République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 29 octobre 1999 à 17h
54e législature - 2e année - 11e session - 49e séance
M 1306
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant :
que le zèle de l'OCE, consistant à pénaliser les chômeurs/euses de trois jours de suspension d'indemnité de chômage, non pas parce qu'ils/elles n'ont pas effectué des recherches, mais parce que celles-ci étaient insuffisantes, est totalement inique ;
que la loi sur le chômage prévoit, en cas de recherche insuffisante, une pénalité minimale d'un jour ;
l'article 22 de la Déclaration universelle des droits de l'homme sur le droit à la sécurité sociale (droits économiques, sociaux et culturels) indispensable à la préservation de la dignité de la personne ;
l'article 23 de la Déclaration universelle des droits de la personne sur le droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage ;
qu'il est totalement arbitraire dans ces conditions de demander aux chômeurs/euses un nombre précis de recherches d'emploi sous peine d'être pénalisés-es et que ce système, dans un tel déséquilibre d'offre et de demande, favorise et oblige la confection d'offres d'emploi bidon ;
que la situation de détresse de ces personnes n'est pas la résultante d'un libre choix et que cette pratique, loin de stimuler la personne, l'atteint dans sa dignité et la fragilise à l'heure de recevoir les inévitables réponses négatives ;
qu'il est plus important pour les chômeurs/euses de se concentrer sur la qualité de leur offre que sur la quantité ;
l'information faite par le Département de l'économie et des affaires extérieures, respectivement au Grand Conseil et au Conseil de surveillance de l'emploi, que les sanctions minimales appliquées à Genève resteraient à 1 jour comme le prévoit le dispositif légal fédéral et non pas à 3 jours comme le préconise l'OFDE
invite le Conseil d'Etat
à présenter un rapport sur :
le nombre de personnes pénalisées depuis le 1er janvier 1998 ;
le nombre de jours de suspension infligés et le nombre de recherches insuffisantes correspondant aux sanctions ;
les catégories de chômeurs/euses les plus affectées par ces suspensions ;
à faire une étude sur les circonstances qui motivent le chômeur/euse à ne pas se plier aux directives de l'OCE sur le nombre de recherches d'emploi ;
à suspendre l'application de la directive fédérale datée de janvier 1999 en attendant les conclusions du rapport sollicité ;
à appliquer, le cas échéant, strictement la loi sur l'assurance chômage prévoyant une pénalité minimale.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Après la perte de son emploi, tout/e travailleur/euse se retrouve dans une angoisse liée à l'incertitude du lendemain. Il/elle quitte un monde où le statut social est défini par une activité reconnue professionnelle et rémunérée comme telle. Un statut qui lui confère le droit de « gagner sa vie ». Car une fois au chômage il/elle prend conscience qu'il/elle ne la gagne plus, cette vie. Ce terme, savamment introduit dans nos moeurs et consciences, nous fait douter de nous-mêmes, au point de se demander si l'on a droit à la vie lorsque l'on ne peut pas se la payer en travaillant.
Cet/te ex-travailleur/euse ayant acquis socialement le titre de chômeur/euse, après une phase d'angoisse et de culpabilité, se retrouve dans une autre phase, plus difficile, qui concerne la recherche active d'un emploi. Les chances de trouver un emploi étant inversément proportionnelles à l'âge et à la sur ou sous-qualification, si l'on n'est pas dans la bonne catégorie et que l'on ne se prête pas à participer à la sous-enchère du salaire, elles deviennent quasi-nulles. C'est ainsi que le/la chômeur/euse se retrouve à faire le trottoir des offres d'emplois, et de répondre à n'importe quoi afin de présenter des recherches d'emplois alibis qui lui permettront de toucher son allocation sans pénalité.
Cet exercice, obligatoire de tromperie, non seulement porte atteinte à la dignité humaine des demandeurs d'emploi, mais les déprime quand les innombrables réponses négatives arrivent.
C'est dans ce contexte que l'OCE oblige les personnes inscrites dans un ORP (Office régional de placement) à présenter un nombre minimum d'offres d'emploi en-dessous duquel le chômeur se verra pénaliser par une suspension de ses indemnités.
