République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 18 février 2000 à 17h
54e législature - 3e année - 5e session - 10e séance
PL 8191
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Art. 1 Crédit d'étude
Un crédit de 6 000 000 F (y compris TVA et renchérissement) est ouvert au Conseil d'Etat pour l'étude de la construction d'une liaison ferroviaire reliant la Gare Cornavin à Annemasse par la Praille et la Gare des Eaux-Vives, selon le tracé Obis abaissé, tel qu'adopté par arrêté du Conseil d'Etat du 4 juillet 1990.
Art. 2 Budget d'investissement
Ce crédit est réparti en tranches annuelles inscrites au budget d'investissement dès 2001, sous la rubrique...
Art. 3 Financement et couverture des charges financières
Le financement de ce crédit est assuré par le recours à l'emprunt, dans le cadre du volume d'investissements « nets-nets » fixé par le Conseil d'Etat, dont les charges financières en intérêts et en amortissement sont à couvrir par l'impôt.
Art. 4 Amortissement
L'amortissement de l'investissement est calculé chaque année sur la valeur d'acquisition (ou intitulé) selon la méthode linéaire. Il est porté au compte de fonctionnement.
Art. 5
La Commission des transports et la Commission des travaux du Grand Conseil sont régulièrement informées de l'avancement des études.
Art. 6 Loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève
La présente loi est soumise aux dispositions de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève, du 7 octobre 1993.
EXPOSÉ DES MOTIFS
L'objectif du présent projet de loi est de marquer la volonté du canton de Genève de terminer la liaison ferroviaire entre Genève et Annemasse prévue depuis 1881, et plus particulièrement la réalisation, dans les meilleurs délais, du maillon manquant entre La Praille et la Gare des Eaux-Vives. Depuis 1912, cette liaison ferroviaire est prévue par une convention signée entre la Confédération, les CFF et le canton de Genève. Le Conseil fédéral a été autorisé par l'Assemblée fédérale à ratifier cette convention, voire la loi fédérale du 10 juillet 1912 portant développement du réseau des CFF sur le territoire genevois (742.32), qui s'inscrit dans le cadre de l'accord franco-suisse sur la liaison Genève - Annemasse signé en 1881 (0.742.140.334.93) et les arrêtés fédéraux des 27 avril 1882 et 12 juin 1882. La convention et l'accord sont toujours en vigueur, ce que le Conseil fédéral a admis en indiquant qu'il appartenait au canton de Genève de prendre la décision de sa construction. Les actes législatifs respectifs figurent toujours dans les recueils systématiques des lois suisses et françaises.
Le dépôt du présent projet de loi fait suite aux décisions prises par le Grand Conseil concernant les liaisons ferroviaires franco-suisses, plus précisément la volonté manifestée par la quasi-unanimité du Grand Conseil (une seule opposition lors du vote) de réaliser enfin la jonction ferroviaire des réseaux suisse et français et de désenclaver la région genevoise, y compris le Chablais, sur le plan ferroviaire, grâce à la revitalisation de la ligne ferroviaire internationale du Sud Léman (ligne du Tonkin) entre Genève-Cornavin et Saint-Maurice (Valais), via La Praille, Eaux-Vives, Annemasse, Evian et Saint-Gingolph, et grâce au développement des liaisons ferroviaires internationales sur les axes Genève - Annecy - Chambéry - Grenoble et Genève - Saint-Gervais - Chamonix. Le maillon manquant doit être impérativement réalisé pour au moins trois motifs qui chacun à lui seul justifierait sa pertinence.
L'interconnexion des réseaux CFF de Suisse romande et SNCF de Haute-Savoie représente la condition première pour la réalisation des liaisons ferroviaires internationales indispensables à Genève et sa région. Elle permet aussi un transfert significatif du trafic de la route au rail avec à la clef une meilleure maîtrise du trafic et des besoins croissants de mobilité. En effet, ce raccordement est du plus grand intérêt pour les habitants des deux rives du lac. La possibilité de prolonger des TGV et des trains intercités suisses au-delà de Cornavin à destination du Chablais, de la Vallée d'Arve et d'Annecy permettrait de dynamiser les transports ferroviaires chez nos voisins. Ainsi l'accès au train est facilité pour la population franco-genevoise de la rive gauche. La possibilité de choisir entre différents moyens de transport double la clientèle potentielle des chemins de fer, ce qui laisse présager une meilleure rentabilité des lignes TGV et les autres trains au départ de Genève-Cornavin, toutes destinations confondues. Par ailleurs, cette liaison étend considérablement la zone de chalandise de l'Aéroport, ce qui laisse supposer une importante augmentation d'une clientèle potentielle qui, empruntant le rail, n'a besoin d'aucune nouvelle infrastructure lourde.
Avec l'application des accords bilatéraux, les relations régionales franco-genevoises sont appelées à se développer de manière spectaculaire. La croissance démographique exponentielle actuellement en cours sur un axe Evian - Annemasse - Annecy est un autre indicateur d'une prochaine augmentation du trafic transfrontalier. Le rail représente la réponse la plus adaptée aux futurs besoins de ce trafic international et régional. En plus des indispensables liaisons ferroviaires internationales, la réalisation de la ligne Annemasse - Chêne-Bourg - Eaux-Vives - Hôpital - La Praille - Cornavin satisfait aux critères d'un véritable Réseau Express Régional (RER), car ce dernier met en relation toutes les régions limitrophes du Sud Léman avec le centre de Genève et sa périphérie (zones industrielles, rectangle d'or, organisations internationales). C'est aussi un projet local et urbain, car il relie d'une manière rapide et confortable, sans encombrer le centre-ville, la rive gauche à la rive droite par les quartiers les plus denses de l'agglomération.
