République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 3 décembre 1999 à 17h
54e législature - 3e année - 2e session - 61e séance
PL 8151-A
RAPPORT DE LA MAJORITÉ
Rapporteur: Mme Stéphanie Ruegsegger
La Commission fiscale s'est réunie le 26 octobre 1999 sous la présidence de M. Bénédict Fontanet, en présence de Mme Micheline Calmy-Rey, conseillère d'Etat, et de M. Georges Adamina, directeur des affaires fiscales, en vue d'examiner le projet de loi 8151 modifiant la loi sur l'imposition des personnes morales (liquidation partielle ou totale des SI). Le procès-verbal de séance a été tenu par Mme Eliane Monnin ; qu'elle soit ici remerciée pour son excellent travail.
Rappel
Notre Grand Conseil adoptait en 1994 une disposition permettant la liquidation facilitée des sociétés immobilières, faisant ainsi usage d'une disposition fédérale permettant une réduction de l'impôt allant jusqu'à 75 %, lors de liquidation de sociétés immobilières. Ce régime préférentiel expire normalement le 31 décembre 1999.
Afin de poursuivre cette incitation fiscale, les Chambres fédérales prolongeaient le 8 octobre dernier de 4 ans le délai de liquidation facilitée, soit jusqu'au 31 décembre 2003. Lors du même vote, elles mettaient la liquidation partielle des sociétés immobilières d'actionnaires-locataires (SIAL) au bénéfice des mêmes allégements fiscaux.
Sur la base de cette décision et se calquant sur celle-ci, le Conseil d'Etat déposait le 11 octobre dernier un projet de loi prolongeant de 4 ans le régime de liquidation facilitée des sociétés immobilières, étendant également ce régime aux liquidations partielles des SIAL.
Discussion de la commission
Saisie de ce projet, la Commission fiscale décide rapidement d'accepter l'entrée en matière, par 9 oui (2 L, 2 R, 2 DC, 2 S et 1 Ve) et 2 abstentions (2 AdG).
Article 1
En préambule, les représentants de l'Alliance de Gauche regrettent, comme ils avaient déjà eu l'occasion de le mentionner lors du débat de 1994, que le taux de réduction choisi soit le taux maximal autorisé par la Confédération. Toutefois, par souci de cohérence entre l'actuel projet de loi et celui adopté en 1994, aucune proposition visant à réduire ce taux n'est formulée.
A la suite de cette précision, il est rappelé aux commissaires que les 5 années de régime de liquidation facilitée qui viennent de s'écouler ont permis à 1347 sociétés d'entrer en liquidation (réalisées et en cours), apportant dans l'escarcelle de l'Etat quelque 384 millions, à savoir :
90 millions de droits de mutation ;
176 millions au titre des impôts cantonaux et communaux ;
20 millions au titre de l'IFD ;
87 millions au titre des impôts cantonaux et communaux sur les dividendes de la liquidation pour les personnes physiques actionnaires ;
10 millions au titre de l'IFD sur les dividendes de la liquidation pour les personnes physiques actionnaires.
Outre son aspect incitatif, le projet de loi n'est donc pas dénué de tout intérêt financier.
A l'exception de l'Alliance de Gauche, l'ensemble des groupes parlementaires semble s'accorder sur le bien-fondé du projet de loi. Toutefois, une députée socialiste s'enquiert de l'inégalité de traitement qui pourrait exister entre les actionnaires de sociétés ayant distribué des dividendes et qui ont été normalement taxés sur ces montants, et ceux dont les sociétés les ont portés en compte, et qui pourront par conséquent bénéficier du tarif fiscal allégé également sur cette partie.
Un commissaire démocrate-chrétien rappelle que la loi de 1994, tout comme la loi fédérale, ne connaît pas cette distinction. L'introduire aujourd'hui reviendrait à créer une inégalité de traitement entre les sociétés déjà liquidées et celles en voie de l'être. D'autre part, une telle différenciation s'achoppe au droit de la société, qui est libre de distribuer des dividendes ou de constituer des réserves, à des fins de travaux par exemple.
Une commissaire socialiste rappelle que, lors du débat de 1994, un député de l'Alliance de Gauche avait proposé de limiter la réduction de l'impôt pour l'actionnaire-locataire devenant propriétaire, au dividende de l'année de liquidation, afin de ne pas encourager les sociétés à cumuler les dividendes dans le but de profiter de l'imposition allégée sur ces derniers.