Le barème des pénalités appliqué à Genève entraînant la suspension des indemnités (annexé à la présente) pour des recherches d'emploi insuffisantes stipule :
1re fois = 3 à 4 jours 2e fois = 5 à 9 jours 3e fois = 10 à 19 jours
Or, la loi fédérale sur l'assurance-chômage (LACI) stipule, à l'art. 30 sur la suspension du droit à l'indemnité, que :
1 Le droit de l'assuré à l'indemnité est suspendu lorsqu'il est établi que celui-ci:
c. Ne fait pas tout ce qu'on peut raisonnablement exiger de lui pour trouver un travail convenable ;
La durée de cette suspension est fixée par :
« l'Ordonnance sur l'assurance-chômage (OACI), art. 45 sur
Début et durée de la suspension (art. 30, 3e al. et al. 3bis, LACI) :
2 La durée de la suspension dans l'exercice du droit à l'indemnité est de :
a. 1 à 15 jours en cas de faute légère ;
b. 16 à 30 jours en cas de faute de gravité moyenne ;
c. 31 à 60 jours en cas de faute grave ;
La recherche de travail insuffisante, considérée comme faute légère est donc pénalisée, selon la loi, par une durée de suspension minimale de 1 jour. Or, au début du mois de février 1999, sont entrées en vigueur les nouvelles directives de l'Office fédéral du développement économique (OFDE) du 25 janvier 1999.
Ces directives fixent un barème uniforme pour les cas de recherches de travail insuffisantes pour tous les cantons, alors que le taux des personnes à la recherche d'un emploi n'est pas uniforme dans l'ensemble des cantons. C'est ainsi que l'application de ces directives, appliquées à Genève par l'Office régional de placement (ORP), aboutit à un triplement de la suspension minimale, passant ainsi de 1 à 3 jours de pénalité. La durée de suspension maximale ayant été augmentée, début 1997, de 48 à 60 jours !
Malgré l'information faite par le Département de l'économie et des affaires extérieures, respectivement au Grand Conseil et au Conseil de surveillance de l'emploi, que les sanctions minimales appliquées à Genève resteraient à 1 jour comme le prévoit le dispositif légal fédéral et non pas à 3 jours comme le préconise l'OFDE, force est de constater que la pénalité minimale appliquée est toujours de 3 jours. Au demeurant, le tableau des pénalités annexé à la présente fait toujours foi dans les ORT.
Mesdames et Messieurs les députés, ce durcissement intervient alors même que le nombre de places vacantes offertes sur le marché du travail était à cette même date de 1 229, soit 11,9 % par rapport au nombre des chômeurs/euses et 7,2 % par rapport aux demandeurs d'emploi, et que le nombre de sans-emploi placés par l'OCE à cette date était de 350, correspondant à 3,4 % des chômeurs/euses inscrits/es et 2,1 % des demandeurs d'emploi. D'autre part, il semble que les deux tiers des suspensions infligées en 1998, soient à cause des pénalités pour recherches de travail insuffisantes. C'est dans ce contexte qu'interviennent ces directives, alors qu'il aurait fallu procéder à une évaluation pour comprendre ou appréhender les raisons qui conduisent ces personnes à présenter un nombre insuffisant des recherches d'emploi.
Enfin, parmi les conséquences du durcissement de cette politique, on peut citer, pour les chômeurs/euses, le refus des mesures cantonales à la suite des pénalités cumulées de plus de 31 jours, et pour les services sociaux une augmentation des dossiers.
Il serait plus judicieux d'inciter les demandeurs d'emploi à cibler leur offre en fonction de leurs affinités et formation, sans imposer un critère quantitatif, tout en assurant véritablement une aide et un encadrement de la part des placeurs.
C'est dans cet esprit, et au bénéfice de ces explications que nous vous prions, Mesdames et Messieurs les député-e-s, de renvoyer la présente motion au Conseil d'Etat.
Débat
Le président. Monsieur Velasco, vous avez la parole ! (Brouhaha.) Vous ne voulez pas vous exprimer, Monsieur Velasco ?
