République et canton de Genève

Grand Conseil

P 1254-A
13. Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition pour un quartier et une route de Malagnou plus sûrs et moins bruyants. ( -)P1254
Rapport de Mme Juliette Buffat (L), commission des pétitions

En date du 7 juin 1999, le Groupe d'habitants du quartier et de la route de Malagnou a déposé une pétition signée par 1201 riverains auprès du Grand Conseil qui l'a transmise à la Commission des pétitions. Cette dernière l'a traitée sans retard lors de ses séances des 28 juin et 5 juillet 1999, sous la sympathique présidence de M. Louis Serex, le procès-verbal étant confié à l'habile plume de Mme Pauline Schaefer.

La teneur de la pétition est la suivante :

Pétition(1254)

« pour un quartier et une route de Malagnou plus sûrs et moins bruyants »

Mesdames et

Messieurs les députés,

Considérant que les intentions politiques de nos autorités en matière de réseau routier genevois sont claires, si l'on s'en tient au plan de mesures du Conseil d'Etat (de mars 1991) prévoyant une diminution de la circulation à l'horizon 2002, à celui des mesures d'assainissement du bruit routier (en voie d'adoption), au plan de circulation 2000 et au projet de plan de circulation 2005, ainsi qu'au plan de développement des transports publics (TC 2005).

Considérant qu'à ce jour, les différentes mesures préconisées par ces plans n'ont pas trouvé une application efficace et suffisante dans le quartier de Malagnou et notamment à la route de Malagnou, afin que cesse la situation actuelle, préoccupante pour la santé et la qualité de vie de ses habitants.

Considérant que la route de Malagnou est un des principaux axes de circulation de Genève, canalisant à travers le quartier de Malagnou, de jour comme de nuit, un trafic dense de véhicules ; que les automobilistes s'y déplacent souvent à une vitesse supérieure à la limite générale (50 km/h) en violation des règles de la circulation non sanctionnées en l'absence de contrôle effectif de police ; que le bruit engendré dans le quartier de Malagnou par ce trafic et cette vitesse est forcément supérieur à la normale, avec le revêtement actuel de ladite route ; que de nombreux accidents de voitures y sont observés, parfois accompagnés de mort d'homme ou d'enfant ; que la présence de plusieurs écoles situées le long de cette route n'est pas signalée ; enfin que cette route, quelle que soit la prudence mise à la traverser, représente pour tout piéton, a fortiori pour un écolier, un risque important.

Par conséquent, Nous, soussignés pétitionnaires, vous demandons que soit engagée, dans les meilleurs délais, une étude sérieuse, pragmatique et ouverte à une véritable concertation sur la route de Malagnou et le quartier de Malagnou, avec pour objectifs une amélioration de la sécurité routière, une vitesse du trafic globalement diminuée et une réduction du bruit, notamment au moyen de l'élargissement de l'offre de transports publics et la création de parkings d'échanges. Et comme premières mesures rapidement réalisables, nous vous demandons le changement du revêtement actuel de la route de Malagnou, la signalisation de la présence d'écoles et d'enfants à ses abords, ainsi que la modification des phases de feux pour tenir compte des besoins des piétons.

N.B. : 1201 signatures

Groupe d'habitants du quartier et de la route de MalagnouRoute de Malagnou 49, 1208 Genève

Monsieur Yves Carel, 40d, route de Malagnou, 1208 Genève

Travaux de la commission

Audition des pétitionnaires : Mme Susana Losada du Groupe des habitants du quartier et de la route de Malagnou, M. Yves Carel, responsable de la pétition, et M. Yves Barbon, président de l'Association des parents d'élèves du quartier Champel/Malagnou (28 juin 1999) :

Devant la situation catastrophique que vivent les habitants des rives de la route de Malagnou, s'est constitué un groupe d'habitants fortement motivés à entreprendre des démarches pour obtenir des informations et rédiger une pétition afin de dénoncer cette situation et de lui trouver des remèdes. En effet, la route de Malagnou est un axe routier important aux portes de Genève où défilent environ 30'000 véhicules par jour, responsables de beaucoup de nuisances pour les riverains qui y sont domiciliés. Les nuisances dénoncées sont de plusieurs ordres :

nuisances sonores dues au passage des voitures, en particulier aux heures de pointe, aux excès de vitesse et au revêtement routier ancien, ce qui fait que les valeurs limites normales sont largement dépassées ;