Si cet aspect du projet de loi peut paraître effectivement choquant, le Département indique avoir réfléchi à un système limitant ce phénomène, mais avoir finalement renoncé à introduire des limites à la liquidation. En effet, il apparaît que l'introduction de contraintes dans un projet visant à faciliter la liquidation des sociétés immobilières par des avantages fiscaux risquerait de dénaturer le but poursuivi initialement. Par ailleurs, l'existence d'une double imposition, quelle que soit la politique de la société en matière de dividende, et l'importance relativement faible des bénéfices des sociétés immobilières en regard des sociétés commerciales limitent fortement l'ampleur du phénomène soulevé. Enfin, il est relevé que la grande majorité des cas de forte thésaurisation a déjà été liquidée.
Malgré les explications du département sur la pertinence d'une distinction entre sociétés distribuant des dividendes et sociétés les portant en compte, une proposition d'amendement est formulée par une députée socialiste, visant à ajouter la phrase suivante à l'article 1 de la loi :
« La situation est acquise en ce qui concerne le bénéfice non distribué jusqu'au 31 décembre 1999. Pour les exercices suivants, 2000, 2001,2002, et 2003, il conviendrait qu'il ait été distribué pour pouvoir bénéficier de la réduction. »
Avant de procéder au vote, il est sollicité à ce sujet l'avis de la cheffe du département, qui indique souhaiter s'en tenir à la version du Conseil d'Etat.
L'amendement est refusé par 7 oui (3 S, 1 Ve, 3 AdG) contre 7 non (3 L, 2 R, 2 DC) et l'article 1 est adopté dans sa version initiale.
Article 2 (entrée en vigueur de la loi)
L'entrée en vigueur au 1er janvier 2000 est acceptée par 11 oui (3L, 2 R, 2 DC, 3 S, 1 Ve) et 3 abstentions (3 AdG).
Au vote final, la loi est acceptée par 7 oui (3 L, 2 R, 2 DC) contre 7 abstentions (3 AdG, 3 S, 1 Ve).
Si aucun rejet fondamental de la loi n'a été exprimé, le refus de l'amendement à l'article 1 entraîne la rédaction d'un rapport de minorité.
Au vu de ce qui précède, nous vous recommandons, Mesdames et Messieurs les députés, de suivre les conclusions de la majorité.
Projet de loi(8151)
modifiant la loi sur l'imposition des personnes morales (mesures fiscales visant à favoriser la liquidation totale ou partielle des sociétés immobilières) (D 3 15)
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article. 1
La loi sur l'imposition des personnes morales, du 23 septembre 1994, est modifiée comme suit :
Art. 42, al. 3 (nouvelle teneur) et al. 5 (nouveau)
3 La liquidation et le dépôt de la réquisition de radiation de la société immobilière doivent intervenir au plus tard le 31 décembre 2003.
5 Lorsque l'actionnaire acquiert d'une société immobilière d'actionnaires-locataires, en propriété par étage et contre cession de ses droits de participation, la part de l'immeuble dont l'usage est lié aux droits cédés, l'impôt sur le bénéfice en capital réalisé par la société est réduit de 75 % si la société a été fondée avent le 1er janvier 1995. En outre, le transfert de l'immeuble à l'actionnaire doit être inscrit au Registre foncier au plus tard le 31 décembre 2003. A ces conditions, l'impôt sur l'excédent de liquidation obtenu par l'actionnaire est réduit dans la même proportion.
Article 2 Entrée en vigueur
La présente loi entre en vigueur le 1er janvier 2000.
Article 3 Modification à une autre loi (D 3 30)
La loi sur les droits d'enregistrement, du 9 octobre 1969, est modifiée comme suit :
Art. 189, al. 2 (nouvelle teneur) et al. 3 (nouveau)
2 La liquidation et le dépôt de la réquisition de radiation de la société immobilière doivent intervenir au plus tard le 31 décembre 2003.
3 Le droit de vente prévu à l'article 33 est également réduit de moitié dans les cas prévus à l'article 42, alinéa 5 de la loi sur l'imposition des personnes morales, du 23 septembre 1994, si le transfert de l'immeuble à l'actionnaire est inscrit au Registre foncier au plus tard le 31 décembre 2003.
RAPPORT DE LA MINORITÉ
Rapporteur: Mme Mariane Grobet-Wellner
La proposition du Conseil d'Etat de modification de l'article 42, alinéa 2 et alinéa 5 nouveau de la loi D 3 15 sur l'imposition des personnes morales est consécutive à la récente modification de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'impôt fédéral direct (IFD), visant entre autres à concrétiser une motion de Mme Saudan aux Chambres fédérales.
