d'Etat est tenu de déposer un projet de loi assorti d'un préavis favorable du Conseil municipal.

Par économie de papier, je me suis permis, Monsieur Pagani, d'écrire mon amendement directement sur votre feuille d'amendement.

Vous êtes favorable à la démocratie de quartier, Monsieur Pagani, vous êtes favorable à tout ce qui est proche du citoyen. Vous ne pouvez donc pas vous opposer à ce que le conseil communal soit appelé à donner un préavis et que le département puisse déposer un projet de loi formel assorti d'un préavis favorable de la commune.

Je sais bien que l'on revient quelque peu en arrière, aux années 1992 - 1993, lorsqu'avait été déposée cette initiative sur l'autonomie communale. On entendait alors assortir obligatoirement tout projet de loi d'un préavis favorable de la commune. Votre méthode de travail nous contraint à demander à ce que la commune soit associée, dès le départ et favorablement, à votre démarche. Sinon, on ne s'en sortira pas et l'on ne fera que de l'obstruction. Nous avons eu deux précédents, à Troinex, ainsi qu'à Chêne-Bourg ou Chêne-Bougeries, qui confirment votre manière d'imposer le territoire et l'aménagement du territoire aux communes.

Je vous remercie de soutenir cet amendement qui va dans le sens d'une démocratie encore un peu plus élargie au sens où nous l'entendons. 

M. Pierre Meyll (AdG). Il faut admettre que MM. Portier, Spinucci et Blanc sont des exécutifs ou d'anciens exécutifs communaux. Ils voient donc le problème sous un aspect différent de celui des minorités que l'on peut retrouver dans les communes. Il est clair, irresponsable parfois aussi, que l'on ne respecte pas souvent l'avis de ces minorités dans les communes, comme dans la mienne du reste. Dans ce contexte, ce projet de loi présente l'avantage de faire réfléchir les exécutifs communaux.

Vous me parlez ensuite de l'Association des communes genevoises. Je vous ai déjà dit que c'était la meilleure agence de voyage du canton. C'est tout ! Enfin, ce que nous voulons sous cette forme-là, c'est effectivement la démocratie communale. La démocratie de quartier, c'est encore autre chose. La démocratie communale... Oui, Monsieur, absolument ! La démocratie de quartier s'inscrit dans une grande communauté. Quant à la démocratie communale, il s'agit de petites communautés de village, où l'on retrouve toujours des exécutifs favorables à la droite. Il est clair que nous ne voulons pas de ceci... (Brouhaha.) 

Le président. S'il vous plaît, un peu de silence ! Des groupes de discussion se forment gentiment. J'aimerais que ces discussions se poursuivent hors de cette salle.

M. John Dupraz (R). Mon amendement va tout à fait dans le sens de celui déposé par M. Barro. Il ne s'agissait pas, pour moi, d'empêcher les députés de formuler des propositions de modification du régime des zones. Mais il faudrait pour le moins que le député qui propose une telle modification ait l'aval de la commune. Il ne s'agit pas de se gargariser à tout moment de l'autonomie des communes et de ne pas la respecter lorsqu'il s'agit d'un fait politique essentiel, à savoir la modification du régime des zones. C'est pourquoi je retire mon amendement au profit de celui de M. Barro, qui précise que l'intention d'un député ne peut être transcrite dans un projet de loi par le Conseil d'Etat que si la commune accepte la proposition qui est faite. Si la commune n'est pas d'accord, il ne doit pas y avoir de projet de loi. C'est du reste ce qui se passe dans la pratique actuelle. Je trouverais donc pour le moins curieux que des députés... (L'orateur est interpellé.) Monsieur Pagani, ne dites pas que ce n'est pas vrai ! Il y a trente ans que vous parcourez tous les quartiers de la Ville de Genève pour semer la pagaille dans ce pays, empêcher...

Le président. Monsieur Dupraz, veuillez vous adresser à la présidence, s'il vous plaît !

M. John Dupraz. Monsieur le président, cela fait trente ans que M. Pagani sème la pagaille dans ce canton, à faire le tour des quartiers pour s'opposer, au nom de la démocratie de quartier, à tous les projets présentés ! Que proposons-nous ici, M. Barro et moi, si ce n'est de la démocratie de quartier ou de la démocratie communale ? Qu'est-ce que c'est d'autre ? Ces gens-là veulent nous donner des leçons de démocratie, alors que M. Ferrazino veut s'arroger le droit de créer des zones piétonnes par le biais d'un projet de loi déposé par la gauche. On voudrait maintenant refuser aux communes de se prononcer sur des projets de députés, qui n'auraient aucun lien et aucun intérêt avec ces communes, pour modifier le régime des zones. Mais quelle est cette démocratie que l'on nous propose ? C'est du totalitarisme des pays de l'Est ! Y'en a marre ! (Applaudissement.) Nous voulons le respect de l'autonomie des communes et nous soutiendrons l'amendement de M. Barro !

