République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 17 février 2000 à 17h
54e législature - 3e année - 5e session - 7e séance
IU 820
Mme Fabienne Bugnon (Ve). Mon interpellation s'adresse à M. Ramseyer. Elle concerne Champ-Dollon. Vous en avez d'ailleurs été informé, Monsieur Ramseyer, puisque je me suis entretenue du sujet avec l'un de vos collaborateurs.
Cette interpellation concerne le bibliothécaire. Je donne un bref rappel des faits pour les autres personnes de ce Grand Conseil. Le bibliothécaire travaille à Champ-Dollon depuis deux ans. Il a développé le secteur du livre et a notamment créé un atelier du livre à Champ-Dollon.
Cette personne - qui s'appelle M. Gallet, puisqu'il accepte que l'on donne son nom - a été informée qu'une commission d'experts venait à Champ-Dollon pour auditionner les employés. Il n'avait pas été précisé que cette commission était celle qui avait été nommée par le Conseil d'Etat. Il a donc demandé une entrevue qui lui a été accordée et fixée au 27 janvier à 17 h.
A 16 h 55, il s'est rendu avec les animateurs de l'atelier-femmes à la porte du bureau des experts, porte qui se trouve à proximité des bureaux de l'administration et de la direction. A 17 h, au moment où ces personnes auraient dû être auditionnées, quelqu'un de la direction survient pour signifier au bibliothécaire qu'il ne pourra pas assister à cette audition, car il ne fait pas partie du personnel de la prison.
On lui explique que cette commission, nommée par le Conseil d'Etat, n'a mandat d'analyser que les rapports de travail entre les employés et la direction et l'organisation concrète du travail dans l'enceinte du bâtiment. On lui signale que l'autre commission, celle nommée par le Grand Conseil, n'a pas commencé ses travaux.
Lorsque les deux experts ont reçu les deux autres animateurs, ils ont été surpris de ne pas trouver le bibliothécaire. L'un des deux experts est sorti dans le corridor pour voir s'il était encore présent et a demandé pourquoi on avait interdit l'accès à son bureau. On lui a expliqué que le bibliothécaire ne faisait pas partie du personnel. L'expert a demandé quel genre de travail faisait le bibliothécaire dans la prison, s'il avait des contacts avec les détenus. Il lui a été répondu affirmativement. De retour à son bureau, l'expert a estimé que l'audition se justifiait et qu'il allait envisager un entretien à l'extérieur de la prison, à un moment ultérieur.
Suite à cela - ceci s'est donc passé le jeudi 27 janvier - M. Gallet a été informé, le mercredi matin 2 février, que la direction de Champ-Dollon avait décidé de le mettre à pied et que le directeur ne souhaitait plus le voir dans son établissement.
Mes questions quant à cette affaire, Monsieur Ramseyer, sont les suivantes :
1. La direction de la prison de Champ-Dollon a-t-elle le pouvoir de décider d'une telle sanction - mise à pied - à l'égard d'un collaborateur qui ne lui est pas directement subordonné ?
2. Quels sont les motifs qui l'ont amenée à prendre cette décision ?
3. D'après les informations qui circulent, l'utilisation de la bibliothèque pourrait être réduite au profit du sport. Qu'en est-il de cette information, sachant que 97% des détenus sont inscrits à la bibliothèque, que la lecture est aussi importante que le sport en milieu carcéral et que l'un ne devrait donc pas être opposé à l'autre ?
4. Imaginons que vous me répondiez que M. Gallet ne correspond pas au profil du poste, comme vous l'avez déclaré au «Matin», alors même qu'il l'occupe depuis deux ans : j'aimerais savoir quel profil est souhaité pour un tel collaborateur, sachant que M. Gallet est titulaire d'une formation de bibliothécaire, qu'il a les qualités d'écoute et de disponibilité que l'on peut attendre d'un tel collaborateur.
5. J'aimerais enfin savoir ce que craignait la direction de Champ-Dollon de l'audition du bibliothécaire par les experts pour lui en avoir interdit l'accès.
Réponse du Conseil d'Etat
M. Gérard Ramseyer. Madame la députée, vous avez choisi de porter sur le plan politique, et donc public, un dossier assez quelconque. J'ai donc choisi de vous répondre immédiatement, de manière tout à fait factuelle, puisque vous avez eu la courtoisie de m'informer de votre intervention mais non pas des questions que vous vouliez me poser. Puis il appartiendra à ce parlement, au public, de se faire une idée sur ce dossier et sur le bruit dont vous l'entourez.
Le 27 janvier 2000, des experts de l'office du personnel de l'Etat se trouvaient à la prison pour entendre les membres du personnel de l'établissement. M. Gallet a fait irruption dans les locaux de la direction, exigeant d'être entendu par les experts de la commission d'enquête instituée par le parlement. Un gardien-chef adjoint lui a expliqué qu'il ne s'agissait pas de cette commission-là, que les experts présents n'étaient pas compétents pour l'entendre - ils représentaient l'Etat, et non pas la Ville de Genève - et qu'il pourrait être entendu ultérieurement par le consultant indépendant désigné par le Conseil d'Etat.
A noter que la Ville de Genève n'avait pas levé le secret de fonction de M. Gallet, de sorte que celui-ci n'aurait pas pu s'exprimer, s'il l'avait souhaité, sans violer son secret de fonction. Ne voulant rien savoir de ce qui lui était dit, M. Gallet a tenté de forcer le passage, faisant un esclandre en présence d'un expert de l'office du personnel de l'Etat.
