République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 17 février 2000 à 17h
54e législature - 3e année - 5e session - 7e séance
RD 355-1 et objet(s) lié(s)
RAPPORT DE LA MAJORITÉ
Rapporteuse: Mme Christine Sayegh
En date du 24 septembre 1998, le Grand Conseil a accepté la proposition de motion 1234, déposée le même jour, par Mmes et MM. les députés, Christian Grobet, Rémy Pagani, Bernard Clerc, Anita Cuénod, Loly Bolay, René Ecuyer, Erica Deuber Pauli, Salika Wenger, Janine de Haller et Magdalena Filipowski et nomma une commission d'enquête pour rendre rapport sur les relations de la Banque Cantonale de Genève avec MM. Jürg Stäubli et Nessim Gaon, conformément au mandat proposé par les motionnaires.
La commission s'est réunie à 23 reprises du 4 novembre 1998 au 8 décembre 1999. Une délégation s'est également rendue à Berne pour rencontrer les représentants de la Commission fédérale des banques. Les procès-verbaux ont été tenus par Mme Jacqueline Meyer, que la commission remercie pour la qualité de son travail.
Introduction
La Banque Cantonale de Genève (ci-après : BCGe), dont le but principal ancré dans la Constitution genevoise est de contribuer au développement économique du canton et de la région, a été créée en tant que société anonyme de droit public selon l'article 763 CO par la loi du 24 juin 1993, entrée en vigueur le 1er janvier 1994. Cet établissement résulte de la fusion de la Caisse d'Epargne de la République et Canton de Genève, fondée en 1816 et de la Banque Hypothécaire du Canton de Genève, fondée en 1847. L'article 5 de la loi du 24 juin 1993 attribuait au Conseil d'Etat la surveillance sur l'organisation de la banque et sur les activités bancaires des membres de ses organes. Le Conseil d'Etat veillait à cet effet à ce que les personnes chargées d'administrer ou de gérer la banque jouissent d'une bonne réputation, présentent toutes les garanties d'une activité irréprochable et disposent des compétences professionnelles nécessaires. Le Conseil d'Etat pouvait révoquer, par décision motivée, tout administrateur ne jouissant plus d'une bonne réputation ou ne présentant plus les garanties d'une activité irréprochable. Le Conseil d'Etat pouvait exiger de l'organe de révision et de la banque tous les renseignements et documents dont il avait besoin pour l'exécution de sa tâche. Dans son rapport de gestion annuel sur les comptes de l'Etat, le Conseil d'Etat devait rendre ensuite compte au Grand Conseil, autorité de haute surveillance, de son activité d'autorité de surveillance.
La surveillance de la BCGe a ensuite été transférée à la Commission fédérale des banques (CFB) dès que la loi fédérale l'a permis, à savoir dès février 1995.
Le Conseil d'Etat a conservé une surveillance résiduelle depuis lors dans le domaine de l'application du droit cantonal.
Le Grand Conseil, quant à lui, exerce son pouvoir de haute surveillance par le truchement des rapports du Conseil d'Etat.
Travaux de la commission
A. Travaux préliminaires
1) Lors de sa première réunion, le 4 novembre 1998, les députés mirent en place le plan et les modalités de travail de la commission, à savoir les règles internes et externes qu'il y avait lieu de respecter, principalement : la confidentialité pour le bon déroulement des travaux. Le respect de la confidentialité a été accepté par 11 oui (1 L, 2 R, 3 S, 2 Ve, 3 AdG), 2 non (DC) et une abstention (L), et celle de la non diffusion des procès-verbaux par 5 oui (1 R, 1 S, 3 AdG), 4 non (1 R, 1 DC, 2 Ve) et 5 abstentions (2 L, 1 DC, 2 S).
L'ensemble des commissaires étaient d'avis qu'il y avait lieu de prendre toutes les informations nécessaires aux fins d'évaluer l'étendue des compétences parlementaires sur le contrôle de la Banque cantonale genevoise, non seulement en se procurant tout document utile mais également en s'informant de ce qu'il existe dans les autres cantons, d'éventuelles expériences similaires vécues et en prenant contact avec la Commission fédérale des banques. Les commissaires décidèrent que ces premières informations seraient analysées préalablement à toute autre investigation.
2) Situation juridique de la BCGe - Haute surveillance et surveillance de la gestion de la banque
a) Selon un avis de droit donné par le professeur Francis Cagianut, alors président du Tribunal administratif du canton de Saint-Gall et le professeur René A. Rhinow, alors président du Tribunal administratif du canton de Bâle-Campagne, en mars 1979, à la demande du Conseil d'Etat du canton du Valais, la question de haute surveillance du pouvoir législatif sur le pouvoir exécutif a été abordée. Il ressort notamment que : « L'activité parlementaire de haute surveillance, sous l'aspect des contrôles généraux, s'exerce à l'occasion du dépôt par le Conseil d'Etat de son rapport de gestion. (...) Il faut donc comprendre la haute surveillance du Grand Conseil comme un contrôle au sens large. En effet, elle est le corollaire de l'indépendance de décision de l'exécutif : sans contrôle, il n'est pas d'action indépendante, celle-ci étant à nouveau la condition justifiant le contrôle. »
« Par essence, le contrôle présuppose l'indépendance du Conseil d'Etat par rapport au Grand Conseil. Autrement dit, le contrôle ne connote ni position prédominante ni subordination. Il est haute surveillance et donc surveillance du plus haut organe de l'Etat, fondé sur une légitimation démocratique particulière, et non surveillance hiérarchique telle que l'exerce le gouvernement sur l'administration. Mais il n'est aussi « que » haute surveillance, et ne contient donc aucune compétence du Parlement pour donner des directives. Celui-ci ne peut ni remplacer ni corriger la décision contestée du gouvernement, ni lui donner des instructions. Le contrôle exercé par le Grand Conseil n'est donc aucunement une activité substituée à celle du gouvernement, mais bien un examen après coup de décisions prises en toute indépendance par le Conseil d'Etat. (...) Il en découle que le contrôle commence par une information, et peut en rester là ; mais en pratique, parce qu'il tend à sanctionner une responsabilité politique, le contrôle aboutira à amener le gouvernement à une action déterminée, dans un certain sens, en rectifiant ses actes, en prenant conscience de défaillances ou en agissant ultérieurement de meilleure manière. Pour que le contrôle s'exerce de façon réaliste, le gouvernement doit garantir au Parlement l'accès à la connaissance de son activité. »
b) Le professeur Claude Rouiller s'est également exprimé sur ce sujet (avis de droit du 18 novembre 1998) à la demande de la BCGe. Il rappelle que l'article 5 de la Loi sur la Banque Cantonale de Genève (ci-après : LBCG), dans sa teneur du 24 juin 1993, a confié la surveillance sur l'organisation de la banque et sur les activités bancaires de ses organes au Conseil d'Etat. Surveillance qui a été transférée à la Commission fédérale des banques (CFB) dès que la loi fédérale l'a autorisé le 1er février 1995. A l'analyse des normes constitutionnelles et législatives genevoises, le professeur Rouiller confirme que, dans la mesure où le Conseil d'Etat se voit confier une fonction de surveillance, le Grand Conseil peut, partant, exercer à ce sujet sa « haute surveillance », conçue ici comme la « surveillance de la surveillance », tout en précisant que le Grand Conseil ne peut dépasser dans le cadre de l'exercice de sa haute surveillance les limites que le droit cantonal assigne à la surveillance du Conseil d'Etat dont il contrôle l'exercice.
Ainsi, l'article 5 LBCG dans sa teneur actuelle précise clairement que la CFB a été chargée d'assumer la surveillance officielle de la BCGe en ce qui concerne le respect du droit fédéral, soit l'intégralité de la surveillance bancaire, selon les termes de l'article 3a, al. 2 LB ; en revanche, pour ce qui concerne le respect du droit cantonal, la surveillance incombe au Conseil d'Etat.
Ce transfert de compétence a fait l'objet d'une décision de la CFB du 26 janvier 1995, à savoir que l'assujettissement d'une banque cantonale à la surveillance intégrale de la CFB a pour conséquence que les domaines de l'organisation interne, de la garantie d'une activité irréprochable des organes et de la garantie que les détenteurs d'une participation qualifiée n'exercent pas leur influence au détriment d'une gestion saine et prudente de la banque seront contrôlés par la CFB. Cette décision a d'ailleurs été portée à la connaissance du Grand Conseil par courrier du Conseil d'Etat du 8 février 1995.
Le professeur Rouiller rappelle également que la volonté du législateur genevois a été de soustraire la gestion proprement dite de la BCGe à la surveillance des autorités législatives et exécutives du canton. Son obligation de collaborer, fondée sur le rapport de surveillance n'existe que dans le cadre de l'application du droit cantonal au sens de l'article 5, alinéa 3 LBCG. C'est au Conseil d'Etat qu'incombe cette tâche de surveillance, le Grand Conseil étant toutefois compétent en vertu de l'article 82 Constitution cantonale, pour exercer sa haute surveillance, c'est-à-dire in casu la surveillance de la surveillance. Par ailleurs, l'article 179 de la Loi cantonale portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève donne au Grand Conseil la compétence de créer des commissions spéciales, ainsi la constitution de la présente commission est compatible avec le droit cantonal et l'étendue de ses compétences se limite à contrôler celles du Conseil d'Etat au travers des moyens qui lui sont donnés, soit par le Conseil d'Etat lui-même au travers de ses rapports, soit par la loi à l'appui de questions, interprétations, résolutions ou motions, comme ceci a été rappelé lors de la séance plénière du Grand Conseil du 12 mars 1993, Mémorial pages 1688 à 1692.
Le professeur relève enfin que la CFB a la possibilité, si elle constate que la BCGe se soustrait de manière grave ou répétée à ses injonctions ou que le canton ne la soutient pas lorsqu'elle prend des mesures contre la banque, de redonner au canton la surveillance de la banque.
3) Avant de poursuivre son mandat, la commission a souhaité entendre le président de la commission d'enquête de la Banque Cantonale du Valais afin, si faire se peut, de bénéficier d'une autre expérience cantonale.
a) Audition de M. Joseph Buetzberger, président de la Commission d'enquête de la Banque Cantonale du Valais :
C'est à la suite de l'affaire BCVs-Dorsaz et le relais par les médias de ce litige qui initialement opposait un client privé au représentant local de la BCVs de Fully, qu'une succession de révélations sur la gestion des affaires personnelles de ce représentant et de son groupe économique conduisirent bon nombre de députés valaisans à solliciter la convocation d'une session extraordinaire du Parlement en vue de la constitution d'une Commission d'enquête parlementaire (ci-après : CEP). Celle-ci fut instituée en novembre 1995 et 13 députés furent désignés comme commissaires constituant la CEP. La loi cantonale valaisanne sur la gestion et le contrôle administratifs et financiers du canton prévoit en son article 43 une base légale pour instituer une commission d'enquête si des faits graves survenus dans l'administration cantonale exigent des investigations. A l'époque des faits, la BCVs était un établissement public, lequel a été transformé en S.A. le 1er janvier 1993. Le président Buetzberger expliqua le mode de fonctionnement de la CEP. Il fut d'abord question de savoir si les députés ayant de près ou de loin un lien d'intérêt avec cette affaire devaient ou non se récuser. Le professeur Haefliger a considéré que, quelle que soit son activité professionnelle, un député peut exercer son mandat sans restriction dès l'instant où il a prêté serment. La CEP a travaillé à raison de deux jours par semaine pendant 15 mois, soit de décembre 1995 à février 1997. Après avoir pris les précautions de confidentialité nécessaires et déterminé exactement le mandat à poursuivre, les commissaires se divisèrent en trois groupes et procédèrent tout d'abord à la consultation de tous les procès-verbaux du Conseil d'Etat de 1984 à 1996, et au recensement de tout ce qui avait trait à cette affaire dans les dix départements que comptait à ce moment-là l'administration cantonale. Enfin, de manière systématique, la CEP visita l'ensemble de l'administration. En parallèle fut aussi conduit l'examen de la Banque cantonale, de ses divers départements et de sa direction. La CEP procéda ensuite à nombre d'auditions et enfin à la présentation du rapport ainsi que des motions, des postulats et des résolutions afin de combler les lacunes de la loi sur la constitution d'une CEP. Le second volet du mandat confié par le Grand Conseil valaisan avait trait à un aspect judiciaire qui ne pouvait être de la compétence de la CEP en application du principe de la séparation des pouvoirs et c'est ainsi que l'ensemble du rapport (70 classeurs, 4 cartons d'archives et 27 disquettes) fut remis au juge pénal chargé de l'instruction de l'affaire.
Réflexion faite, le président Buetzberger invite tout parlementaire de ce pays à n'adhérer à la constitution d'une commission parlementaire que, comme le veut la loi, si les faits sont graves, donc établis comme tels.