M. Alberto Velasco (S). J'aimerais bien, mais il faudrait un peu de silence !
Comme vous le savez, un certain nombre de résidents de notre canton se trouvent au chômage. Je dis «résidents» car tous les chômeurs ne sont pas citoyens. Dans ce cadre, il leur est demandé de produire une liste comprenant un certain nombre de contacts et de lettres attestant qu'ils ont entrepris des recherches d'emploi. En principe, ce système a été pensé - mais non réfléchi - pour mesurer la volonté des chômeurs à entreprendre une recherche d'emploi et, le cas échéant, les mobiliser... Or, la réalité est tout autre : au lieu de mobiliser ces chômeurs en faisant appel à leurs ressources, ce système les démobilise, car dans une région où les places vacantes représentent 7% par rapport à la demande, où le nombre de personnes placées par l'office cantonal n'est que de 2,1%, la probabilité de recevoir une réponse négative est élevée. Et de fait, elle l'est !
La loi des chiffres fait que ces chômeurs, en raison de l'offre restreinte, postulent pour des emplois en sachant très bien qu'ils recevront une réponse négative. Ce système, Monsieur le président, encourage non seulement le mensonge, mais il le justifie ! C'est en cela que la dignité de ces personnes n'est pas respectée, parce qu'elles sont conscientes de mentir et que mentir est un acte contraire à leur morale. Elles sont pourtant obligées de le faire sous peine de se voir infliger une pénalité...
Voilà, Mesdames et Messieurs les députés, l'effet inhumain de ce système. Mais, puisqu'on demande aux chômeurs de faire cet exercice on serait tenté de croire que l'office cantonal de l'emploi est obligé de contrôler ces démarches et, le cas échéant, de les suivre. Or, si on considère le nombre de chômeurs et le nombre de recherches exigées - huit en moyenne - on constate qu'il faudrait examiner environ quatre-vingt-deux mille recherches. Vous me direz qu'ils écrivent à la même place et que ce calcul n'est pas réel. Néanmoins, il montre qu'il est impossible de répondre de manière responsable à l'exercice auquel sont astreints les chômeurs.
Dès lors, Monsieur le président, pénaliser ces personnes devient un acte totalement arbitraire et contraire à toute justice, surtout qu'en l'occurrence les directives les plus dures sont appliquées, alors qu'elles sont contraires aux directives de votre département, annoncées respectivement au Grand Conseil et au Conseil de surveillance, selon lesquelles la sanction minimale appliquée à Genève resterait à un jour, comme le prévoit le dispositif légal fédéral, et non pas à trois jours comme le préconise l'OFDE.
Voyez-vous, Monsieur le président, une de mes connaissances, libraire de profession, a perdu son emploi. Elle me disait qu'au bout d'un mois, après avoir postulé auprès de tous les libraires de la région, elle ne savait plus à qui s'adresser le mois suivant pour satisfaire les critères du nombre de recherches à présenter à l'OCE.
C'est pour les raisons que je viens de vous exposer que je vous prie, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir renvoyer cette motion à la commission de l'économie.
Mme Dolorès Loly Bolay (AdG). Tout d'abord, je tiens à dire que l'Alliance de gauche soutient cette motion pour des raisons évidentes.
En Suisse, nous avons une loi sur le chômage qui considère, toujours et encore, que le chômeur est responsable de son chômage... A Genève, vingt mille emplois ont été perdus ces dix dernières années ! Aujourd'hui, dix-huit mille personnes recherchent un emploi et il y a toujours seize mille chômeurs. Les chômeurs sont pénalisés, comme M. Velasco vient de le dire, parce qu'ils ne font pas assez de recherches d'emploi. Or, on le sait, les offres sont largement insuffisantes vu le nombre de chômeurs dans notre canton. De plus, il faut savoir que les pénalités sont cumulables, lorsqu'un chômeur a trois jours de pénalité et que cela se répète trois ou quatre mois après parce qu'il n'a pas le nombre suffisant de recherches. Il risque alors de perdre son occupation temporaire, ce qui est extrêmement pénalisant. Je vous laisse imaginer les conséquences... Lorsque je me trouvais à l'Association de défense des chômeurs, j'ai vu des cas de couples mariés avec des enfants qui se retrouvaient avec des pénalités énormes représentant parfois une semaine, voire dix jours, pendant lesquels ils n'étaient pas payés.