Des voix. Bravo !

Le président. On se calme, s'il vous plaît ! On se calme et on s'organise !

M. Claude Blanc (PDC). M. Meyll a montré le bout de l'oreille. Il a essayé de faire un amalgame entre les exécutifs et les législatifs. Il a quand même précisé : « Dans les communes où nous sommes minoritaires, nous ne pouvons pas nous faire entendre. Nous devons donc en appeler au centralisme démocratique. » La démocratie de quartier, Monsieur Meyll... enfin, Monsieur le président, c'est, d'après M. Meyll, la dictature de la minorité. Je persiste pour ma part à prétendre qu'une commune est la première à pouvoir apprécier les nécessités qu'il y a de modifier le régime des zones sur son territoire. Si une commune n'en veut pas, il ne s'agit pas du Conseil administratif ou du maire, il s'agit du Conseil municipal qui, au terme de la loi, doit se prononcer. Ce Conseil municipal est élu démocratiquement et il représente la majorité des habitants de la commune. Or, lorsque cette majorité ne vous convient pas, vous trouvez un moyen de passer outre et de faire en sorte que le Grand Conseil y pourvoie.

Mesdames et Messieurs les députés des bancs d'en face, vous ferez ce que vous voudrez de ce projet de loi, puisque vous êtes majoritaires, mais je considère ce projet de loi comme un attentat grave contre l'autonomie communale, comme un attentat grave à la démocratie de quartier !

M. Jean-François Courvoisier (S). Je suis assez étonné de voir que les personnes qui sont aujourd'hui favorables à l'autonomie communale ont indiqué à l'époque, lorsque les habitants de la Ville de Genève ont voté contre le parking de la place Neuve, que cela ne regardait pas les habitants de la Ville, mais seulement l'Etat. (Brouhaha.) 

M. Rémy Pagani (AdG). Monsieur le président, des invectives surgissent du côté de la droite. Je vous demande de les faire cesser !

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, Je vous invite à poursuivre les débats d'une façon sereine et respectueuse. Comme nous avons de nombreux points inscrits à l'ordre du jour ce soir, soyez productifs et efficaces !

M. Rémy Pagani. Je comprends maintenant le retrait de l'amendement de M. Dupraz. Il nous a abreuvés tout à l'heure de certains termes : « antidémocratique », « démocratie de quartier »... Toujours est-il qu'il a effectué un pas en arrière. Il s'est bien rendu compte, en se ralliant à l'amendement de M. Barro, qu'il y avait là un droit démocratique à saisir pour le parlement, y compris pour la minorité actuelle du Grand Conseil !

Je m'en réjouis, car le précédent amendement visait purement et simplement à refuser à ce Grand Conseil la possibilité de légiférer sur les modifications de zones. Avec l'amendement de M. Barro, il n'est plus question que d'obtenir l'aval des municipalités.

Un problème démocratique se pose cependant là aussi. Nous voulons une entière démocratie dans ce parlement et nous ne comprenons pas pourquoi l'on donnerait au Conseil d'Etat la possibilité de passer par-dessus l'avis d'une commune, puisque le Conseil d'Etat dispose actuellement de cette possibilité, et que l'on dénierait cette possibilité à notre Grand Conseil. Il y a là une inégalité de traitement entre le Conseil d'Etat, qui a la possibilité de proposer des modifications de zones, et le Grand Conseil. Nous vous proposons donc de placer sur un pied d'égalité les communes, le Conseil d'Etat et notre Grand Conseil. Si ce n'est pas de la démocratie, je ne sais alors pas où se cache la démocratie dans notre parlement !

M. Claude Blanc (PDC). Par rebond, je dirai que M. Pagani doit savoir où se cache la démocratie, parce qu'il l'a toujours foulée aux pieds !

Si j'ai demandé la parole, c'est à la suite de l'intervention de M. Courvoisier, qui a dit quelque chose que je ne peux pas laisser passer. Monsieur Courvoisier, vous avez... Je m'adresse au président ! M. Courvoisier a expliqué que les mêmes personnes qui prônent la démocratie communale avaient précisé à l'époque, lors de l'affaire de la place Neuve, qu'il fallait passer par-dessus le vote de la Ville. C'est ce qu'a dit M. Courvoiser. Il a menti ! Vous pouvez vous référer au Mémorial. J'ai moi-même expliqué aux libéraux que leur projet de loi consistant à transférer des prérogatives de la Ville de Genève au profit du Grand Conseil était une confiscation de la démocratie. Je l'ai dit aux libéraux et je vous le répète, Mesdames et Messieurs de la gauche. Vous n'êtes pas meilleurs, vous êtes même pires ! Vous confisquez la démocratie lorsque cela vous arrange !

