République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 14 avril 2000 à 17h
54e législature - 3e année - 7e session - 17e séance
PL 7915-A et objet(s) lié(s)
11. Rapport de la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil chargée d'étudier les objets suivants :
RAPPORT DE LA MAJORITÉ
Rapporteur: M. Albert Rodrik
Le projet de loi constitutionnelle 7915 et le projet de loi ordinaire 7916 portant date du 6 octobre 1998 ont été envoyés par le Grand Conseil à la Commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil lors de sa séance du 3 décembre 1998. Le moins que l'on puisse dire est qu'en ce mois de décembre 1998, les préoccupations de la population et du monde politique se trouvaient polarisées fortement sur d'autres sujets, à deux semaines d'une votation populaire de grande portée.
La Commission des droits politiques a étudié ces projets lors de sa séance du 10 novembre 1999, sous la présidence de M. Pierre Vanek. MM. René Kronstein et Patrick Ascheri assistaient à la séance. Le procès-verbal était tenu par M. Carlos Orjales. Le rapporteur remercie ces collaborateurs.
I La toile de fond
En date du 27 septembre 1998, le peuple de la Ville de Genève était appelé à se prononcer, suite à un référendum, sur l'aménagement de la place Neuve avec création d'un parking souterrain. Le projet soumis avait donné lieu à plusieurs années de tractations et a également suscité un long débat acharné entre partisans et adversaires du projet élaboré au terme de ces négociations.
Il y a aussi lieu de relever que cette votation référendaire municipale très disputée coïncidait avec un autre affrontement, encore plus fort, à propos de la situation financière du canton. C'est dire qu'en ce début d'automne 1998, le climat genevois n'était pas à la tiédeur.
Moins de dix jours après le scrutin municipal à propos de la place Neuve, quelques députés libéraux produisaient les projets de loi faisant l'objet de ce rapport, projets que l'on peut qualifier, sans craindre la contradiction de PAS ANODINS.
Il n'empêche que les explications et justifications qui accompagnaient de tels projets n'occupent même pas une page A5 (format usuel de nos publications) complète.
L'accueil fait par le Grand Conseil, début décembre 1998, fut frais et sarcastique, de la part de tous les groupes, à l'exception du groupe libéral. La relecture du Mémorial peut s'avérer intéressante.
Il y a lieu de rappeler ici que ces projets ont provoqué l'adoption d'une résolution par le Conseil municipal de la Ville de Genève lors de sa séance du 13 avril 1999. Vous trouverez en annexe le texte de cette résolution (annexe 1) et le texte de la lettre de transmission du Conseil administratif s'associant à cette démarche en date du 28 avril 1998 (annexe II).
II Le contenu des projets
A) Le projet de loi 7915 se présente sous forme d'un nouvel article 59A à ajouter à la Constitution genevoise sous le titre « Objet d'intérêt cantonal ». Le libellé est simple : « lorsqu'un référendum municipal est demandé, le Conseil d'Etat peut, par arrêté, le décréter d'intérêt cantonal. Le référendum sera alors soumis à une votation cantonale ».
Cet article viendrait s'insérer entre l'art. 59 (Généralités) qui fixe le nombre de signatures requises pour qu'un référendum aboutisse dans les communes genevoises et l'art. 60 qui traite du budget, toujours dans l'optique du référendum.
Ainsi, cet article reconnaît au Conseil d'Etat un pouvoir discrétionnaire dont aucun gouvernement en Suisse, y compris le Conseil fédéral, ne dispose, à notre connaissance. On peut s'interroger sur la manière dont de pareils arrêtés pourraient être élaborés, sans critère juridique, en pure opportunité politique aboutissant à un résultat exorbitant : le dessaisissement du corps électoral d'une commune. Une collectivité publique reconnue se verrait de cette façon momentanément « mise entre parenthèses » et se trouver dans l'incapacité de conduire ses affaires jusqu'à son terme, non pas à sa guise, mais selon le cadre légal en vigueur. Un tel traitement, en pure opportunité politique, ne serait en rien comparable au fonctionnement du Conseil d'Etat en tant qu'autorité de surveillance des communes tel qu'il se pratique, aujourd'hui.
Un point reste obscur : le sens du début de ce nouvel article, soit « lorsqu'un référendum municipal est demandé… ». « Demander » signifie-t-il dès son lancement ou dès son aboutissement ? Dans le premier cas, l'on convoquerait le corps électoral cantonal à partir de 0 signature et dans le deuxième cas, l'on pourrait avoir un référendum à « prix d'ami ». Pour la bonne compréhension de cet aspect du problème, vous trouverez à la fin de ce rapport la tabelle actuelle du service des votations et élections en vue de l'application pratique de l'art. 59 sus rappelé de la Constitution genevoise (annexe III )
B) Quant au projet de loi 7916, il prévoit la modification de deux alinéas (art.3, al. 1 et art. 5, al. 1) de la loi sur l'exercice des droits politiques. Ces articles figurent dans le Titre I (dispositions générales) de la loi et plus précisément à son chapitre 1 « Qualité d'électeur et rôles électoraux ». Dans les deux cas, il s'agit d'ajouter un membre de phrase à chacun des alinéas susmentionnés.
Dans son libellé actuel, l'art.3, al. 1 de la loi en question, on rappelle - en l'occurrence en matière communale - que les citoyens exercent leurs droits politiques à leur lieu de domicile, domicile de plus de 3 mois, en la circonstance. Cette disposition banale et classique est néanmoins le fruit d'un long cheminement historique, d'un long combat ayant abouti à la fin du siècle dernier à la démocratie représentative et ensuite semi-directe (référendum et initiative), système démocratique que la Suisse (comme d'autres pays) n'a cessé de perfectionner dans le sens d'une meilleure égalité et d'une plus grande participation des citoyens. Le long de ce parcours, la suppression de tout lien entre la fortune ou le revenu et le droit de vote est une étape capitale et « névralgique » Cette dissociation, il y a un peu plus d'un siècle, de la capacité économique et de la capacité politique est emblématique du niveau de démocratie.
Cet aspect que l'on pourrait qualifier de « psychologiquement délicat » explique l'attaque excessive contre le projet de la part des opposants (y inclus le rapporteur de ces lieux) qui dénoncèrent le rétablissement du suffrage censitaire.
Il n'en reste pas moins que glisser à l'art. 3, al. 1 de la loi sur l'exercice des droits politiques l'adjonction de« ou qui sont astreints au paiement des impôts de ladite commune » est non seulement juridiquement boiteux, mais politiquement insupportable à moins d'un retour en arrière, lourd de conséquences. Mais il y a plus ! Un tel projet en suscitant des réactions - certainement non souhaitées par les auteurs - du genre « Cologny et Vandoeuvres veulent régenter la Ville » met à mal le minimum indispensable de cohésion sociale dont aucune République ne saurait se passer.
Quant à l'adjonction à l'art. 5, al. 1 du membre de phrase « …en collaboration avec l'administration fiscale cantonale », l'on devrait pouvoir sourire sans offusquer les auteurs, quand on songe à leur attachement viscéral à un secret fiscal très très large. Après les attestations pour les caisses de compensation à propos de l'assurance vieillesse et survivants, les attestations pour le service de l'assurance - maladie en raison du versement de subsides aux assurés à ressources modestes, voilà les attestations pour le service des votations et élections. L'art. 347, al. 2 de la loi sur les contributions publiques étant, par nature, exhaustif, les auteurs préconisent-ils l'adjonction d'une nouvelle lettre à l'alinéa 2 de cet article ? Ne faudrait-il pas non plus réécrire l'art. 348 LCP ? (voir annexe IV)
Enfin, dernier point, la qualité d'électrice ou d'électeur entraîne - sauf exception - la capacité d'être élu. Est-ce que les personnes qui, au bénéfice du projet de loi 7916, auraient exercé leur droit de vote dans une autre commune que celle de leur domicile, ne serait-ce qu'une fois, deviendraient éligibles dans une deuxième commune ? Des milliers de citoyens de ce canton qui, ne travaillant pas dans leur commune de domicile, seraient électeurs et donc éligibles dans deux communes, violant le principe fondamental du « one man, one vote », adage formulé en des temps misogynes où le droit de vote des femmes n'existait pas, mais qui demeure bien le fondement de notre système démocratique : une personne, une voix !