Cette loi est donc inique. Nous soutenons cette motion et nous vous demandons, Monsieur Lamprecht, que cette mesure soit supprimée. On sait très bien qu'il n'est pas possible de faire n'importe quelle recherche d'emploi. Si vous n'en faites pas assez vous êtes pénalisé et si vous en faites trop cela vous porte préjudice par rapport aux offres effectuées. Merci de bien vouloir nous répondre.
M. Bernard Annen (L). Je ne tiens pas à prolonger les débats, mais je voudrais tout de même dire ce qui suit.
S'il y a de réels abus, ils doivent être supprimés - je vous le concède. Je me demande simplement si les abus que vous dénoncez sont réellement des abus. A mon avis, il y a certainement quelques abus, mais vous devez reconnaître qu'il y en a aussi dans l'autre sens. C'est dire que personne ne peut me convaincre aujourd'hui que certains chômeurs ne profitent pas du système. De la même façon, je suis convaincu qu'il y a dans l'autre sens un certain nombre de débordements. L'exercice sera donc difficile pour déterminer qui est raisonnable et qui ne l'est pas, qui abuse ou non.
A partir de ce constat, Mesdames et Messieurs les députés, j'attire simplement votre attention sur le fait que si vous donnez une impression de laxisme, vous fomentez ce que vous craignez tous aujourd'hui : l'émergence de l'UDC ! Dieu sait, Monsieur, que je ne vous soupçonne pas de défendre des gens qui ne le méritent pas et que je n'ai aucune réserve par rapport aux faits que vous dénoncez, mais je pense que vous devez également pouvoir admettre que des abus existent dans l'autre sens, ce qui n'est pas acceptable non plus.
Vous pouvez demander à M. Lamprecht que ses services soient diligents, je suis d'accord avec cela. Mais vous ne pouvez pas lui demander de supprimer les sanctions, sous peine de donner l'impression à la population que les abus sont possibles. Au lieu d'atteindre votre objectif, vous allez augmenter le nombre de personnes qui abuseront de la situation en sachant, précisément, qu'il n'y aura plus de sanctions. C'est ce contre quoi je vous mets en garde. Renvoyez cette motion en commission, nous sommes d'accord d'en discuter, mais ne faites pas de mauvais procès, parce que, finalement, cela vous retombera dessus ! Faites attention ! (Exclamations.) Je le répète, il ne faut pas accepter les éventuels abus des personnes chargées d'appliquer les sanctions, mais il ne faut pas non plus supprimer les sanctions : à mon avis, ce serait une mauvaise solution !
Mme Stéphanie Ruegsegger (PDC). Vu l'heure tardive, j'essayerai d'être brève.
J'ai été surprise à la lecture de cette motion, car Genève n'a pas la réputation d'être un canton particulièrement cruel en matière de sanction contre les abus. Genève s'est même montrée plutôt progressiste pour tout ce qui concerne le traitement du chômage et même précurseur, notamment pour les emplois temporaires. Du reste, le texte de la motion indique que les sanctions prévues au niveau de la Confédération vont parfois beaucoup plus loin que celles appliquées à Genève.
Comme l'a dit M. Annen, les pénalités n'existent que pour sanctionner les abus. Sanctionner les abus, contrairement à ce que vous dites dans votre motion, en vous référant à la Déclaration universelle des droits de l'homme sur le droit à la sécurité sociale, c'est aussi permettre aux autres chômeurs de bénéficier de prestations sociales dignes de ce nom !
Les motionnaires estiment également totalement arbitraire le fait de demander aux chômeurs de procéder à un certain nombre de demandes écrites pour des recherches d'emploi. C'est méconnaître complètement la situation ou faire preuve de mauvaise foi - ce qui n'est pas impossible... - quant à la pratique de l'office cantonal de l'emploi, puisque le nombre de recherches requises est fixé en fonction du cas de chaque personne. Ce nombre n'est donc pas fixé arbitrairement, mais selon chaque cas.
