République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 16 décembre 1999 à 17h
54e législature - 3e année - 3e session - 62e séance
P 1173-A
Mme Anne Briol (Ve), rapporteuse. Comme vous avez pu le lire dans le rapport, cette pétition, lancée notamment dans les colonnes du GHI, demande de mettre en oeuvre la réalisation d'une troisième voie dans les deux sens de l'autoroute Lausanne - Genève. La commission des transports a estimé qu'il s'agissait d'une revendication allant à contre-courant de diverses volontés politiques et populaires. Tout d'abord, à contre-courant de la volonté exprimée récemment par le peuple lors des votations relatives au développement des chemins de fer et du transfert de la route au rail. A contre-courant également de la volonté de nos autorités fédérales qui ont décidé, en raison de leur conception sur la protection de l'air, de renoncer à élargir les tronçons autoroutiers existants jusqu'à ce que Rail 2000 soit réalisé. Et finalement à contre-courant de la volonté régionale de réduire le trafic automobile sur ce tronçon autoroutier et d'inciter les automobilistes à reporter leurs déplacements sur la future troisième voie CFF.
La majorité de la commission s'est donc exprimée pour un report du trafic de la route au rail et contre une augmentation de la circulation routière en votant le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil. Je vous invite à en faire de même.
M. Jean-Pierre Gardiol (L). J'ai été un peu surpris par ce rapport sur cette pétition et je me demande si nous prenons tous la même autoroute ! A lire ce rapport, permettez-moi d'en douter ! J'estime qu'un tel rapport est une insulte au 17 299 personnes ayant signé cette pétition. C'est peut-être pour cela que vous n'avez pas indiqué dans votre rapport, Madame Briol, le nombre de signatures à la base de cette pétition.
Si notre parti est attaché à la complémentarité des transports et soutient une réalisation plus rapide de la troisième voie CFF, il demeure également attaché à la demande de cette pétition : « Mettre en oeuvre la réalisation d'une troisième voie dans les deux sens sur l'autoroute Lausanne-Genève et favoriser le commencement des travaux dans les plus brefs délais. » Ne pas entrer en matière sur une telle demande, c'est prendre la responsabilité d'envoyer chaque jour des milliers d'automobilistes et de familles sur un tronçon saturé représentant un réel danger d'accidents.
Le rapport est des plus navrant. Il ne parle pas de la question posée et dévie complètement du sujet en esquivant le problème et en suggérant de transférer le trafic de la route au rail. Laissez-moi rire ! L'audition résumée des spécialistes est délirante. M. Wittwer nous apprend que le danger d'accident provient du phénomène d'accordéon - quelle découverte ! - que des voitures roulant à 120 km/h doivent s'arrêter quelques kilomètres plus loin - quelle science ! Le département fédéral nous dit qu'il renonce à élargir les tronçons autoroutiers jusqu'à ce que le projet Rail 2000 soit réalisé. A-t-il oublié que depuis 1988 où il a été voté, il n'a pu réaliser que 50 kilomètres au maximum de voies et qu'il y a dans certaines régions un recours au mètre ?
Sur la discussion et le vote de la commission, il faut savoir que la troisième voie CFF est effectivement en cours de construction, mais que les CFF ont récemment repoussé les adjudications de la suite des travaux, retardant donc la réalisation de cette voie. Le rapporteur déclare également que le peuple veut, suite au vote sur les NLFA, le transfert de la route au rail. Vrai pour les camions, laissez-moi douter que ce vote concerne également les voitures ! D'autre part, aucune analyse n'a été faite sur la réalisation de la troisième voie dans le canton de Vaud, avec tous les effets bénéfiques qu'elle a apportés.
Vous avez donc bien compris que je ne partage pas du tout le travail qui a été effectué autour de cette pétition, dont le sujet préoccupe un très grand nombre de nos habitants. C'est, excusez-moi du terme, se foutre de ces 17 299 signataires que d'avoir travaillé de la sorte ! Et après un tel rapport sur un sujet concernant tant d'automobilistes, nous nous étonnons que nos citoyens ne votent plus lors d'élections ou de votations ! Contrairement à la conclusion du rapport, je vous demande d'envoyer cette pétition au Conseil d'Etat, avec mandat de la transmettre aux Chambres fédérales, ainsi qu'à toutes les instances concernées.