Et tout ça… pour un parking sous la statue du Général Dufour.
Enfin, l'équité oblige le rapporteur à reproduire l'essentiel de la justification, le coeur de l'argumentation des auteurs des projets. Les textes complets sont, bien entendu, disponibles dans le Mémorial (3 décembre 1998, soir)
PL 7915
« Les récentes votations municipales en matière d'aménagement du territoire concernaient des objets affectant l'ensemble de la population cantonale, voire présentant, dans le cas particulier de la place des Nations, un intérêt dépassant les frontières de notre canton. A ces occasions, les efforts considérables de préparation et de concertation politique ont été réduits à néant par un vote populaire motivé principalement par les intérêts, certes louables, des quartiers concernés.
Ces résultats démontrent combien il est essentiel que l'ensemble de la population cantonale soit en mesure de s'exprimer sur des objets la concernant directement et permette ainsi à l'intérêt général de venir contrebalancer un intérêt local. En effet, à l'ère de la communication et de la mobilité, il ne se justifie plus de conserver comme critère d'exercice du droit de vote un critère purement territorial. »
PL 7916
« Les récentes votations municipales en matière d'aménagement du territoire (place Neuve, place des Nations) ont démontré qu'il ne se justifie plus, à l'ère de la globalisation, de soumettre des objets affectant l'ensemble de la population cantonale et présentant ainsi un intérêt général au jugement des seuls quartiers concernés d'un point de vue territorial.
En effet, il apparaît inéquitable que ceux qui font Genève par leur travail et leurs apports financiers ne soient pas en mesure de s'exprimer sur des sujets les concernant en première ligne. Il est en particulier fait référence aux électeurs résidant dans une commune suburbaine, mais travaillant dans une autre commune, par exemple la Ville de Genève. Ces électeurs paient les impôts de la Ville de Genève et en reçoivent les prestations. Il semble donc logique qu'ils soient autorisés à voter sur des objets concernant leur lieu principal d'activité, de consommation et de contribution fiscale. »
Chacun appréciera.
Où l'on voit, de surcroît, surgir déjà la conception d'une Ville de Genève ramenée à une juxtaposition de quartiers égoïstes !
III Les travaux de la commission
La présentation des projets a été faite en commission par l'un des auteurs des projets, membre permanent de la Commission des droits politiques et du règlement, de façon mesurée et respectueuse des réticences s'étant manifestées sur tous les bancs du Grand Conseil - à l'exception du groupe libéral - lors du débat de préconsultation. Rappelant la situation créée en juin et en septembre 1998 par les deux refus populaires en Ville de Genève, tant à propos de la place des Nations que de la place Neuve, notre collègue reconnut qu'en l'état, ces textes pouvaient susciter des réactions négatives, qu'ils n'étaient certes pas parfaits, mais perfectibles avec le concours de tous, pour autant que la commission consente à voter l'entrée en matière. Il devait d'ailleurs réitérer cette suggestion dans le courant de la séance du 10.11.1999.
Pour le représentant radical, ces projets créent des problèmes juridiques tellement importants qu'un avis de droit émanant d'un constitutionnaliste reconnu s'avère un préalable absolu, avant que l'on puisse envisager un vote d'entrée en matière. Il suggère également que l'on puisse traiter ces projets de loi, avec les textes attendus du Conseil d'Etat à propos d'une « fusion Ville-Etat », sujet d'actualité à Genève depuis la fin octobre.
Cette dernière possibilité convient aux représentants démocrates-chrétiens pour qui ces textes peuvent tranquillement se décomposer dans les tiroirs de la commission, le cas échéant, être joints à l'examen d'autres projets traitant d'une problématique similaire.
Quant au représentant du Conseil d'Etat, il rappelle que le gouvernement est disposé à solliciter un avis de droit sérieux pour autant qu'il y ait un vote d'entrée en matière.
Pour les partis de l'Alternative, les problèmes juridiques que soulèvent ces projets sont certes importants et on ne peut nier cet aspect des choses. Toutefois, c'est politiquement que ces projets ne sont pas acceptables. Pour l'Alliance de Gauche, les Verts et les Socialistes, avec ou sans avis de droit, trois points ne sont guère « marchandables » et ne peuvent faire l'objet de la recherche d'un compromis, même si la recherche d'un compromis plus ou moins large, constitue l'essentiel du travail parlementaire en commission. Ces points sont les suivants :
pouvoir discrétionnaire non justifié et sans précédent octroyé au Conseil d'Etat ;
escamotage des compétences communales, avec la Ville de Genève en point de mire ;
établissement d'un lien avec le paiement des impôts pour l'exercice des droits politiques des citoyens, la condition de domicile n'étant plus le critère exclusif.
Ce dernier point est incontestablement, pour l'Alternative, le plus sensible car revenant sur une conquête démocratique séculaire et sur le principe qui veut qu'une personne dispose d'une voix à son lieu de domicile et point final.
L'une des premières réformes constitutionnelles du gouvernement travailliste britannique de 1945 fut l'abolition de la possibilité qu'avaient un certain nombre d'aristocrates de disposer de deux, parfois de trois voix selon des mécanismes désuets.
Tout ceci est certainement inadvertance plutôt que propos délibéré de la part de nos collègues auteurs des projets.
A ce propos, le rapporteur, s'exprimant au nom des commissaires socialistes, insista sur l'aspect juridique, à ses yeux fort important, même s'il n'influe en rien sur l'appréciation politique. Le souhait a été exprimé d'avoir un avis de droit circonstancié, même en cas de refus d'entrée en matière, comme « prophylaxie d'avenir ». La question se pose de savoir si, nous autres députés, pouvons proposer tout, n'importe quoi et son contraire en prévoyant un article constitutionnel.
Sommes-nous à une nouvelle paraphrase de l'adage « le Parlement de Westminster peut tout faire, sauf changer un homme en femme ? »
Suite à l'ensemble de ces considérations, la commission a procédé au vote d'entrée en matière sur les deux projets :
PL 7915
PL 7916
Pour : 5 (3L, 2R)
Contre : 7 (3 AdG, 3 S, 1Ve)
Abst. : 2 (DC)
Pour : 5 (3L, 2R)
Contre : 7 (3 AdG, 3 S, 1Ve)
Abst. 2 : (DC)
Les deux projets sont refusés.
IV Conclusion
Dans ce canton, la majorité des places de travail se trouvent en Ville de Genève. En Ville l'on produit les trois-quarts environ du produit intérieur brut cantonal. La Ville est le coeur historique et contemporain de notre canton. La Ville est un haut lieu de culture et un centre de rayonnement international. Malgré cela, elle réussit le tour de force de rester une agglomération à dimension humaine sans comparaison avec les grandes métropoles de la planète. Seule la Ville de Zurich, en Suisse, a les dimensions d'une grande ville, d'une vraie grande.
Ce qui se passe en Ville - comme on dit - intéresse, inquiète, préoccupe, réjouit l'ensemble des habitants du canton, Genevois, Confédérés et étrangers, ayant leur domicile légal dans l'une des 45 communes. Ceci est inévitable, ceci est naturel.
Mais cela ne justifie pas, aux yeux de la majorité de la commission, les « remèdes » proposés par les signataires de ces deux projets.
Au bénéfice de ces explications, Mesdames et Messieurs les députés, la majorité de la commission des droits politiques et du règlement vous prie de refuser la prise en considération des projets de loi 7915 et 7916.
Annexes mentionnées
Projet de loi constitutionnelle(7915)
modifiant la constitution de la République et canton de Genève (A 2 00)
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article 1
La constitution de la République et canton de Genève du 24 mai 1874 est modifiée comme suit :
Art. 59A Objets d'intérêt cantonal (nouveau)
Lorsqu'un référendum municipal est demandé, le Conseil d'Etat peut, par arrêté, le décréter d'intérêt cantonal. Ce référendum sera alors soumis à une votation cantonale.