dangers pour les enfants qui fréquentent les sept établissements scolaires qui se trouvent le long de la route de Malagnou et qui ne sont pas correctement signalés ;

dangers pour les enfants et les piétons qui doivent traverser cet axe routier où les passages pour piétons sont en nombre insuffisant et peu sûrs en raison des fréquents excès de vitesse et du non-respect des feux et du temps de passage au vert trop court pour beaucoup de piétons jeunes ou âgés ;

dangers pour les cyclistes car certaines pistes cyclables s'arrêtent brusquement et que les voies des TPG sont mal indiquées au sol ;

fréquents accidents de la circulation en raison des nombreux chemins qui débouchent sur la route de Malagnou et du manque de visibilité aux croisements ainsi que du manque de respect des règles de circulation ;

pollution atmosphérique importante due au trafic intense.

Tous ces éléments créent un climat d'insécurité générale pour les habitants du quartier qui revendiquent qu'on prenne rapidement des mesures utiles et efficaces afin de diminuer les nuisances sonores et d'améliorer la qualité de vie et la sécurité sur cet axe routier.

Parmi ces mesures demandées, on peut citer :

l'exécution d'une étude de remodelage du paysage de la route de Malagnou, étude à mener en concertation avec les habitants riverains ;

l'augmentation du nombre des passages pour piétons, des feux rouges, des indicateurs de vitesse et des radars ;

le changement du revêtement routier actuel pour un revêtement antibruit ;

l'amélioration de la signalisation des écoles et des passages pour enfants ;

la réalisation du projet de parking d'échange P+R à Sous-Moulin et la prolongation de la ligne du bus no 6 afin de donner une priorité aux TPG et de diminuer le trafic des pendulaires.

Les pétitionnaires nous ont fourni un dossier complémentaire lors de leur audition, qui comprend des explications plus détaillées sur leurs motifs et demandes, des copies de courrier avec différents services de notre canton et des coupures d'articles de presse.

Audition de M. Freddy Wittwer, directeur de l'Office des transports et de la circulation, ci-dessous l'OTC (28 juin 1999)

Les réponses de M. Wittwer aux questions des pétitionnaires et des députés sont les suivantes :

le problème du dépassement des seuils de tolérance établis pour les nuisances sonores est un problème général à Genève et on lui cherche des solutions afin d'y remédier ;

le problème du revêtement antibruit est qu'il est plus lisse et glissant donc moins sûr car moins adhérent ;

en ce qui concerne la signalisation des écoles et l'installation de « kit-école », il faut s'adresser au DAEL ;

il va vérifier s'il existe des zones de conflit sur la route de Malagnou entre le trafic des voitures et celui des piétons, mais il précise que les ondes vertes pour les voitures sont calculées sur une vitesse moyenne de 40 km/h, ce qui a permis de considérablement ralentir la vitesse du trafic, et que le temps calculé par des spécialistes pour traverser les passages piétons est particulièrement long à Genève en comparaison avec d'autres villes ou cantons suisses, donc particulièrement sûr ;

quant au projet de créer un parking P+R à Sous-Moulin, il est en cours d'étude et l'étude d'impact vient d'être achevée.

Discussion

Plusieurs députés qui fréquentent régulièrement cette région de notre canton reconnaissent que certains automobilistes manquent de discipline et ne respectent pas toujours les feux rouges ou la limitation de vitesse à 60 km/h tout le long de la route de Malagnou. Mais cette route est une grande pénétrante en ville de Genève depuis très longtemps et les habitants des nombreux immeubles qui s'y sont construits ces dernières années sont donc venus habiter là en toute connaissance de cause. De plus, à force de vouloir ralentir le trafic routier, on a tendance à augmenter encore les nuisances sonores (feux, ralentissements, gendarmes couchés, stop, etc.) ou à simplement détourner le trafic, ce qui ne fait que déplacer le problème ailleurs. D'autres députés contestent l'installation de kit-écoles supplémentaires étant donné qu'aucun des sept établissements scolaires incriminés ne semble avoir de sortie directe sur l'axe routier incriminé.

Bien que l'ensemble de la commission soit sensible aux différents problèmes exposés par ces riverains de la route de Malagnou, les avis divergèrent quant à l'issue à donner à cette pétition. Certains députés étaient favorables à la renvoyer au Conseil d'Etat pour lui demander d'effectuer l'étude de remodelage souhaitée par les pétitionnaires, alors que d'autres pensaient qu'on pouvait faire confiance aux différentes études entreprises par l'OTC et déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.