M. Jean-François Courvoisier (S). Je ne veux pas reprendre le Mémorial, mais mes propos ne visaient pas du tout M. Claude Blanc. Je suis cependant sûr que je trouverai, en cherchant dans le Mémorial, plusieurs personnes des bancs d'en face qui ont soutenu que le parking de la place Neuve regardait l'Etat et pas la Ville.

M. Claude Blanc. C'est n'importe quoi ! 

M. Laurent Moutinot. En matière d'aménagement du territoire, les communes ont d'ores et déjà un droit d'initiative. C'est heureux ! Elles ont aussi la possibilité de s'exprimer dans le cadre du préavis dont vous savez qu'il revêt un poids considérable. C'est heureux !... (L'orateur est interpellé.) Monsieur Dupraz, vous venez de dire que l'on en tenait toujours compte. Maintenant que je dis la même chose, vous en riez ! ...En revanche, l'amendement de M. Barro est impossible à admettre pour une raison très simple. Compte tenu malheureusement d'un certain égoïsme des communes, aucun développement de ce canton ne sera possible si vous l'acceptez. Aucun projet de logement, aucun projet d'entreprise industrielle ne sera accepté par une commune, qui voudra préserver systématiquement sa qualité de la vie. Il ne sert à rien de mettre en avant le préavis communal, puisque c'est d'ores et déjà le cas et que ce préavis n'est pas supprimé par ce projet. Mais si vous voulez soumettre les déclassements à l'accord formel des communes, autant dire que l'on ne déclassera plus à Genève. Je comprends mal qu'une telle proposition puisse venir de bancs qui, à juste titre, ont souvent réclamé un développement, une réponse au besoin de logements. Je ne comprends pas, Monsieur Barro, un tel autogoal, absolument invraisemblable ! 

M. Florian Barro (L). Je regrette, Monsieur Moutinot, mais vous avez fait une lecture trop rapide de mon amendement ! J'ai dit ceci : « Si le projet de modification des limites de zones résulte d'une demande du Grand Conseil, le Conseil d'Etat est tenu de déposer un projet de loi assorti d'un préavis favorable du Conseil municipal. »

Une demande de modification de zone émanant d'une commune ou du Conseil d'Etat n'a pas besoin d'un préavis favorable au sens de mon amendement. Il n'empêche donc pas ce type de démarche que vous prétendez mettre dans un seul paquet. Lorsque le Conseil d'Etat dépose un projet de loi de déclassement, très souvent et même quasiment unanimement, la commune délivre toujours un préavis favorable associé à ce projet de loi. Il est très rare que le Grand Conseil ait besoin d'auditionner le Conseil administratif. De mémoire de député, je ne l'ai vu qu'à une ou deux reprises. Cela signifie tout simplement que je mets le Grand Conseil à égalité avec le Conseil d'Etat dans la recherche d'un consensus avec la commune. Si l'on impose ceci à la commune, on ne parviendra jamais à un consensus avec elle.

Cela dit, je suis d'accord avec vous, Monsieur Pagani. Il y a effectivement une forme d'inégalité. Selon l'article 16, alinéa 4, le Conseil d'Etat peut en effet passer outre le préavis communal. Mais il le fait très rarement et il prend toujours soin de convaincre le Conseil administratif de la justesse du projet. Ce que je demande, c'est un petit peu de démocratie.

Puisque nous en sommes là et que j'ai la parole, je souhaite un vote par appel nominal (Appuyé.) pour mon amendement afin de savoir si l'attachement aux valeurs démocratiques est bien compris dans ce parlement.

M. René Koechlin (L). Je regrette de revenir sur l'amendement de M. Barro, mais je pense que l'on devrait le formuler un peu autrement.

Une voix. On retourne en commission !