A l'appui de son exposé, M. Buetzberger fournit à la commission tout document utile, notamment les avis de droit demandés par la CEP aux fins de faciliter ses travaux. Les questions des commissaires genevois permirent à M. Buetzberger de compléter de manière plus spécifique son exposé et il précisa que les banques cantonales n'avaient, en leur temps, pas l'obligation d'être vérifiées comme les autres établissements bancaires et que l'autorité de surveillance était exercée sur délégation par le chef du Département des finances. Le capital de la BCVs appartenait à 100 % au canton du Valais. Cette enquête a bien évidemment dérangé tous les milieux. Toutefois, la banque n'a pas vu son bilan se modifier. Les faits, objet de l'enquête, étaient antérieurs à la transformation de la BCVs en société anonyme qui, auparavant, était un établissement de l'Etat du Valais faisant partie du patrimoine cantonal comme toutes les autres banques cantonales. C'était, du point de vue juridique, un établissement public. Aujourd'hui, le 51 % du capital est détenu par l'Etat du Valais, le reste étant ouvert à l'actionnariat privé. A la question de savoir, et bien que la commission d'enquête du Valais ait été nommée pour examiner des faits antérieurs à la privatisation de la banque, quelle était la piste à emprunter pour continuer cette investigation alors que la surveillance de l'établissement avait été conférée à la Commission fédérale des banques, le président Buetzberger a répondu qu'il était possible de mener l'enquête jusqu'à la fin pour les dossiers déjà ouverts.
b) En suite de l'audition très instructive de M. Joseph Buetzberger, la commission s'est inquiétée de savoir s'il y avait lieu d'élaborer un projet de loi pour se donner les instruments nécessaires pour remplir son mandat. Après un tour de table et la proposition d'un projet de loi faite par un député, la commission renonça à un tel projet, certains commissaires précisant que ça n'empêchait pas quelques députés de déposer eux-mêmes un projet de loi le cas échéant.
4) Audition d'une délégation de la commission par la Commission fédérale des banques (CFB), à Berne :
a) La CFB n'a pas souhaité entrer en matière sur des cas concrets au motif que ses membres sont tenus par le secret professionnel mais qu'elle n'avait pas d'opposition de principe à rencontrer tout ou partie des membres de la commission, suggérant toutefois un entretien informel ayant pour but d'informer des tâches et des activités de la CFB.
Une délégation de la commission, composée de Mmes Christine Sayegh, présidente, Marie-Françoise de Tassigny, vice-présidente, Janine Hagmann ainsi que MM. Claude Blanc et Christian Grobet, s'est rendue à Berne le 8 décembre 1998 pour rencontrer trois membres de la Commission fédérale des banques, à savoir M. Marco Franchetti, responsable du service juridique, lequel était accompagné de MM. Tinguely et Bizzozero, membres du secrétariat.
Il ressort de cet entretien qu'en application de l'article 3a, al. 2, de la Loi fédérale sur les banques et les caisses d'épargne (LB) (RS 950.0), les cantons peuvent transférer l'intégralité de la surveillance bancaire qu'ils exercent sur les banques cantonales à la Commission fédérale des banques. Dans ce cas, les banques cantonales doivent satisfaire aux exigences énumérées à l'article 3, 2e et 3e alinéas. La création et la liquidation des banques cantonales ainsi que la surveillance du respect des prescriptions légales cantonales demeurent du ressort des cantons.
L'article 3, alinéas 2 et 3 LB, fixe les conditions qui doivent être réunies pour que l'autorisation de la Commission fédérale des banques puisse être délivrée.
Les représentants de la CFB ont tout d'abord rappelé que le contrôle se fait en respect du principe de la protection des créanciers selon une méthode indirecte, soit par l'intermédiaire d'une société de révision externe. En effet, la CFB étudie les rapports de révision, lesquels sont portés à la connaissance du conseil d'administration des banques mais non des actionnaires.
La CFB analyse ces rapports sous l'angle de la notion de l'activité irréprochable et, dans l'hypothèse où des irrégularités en relation avec ce critère sont décelées, les responsables des établissements concernés sont convoqués et des mesures sont prises.
La banque est responsable de sa politique d'investissement. Toutefois, si la rentabilité est insuffisante, l'autorisation pourrait être retirée.
En cas de demande d'assainissement, le choix des méthodes appartient à la banque et non à la CFB.
La CFB est d'accord avec l'avis de droit du professeur Rouiller, à savoir que la surveillance de la banque est entièrement dévolue à la CFB, que la surveillance des prescriptions cantonales incombe au Conseil d'Etat et la haute surveillance au Grand Conseil. Il apparaît en conséquence possible pour le Grand Conseil d'auditionner le Conseil d'Etat.
S'agissant des sociétés de portage, la CFB est consciente de cette méthode, elle la met en relation avec les fortes dévaluations des valeurs immobilières.
La question est restée ouverte quant à savoir si la compétence cantonale de surveillance est différente si la banque est un établissement de droit privé ou un établissement de droit public.
Rappelons que la BCGe est un établissement autonome de droit public au sens de l'article 763 du Code des Obligations, dont la teneur est la suivante :
al. 1 Les dispositions concernant les sociétés anonymes ne sont pas applicables aux sociétés ou établissements tels que banques, caisses d'assurances, entreprises électriques créés par des lois cantonales spéciales et administrés avec le concours des autorités publiques, si le canton est subsidiairement responsable de leurs obligations et encore que la totalité ou fraction du capital soit divisée en actions et fournie par des particuliers.
al. 2 Ces dispositions ne sont pas applicables aux sociétés et établissements créés avant le 1er janvier 1983 par des lois cantonales spéciales, et administrés avec le concours d'autorités publiques, alors même que le canton n'est pas subsidiairement responsable de leurs obligations.
La sphère de surveillance du Parlement ne peut pas s'exercer directement, elle peut l'être de manière indirecte par la création d'un organe de surveillance à l'intérieur de la banque (censeur), lequel fait rapport au conseil d'administration. Ce système ne permet toutefois pas une information en retour au Grand Conseil.
Une surveillance cantonale paraît néanmoins possible mais il faut s'en donner les moyens.
A l'époque de l'entrevue entre les commissaires et la CFB, on ne savait pas encore si les limites de cette surveillance allaient être encore restreintes par la nouvelle loi fédérale sur les banques qui était en discussion devant les Chambres fédérales. (Depuis lors cette loi a été votée et les modifications sont expliquées ci-dessous : lettre c.)
Les pouvoirs d'investigation du canton sont limités par le secret bancaire ainsi que la protection des données et toute norme fédérale primant le droit cantonal.
La CFB a en conséquence confirmé qu'à côté de sa sphère de surveillance, un pouvoir de surveillance cantonal paraissait possible, et que certains cantons l'ont mis en place. Toutefois, la CFB s'est abstenue de donner plus d'éléments à ce sujet.
A la question de savoir quels étaient les arguments qui pouvaient rassurer les Genevois, la CFB a répondu :
- Qu'en 1995, un nouveau réviseur a été mandaté pour la BCGe et que cet élément est un critère de transparence pour l'autorité de surveillance, car le nouveau réviseur ne veut pas endosser la responsabilité d'éventuels manquements non signalés antérieurement.
- La CFB estime qu'elle engage sa responsabilité en tant qu'organe de surveillance si la garantie de l'Etat venait à être appelée.
- Pour la CFB, le rapport annuel de la BCGe, notamment celui de 1997, est complet et l'on peut effectivement se rendre compte que certaines activités ne sont pas directement liées à l'activité bancaire, notamment certaines immobilisations financières et qu'à l'évidence, elles coûtent cher. Toutefois, ces activités sont portées à la connaissance du public par l'intermédiaire de ce rapport annuel.
En résumé, on peut déjà dire qu'une petite fenêtre de surveillance parlementaire sur la gestion de la Banque existe par le truchement d'un organe de surveillance interne désigné par le Grand Conseil. Pour se donner les moyens d'utiliser cette fenêtre, il y a lieu d'établir une base légale. La CFB n'est pas opposée à ce que le Grand Conseil lui soumette, préalablement à son adoption, le texte du projet de loi envisagé aux fins de dire s'il est ou non compatible avec le droit fédéral.
b) La délégation fit donc rapport à la commission dans sa séance du 9 décembre 1998 et une discussion s'engagea sur la qualité des méthodes de contrôle de la CFB. En effet, la CFB s'en réfère principalement aux rapports de révision externes. Toutefois, devant les commissaires et sans pour autant dire que sa méthode était meilleure qu'une autre, elle estimait qu'il n'y avait pas lieu de la modifier puisqu'elle n'avait pas eu plus d'échecs qu'ailleurs.
c) Les modifications de la loi fédérale sur les banques et les caisses d'épargne du 22 avril 1999, entrées en vigueur le 1er octobre 1999.
Lors de la rencontre d'une délégation de la Commission d'enquête avec la CFB, cette dernière avait attiré l'attention des commissaires sur le fait que la loi fédérale sur les banques était en discussion devant les chambres fédérales et que les modifications portaient sur la restriction de la sphère de surveillance cantonale. Ces modifications étant entrées en vigueur avant le terme des travaux de la Commission d'enquête, il est apparu important de les faire figurer dans le présent rapport.
L'article 3a LB précisait que l'activité des banques cantonales n'était pas soumise à l'autorisation de la Commission fédérale des banques mais que les cantons pouvaient transférer l'intégralité de la surveillance bancaire qu'ils exerçaient sur les banques cantonales à la CFB. Cette disposition a été supprimée et remplacée par la disposition suivante : « Est réputée banque cantonale toute banque créée en vertu d'un acte législatif cantonal et revêtant la forme d'un établissement ou d'une société anonyme. Le canton doit détenir dans cette banque une participation de plus d'un tiers du capital et des droits de vote. Il peut garantir l'intégralité ou une partie des engagements de la banque. »
Ainsi, la règle générale de l'article 3 LB stipulant que la banque ne peut commencer son activité qu'après en avoir obtenu l'autorisation de la Commission fédérale des banques est applicable aux banques cantonales.
La seconde modification a trait à l'article 5 LB relatif à l'obligation pour les banques de verser au moins un vingtième de leur bénéfice annuel net à un fonds de réserve destiné à couvrir des pertes et à faire face à des amortissements. Cet article ne s'appliquait pas aux banques cantonales ni aux banquiers privés qui ne faisaient pas appel au public pour obtenir des dépôts de fonds. Cette exception est maintenant limitée aux banquiers privés, les banques cantonales étant dorénavant soumises à cette obligation sans restriction. La LB introduit un nouvel article 23 septies pour donner la compétence à la CFB de procéder elle-même à des contrôles directs auprès des établissements étrangers de banques dont elle assume la surveillance consolidée incombant au pays d'origine et autoriser les autorités étrangères de surveillance des banques ou des marchés financiers à procéder à des contrôles directs auprès des établissements suisses de banques étrangères moyennant de nombreuses conditions.
Enfin, les dispositions transitoires précisent que les banques cantonales qui étaient entièrement soumises à la surveillance de la Commission fédérale des banques au moment de l'entrée en vigueur de la présente loi, sont considérées comme ayant obtenu l'autorisation conformément à l'article 3. En outre, pour la Banque Cantonale de Genève, la participation des communes au capital est assimilée à celle du canton au sens de l'article 3a, pour autant que la participation existante du canton ne soit pas réduite.
Avec les nouvelles dispositions susvisées et plus particulièrement la modification de l'article 3a LB, il résulte non seulement qu'une banque cantonale est soumise comme toute autre banque à l'autorisation de la CFB pour commencer son activité, et la surveillance exercée par la CFB est la même que pour tout autre établissement bancaire. Il n'est nullement fait référence aux termes « intégralité de la surveillance bancaire que les cantons exercent sur leurs banques cantonales ».
Par ailleurs, le but de la LB est de définir les conditions d'autorisation d'exercer l'activité, les règles en matière de fonds propres, liquidités et autres règles de gestion, elle définit les compétences de la Commission fédérale des banques, laquelle est chargée de surveiller les banques, les fonds de placement, les bourses et les négociants en valeurs mobilières, la publication des participations importantes et les offres publiques d'acquisition de sa propre autorité. Son pouvoir de surveillance vise exclusivement le respect de la LB et n'est pas exclusive, comme l'a confirmé M. le conseiller fédéral Gaspard Villiger en réponse à l'intervention du conseiller national Christian Grobet.
B. Enquêtes
5) La commission, après avoir fait la synthèse des informations récoltées, décida d'entendre les représentants de la BCGe et s'adressa au président du conseil d'administration ainsi qu'à la direction de la BCGe, les invitant à renseigner la commission sur l'historique et l'évolution des deux cas qui faisaient l'objet de la motion, le mandat donné à une commission externe pour le traitement de dossiers à problèmes, l'organisation de la banque et l'inspectorat interne.