Vote

La proposition de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil est acceptée par 5 OUI (1 DC, 2 R, 2 L) contre 3 NON (1 AdG, 2 S).

Nous vous proposons donc, Mesdames et Messieurs les députés, de suivre l'avis de la majorité de la commission et de voter le dépôt sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement.

Débat

Mme Juliette Buffat (L), rapporteuse. Je voudrais ajouter une ou deux choses à mon rapport, qui semble avoir été controversé par les pétitionnaires.

Ceux-ci sont des habitants du quartier de Malagnou, qui se plaignent de vivre une situation catastrophique en raison des nuisances sonores dont ils sont victimes, au voisinage de la route de Malagnou. Ils se plaignent aussi des dangers que représente cette circulation pour leurs enfants et du manque de signalisation des écoles sises le long de cette route. A l'audition de M. Wittwer de l'OTC, nous avons eu un certain nombre de réponses aux questions des pétitionnaires, à savoir qu'effectivement le problème du dépassement des seuils de tolérance est un problème général à Genève et non spécifique à la route de Malagnou ; que le revêtement antibruit réclamé par les pétitionnaires est aussi plus lisse et glissant et donc moins sûr ; que les écoles ne sont pas signalisées mais qu'aucune ne donne directement sur la route de Malagnou ; enfin, que le projet de créer un parking d'échange P+R à la route de Sous-Moulin est effectivement en cours d'étude.

Ainsi, nous nous sommes dit que pour régler le problème de la route de Malagnou il faudrait déplacer le trafic routier sur un autre axe, ce qui déplacerait le problème ailleurs. Les pétitionnaires demandent une étude qui associerait les habitants du quartier. Nous avons proposé, à la majorité des commissaires présents au début du mois de juillet, de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.

Le président. La parole est à Mme Dallèves-Romaneschi.

Mme Caroline Dallèves-Romaneschi (Ve). Monsieur le président, je demande lecture de la lettre qui vous a été envoyée par les pétitionnaires. Je prendrai la parole ensuite.

Le président. Madame la secrétaire, veuillez, s'il vous plaît, procéder à la lecture de ce document.

Lettre

2

Mme Caroline Dallèves-Romaneschi (Ve). Mesdames et Messieurs, cette pétition a réuni en commission, vous venez de l'entendre lors de la lecture de cette lettre, une majorité de circonstance qui a décidé de son dépôt, c'est-à-dire de la jeter à la corbeille à papier ! Or, profiter de ce hasard ou de ce dysfonctionnement pour jeter au panier l'inquiétude et le mal-être de ces citoyens, c'est bien autre chose que de la négligence : c'est du mépris ! Ce mépris n'a d'égal que la langue de bois dont nous a gratifiés le directeur de l'OTC lors de son audition.

Ainsi, M. Wittwer nous a dit : «Le problème du dépassement des seuils de tolérance établis pour les nuisances sonores est un problème général à Genève et on lui cherche des solutions afin d'y remédier», mais d'y remédier, ajouterais-je, en prenant son temps ! Autre exemple : «En ce qui concerne la signalisation des écoles et l'installation de kit-école, il faut s'adresser au DAEL.» Mais combien de départements faudra-t-il donc questionner et combien de pétitions faudra-t-il déposer pour que quelqu'un se sente vraiment concerné par le problème ?

Des citoyens habitant aux alentours d'une artère pénétrante, la route de Malagnou, souffrent du bruit, s'inquiètent du danger, constatent un nombre élevé d'accidents. Ce nombre élevé est un fait, non une invention - j'en ai été témoin moi-même à plusieurs reprises - et il s'agit parfois d'accidents mortels. Mais bien sûr les morts ne se plaignent pas, ni ne votent ! Et qui, dans ce département, se souvient encore d'une jeune cycliste de 18 ans tuée par une voiture, il y a moins de deux ans, à la hauteur du Musée de l'horlogerie, alors qu'elle roulait en parfaite conformité avec les règles de la circulation ?