Elle vise l'encouragement de la liquidation totale ou partielle de sociétés immobilières par des allégements fiscaux de 75 % aussi bien au niveau de la personne morale sur le bénéfice de liquidation qu'au niveau de la personne physique - l'actionnaire - sur l'excédent de liquidation.
Les difficultés de liquidation des sociétés immobilières
Il s'est avéré que certaines sociétés immobilières d'actionnaires-locataires ont été dans l'impossibilité de procéder à une liquidation en l'absence de l'unanimité des actionnaires.
La possibilité de procéder à une liquidation partielle de la société immobilière règle ce problème.
La prolongation du délai permet à des actionnaires de bénéficier des mêmes avantages que ceux qui n'ont pas connu ces difficultés de l'unanimité dans leur société.
Egalité de traitement fiscal des sociétés immobilières
L'allégement fiscal de 75 % au niveau de la société immobilière n'est pas ou peu influencé par le moment de la liquidation, étant donné que son bénéfice est déterminé, pour l'essentiel, par la valeur de sortie de l'immeuble telle qu'établie par l'administration fiscale.
L'équité est ainsi préservée entre les sociétés qui ont déjà pu procéder à leur liquidation et celles qui vont pouvoir le faire dans les années à venir.
Inégalité de traitement fiscal des actionnaires-locataires
Tel n'est pas forcement le cas au niveau de la personne physique, l'actionnaire.
L'actionnaire bénéficie également d'un allégement fiscal sur l'excédent de la liquidation. Cet excédent est composé de différents éléments, dont les bénéfices reportés. Après avoir procédé à la constitution saine et normale de réserves et de disposition de liquidités de la société, l'actionnaire d'une société qui distribue ses bénéfices normalement a reçu des dividendes sur lesquels il a été imposé de façon ordinaire.
Le fait d'inclure la distribution de bénéfices reportés et non distribués dans le bénéfice de liquidation, bénéficiant d'un allégement d'imposition de 75 %, crée une inégalité de traitement fiscal totalement injustifiée entre les contribuables-actionnaires.
Proposition d'amendement
Les commissaires minoritaires de la Commission fiscale, tout en soulignant l'existence de cette injustice, ne demandent pas de pouvoir revenir sur cette inégalité de traitement en ce qui concerne le passé, à savoir y compris l'année 1999, pour ne pas créer d'autres inégalités.
Ils se limitent à vous proposer de ne pas les prolonger dans le temps, à savoir de l'an 2000 à l'an 2003, en vous proposant l'amendement suivant :
Art. 42, al. 5 (nouveau)
5 Lorsque l'actionnaire acquiert d'une société immobilière d'actionnaires-locataires, en propriété par étage et contre cession de ses droits de participation, la part de l'immeuble dont l'usage est lié aux droits cédés, l'impôt sur le bénéfice en capital réalisé par la société est réduit de 75 % si la société a été fondée avant le 1er janvier 1995. En outre, le transfert de l'immeuble à l'actionnaire doit être inscrit au Registre foncier au plus tard le 31 décembre 2003. A ces conditions, l'impôt sur l'excédent de liquidation obtenu par l'actionnaire est réduit dans la même proportion. La situation est acquise en ce qui concerne le bénéfice non distribué jusqu'au 31 décembre 1999. Par les exercices suivants, 2000, 2001, 2002 et 2003, il convient qu'il ait été distribué pour bénéficier de la réduction.
Cet amendement a été refusé de justesse par
7 OUI (3 S, 1 Ve, 3 AdG)
7 NON (3 L, 2 R, 2 DC)
L'égalité des voix s'est traduite en minorité pour ceux qui étaient en faveur de cette modification à la proposition du Conseil d'Etat, ayant pour seul but d'atténuer une inégalité injustifiée de traitement entre les contribuables.
Conclusion de la minorité
La prolongation du délai doit être effective au 1er janvier 2000.
Cet amendement n'enlève en rien l'élément incitatif de la loi en ce qui concerne la liquidation de sociétés immobilières. Il préserve les droits acquis de ceux qui n'ont pas pu liquider leur société dans les premiers délais fixés. De plus, il favorise les rentrées fiscales de l'Etat de Genève, en mettant fin à une importante incitation de ne pas distribuer « normalement » les bénéfices.
Le fonctionnement des sociétés immobilières est complexe, notamment au niveau fiscal. La rédactrice de ce rapport de minorité espère avoir été en mesure d'apporter quelques éclaircissements ici quant à la portée et l'importance de l'amendement proposé.