M. Dominique Ducret, président de la BCGe, exposa que la banque répondait aux règles fédérales ainsi qu'aux directives de la CFB. Il précisa en outre qu'à l'époque où les banques cantonales n'étaient pas surveillées par la CFB, il existait un certain flou. Toutefois, la présence de l'organe de révision externe qui consiste à confier le contrôle direct des banques non à l'autorité de surveillance, mais à des organes de révision privés agréés par l'Etat, comporte de grands avantages. Proche de la pratique et peu bureaucratique, cette solution permet d'utiliser les ressources humaines et matérielles des services de révision qualifiés. L'organe de révision bancaire rend ses travaux à la Commission fédérale des banques, au conseil d'administration et la direction générale de la banque. Le contenu de ce rapport est défini notamment par les articles 43 à 49 de l'Ordonnance fédérale sur les banques et les caisses d'épargne. L'organe de révision procède également au contrôle de la fondation de prévoyance professionnelle ; il peut, en outre, sur sa propre initiative ou sur demande de la CFB, voire des organes de la banque, procéder à des contrôles approfondis sur certaines activités spécifiques. L'organe de révision a, sur demande du président et du conseil d'administration, rendu des rapports sur les dossiers Stäubli et Gaon.
Depuis 1994, c'est la société fiduciaire Atag Ernst et Young qui fonctionne comme organe de révision bancaire pour la Banque Cantonale de Genève ; cette société est également devenue l'organe de révision de toutes les participations et filiales de la banque.
S'agissant de l'inspectorat interne (article 24 de la loi sur la BCGe et article 28 des statuts) dont la teneur est la suivante : un inspectorat indépendant de la direction générale est chargé d'effectuer des contrôles réguliers sur toute l'activité de la banque. Il dépend du président du conseil d'administration ainsi que du comité de banque, selon un règlement établi par le conseil d'administration. Son chef est nommé par le conseil d'administration, sur proposition du comité de banque ; il dispose d'un droit de contrôle illimité dans tous les services de la banque. L'activité permanente de l'inspectorat comprend :
- la révision opérationnelle de toutes les activités de la banque incluant le respect des dispositions légales, statutaires, réglementaires et professionnelles régissant l'activité de la banque ;
- la révision financière des comptes incluant les contrôles de mouvements, d'existence et d'évaluation des avoirs et engagements de la banque (bilan et hors bilan) ;
- la révision informatique en général et notamment l'évaluation de la maîtrise sur la protection et sur la sécurité des données ;
- la révision des crédits, notamment la tenue des dossiers et la solvabilité des débiteurs ;
- l'examen de l'évaluation de la rentabilité de la banque ainsi que de la vérification du compte de pertes et profits et du bilan.
L'inspectorat est actuellement composé de neuf inspecteurs et d'une secrétaire. La BCGe s'est également dotée depuis 1997 d'une cellule de gestion des risques qui a pour tâche de centraliser tous les risques identifiés au sein de la banque. Enfin et à la suite de différentes interventions parlementaires consacrées aux dossiers à risque, le conseil d'administration, sur proposition du président et du comité de banque, a décidé en décembre 1998 de la création d'un comité d'assainissement dont la présidence a été confiée à M. Bernard Ziegler, avocat et ancien conseiller d'Etat, assisté de M. René Curti, directeur général adjoint et responsable de la gestion des risques au sein de la banque. Ce comité peut s'adjoindre des collaborateurs internes et externes à la banque, il a pour mission de faire des propositions en vue de gérer les plus importantes positions débitrices des clients défaillants au mieux des intérêts de la banque. Actuellement, ce comité traite les 10 à 15 plus grosses positions débitrices de la banque afin de trouver des solutions pour ces dossiers. C'est une sorte de réponse à la motion 1234. Le président Ducret ajoute qu'il rencontre chaque année le Conseil d'Etat et que des contacts réguliers sont en train de s'établir avec la présidente du Département des finances, Mme Micheline Calmy-Rey, avec six rencontres annuelles programmées.
M. Jacques Perrot expose la politique d'assainissement de la BCGe. Il est entré au conseil d'administration en 1994, soit postérieurement à la fusion de la Caisse d'épargne et de la Banque hypothécaire. Il peut assurer que les prêts octroyés qui sont aujourd'hui sur la place publique, l'avaient déjà été avant le 1er janvier 1994, que ces deux prêts figuraient donc tous dans les livres de la banque et, à ce jour, n'ont été augmentés que de la part des intérêts non payés. Pour le comité de banque et la direction, l'assainissement des anciennes affaires douteuses est une priorité. Deux méthodes étaient envisageables, soit celles utilisées par les grandes banques qui consistent à amortir les pertes immédiatement, soit tenter de sauver les affaires, leur permettant de survivre sans mettre une pression intolérable, voire dénoncer les crédits. La BCGe ne peut, comme les grandes banques, passer plusieurs milliards de crédit par perte. Depuis 1994, la BCGe a passé 400 millions par perte, ayant toujours 800 millions de provision sur les crédits douteux. Aussi, la BCGe a choisi comme politique d'assainissement prioritairement la seconde méthode, soit en adaptant les taux d'intérêt aux possibilités de paiement des créanciers, soit en transférant à des sociétés dites de portage des immeubles que la banque aurait dû racheter aux enchères lorsque les clients ne pouvaient plus rembourser leurs prêts ou qu'ils ne voulaient pas collaborer avec la banque. La longue crise économique a également entraîné plusieurs PME en faillite laissant des montants impayés importants à la BCGe. Un service des affaires spéciales a été mis en place qui a repris tous les dossiers où le débiteur souhaitait collaborer avec la banque. Ceci a permis de gérer plus de mille dossiers. Il faut reconnaître la différence essentielle entre une affaire commerciale pour laquelle la banque a prêté de l'argent et un crédit immobilier car, en cas de faillite, la banque ne pourra rien récupérer dans une PME tandis qu'un immeuble restera toujours une valeur, même réduite. M. Jacques Perrot affirme aujourd'hui qu'à quelques exceptions près, toutes les positions difficiles ont été réduites, surveillées, gérées au mieux de l'intérêt bien compris des actionnaires de la banque. C'est délibérément que la BCGe a décidé de traiter les dossiers-crédit hérités et qui s'avéraient être difficiles, sur une base à long terme. La BCGe est en phase de consolidation, celle-ci durera un certain nombre d'années mais toutes les principales affaires sont sous contrôle.
M. Curti expliqua à la commission quelles étaient les procédures de contrôle de la banque dans le domaine des crédits et précisa que les compétences en matière de prêt et de crédit font l'objet d'un règlement interne fixé par le comité de banque et que les niveaux de compétence d'octroi de crédit sont attribués à la hiérarchie en fonction d'un montant maximum, des besoins en fonds propres et des types de garantie. Les crédits importants sont étudiés par le comité des crédits, dans lequel siègent le directeur général et le directeur général adjoint et suivant le montant, la demande est soumise au comité de banque. Les fonds ne sont libérés qu'après un nouveau contrôle sur la base du protocole d'accord et la réception de toutes les pièces de garantie. Le dossier est suivi par un gestionnaire et, si la situation est susceptible d'évoluer défavorablement, un rapport est adressé à la division commerciale puis soumis au comité des crédits pour prendre une décision, éventuellement de dénonciation du crédit.
Un comité des risques se réunit tous les 15 jours pour étudier les mesures à prendre afin de sauvegarder les intérêts de la banque. Il définit notamment les variantes en vue d'un assainissement. Parallèlement aux activités précitées, l'inspectorat interne procède à des contrôles sur le respect des procédures et des compétences. Il donne également son avis sur l'évaluation des risques. L'organe de révision externe procède également à un contrôle systématique des crédits et estime les risques potentiels et les besoins en provision. Sur la base de ces deux approches, les besoins en provision sont définis. En ce qui concerne les gros risques en application de l'article 21 OB, le conseil d'administration, l'organe de révision et la CFB sont informés tous les trois mois sur l'évolution des dossiers.
6) Dossier Stäubli
a) Après avoir rappelé l'environnement économique à la fin des années 80 (forte liquidité sur les marchés, euphorie du marché de la construction et de l'immobilier, développement du capital-risque), M. René Curti, directeur adjoint de la BCGe rappelle que la Banque hypothécaire soutenait les activités de Gesplan Holding S.A. dont le financement était assuré par une quinzaine de banques cantonales et deux investisseurs privés, alors que la Caisse d'épargne soutenait l'acquisition d'actions de PME au travers de JS Holding S.A. Les financements étaient accordés directement à la holding ou à M. Jürg Stäubli lui-même quand il s'agissait de prêts. Cette activité s'inscrivait dans le cadre du développement du capital-risque, du capital-innovation et du capital-développement.
Il s'agissait d'acquérir au travers d'une société-mère, appelée holding, des participations (actions) de sociétés non cotées en bourse, appelées sociétés-filles. Dans un deuxième temps, il s'agissait de mettre en valeur les sociétés acquises dont les effets positifs amélioraient la valeur de la société holding. Les établissements bancaires avaient plusieurs variantes à disposition pour financer ces opérations : soit une prise de participation directe dans la holding en souscrivant au capital, soit un financement direct à un tiers qui souscrivait au capital de la holding et acquérait, avec l'avance faite par la banque, des actions ensuite nanties auprès de la banque. Une solution mixte comprenant à la fois une participation directe minoritaire de la banque au capital de la holding et un financement direct à un tiers qui souscrivait au capital de la holding permettait d'avoir un certain regard de la banque bailleresse de fonds sur les activités des sociétés en sa qualité d'actionnaire. C'est cette troisième variante qui avait été retenue par la Caisse d'épargne.
b) Lors de la fusion de la Caisse d'épargne et de la Banque hypothécaire en 1993, une expertise a été demandée à Arthur Andersen, organe de révision de JS Holding S.A. afin que soit calculée la valeur des participations. Un montant de pertes, en raison de l'évolution défavorable de la conjoncture, a été pris en compte dans l'évaluation de la Caisse d'épargne à l'époque. La BCGe, ayant pris la décision d'assainir le groupe, sollicita d'Arthur Andersen un bilan consolidé à fin 1995 qu'elle ne reçut malheureusement qu'en avril 1997. Entre-temps et à titre préventif, la BCGe avait décidé de détacher le directeur commercial pour une étude approfondie de la situation de toutes les participations. Il s'est avéré sur la base du rapport du directeur commercial au comité de banque et du rapport tardif de la fiduciaire que la plupart des sociétés étaient en situation de faillite ou en manque de liquidités. Dès lors, un assainissement échelonné dans le temps s'imposait et les mesures suivantes ont été prises :
- liquider dans les plus brefs délais les sociétés qui n'avaient plus de potentiel ;
- vendre les participations qui avaient encore une valeur substantielle et qui étaient en mesure de générer des cash-flow tout en maintenant des places de travail.
C'est ainsi que des participations avec potentiel ont été vendues en juillet 1997 et les pertes effectives ont été couvertes par les provisions constituées à cet effet. Les autres sociétés sont tombées en faillite.
c) Au moment de la création de la Banque cantonale, M. Jürg Stäubli était au bénéfice d'une ligne de crédit qui avait pour but d'injecter des liquidités dans la JS Holding S.A. en vue d'acquérir des participations dans d'autres sociétés, appelées sociétés-filles. Ce financement avait été accordé au taux du marché qui se situait suivant la période entre 6,5 et 8,5 %. Le montant de l'intérêt dû devait être couvert par les dividendes réalisés sur les participations. Or, il s'est avéré que le produit des dividendes n'arrivait pas à couvrir la charge des intérêts. Ainsi, au moment de la fusion, la situation du compte personnel de M. Jürg Stäubli présentait un déficit de 80 millions de francs, intérêts arriérés compris. Etant donné que le produit des dividendes n'arrivait pas à couvrir la charge d'intérêts au taux du marché, il a été décidé d'appliquer un taux de 0,5 % qui correspondait au montant des dividendes possibles générés par les participations. Par ailleurs et pour pouvoir vendre les participations avec potentiel, l'accord de M. Jürg Stäubli était impérativement nécessaire. M. Jürg Stäubli ne donna pas son accord sans condition soit le règlement de sa situation personnelle, à savoir sa dette de 80 millions envers la banque. La BCGe avait donc deux alternatives : accepter ou refuser la convention proposée par le conseil du débiteur. La BCGe a décidé d'accepter la proposition conventionnelle qui peut se résumer comme suit :
- signature de 8 reconnaissances de dette de 10 millions chacune,
- rachat échelonné des 4 premières reconnaissances de dette pour le prix de Fr. 100'000.- chacune, puis
- rachat des 4 dernières reconnaissances de dette selon des conditions à négocier.
Ceci a permis, en juillet 1997, de vendre les participations avec potentiel et valeur substantielle. Les valeurs ont été chiffrées par une fiduciaire. Il est à relever qu'en terme de risque, des pertes effectives et prévisionnelles ont été provisionnées. En suite de doutes sur la bonne gestion des participations et sur l'utilisation professionnelle des fonds mis à disposition ainsi que sur l'évaluation des participations par la fiduciaire Arthur Andersen, la BCGe a délégué un directeur de la banque à plein temps pour procéder à l'étude chronologique des utilisations de fonds et de leur destination. Sur la base de ses constatations, la BCGe a déposé une première plainte pénale le 19 mai 1998, suivie d'une seconde le 14 janvier 1999, précisant que la banque continue ses investigations et n'exclut pas d'autres plaintes pénales.