Article 2 Entrée en vigueur
Le Conseil d'Etat fixe la date d'entrée en vigueur de la présente loi.
Projet de loi(7916)
modifiant la loi sur l'exercice des droits politiques (A 5 05)
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article 1
La loi sur l'exercice des droits politiques , du 15 octobre 1982 (A 5 05), est modifiée comme suit :
Art. 3, al. 1 En matière communale (nouvelle teneur)
Sont électeurs et électrices en matière communale les citoyens et citoyennes jouissant de leurs droits politiques qui sont domiciliés dans la commune depuis trois mois au moins ou qui sont astreints au paiement des impôts de ladite commune ; ce délai d'attente de trois mois ne s'applique pas aux ressortissants de la commune.
Art. 5, al. 1 Rôles électoraux (nouvelle teneur)
1 Les électeurs et électrices, à l'exception des Suisses et Suissesses de l'étranger, sont inscrits d'office sur les rôles électoraux tenus à jour par l'office en collaboration avec l'administration fiscale cantonale. Lorsqu'un électeur ou une électrice est autorisé à voter dans plusieurs communes au sens de l'article 3 alinéa 1 de la présente loi, le rôle électoral de son domicile politique en fait mention.
Article 2 Entrée en vigueur
Le Conseil d'Etat fixe la date d'entrée en vigueur de la présente loi.
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14
RAPPORT DE LA MINORITÉ
Rapporteur: M. Jacques Béné
Lors de l'examen en commission, ces projets de loi n'ont pas bénéficié de toute l'attention qu'ils auraient été en droit d'attendre de la part de représentants du peuple soucieux du rôle essentiel que celui-ci leur a conféré : défendre la démocratie.
En quelques minutes de débat en commission ces deux projets ont été rejetés lors de l'entrée en matière alors même que plusieurs voix s'étaient élevées en séance plénière pour admettre que, bien que critiquables, ils valaient la peine d'être étudiés. Une étude aussi courte que brève dont la démocratie, que nous souhaitons pleine et entière, est la grande perdante.
Alors, oui, ces projets ne sont pas parfaits. Oui, ils posent des problèmes juridiques et politiques. Mais connaissez-vous beaucoup de projets renvoyés en commission dont la perfection est telle qu'ils en ressortent sans aucun amendement ? Ces amendements, qui auraient pu être développés lors de nos discussions, personne ne les a proposés. Seules des critiques purement historiques - surtout ne changeons rien à ce qui existe - ou totalement infondées ont été émises, à notre grand regret. Aucune trace d'évolution dans le discours qui puisse laisser espérer que notre démocratie s'améliore.
Il ne s'agit pas, en effet, comme cela a été dit, d'une remise en cause des règles démocratiques que ces projets proposent, mais bien une remise en cause de la légitimité démocratique de certaines décisions du peuple.
Je ne vais pas ici reprendre les arguments développés dans l'exposé des motifs de ces projets de loi qui justifie leur utilité, mais je m'interroge malgré tout sur les arguments des opposants à cette vision d'une démocratie plus forte.
Comment admettre, en effet, qu'un citoyen qui passe plus de temps dans sa commune de travail que dans sa commune de domicile n'ait pas le droit de s'exprimer dans la première, d'autant plus que la majorité de ses impôts vont alimenter les caisses qui vont financer les activités, les projets, en bref le développement sur lequel ce citoyen n'aura pas le droit de s'exprimer ? Pire, un des arguments principaux concernant l'octroi du droit de vote et d'éligibilité aux étrangers a justement été celui des impôts. N'a-t-on pas entendu a réitérées reprises, de ceux-là mêmes qui refusent ces projets, qu'il n'était pas admissible qu'un étranger paie des impôts sans avoir la possibilité de s'exprimer ? Situation cocasse que celle qui verrait un étranger se prononcer sur un nouveau projet d'aménagement de la place Neuve parce qu'il est domicilié et travaille dans le quartier de la Servette, alors que le citoyen genevois - et suisse de surcroît - bien que travaillant à proximité de la place Neuve mais habitant à Carouge n'aurait qu'à se taire ou prendre sa plume pour exprimer son opinion dans la Tribune des lecteurs à défaut d'urne. Bonjour l'équité et la démocratie.
Avec encore plus de conviction on pourrait citer la place des Nations. Emblématique par son nom, sa finalité, sa situation et son utilisation, ne nous appartient-elle pas à tous, plutôt qu'à la seule commune de Genève, à laquelle elle est rattachée pour des raisons purement et bassement géographiques ?
Nous étions prêts à essuyer toutes les critiques mais pas un refus aussi catégorique à l'encontre de ces deux projets de loi qui nous paraissaient faire avancer la démocratie, ce qui ne semble pas une priorité pour les partis de gauche qui ont balayé ces projets avant une véritable discussion de fond.
Gageons que vous réserverez un meilleur accueil au projet de loi 8170 qui n'est autre que le projet de loi 7915 amendé par le groupe radical, que nous soutiendrons bien évidemment.
Pour favoriser un débat d'idées constructif nous vous invitons donc, Mesdames et Messieurs les députés, à renvoyer ces deux projets en commission afin qu'ils soient traités comme il se doit, en même temps que le projet de loi 8170.
Premier débat
M. Albert Rodrik (S), rapporteur de majorité. Je vous précise tout d'abord ce qui suit. Mon rapport a été rédigé fin novembre dans la foulée des travaux de la commission et, bien entendu, je ne connaissais pas en le rédigeant le sort que le Grand Conseil réserverait au projet du Conseil d'Etat dit «fusion Ville-Etat».
Ensuite, le rapporteur de minorité demande le renvoi en commission de ce projet de loi en raison de l'existence d'un autre projet radical similaire, dont le traitement aurait déjà été commencé à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil. Ce projet radical n'est peut-être guère enthousiasmant, mais il évite tout de même quelques obstacles politico-juridiques que l'on retrouve dans ces projets. Toutefois, à mon avis, cela ne peut pas servir de prétexte pour renvoyer ces projets en commission.
Mon honorable collègue Béné a avancé un autre argument pour renvoyer ce projet de loi en commission : que la commission n'a pas suffisamment ou pas sérieusement étudié ces deux projets... J'ai quitté la commission depuis quelque temps déjà, mais ce n'est vraiment pas le souvenir que j'en ai gardé. Ceux qui veulent s'exprimer à ce sujet s'exprimeront...
Pour ma part, j'ai essayé de faire un rapport sérieux et équitable, comme si j'étais le seul rapporteur en rendant justice aux déposants comme aux opposants, comme j'ai l'habitude de le faire. Le reproche ou plutôt le prétexte qui est inventé pour renvoyer ce projet en commission me semble donc ténu. Par ailleurs, je dois avouer avoir relu à plusieurs reprises le grand paragraphe de la page 16 du petit fascicule, et sa lecture, à chaque fois, m'a laissé un petit goût bizarre dans la bouche... Je n'en dirai pas plus !
M. Claude Blanc. Tu lis avec la bouche !
M. Albert Rodrik, rapporteur de majorité. Oui, je lis avec la bouche ! Les heurs et les malheurs du Suisse de la Servette, par rapport à un étranger qui, hypothétiquement, se verrait reconnaître un jour l'exercice de quelques droits me paraissent... Je ne dirai rien, points de suspension...
Enfin, permettez-moi de dire une chose sur la modernité... En matière d'exercice des droits politiques, la modernité, Mesdames et Messieurs, ce n'est pas d'organiser un tourisme par commune de l'exercice civique mais peut-être de considérer enfin que l'exercice des droits politiques n'est pas exclusivement réservé aux nationaux, à ceux qui ont le passeport avec la croix blanche !
M. Jacques Béné (L), rapporteur de minorité. Si je vous remercie, Monsieur Rodrik, pour l'esprit d'équité dont vous avez fait preuve dans votre rapport - que je ne peux absolument pas contester - je pense malgré tout que les choses évoluent. Dans les débats de la commission, malheureusement, seules des critiques purement historiques ou infondées ont été formulées. La position de la gauche dans ces débats ont été plutôt rétrograde, et je le regrette.