Ce sont les raisons pour lesquelles nous vous invitons à voter cet amendement.
Premier débat
Mme Marianne Grobet-Wellner (S), rapporteuse de minorité. Je n'ai rien à ajouter à mon rapport en tant que tel, mais je présente un amendement que je vais brièvement expliquer. Je pense que le but de cet amendement ressort clairement de mon rapport. Il s'agit, je le rappelle, de ne pas accorder le rabais de 75 % sur l'impôt dû en ce qui concerne les bénéfices non distribués. Le but est d'extraire de ce rabais d'impôt les bénéfices éventuellement non distribués des années 2000, 2001, 2002 et 2003. Il y a, à ce propos, une erreur de frappe dans mon rapport, à la page 9. Il est marqué « 2004 », mais c'est bien entendu « 2003 » qu'il convient de lire.
Je vous donne lecture de cet amendement à l'article 42, alinéa 2, alinéa qui ne figure pas, en l'état, dans le projet de loi 8151 :
«2 L'impôt dû par l'actionnaire sur l'excédent de liquidation constitué par la réserve sur l'immeuble et les réserves ouvertes comptabilisées au 31 décembre 1999 est réduit dans la même proportion. L'impôt dû par l'actionnaire sur l'excédent de liquidation constitué par les bénéfices d'exploitation non distribués des exercices 2000 à 2003 n'est pas réduit.»
Je présenterai un amendement dans le même sens pour l'alinéa 5 (nouveau) de l'article 42.
La raison de cet amendement est de ne pas créer d'inégalité avec les actionnaires de sociétés qui ont distribué le bénéfice et surtout de ne pas inciter certaines sociétés à attendre le dernier moment pour se liquider dans le but d'obtenir un rabais fiscal sur ces dividendes.
Mme Stéphanie Ruegsegger (PDC), rapporteuse de majorité. Cet amendement est peut-être plus clair et pourrait paraître plus acceptable que celui qui a été proposé dans le rapport de minorité. J'aimerais cependant rappeler les explications qui nous ont été données en commission sur cet amendement. Car sur le fond des deux amendements, c'est exactement la même chose.
Tout d'abord, cet amendement introduit une inégalité de traitement entre les sociétés qui ont déjà été liquidées et les sociétés qui sont en cours de liquidation. De plus, le département nous a indiqué avoir déjà réfléchi à une solution de ce type, mais y avoir renoncé en raison de la complication inutile qu'introduirait une telle disposition au vu du nombre de cas très réduit qui sont concernés.
Je vous invite par conséquent à suivre la position du département des finances et de sa cheffe et de voter la version du Conseil d'Etat.
M. Pierre Froidevaux (R). Le groupe radical vous encourage à soutenir le rapport de majorité défendu par Mme Ruegsegger, dont l'ensemble des arguments ont déjà été débattus dans ce Grand Conseil. Il s'agit en fait de proroger une loi, une loi qui a rendu d'énormes services à la population et à l'Etat, puisqu'elle a permis d'engranger par le biais de ces liquidations de sociétés immobilières près de 384 millions. Alors, nous vous recommandons de poursuivre sur la lancée, en rappelant que cette loi est en fait issue d'une motion, la motion Saudan. C'est vous dire à quel point nous ne pouvons que la soutenir !
L'élément fondamental qui est développé par le rapport de minorité consiste à introduire une inégalité de traitement - Mme Ruegsegger vient de vous l'expliquer - entre les sociétés immobilières qui sont déjà liquidées et celles qui sont en voie de liquidation. Cette mesure, proposée par certains dans ce Grand Conseil, est d'autant plus inique que ce sont les sociétés qui ont le plus de difficultés à assurer et à assainir leur situation qui sont ainsi visées par cet amendement.
Nous vous recommandons donc de rejeter cet amendement, comme la majorité de la commission fiscale l'a fait. Nous vous proposons de rejeter avec foi l'amendement proposé par Mme Grobet-Wellner et de suivre le rapport et les conclusions de Mme Ruegsegger.
Mme Christine Sayegh (S). Ce projet de loi est donc une application de la loi fédérale qui prolonge de quatre ans l'allégement fiscal en matière de liquidation de sociétés immobilières. Il est vrai que grâce à l'amendement Saudan, de Françoise Saudan, notre ancienne collègue, ces liquidations pourront se faire de manière partielle. Car vous savez sûrement tous qu'il faut dans la plupart de ces sociétés immobilières l'unanimité des actionnaires pour les liquider, ce qui n'est pas toujours facile à obtenir.