7) Dossier Gaon
M. Curti relève que le dossier de M. Nessim Gaon est à la fois simple et classique. Les financements accordés concernent principalement des objets immobiliers, soit des immeubles locatifs et commerciaux (dont les états locatifs sont cédés à la banque) ainsi que les terrains de Sécheron, précisant que tous les financements accordés ont porté un taux d'intérêt conforme au marché.
Environnement historique et social du dossier Nessim Gaon
La situation économique du secteur tertiaire et de l'immobilier était au beau fixe, ce qui n'était pas le cas du secteur industriel genevois, lequel était en récession depuis plusieurs années, les enseignements économiques et les fermetures d'entreprises se succédaient (Hispano Suiza, Tarex, Cuenod, Atelier des Charmilles). M. Pierre Schmid, alors secrétaire syndical FTMH chargé de l'industrie des machines à Genève puis au niveau national, rappelle qu'une lutte était menée pour le maintien du secteur industriel. A chaque fois, des problèmes surgissaient quant à l'affectation future des terrains abandonnés par les entreprises et pour sauvegarder le patrimoine ainsi que les emplois industriels, la FTMH favorisait celles des entreprises qui entendaient réinvestir à Genève le produit de la vente des terrains dans de nouvelles installations. C'est dans ce contexte difficile et conflictuel que débuta, comme on l'appelle, « l'affaire Sécheron ». En effet, cette entreprise, après avoir été absorbée par le groupe BBC, lequel fusionna avec ASEA pour former le groupe ABB, les rumeurs de fermeture définitive du site industriel de Sécheron commencèrent à circuler. Finalement, le groupe ABB décida de maintenir une fabrication de gros transformateurs à Genève et de vendre les terrains au groupe financier Gaon. La FTMH a pu entrer en discussion avec ABB et le groupe Gaon pour négocier le contenu industriel de l'entreprise qui allait devenir Sécheron S.A. Le résultat obtenu a été positif, la future entité n'était pas une entreprise alibi. En effet, deux entreprises allaient être créées, restait à les localiser. ABB Sécheron est dans ses murs à la Zimesa et Sécheron S.A. est sur l'ancien site, hélas dans d'anciens bâtiments, les terrains de Sécheron sont pour l'essentiel demeurés une friche industrielle. En qualité de syndicaliste, Pierre Schmid a accepté le plan Gaon, choisi par le vendeur ABB, au motif qu'il était plus favorable à l'emploi que les deux autres variantes proposées. A noter que dans toutes les variantes, le prix des terrains était fixé par le vendeur sur la base acceptée par le Conseil d'Etat. Il est évident que pour les deux premières variantes, le déclassement total ou partiel des terrains, occupés depuis 120 ans par les Ateliers de Sécheron, était la condition incontournable de la réalisation d'un plan d'ensemble. M. Daniel Pilly poursuit en précisant que le projet d'aménagement des terrains de Sécheron présentait un intérêt intrinsèque car non seulement il permettait de développer un quartier qui en avait bien besoin mais aussi de construire des logements sociaux dans un cadre financier tout à fait réaliste pour l'époque (projet analogue sur les terrains COOP à Varembé). Le seul argument contre le projet était les doutes que l'on pouvait avoir sur le déclassement du terrain industriel car tous les partenaires concernés, et en particulier la Ville de Genève, n'étaient pas d'accord. Le financement de cette opération a été décidé par quatre établissements bancaires de la place dont la Banque hypothécaire et la Caisse d'Epargne qui, si elles avaient refusé d'entrer en matière, auraient, à l'époque, essuyé des reproches.
8) Les représentants de la BCGe répondirent ensuite aux questions complémentaires des députés :
- Question n° 1 : quelle est l'évolution du montant de provision de la BCGe depuis sa création ?
M. Fues rappelle que ces chiffres se retrouvent dans le rapport annuel publié par la banque et les rappelle volontiers, à savoir au 1er janvier 1994, la provision était de 947 millions ; elle a été augmentée au cours de l'année pour atteindre 1,25 milliard ; elle ascendait au 31 décembre 1995 à 1,13 milliard puis 1,584 milliard au 31 décembre 1996, 1,327 milliard à fin 1997 pour n'être plus que de 874,5 millions à fin 1998. Il appert que le volume des créances passées par perte depuis le début de la BCGe ascende à quelque 400 millions. Cette perte est importante pour la BCGe mais, comparativement aux autres banques, on peut estimer qu'elle est supportable. Chaque établissement bancaire gère son contentieux au mieux de ses moyens et il n'y a pas de règles établies en matière de ratio de provision. Les risques sont évalués en fonction de chaque débiteur.
Il est rappelé que pour les deux dossiers au sujet desquels la commission d'enquête a été mandatée, des provisions avaient été constituées au moment de la fusion et ont été augmentées chaque année (cf. rapport annuel) mais qu'il subsiste toujours une inconnue dans l'évolution future des dossiers et que tout ne peut pas être prévu.
- Question n° 2 : sur quelles bases financières et sur quel critère les sociétés de portage sont-elles créées ?
Avant de choisir une solution, il y a lieu de se poser préalablement la question de savoir si les débiteurs défaillants souhaitent ou non collaborer avec l'établissement bancaire. Si le débiteur défaillant collabore, on peut envisager de passer les pertes en tant que telles ou de les répartir sur l'avenir et repartir sur une nouvelle base saine de travail avec le débiteur défaillant. Par contre, si ce dernier refuse de collaborer, la création d'une société de portage permet de sortir le bien immobilier appartenant au débiteur défaillant du patrimoine de ce dernier pour le mettre dans une entité qui gérera ce bien sur une base saine. La banque établit les critères qui permettent la vente de l'immeuble à une entité indépendante, à savoir que ce bien doit être viable par lui-même avec un taux de rendement minimum de 4 %. Il est à relever que la loi bancaire pénalise l'établissement qui rachète le bien en obligeant ce dernier à bloquer 30 % de la somme, alors que si l'immeuble est repris par un tiers, le blocage des fonds propres est de 8 % seulement. En réduisant le pourcentage de fonds propres bloqués, la banque peut, avec la différence, soutenir l'économie genevoise.
La question de la légalité des sociétés de portage s'est posée, car toutes les banques ont utilisé cette méthode et la Commission fédérale des banques a donné son aval.
A la question de savoir si la BCGe a créé une fondation dénommée Patrimoine, M. Ducret répond que lors de la fusion, la Caisse d'épargne était propriétaire d'un patrimoine immobilier important depuis le siècle dernier alors que la Banque hypothécaire n'avait que peu d'immeubles. Ainsi, sur conseil de la CFB, il a été décidé de vendre ce patrimoine immobilier. C'est ainsi qu'il a été décidé d'isoler l'ensemble du patrimoine, sauf les immeubles qui avaient une affectation bancaire, dans une fondation indépendante de la BCGe. Cette fondation a repris une vingtaine d'immeubles pour un montant de 130 millions. Cette fondation est complètement distincte des sociétés de portage qui s'appellent en réalité sociétés de mise en valeur du patrimoine immobilier et qui sont actuellement au nombre de 14, totalisant une valeur d'environ 800 millions.
9) Audition d'une délégation du Conseil d'Etat :
Une délégation du Conseil d'Etat, composée de Mme Martine Brunschwig Graf, présidente, Mme Micheline Calmy-Rey, en charge du Département des finances et M. Carlo Lamprecht, en charge du Département de l'économie de l'emploi et des affaires extérieures, a été entendue par la commission lors de sa séance du 27 janvier 1999.
Mme Brunschwig Graf a souhaité mettre en évidence le fait que la CFB est responsable de l'application de la législation fédérale et que le Conseil d'Etat, vu la garantie qu'il donne, est habilité à poser les questions qui devraient être posées à la BCGe et qu'il peut le faire par l'intermédiaire des administrateurs qu'il nomme au conseil d'administration. En outre, Mme Brunschwig Graf sait qu'il y a eu dans la précédente législature des rencontres entre les conseils d'administration de la banque et le Conseil d'Etat à raison d'une à deux fois par an ainsi qu'entre le chef du Département des finances et la présidence de la BCGe. Mme Calmy-Rey précise que pour le futur, des rencontres sont déjà agendées régulièrement.
Le Conseil d'Etat est conscient que le Grand Conseil ne peut exercer sa haute surveillance sur le Conseil d'Etat qu'au travers des rapports qui lui sont remis et qu'il y a lieu de le faire dans le rapport de gestion de l'Etat. Mme Calmy-Rey estime qu'en ce qui concerne le dossier Gaon, les questions à se poser sont de savoir pourquoi un crédit a été accordé à une personne dont les terrains n'ont pas été déclassés engendrant ainsi une situation de risques accrus et de savoir pourquoi M. Gaon n'a jamais pu avancer dans ses projets. Le problème de la BCGe est qu'elle a eu les mêmes pertes que la plupart des établissements de crédits de la place mais avec des effets plus retentissants de par sa petite taille, d'autant plus que les années de crise se sont ensuite succédé. Mme Brunschwig Graf rappelle qu'il n'incombait pas au Conseil d'Etat lui-même de gérer la banque et qu'il n'y a pas eu d'intervention particulière dans ce sens. Mme Calmy-Rey assure que le Conseil d'Etat n'est pas intervenu par le versement de fonds publics pour éponger l'affaire Stäubli, les réserves constituées par la banque étant suffisantes. Le seul effet de redressement de la situation se situe plutôt au niveau des dividendes versés aux actionnaires qui ont peut-être été moins élevés qu'ils n'auraient dû l'être.
A la demande de la commission, Mme Martine Brunschwig Graf a entrepris des recherches afin de transmettre à la commission l'échange de correspondance intervenu entre le Conseil d'Etat et la CFB lors du transfert de la surveillance de l'établissement. Ces courriers n'appellent pas de remarques particulières puisqu'ils ne font que confirmer le désir initial tant du Grand Conseil que du Conseil d'Etat, lors de la création de la banque cantonale, de transmettre, dès que la loi fédérale le permettrait, l'intégralité de la surveillance à la CFB.
10) A ce stade des travaux, certains commissaires ont souhaité que tant M. Jürg Stäubli que M. Nessim Gaon puissent, s'ils le souhaitaient, être entendus par la commission et une lettre en ce sens a été adressée aux deux personnes concernées précisant qu'afin d'assurer la pertinence des débats, il était indispensable de délier au préalable la BCGe du secret bancaire relatif aux sujets qui pourraient être abordés.
M. Nessim Gaon n'a pas souhaité être entendu par la commission alors que M. Jürg Stäubli a répondu par l'affirmative et a dûment délié irrévocablement et inconditionnellement la BCGe, plus particulièrement ses organes ainsi que tous ses collaboratrices et collaborateurs, du secret bancaire en faveur des membres de la commission d'enquête, par courrier du 6 avril 1999 signé tant par M. Jürg Stäubli que par deux administrateurs de JS Holding S.A. M. Jürg Stäubli a en outre précisé que cette levée du secret bancaire concernait évidemment toutes les relations d'affaires, sans exception, le concernant à titre personnel ainsi que toutes les sociétés liées à sa personne et plus particulièrement JS Holding S.A. et les sociétés contrôlées par cette dernière.
Audition de M. Jürg Stäubli, assisté de son conseil, Me François Bellanger :
Au préalable il a paru utile de donner la définition du prêt partiaire :
Le prêt partiaire est un prêt de consommation stipulé sous forme de participation du prêteur dans l'affaire que l'emprunteur entreprend en y versant les fonds prêtés et qui rapporte au prêteur une part du bénéfice escompté en lieu et place d'un intérêt fixe. Il se peut que soient combinés intérêt fixe et part bénéficiaire. Exemple : promotion immobilière.