Par ailleurs, les motionnaires estiment que ces demandes sont une atteinte à la dignité de la personne, car elles risquent de déboucher sur des réponses négatives. A mon sens, l'atteinte à la dignité des personnes, c'est de favoriser un système qui les maintient dans le chômage ! Assurément ne pas faire de demandes de recherches d'emploi est à peu près le meilleur moyen pour ne pas trouver d'emploi...
Enfin, vous ne m'empêcherez pas d'éprouver une certaine méfiance vis-à-vis de cette motion. Ce n'est pas la première fois qu'une motion fait état de «dérapages» - entre guillemets - de l'office cantonal de l'emploi, mais à chaque fois qu'une motion est analysée en commission on se rend compte qu'elle n'a aucun fondement. Monsieur Velasco, vous devriez pourtant vous souvenir d'une très récente séance de la commission de l'économie !
M. Alberto Velasco (S). Madame, vous dites vraiment n'importe quoi ! (Exclamations.) Oui, vous dites n'importe quoi !
Dans un canton où on compte environ dix mille chômeurs et même plus... (L'orateur est interpellé par M. Blanc.) Oui, Monsieur Blanc, dix mille, parce que tous ne sont pas enregistrés ! ...et où il y a environ un millier d'offres d'emploi, on n'a pas le droit de soupçonner les gens de ne pas faire d'efforts suffisants pour trouver un emploi ! Le rapport est tout de même significatif. Je ne sais pas s'il vous est arrivé d'être au chômage, Madame, mais moi je l'ai été ! J'ai écrit des offres d'emploi, je sais ce que c'est d'envoyer des lettres de recherche en sachant pertinemment que je n'allais pas être engagé ! Si vous vous trouviez dans une telle situation, vous comprendriez ce que c'est !
Monsieur Annen, tout système a des failles et permet certains abus. Mais est-ce une raison pour avoir un système qui pousse les gens à mentir ? Non, pas du tout ! Je suis d'accord qu'il faut pénaliser ceux qui abusent. Non seulement ce système ne pousse pas les gens à chercher un emploi mais il les pénalise. Ce système est totalement ridicule, ridicule, ridicule ! Il n'a aucun sens ! Vous savez très bien, Monsieur Annen, que les gens tournent en rond et qu'ils sont obligés d'écrire plusieurs fois à la même place pour obtenir un tampon, alors qu'ils savent très bien que cela ne servira à rien. Il serait beaucoup plus juste et correct, Monsieur Lamprecht - je n'ai rien contre vous, évidemment - que ces gens se concentrent sur une offre ou deux; cela leur permettrait de mettre leur énergie sur des postes mieux ciblés, au lieu de la disperser ! Il vaut mieux la qualité que la quantité. C'est dans ce sens que la motion est dirigée, et aucun autre. Elle ne fait qu'un constat d'une situation.
Puisque, malheureusement, des gens sont au chômage dans ce canton, j'aimerais, Monsieur Lamprecht, qu'on essaye au moins de savoir pourquoi ces personnes en arrivent à être pénalisées. On ne peut tout de même pas penser qu'ils le veulent ! Ce système comporte visiblement des lacunes, il faut donc essayer de les corriger. C'est pour cette raison que cette motion a été déposée.
Mme Magdalena Filipowski (AdG). C'est à plusieurs reprises que nous avons évoqué dans cette enceinte des dérapages et des dysfonctionnements à l'office cantonal de l'emploi. Comme à chaque fois, M. Lamprecht manifeste son étonnement et, aujourd'hui, la députée du parti démocrate-chrétien en fait autant. Pourtant, dans nos sociétés on reconnaît d'une manière générale que le problème le plus grave est celui du chômage. N'oublions pas que le Conseil d'Etat a reconnu, dans le programme de cette année, que le premier problème à résoudre était celui du chômage.
Etes-vous donc surpris que la rencontre entre les personnes qui ont un emploi à l'office cantonal de l'emploi - ce sont souvent des personnes en emploi temporaire, donc des personnes qui sont sorties du chômage - et les personnes à la recherche d'un emploi, qui traversent le plus souvent une période très dure, conduit à des situations plus que difficiles ? Je pense que le contraire serait surprenant ! Reconnaître cette réalité, c'est reconnaître la difficulté de la situation.
