République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 8248
28. Projet de loi du Conseil d'Etat accordant une subvention annuelle de fonctionnement à l'Association Mandat International (exercices 2000, 2001 et 2002). ( )PL8248

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :

Art. 1 Subvention de fonctionnement

Une subvention annuelle de fonctionnement de 150 000 F est accordée à l'Association Mandat International pour les exercices 2000, 2001 et 2002.

Art. 2 Comptes et budget de fonctionnement

1 Pour l'exercice 2000, cette subvention est inscrite dans les comptes sous la rubrique 84.99.00.365.24.

2 Pour les exercices 2001 et 2002, cette subvention est inscrite au budget et aux comptes sous la rubrique 84.99.00.365.24.

Art. 3 Couverture financière

Cette subvention est financée par la part du droit des pauvres attribuée à l'Etat qui est inscrite au budget et aux comptes à la rubrique 84.99.00.494.02.

Art. 4 Loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat

La présente loi est soumise aux dispositions de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève, du 7 octobre 1993.

EXPOSÉ DES MOTIFS

1. Qu'est-ce que Mandat International ?

Mandat International (ci-après : MI) est une association à but non lucratif fondée à Genève en 1995, qui a pour but de soutenir la participation des délégués non gouvernementaux - en particulier des pays en voie de développement - aux conférences internationales, de rapprocher les différents domaines d'activités de la scène internationale et de favoriser la coopération entre les organisations non gouvernementales (ci-après : ONG).

MI collabore étroitement avec la plupart des organisations internationales présentes à Genève, avec les autorités fédérales, cantonales et municipales ainsi qu'avec de nombreuses ONG actives sur la scène internationale. MI participe également à l'organisation de l'accueil de grandes conférences internationales.

2. Quelles sont les activités de Mandat International ?

2.1 Les réalisations actuelles

En novembre 1997, MI a ouvert le Centre d'accueil pour les délégations et organisations non gouvernementales (ci-après : CADONG), avec le soutien des autorités cantonales et fédérales et grâce à l'investissement de nombreux bénévoles. Son but est de permettre aux délégués non gouvernementaux qui participent à des réunions internationales à Genève de travailler dans de bonnes conditions, quelles que soient leurs ressources économiques. Le CADONG permet d'accueillir les délégués non gouvernementaux des pays en voie de développement ou disposant de ressources limitées, de les héberger de façon économique, de les informer, de mettre à leur disposition une infrastructure de travail et de leur offrir un certain nombre de services de soutien. Le CADONG est situé au 31, chemin William Rappard, à Bellevue.

En 1998, pour la première année complète de fonctionnement, MI a offert plus de 2500 nuitées à plus de 400 délégués de 94 nationalités différentes.

Pour soutenir la participation des ONG et des délégués non gouvernementaux aux conférences internationales, MI a aussi réalisé un site Internet d'information trilingue (français, anglais et espagnol - www.mandint.org) pour les ONG et les délégués intéressés à venir suivre des conférences à Genève. En outre, un guide pratique d'information pour les délégués d'ONG, disponible depuis le site susmentionné, leur donne des informations utiles pour leur séjour. En 1999, le site a reçu plus de 100'000 requêtes de plus de 60 pays différents.

Avec le soutien de la Fondation pour Genève, MI a encore mis sur pied un agenda des conférences qui permet, via Internet (www.agenda-international.org), d'avoir une vision d'ensemble de toutes les réunions internationales ayant lieu à Genève. Il permet de constituer un agenda sur mesure en fonction de différents critères à choix et d'accéder aux informations pratiques permettant de participer aux conférences internationales sélectionnées. En 1999, plus de 1'000 réunions internationales ont été saisies.

2.2 Les projets en cours

MI travaille sur deux projets destinés à améliorer les capacités d'accueil de Genève pour les délégués non gouvernementaux, soit :

a) l'ouverture d'un lieu d'accueil, d'information et de travail à proximité de la place des Nations destiné à l'ensemble des 70'000 délégués non gouvernementaux qui viennent chaque année à Genève. Ce lieu permettra d'étendre à tous les délégués de passage le soutien en termes d'information, d'orientation et d'infrastructure de travail qui est actuellement offert aux délégués disposant de ressources limitées. Le CADONG pourra ainsi se concentrer sur l'hébergement tout en continuant d'offrir un soutien renforcé aux délégués venant de régions défavorisées ;

b) la création d'un Fonds de soutien à la société civile internationale, dont le but est d'assurer une participation plus équitable des représentants de la société civile des pays en voie de développement aux conférences internationales, notamment en renforçant l'assise financière du CADONG.

Il s'agit de deux projets complémentaires qui forment un ensemble cohérent avec le CADONG et qui sont guidés par le même objectif : adapter l'infrastructure conférencière de Genève à l'importance croissante des délégués non gouvernementaux et en faire un véritable lieu de rencontre et de convergence entre les représentants de la société civile (ONG, Universités, etc.) et les organisations internationales.