Ce qui me choque dans vos propos, Monsieur Rodrik, c'est que vous avez parlé de «droits hypothétiques que se verraient accorder les étrangers»... Mais si ce sont des droits hypothétiques, pourquoi voulez-vous absolument les leur donner ?
M. Albert Rodrik, rapporteur de majorité. C'est maintenant qu'ils sont hypothétiques, Monsieur !
M. Jacques Béné, rapporteur de minorité. Ça me surprend quelque peu, mais je me permets quand même de reprendre le paragraphe que vous avez cité, puisqu'il a l'air de vous avoir marqué...
En effet, en commission, lorsque nous avons parlé du droit de vote et d'éligibilité aux étrangers - c'est ce que vous souhaitez, Monsieur Rodrik - il a justement été question du problème des impôts. Or, nous avons pu entendre à plusieurs reprises, ici et lors des débats de la commission, qu'il n'était pas admissible qu'un étranger paye des impôts sans avoir la possibilité de s'exprimer... Alors, si ces droits étaient accordés aux étrangers, hypothétiquement, nous pourrions nous trouver dans une situation cocasse : un étranger pourrait se prononcer sur un projet d'aménagement de la place Neuve, parce qu'il est domicilié et travaille - comme je l'ai écrit - dans le quartier de la Servette, alors qu'un citoyen genevois, qui travaillerait à proximité de la place Neuve - pour qui ce serait encore plus utile - mais qui habiterait Carouge, n'aurait qu'à se taire ou alors prendre sa plume pour exprimer son opinion dans un organe de presse... Heureusement qu'il existe encore des organes de presse dignes de ce nom ! J'ai mentionné la «Tribune des lecteurs» puisque ce sera le seul moyen pour ce bon Suisse de pouvoir exprimer son opinion. J'aurais tout aussi bien pu parler du «Courrier»... (Exclamations.) Je ne mentionnerai pas les autres, les absents ont toujours tort !
Je trouve un petit peu dommage, en fait, que ces projets de lois aient été traités de cette manière. Comme vous l'avez mentionné le projet radical est peut-être effectivement politiquement, juridiquement, socialement, culturellement... - tout ce que vous voudrez, Monsieur Rodrik ! - ...un petit peu mieux fait. Mais nous avons lancé une idée, et nous aurions aimé en discuter, faire des amendements, effectuer des auditions... Je crois que la discussion mérite vraiment d'avoir lieu. Elle aura lieu sur le 8170 qui a été déposé par les radicaux, qui n'est autre que le projet de loi 7916 formulé différemment... Quant au problème du 7915 sur l'intérêt cantonal d'un référendum municipal, nous aurons probablement l'occasion d'y revenir, même si c'est d'une autre manière. Je ne trouve pas admissible que nous n'ayons pas pu nous exprimer tous autant que nous sommes, citoyens genevois, sur les deux votations que nous avons eues sur la place des Nations et sur la place Neuve qui sont pratiquement d'un intérêt national et non pas d'un intérêt cantonal.
M. Christian Ferrazino (AdG). En lisant votre rapport, Monsieur Rodrik, on constate que les objections qu'on peut formuler à ces projets de lois sont très nombreuses... En vous écoutant, Monsieur Béné, on s'aperçoit qu'il y en a encore plus qu'on ne pensait !
Pour ma part, Monsieur Béné, j'en vois deux essentielles. Sans vouloir faire des tours de passe-passe avec d'autres questions que celles qui sont abordées par ces projets de lois, je relèverai le côté totalement inacceptable d'un point de vue institutionnel de votre projet de loi, car, sous couvert de discours prétendument modernistes, prétendument démocratiques, vous faites en fait appel à des recettes qui caractérisaient plutôt l'Ancien Régime... Vous le savez très bien, elles visaient à donner le droit de vote à ceux qui ont de l'argent... Vous le traduisez en langage moderne - pour reprendre votre expression - on peut voter si l'on paye des impôts... On aurait donc la possibilité, si l'on vous suivait, de voter deux fois, voire trois ou quatre fois, c'est-à-dire à l'endroit où l'on réside et à l'endroit où l'on travaille. Et ceux qui travaillent dans deux ou trois communes pourraient voter plusieurs fois... Votre notion de la modernité et de la démocratie est de faire en sorte qu'il y ait d'un côté des électeurs et de l'autre des super électeurs... Bien évidemment, puisque vous parlez de démocratie, tout le monde est égal, mais certains sont plus égaux que d'autres, car ils ont la possibilité de s'exprimer plusieurs fois.
Eh bien, voyez-vous, Monsieur Béné, il est des biens qui sont trop précieux pour être achetés... Et la démocratie... (L'orateur est interpellé par M. Béné.) Désolé, Monsieur Béné, mais pour nous elle n'a pas de prix ! Et elle ne s'achète pas, même avec des impôts, Monsieur Béné ! (L'orateur est interpellé par M. Halpérin.) Voyez-vous, Monsieur Halpérin, je fais une autre objection tout aussi importante, et qui justifie la non-entrée en matière des propositions que vous avez formulées. C'est d'ailleurs paradoxal les membres d'un parti - les libéraux - qui à chaque élection font campagne sur l'autonomie communale - ma chère commune ! - qui essayent de montrer en quoi ils sont attachés à la vie de leur chère commune, nous proposent aujourd'hui de mettre à mal l'autonomie communale... Mais cela ne leur fait pas trop de peine, parce qu'il s'agit là de l'autonomie communale de la Ville de Genève ! Parce que précisément vous souhaitez enlever des prérogatives à la Ville de Genève, alors qu'elle n'en a déjà que trop peu - on le relève assez souvent.
On peut donc se demander - aujourd'hui on le constate - comment les prétendus défenseurs de l'autonomie communale concrétisent cette volonté une fois qu'ils sont élus... Ils nous proposent de modifier la constitution et la loi pour faire justement en sorte que les habitants de la commune - en l'occurrence la Ville de Genève - sur des sujets comme la construction d'une école ou - je vais prendre un exemple anodin, au hasard - la construction d'un nouveau parking au centre-ville ne puissent pas voter sur ces questions. Ils nous disent qu'il faudrait aussi y associer ceux qui travaillent en Ville de Genève pour leur permettre de se déterminer sur ces enjeux.
Alors, si vous voulez nous donner des leçons de démocratie, Monsieur Béné, nous serions tentés de vous suggérer de respecter précisément les choix démocratiques des citoyens de la Ville de Genève, qui s'expriment de façon claire et répétée, lors des votations populaires, en disant qu'ils ne veulent pas de nouveau parking au centre-ville, car ils désirent préserver nos espaces verts. Cela vaudrait mieux que d'essayer, en utilisant des tours de passe-passe, de manipuler les droits populaires selon - c'est la recette que vous préconisez - le bon vouloir du Conseil d'Etat ! En effet, ce ne serait en tout cas plus celui des communes en question ni celui du Grand Conseil... Ce serait donc au Conseil d'Etat de nous dire dans quel cas, selon lui et en fonction de l'humeur du moment, tel ou tel objet de la commune, en l'occurrence la Ville de Genève, devrait relever, par le fait du prince, de la compétence du canton...
Voyez-vous, de telles acrobaties n'ont plus grand-chose à voir avec l'idée que nous nous faisons de la démocratie et surtout de l'attachement qui est le nôtre - le nôtre est bien réel, il ne s'exprime pas seulement lors des discours préélectoraux - à l'autonomie communale !
Ces deux raisons suffisent à elles seules et justifient de ne pas entrer en matière sur des propositions qui ne sont vraiment pas souhaitables.
M. Albert Rodrik (S), rapporteur de majorité. Je voudrais apporter trois précisions.
Ceux qui militent en faveur de l'exercice des droits politiques pour des ressortissants étrangers disent que le fait de vivre parmi nous, de travailler parmi nous et d'accomplir les obligations qui sont celles des citoyens suisses comme de payer les impôts, etc., entraîne le fait de leur reconnaître un certain exercice des droits politiques. Je vous prierai tout simplement et en toute amitié de ne pas dévoyer ce propos ! Il s'agit de cela précisément !