En l'espèce, l'amendement qui vous est proposé ce soir avait déjà été proposé il y a cinq ans lors de l'élaboration de la première loi d'application de la loi fédérale. Il n'a pas pour but de créer des inégalités, mais a pour but d'inciter à liquider. Si l'on n'incite pas à liquider, c'est-à-dire que l'on permette de reporter les bénéfices pendant quatre ans au lieu de les distribuer, afin d'obtenir 75 % de réduction fiscale sur l'ensemble des bénéfices non distribués pendant quatre ans - c'est effectivement une économie d'impôt tout à fait légale - les sociétés immobilières ne vont pas se liquider très rapidement. L'amendement touche l'actionnaire. Nous estimons que les 75 % de réduction fiscale sur le bénéfice que reçoit l'actionnaire ne doivent s'appliquer qu'au bénéfice de l'année de liquidation et non pas à des bénéfices accumulés pendant quatre ans. C'est donc une incitation à une liquidation et je vous encourage à la suivre.
M. Bernard Clerc (AdG). Lorsque nous avions discuté du premier projet de loi qui permettait cette liquidation jusqu'en 2001, notre groupe s'était opposé à ce que l'on aille au maximum de la déduction fiscale autorisée, à savoir 75 %. Car s'il y a quelque chose d'inique, Monsieur Froidevaux, c'est bien d'accorder un abattement fiscal de 75 % à des sociétés immobilières qui ont de fait profité d'exemptions fiscales à cause de leur statut.
Sur ce projet qui prolonge, qui proroge en fait la loi antérieure, notre groupe s'est abstenu en commission. En effet, l'on peut effectivement se poser la question de savoir s'il faut des régimes différenciés, dès le moment où la première loi a été adoptée, entre ceux qui ont bénéficié du projet initial et ceux qui bénéficieront de l'extension de ce projet. Cela étant, nous apporterons notre appui à l'amendement déposé par Mme Marianne Grobet-Wellner, parce que nous estimons en tout cas qu'il n'est pas normal qu'un certain nombre d'actionnaires accumulent les dividendes sans les distribuer, afin de bénéficier là encore d'un allégement fiscal supplémentaire.
Mme Marianne Grobet-Wellner (S), rapporteuse de minorité. Je crois que M. Froidevaux ne m'a peut-être pas tout à fait bien écoutée ou comprise. Vous parlez d'inégalité entre les actionnaires qui ont déjà liquidé et qui ont donc pu bénéficier de la réduction sur le report par rapport à ceux qui ne pourront plus le faire maintenant. Il n'y a en fait pas d'inégalité, parce que nous ne revenons pas sur l'acquis jusqu'à 1999, quoi que l'on en pense. Nous ne revenons pas là-dessus. C'est-à-dire que celui qui va liquider en l'an 2000 avec des bénéfices reportés jusqu'à et y compris 99, bénéficiera de la même réduction de 75 % que ceux qui ont déjà pu liquider. Par contre, ceux qui ont déjà liquidé ne vont évidemment pas profiter d'une réduction de 75 % sur les bénéfices ultérieurs, puisqu'ils ont déjà liquidé. Il n'y a donc pas d'inégalité. Je pense que vous m'aviez peut-être mal comprise. C'est très technique, j'en conviens. Mais je tenais à préciser que l'inégalité que vous semblez avoir vue dans mon amendement n'existe en fait pas, en tout cas pas en tant que telle.
Nous tenons à obtenir un maximum de liquidations de sociétés immobilières. Je rappelle qu'une bonne partie de ces sociétés n'ont pas pu être liquidées parce qu'il fallait recueillir l'unanimité des actionnaires jusqu'à tout récemment. Si nous nous offrons la possibilité d'obtenir 75 % de rabais sur des bénéfices qu'ils pourront faire dans les quatre ans à venir, plutôt que d'attendre le dernier moment pour liquider, nous introduisons bel et bien une incitation. C'est également dans ce but-là que j'ai proposé cet amendement.
M. Christian Grobet (AdG). Comme M. Bernard Clerc l'a indiqué, lorsque cette loi a été votée voici quatre ans, le groupe de l'Alliance de gauche était extrêmement réticent. Nous ne l'avons du reste pas votée, parce que, comme M. Clerc l'a rappelé, les sociétés immobilières ont pu bénéficier d'un régime fiscal allégé. S'il y a eu inégalité de traitement, c'est effectivement entre les sociétés immobilières et les propriétaires en nom qui ont, eux, payé normalement leurs impôts.
