République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 18 novembre 1999 à 17h
54e législature - 3e année - 1re session - 54e séance
PL 8145
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article 1
La loi générale sur le logement et la protection des locataires, du 4 décembre 1977, est modifiée comme suit :
Art. 42, al. 1 (nouvelle teneur)
al. 2 (nouveau, les al. 2 à 8 anciens devenant les al. 3 à 9)
1 Pendant toute la durée du contrôle des loyers institué par l'article 1, alinéa 3, l'état locatif agréé de l'immeuble ne peut être modifié qu'en raison de la diminution légale des prestations de l'Etat, de l'adaptation des fonds propres à l'évolution du coût de la vie et de l'évolution des conditions d'exploitation des immeubles, notamment des variations du taux des intérêts des dettes hypothécaires et du coût des travaux d'entretien et de réparation, sans préjudice des besoins d'alimentation des réserves pour l'entretien. L'article 24, alinéa 2 est réservé.
2 Pour calculer l'adaptation des fonds propres à l'évolution du coût de la vie, les fonds propres d'origine, majorés de la moitié des amortissements effectués, sont indexés à l'évolution de l'indice officiel suisse des prix à la consommation. L'indice de base est celui existant à la date d'entrée moyenne des locataires. Cette adaptation peut intervenir chaque année, à condition qu'il ne s'agisse pas d'une année au cours de laquelle l'état locatif de l'immeuble est majoré en raison d'une diminution des prestations de l'Etat.
Article 2 Entrée en vigueur
La loi entre en vigueur le 1er janvier qui suit la date de promulgation.
EXPOSÉ DES MOTIFS
L'objet de ce projet de loi est d'améliorer l'attrait de Genève pour les investisseurs, plus particulièrement pour ceux qui investissent dans le logement social, en supprimant un désavantage comparatif du système actuel avec le système des loyers dits libres.
Pendant toute la durée du contrôle des loyers institué par la LGL, l'état locatif agréé de l'immeuble ne peut être modifié qu'en raison de la diminution légale des prestations de l'Etat et de l'évolution des conditions d'exploitation des immeubles, notamment des variations du taux des intérêts des dettes hypothécaires et du coût des travaux d'entretien et de réparation.
Le système actuel ne permet pas que les loyers des appartements subventionnés soient indexés à l'évolution de l'indice suisse des prix à la consommation (ISPC) ou que les fonds propres investis par le bailleur dans l'immeuble, qui sont rentabilisés à hauteur d'un taux fixé par le Conseil d'Etat, soient réévalués périodiquement en fonction du renchérissement.
Cette situation n'est pas satisfaisante. Du point de vue du propriétaire, elle pose un problème de rentabilité, puisque le revenu en espèces nominal tiré de l'exploitation de l'immeuble n'évolue pas en fonction du renchérissement. Par exemple, si le revenu net annuel de l'exploitation d'un immeuble est de Fr. 10 000.- au début de la vie de l'immeuble, il sera toujours de Fr. 10 000.- 10 ans plus tard, alors même que ces Fr. 10 000.- ne valent réellement plus que Fr. 7000.-, en raison de la dépréciation de la valeur de l'argent intervenue en 10 ans.
Il est évident que le système actuel n'est pas fait pour attirer l'investisseur, qui doit s'attendre à voir la rentabilité réelle de son immeuble baisser régulièrement.
Du point de vue du locataire, la situation n'est pas satisfaisante non plus. En effet, puisque l'évolution du coût de la vie n'a pas été répercutée sur les loyers pendant toute la durée du contrôle, les loyers subissent une forte augmentation au moment de la sortie de contrôle. Cette hausse des loyers est souvent de l'ordre de 30 %. Elle est due au « rattrapage » - autorisé par le droit du bail - de l'évolution de l'ISPC pendant toute la durée du contrôle des loyers (10 ou 20 ans, voire plus).
Le Conseil d'Etat est sur le point de proposer une révision importante de la LGL. Il semble que le projet de loi du Conseil d'Etat, dont la teneur exacte n'était pas connue des auteurs du présent projet de loi au moment de son dépôt, ne propose pas de remédier à la situation décrite ci-dessus. Ainsi, afin de permettre au Grand Conseil de traiter en même temps l'ensemble des propositions de modification de la LGL, nous proposons, par le présent projet de loi, de permettre une adaptation au renchérissement des fonds propres investis dans les immeubles dont les loyers sont contrôlés par l'Etat.
Afin de renforcer l'exposé des motifs, il convient de se référer aux considérants d'un arrêt du Tribunal fédéral du 16 décembre 1986. (ATF Rassemblement en faveur d'une politique sociale du logement, Christian Ferrazino et Josyane Bresson c/ Genève). Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral a considéré qu'il était contraire à la Constitution fédérale d'interdire au bailleur « d'adapter les loyers afin de compenser la perte du pouvoir d'achat de la monnaie frappant l'investissement du bailleur ». Le Tribunal fédéral ajoute que « l'impossibilité à long terme pour les bailleurs de tenir compte de l'inflation revient à geler les montants des fonds investis à leur valeur nominale initiale. Or, après 10 ou 20 ans, voire plus, la valeur nominale de l'investissement initial ne fournit plus aucune indication quant à la valeur réelle de la construction et de la prestation effectivement fournie au locataire, qui doit la rémunérer ». On ne peut mieux dire !
Cette adaptation ne se ferait que lors des années pendant lesquelles le loyer n'est pas majoré en raison de la diminution de la subvention ou de l'exonération fiscale.
L'on constate depuis quelque temps une baisse de l'intérêt des investisseurs pour la construction ou l'acquisition d'immeubles sociaux. Ce désintérêt est dû à plusieurs facteurs, dont le principal, outre le caractère contraignant de la législation genevoise en matière de construction, est, pour les raisons exposées ci-dessus, le faible rendement moyen, calculé sur la durée du contrôle des loyers, d'un investissement dans un tel immeuble.
La situation économique, à l'origine de la vacance d'un grand nombre de locaux commerciaux et de l'accroissement du nombre de locataires confrontés à des difficultés pour acquitter leur loyer, provoque une diminution du rendement des immeubles.
Au vu de ce qui précède, il nous paraît indispensable de prévoir dans la LGL que les fonds propres peuvent faire l'objet d'une indexation à l'indice officiel suisse des prix à la consommation pendant la durée du contrôle. Cette mesure est de nature à raviver l'intérêt des investisseurs pour la construction d'immeubles locatifs comprenant des logements d'utilité publique à Genève et, par là, de relancer le secteur sinistré de la construction.
Notre proposition est de nature à répondre également à la principale critique que les milieux de défense des locataires font au système institué par la LGL, à savoir l'importante augmentation de loyer consécutive à la sortie du contrôle et à l'indexation des fonds propres investis à l'augmentation du coût de la vie depuis la mise en exploitation de l'immeuble.
C'est pour toutes ces raisons que nous espérons, Mesdames et Messieurs les députés, que vous réserverez un accueil favorable au présent projet.
Personne ne demande la parole en préconsultation.
Ce projet est renvoyé à la commission du logement.