Ce qui est très grave pour les chômeurs, c'est l'arbitraire. On ne peut pas vraiment dire que les sanctions dans notre canton sont très sévères d'une manière générale. Non ! Mais au niveau des sanctions, les chômeurs sont confrontés à l'arbitraire et aux inégalités ! (Brouhaha.) Les personnes qui se trouvent sans emploi et qui vivent une situation extrêmement difficile ressentent chaque injustice de façon exacerbée. C'est la raison pour laquelle il est important de parler des dérapages et des dysfonctionnements chaque fois qu'il y a lieu. Alors, arrêtons de nier cette réalité !
Je vous demande donc de bien vouloir renvoyer cette motion à la commission de l'économie.
Mme Myriam Sormanni (S). Savez-vous ce que c'est que les offres bidon ? Certaines personnes se trouvent obligées de passer dans les magasins pour faire tamponner leur feuille - je sais ce que c'est, j'ai aussi été au chômage - jusqu'à obtenir les huit ou dix recherches demandées. Savez-vous ce que c'est de ne même pas recevoir de réponse aux lettres que vous écrivez ? Savez-vous que, selon l'avis des psychologues, ces personnes perdent très vite confiance en elles et sont très vite perdues sur le marché de l'emploi ? On ne doit pas mettre tout le monde dans le même sac ! Peut-être y a-t-il quelques personnes pas très correctes, mais la majeure partie l'est !
M. Carlo Lamprecht. Ce n'est effectivement pas la première fois que l'on parle de dysfonctionnements et de brimades... Moi, je veux bien l'admettre : rien n'est parfait ! S'il est possible de réduire le nombre de ce que vous appelez «dysfonctionnements» et «brimades», je serai le premier à agir dans ce sens. En effet, le chômage est la première préoccupation de mon département, encore aujourd'hui.
Vous parlez de brimades exercées à l'encontre des chômeurs à Genève... Je peux vous dire que la moyenne des sanctions prononcées à Genève est de seize pour mille, alors que la moyenne suisse est de trente pour mille. Les sanctions appliquées à Genève sont les plus légères qui soient et je me réjouis de vous le démontrer, chiffres à l'appui. J'ai regardé les statistiques aujourd'hui : au mois de septembre aucune sanction n'a été infligée à un chômeur pour un manque de recherches d'emploi.
Souvent des gens m'écrivent, car ils ont des problèmes spécifiques, que je comprends : c'est triste et désespérant de ne pas avoir de travail et de ne pas en trouver ! Alors, moi aussi je vais chercher, comme vous le faites ici en passant par moi et par l'intermédiaire de l'office cantonal de l'emploi, les raisons pour lesquelles telle personne ne trouve pas de travail et, avec mes services, nous essayons de résoudre le problème. Mais je n'admets pas qu'on continue à perpétuer l'idée que rien ne fonctionne dans mon département !
Monsieur Velasco, vous savez que nous devons respecter la législation fédérale en vigueur. Nous ne pouvons pas faire autrement à Genève qu'ailleurs. Ou alors changez la loi et prenez-en la responsabilité ! Je dois tout de même vous dire que je suis un peu las de recevoir des motions fondées sur un ou deux exemples, qui se dégonflent comme une baudruche en commission de l'économie, à la lumière des chiffres. Cela a encore été le cas récemment. Mais je me réjouis de vous fournir tous ces chiffres pour vous prouver qu'on n'exerce pas de brimades contre les chômeurs - pas plus qu'ailleurs. Avec le personnel qui est formé pour cela, que j'essaye de motiver constamment, nous essayons de faire en sorte que les chômeurs soient reçus avec dignité, de tout faire pour qu'ils retrouvent un emploi, de leur donner la chance de suivre une formation. Monsieur Velasco, vous et moi avons le même combat ! Je me réjouis de pouvoir vous donner des explications en commission de l'économie.
Le président. Les auteurs de la motion proposent son renvoi au Conseil d'Etat. Je mets tout d'abord aux voix le renvoi de cette motion à la commission de l'économie, qui prime sur l'autre proposition.
Mise aux voix, cette proposition de motion est renvoyée à la commission de l'économie.