Le dramatique accident du tunnel du Mont-Blanc a démontré avec force la nécessité d'offrir, pour des raisons de complémentarité, de sécurité et de respect de l'environnement, une alternative aux transports des marchandises par la route. Le rail répond donc le mieux à ces critères. La réouverture du tunnel du Mont-Blanc devrait aller de pair avec un projet concret de solution crédible pour le transport des marchandises par le rail. Dans cette optique, des trains marchandises entre le nord et le sud de l'Europe pourraient transiter par la ligne sud-lémanique, Bellegarde - Annemasse - Evian - Saint-Maurice (VS) et le tunnel du Simplon. Cependant, le tronçon Bellegarde - Annemasse de cette relation étant proche de la saturation, des capacités fret devraient être impérativement dégagées par rapport au trafic voyageurs existant. Aujourd'hui, seule l'absence d'un tunnel de 4 kilomètres empêche le transfert de trains voyageurs sur le seul trajet alternatif possible, celui qui passe par La Plaine - La Praille et les Eaux-Vives. La réalisation du maillon manquant à la hauteur de Genève et l'interconnexion des réseaux s'avèrent donc indispensables, si on veut diminuer le trafic des poids lourds dans la zone frontalière, dans la Vallée de l'Arve et à travers le Mont-Blanc.
La réalisation de la liaison ferroviaire Cornavin - La Praille - Eaux-Vives est prévue et planifiée depuis des décennies. La répartition du financement est précisée dans une convention qui lie la Confédération, les CFF et le canton de Genève. Cette convention, toujours en vigueur, lie les trois parties de manière contractuelle. Toutes les modalités de l'étude jusqu'à la réalisation en passant par les acquisitions de terrains y sont fixées : depuis la fin du chantier de la gare de La Praille, la décision de réaliser le maillon manquant de la liaison Cornavin - Annemasse dépend d'une décision politique du législatif cantonal genevois. Le temps n'est donc plus aux nouvelles études comparatives, mais à celui de la réalisation concrète.
Mesdames et Messieurs les députés, la décision de réaliser le maillon manquant appartient au Parlement genevois ; son tracé a été clairement défini par un plan approuvé par le Conseil d'Etat, et les terrains sont réservés à cet effet. Nous proposons que le crédit d'étude de 6 millions faisant l'objet de ce projet de loi serve à une actualisation du projet, ce qui ne nécessite pas l'engagement de grands travaux de recherche. Par conséquent, nous demandons impérativement qu'une fois les études achevées, le Conseil d'Etat obtienne d'une part l'engagement de la Confédération et des CFF pour la réalisation de cet ouvrage avec le financement de leur part tel que prévu dans la convention, et d'autre part présente simultanément la part du crédit de construction à la charge du canton. Il s'agit d'une exigence parfaitement réalisable et même nécessaire pour ne pas perdre l'opportunité que Genève obtienne le financement accordé par la convention de 1912 et, le cas échéant, sa part de financement sur les crédits votés par le peuple suisse en faveur de Rail 2000 et de la connexion du réseau ferroviaire suisse au réseau international. Si Genève continue de tergiverser, il n'y pas de doute que nous manquerons cette opportunité qui fera une nouvelle fois le bonheur d'autres régions de notre pays. Il faut à ce sujet penser aux énormes investissements qui ont bénéficié à l'agglomération zurichoise et à ses nouveaux projets de gare et lignes souterraines estimés à plus de 2 milliards.
Il conviendra d'entreprendre parallèlement une étude d'impact sur l'environnement ainsi que sur le réseau ferroviaire et autres réseaux de transport, de même qu'une étude d'exploitation à mener en collaboration avec les CFF et la SNCF. Ces études feront l'objet d'une demande de crédit spécifique estimé à 1,5 millions de francs sous la forme d'un projet de loi séparé.
Dans un premier temps, il s'agit de conduire une étude préliminaire, estimée à 80 000 francs, dont le résultat permettra d'orienter la poursuite des études. Le résultat de l'étude préliminaire sera présenté simultanément à la Commission des travaux et à la Commission des transports afin de déterminer la suite des études. De même des séances d'information semestrielles sur le suivi des études seront tenues, afin que les commissions des travaux et des transports soient à même de suivre l'avancement des travaux d'études. Elles seront conduites jusqu'au projet définitif de construction, soit au stade de la délivrance de l'autorisation de construire.
Mesdames et Messieurs les députés, vous aurez compris à la lecture de cet exposé des motifs que les enjeux sont clairs : nous ne pouvons pas prendre la responsabilité de manquer une nouvelle fois l'occasion de relier les réseaux ferrés franco-suisses. Il en va de l'avenir de nos liaisons internationales et de notre région. Comme le précise de manière on ne peut plus claire, le conseiller fédéral responsable du Département de l'énergie, des transports et des communications, M. Moritz Leuenberger dans un récent courrier, dont vous trouverez une copie en annexe de cet exposé des motifs, la décision appartient au canton de Genève.
L'avenir de notre région sera le fruit des décisions que nous sommes appelés à prendre. Sachons être à la hauteur de ces enjeux décisifs. Mesdames et Messieurs les députés, nous vous invitons à accepter le présent projet de loi pour montrer la détermination et la capacité du Parlement cantonal à relever les défis de notre époque.
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Ce projet est renvoyé à la commission des travaux sans débat de préconsultation.
La séance est levée à 23 h 45.