3. Pourquoi soutenir financièrement Mandat International ?

3.1 Les délégués non gouvernementaux jouent un rôle croissant dans la vie internationale

La plupart des organisations internationales collaborent de plus en plus étroitement avec les ONG. Les ONG contribuent au travail des organisations internationales de plusieurs façons, notamment en partageant leur connaissance du terrain et des sujets traités, en faisant le lien avec les populations civiles, en informant ces dernières des décisions prises au niveau international, en prenant en charge la mise en oeuvre opérationnelle des politiques adoptées au niveau international, etc.

Les délégués non gouvernementaux assument également un rôle de plus en plus important à Genève. Selon une étude récente, plus de 69'000 délégués non gouvernementaux sont venus à Genève en 1997, soit 59 % des 117'750 délégués recensés par l'OCSTAT. Ils sont ainsi devenus les principaux protagonistes des conférences internationales et constituent un des piliers de la Genève internationale.

3.2 Les ONG des pays les plus pauvres sont sous-représentées dans les conférences internationales

Bien qu'elles soient souvent directement concernées, les ONG des pays en voie de développement ont de la peine à participer aux réunions internationales qui se tiennent à Genève et sont sous-représentées. Ainsi, seules 25 % des ONG qui participent aux réunions de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) viennent des pays en voie de développement, alors même qu'elles sont directement concernées.

Il est de notre responsabilité que Genève soit aussi accessible aux représentants de la société civile des pays en voie de développement, afin qu'ils aient les mêmes possibilités d'accès aux forums internationaux que les ONG des pays industrialisés.

Le coût de la vie à Genève constitue une barrière pour de nombreux délégués et en particulier pour ceux qui viennent de l'un des 48 pays les moins avancés, dont le revenu moyen par habitant est inférieur à 4 francs suisses par jour.

Cette sous-représentation est déplorée par les organisations internationales, qui la considèrent comme un obstacle à leur travail. C'est pourquoi la plupart d'entre elles, de même que le Secrétaire général des Nations Unies, M. Kofi Annan, ont demandé un renforcement de la participation des ONG des pays en voie de développement. En réduisant sensiblement les frais de séjour des délégués des pays en voie de développement, en leur offrant un service de soutien et en leur permettant de travailler dans de bonnes conditions, le CADONG leur permet d'être mieux représentés et de prendre part aux décisions qui les concernent.

3.3 Un soutien aux délégués des ONG des pays les plus pauvres améliore la compétitivité de la Genève internationale et l'image de Genève dans le monde

Si l'on veut assurer l'avenir de la Genève internationale, le coût de la vie genevois ne doit pas être un facteur d'exclusion pour les ONG des pays en voie de développement qui souhaitent suivre des conférences internationales à Genève.

Pour assurer l'avenir du secteur international (plus de 10 % des emplois à Genève selon l'OCSTAT), le canton doit adapter son infrastructure au rôle et au nombre croissant des délégués non gouvernementaux, en particulier des délégués disposant de peu de ressources. Des mesures concrètes, effectives et relativement peu coûteuses peuvent être prises pour renforcer rapidement l'attrait de Genève en tant que ville internationale et adapter son infrastructure à l'émergence de la société civile sur la scène internationale.

Malgré la forte densité d'organisations internationales dont bénéficie Genève, de nombreuses autres villes (Bruxelles, Bonn, Montréal, La Haye, Paris, Copenhague, Barcelone, etc.) se montrent de plus en plus offensives pour accueillir les conférences internationales et les secrétariats d'organisations internationales. Cette évolution s'est illustrée, ces dernières années, par la perte pour la Suisse de plusieurs secrétariats, tels que le Programme des volontaires des Nations Unies. Cette concurrence va en s'accroissant et aura un impact direct sur Genève, sur les 27'500 emplois du secteur international.

Les activités de MI, qui répondent aux besoins réels des ONG, améliorent le déroulement des conférences internationales et renforcent la position de Genève sur la scène internationale. En outre, si les projets, mentionnés sous point 2.2, sont développés rapidement, ils pourraient doter Genève d'un avantage comparatif certain pour accueillir des sommets mondiaux, des conférences et des secrétariats d'organisations internationales intéressés par la participation des ONG.

Genève pourrait ainsi acquérir un rôle central, tant dans les relations entre les pays en voie de développement et les pays industrialisés, que dans les relations entre les Etats et les représentants de la société civile.

Le CADONG permet de renforcer l'image de Genève sur la scène internationale. Les délégués accueillis diffusent, lorsqu'ils retournent chez eux, l'image d'une Genève accueillante, solidaire et efficace. A l'inverse, si des délégués se retrouvent à la rue faute d'argent, comme cela a pu être le cas par le passé, c'est l'image d'une cité inaccessible aux représentants des populations civiles des pays en voie de développement qui est propagée.