Deuxième chose. Quand les sujets sont importants, les citoyens de ce canton se débrouillent... Pour l'Alhambra, il y avait un référendum municipal et un référendum cantonal. Pour finir, on a fait l'économie de l'un sans chambouler nos pratiques constitutionnelles et les acquis du siècle dernier. On peut ! Il suffit de savoir s'y prendre : vous n'avez qu'à demander à M. de Tolédo et à M. Juon, par la même occasion... Ça se pratique !
Enfin, la question de l'avis de droit. M. Dupraz comme moi-même en commission, nous voulions cet avis de droit. En effet, au-delà de l'opportunité politique, nous avions un problème juridique, et nous le retrouverons... Nous le retrouverons avec le projet radical ! Le représentant du Conseil d'Etat nous a dit fort logiquement que, si nous entrions en matière, il le demanderait. Il me semble donc que c'est une économie mal placée. Je le dis du reste dans mon rapport, nous nous retrouverons devant ce genre de problème et d'appel à la modernité : un avis de droit prophylactique aurait peut-être été bienvenu...
M. Claude Blanc (PDC). Je suis d'accord avec M. Ferrazino dans les grandes lignes - pour une fois - bien que les arguments qu'il a développés sonnent un peu mal dans sa bouche... (Rires.) En effet, on sait que lorsqu'il s'agit d'agir en sens contraire et de traficoter les lois cantonales pour donner à la commune des droits que le droit fédéral ne lui accorde pas, il tient un tout autre langage...
En ce moment, vous le savez, un projet de l'Alliance de gauche qui est examiné en commission législative tente de déléguer à la commune un certain nombre de compétences en matière de circulation... Ce projet est tellement tarabiscoté que nous y avons déjà passé cinq ou six séances - sauf erreur, n'est-ce pas mon cher collègue Lescaze ? - et avant chaque séance nous recevons un pli du président de la commission, l'excellent M. Grobet, parce qu'il a imaginé un autre amendement ou bien l'aménagement d'un amendement déjà voté... En effet, il s'est bien rendu compte que ce projet de loi est tellement sur le fil qu'il doit être très vigilant pour le rendre conforme à la loi fédérale. Je suis presque sûr qu'en fin du compte on arrivera tout de même à accoucher d'un projet monstrueux qui ne tiendra pas la route devant la juridiction fédérale... Bref, c'était une remarque en guise d'introduction !
J'en viens maintenant aux deux projets qui nous sont soumis. Je rejoins les arguments de M. Ferrazino. En effet, en ce qui concerne le projet de loi constitutionnelle sur le référendum municipal, il est évident que lorsqu'un conseil municipal, de n'importe quelle commune d'ailleurs, vote une délibération, il est clair que ce sont ses propres électeurs qui doivent l'approuver ou la sanctionner par le référendum. Alors, je ne vois pas comment et au nom de quoi le gouvernement cantonal pourrait décider que, dans tel ou tel cas, c'est l'ensemble du Conseil général du canton qui serait chargé de se substituer aux électeurs de la commune en question ! Car vous ne visez pas seulement la Ville de Genève, mais toutes les communes ! Cela me paraît quand même un peu étrange de demander au Conseil d'Etat de décider souverainement qu'un projet municipal doit être soumis à l'approbation de l'ensemble des électeurs... Par ailleurs, vous ne prévoyez même pas de droit de recours. Pourtant, sur des sujets aussi importants, le Conseil d'Etat pourrait faire l'objet de recours. Par conséquent, votre projet est à mon avis inapplicable. De plus, il est tout à fait contraire aux usages de notre démocratie.
L'autre projet de loi qui modifie la loi sur l'exercice des droits politiques est encore pire... En effet, il institue le tourisme politique ! Ce serait vraiment une première en Suisse si des électeurs pouvaient avoir le droit de vote simultanément dans plusieurs communes... Le projet radical propose, sauf erreur de ma part, le choix de la commune, ce qui est déjà plus restrictif. Il est tout aussi bâtard... (Rires et exclamations.) Eh oui, je suis là pour me faire des amis, vous comprenez ! Je sème, je sème... (Rires.) Ce qui vous prouve que je n'ai pas d'amis ou d'ennemis particuliers, mais je sais les choisir en fonction de la justesse des projets qu'ils présentent...
Le tourisme politique dont je parlais revient en fait à instituer ce qu'on appelait dans le temps le vote censitaire, c'est-à-dire que seuls pouvaient voter ceux qui payaient des impôts. Ce sont des pratiques beaucoup trop anciennes, que nous ne regrettons pas, pour accepter de revenir sur un tel sujet. En fait, Mesdames et Messieurs les députés, je crains bien que ces deux projets, que je qualifierai de «monstres démocratiques» ne puissent pas trouver grâce devant notre Grand Conseil !
Je préviens du reste tout de suite les radicaux que nous n'approuverons pas non plus le leur, quand il nous sera soumis ! (Rires.)
M. Jacques Béné (L), rapporteur de minorité. C'est drôle, parce qu'on est en train de faire le débat que nous aurions aimé faire en commission... (Rires.) Mais oui, c'est exactement ça ! Des tas de choses sont critiquables dans ces projets de lois ; nous n'avons pas dit qu'ils étaient parfaits. Mais je pense que cela valait la peine d'en discuter... Monsieur Ferrazino, j'accepte les remarques de M. Rodrik, mais je dois dire que j'accepte nettement moins les vôtres, parce qu'à chaque fois qu'un projet arrive de vos bancs vous l'acceptez, même s'il met à mal nos institutions, par contre vous le trouvez inacceptable quand ce n'est pas vous qui l'avez «fomenté»... Je regrette votre attitude.
Je pense qu'il y a un réel problème de légitimité démocratique des décisions qui sont prises par les habitants de la Ville. C'est tout ! C'est uniquement sur ce problème que je me suis basé pour faire mon rapport. Alors, parler de tourisme politique... Je le répète, ce projet de loi aurait au moins mérité d'être discuté en commission ! Le projet radical permettra peut-être d'avoir cette discussion. Nous aurons peut-être un avis de droit. Mais je suis persuadé que nous devons évoluer dans ce domaine. Ce n'est peut-être pas votre avis, Monsieur Ferrazino, mais moi je pense que la démocratie ne peut que s'améliorer si une plus grande part de la population qui est concernée peut s'exprimer sur des sujets qui la touche directement, qu'il s'agisse de personnes qui payent des impôts ou non.
C'était peut-être également votre opinion, Monsieur Rodrik, mais si j'ai pris l'exemple du droit de vote des étrangers, c'est parce qu'en commission vos collègues ont largement répété qu'il n'y avait pas de raison que les étrangers n'aient pas le droit de s'exprimer puisqu'ils payent des impôts. Eh bien, nous pensons aussi, vu que les citoyens genevois payent des impôts et que leur obole sert à contribuer au financement de certains projets, qu'ils devraient avoir le droit de s'exprimer ! C'est l'unique raison de mon intervention.
Je le répète, je trouve regrettable que nous n'ayons pas pu en discuter plus longuement en commission et qu'on ait accordé seulement quelques minutes à ce sujet.
M. Michel Halpérin (L). Nous avons identifié - il est vrai à l'occasion de deux opérations ponctuelles qui étaient des délibérations au sujet de la place Neuve et de la place des Nations - un vrai problème. Nous avons voulu apporter une proposition de réponse à ce problème. Elle n'a pas l'heur de vous plaire, c'est légitime et, ici comme ailleurs, la loi de la majorité prévaudra !
Je donne quelques réponses brèves à quelques-uns des arguments développés par M. Ferrazino. Je ferai observer que lorsque nous avons un problème avec la loi, nous vous proposons de la changer... J'en connais d'autres qui la violent ! (Exclamations.) Lorsque nous avons un problème avec l'application des textes, nous essayons de trouver des nouvelles formules... D'autres préfèrent les confisquer et en faire l'usage qui leur convient personnellement ou qui traduit leur pensée idéologique... A chacun ses préférences !