Mesdames et Messieurs les députés, la circulation à Genève est vraiment un dossier qui ne semble pas être maîtrisé actuellement. Ce n'est pas un hasard si c'est la quatrième pétition qui en traite ce soir. Pourquoi est-il possible à Paris, par exemple, de réaliser en plein centre-ville une coulée verte d'une dizaine de kilomètres dédiée aux piétons et aux promeneurs ? Oui, même à Paris où la circulation n'a jamais été un modèle jusqu'à présent, des idées nouvelles apparaissent et se réalisent. Nous lançons un appel d'urgence pour que de telles idées viennent enfin nous réveiller, ici à Genève !

M. Rémy Pagani (AdG). J'ai été atterré, c'est le mot, en lisant les conclusions des commissaires qui se sont réunis pour jeter au panier cette pétition ! J'ai été d'autant plus atterré que les mêmes qui étaient à l'avant-garde pour prôner la démocratie de quartier, pour défendre l'idée de diviser la Ville de Genève en huit communes sous prétexte de remettre la démocratie au milieu du village, envoient purement et simplement au panier les propositions des habitants, quand il s'agit de prendre réellement la mesure de la démocratie de quartier, c'est-à-dire de suivre les options choisies par ceux qui vivent concrètement les choses et de prendre au sérieux leurs propositions. C'est inadmissible, mais cela fait partie de la réaction au progrès - car c'est un progrès notable de la part de nos concitoyens que d'envisager de telles solutions, de soutenir la politique que nous défendons depuis des années, consistant à ralentir le trafic automobile en ville de Genève et à en expulser les pendulaires, en les invitant à utiliser les parkings d'échange.

Voilà des citoyens qui prennent leurs affaires en main, et que leur répondons-nous ? On met cette pétition au panier ! Nous estimons que c'est déplorable pour notre image, même si c'est une majorité de circonstance qui a décidé de donner ce signe-là à nos concitoyens. Je le dis d'autant plus que les pseudo-explications données dans le rapport me paraissent scandaleuses. Ainsi, on nous explique que les locataires, les habitants qui se sont installés sur la route de Malagnou savaient très bien quel type de trafic ils allaient subir. En l'occurrence, ce n'est pas vrai, Mesdames et Messieurs les députés : depuis que ces habitants se sont installés, depuis dix ans, quinze ans, voire vingt ans pour certains, le trafic automobile n'a cessé d'augmenter. Il est donc absurde de prétendre que ces personnes étaient au courant de ce qui allait se passer, et de ce qui risque de se passer si le gouvernement actuel ne prend pas des dispositions pour juguler le trafic qui s'engouffre dans ces pénétrantes.

J'espère que nous ferons preuve d'honnêteté, de civisme et de logique vis-à-vis de la politique que nous avons voulu imposer en tant que majorité de gauche, et que nous défendrons cette pétition en la renvoyant au Conseil d'Etat. J'espère aussi que le département de M. Ramseyer arrêtera d'énoncer des poncifs et se mettra véritablement au travail, notamment pour supprimer le trafic de transit. Mon voeu serait de voir un jour se développer le même type de mesures à la rue des Deux-Ponts, située dans un quartier populaire, contrairement au quartier de «riches» qu'est la rue de Malagnou.

Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Les préopinants ont déjà fait un certain nombre de commentaires pertinents, j'en ajouterai quelques-uns, pertinents aussi j'espère !

Pour le groupe socialiste, il est inacceptable de laisser entendre, comme c'est le cas dans ce rapport, que les habitants de la route de Malagnou devaient être conscients des nuisances engendrées par cette grande pénétrante et qu'en conséquence ils n'ont qu'à déménager ou à continuer à les subir. Nous pensons qu'il est de notre devoir non seulement d'écouter les doléances des habitants, mais aussi de faire ce qui est en notre pouvoir pour y remédier. Or, le rapport donne l'impression que l'on est sensible aux problèmes des riverains, mais qu'il n'y a rien à entreprendre de nouveau. Pourtant, des propositions concrètes ont été avancées qui méritent d'être traitées avec sérieux.

En ce sens, nous appuyons les pétitionnaires qui demandent une étude visant à revoir globalement le problème de la circulation à la route de Malagnou, en concertation avec les habitants, afin de trouver des solutions équitables, tenant compte à la fois de leurs intérêts et des contraintes inhérentes à la situation de cet axe. Nous souhaitons donc aussi renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat.