Par ce contrat, l'emprunteur partiaire doit rembourser ce qu'il a reçu au terme du contrat, par exemple quand l'affaire est terminée, même si cette affaire est déficitaire. Le prêteur n'assume aucune responsabilité envers les créanciers de l'emprunteur. Il est lui-même un créancier de l'emprunteur et peut produire dans sa faillite. (Pierre Engel, Contrat de droit suisse, éditions Stämpfli et Cie S.A., Berne, 1992, pages 260 et 261)
M. Jürg Stäubli déclare, en préambule, qu'il est convaincu que toute cette guerre qui a abouti à de nombreuses procédures a nui à la BCGe. Il ressort de l'exposé de M. Jürg Stäubli que ses relations ont débuté avec la CEG en 1988, qu'à l'automne 1989 et sur proposition de M. Fues, alors directeur de la CEG, un accord a été conclu par lequel la banque lui prêtait à titre personnel 41 millions afin d'augmenter le capital-actions de JS Holding S.A. de 9 à 50 millions. Selon M. Stäubli, cet accord permettait d'utiliser sa société pour faire des investissements et prendre des participations dans d'autres sociétés. A l'appui du document produit par M. Jürg Stäubli, à savoir un contrat de prêt partiaire conclu entre lui-même et la CEG en date du 30 juin 1993, il apparaît effectivement que l'emprunteur bénéficiait, par lettre de confirmation de crédit datée du 13 décembre 1989 modifiée par avenant du 16 juillet 1990, d'une limite de crédit autorisé de l'ordre de 4 millions de francs contre nantissement de dix certificats d'actions, endossés en blanc, représentant 490'000 actions nominatives de la société JS Holding S.A., d'une valeur nominale de Fr. 100.- chacune. Par la suite, le solde débiteur de l'emprunteur dépassant de 9 millions environ la limite de crédit et compte tenu de la situation de la société JS Holding S.A. qui n'a jamais été en mesure de distribuer de dividendes aux actionnaires, le prêteur, soit la CEG a renoncé, avec effet au 1er janvier 1992, à débiter les intérêts et commissions prévues contractuellement. C'est ainsi qu'un nouveau contrat de prêt partiaire a été conclu le 30 juin 1993 ayant pour objet une augmentation du prêt à Fr. 79'750'000.- pour rembourser la première ligne de crédit et régler les intérêts débiteurs, rembourser et régulariser d'autres comptes au nom de M. Jürg Stäubli et de JS Holding S.A. Le taux d'intérêt a été fixé à 0,5 % l'an dès le 1er janvier 1993. Il était enfin précisé que le prêteur (CEG) n'avait aucun droit de participation dans la gestion courante des affaires de l'emprunteur (Jürg Stäubli), à charge pour ce dernier d'informer la CEG de tout événement qui pourrait avoir un impact important sur la situation financière de la société JS Holding S.A. et la remise annuelle des bilans et comptes de pertes et profits statutaires et consolidés ainsi que les rapports de l'organe de révision. Ce contrat de prêt partiaire annulait et remplaçait les confirmations de crédit datées respectivement des 13 décembre 1989 et 16 juillet 1990. L'échéance de ce prêt partiaire avait été fixée au 31 mai 1994. Avec la fusion intervenue le 1er janvier 1994 entre la CEG et la Banque Hypothécaire, la BCGe a repris les droits et obligations de la CEG envers Jürg Stäubli et conclu un nouveau contrat de prêt partiaire en date du 2 septembre 1994 (document produit par M. Jürg Stäubli). Aux dires de M. Stäubli, ce contrat accordait à l'emprunteur un prêt s'élevant à 80 millions de francs. Cette somme avait pour but d'être utilisée exclusivement sous forme d'un transfert, valeur 30 juin 1994, sur le compte résultant du précédent prêt partiaire. Le taux d'intérêt était maintenu à 0,5 %. L'octroi du prêt était notamment subordonné à la réception de la somme de Fr. 146'842. L'échéance du prêt était prévue au 31 mars 1996 et a été prolongée au 30 juin 1997 par courrier de la BCGe du 12 juin 1996. M. Stäubli poursuivit en déclarant que la BCGe avait décidé, en octobre 1996, de mettre en place une nouvelle structure, soit une nouvelle holding dont il ne serait pas actionnaire et auprès de laquelle les sociétés dépendantes de JS Holding S.A. seraient transférées afin de liquider en douceur lesdites sociétés. Pour M. Stäubli, cette phase de restructuration a été menée exclusivement par la BCGe. Pour M. Stäubli, les relations avec la BCGe se sont gâtées en octobre 1997, époque où les procédures judiciaires ont commencé. Il est à relever que dans les documents produits par M. Stäubli figurent notamment huit reconnaissances de dette de 10 millions chacune signées le 3 juillet 1997.
M. Jürg Stäubli donna ensuite des précisions quant à d'autres sociétés qui sortent toutefois du mandat conféré à la commission, laquelle doit rendre rapport sur les relations entre M. Jürg Stäubli et la BCGe.
A l'issue de son audition, M. Jürg Stäubli a promis d'adresser à la commission des documents ainsi qu'une note explicative. En sus des pièces déjà citées, M. Jürg Stäubli a fait parvenir à la commission les procès-verbaux des séances du conseil d'administration de JS Holding S.A. des 11.11, 08.12, 11.12 et 23.12.1996, 24.02, 07.03, 25.03, 01.04, 15.04, 16.05 et 19.06.1997 ainsi qu'un courrier du 28 mai 1997 modifiant le procès-verbal du 15 avril 1997. Figurait en outre dans les documents produits une copie du calendrier des séances des conseils d'administration et assemblées générales de 15 sociétés et la mention que M. Jürg Stäubli a participé aux réunions de cinq d'entre elles, à savoir JS Holding S.A., JS Consulting S.A., Surf S.A., Leysin Holding S.A. et Papival Holding S.A. Les copies des huit reconnaissances de dette de 10 millions chacune signées le 3 juillet 1997 étaient également jointes, au sujet desquelles M. Stäubli expliqua qu'elles résultaient du solde dû en capital et intérêts sur le contrat de prêt partiaire du 2 septembre 1994 et de son avenant du 30 juin 1996.
Par contre, aucune note écrite de la part de M. Jürg Stäubli n'est parvenue à la commission.
A la lecture des différents procès-verbaux, on peut relever les faits suivants :
Il ressort des procès-verbaux des séances de JS Holding S.A. que le conseil d'administration était composé de six membres dont M. Pierre Arnold qui le présidait, Jürg Stäubli, administrateur délégué ainsi que deux représentants de la BCGe.
Le 15.11.1996, l'assemblée générale de JS Holding de 1995 n'avait toujours pas été tenue.
Au 08.12.1996, il est admis que la situation s'est fort dégradée. Le conseil d'administration estime que c'est à cause de l'acharnement de la presse envers M. Stäubli et les sociétés de son groupe. Il est également précisé que le projet de reprise de la BCGe par une nouvelle S.A. des sociétés-filles a été approuvé par M. Jürg Stäubli.
L'objet de la séance du 11.12.1996 était la restructuration du groupe JS Stäubli. Il apparaît que l'organe de révision serait dans l'obligation d'appliquer l'article 725 CO pour les comptes 1995 de JS Holding S.A. à moins qu'un assainissement ne soit opéré à brève échéance. L'établissement définitif du rapport de révision des comptes 1995 de JS Holding S.A. devrait être fait d'ici au 5 janvier 1997.
Le 23.12.1996, la BCGe attendait toujours de JS Holding S.A. une demande écrite pour une post-position chiffrée des créances BCGe en vue d'éviter provisoirement l'application de l'article 725 CO à JS Holding S.A.
Qu'il a été décidé lors de la séance du 1er mai 1997 qu'il convenait d'assurer les salaires d'avril 1997 et que ces derniers seraient pris en charge par la BCGe selon son représentant à la séance et que les salaires seraient déterminés d'un commun accord avec M. Stäubli.
En résumé, l'essentiel des préoccupations du conseil d'administration de JS Holding était un problème de liquidités tant pour JS Holding elle-même que pour les sociétés dans lesquelles elle avait des participations.
11) Ensuite de l'audition de M. Jürg Stäubli et des questions suscitées par ses propos, les commissaires ont souhaité entendre une nouvelle fois le comité de banque et la direction de la BCGe afin de tenter de comprendre avec plus de précision les relations entre la BCGe et M. Jürg Stäubli.
Nouvelle audition du comité de banque et de la direction :
Le président de la BCGe rappelle que lors de la première audition, il était disposé à répondre à des questions de caractère général sur l'organisation de la banque, les dossiers à risque et les débiteurs défaillants, mais qu'il ne souhaitait pas répondre à des questions plus précises sur le dossier Stäubli vu les procédures pénales en cours dans le canton de Vaud et celui de Genève, estimant que c'est au juge d'instruction qu'il appartiendra de répondre. Au sujet des documents que M. Stäubli a produit, M. Ducret constate que M. Stäubli a occulté une partie importante de ses relations avec la banque et que les pièces communiquées se rapportent exclusivement à la période postérieure à la fusion entre la CEG et la Banque hypothécaire. Il rappelle que les crédits octroyés à M. Jürg Stäubli ont été consentis avant la fusion. Il a été surpris que la lettre du 28 mai 1997 produite par M. Stäubli, bien qu'elle ne soit pas déterminante, ait été tronquée. La BCGe dépose en conséquence cette lettre dans sa version originale. En effet, on peut constater que ce document, qui a trait aux corrections du procès-verbal de la séance du conseil d'administration de JS Holding S.A. du mercredi 15 avril 1997, comporte huit modifications respectivement aux pages 6, 9, 10 et 11, alors que sur le document produit par M. Stäubli, il n'y a que trois modifications aux pages 9, 10 et 11.
En complément des explications précédemment données, le comité de banque explique que, pour bien comprendre les mécanismes liés aux financements accordés à M. Jürg Stäubli et aux diverses sociétés du groupe, il est indispensable de se replonger dans le contexte de l'époque, soit la fin des années 80 et le début des années 90. En effet, l'abondance des liquidités et les conditions attractives des taux d'intérêt conduisaient les établissements bancaires à développer le capital-risque, notion transformée par la suite en capital-développement. C'est dans ce contexte que la Banque hypothécaire de l'époque avait soutenu avec 17 banques cantonales la société Gesplan Finance Holding S.A., alors que la Caisse d'épargne décidait de faire cavalier seul en faisant confiance à M. Jürg Stäubli, homme d'affaires qui semblait répondre aux exigences dans le domaine commercial et financier.
La stratégie agressive de M. Jürg Stäubli a conduit au développement rapide de son groupe qui a acquis à fin 1990 plus de 50 participations d'entreprises réparties dans une société faîtière, JS Holding, qui se démultipliait en trois sous-holdings : JS Consulting Canada, JS Consulting Luxembourg et JS Consulting Genève. Le brusque retournement de la conjoncture et la hausse subite des taux d'intérêt eurent des conséquences extrêmement négatives. Non seulement les charges d'intérêt et les amortissements contractuels n'étaient plus payés, mais encore des financements croisés inter-sociétés ont nécessité des restructurations successives dans un but d'assainissement. La priorité a été donnée aux sociétés qui laissaient présager une amélioration de leur rentabilité. Ces restructurations nécessitaient une adaptation des taux d'intérêts en fonction de la capacité des sociétés à générer de la trésorerie, un rééchelonnement des financements, l'acceptation de post-positions de créances afin d'éviter les dépôts de bilan et la prise en compte des pertes des sociétés en faillite. Après la fusion CEG/BCG, la BCGe mandata en 1995 un directeur à plein temps pour étudier la situation du groupe Stäubli. Les divers assainissements n'ayant pas été suivis d'améliorations, la décision de regrouper dans une société d'accueil Varilor S.A. les participations jugées saines et de laisser dans l'entité JS Holding le solde des participations en vue d'un assainissement progressif, a été prise. Toutefois, cette décision ne pouvait pas s'exécuter sans l'accord de M. Jürg Stäubli et c'est à cette époque que les relations entre ce dernier et la BCGe se sont dégradées, soit en 1997, époque à laquelle M. Jürg Stäubli a accepté de donner son accord pour autant qu'il soit tenu compte de sa situation d'insolvabilité. C'est ainsi que, notamment, Jürg Stäubli signa les huit reconnaissances de dette de 10 millions chacune. La banque restait par ailleurs actionnaire à concurrence de 2 millions sur un capital de 50 millions de la société JS Holding acquise par la CEG et acceptait de post-poser le solde de ses créances pour éviter le dépôt du bilan.
La situation se dégrada ensuite gravement entre M. Jürg Stäubli et la BCGe, les litiges étant portés sur le plan pénal. La BCGe estime que M. Jürg Stäubli a conçu un mécanisme astucieux qui témoigne de la parfaite connaissance des techniques comptables. Il apparaît que la BCGe a été pour le moins déconcertée par les activités de M. Jürg Stäubli. Elle n'exclut pas une complicité de l'intérieur de l'établissement. Aux questions complémentaires des commissaires, la BCGe a précisé qu'elle avait intenté 12 procédures civiles à l'encontre de M. Stäubli et que neuf jugements ont été rendus en faveur de ce dernier mais qu'il ne s'agissait pas de jugements au fond. Elle confirma que le conseil d'administration de JS Holding était composé de six membres, dont deux représentants de la BCGe, laquelle était en conséquence minoritaire.
La BCGe précise en outre que la liquidation de JS Holding S.A. n'est pas encore terminée et qu'en conséquence, on ne peut pas savoir si un solde bénéficiaire de Fr. 900'000.-, comme l'allègue Jürg Stäubli, pourra être dégagé.
D'autres questions sur des points plus spécifiques, en matière notamment de financement de sociétés, de compensation de créances ont été soulevées. Les réponses de la BCGe et de M. Jürg Stäubli ne sont pas concordantes et il paraît délicat en fonction des moyens d'une commission parlementaire d'enquête de les aborder, car cela pourrait être assimilé à un début d'instruction, ce qui n'est pas prévu par la loi.