Je voudrais très brièvement - mais très brièvement seulement parce que je ne me fais pas beaucoup d'illusion non plus sur le résultat du vote de tout à l'heure - m'attacher à la portée des deux projets, dont le résumé qui en a été présenté tant par M. Ferrazino que par M. Blanc relève de la caricature la plus saugrenue...
Le projet concernant la cantonalisation d'un objet relevant normalement du municipal vous paraît singulier, mais au fond il ne l'est pas tant que cela... Des quantités de décisions sont prises couramment à tous les niveaux du pays sur des objets qui, par leur nature, sont d'une compétence donnée plutôt que d'une autre. Cela fonctionne et, quand ça ne nous fait pas plaisir, on s'aligne parce qu'on ne peut pas faire autrement... Il ne viendrait à l'idée de personne de considérer que lorsqu'une route nationale traverse un village, c'est au village de s'exprimer alors que la route est nationale. De la même manière, on peut considérer que certaines infrastructures, qui trouvent leur place forcément à l'intérieur d'une commune qui est à l'intérieur du canton qui est à l'intérieur de la Confédération, puissent trouver à s'exprimer à un niveau cantonal plutôt qu'à un niveau municipal.
Il n'y a donc là rien d'extraordinaire, et je m'étonne même que cela vous ait semblé si saugrenu qu'on ne puisse pas en parler... L'argument de M. Blanc disant que cela permettrait au Conseil d'Etat de prendre des décisions arbitraires - il ne l'a pas dit en ces termes, mais c'est ce qu'il voulait dire - est évidemment ridicule, parce que le Conseil d'Etat ne peut prendre aucune décision arbitraire sans être soumis à un contrôle judiciaire. Et le fait même que nous n'ayons pas mentionné une voie de recours ne signifie pas que cette voie de recours n'existe pas. Les juristes dans cette salle savent bien qu'il existe toujours des voies de recours contre des décisions cantonales, même quand elles ne sont pas écrites dans les textes. Mais, évidemment, M. Blanc ne peut pas tout savoir, et je lui pardonne volontiers son ignorance, sachant qu'il pardonne aux autres celle qui peut être la leur dans les domaines de sa propre compétence... (Rires.)
Je voudrais néanmoins faire observer à M. Blanc qui a tous les talents et qui comme PDC a des candidats à défaut d'avoir des idées... (Rires.) ...que s'il avait voulu au sein de la commission, lui ou son représentant, faire des suggestions d'amendement, par exemple introduire un droit de recours explicite plutôt que de laisser un droit de recours implicite, nous aurions prêté à cette proposition une oreille attentive. Probablement l'aurions-nous accueillie avec la même bienveillance qui nous caractérise en toute circonstance et nous aurions fait progresser cette affaire...
J'en viens au deuxième projet, qui concerne le droit de vote, il est franchement assez divertissant d'entendre quelques-uns d'entre vous dire qu'il s'agit du rétablissement du système censitaire, puisque c'est exactement du contraire qu'il s'agit ! Pour ceux qui n'auraient pas la mémoire historique très développée - mais je suis sûr qu'ils sont peu nombreux dans cette salle, surtout à cette heure-ci - je rappelle que le vote censitaire - c'est d'ailleurs celui qui est visé à propos de l'Angleterre dans le rapport de majorité - consistait à limiter le droit de vote à ceux qui avaient un certain revenu et qui, par conséquent, étaient considérés comme ayant une surface politique en rapport avec leur revenu. Ici, nous ne disons pas du tout que pour voter il faut avoir des revenus ! Je vous rappelle qu'il n'y a pas de contribuables dans ce canton qui ne payent pas d'impôts du tout. Chaque personne qui est politiquement enregistrée dans ce canton et qui y est domiciliée paye des impôts, même petits, même ramenés à la contribution personnelle. Il n'y a donc aucun cens - c,e,n,s - dans notre République.
Deuxièmement. Le projet que nous vous avons soumis consistait à étendre le droit de vote et non pas à le limiter... Libre à vous de lire le contraire de ce que nous écrivons, mais nous vous rappelons que si l'illettrisme est en train de se développer, vous n'êtes pas obligés de vous résigner... Il y a de bons cours qui sont offerts à chacun ! Je vous invite par conséquent à reconsidérer les travaux qui ont été faits en commission. En effet, comme l'a relevé le rapporteur de majorité, M. Rodrik, qui est un honnête homme, le travail de la commission - il l'a dit entre les lignes puisqu'il en est le rapporteur de majorité - est un travail mal fichu, pour ne pas dire un travail scandaleux...
Vous n'avez même pas voulu vous pencher sérieusement sur la problématique qui vous était posée ! Vous n'avez voulu ni avis de droit ni réflexion sur les possibilités éventuelles d'améliorer ces projets. Lorsque l'un d'entre vous présente un projet mal fait - et il m'est arrivé de me lamenter dans certaines commissions sur la qualité rédactionnelle de certains textes émanant, Monsieur Ferrazino, de vos bancs - je n'ai jamais rechigné personnellement, ni aucun de mes collègues, à la tâche consistant à rédiger correctement à quinze ce que l'auteur ou les deux ou trois auteurs avaient été dans l'incapacité de rédiger tout seuls. Eh bien, si vous trouviez nos textes si mauvais, vous auriez pu avoir pour nous les mêmes charités que M. Blanc évoquait tout à l'heure : corriger l'imperfection de notre rédaction et faire de nos mauvais textes de bons textes, de nos mauvaises idées de bonnes idées...
Vous avez préféré - c'est dans vos manières habituelles sur les bancs d'en face et dans vos manières circonstancielles sur les bancs de côté... (Rires et exclamations.) ...de rejeter d'un coup de pied de travers ce qui ne vous plaît pas... Ce n'est pas tout à fait la première fois que vous nous traitez de cette façon ! Nous ne nous habituons pas ! Nous nous émouvons ! Nous nous indignons ! Nous nous scandalisons ! Mais nous savons ne pas pouvoir attendre grand-chose d'autre de vous, lorsque l'humeur vous prend... De sorte que vous avez préféré nous donner une leçon en n'acceptant même pas de prendre ces textes en considération... Je le regrette pour vous... Vous avez raté une occasion de plus d'entrer sérieusement en matière sur de vraies questions... Nous en prenons acte, et nous en tirerons un jour ou l'autre probablement les conséquences !
M. Bernard Lescaze (R). A l'évidence, ces projets de lois libéraux posent des questions intéressantes. Certes, c'est la volonté populaire qui n'allait pas dans le sens qu'ils souhaitaient qui leur a fait prendre conscience - davantage qu'on ne pouvait l'imaginer - que nous sommes un petit canton et que, parfois, les solutions prises à un endroit entraînent des conséquences importantes sur d'autres communes par exemple... Mais faut-il à de véritables problèmes apporter de mauvaises solutions ? La question est là. Et le groupe radical va répondre aux libéraux d'une manière différenciée sur les deux projets.
En ce qui concerne le premier projet de loi 7915 nous ne pensons pas que la solution préconisée par le parti libéral soit la meilleure, et c'est pour cela que nous avions déposé notre propre projet 8170. En effet, et sur ce point, il faut tout de même être un peu raisonnables : la notion même de démocratie est une notion évolutive à travers le temps. Plus personne dans cette assemblée - pas même M. Halpérin - n'est favorable au retour de la démocratie censitaire. Comme le disait M. Rodrik dans son rapport, c'est faire injure aux proposants du projet de croire qu'ils le voulaient...
En revanche, j'aimerais tout de même rappeler à toute cette assemblée que la Suisse, démocratie témoin selon un sociologue français d'il y a une quarantaine d'années, entre 1848 et 1971, a exclu la moitié, voire la meilleure moitié de ses habitants du suffrage universel... (Exclamations.)
M. Claude Blanc. C'est de la lèche !
M. Bernard Lescaze. En conséquence, on peut clairement voir que le fait d'avoir ou non un droit de vote multiple n'est pas encore entré dans nos moeurs, nous choque, mais, dans d'autres circonstances, on pourrait l'envisager d'une façon théorique et peut-être un jour d'une façon pratique... Mais nous n'en sommes pas là !