M. René Koechlin. Le projet que présenterait le Conseil d'Etat - et qu'il serait tenu de présenter - devrait obligatoirement faire l'objet d'un préavis positif du Conseil municipal de la commune concernée. C'est cette obligation qui paraît gênante. Je préférerais une formulation qui indiquerait qu'il s'agit d'une condition, au même titre que celle qui figure au début du paragraphe : « Si le projet de modification des limites de zones résulte d'une demande du Grand Conseil... », première condition. J'y ajouterai donc une deuxième condition : « ... et s'il fait l'objet d'un préavis favorable du Conseil municipal de la commune... », ce serait la deuxième condition,... « le Conseil d'Etat est alors tenu d'élaborer un projet de loi. » C'est l'obligation dont on veut charger le Conseil d'Etat, qui est conditionnée par un certain nombre de préalables. Mais il ne faut pas que le Conseil d'Etat soit tenu d'obtenir un préavis favorable. Cela me paraît critiquable; car les différentes instances qui décident de l'élaboration d'un déclassement ne seraient plus placées sur pied d'égalité.

Pour que le Conseil d'Etat soit tenu, le préavis du Conseil municipal doit être une condition au même titre que le projet de modification émanant du Grand Conseil. Il me semble que cette deuxième formulation serait plus adéquate et plus équitable pour toutes les instances qui interviennent dans ce genre de projet de loi. 

Le président. Je vous remercie, mais il faudra déposer votre amendement par écrit, Monsieur Koechlin, si vous souhaitez que nous le votions. Je vais en effet procéder au vote des amendements qui nous sont présentés à l'article 16, alinéa 4.

Je présente tout d'abord à votre approbation l'amendement de M. Pagani, amendement dont je vous rappelle la teneur :

« ...maire de la commune. Si le projet de modification des limites de zone résulte d'une demande du Grand Conseil... »

Mis aux voix, cet amendement est adopté.

Le président. Le deuxième amendement que je vais soumettre à votre approbation est celui de M. Barro, amendement qui présente, semble-t-il, une syntaxe quelque peu différente de celle de l'amendement de M. Koechlin.

M. Florian Barro (L). Je retire mon amendement au profit de l'amendement de M. Koechlin. 

Le président. Je mets donc aux voix l'amendement de M. Koechlin. Je vais essayer de m'en rappeler...

Une voix. Le voilà !

Le président. Oh, mais je l'ai bien compris, votre message était très clair, Monsieur Koechlin...

Une voix. Ça concerne les nains de jardins !

Le président. Non ! A première vue, ça n'a rien à voir avec les nains de jardins... Oui, Monsieur Koechlin ? Vous voulez préciser votre message ?

M. René Koechlin (L). Mon amendement est le suivant :

« ...ou du maire de la commune. Si le projet de modification des limites de zones résulte d'une demande du Grand Conseil, et s'il fait l'objet d'un préavis favorable du Conseil municipal de la commune, le Conseil d'Etat est tenu de déposer un projet de loi...»

Le président. Souhaitez-vous, Monsieur Koechlin, l'appel nominal, tel que l'avait proposé M. Barro pour son amendement ?

M. René Koechlin (L). Oui ! (Appuyé.)

Le président. L'appel nominal a été demandé, nous allons y procéder.

Celles et ceux qui acceptent l'amendement répondront oui, et celles et ceux qui le rejettent répondront non.

Cet amendement est rejeté par 46 non contre 36 oui.

Ont voté non (46) :

Esther Alder (Ve)

Charles Beer (S)

Marie-Paule Blanchard-Queloz (AG)

Dolorès Loly Bolay (AG)

Anne Briol (Ve)

Christian Brunier (S)

Fabienne Bugnon (Ve)

Nicole Castioni-Jaquet (S)

Alain Charbonnier (S)

Bernard Clerc (AG)

Jacqueline Cogne (S)

Jean-François Courvoisier (S)

Pierre-Alain Cristin (S)

Anita Cuénod (AG)

Caroline Dallèves-Romaneschi (Ve)

Jeannine de Haller (AG)

Erica Deuber Ziegler (AG)

René Ecuyer (AG)

Alain Etienne (S)

Laurence Fehlmann Rielle (S)

Christian Ferrazino (AG)

Magdalena Filipowski (AG)

Luc Gilly (AG)

Alexandra Gobet (S)

Gilles Godinat (AG)

Mireille Gossauer-Zurcher (S)

Mariane Grobet-Wellner (S)

Christian Grobet (AG)

Cécile Guendouz (AG)

Dominique Hausser (S)

Antonio Hodgers (Ve)

Georges Krebs (Ve)

Pierre Meyll (AG)

Louiza Mottaz (Ve)

Danielle Oppliger (AG)

Rémy Pagani (AG)

Véronique Pürro (S)

Jean-Pierre Restellini (Ve)

Elisabeth Reusse-Decrey (S)

Albert Rodrik (S)

Christine Sayegh (S)

Françoise Schenk-Gottret (S)

Jean Spielmann (AG)