C. Conclusions de la commission
La commission d'enquête avait pour mission de rendre rapport sur les relations de la Banque Cantonale de Genève avec MM. Jürg Stäubli et Nessim Gaon. Le pouvoir de haute surveillance du Grand Conseil n'existe qu'en fonction du pouvoir de surveillance du Conseil d'Etat dans le cadre de ce mandat. Pendant la période du 1er janvier 1994 au 31 janvier 1995, soit 13 mois, le Conseil d'Etat a été l'autorité de surveillance de la BCGe, pouvoir transmis dès le 1er février à la CFB. Tant les relations avec le dossier Nessim Gaon qu'avec celui de Jürg Stäubli ont été établies avant la création de la BCGe. Les pouvoirs d'investigation de la commission d'enquête se limitaient donc à vérifier l'application du droit cantonal et notamment le respect du but assigné à la BCGe.
Bien que les informations sur l'expérience valaisanne aient été très utiles à la commission, les possibilités de la commission d'enquête valaisanne et celles de la commission d'enquête genevoise ne sont pas comparables, la loi valaisanne donnant un pouvoir d'investigation étendu pour un mandat analogue. Néanmoins et malgré ses compétences très limitées, la commission a pu auditionner la BCGe, le Conseil d'Etat ainsi que M. Jürg Stäubli. Elle a ainsi pu s'informer tant sur la politique de la banque que sur les deux dossiers spécifiques et, dans la mesure du possible, remplir le mandat qui lui a été confié.
A la majorité, les commissaires avaient accepté le principe d'un rapport présidentiel plutôt que d'exprimer des majorités et des minorités, estimant qu'une enquête doit principalement relater les faits portés à la connaissance de la commission. Une enquête parlementaire doit respecter le principe de la séparation des pouvoirs et rester dans la sphère de compétence déterminée par le cadre du pouvoir de surveillance.
Des faits exposés concernant le dossier Stäubli, on peut retenir qu'après la réception du bilan consolidé de 1995 en avril 1997 de JS Holding S.A., les relations se sont gravement dégradées entre la BCGe et M. Stäubli, qu'il en est résulté des procédures civiles et pénales actuellement en cours. Tant la BCGe que M. Stäubli ont essayé de préserver leurs intérêts respectifs dans un processus d'assainissement. La BCGe a tenté d'élaborer une forme similaire à celle construite autour de JS Holding dans le but de se désengager de cette dernière mais ceci ne pouvait se faire sans l'accord de M. Jürg Stäubli. La BCGe ne sort pas gagnante de cette affaire mais ce dossier hérité de la CEG paraît sous contrôle.
Quant au dossier du groupe Gaon, il est en relation directe avec la vie industrielle genevoise. Il se situe dans le contexte du secteur industriel genevois et du maintien du site industriel de Sécheron et de la sauvegarde des emplois. Si l'ensemble des données du projet étaient connues, un point non négligeable était resté en suspens, à savoir le déclassement du terrain industriel. Cette question n'a pas été tranchée alors que le crédit a été accordé comme si ce déclassement allait se réaliser. L'audition du Conseil d'Etat n'a pas pu éclairer la commission sur ce point. Par ailleurs, ce dossier étant également émaillé de procédures judiciaires, les investigations sont restées très limitées. A plusieurs reprises au cours des travaux, les commissaires se sont posé la question de l'opportunité de la poursuite du mandat, tant était présent dans l'esprit de chacun et chacune des députés, le manque de bases légales.
C'est pourquoi, après réflexion, l'idée suggérée par quelques commissaires de poursuivre le travail initié par la motion 1234, en concluant par une nouvelle motion invitant le Conseil d'Etat à définir ses attentes dans le rôle et la gestion des priorités de la Banque Cantonale de Genève a convaincu la majorité de la commission.
Ainsi et vu le contexte qui a été décrit, la majorité des membres de la commission d'enquête vous invite, Mesdames, Messieurs les députés, à bien vouloir accepter ce rapport et le renvoyer au Conseil d'Etat avec la motion suivante :
Proposition de motion(1319)pour la définition des attentes du Conseil d'Etat dans le rôle et la gestion des priorités de la Banque Cantonale de Genève
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant:
le rôle indispensable d'une banque publique dans le développement de l'économie locale, en raison notamment du désengagement des banques commerciales ;
la loi sur la Banque Cantonale de Genève (D 2 05) du 24 juin 1993 et en particulier l'alinéa 1 de l'article 2 : "; La banque a pour but principal de contribuer au développement économique du canton et de la région " ;
les risques financiers importants liés aux activités bancaires en général et aux activités des banques publiques en particulier ;
les débats récurrents au sein de ce Grand Conseil sur les activités et la gestion de la Banque Cantonale de Genève ;
le rapport de la commission d'enquête parlementaire sur la Banque cantonale de Genève et les affaires Stäubli et Gaon (M 1234-A)
à présenter sa vision du rôle de la BCGe, banque publique, pour la décennie à venir ;
à exposer sa position d'une part sur la gestion des différentes priorités de la BCGe, à savoir :
contribuer au développement économique du canton et de la région notamment par son action en faveur des PME
assurer le rôle d'une banque de proximité
assumer ses responsabilités en terme de crédibilité vis-à-vis de ses actionnaires ;
et concernant l'opportunité de la diversification de ses activités :
à déterminer les critères qui permettent de fixer les limites des risques et les limites éthiques des activités de la BCGe ;
à proposer les moyens à mettre en oeuvre pour éviter le mélange de la défense des intérêts partisans et des intérêts de la banque, et donc l'atteinte à sa crédibilité ;
à déterminer les moyens qui lui permettent de s'assurer que l'évolution et le développement de la BCGe sont bien en adéquation avec les orientations fixées par les autorités politiques ;
à maintenir un lien d'information et d'évaluation direct et régulier avec les administrateurs désignés au sein du Conseil d'administration de la banque et à inciter les autres actionnaires publics à en faire de même.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Vu la motion sur la Banque Cantonale et les affaires Stäubli et Gaon (motion 1234) suivies de la création d'une commission d'enquête parlementaire au sein de notre Grand Conseil,
Vu les travaux de cette commission qui ont permis de mettre en évidence le dilemme inhérent aux attentes d'une banque publique et la gestion d'un établissement bancaire privé,
Vu le rôle de surveillance incombant au Conseil d'Etat,
La majorité des membres de la commission propose d'inviter le Conseil d'Etat, en qualité d'autorité de surveillance, à poursuivre la réflexion de fond qui s'est développée dans le cadre des travaux menés par la commission d'enquête parlementaire.
Nous vous remercions, en conséquence, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir réserver un bon accueil à cette motion et la renvoyer au Conseil d'Etat avec le rapport de la commission.
RAPPORT DE LA MINORITÉ
Rapporteur: M. Christian Grobet
La députation de l'Alliance de Gauche a déposé en septembre 1998 une motion ayant la teneur suivante :
Proposition de motion(M 1234)
sur les affaires « Stäubli » et Sécheron de la BCG
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève
1. Rappel du but de la commission ad hoc
Lors de sa séance du 24 septembre 1998, le Grand Conseil a renvoyé cette motion à une commission ad hoc formée de 15 membres. Il s'agissait pour celle-ci non seulement d'analyser son contenu, mais de décider s'il était opportun de donner suite à sa demande de créer une commission parlementaire d'enquête chargée d'éclaircir les causes des pertes très importantes subies par la Banque Cantonale (BCG) dans les affaires Gaon et Stäubli.
Il est rapidement apparu que la création d'une commission d'enquête se heurterait à des difficultés, à savoir la levée du secret bancaire et du secret professionnel liés à ces deux affaires. Les députés de l'Alliance de Gauche ont proposé à cet effet de compléter les dispositions du règlement du Grand Conseil en s'inspirant des dispositions du règlement du Grand Conseil valaisan qui ont permis à la commission d'enquête désignée par ce dernier de travailler efficacement dans le cadre de l'affaire Banque Cantonale du Valais - Dorsaz. Cela impliquait toutefois le dépôt d'un projet de loi proposant une modification du règlement du Grand Conseil.
Les députés de l'Alliance de Gauche ont formulé des propositions dans ce sens afin de doter une commission d'enquête des pouvoirs lui permettant d'accomplir sa tâche. Cette proposition n'a pas eu de soutien dans la commission ad hoc, qui manifestement n'avait pas envie de procéder à des investigations sérieuses sur les deux dossiers visés par la motion. Les Verts ont toutefois déposé un projet de loi visant à compléter le règlement du Grand Conseil avec des dispositions applicables aux commissions d'enquête, projet de loi qui a été renvoyé devant une autre commission qui ne l'a pas encore traité à ce jour.
2. Travaux de la commission
A partir de là, il était évident que la commission d'enquête n'aboutirait pas à grand chose. Elle s'est efforcée d'établir le cadre juridique dans lequel la BCG déploie ses activités et, plus particulièrement, la nature de la surveillance à laquelle celle-ci est soumise (une délégation de la commission s'étant rendue à cette fin à Berne pour rencontrer des représentants de la Commission fédérale des banques), avant de procéder à des auditions d'une délégation du conseil d'administration de la banque et de deux directeurs, ainsi que de M. Jürg Stäubli, accompagné de son avocat.
Ces auditions ayant été abondamment relatées dans le rapport de majorité, le présent rapport de minorité n'en fera pas un second compte-rendu. Il se bornera à relever que la plupart des dirigeants de la banque donnèrent l'impression, en expliquant les pertes importantes de la BCG, de se justifier, tout en mettant sur le compte de la conjoncture de l'époque la gestion désastreuse de la Caisse d'épargne et de la Banque hypothécaire, qui ont fusionné pour former l'actuelle BCG.
Dans le cadre de l'affaire Sécheron, un administrateur a été jusqu'à invoquer l'opération immobilière réalisée (avec succès) sur les terrains de la Coop pour justifier l'engagement de la Caisse d'épargne et de la Banque hypothécaire dans celle de Sécheron, montrant par là sa méconnaissance totale de cette opération complètement différente du projet Gaon spéculant sur le déclassement des terrains industriels de Sécheron auquel le Conseil d'Etat, en majorité de droite, a finalement renoncé.
Heureusement, M. René Curti, actuel directeur adjoint de la BCG, comme M. Jacques Perrot, membre du conseil d'administration, ont toutefois tenu un autre langage, expliquant les erreurs commises et la stratégie mise en place pour les corriger. On doit leur en être reconnaissant.
Cela dit, et sans vouloir faire le procès de ceux qui sont responsables de ces très graves erreurs et qui ont fait preuve d'une légèreté incroyable dans la gestion de la CEG et de la BCG, il faut analyser ces erreurs et prendre les dispositions qui s'imposent pour qu'elles ne se reproduisent plus.
Il ne s'agit pas de dramatiser la situation, ni de la banaliser, comme certains l'ont fait, mais de prendre exemple sur d'autres cantons où une politique transparente sur les erreurs commises a permis de redresser la situation dans un esprit de confiance. A Genève, c'est l'inverse, bien que la presse ait révélé un certain nombre de faits graves relatifs à la gestion de la Banque Cantonale, son président continue, et encore tout récemment dans L'Hebdo, à reprocher à l'Alliance de Gauche de vouloir attaquer la BCG, alors qu'elle n'a fait que répercuter au niveau des autorités, dont dépend cette banque, certains manquements graves qui ont vivement préoccupé l'opinion publique et qui exigent des explications correctes. Cette litanie prête à sourire, tant il est évident que les récentes révélations, comme les précédentes, ont été alimentées par des « fuites » internes et des déclarations de conseillers d'Etat !
La motion sur la BCG a mis en évidence deux des plus importantes affaires, qui se caractérisent par l'octroi de prêts à des conditions totalement étrangères aux pratiques usuelles des banques. Des risques insensés ont été pris en octroyant des prêts à une société immobilière créée à cet effet par M. Nessim Gaon et dont le capital-actions était dérisoire, en vue d'acheter des terrains industriels non déclassés et une parcelle voisine (la parcelle de l'ancienne Villa Blanc) à un prix rendant impossible toute opération immobilière rentable. Comment admettre la valeur d'acquisition, hautement spéculative, de ces bien-fonds comme valeur de gage d'un prêt dont le montant, de plus, dépassait nettement le prix d'achat des bien-fonds, ce qui a permis à M. Gaon de donner le change, temporairement, en payant pendant un certain laps de temps les intérêts du prêt consenti avec de l'argent provenant de ce prêt !
De même, le public ne peut pas comprendre qu'un prêt personnel, c'est-à-dire sans la moindre garantie, de 80 millions de francs, ait été accordé à l'aventurier Jürg Stäubli à 0,5 % d'intérêt sans aucun espoir de remboursement.
Le rapporteur de minorité s'abstiendra d'évoquer plus en détail d'autres affaires de ce genre, dont celles révélées récemment par le journal L'Hebdo, plus particulièrement les pertes monstrueuses occasionnées à la BCG par le frère de M. Nessim Gaon, une famille qui a bénéficié de faveurs incompréhensibles.