J'aimerais ce soir poser une question à Mme Calmy-Rey. Nous admettons que le problème des sociétés immobilières portant sur la propriété par actions est effectivement un cas particulier, parce qu'il y a eu des minorités de blocage. Maintenant que la loi proposée par Mme Saudan a été votée, il nous paraît légitime, puisque l'on a admis il y a quatre ans ce régime privilégié sur le plan fiscal, que ce régime puisse s'appliquer à ces sociétés immobilières-là, surtout que c'est peut-être pour les sociétés immobilières que ce changement de régime se justifie le mieux. En effet, beaucoup de propriétaires d'appartements par actions souhaiteraient évidemment pouvoir bénéficier du régime de la PPE qui les protège beaucoup mieux. La question que je pose à Mme Calmy-Rey, c'est de savoir combien il y a d'autres sociétés immobilières, notamment propriétaires d'immeubles commerciaux, qui n'ont aujourd'hui pas encore introduit de demandes devant le département des finances. Parce que je ne vois aucune raison de prolonger le régime privilégié pour de telles sociétés immobilières qui avaient tout loisir de déposer leur demande avant le 31 décembre de cette année. Mais j'aimerais savoir si l'on parle finalement de quelques cas particuliers ou s'il reste encore un grand nombre d'immeubles, qui ne sont pas des immeubles de propriété par actions, en main de sociétés immobilières.
Mme Micheline Calmy-Rey. L'Etat de Genève a pris dès 1995 des mesures qui visent à favoriser la liquidation des sociétés immobilières et ces mesures ont été couronnées de succès. Environ 1 500 sociétés immobilières sont entrées en liquidation depuis le 1er janvier 1995, générant pour les collectivités de très importantes recettes et permettant une meilleure visibilité de la propriété immobilière. Plus de 1 000 sociétés à Genève envisagent encore leur liquidation et l'on ne peut dès lors que se féliciter de la décision prise par les Chambres fédérales de prolonger jusqu'à fin 2003 la période pendant laquelle ces sociétés peuvent encore se liquider au bénéfice d'allégements.
Les dispositions contenues dans le projet de loi sont, en ce qui concerne les impôts cantonaux et communaux, identiques à celles déjà prises pour l'impôt fédéral direct. Ces dispositions prévoient une réduction de 75 % du taux de l'impôt dû par la société immobilière et même une réduction du taux de l'impôt dû par l'actionnaire sur l'excédent de liquidation qui lui revient. Cet excédent est constitué par les réserves sur immeuble et parfois par les bénéfices d'exploitation de plusieurs années qui n'ont pas été distribués sous forme de dividende à l'actionnaire.
Le projet de loi qui vous est soumis ce soir par le Conseil d'Etat, comme la loi sur l'impôt fédéral direct, prévoit que l'intégralité de l'excédent de liquidation bénéficie d'une réduction de 75 % du taux de l'impôt lorsqu'il est versé à l'actionnaire. La minorité de la commission fiscale constate, s'agissant des sociétés dont le bénéfice a été distribué, que les actionnaires ont payé leur impôt au plein tarif et cette minorité propose pour rétablir l'égalité que l'actionnaire paye à 100 % sur la contrepartie des réserves ouvertes.
Sur le principe, on ne peut que donner raison à la minorité de la commission. Mais toutes les liquidations qui ont été faites jusqu'à aujourd'hui l'ont été sous le régime qui est proposé dans le projet de loi. C'est vrai, la crainte évoquée par Mme Grobet-Wellner et la minorité est que les sociétés encore à liquider ne distribuent plus leurs dividendes dans l'espoir de faire bénéficier leurs actionnaires d'un abattement de 75 % au moment de la liquidation. Nous disons, lorsqu'on sait que la moyenne des liquidations s'élève à 300 000 F, que ces montants peuvent tout de même être dissuasifs, malgré l'abattement, et qu'il faut précisément, pour inciter aux liquidations des sociétés immobilières restantes, être incitatif et ne pas accepter l'amendement qui vous est proposé par la minorité.
Mme Marianne Grobet-Wellner (S), rapporteuse de minorité. Juste deux mots. Si un certain nombre de sociétés immobilières n'ont pas pu être liquidées à ce jour, ce n'est souvent pas pour des raisons économiques, mais par impossibilité. Il suffisait qu'un ou deux actionnaires s'y opposent pour rendre la chose impossible jusqu'à tout récemment. Je pense par contre que certaines sociétés immobilières pourraient être tentées de continuer d'attendre le dernier moment.
