République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 8094-A
12. Rapport partiel de la commission législative chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi de procédure civile (E 3 05) (modification du code civil du 26 juin 1998). ( --1) PL8094
Mémorial 1999 : Projet, 6389. Renvoi en commission, 6417.
Rapport de Mme Christine Sayegh (S), commission législative

Lors de sa séance du 1er octobre 1999, la Commission législative, sous la présidence de M. Bernard Lescaze, a commencé l'examen du projet de loi 8094, lequel a pour but d'adapter notre droit cantonal et principalement la procédure civile aux conditions du nouveau droit du divorce qui entrera en vigueur le 1er janvier 2000.

L'application du nouveau droit du divorce impliquera notamment une sollicitation accrue du Tribunal tutélaire. En effet cette juridiction pourra être directement saisie :

par des parents, non mariés ou divorcés, pour requérir l'autorité parentale conjointe sur leurs enfants mineurs ;

pour modifier l'attribution de l'autorité parentale ;

elle sera également compétente pour gérer les curatelles de représentation des enfants dans la procédure en divorce de leurs parents si le juge le requiert.

Ces nouvelles compétences attribuées par le droit fédéral à l'autorité tutélaire ont incité le Conseil d'Etat à augmenter le nombre de juges du Tribunal tutélaire et le porter de 4 à 5.

Il est en effet impératif que les autorités judiciaires concernées soient en mesure de répondre sans délai et de manière adéquate aux exigences du nouveau droit du divorce dès le 1er janvier 2000. Pour ce faire, la nécessité d'un juge supplémentaire au Tribunal tutélaire est démontrée et il y a lieu de modifier en conséquence la loi fixant le nombre de certains magistrats du pouvoir judiciaire du 26 janvier 1996 (E 2 10) de manière à ce qu'elle soit également en vigueur le 1er janvier 2000.

En outre il n'est pas inutile de rappeler que, malgré un accroissement continu du volume de travail associé à la multiplication des tâches, le nombre de juges du Tribunal tutélaire n'a pas varié depuis avril 1960.

Le financement de ce poste supplémentaire a déjà été avalisé par la Commission des finances en juin dernier et intégré dans le budget 1999, lequel a été accepté par notre Grand Conseil le 25 juin 1999.

C'est pourquoi la Commission législative, qui a voté à l'unanimité l'entrée en matière du projet de loi 8094, a décidé de soumettre à votre approbation, Mesdames et Messieurs les députés, avant le rapport final sur le projet de loi 8094, l'une des modifications indispensables et prioritaires à d'autres lois, prévue à l'article 2, alinéa 3 du projet de loi 8094, soit :

(E 2 10)

La loi fixant le nombre de certains magistrats du pouvoir judiciaire est modifiée comme suit :

Art. 1, lettre e (nouvelle teneur)

e) 5 juges au Tribunal tutélaire

afin que le Tribunal tutélaire puisse remplir avec efficacité ses nouvelles compétences.

La Commission législative poursuit donc l'étude du projet de loi 8094. Elle a déjà auditionné le groupe d'experts qui a conçu le projet d'adaptation procédurale consécutive au nouveau droit du divorce et mettra tout en oeuvre pour finir ses travaux à temps. Dans l'hypothèse d'un retard, le Conseil d'Etat pourra, le cas échéant et à titre provisoire, édicter les dispositions d'application nécessaires par voie réglementaire.

Au bénéfice de ces explications, la Commission législative, à l'unanimité des membres présents (1 R, 1 Ve, 1 S), vous invite à suivre ses conclusions et voter la modification légale proposée.

Premier débat

M. Michel Halpérin (L). Vu l'heure avancée, je serai bref.

Je constate que l'urgence qui est alléguée ici n'est nullement convaincante. Nous savons dans quelles conditions difficiles la commission a été saisie en dernière minute d'un train de lois - il faut l'appeler «train» plutôt que «projet» - concernant l'adaptation du droit cantonal et de procédure aux nouvelles dispositions du droit fédéral relatives à la procédure de divorce en particulier et au droit de la famille au sens le plus large.

Le nouveau droit fédéral entre en vigueur le 1er janvier prochain. On nous a expliqué, en nous remettant un projet de loi considérable à la fin de l'été, que nous devions avoir terminé nos travaux avant la fin de l'année. C'est difficilement faisable. En réalité, nous avons déjà la conviction que nous n'y parviendrons pas.