M. Pierre Ducrest (L). Il est souvent des pétitions qui sont ridicules, petites, voire égoïstes, qui ne parlent que d'un endroit, que d'une rue, que d'un trottoir, que sais-je. Mais nous avons ce soir de retour de la commission des transports une pétition qui a été signée par 17 299 personnes. C'est dire, s'il faut 10 000 personnes pour lancer une initiative cantonale, que c'est ici presque le double. Cette pétition représente presque le double des signatures nécessaires à une initiative cantonale ! La traiter d'une manière légère n'est donc pas convenable et je ne crois pas que ce rapport puisse nous convenir.
Je rappelle ici qu'il reste environ 280 kilomètres de routes nationales à construire en Suisse. L'argent dévolu pour ce genre de choses est déjà programmé. Il restera après à entretenir le réseau routier. Mais il est vrai que ce réseau a été conçu à une certaine époque, à une certaine époque où, il est vrai, les voitures polluaient plus que maintenant. Or, ce rapport est désuet lorsqu'il dit que le Conseil fédéral a décidé en 1987, en raison de la conception de la protection de l'air, de renoncer à élargir les tronçons autoroutiers. Il ne répond plus aux critères actuels, car les véhicules ne polluent plus comme ils polluaient avant. Chacun a pris sa part de responsabilité dans la pollution. Chacun a fait un effort dans ce sens-là.
Si l'on admet que Genève doit pouvoir continuer à développer son économie et que les infrastructures dites de compensation, c'est-à-dire qui pourraient permettre le transfert modal, ne sont pas encore réalisées, il n'empêche que l'autoroute Genève - Lausanne est tous les matins surchargée et que les bouchons sont là pour le rappeler. Ce n'est à mon sens pas en supprimant l'effet d'accordéon, qui est un effet résultant d'une question technique et uniquement technique qui peut être fort bien combattu, que l'on y parviendra, ni en diminuant la vitesse. C'est plutôt la fluidité du trafic qu'il faut rétablir, ceci par l'adjonction d'une troisième voie dans les deux sens.
C'est pour ceci, Mesdames et Messieurs les députés, que nous vous demandons de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat.
Mme Anne Briol (Ve), rapporteuse. J'aimerais juste faire une remarque à M. Gardiol, qui n'a pas l'air d'être très intéressé par cette pétition puisqu'il a déjà quitté la salle une fois son intervention terminée et qu'il n'a apparemment pas lu le rapport étant donné que le chiffre qu'il souhaitait y voir figurer apparaît effectivement dans le rapport. Je constate donc qu'il fait un travail quelque peu superficiel, contrairement au travail effectué par la commission.
M. Pierre Meyll (AdG). Notre groupe acceptera bien entendu de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement. Sans plus, parce qu'il est évident que nous sommes plus axés sur les transports publics que sur les transports individuels polluant dans tous les genres, c'est-à-dire aussi bien la pollution phonique que la pollution atmosphérique qui peut s'en dégager.
Il est clair, comme le dit M. Ducrest, que Rail 2000 n'est pas encore totalement sous toit... ou sur rail, mais ceci provient du grand nombre d'oppositions qui sont parvenues des milieux qui se situent plutôt de votre côté, Monsieur Ducrest. C'est navrant ! Il est vrai que certaines oppositions formées contre le tracé de la troisième voie ont été déposées du côté de la Terre-Sainte. Nous avons pour notre part réglé une grande partie des problèmes sur le territoire genevois, notamment à Versoix.
Il faut déjà, pour aménager une troisième voie, l'intégrer quelque part. Mais où ? A Versoix ? Il faut pour cela construire des routes et un tas de choses. Or, de ce côté-là, ce n'est guère possible. Et la manne fédérale n'est pas très importante dans cette histoire.