Je me répète, je suis désolée, mais je pense que c'est cela qui est important dans cet amendement, à savoir d'ôter cette tentation d'attendre le dernier moment pour liquider, avec l'espoir - ce n'est d'ailleurs pas seulement un espoir, mais c'est une certitude. Il ne faut donc pas parler d'espoir, je me corrige là-dessus, Madame la présidente - avec la certitude pour les sociétés qui procéderont ainsi d'avoir un gain de 75 % d'impôt sur le dividende non distribué.
M. Christian Grobet (AdG). Si j'ai bien compris, il y avait environ 4 500 à 5 000 sociétés immobilières - je n'ai pas très bien entendu le chiffre articulé par Mme Calmy-Rey, mais c'est ce que l'on me souffle ici. J'en déduis donc qu'il y a en tout cas 2 000 sociétés immobilières qui n'ont soit pas liquidé ou soit pas engagé la procédure. C'est donc un nombre important. Si l'on veut être incitatif et pousser celles qui n'ont rien fait jusqu'à présent à déposer une demande, il faudrait qu'elles comprennent que plus elles attendent, moins l'exonération sera importante. C'est la raison pour laquelle nous déposons un amendement qui vise à accorder le rabais de 75% uniquement aux sociétés immobilières ayant le statut de propriétaires de logements par actions - car c'est effectivement le motif principal de la prolongation de quatre ans du régime d'abattement - et aux sociétés immobilières qui ont déposé une requête au département avant le 31 décembre 1999.
Le président. En attendant l'amendement de M. Grobet, je fais voter l'entrée en matière du projet de loi 8151.
Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
Art. 42
M. Christian Grobet (AdG). Monsieur le président, pour faciliter votre tâche et celle des députés, j'ai repris dans mon amendement le texte intégral de l'article 42, alinéa 1 tel qu'il existe actuellement, étant donné que le projet de loi 8151 ne mentionne pas l'article 42 alinéa 1. Il ne reproduit en effet que les alinéas modifiés. Je propose donc de modifier le taux de 75 % à 50 % et d'ajouter une phrase accordant la dérogation de 75 % dans les deux cas auxquels j'ai fait allusion :
«1L'impôt sur le bénéfice en capital réalisé lors du transfert d'un immeuble à l'actionnaire par une société immobilière fondée avant le 1er janvier 1995 est réduit de 50 % si la société est dissoute. Ce taux est toutefois porté à 75 % pour les sociétés immobilières ayant le statut de propriété de logement par actions et pour les sociétés ayant déposé leur requête au département avant le 31 décembre 1999. »
Le président. Mesdames et Messieurs, dans les propositions d'amendements de Mme Grobet-Wellner qui vous ont été soumises figurent au verso les dispositions actuelles de la loi sur l'imposition des personnes morales. Cela vous permet de suivre les débats.
Mme Micheline Calmy-Rey. Mesdames et Messieurs, je vous encourage à ne pas voter l'amendement présenté par M. Grobet. Toutes les liquidations qui ont été faites jusqu'à ce jour l'ont été sur la base du projet de loi tel que nous l'avons déposé, selon ces modalités-là. Ce serait introduire, encore une fois avec le même argument que pour l'amendement de Mme Grobet-Wellner, une inégalité de traitement par rapport aux sociétés qui vont se liquider à partir de maintenant. Je vous encourage donc à ne pas voter cet amendement.
Mis aux voix, l'amendement présenté par M. Grobet est rejeté.
Le président. Nous sommes saisis d'un amendement de Mme Grobet-Wellner dont vous avez le texte devant vous et dont je vous redonne lecture. Il concerne l'article 42, alinéa 2 :
«2L'impôt dû par l'actionnaire sur l'excédent de liquidation constitué par la réserve sur l'immeuble et les réserves ouvertes comptabilisées au 31 décembre 1999 est réduit dans la même proportion. L'impôt dû par l'actionnaire sur l'excédent de liquidation constitué par les bénéfices d'exploitation non distribués des exercices 2000 à 2003 n'est pas réduit. »
Mis aux voix, cet amendement est adopté.
Le président. Nous en sommes à l'article 42, alinéa 3. Une proposition d'amendement figure en page 4 du rapport. Je vous en donne lecture : « La situation est acquise en ce qui concerne le bénéfice non distribué jusqu'au 31 décembre 1999. Pour les exercices suivants, 2000, 2001, 2002 et 2003, il conviendrait qu'il ait été distribué pour pouvoir bénéficier de la réduction. »
Mme Marianne Grobet-Wellner (S), rapporteuse de minorité. Excusez-moi, Monsieur le président, mais je crois que l'article 42, alinéa 3 n'est, sauf erreur, pas modifié ! Cet amendement a été refusé en commission. Il y a par contre un nouvel alinéa 5.