M. Philippe Glatz (PDC). Je dois exprimer ici une position personnelle, mais j'espère bien convaincre quelques députés ! Je suis favorable au renvoi de cette pétition devant le Conseil d'Etat, car le problème des nuisances sonores est un problème grave. A ce titre, je souhaiterais entendre M. le conseiller d'Etat chargé des transports, qui interviendra peut-être tout à l'heure, car je crois qu'il existe, dans le cadre de la législation fédérale, une obligation de pallier les nuisances sonores. Je voudrais ici souligner le niveau élevé de ces nuisances à la route de Malagnou - je souhaiterais de plus que l'examen de cette problématique soit étendu à la route de Chêne.

Nous devons faire quelque chose pour réduire les nuisances sonores, qui sont très importantes sur ces axes de pénétration. Il ne s'agit pas, Mesdames et Messieurs, d'interdire la circulation, pas du tout, mais de prendre des mesures adéquates et actives, de manière à réduire le niveau sonore. Nous ne pouvons nous satisfaire des réponses de l'OTC, en particulier lorsqu'il dit que «le problème du revêtement antibruit est qu'il est plus lisse et glissant, donc moins sûr...» Il existe des revêtements antibruit qui sont très efficaces, qui ont été posés, cela a été dit, ici même à Genève et dans d'autres villes de Suisse. Il est possible aussi de construire des murs antibruit, qui permettraient également de réduire ces nuisances sonores. J'estime qu'il est de notre devoir de faire quelque chose pour atténuer ces nuisances.

J'espère avoir réussi à convaincre quelques personnes, de manière que nous puissions renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat.

M. Christian Brunier (S). Je crois que ce n'est pas un scoop : à tort ou à raison, une bonne partie de la population aujourd'hui doute de l'efficacité du pouvoir politique, notamment parce que nous ne sommes pas toujours capables de répondre à ses préoccupations quotidiennes.

La densité du trafic, la vitesse de circulation sont des préoccupations légitimes de la population. Aujourd'hui, un groupe d'habitants du quartier de Malagnou - quartier pas forcément très proche des milieux de gauche - a décidé de prendre son destin en main, a décidé de faire de la citoyenneté active, comme nous le souhaitons très souvent, et a présenté une pétition. Cette pétition est très modérée, elle reconnaît dans ses invites que la solution n'est pas simple et que la route de Malagnou est un axe important, mais elle demande de trouver des moyens pour modérer la circulation sur cette pénétrante. Les réponses que la majorité de la commission nous propose sont complètement hallucinantes.

Je prends le rapport à la page 5 et je lis la première réponse : «Le problème du dépassement des seuils de tolérance établis pour les nuisances sonores est un problème général à Genève...» Excusez-moi, Mesdames et Messieurs les députés, mais selon qu'on habite en campagne ou au bord de la route de Malagnou, le problème est totalement différent et faire l'amalgame est une grave erreur.

Deuxième réponse : «Le problème du revêtement antibruit est qu'il est plus lisse et glissant, donc moins sûr car moins adhérent.» Je rappelle que ce revêtement a été utilisé au boulevard Helvétique, au pont de Lancy. Comment expliquer à la population que, sur ces grands axes, ce revêtement est tout à fait acceptable, mais qu'à la route de Malagnou il est complètement impossible, car trop glissant ?

Dans la troisième réponse, on botte en touche en disant que la signalisation n'est pas de la compétence du département en question. Alors que la pétition est adressée à l'Etat, au Grand Conseil, on répond aux habitants qu'il faut s'adresser au DAEL. Dans le style non-réponse, je crois qu'on ne peut pas faire beaucoup mieux !

Ensuite, et c'est le summum, on explique que les feux sont calculés sur une vitesse moyenne de 40 km/h. J'invite tous les députés qui prétendent que cette réponse est adéquate à se poster au stop de la rue Henri-Mussard, ou au stop de la rue Henri-Spiess, et d'observer le fort trafic qui vient de l'autoroute Blanche : ils verront que, loin de 40 km/h, c'est plutôt un départ de Formule 1 !

On continue dans l'hérésie totale, en prétendant que le temps de traversée des passages piétons est particulièrement long à Genève en comparaison avec d'autres villes ou cantons. Alors, là aussi, Mesdames et Messieurs les députés qui défendez les conclusions de la commission, mettez vos enfants sur le bord de la route de Malagnou et calculez la longueur des feux pour piétons. Par ailleurs, il ne faut pas oublier qu'une bonne partie des passages piétons de cette rue ne sont pas équipés de feux et qu'ils ressemblent plus à des coupe-gorge pour les enfants qu'à de véritables passages de sécurité.