Le 1er février, le conseil de direction a pris, à l'unanimité, la décision de ne plus accepter la présence de M. Gallet dans les murs de l'établissement. La direction a communiqué cette décision à l'employeur de M. Gallet, soit le service des bibliothèques municipales de la Ville. Il convient de souligner que la décision prise par le conseil de direction est aussi la conséquence de plusieurs incidents qui se sont produits au cours des derniers mois, dont le scandale provoqué le 27 janvier par M. Gallet n'est que l'ultime épisode.
A fin 1998, la direction de la prison avait annoncé son intention de procéder au déménagement de la bibliothèque, qui contient environ douze mille documents, pour pouvoir, d'une part, offrir des locaux plus agréables à la bibliothèque - qui occupait depuis 1977 un couloir borgne - et, d'autre part, agrandir les locaux du service social de la prison.
Alors que les bibliothèques municipales de la Ville de Genève étaient favorables à ce déménagement, M. Gallet n'a pas cessé de freiner toute l'évolution de la bibliothèque. Il n'a pas su quantifier correctement les besoins de la bibliothèque, ce qui a compliqué le déménagement. Il a ensuite refusé de participer aux opérations de déménagement, qui se sont faites sous la direction de sa collègue - la Ville de Genève fournit deux bibliothécaires -qu'il n'a pas manqué de critiquer. Il se trouve que la directrice des bibliothèques municipales de la Ville de Genève s'est déclarée, elle, très satisfaite de la mise en place des nouveaux locaux, après s'y être rendue en personne.
D'autres faits sont plus préoccupants encore. Pour éviter tout désagrément à la population carcérale, la direction de la prison avait pris la précaution d'informer les détenus de l'interruption momentanée du service de prêt et leur avait donné la possibilité d'emprunter davantage de livres durant cette période. Or, la veille de la fermeture de la bibliothèque, qui a duré tout le mois d'avril 1999, M. Gallet s'est mis à distribuer aux détenus des affichettes à en-tête de la Ville de Genève, sans l'accord de la direction des bibliothèques municipales, ni bien sûr celui de la direction de la prison. Ces affichettes, de nature polémique, avaient pour but d'inciter les détenus à se mobiliser contre le projet de la direction de la prison.
Quelques jours plus tard, M. Gallet a été surpris alors qu'il incitait les détenus présents à faire une pétition concernant la suppression du prêt des livres ainsi que la censure de l'affichette dont il était l'auteur. Cela au moment même où il y avait à Champ-Dollon une surpopulation de 140%, soit trois cent nonante détenus.
D'entente avec la hiérarchie de la Ville de Genève, la direction a dû suspendre provisoirement, déjà à cette époque, ce bibliothécaire de tout contact avec les détenus, afin d'éviter tout nouveau dérapage et ce jusqu'à ce qu'une mise au point intervienne. Malgré une sévère mise en garde de la direction de Champ-Dollon, M. Gallet a continué à adopter un comportement inadéquat.
A titre d'exemple, on mentionnera qu'il a fait preuve de négligence quant au respect des consignes de sécurité. Il a notamment égaré deux fois la clé ouvrant la porte d'accès au bloc cellulaire de l'établissement, la clé étant restée une fois sur la porte ! Il a été relevé qu'il entretenait de mauvais rapports avec sa collègue bibliothécaire de la Ville de Genève et qu'il lui arrivait de tenir des propos agressifs envers le personnel de surveillance.
La méchante humeur de M. Gallet semble d'ailleurs être un fait notoire, comme le laissait entendre, hier soir, un membre du Conseil administratif de la Ville de Genève interpellé sur ce sujet - c'était une motion déposée par Mme Liliane Johner. Eu égard à ce qui précède, la demande adressée par la direction de la prison à la Ville de Genève de désigner un autre bibliothécaire paraît pleinement justifiée.
Nonobstant ce changement - j'insiste, Madame la députée - il a été expressément demandé aux consultants désignés par le Conseil d'Etat d'entendre M. Gallet, à titre exceptionnel et pour autant que son employeur, la Ville de Genève, soit d'accord. Mme Ruepp, directrice des bibliothèques municipales de la Ville de Genève, connaît très bien ce dossier. Elle est l'employeur de M. Gallet. Vous pouvez vous adresser à elle pour tout renseignement complémentaire que vous pourriez souhaiter. Elle vous répondra si elle entend être relevée de son propre secret professionnel.
J'aimerais pour terminer, Madame la députée, eu égard à vos questions, répéter très clairement que nous ne sommes pas l'employeur de M. Gallet, que M. Gallet est employé de la Ville de Genève. J'aimerais dire également que le comportement de M. Gallet n'est pas celui que l'on doit attendre d'un fonctionnaire dans une prison. Enfin, je confirme que j'ai personnellement recommandé que ce Monsieur soit auditionné par l'expert choisi par le Conseil d'Etat. Vous avez, Madame, choisi de nommer M. Gallet publiquement. Vous avez choisi d'exposer un état de fait. Je vous ai donné les informations que je possédais, je n'en ferai pas plus !
Cette interpellation urgente est close.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes arrivés au terme des interpellations urgentes. Il y sera répondu par le Conseil d'Etat, demain vendredi à 17 h, tout comme il sera répondu à la même heure à l'interpellation urgente écrite de M. Rémy Pagani : Procédure participative au DASS.
Nous prenons maintenant les objets non traités lors de la précédente séance et nous commençons par le point 16. Je cède la présidence à la première vice-présidente du Grand Conseil, Mme Elisabeth Reusse-Decrey.
Présidence de Mme Elisabeth Reusse-Decrey, première vice-présidente