Le projet qui revient devant nous ce soir est un des fragments du projet d'ensemble. Il ne concerne que le fonctionnement du Tribunal tutélaire et il se borne à nous proposer l'extension du nombre des magistrats qui composent le Tribunal tutélaire de quatre à cinq. L'explication est la suivante : le droit fédéral imposant désormais que les enfants puissent être entendus dans une procédure de divorce, cela exige qu'un juge supplémentaire occupe cette fonction... Je suis très attentif, comme nul ne l'ignore, aux besoins des tribunaux et du Palais de justice au sens le plus large, mais, franchement, la démonstration ici n'est pas convaincante. Ce n'est pas parce que les responsabilités de nos magistrats ont quelque peu été étendues, qu'ils doivent nécessairement solliciter immédiatement des postes supplémentaires !

Il se trouve que la commission des finances siège dans quelques jours précisément pour prendre la mesure des besoins globaux du Palais. Je pense que c'est une erreur, du point de vue de la systématique, de s'occuper ponctuellement d'une juridiction après l'autre, alors que nous aurons l'ensemble des juridictions sous les yeux, dans quelques jours !

Je vous propose par conséquent de rejeter le rapport qui nous est proposé ce soir par la commission législative.

M. Bernard Lescaze (R). Je suis quelque peu embarrassé par vos propos, Monsieur Halpérin. En effet, ce que vous dites sur le fond légal est peut-être juste, mais il se trouve que c'est le Conseil d'Etat qui, dans le projet qu'il a renvoyé à la commission législative, a suggéré ce poste supplémentaire au Tribunal tutélaire, conformément à une décision qui avait été prise - je le reconnais - un peu à l'arraché lors de la discussion budgétaire au mois de juin 1999.

Le problème que vous soulevez est en fait un problème important et nous y reviendrons certainement. En effet, les nouvelles demandes seront présentées - chose curieuse - par le Palais de justice directement à la commission des finances et pas par le Conseil d'Etat, ce qui paraît en effet profondément anormal, sans qu'il y ait un plan de développement et de priorités. Mais les députés sont effectivement mal placés pour juger ou non de l'accroissement du volume de travail du Tribunal tutélaire et force est de reconnaître que non seulement la présidente de cette juridiction mais d'autres juges membres d'autres juridictions sont tous venus nous dire que c'était là, et là d'abord, que résidait la priorité, en raison du nouveau droit fédéral sur le divorce, en raison aussi du fait que cette juridiction, depuis 1960, n'avait pas connu, contrairement à d'autres, la moindre augmentation de postes.

Alors, comme nous ne sommes pas derrière le prétoire, comme nous n'avons pas entendu jusqu'à présent - à part vous, Maître - les avocats de ce parlement se manifester à ce sujet, que ce soit en commission ou en plénum - il y en a sur les bancs d'en face notamment - force m'est de dire que j'ai accepté cette création de poste en commission alors qu'au départ j'étais plutôt réticent. Le groupe radical la votera... (Commentaires et rires.) Il y en a presque autant que de libéraux ! Monsieur le président, si M. Balestra veut demander un contre-appel, je lui en laisse la liberté ! On verra lequel d'entre nous sera le plus ennuyé... Nous voterons donc ce poste, mais nous examinerons avec beaucoup d'attention les autres demandes du Palais de justice, car je trouverais très curieux qu'on nous dise qu'il faut porter l'effort à cet endroit et qu'on nous en demande d'autres juste après, lorsque ce poste sera assuré. Cela ne serait pas normal et il reviendra à la commission des finances d'examiner la chose.

Mais, malheureusement - ou heureusement, je n'en sais rien - le Conseil d'Etat a bien, dans les «Modifications à d'autres lois», accepté la création d'un cinquième poste de juge au Tribunal tutélaire, dans ce projet de loi modifiant la loi de procédure civile, et nous nous sommes ralliés aux arguments tant du Conseil d'Etat que du Palais de justice. 

Mme Christine Sayegh (S), rapporteuse. Contrairement à ce qui a été dit, il y a urgence. Pourquoi ? Parce que dans le cadre du nouveau droit du divorce, dont nous travaillons actuellement la loi d'application cantonale, il y a une autre possibilité de demander, pour des parents non mariés ou divorcés, d'exercer l'autorité parentale conjointe. Cette requête en autorité parentale conjointe relève de la compétence exclusive du Tribunal tutélaire, qui aura donc cette nouvelle compétence, importante. Les parents devront être entendus et, le cas échéant, les enfants aussi.