Enfin, on termine en disant que cette route est, depuis très longtemps, une grande pénétrante de la ville de Genève et que les habitants des nombreux immeubles qui ont été construits ces dernières années s'y sont donc installés en toute connaissance de cause. En l'occurrence, comme M. Pagani l'a dit tout à l'heure, la circulation a sensiblement augmenté ces dernières années, j'espère que vous vous en êtes rendu compte ! De plus, en poussant ce raisonnement à l'extrême, on pourrait dire que tous les gens qui habitent à côté de l'aéroport ne doivent pas se plaindre du bruit des avions, ou que les gens qui habitent à côté de la station d'épuration n'ont qu'à se boucher le nez pour vivre convenablement !

Bref, ces réponses sont tout à fait inacceptables, indécentes et dangereuses pour l'avenir de la politique. Nous ne pouvons rester insensibles à de véritables problèmes que vivent les gens quotidiennement dans leur quartier et nous devons donc tenter - même si la solution n'est pas simple, comme le précise la pétition elle-même - de résoudre ces problèmes et d'arrêter de rester les bras ballants, après avoir donné des réponses dignes des Bidochon ou du gros beauf du «Canard enchaîné», qui ne provoquent que la déception au sein de la population et la ruine du monde politique !

M. Olivier Vaucher (L). J'aimerais brièvement relever une chose. MM. Pagani, Brunier et d'autres crient au scandale en disant que nous ne tenons pas compte des avis des citoyens qui nous ont élus. M. Brunier dit aussi que la population perd confiance dans ses politiciens. Mais, Mesdames et Messieurs des bancs d'en face, à voir ceux qui étaient présents en commission, ne pensez-vous pas qu'il soit tout aussi scandaleux de ne pas assister aux séances de commission, alors que les gens nous ont élus pour faire un certain travail, y compris dans les commissions ? Prenez-en acte, s'il vous plaît !

M. Luc Gilly (AdG). Je serai plus calme que M. Vaucher, et très bref parce que tout a été dit.

J'ai habité seize ans à la route de Malagnou et je dois dire que les choses ont hélas régulièrement empiré : les seuls soirs où je dormais bien, c'étaient les soirs où il avait neigé. Depuis, j'ai émigré à la rue des Pâquis, dans un immeuble où il y a beaucoup moins de bruit. Vous comprendrez que si je trouve les Pâquis «calmes», c'est que je dormais très mal à Malagnou, et ceci pendant seize ans, Monsieur Vaucher !

Aussi, j'aimerais bien qu'on respecte un peu plus la démocratie et les associations de quartier qui se constituent. A l'époque, j'avais essayé de constituer un groupe, mais j'étais chevelu et encore plus barbu qu'aujourd'hui et il m'avait été impossible de réunir les gens : ils ne me faisaient pas confiance, c'est dommage ! Cela dit, il n'y a pas que des riches à Malagnou : j'habitais dans une charmante maison près du Musée d'histoire naturelle, à 110 balles le mois !

M. Gérard Ramseyer. J'aimerais franchement dire que j'en ai un peu assez ! Mme Dallèves, qui n'était même pas présente lors du vote en commission, parle du département, M. Brunier parle du département... Mesdames et Messieurs les députés, je vous renvoie à la page 5 du rapport. Prenez connaissance de la discussion : une moitié de la commission disait une chose, l'autre moitié disait le contraire ! La seule chose sur laquelle vous arrivez à vous mettre à peu près d'accord, c'est que c'est la faute au département !

Celui-ci a pris note de la pétition, il y donnera suite. Il y a un problème de bruit, mais c'est le problème de sécurité qui a été cité en premier. Il est vrai que si une onde verte a été réduite, elle a fatalement comme objectif de ralentir la circulation. Vous ne pouvez pas prétendre le contraire. J'ai déjà eu l'occasion de dire qu'il y avait 400 000 ingénieurs de la circulation à Genève ; ce soir, je constate qu'il y a également 400 000 directeurs de police : toutes les suggestions sont les bienvenues!

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, la commission vous propose le dépôt de la pétition sur le bureau et une proposition a été faite de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat. Nous votons les conclusions de la commission.

Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont rejetées.

Le président. Le dépôt sur le bureau étant refusé, cette pétition est donc renvoyée au Conseil d'Etat.

La pétition est renvoyée au Conseil d'Etat.