3.4 Aider la Berne fédérale à aider la Genève internationale

MI bénéficie depuis le début d'un soutien important des autorités fédérales qui financent une partie du budget du CADONG. Cependant, pour que MI puisse poursuivre ses efforts en faveur du secteur international non gouvernemental, le soutien du canton est essentiel. En effet, les autorités cantonales sont considérées par les autorités fédérales comme étant responsables des questions relatives au secteur international non gouvernemental. Aussi, l'engagement du canton a-t-il un effet direct sur celui de la Confédération en faveur du secteur international non gouvernemental de Genève.

3.5 Les retombées pour l'économie genevoise sont positives

A eux seuls, selon une première estimation, les 69'000 délégués non gouvernementaux venus à Genève en 1997 y ont dépensé entre 100 et 200 millions de francs suisses. Le secteur international non gouvernemental, dont les financements proviennent pour l'essentiel de l'étranger, constitue un apport net pour l'économie locale, tant en termes de dépenses qu'en termes d'emplois. Ainsi, en 1997, le secteur international non gouvernemental a injecté entre 700 et 800 millions de francs suisses dans l'économie locale, dont 421 millions sous forme de salaires. Quant au secteur international dans son ensemble, il représente un apport d'environ 4 milliards de francs par année pour l'économie locale et plus de 10 % des emplois genevois.

Le secteur international non gouvernemental est en pleine ascension et son importance va s'accroître au niveau international. Cette évolution est d'ailleurs illustrée par le fait qu'en 1997, davantage de réunions internationales ont été organisées à Genève par les 10 principales ONG (1'832 réunions) que par l'ensemble des organisations internationales (1'762 réunions). MI contribue donc directement à promouvoir et à renforcer ce secteur d'activité à Genève.

4. Quel est le budget du CADONG ?

Le budget prévisionnel 2000 et 2001 du CADONG prévoit 681'000 F  au niveau des charges. Pour équilibrer ces charges, près de la moitié du budget, soit 313'200 F, est couvert par des contributions pour 226'000 F en nature (bénévolat) et par des contributions pour 87'200 F des délégués eux-mêmes : les frais de séjour au CADONG varient entre 16 et 28 F par nuit, en fonction du pays d'origine du délégué, la priorité étant accordée aux délégations venant des pays les moins avancés. Le CADONG a donc besoin d'un soutien extérieur de 367'800 F par année pour assurer son fonctionnement et ses prestations.

Jusqu'à présent, le budget a été couvert par une succession d'aides ponctuelles de la Confédération, du canton de Genève et de la commune de Bellevue. Ce mode de financement pose plusieurs problèmes. Le CADONG étant financé par à-coups, il risque de devoir interrompre son activité d'un jour à l'autre, faute de trésorerie. Malgré un investissement bénévole considérable, le travail de base est assuré par plusieurs collaborateurs réguliers, tous à temps partiels, qui se trouvent sans aucune sécurité quant à leur emploi. L'impossibilité de pouvoir planifier les dépenses rend également moins efficace la gestion du budget.

Enfin, le temps considérable que le CADONG doit chaque fois consacrer à la recherche de fonds lui fait perdre un temps précieux au détriment de l'accueil et des projets qu'il développe.

MI a donc besoin d'un financement régulier pour asseoir la pérennité du CADONG. Le département fédéral des affaires étrangères (DDC) a décidé en 1999 de le soutenir par une aide régulière de 100'000 F par année, pour une période de deux ans renouvelable. La Ville de Genève a également accepté d'accorder une subvention de 50'000 F par année au CADONG.

La subvention cantonale annuelle de fonctionnement de 150'000 F proposée doit permettre, en 2000, 2001 et 2002, d'assurer la poursuite et le développement des activités du centre d'accueil. Le CADONG devra encore trouver 67'800 F auprès d'autres partenaires pour équilibrer ses comptes.

5. Résumé et conclusion

Compte tenu de l'évolution de la scène internationale, il s'avère nécessaire d'adapter l'infrastructure genevoise au rôle grandissant des délégués non gouvernementaux. C'est précisément le travail réalisé par MI, notamment à travers le CADONG. MI développe une politique active en faveur du secteur international non gouvernemental à Genève, de concert avec les organisations internationales, selon trois axes :

a) accueillir et soutenir les délégués non gouvernementaux des pays en voie de développement (ou représentant d'autres populations défavorisées) ;

b) adapter l'infrastructure conférencière genevoise au nombre croissant des délégués non gouvernementaux ;

c) promouvoir activement Genève comme lieu de rencontre et de convergence entre la société civile (ONG, universités, secteur privé, etc.) et les gouvernements.

C'est pourquoi, le Conseil d'Etat vous prie, Mesdames et Messieurs les députés, de faire bon accueil au présent projet de loi accordant une subvention annuelle de fonctionnement à Mandat International.

Ce projet est renvoyé à la commission des finances sans débat de préconsultation.