Par contre, le libre choix du domicile politique dissocié du domicile de résidence peut parfaitement être envisagé. C'est d'ailleurs une solution que vous trouvez dans de nombreux pays européens, à commencer par le pays étranger qui nous entoure. J'aimerais poser la question suivante au député démocrate-chrétien qui s'indigne d'un prétendu tourisme politique : croit-il donc véritablement que le choix du domicile politique, par opposition au domicile de résidence, soit si antidémocratique ? M. Blanc est-il contre le droit de vote des Suisses à l'étranger ? Certains votent à Genève, mais d'autres choisissent de voter à Bâle ou à Zurich. Non, il ne l'est évidemment pas ! Je n'ose pas imaginer que M. Blanc est contre le libre choix de certains domiciles politiques ! Alors, pourquoi ce qui est offert aux Suisses de l'étranger ne le serait-il pas aux Genevois habitant le canton de Genève ?
Mais je ne vais pas ici plaider davantage en faveur du projet de loi radical. Nous attendrons qu'il revienne de commission.
En revanche, effectivement le projet de loi 7916, qui prévoit la possibilité de multiplicité des votes est pour l'instant totalement contraire à nos traditions politiques. C'est pourquoi, en résumé, les radicaux voteront l'entrée en matière du premier projet, même si ses motivations ne nous paraissent pas aussi pures que les initiants veulent nous le faire croire. Je n'ai cessé de répéter que pour le projet de la place Neuve notamment, il s'agissait d'un problème de droit de propriété, de l'accord ou non d'un droit de superficie pour construire ce parking. Et je ne pense pas que le parti libéral ait voulu mettre en cause le droit de propriété, même s'il s'agit d'un droit de propriété d'une commune, de la Ville en l'occurrence. A mon avis, jamais on n'aurait pu décréter que le référendum municipal sur la place Neuve pouvait être étendu à tout le canton. Finalement, lorsqu'une commune est propriétaire d'un bien, il est normal que ce soit ses communiers et non pas les autres qui se prononcent à ce sujet.
Mais peut-être ai-je une vue trop libérale, trop restrictive, trop conservatrice, du droit de propriété pour les libéraux... Ça c'est un autre problème !
Nous ne voterons donc pas l'entrée en matière du projet de loi 7916 sur la multiplicité du droit de vote. En revanche, en ce qui concerne le projet 7915, même si celui-ci ouvre une piste que nous pensons mauvaise, nous devrions pouvoir trouver un accord avec notre projet corrigé, c'est-à-dire le libre choix du domicile politique.
M. Antonio Hodgers (Ve). Tout d'abord, je prends la parole pour signaler à ce parlement la position de notre parti, qui est celle défendue par M. Rodrik. Nous nous retrouvons dans la plupart des arguments évoqués dans son rapport de majorité. Ensuite, j'aimerais quand même faire deux remarques sur les sujets qui ont été abordés au cours du débat.
La première porte sur les droits politiques des étrangers. J'aimerais m'associer aux propos que M. Rodrik a tenus en réponse aux allégations de M. Béné selon lesquelles notre majorité parlementaire veut donner des droits politiques parce que les étrangers payent des impôts. Mais ce n'est pas uniquement pour cette raison ! Comme le rapporteur de majorité de ce projet de loi, je souligne que notre majorité parlementaire veut donner des droits politiques aux résidents étrangers qui habitent la Suisse depuis plus de huit ans parce qu'elle considère que, comme les citoyens suisses, ils apportent en tous points un plus à notre société, et il n'y a pas de raison qu'ils n'apportent pas non plus leur savoir-faire politique.
Mon autre remarque porte sur les projets de lois qui nous sont soumis ici.
Les libéraux proposent de changer la loi pour résoudre un problème et disent en passant que d'autres préfèrent la violer... Pourtant avec ces propositions, il me semble que le parti libéral fait une distorsion assez grave au principe démocratique selon lequel on vote en fonction de son lieu de résidence... Sa proposition, contrairement à celle du parti radical, permettrait à certains citoyens suisses d'avoir plus de droits que d'autres vu qu'ils pourraient voter dans plusieurs communes - M. Ferrazino l'a du reste évoqué. Ce projet de loi constitue une distorsion démocratique suffisamment grave, à mon avis, pour en refuser l'entrée en matière.
Par ailleurs, en ce qui concerne l'autre projet de loi qui veut donner une compétence au Conseil d'Etat pour déclarer des sujets d'intérêt cantonal, je tiens à dire aux libéraux qu'ils s'y prennent mal pour trouver une solution à ce problème. La discussion devrait plutôt porter sur des compétences soit communales, soit cantonales, soit fédérales, selon la matière du sujet, et il ne faudrait pas, par le biais de ce type de projet de loi, faire une distorsion à ce débat qui, lui, est sain : c'est-à-dire qu'il est normal que notre parlement débatte de ce qui doit relever des compétences cantonales et de ce qui doit relever des compétences communales. C'est plutôt dans ce sens-là que le parti libéral devrait aborder la discussion.
M. Claude Blanc (PDC). J'ai bien entendu les plaintes de M. Halpérin qui souffre d'incompréhension et qui a l'impression que l'ensemble de ce Grand Conseil persécute son pauvre parti... (Rire de M. Halpérin.) J'ai aussi entendu, au passage, qu'il entrait déjà dans la campagne électorale, puisqu'il a réussi à faire rire l'assemblée en accusant le PDC d'avoir des candidats à défaut d'avoir des idées... Eh bien, je répondrai à nos amis libéraux que dans leur cas l'absence de bons candidats ne leur donne pas le droit d'avoir de mauvaises idées !
M. Olivier Vaucher. Tu aurais pu trouver mieux !
M. Claude Blanc. Je voudrais revenir au projet de loi constitutionnelle pour dire que je milite dans une association sportive...
Une voix. Ça ne se voit pas ! (Rires et exclamations.)
Une voix. Il milite, il ne pratique pas !
M. Claude Blanc. Je milite, mais je ne pratique pas ! Par contre, Mesdames et Messieurs les députés, je n'ai pas l'idée de changer les règles du jeu chaque fois que mon équipe perd un match. Et c'est là que je veux en venir, parce que je pense que, dans le sport comme en politique, il faut de temps en temps accepter de perdre en pensant que l'adversaire a le droit de gagner de temps à autre. Mais alors, il est tout à fait antisportif et je dirai même antidémocratique pour transposer de vouloir changer les règles à chaque fois qu'on perd un match. Et c'est cela, Mesdames et Messieurs les députés, que les libéraux nous proposent aujourd'hui. Ils se disent : nous avons perdu sur la place Neuve, aussi nous changeons les règles du jeu... Ce raisonnement n'est pas acceptable !
Quant au problème soulevé par M. Lescaze en ce qui concerne les Suisses de l'étranger, je ne pense pas que son raisonnement soit convaincant. En effet, on sait où résident les Suisses de Suisse et on sait où ils doivent voter ; pour ce qui est des Suisses de l'étranger, ils ne peuvent évidemment pas voter à l'étranger et donc ils ont le choix. On aurait bien pu leur imposer de voter dans leur canton d'origine... Cela n'a pas été fait... Je n'ai rien contre, mais enfin comparaison n'est pas raison, Mesdames et Messieurs les députés !
M. Albert Rodrik (S), rapporteur de majorité. Loin de moi l'idée de prolonger un débat à propos de deux projets, qui sans être offensant, ne le méritent pas... Mais ils me donnent peut-être l'occasion de dire de quoi il retourne.
Premièrement, nous n'avons pas attendu ce débat pour savoir qu'entre les groupes composant une même coalition - cette remarque est valable pour les deux - on peut s'envoyer des fions - et même de vilains fions...