3. Il faut tirer les conclusions de ces affaires et des erreurs commises
L'Alliance de Gauche persiste à considérer que la lumière doit être faite à ce sujet et sur les éventuelles complicités à l'intérieur de la banque, dont certains débiteurs ont pu bénéficier. Il est du reste significatif que, lors de leur audition, les dirigeants de la BCG n'aient pas exclu une telle hypothèse.
De toute manière, on ne peut que constater que la BCG paie aujourd'hui un lourd tribut aux erreurs commises et que les pertes semblent plus importantes que ce qui a été admis. Malgré les assurances données à réitérées reprises, et il n'y a encore pas si longtemps, les provisions constituées pour les affaires douteuses (probablement irrécupérables) paraissent insuffisantes selon certaines déclarations parues récemment dans la presse, et l'on ignore si ces provisions peuvent être réalisées aux valeurs pour lesquelles elles sont inscrites au bilan de la banque.
La direction de la BCG tente d'éviter des ventes immobilières forcées en espérant qu'avec le temps les biens immobiliers lourdement grevés reprendront de la valeur. Il paraît certes souhaitable de ne pas brader ces biens, mais un administrateur a admis que la banque ne pourrait pas mener une politique différente, faute de réserves suffisantes.
Il en résulte que la BCG doit se satisfaire de rendements insuffisants sur un volume important de crédits et qu'elle est amenée à rechercher des placements plus lucratifs et des activités plus bénéfiques que les crédits hypothécaires, dont la marge de profit est faible. Elle s'est engagée dans la gestion de fortune et des produits dérivés, ainsi que dans le négoce de matières premières.
Si ces activités sont considérées comme plus lucratives, elles présentent également plus de risques, ce qui pourrait entraîner de nouvelles pertes pour la banque, d'où la nécessité d'un strict contrôle sur ces opérations, ce d'autant plus que c'est le contrôle insuffisant des activités de l'ancienne Caisse d'épargne et de l'ancienne Banque hypothécaire qui est à l'origine des très graves dérives de ces deux établissements dont la BCG a hérité des pertes.
4. Un meilleur contrôle de la banque est indispensable
L'Alliance de Gauche considère que la priorité est de mettre en place une surveillance efficace de la gestion de la banque. La surveillance actuelle est notoirement insuffisante. Elle est exercée par un organe interne de la banque qui dépend du président et du conseil de direction, ce qui n'est pas satisfaisant. Il est impératif que cette surveillance soit doublée d'un organe externe, autre que l'organe de contrôle des comptes de la banque, qui ne se prononce pas sur la gestion de celle-ci, ce d'autant plus que la Commission fédérale des banques n'exerce qu'une surveillance superficielle, comme ses représentants l'ont du reste admis lors de leur audition par une délégation de la commission.
Il n'est en effet pas normal que l'inspectorat interne dépende des dirigeants effectifs de la banque, qui sont ceux précisément qui devraient être le plus surveillés !
Au moment où la BCG demande au Conseil d'Etat une importante capitalisation de 300 millions de francs(!), motivée, selon sa direction, par le développement des activités de la banque, alors qu'on peut penser, comme certains commentateurs l'ont écrit, que c'est l'insuffisance des actifs face à un passif très lourd qui l'impose, les autorités se doivent d'être plus attentives que jamais à la bonne gestion de la banque.
Le Conseil d'Etat n'a pas voulu assumer cette charge lors de la création de la BCG, pensant pouvoir s'en décharger sur la Commission fédérale des banques. Vu le statut de la BanqueC et le rôle important qu'elle joue sur le plan local, il est prioritaire que les objectifs et les règles de gestion et de contrôle de la banque soient renforcés. L'Alliance de Gauche a déposé, il y a plus d'une année, un projet de loi dans ce sens qui dort en commission.
Pour l'Alliance de Gauche, il ne suffit pas - comme le préconise la majorité de la commission - de voter une nouvelle motion pour se donner bonne conscience et inviter le Conseil d'Etat à faire le travail qu'il n'a pas fait et qu'il n'est pas à même d'accomplir lui-même, mais il faut prendre le problème sérieusement et légiférer, dans un premier temps, sur le renforcement de la surveillance de la BCG. C'est d'autant plus indispensable à la suite de l'événement rendu public au lendemain des travaux de la commission, et dont certains devaient être au courant, à savoir la demande de recapitalisation de la banque qui va exiger un important effort de la part de l'Etat, c'est-à-dire des contribuables.
A ce sujet, il n'est pas inutile de rappeler qu'à la suite d'un projet de loi de l'Alliance de Gauche, la loi sur la surveillance de la gestion administrative et financière et l'évaluation des politiques publiques a été complétée par la loi du 26 mars 1999, laquelle a considérablement renforcé les prérogatives de l'inspection cantonale des finances dont le champ d'intervention s'est étendu à toutes les institutions de droit public, c'est-à-dire y compris la Banque Cantonale.
Afin de garantir une intervention efficiente de cet inspectorat, qui permettrait d'éviter de créer un organe de contrôle spécial désigné par le Grand Conseil, selon une des propositions que nous avions formulées en commission, il faudrait modifier la loi précitée en indiquant que la banque ne peut pas lui opposer le secret bancaire et le secret professionnel.
Cette solution, qui devrait être bien accueillie, permettrait de renoncer à créer une commission d'enquête du Grand Conseil qui poursuivrait ses investigations sur les affaires faisant l'objet de la motion 1234.
5. Conclusion
C'est la raison pour laquelle nous vous demandons, Mesdames et Messieurs les députés, de renvoyer en commission le projet de loi ci-dessous :
Projet de loimodifiant la loi sur la surveillance de la gestion administrative et financière et d'évaluation des politiques publiques (D 1 10)
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article unique
La loi sur la surveillance de la gestion administrative et financière et d'évaluation des politiques publiques, du 19 janvier 1995, est modifiée comme suit :
Art. 14, al. 1, dernière phrase (nouvelle)
… de ce mandat.
La Banque cantonale ne peut pas invoquer le secret bancaire ni le secret professionnel dans le cadre des demandes de renseignements de l'inspection cantonale des finances. Celle-ci présente un rapport annuel sur les contrôles opérés au sein de la Banque.
Complémentau rapport de minorité
Rapporteur: M. Christian Grobet
Dans une lettre adressée le 14 janvier au Grand Conseil, la direction de la Banque cantonale laisse entendre que le canton ne pourrait pas confier un pouvoir de contrôle sur la BCG à l'inspectorat cantonale des finances. Elle fait notamment référence, à ce sujet, à une prise de position de la commission fédérale des banques lors d'un entretien de celle-ci avec une délégation de la commission ad hoc du Grand Conseil.
Outre le fait que les représentants de la BCG n'ont pas participé à cette entrevue, il y a lieu de relever que la commission fédérale se référait à un texte de la loi fédérale sur les banques qui a été depuis lors abrogé. Malgré le fait que l'interprétation de ce texte abrogé, telle qu'elle avait été donnée par les représentants de la commission fédérale des banques, est contestée (cf. ma lettre du 22 mars 1999 à la présidente de la commission ad hoc), ceux-ci avaient néanmoins admis que les cantons avaient conservé des prérogatives de contrôle sur leur banque cantonale.
Cela étant rappelé, la modification apportée par l'Assemblée fédérale le 22 avril 1999 à la loi fédérale sur les banques a clarifié les choses. L'article 3a ancien de cette loi, qui prévoyait notamment que "; les cantons peuvent transférer l'intégralité de la surveillance bancaire qu'ils exercent sur leurs banques cantonales à la commission des banques " a été remplacé par la disposition suivante :
Est réputée banque cantonale, toute banque créée en vertu d'un acte législatif cantonal et revêtant la forme d'un établissement ou d'une société anonyme.
Le canton doit détenir dans cette banque une participation de plus d'un tiers du capital et des droits de vote. Il peut garantir l'intégralité ou une partie des engagements de la banque.
Je joins au présent rapport copie d'un courrier que j'ai adressé le 22 mars 1999 à la présidente de la commission ad hoc, attirant l'attention sur la modification en cours de la loi fédérale et sur l'interprétation donnée par le Conseiller fédéral Kaspar Villiger à l'égard de la nouvelle disposition légale qui conforme que la surveillance des cantons n'est pas remise en cause par la nouvelle loi et continue à intervenir à titre primaire.
Je pensais utile de préciser ces éléments pour démontrer que la possibilité de légiférer selon la proposition faite par l'Alliance de Gauche en matière de surveillance de la BCG par une autorité cantonale de contrôle est parfaitement conforme au droit fédéral.
Je vous remercie , Mesdames et Messieurs les députés, de l'attention portée au présent complément.
Alliance de gauche
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216
Préconsultation
Mme Christine Sayegh (S), rapporteuse de majorité. Rappelons tout d'abord qu'il s'agit d'une volonté politique largement exprimée dont est résultée la création de la Banque cantonale de Genève. Le canton voulait se doter d'un établissement bancaire de proximité contribuant directement au développement économique du canton et de la région.
Les travaux de la commission ad hoc de l'époque, chargée de traiter le projet de loi pour créer la Banque cantonale de Genève, ont été menés avec diligence et, malgré tout, il y a lieu d'admettre que la transparence n'a pas été de mise quant à expliquer l'héritage que faisait la nouvelle banque cantonale issue de la fusion de la CEG et de la Banque hypothécaire. Les dossiers épineux invoqués par les députés n'ont pas pu être abordés, les présidents et les directions respectives se réfugiant derrière le secret bancaire...
Or cette tactique s'est révélée néfaste, au point d'entamer rapidement la crédibilité de la Banque cantonale de Genève par des articles de presse plus que critiques sur la politique menée par cet établissement. On attendait beaucoup de la mission d'enquête initiée par la motion de l'Alliance de gauche qui, si elle n'a pas répondu à l'attente de ses motionnaires, a toutefois permis de lever quelque peu le voile qui entoure les activités bancaires relatives aux deux dossiers concernés.
Les limites d'investigation de la commission étaient de deux ordres : le contrôle parlementaire, qui est indirect et qui dépend de celui du Conseil d'Etat, et la séparation des pouvoirs qui n'autorise pas les députés à devenir des juges d'instruction. Les deux dossiers que nous avons étudiés laissent bien des questions non résolues, car il est apparu rapidement au cours des travaux que les éléments importants ayant conduit à dénoncer la gestion des dossiers Stäubli et Gaon étaient antérieurs à la création de la Banque cantonale de Genève. Une enquête ne devant retenir que des faits avérés pour être crédible, nous avons dû rapidement admettre que notre marge de manoeuvre était étroite tout comme la période à prendre en considération.
Nous pouvions alors soit baisser les bras, soit tenter une approche plus constructive, ce que nous avons souhaité faire, et nous interroger sur le rôle que l'on attend d'un établissement bancaire cantonal et prendre les mesures parlementaires utiles.
En privilégiant cette seconde approche, la commission s'est penchée avec attention sur l'étendue du contrôle parlementaire et les moyens de le renforcer. Il ne s'agit, rappelons-le, que d'un contrôle, donc d'une intervention a posteriori et non d'une participation à la gestion de l'établissement. Toute mise en place d'un contrôle supplémentaire n'aurait en conséquence aucun effet préventif et ne ferait qu'alourdir le système. C'est pourquoi la majorité de la commission n'est pas entrée en matière sur l'instauration d'un instrument de contrôle additionnel.
Par contre, nous pouvons attendre du Conseil d'Etat une attention plus soutenue aux activités de la banque et des rapports circonstanciés à l'attention du Grand Conseil. Rappelons que le transfert de l'intégralité de la surveillance de la Banque cantonale de Genève à la Commission fédérale des banques ne dispensait pas le Conseil d'Etat de rendre rapport au Grand Conseil sur le respect, par la Banque cantonale de Genève, du mandat constitutionnel. Et pourtant, les rapports n'ont pas été succincts... Ils ont été inexistants !
Ainsi et en priorité, le Grand Conseil doit pouvoir exercer son pouvoir de haute surveillance, et cela dépend non seulement du rapport du Conseil d'Etat mais également de la qualité de ce rapport.
C'est pourquoi nous vous proposons une motion en guise de conclusion de notre rapport invitant le Conseil d'Etat, autorité de surveillance de la Banque cantonale de Genève, non seulement à déterminer sa vision de la mission de la Banque cantonale de Genève mais, également, à se prononcer sur les moyens pour la remplir.
Quant au rapport de minorité, il se conclut par une proposition de loi. Son auteur rejoint donc dans sa démarche la majorité de la commission, à savoir dépasser l'examen des dossiers Stäubli et Gaon et faire une proposition pour l'avenir. Quant à la faisabilité et l'efficacité du moyen proposé par le rapporteur de minorité, il y aura lieu, effectivement, de l'étudier en commission pour en examiner l'utilité.