Pierre Vanek (AG)

Alberto Velasco (S)

Salika Wenger (AG)

Ont voté oui (36) :

Bernard Annen (L)

Florian Barro (L)

Luc Barthassat (DC)

Jacques Béné (L)

Janine Berberat (L)

Claude Blanc (DC)

Nicolas Brunschwig (L)

Juliette Buffat (L)

Gilles Desplanches (L)

Jean-Claude Dessuet (L)

Hubert Dethurens (DC)

Pierre Ducrest (L)

John Dupraz (R)

Henri Duvillard (DC)

Pierre Froidevaux (R)

Nelly Guichard (DC)

Janine Hagmann (L)

Michel Halpérin (L)

Yvonne Humbert (L)

René Koechlin (L)

Bernard Lescaze (R)

Pierre Marti (DC)

Etienne Membrez (DC)

Jean-Louis Mory (R)

Geneviève Mottet-Durand (L)

Vérène Nicollier (L)

Jean-Marc Odier (R)

Michel Parrat (DC)

Catherine Passaplan (DC)

Pierre-Louis Portier (DC)

Jean Rémy Roulet (L)

Stéphanie Ruegsegger (DC)

Walter Spinucci (R)

Micheline Spoerri (L)

Olivier Vaucher (L)

Pierre-Pascal Visseur (R)

Personne ne s'est abstenu.

Etaient excusés à la séance (9) :

Roger Beer (R)

Régis de Battista (S)

Marie-Françoise de Tassigny (R)

Jean-Pierre Gardiol (L)

Claude Haegi (L)

Alain-Dominique Mauris (L)

Jacques-Eric Richard (S)

Louis Serex (R)

Charles Seydoux (R)

Etaient absents au moment du vote (8) :

Michel Balestra (L)

Thomas Büchi (R)

Hervé Dessimoz (R)

Philippe Glatz (DC)

David Hiler (Ve)

Armand Lombard (L)

Chaïm Nissim (Ve)

Myriam Sormanni-Lonfat (S)

Présidence :

M. Daniel Ducommun, président.

Le président. Je mets à présent aux voix l'article 16, alinéa 4 avec l'amendement accepté de M. Pagani.

Mis aux voix, l'article 16, alinéa 4, ainsi amendé est adopté.

Mis aux voix, l'article unique (souligné) est adopté.

Troisième débat

Ce projet est adopté en troisième débat, par article et dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue :

Loi(8073)

modifiant la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire (L 1 30)

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :

Article unique

La loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, du 4 juin 1987, est modifiée comme suit :

Art. 15A, al. 1 (nouvelle teneur)

1 A cet effet, un avant-projet de loi est élaboré par le département de sa propre initiative ou sur demande du Conseil d'Etat, du Grand Conseil ou d'une commune. La demande du Grand Conseil est exprimée sous la forme d'une motion traitée conformément à l'alinéa 5 ci-après.

Art. 15A, al. 5 Proposition du Grand Conseil (nouveau)

5 Lorsque le Grand Conseil le demande par voie de motion, le département met au point un avant-projet conformément à l'alinéa 2 et en liaison avec la commission d'aménagement du canton. Sans retard, le département s'assure de la conformité du projet, sur le plan formel, par rapport aux exigences légales, notamment au plan directeur cantonal, apporte, le cas échéant, les adaptations nécessaires après en avoir informé la commission d'aménagement du canton et met l'avant-projet de loi à l'enquête publique, selon la procédure prévue à l'article 16.

Art. 16, al. 1 et 4 (nouvelle teneur)

1 L'avant-projet de loi doit être soumis à une enquête publique de 30 jours, annoncée par voie de publication dans la Feuille d'avis officielle et d'affichage dans la commune. Des avis personnels sont envoyés par le département, sous pli recommandé, aux propriétaires des terrains compris dans le périmètre lorsque le nombre de communications individuelles n'excède pas 50.

4 Au terme de la procédure prévue aux alinéas 1 et 3 ci-dessus, le Conseil d'Etat examine s'il entend saisir le Grand Conseil du projet et s'il y a lieu d'apporter des modifications à celui-ci pour tenir compte des observations recueillies et du préavis communal. Si ce dernier est négatif, le Conseil d'Etat procède au préalable à l'audition du conseil administratif ou du maire de la commune. Si le projet de modification des limites de zone résulte d'une demande du Grand Conseil, le Conseil d'Etat est tenu de déposer un projet de loi. Le dépôt du projet de loi devant le Grand Conseil est ensuite annoncé par voie de publication dans la Feuille d'avis officielle et d'affichage dans la commune.