Deuxièmement, nous n'avons pas attendu ce débat pour connaître l'éloquence de M. Lescaze ou celle de M. Halpérin et leur capacité à bâtir des architectures évanescentes et virtuelles, qui n'ont aucun rapport... (L'orateur est interpellé par M. Halpérin.) ...avec la réalité. Oui, vous êtes tout à fait à la mode ! C'est votre modernité, absolument ! Mais nous sommes dans la cyberpolitique, la réalité pour laquelle nous demandons - et mon rapport le demande - de rejeter ces projets c'est que : 1) on donne un pouvoir discrétionnaire au Conseil d'Etat, ce qui n'a pas de raison d'être, 2) on dépouille les communes de leur compétence de faire voter leurs communiers sur les décisions de leur organe : le conseil municipal, et enfin, 3) comme je l'ai reconnu, l'allégation de vote censitaire était excessive et pas méritée, mais ces projets nous ramènent à un système dans lequel on lie, qu'on le veuille ou non, la capacité politique et la capacité contributive.
C'est pour ces raisons que je réitère que nous devons rejeter ces projets. Le projet radical est un autre projet, pas très... (L'orateur est interpellé.) ...etc., mais il a effectivement su éviter, comme nous l'avons dit, un certain nombre d'écueils politico-juridiques.
Mais revenons aux projets libéraux : pouvoir arbitraire au Conseil d'Etat, dépouillement des compétences municipales, liaison entre compétences politiques et compétences contributives : je demande à ce Grand Conseil de les refuser sec ! Merci !
Mme Christine Sayegh (S). Ces projets de lois veulent ouvrir une brèche dans l'autonomie communale, ce qui est grave. C'est d'ailleurs tellement grave que les auteurs de ce projet de loi et ceux qui le soutiennent n'ont pas trouvé d'arguments... Ce n'est donc effectivement pas le temps du retour à l'impérialisme... C'est encore le temps de l'autonomie communale. Par rapport à la liberté de choix du domicile politique, j'avais fait une petite recherche dans la Constitution fédérale, et tant ces deux projets de lois que le vôtre, Monsieur Lescaze, ne résistent pas à l'examen du droit constitutionnel fédéral.
Enfin, vous savez très bien que les Suisses de l'étranger votent dans leur commune d'origine. Le système suisse est donc tout à fait adéquat pour ces personnes qui ne vivent pas en Suisse.
Aussi, conformément au rapport de majorité, notre groupe vous confirme qu'il n'entrera pas en matière.
M. Rémy Pagani (AdG). Presque tout a été dit, sauf une ou deux choses que je vais vous rappeler, Monsieur Béné... Vous aviez inventé la flexibilité du travail, vous nous proposez aujourd'hui la flexibilité démocratique... J'en prends acte ! C'est effectivement dans l'air du temps... Toujours est-il, comme l'a dit M. Blanc, que vous avez perdu plusieurs matchs et que vous voulez changer les règles du jeu... Il faudrait analyser sérieusement le vote sur la place Neuve, comme celui sur la place des Nations. En effet, pour aller plus loin dans l'idée que vous nous proposez, par exemple celui de la place Neuve, je vous rappelle qu'un certain nombre de personnes qui vous sont proches d'ailleurs ont voté contre cet aménagement - je parle de certains habitants de Champel et Florissant - car ce projet devait supprimer le passage de transit des voitures. Je le répète, passablement de gens de votre bord que vous défendez ont refusé ce projet de loi.
Je vous suggère donc de diviser la ville en huit communes - comme le Conseil d'Etat l'a proposé - ainsi vous pourrez vous donner raison et faire de l'autosatisfaction pour chaque vote... En effet, si vous aviez voulu faire passer le projet de loi de la place Neuve, il aurait fallu circonscrire les communes et choisir parmi les huit communes laquelle aurait le droit de vote et lesquelles ne l'auraient pas... Cette proposition a du reste été rejetée de manière cinglante par ce Grand Conseil, comme j'espère que ces deux projets de lois le seront aussi !
M. Bernard Lescaze (R). Je ne peux quand même pas laisser passer sans réagir les propos de Mme Sayegh, parce que je m'inquiète, étant donné qu'elle doit examiner l'autre projet, de constater que ses recherches me paraissent plutôt insuffisantes...
Je voudrais rappeler à Mme Sayegh qu'en matière de droit de vote des Suisses habitant à l'étranger, il n'y a pas de droit de vote en matière communale... On ne tient donc pas compte de la commune d'origine mais du canton d'origine. Les Genevois qui habitent en France ne peuvent pas voter en matière communale ; ils ne peuvent voter qu'en matière cantonale et fédérale. Je suis bien placé pour le savoir !
Mais j'aimerais ajouter qu'en matière de droit fédéral Mme Sayegh n'est certainement pas sans savoir que l'on peut se présenter dans un autre canton aux élections au Conseil national que le canton de son domicile, le canton où l'on vote. Cela signifie qu'en matière fédérale l'éligibilité est parfaitement dissociée du droit de vote et d'élection. Par exemple, un Genevois peut se présenter aux élections au Conseil national à Zurich et il y a eu un cas récent, dont vous savez quelle en a été l'issue, comme des cas plus anciens comme celui de Pierre Cérésole qui a été élu. Mais il y a mieux : des Suisses de l'étranger peuvent se présenter aux élections nationales dans n'importe lequel de nos cantons, même s'ils votent dans un seul canton déterminé. En conséquence, le droit fédéral est beaucoup plus souple, contrairement à ce qu'on imagine parfois et que Mme Sayegh semble imaginer...
On peut donc constater que des solutions originales peuvent être trouvées, et je ne doute pas qu'à la lumière de cette information Mme Sayegh acceptera le projet radical en commission.
Mme Christine Sayegh (S). Juste un mot. Pour définir le canton d'origine, on se réfère à la commune d'origine. J'ai donc peut-être été mal comprise...
Par ailleurs, vous prouvez encore une fois que ces deux projets sont mauvais, parce que vous changez de sujet... Vous avez parlé d'éligibilité pour essayer de les défendre !
M. Laurent Moutinot. Je ferai plusieurs remarques...
Le Conseil d'Etat n'a jamais sollicité la prérogative extrême que l'un des projets de lois se propose de lui attribuer, à savoir de décider quelle est la géométrie d'un référendum...
Ces projets sont terriblement conjoncturels et d'ailleurs, comme l'a rappelé à juste titre M. Lescaze, ils ne permettraient pas de résoudre les problèmes que voudraient résoudre les auteurs du projet, puisque notamment en ce qui concerne la place Neuve, il n'y avait pas qu'un préavis en matière d'aménagement mais la mise à disposition d'un terrain propriété de la Ville. Alors, sur ce point, je vois mal comment un corps électoral cantonal pourrait disposer du bien d'une commune. Cela pour dire, Mesdames et Messieurs les députés, la chose suivante :
En matière institutionnelle, en matière de droit de vote, toute réflexion conjoncturelle est vouée à l'échec. Les vrais problèmes qui doivent être examinés en matière institutionnelle : l'extension du droit de vote, les compétences des communes et de l'Etat, l'extension du droit de vote aux étrangers, la répartition des compétences entre les différents organes de l'Etat ou des communes sont des sujets d'une réflexion que vous devez mener et dans laquelle vous allez retrouver cette problématique de fond : c'est-à-dire savoir comment harmoniser le cercle de ceux qui décident, le cercle de ceux qui payent et le cercle de ceux qui utilisent. Car, autrefois, dans une société simple, agricole et communale, tout le monde habitait, travaillait et payait au même endroit, et, par conséquent il y avait parfaite adéquation entre ces trois cercles et parfaite adéquation avec la démocratie municipale. A partir du moment où on ne travaille pas où on habite et qu'avec un peu de chance on paye encore ses impôts ailleurs, le résultat est une discrépance entre ces trois cercles. C'est l'une des problématiques de la construction institutionnelle du canton, de la ville et du canton notamment. Il faut y réfléchir, mais, de grâce, pas à la faveur de l'un ou l'autre vote qui a plu ou déplu, mais bel et bien en toute sérénité !
PL 7915-A
Mis aux voix, ce projet est rejeté en premier débat.
PL 7916-A
Mis aux voix, ce projet est rejeté en premier débat.