Les juges, notamment de la Cour de justice et du Tribunal de première instance, ont bien précisé que le travail d'un juge au Tribunal tutélaire n'est pas le même, car ce dernier ne peut déléguer aucune de ses tâches. C'est à lui de procéder aux auditions; c'est à lui d'entendre les enfants et c'est à lui, encore, de prendre les décisions. En revanche, le Tribunal de première instance comme la Cour de justice ont besoin de secrétaires-juristes et de greffiers-juristes qui peuvent décharger les juges, mais ils n'ont pas besoin de juges. Leur position était tout à fait claire à ce sujet. Nous devons, dans l'intérêt des enfants, accorder ce poste au Tribunal tutélaire si on veut enfin et véritablement permettre aux enfants de s'exprimer. Cela évitera la guerre entre les parents non mariés ou divorcés, qui souhaitent exercer de concert l'autorité parentale. 

M. Michel Halpérin (L). Je suis assez surpris de vos propos, Madame Sayegh, autant que des vôtres, Monsieur Lescaze...

Madame Sayegh, c'est la première fois, en tout cas depuis que je siège dans ce parlement, qu'on nous demande des postes de juges avant d'avoir mesuré l'impact sur le fonctionnement d'une juridiction d'une innovation législative quelconque. Ce que vous dites est exact à propos du transfert de certaines compétences, mais nous ne savons pas encore quel impact cela aura, puisque ça n'a pas encore commencé à fonctionner. Jusqu'à maintenant, les juges avaient pris l'habitude qui me semblait raisonnable d'attendre d'être physiquement débordés pour nous demander de les soulager. Aujourd'hui, ils anticipent d'un possible débordement !

Deuxième remarque. Ces compétences nouvelles ne le sont pas pour le Palais. Elles le sont pour le Tribunal tutélaire. Alors, peut-être sera-t-il possible d'enlever au Tribunal de première instance une unité au profit du Tribunal tutélaire, mais ce n'est pas ce qu'on est en train de nous proposer. La compétence supplémentaire du Tribunal tutélaire s'accompagnera nécessairement d'une baisse des travaux au Tribunal de première instance ! Madame Sayegh, vous ne pouvez pas dire que les juges de première instance délèguent leurs tâches, même si les projets qui nous ont été envoyés en commission des finances font penser que tout le Palais de justice aimerait tout d'un coup tout déléguer à tout le monde ! Mais cela est un autre débat.

Monsieur Lescaze, vous êtes apparemment d'humeur bénigne pour le Palais de justice... Nous en prenons acte avec un peu d'étonnement. Nous vous attendions plus soutenu et plus cohérent sur un tel sujet ! En tout cas, vous n'avez pas réussi à me convaincre et à me faire changer d'avis ! 

Mme Christine Sayegh (S), rapporteuse. Je tiens à ajouter une précision importante concernant la nouvelle procédure en divorce. Dans cette nouvelle procédure, la liquidation du régime matrimonial devra se faire avant le jugement en divorce, ce qui ne se faisait pas jusqu'à maintenant. Les procédures seront donc beaucoup plus longues. Le Tribunal de première instance et la Cour de justice veulent un appui logistique, une aide pour rédiger les jugements.

Une voix. Ils vont se croiser les bras !

Mme Christine Sayegh, rapporteuse. Mais non, ils ne vont pas se croiser les bras ! Vous les connaissez aussi, et vous savez très bien qu'ils travaillent énormément. Cela fait trente-neuf ans que le Tribunal tutélaire n'a que quatre juges ! Si c'était trop il y a trente-neuf ans, je vous assure qu'aujourd'hui c'est insuffisant ! C'est donc une mesure tout à fait indispensable. Il faut prendre cette demande en considération, car on ne peut pas mettre en doute leur bonne foi.

Je vous prie donc de voter ce projet. 

M. Bernard Annen (L). Je ne suis pas un spécialiste en la matière. Ceux-ci se sont exprimés.

Je suis toutefois étonné par l'urgence invoquée dans ce projet, dans la mesure où pas plus tard que mercredi prochain la commission des finances va recevoir les délégués du Palais de justice, le procureur général en tête. Ils nous donneront des explications sur le manque de postes - juges, huissiers, secrétaires-juristes ou que sais-je - mais en prenant le problème dans sa globalité. Comme je l'ai dit en commission des finances, je ne vois donc pas où est l'urgence. A moins que vous ne vouliez faire le forcing pour faire passer votre projet, je ne comprends pas pourquoi vous n'accepteriez pas de faire un bilan général dans quelques jours... Je ne comprends du reste pas que l'administrateur du Palais de justice vienne nous expliquer la situation, alors que le procureur général ne s'est jamais déplacé à la commission des finances pour expliquer ses desiderata. Nous ne pouvons pas pratiquer un tel saucissonnage : le problème doit être traité dans son ensemble, uniquement sur le plan financier, et chaque juridiction pourra ensuite faire l'objet d'une adaptation en ajoutant un poste ici ou là.