Le président. Oui, Madame, vous avez raison ! L'alinéa 3 n'est pas modifié.
Mme Marianne Grobet-Wellner (S), rapporteuse de minorité. La loi actuelle ne contient pas d'alinéa 5. Le Conseil d'Etat propose, dans son projet de loi, d'introduire un nouvel alinéa 5. A ce nouvel alinéa 5, je propose un amendement visant à compléter la proposition du Conseil d'Etat.
Le président. Je vous donne lecture de l'amendement proposé par Mme Grobet-Wellner à l'alinéa 5 :
«5Lorsque l'actionnaire [...] au plus tard le 31 décembre 2003. A ces conditions, l'impôt dû par l'actionnaire sur l'excédent de liquidation constitué par la réserve sur l'immeuble et les réserves ouvertes comptabilisées au 31 décembre 1999 est réduit dans la même proportion. L'impôt dû par l'actionnaire sur l'excédent de liquidation constitué par les bénéfices d'exploitation non distribués des exercices 2000 à 2003 n'est pas réduit. »
Mis aux voix, cet amendement est adopté.
Mis aux voix, l'article 42 ainsi amendé est adopté.
Mis aux voix, l'article 1 (souligné) est adopté, de même que les articles 2 et 3 (soulignés).
Troisième débat
Mme Stéphanie Ruegsegger (PDC), rapporteuse de majorité. J'aimerais simplement dire que je regrette bien évidemment le vote de ces deux amendements, mais il importe que la loi puisse entrer en vigueur le plus rapidement possible, même si c'est dans la version adoptée par ce parlement. Je vous invite donc à voter ce projet de loi.
Ce projet est adopté en troisième débat, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
Loi(8151)
modifiant la loi sur l'imposition des personnes morales (mesures fiscales visant à favoriser la liquidation totale ou partielle des sociétés immobilières) (D 3 15)
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article. 1
La loi sur l'imposition des personnes morales, du 23 septembre 1994, est modifiée comme suit :
Art. 42, al. 2 et 3 (nouvelle teneur) et al. 5 (nouveau)
2 L'impôt dû par l'actionnaire sur l'excédent de liquidation constitué par la réserve sur l'immeuble et les réserves ouvertes comptabilisées au 31 décembre 1999 est réduit dans la même proportion. L'impôt dû par l'actionnaire sur l'excédent de liquidation constitué par les bénéfices d'exploitation non distribués des exercices 2000 à 2003 n'est pas réduit.
3 La liquidation et le dépôt de la réquisition de radiation de la société immobilière doivent intervenir au plus tard le 31 décembre 2003.
5 Lorsque l'actionnaire acquiert d'une société immobilière d'actionnaires-locataires, en propriété par étage et contre cession de ses droits de participation, la part de l'immeuble dont l'usage est lié aux droits cédés, l'impôt sur le bénéfice en capital réalisé par la société est réduit de 75 % si la société a été fondée avant le 1er janvier 1995. En outre, le transfert de l'immeuble à l'actionnaire doit être inscrit au Registre foncier au plus tard le 31 décembre 2003. A ces conditions, l'impôt dû par l'actionnaire sur l'excédent de liquidation constitué par la réserve sur l'immeuble et les réserves ouvertes comptabilisées au 31 décembre 1999 est réduit dans la même proportion. L'impôt dû par l'actionnaire sur l'excédent de liquidation constitué par les bénéfices d'exploitation non distribués des exercices 2000 à 2003 n'est pas réduit.
Article 2 Entrée en vigueur
La présente loi entre en vigueur le 1er janvier 2000.
Article 3 Modification à une autre loi (D 3 30)
La loi sur les droits d'enregistrement, du 9 octobre 1969, est modifiée comme suit :
Art. 189, al. 2 (nouvelle teneur) et al. 3 (nouveau)
2 La liquidation et le dépôt de la réquisition de radiation de la société immobilière doivent intervenir au plus tard le 31 décembre 2003.
3 Le droit de vente prévu à l'article 33 est également réduit de moitié dans les cas prévus à l'article 42, alinéa 5 de la loi sur l'imposition des personnes morales, du 23 septembre 1994, si le transfert de l'immeuble à l'actionnaire est inscrit au Registre foncier au plus tard le 31 décembre 2003.