M. Christian Grobet (AdG), rapporteur de minorité. Les députés de l'Alliance de gauche ont déposé, il y a maintenant un an et demi, une motion demandant la création d'une commission d'enquête en relation avec deux affaires qui touchent directement la Banque cantonale de Genève et qui ont défrayé la chronique.
A cet égard, j'aimerais rappeler une nouvelle fois que notre formation politique - l'une des composantes, le parti du Travail, avait lancé une initiative populaire, en 1946 déjà, pour créer une banque cantonale à Genève et ses députés ainsi que des députés socialistes ont pris le relais en déposant des projets de lois allant dans ce sens - s'est beaucoup battue pour que cette banque cantonale voie le jour, ce qui n'a pas été sans peine.
Cela étant dit, nous tenons à ce que cette banque travaille correctement et réponde aux objectifs qui ont été définis au moment où elle a été créée en 1993. Il est évidemment impossible de ne pas poser un certain nombre de questions, lorsque la presse évoque la gravité de certaines affaires, comme les affaires Stäubli et Nessim Gaon. Il est en effet tout à fait incompréhensible pour le citoyen ordinaire, qui est souvent confronté aux exigences parfaitement légitimes d'une banque, que cette banque ait pu accorder à M. Stäubli un crédit personnel de l'ordre de 60 à 80 millions de francs à un taux d'intérêt totalement ridicule, cela sans la moindre garantie, et de constater que celle-ci a fait confiance à un spéculateur. Ce dernier est à l'origine du processus des congés-ventes d'appartements à Genève, processus qui a heureusement été bloqué grâce à une initiative lancée par les milieux des locataires qui a complété la LDTR par des mesures de protection dans ce domaine. Et à ce sujet, comme le rapporteur de majorité l'a indiqué, le manque de transparence et d'informations de la banque a créé un climat évidemment néfaste, dans la mesure où toutes les hypothèses ont pu être envisagées sur l'origine de tel ou tel crédit, sur la façon dont ils ont pu être octroyés et sur les conséquences de ces crédits à l'égard de la banque.
Nous persistons donc à dire qu'il eût été légitime d'enquêter sur ces deux cas précis, bien qu'ils ne soient pas les seuls, malheureusement. En effet, d'autres fautes graves, voire très graves, ont été commises par la Banque cantonale ou plus exactement par les deux banques qui ont fusionné pour constituer la Banque cantonale de Genève, je veux parler de la Caisse d'épargne et de l'ancienne Banque hypothécaire.
Nous avons d'entrée de cause, comme le rappelle le rapport de majorité, entendu le président de la commission d'enquête qui avait été constituée par le Grand Conseil du Valais pour enquêter sur les problèmes de la Banque cantonale du Valais. Nous pouvons du reste rendre hommage aux autorités de ce canton, et plus particulièrement au Grand Conseil du Valais d'avoir voulu savoir ce qui s'était réellement passé. En effet, à un moment donné, quand on gère un établissement public on a des comptes à rendre à la population, et il est normal de savoir pourquoi et comment il est possible qu'une banque, comme ce fut le cas pour la banque valaisanne, connaisse des pertes aussi importantes - ce qui est aussi le cas de la Banque cantonale de Genève... Nous avons pu constater que le Grand Conseil du canton du Valais, à une très forte majorité, a voulu connaître la vérité et, surtout, se donner les moyens de la connaître en créant une véritable commission d'enquête qui a fait un travail considérable - c'est vrai - mais qui avait les moyens de l'effectuer.
Par contre, nous devons dire, à notre grand regret, que nous n'avons pas constaté la même volonté politique au sein de la commission ad hoc qui a été désignée pour traiter notre motion. Il n'y a pas eu de volonté de créer une véritable commission d'enquête ayant les moyens nécessaires à sa disposition pour mener des investigations au sujet de ces deux affaires particulièrement graves. Cela dit, et comme Mme le rapporteur de majorité vient de le souligner, la commission ad hoc a tout de même pu faire un certain nombre d'auditions, recueillir un certain nombre d'informations qui nous ont été utiles et qui nous ont permis de mieux comprendre ce qui s'était passé par rapport à ces deux affaires.
Nous avons pu constater également - nous pouvons nous en réjouir - que la Banque cantonale de Genève a mis au point, d'après ce que la direction nous a déclaré, des structures nouvelles pour examiner de manière beaucoup plus attentive les opérations à risques et l'attribution de crédits par la banque. Mais il n'empêche que nous éprouvons un certain malaise face à toute cette affaire. En effet, le lendemain après que la commission ad hoc eut terminé ses travaux, un hebdomadaire a publié un article donnant toutes sortes d'éléments nouveaux annonçant, par exemple, des crédits perdus de l'ordre de 200 millions au profit du frère de M. Nessim Gaon, fait tout à fait nouveau dont nous n'avions pas connaissance et qui mettait encore plus en évidence l'ampleur des pertes subies par la Banque cantonale de Genève...
A noter qu'un simple calcul, par l'examen des comptes et du bilan de la banque, permet à qui veut de constater que les pertes subies dépassent le montant d'un milliard et demi, puisque la banque a déjà amorti environ 550 millions de pertes et qu'à son bilan, bon an mal an, est portée une somme de 1 à 1,1 milliard de réserves qui ont été constituées pour faire face aux affaires douteuses...
La Banque cantonale de Genève ne fait que dire et répéter - même si c'est faux - que toutes ces affaires sont des affaires du passé qui relèvent de la Caisse d'épargne et de la Banque hypothécaire... Que depuis que la Banque cantonale de Genève a été constituée les choses se passent normalement...
On peut se référer au Mémorial du Grand Conseil de la séance d'avril 93, qui a traité le rapport de la commission chargée d'étudier le projet de loi créant la Banque cantonale de Genève. Dans son rapport, David Lachat demandait s'il s'agissait d'une «fusion-raison» ou d'une «fusion-sauvetage». La banque a répondu que non, que c'était une volonté de créer une nouvelle banque et que la situation financière des deux anciennes banques n'en était pas la cause... On nous a dit à l'époque, en séance de Grand Conseil, que les affaires à risques pour lesquelles il fallait provisionner représentaient environ 600 millions de francs... Nous devons bien constater aujourd'hui que le montant de 600 millions de provisions qu'on nous avait indiqué au moment de la fusion des deux établissements pour créer la Banque cantonale de Genève était tout à fait sous-évalué et qu'on ne nous avait alors malheureusement pas dit la vérité sur la situation réelle de la banque, puisqu'on arrive à une perte de 1,6 milliard...
C'est précisément ce manque de franchise dans les explications de certains des responsables de la banque qui crée un climat très difficile autour de la Banque cantonale de Genève. Par contre, nous avons eu le sentiment en auditionnant certains nouveaux responsables de la banque que ces derniers voient les choses différemment. Ils nous ont donné des explications qui étaient beaucoup plus conformes à la réalité, et nous espérons que la banque saura changer ses pratiques et éviter des fâcheux retours au passé.
Cela étant dit, Mesdames et Messieurs, toute entreprise ayant connu les pertes subies par la Banque cantonale de Genève, ayant commis les erreurs commises par les anciens responsables de cette banque, doit se demander s'il ne faut pas apporter des adaptations et des améliorations aux structures. Alors là, je dois dire que je reste confondu d'entendre les représentants de la Caisse d'épargne et de la Banque hypothécaire nous dire aujourd'hui que les structures sont très bonnes, qu'il n'y a pas besoin de changer quoi que ce soit et que la surveillance est suffisante...
Eh bien, non, Mesdames et Messieurs, nous n'en serions pas où nous en sommes aujourd'hui si le contrôle sur la gestion et sur les activités de la banque avaient été faits de manière suffisamment sérieuse ! Je le répète, n'importe quelle entreprise dans le même cas se rendrait compte qu'il est nécessaire que des mesures soient prises pour en renforcer le contrôle.
Pourquoi ce contrôle est-il insuffisant ? Un contrôle est effectué par l'organe de prévision au sens du code des obligations, mais il est avant tout un contrôle comptable, et nous ne doutons pas que les chiffres sont exacts et que les comptes sont bien tenus par la banque. Mais le problème ne réside pas sur ce point. Il réside dans la gestion de la banque. A ce sujet la banque, comme toute banque, a un inspectorat interne. Mais comme la direction de la banque nous l'a dit à la commission d'enquête, l'inspectorat est désigné par la banque... Il dépend de la direction de la banque et rapporte au comité de commission de la banque - même pas au conseil d'administration... Il est clair que cet inspectorat interne est totalement insuffisant.
La situation est exactement la même - situation qui a été corrigée - qu'elle l'était à l'Etat. En effet, je vous rappelle que le contrôle financier de l'Etat ne répondait qu'au Conseil d'Etat avec toutes les lacunes que cela impliquait et les rapports qui ont été mis au fond de certains tiroirs... Cela nous a amenés à modifier la loi sur la gestion administrative de l'Etat et à prévoir une certaine indépendance du contrôle financier de l'Etat en faisant en sorte qu'il rapporte et qu'il dépende également du Grand Conseil pour que l'organe de contrôle ne dépende pas de celui qu'il est chargé de contrôler... Or, ce qui se passe c'est que l'inspectorat interne de la Banque cantonale de Genève dépend de celui qu'il est chargé de contrôler ! Il ne faut pas être étonné que ce contrôle ne donne pas grand-chose !
Enfin, le troisième organe de contrôle est la Commission fédérale de surveillance des banques. Je ne vais pas aller jusqu'à dire que c'est un contrôle «alibi». Toutefois, une délégation de la commission ad hoc a été reçue par une délégation de la Commission fédérale des banques qui a expressément admis qu'elle n'envoyait effectivement pas ses inspecteurs sur place pour faire des contrôles sur les activités de la banque. Elle se contente de vérifier si dans le rapport de l'organe de contrôle il est indiqué que le bilan de la banque présente des problèmes. A ce moment-là seulement, elle intervient. Alors, en fait, la Commission fédérale des banques intervient la plupart du temps trop tard : on l'a vu avec une banque privée vaudoise qui a dû mettre la clé sous le paillasson il y a deux ans... Cette surveillance est donc vraiment superficielle !
Par voie de conséquence, nous estimons qu'aujourd'hui il est absolument indispensable d'instituer un organe de contrôle indépendant de la banque, qui serait bien entendu tenu au secret de fonction, car il n'est pas question d'amener les affaires sur la place publique. Mais il faut qu'un contrôle sérieux soit effectué par un organe indépendant et compétent.
A ce sujet, nous n'avons effectivement pas, Madame le rapporteur de majorité - ce sera ma conclusion - cosigné la motion proposée par la commission. Je ne veux pas dire que cette motion a été faite pour se donner bonne conscience, mais pour moi, Madame le rapporteur de majorité, elle ne donnera rien du tout... Et je vais vous dire pourquoi : parce qu'il y a déjà dix ans que le Conseil d'Etat - et je peux le comprendre - ne veut pas mettre son doigt dans les affaires de la Banque cantonale de Genève !
M. Robert Ducret, qui représentait le Conseil d'Etat au sein du conseil d'administration de la Caisse d'épargne, a déclaré à une époque qu'il était incapable d'assumer la charge d'administrateur de la banque en plus de la charge de conseiller d'Etat et le Conseil d'Etat a été d'accord qu'il se retire... Lorsque j'étais au Conseil d'Etat, la majorité du Conseil d'Etat ne voulait rien contrôler du tout à l'intérieur de la Banque cantonale de Genève de peur qu'il n'y ait des fuites... A noter que certains anciens collègues n'avaient peut-être pas tort : en effet, quand on lit dans l'Hebdo trois jours après le contenu d'un entretien entre la direction de la banque et le Conseil d'Etat concernant le projet de recapitalisation de la banque, on peut se dire que ce n'est peut-être pas au Conseil d'Etat que les secrets sont le mieux gardés !
Mais le problème n'est pas là : il est que le Conseil d'Etat n'a ni le temps de s'en occuper ni la volonté politique ! En effet, nous avons déposé un projet de loi et plusieurs motions sur les problèmes de la Banque cantonale de Genève. Une résolution a été votée par le Grand Conseil au sujet des taux de dividendes. Eh bien, à ce jour nous n'avons eu aucune réponse de la part du Conseil d'Etat ! Et, lorsqu'on interpelle le Conseil d'Etat, Madame la conseillère, vous nous lisez des réponses préparées par la direction de la banque !
Cela est tout à fait insuffisant pour nous ! C'est la démonstration que le Conseil d'Etat ne sera pas en mesure, Mesdames et Messieurs les députés, de remplir les objectifs que vous souhaitez à travers cette motion.
La présidente. Lors de la dernière séance, il avait été demandé la lecture d'une lettre dans le cadre de ce débat. Je vous prie, Madame la secrétaire, de bien vouloir nous la lire.
Annexe lecture ASDEB
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La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, il est 19 h. Je vous propose d'arrêter nos travaux. Nous les reprendrons à 20 h 30 avec les députés déjà inscrits : Mmes et MM. de Tassigny, Hagmann, Seydoux, Annen, Bolay et Nissim.