Si l'on développe les transports publics, c'est également pour soulager la route. Il faudra bien que les habitants de la Terre-Sainte consentent à prendre le train, qui se rendra exprès pour eux jusqu'à Coppet. On pourra de ce fait-là, grâce au futur embranchement que nous aurons sur la ligne La Praille-Eaux-Vives, aller jusqu'à Chêne avec le train. Ce sera déjà un avantage très important.
Vous mentionnez 17 000 signatures. C'est vrai, mais dans ce genre de chose il est facile de se rendre dans un bouchon et de remplir une feuille de signatures. C'est vite fait !
Je crois qu'il s'agit d'une question d'éducation des utilisateurs. Lorsque vous parlez de la fluidité, il est démontré qu'elle est beaucoup plus importante à 80, 50, voire 30 à l'heure que lorsqu'il y a des bouchons, que je vois même depuis chez moi. En ralentissant, que va-t-on faire ? Car l'on va ralentir la vitesse depuis Chavannes par des panneaux alternatifs. Ce sera de toute manière un avantage.
Je vous le dis sincèrement, Monsieur Ducrest, une troisième voie amènerait simplement un flux de voitures en Ville de Genève. Pour les parquer où ? C'est justement ce qu'il faut éviter, à savoir que les gens prennent leur voiture depuis chez eux. Lorsque les fesses sont posées, on ne les enlève plus de la voiture c'est trop simple ! C'est la raison pour laquelle j'appuie amplement le rapport de Mme Gardiol... de Mme Briol ! Je ne veux pas la marier à Gardiol, quand même ! Ce serait une mésalliance ! (Brouhaha.)
M. Jean-Marc Odier (R). Si l'on se reporte au vote en commission, notre parlement s'apprête à déposer, par une large majorité, cette pétition sur le bureau du Grand Conseil. Ayant été bien seul en commission à m'opposer au dépôt, j'espère que nous serons plus nombreux ce soir, ce qui a déjà l'air d'être le cas.
La part du trafic qui se reporterait sur la troisième voie ferroviaire Genève - Coppet ne peut pas être estimée, puisque l'on ne dispose pas d'autres renseignements qu'un comptage de véhicules à la hauteur de Versoix, soit 35 000 véhicules par jour dans chaque sens. D'où viennent exactement ces automobilistes, quelles distances doivent-ils parcourir avant de pouvoir emprunter l'autoroute, transportent-ils des marchandises ? Un certain nombre de questions ne se sont pas posées et le report modal n'est absolument pas assuré. Le report modal n'est pas assuré, à moins que l'on verrouille Genève et l'automobile. C'est actuellement ce que l'on constate. Si la troisième voie dans le sens Lausanne - Genève nécessite d'améliorer la fluidité du trafic sur des grands axes urbains, elle soulagerait immédiatement, dans le sens Genève - Lausanne, la densité du trafic à la sortie de Genève.
Lorsqu'on parle de report modal, on pense particulièrement aux pendulaires du matin et du soir. Mais il faut bien se rendre compte que la capacité de l'autoroute est également sous-dimensionnée aux autres heures de la journée, ainsi que les week-ends. Les Genevois ont un besoin de mobilité qui dépasse largement les déplacements du lieu de travail au domicile. Une ville de la taille de Genève, que l'on veut placer au centre d'une région, doit offrir en suffisance des infrastructures de moyens de déplacement, sans restreindre le choix des utilisateurs.
La commission des pétitions du Grand Conseil vaudois s'est déterminée à l'unanimité et ses conclusions, favorables à la troisième voie, ont été renvoyées au Conseil d'Etat. Les projets autoroutiers étant en grande partie du ressort de la Confédération, il leur faut de longues années pour voir le jour. Il est donc nécessaire de prévoir le long terme.
Avec plus de 17 000 signatures - même si ces dernières ne proviennent pas toutes de résidants genevois - la volonté populaire est importante, puisque moins de la moitié de ces signatures suffirait à lancer un référendum. Considérant ces différents arguments, le groupe radical votera le renvoi au Conseil d'Etat.