Suite à vos propos, Monsieur Lescaze, j'ajoute que c'est le Conseil d'Etat qui a supprimé des postes au pouvoir judiciaire dans le budget précédent, ce n'est pas nous ! (L'orateur est interpellé.) Si, c'est le Conseil d'Etat qui, dans le cadre de son budget, a décidé de supprimer des postes au pouvoir judiciaire ! Le parlement a rétabli la situation et le gouvernement décide aujourd'hui d'ajouter des postes dans cette juridiction... Je ne trouve pas sérieux de faire le forcing sur cet objet à minuit et quart, même si je suis conscient, Madame Sayegh, de l'importance du sujet ! C'est précisément parce qu'il est important qu'il faut le traiter dans sa globalité pour répondre à la demande du Palais de justice, la semaine prochaine.

Je vous suggère d'être raisonnables et de reporter cet objet à la prochaine session, c'est-à-dire dans quinze jours - quinze jours, ce n'est pas grand chose ! A ce moment-là, nous connaîtrons les demandes globales du Palais de justice et nous pourrons voter en toute connaissance de cause.

M. Christian Grobet (AdG). Lorsque nous avons discuté, il y a environ deux ans, des dispositions légales concernant la Justice de paix et la Chambre des tutelles, je vous rappelle que le Conseil d'Etat avait notamment demandé de supprimer le dépôt des testaments à la Justice de paix. Nous l'avons finalement maintenu. A l'époque, les magistrats de la Justice de paix et de la Chambre des tutelles avaient justifié leur demande en expliquant que depuis 1960 leurs tâches avaient considérablement augmenté et qu'ils avaient par conséquent de la peine à faire face à la situation.

Certains des députés de la commission judiciaire, dont moi-même, je l'avoue, s'étaient demandé s'il n'était pas judicieux de créer un poste supplémentaire pour cette juridiction. A l'époque, précisément, on augmentait le nombre des juges au Tribunal de première instance et à la Cour de justice sans se soucier de la Chambre des tutelles. Je trouve donc parfaitement logique que le Conseil d'Etat aborde maintenant cette question, parce que, au fond, certains d'entre nous avaient émis ces préoccupations à l'époque. Il est d'autant plus judicieux que le Conseil d'Etat fasse cette proposition que - et M. Halpérin le sait fort bien en tant qu'avocat - les nouvelles dispositions qui vont régir le droit du divorce à partir du 1er janvier vont donner passablement de travail supplémentaire aux juridictions et notamment à l'autorité tutélaire.

Alors, vous me direz que le Tribunal de première instance est aussi visé, mais, sauf erreur, ce dernier compte une vingtaine de juges, ce qui permettra de mieux répartir le travail. Par contre, l'autorité tutélaire ne compte que quatre juges. Le surcroît de travail qui sera occasionné par l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions du code civil sur le droit du divorce, accentué par la surcharge d'il y a deux ans dont nous sommes convaincus, justifie à mon sens d'accorder une unité de plus à cette juridiction. Le fait d'accorder une unité à une juridiction qui a été oubliée ne signifie nullement que l'on va accepter de nouvelles demandes pour les autres juridictions, qui, elles, ont effectivement bénéficié d'une augmentation du nombre de leurs magistrats ces dernières années.

Par conséquent, reporter ce projet de quinze jours ne nous apportera rien de nouveau. Les députées et députés qui font partie de la commission législative ont voté ce projet en toute connaissance de cause. Vu le nombre de projets qui sont en attente à l'ordre du jour du Grand Conseil, je pense qu'il est parfaitement légitime de voter celui-ci ce soir, pour ne pas ajouter un point supplémentaire aux points encore en souffrance. 

Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue :

Loi(8094-1)

modifiant la loi de procédure civile (E 3 05)(modification du code civil du 26 juin 1998)

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :

Article 2 Modifications à d'autres lois

(E 2 10)

3 La loi fixant le nombre de certains magistrats du pouvoir judiciaire, du 26 janvier 1996, est modifiée comme suit :

Art. 1, lettre e (nouvelle teneur)

Le président. Le Bureau vous propose, Mesdames et Messieurs, de renvoyer les projets de lois 8070 et 8085 en commission sans débat de préconsultation. Il n'est pas fait d'autre proposition, il en sera donc fait ainsi.